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Analyse comparative des politiques d’intégration professionnelle des étrangers admis à titre provisoire dans les cantons des Grisons et Vaud

 

Master of Public Administration

 

 

 

 

 

 

 

 

Analyse comparative

des politiques d’intégration professionnelle

des étrangers admis à titre provisoire

dans les cantons des Grisons et Vaud

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIERES

 

RESUME.. 5

INTRODUCTION.. 6

1.1       Contexte, problématique et question de recherche. 6

1.2       Politique d’intégration au niveau fédéral. 9

1.3       Politique d’intégration au niveau cantonal. 12

1.4       Plan de l’étude. 13

2…………………………………………………………………………………………………… Cadre theorique.. 13

2.1       Sélection des cantons. 13

2.2       Concepts théoriques. 14

2.2.1    L’organisation de l’administration.. 15

2.2.2    La qualité de l’information donnée. 17

2.2.3    L’accès effectif à la santé. 18

2.2.4    Le profilage de la population migrante. 19

2.2.5    L’apprentissage de la langue régionale. 22

2.2.6    L’entrée dans la vie active. 24

2.2.7    Le rôle des structures ordinaires. 26

2.2.8    Le rôle des entreprises. 27

3…………………………………………………………………………………………….. demarche empirique.. 28

3.1       Méthodologie. 28

3.2       Questionnaire et entretiens. 28

4……………………………………………………………………………….. presentation des resultats. 29

4.1       Analyses des pratiques cantonales au regard de la théorie. 29

4.1.1    Comment les cantons organisent-ils leur administration ?.. 31

4.1.2    Comment les cantons informent-ils les migrants ?.. 33

4.1.3    Comment les cantons donnent-ils accès à la santé ?.. 34

4.1.4    Comment les cantons profilent-ils leur population migrante ?.. 34

4.1.5    Comment les cantons organisent-ils l’enseignement de la langue ?.. 36

4.1.6    Comment les cantons aident les migrants à entrer dans la vie active ?.. 38

4.1.7    Comment les structures ordinaires cantonales s’impliquent-elles?. 40

4.1.8    Comment les employeurs cantonaux s’impliquent-ils?.. 41

4.1.9    Synthèse comparative des actions cantonales au regard de la théorie. 43

4.2       Analyses des principales différences et similitudes entre Vaud et Grisons. 47

4.2.1    Implications différentes des acteurs. 48

4.2.2    Modèles organisationnels différents. 52

4.2.3    Outils d’intégration semblables. 53

5………………………………………………………………………………………………… recommandations. 54

5.1       Une structure organisationnelle optimisée. 54

5.1.1     Comité de pilotage. 55

5.1.2     Responsabilisation de chaque acteur. 56

5.2       Stratégies optimisées. 57

5.3       Partenariat étendu avec les employeurs. 60

5.4       Des outils d’intégration supplémentaires. 63

5.5       Synthèse : matrice des actions et des acteurs. 64

5.6       Plus d’homogénéité des actions cantonales. 65

CONCLUSION.. 67

BIBLIOGRAPHIE.. 71

ANNEXE 1 – QUESTIONNAIRE.. 75

ANNEXE 2 – PERSONNES INTERVIEWEES. 77

ANNEXE 3 – COMPTES-RENDUS DES ENTRETIENS. 78

1/ GR- BCI- MMES. P. GANTER ET C. MEIER (LE 26.07.16). 78

2/ GR- PARLEMENTAIRE- M. ANDRI PERL (LE 13.09.16). 83

3/ GR- DIRECTION HILTON- MME. LEONIE TROTTMANN (LE 30.09.16). 87

4/ GR- IG OFFENES DAVOS- M. PHILIPP WILHELM (LE 30.09.16). 88

5/ VD- BCI- MME. AMINA BENKAIS-BENBRAHIM (LE 07.07.16). 92

6/ VD- EVAM- M. FREDERIC MAG (LE 26.09.16). 97

7/ VD- PARLEMENTAIRE- M. JEAN-MICHEL DOLIVO (LE 25.08.16). 102

8/ VD- PATRONAT ROMAND- M. MARCO TADDEI (LE 30.08.16). 106

9/ VD- OCE- M. FRANCOIS VODOZ (LE 25.08.16). 108

 

 

 

RESUME

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

La question de l’intégration des étrangers en Suisse revêt une importance cruciale à l’heure des grands mouvements migratoires de ces dernières années et des défis qu’ils posent aux sociétés d’accueil.

Avec les ressortissants de l’Union européenne principalement, la Suisse connait essentiellement une immigration économique. Il s’agit  d’accueillir  provisoirement des personnes venues temporairement répondre à un besoin économique, le regroupement familial et le séjour définitif n’étant pas considérés comme prioritaires.

Bien que la Suisse ait une tradition d’immigration importante avec plus d’un cinquième de sa population née à l’étranger, en particulier depuis l’après-guerre, elle n’a découvert la problématique de l’intégration que relativement récemment.

1.1        Contexte, problématique et question de recherche

 

Conformément à l’article premier de la convention de Genève de 1951, le statut de réfugié est accordé exclusivement à une personne persécutée dans son pays en raison de ses opinions, de son appartenance ethnique ou de sa religion et dont son gouvernement ne la protège pas. Au demeurant, il s’agit d’un acte fort de politique étrangère à l’égard d’un pays tiers.

 

Les personnes qui ne peuvent pas recevoir le statut de réfugié mais dont le renvoi dans leur pays d’origine n’est pas possible actuellement pour des raisons de sécurité sont admises à titre provisoire et reçoivent un permis F.

 

Dans les faits, contrairement à la notion de « provisoire », les professionnels suisses[1] de la migration attestent que cette population au bénéfice d’un permis F reste souvent durablement en Suisse (cf. par exemple ORDAE, 2015). Alors que le statut de réfugié est peu accordé, le nombre de personnes admises à titre provisoire est lui grandissant. Il en ressort donc un enjeu sociétal particulier et la question se pose inévitablement de savoir comment intégrer ces personnes.

 

Selon les statistiques de l’Office fédérale de la statistique, le taux d’intégration professionnelle des personnes titulaires d’un permis F est largement inférieur à celui des suisses d’âge, de sexe, de situation sociale et économique comparables et diffère de façon importante entre les cantons (EVAM, 2014). Les raisons en sont multiples. Hormis le rôle et les particularités de l’économie cantonale, des politiques cantonales spécifiques (correspondant à des programmes cantonaux spécifiques également) sont conduites pour cette population F et semblent contribuer pour une part importante à des taux d’insertion professionnelle contrastés.

 

Cette relative diversité des programmes d’intégration cantonaux, plus particulièrement à propos de l’intégration professionnelle des permis F, laisse apparaitre un certain nombre de questionnements, nécessairement sur les contenus de ces programmes, leur mise en œuvre respectivement, et leurs résultats effectifs. Certes, la comparaison de ces éléments d’un canton à un autre pourrait se révéler assez complexe car ils devraient tenir compte des contextes spécifiques rencontrés dans chaque canton. Néanmoins, il devrait y avoir (du moins théoriquement) des éléments comparables à cause du fait que chaque programme d’intégration cantonal (PIC) doit être rédigé en faisant référence, entre autres à la politique publique en matière d’intégration au niveau de la Confédération. Le principal intérêt de tenir compte de certains critères de comparaison des PIC réside dans l’identification des bonnes pratiques en matière d’intégration, pour la population F plus particulièrement, en fonction de leurs efficacités respectives par exemple.

 

En fait, il est constaté que les taux d’intégration professionnelle sont sensiblement différents entre les cantons, et les écarts entre ces taux sont particulièrement remarquables pour certains cantons. En effet, le Tableau 1 montre des taux d’intégration professionnelle relativement plus élevés que la moyenne nationale pour les cinq cantons représentés, à l’exception du canton de Vaud qui est très en-dessous de cette moyenne. L’écart entre le taux d’Argovie et celui de Vaud en 2013 vaut un peu moins de 26 points (celui entre Soleure et Vaud est également comparable). Pourquoi un écart aussi manifeste ? Est-ce uniquement à cause de la diversité contextuelle entre les cantons ?

 

De plus l’évolution de ces taux d’intégration professionnelle de la population F est également intéressant car pouvant refléter l’évolution éventuelle des pratiques de chaque canton sur ce domaine. Certes, tous les taux des six cantons représentés dans le Tableau 1 évoluent négativement, dans le même sens que l’évolution de la moyenne nationale, de 2013 à 2014. Cependant, les rythmes d’évolution de ces cantons sont également très différents, allant de 0.5 points pour le plus stable (Soleure) jusqu’à 9.1 points pour le moins stable (Zurich). Ici encore, les réalités cantonales sont-elles les seules responsables de ces écarts d’évolution ? Or, il est admis que chaque PIC soit rédigé sur la base de ces réalités cantonales : donc, cela ne signifie-t-il pas que les pratiques de certains cantons en matière d’intégration professionnelle sont significativement « meilleures » que celles d’autres cantons ?

 

 

Tableau 1 – Taux d’insertion professionnelle du permis F en août 2013 et en mai 2014 (en pourcentage)

  2013 2014 Variation (en points)
Argovie 51.8 43.7 – 8.1
Berne 38.3 34.3 – 4.0
Fribourg 36.1 28.6 – 7.5
Soleure 47.4 46.9 – 0.5
Vaud 26.2 22.3 – 3.9
Zürich 42.7 33.6 – 9.1
Suisse (moyenne) 39.8 34 – 5.8

Source : EVAM (2014)

 

Pour réduire la complexité de la comparaison, pourtant nécessaire, entre tous les cantons, il peut être envisagé de se focaliser sur deux cantons seulement. Mais, pour que cela offre le maximum d’informations intéressantes possibles (notamment concernant les différences de pratiques suivant leur efficacité), le choix de ces deux cantons devrait être justifié par la plus grande diversité possible des pratiques en matière d’intégration professionnelle des personnes dotées d’un permis F.

 

En guise de synthèse, la présente étude va dans le sens de cette comparaison des pratiques d’intégration professionnelle de la population F en se basant sur la question centrale ci-après : Quelles approches pour favoriser l’insertion professionnelle des étrangers admis à titre provisoire ont été mises en œuvre dans deux cantons suisses ces cinq dernières années ?

 

Cette question centrale se décline désormais en deux questionnements majeurs :

 

  • Est-il possible d’identifier une (des) approche(s) particulièrement prometteuses ?
  • Quelles seraient des actions complémentaires à engager rapidement pour améliorer l’insertion professionnelle des personnes ayant un permis F ?

 

1.2        Politique d’intégration au niveau fédéral

 

La politique d’intégration des étrangers peut être définie comme l’ensemble des mesures politiques dont l’objectif explicite est d’améliorer la participation sociale, économique, culturelle et politique des migrants et de leurs descendants.

Le pilotage de cette politique est assuré par la Confédération, plus exactement par le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM), qui est garante du respect de l’unité de doctrine et du bon usage des subventions fédérales dans les mises en œuvre cantonales. La stratégie est réfléchie, co-construite, co-décidée par les trois niveaux institutionnels Confédération-cantons-communes. La Confédération négocie seulement avec les cantons qui se chargent de la coordination avec les communes. Les bases légales comme les mesures spécifiques résultent ainsi d’un travail largement coopératif. Les éventuels arbitrages et synthèses sont assurés par l’autorité supérieure, Confédération et cantons, dans son rôle de facilitateur et garant de la cohérence d’ensemble.

Jusqu’en 2006, la Confédération allouait certaines subventions directement aux communes (c’est le cas par exemple pour Renens dans le canton de Vaud) qui prenaient l’initiative de développer des projets, en particulier en matière d’enseignement des langues. Certains cantons comme par exemple Neuchâtel, confrontés à une importante proportion de migrants, avaient quant à lui pris l’initiative de créer un cadre à une politique d’intégration. Ce n’est cependant qu’avec la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers[2] que la politique d’intégration, après de longues négociations, se structure véritablement au niveau national. Le dispositif fixe les objectifs, libère les ressources et crée un encadrement institutionnel avec notamment la  mise en place d’une commission fédérale consultative et d’un organe chargé de piloter la mise en œuvre uniforme de la politique dans l’ensemble des cantons. Entre 2008 et 2010, la Confédération oblige chaque canton à se doter  d’un Bureau cantonal de l’Intégration (BCI) qui sera l’interlocuteur de la Confédération, et c’est en 2013 que seront signées les premières Conventions-programmes entre la Confédération et chacun des cantons.

 

La Suisse suit une voie médiane entre multiculturalisme et assimilationnisme. Pragmatique et  peu idéologique, sa politique d’intégration vise la cohésion sociale des populations, indépendamment de leur origine ou lieu de naissance, et donc la lutte contre toutes formes de discrimination et d’exclusion (CTA, 2009). On peut noter encore que dans sa conception, la politique d’intégration prévoit des aspects contraignants pour les migrants, mais laisse une large marge d’appréciation aux cantons. L’exemple le plus marquant est celui de pouvoir lier le succès de l’intégration à un titre de séjour durable du type permis B. La politique suisse d’accueil des migrants se fonde sur la double culture ou ce qu’on pourrait nommer l’inter-culturalisme : les migrants ont le devoir d’entrer pleinement dans la culture et l’économie locale, d’en apprendre et partager les codes tout en gardant présente et vivante leur culture première, tandis que la population suisse et ses institutions ont la responsabilité de s’ouvrir, d’accueillir, de faciliter tous les apprentissages nécessaires. Mais il n’y a pas de valorisation publique particulière des cultures issues de la migration : la culture d’origine se vit dans le cadre privé.

La Confédération et les cantons ont arrêté une stratégie commune axée sur la cohésion nationale, c’est-à-dire sur le partage des valeurs inscrites dans la Constitution, le nécessaire respect mutuel entre Suisses et immigrés et l’égalité des chances sur les plans économique, social et culturel.

La politique publique en la matière intitulée « encouragement à l’intégration » se structure autour de trois piliers :

  • ouverture bienveillante des Suisses aux migrants via des campagnes d’information pour faire adhérer le plus grand nombre au bien-fondé de la politique menée ;
  • usage des structures ordinaires dans un but d’efficience économique mais surtout pour lutter contre la discrimination (en coordination avec l’encouragement spécifique) ;
  • encouragement spécifique défini dans l’ordonnance de 2007 sur l’intégration des étrangers (OIE)[3].

 

Selon l’OIE, toute personne étrangère, à l’exception des demandeurs d’asile, doit avoir accès à trois types de mesures :

  • information et conseil: responsabilisation via le développement de conventions individuelles d’intégration[4].
  • formation et travail: cours de langue, encouragement à inscrire les jeunes enfants dans des structures préscolaires, formation professionnelle et aide à la recherche d’emploi ;
  • compréhension et intégration sociale : interprétariat, mesures visant à favoriser l’ouverture à la culture de l’autre et la compréhension mutuelle, à limiter le communautarisme.

La politique d’intégration « à la Suisse » est orientée sur des mesures spécifiques : elles sont subsidiaires et complémentaires aux mesures dispensées par les structures ordinaires généralistes ouvertes à tous (école, formation professionnelle, etc.). Les cantons disposent d’une marge d’appréciation notable dans sa mise en œuvre et s’appuient sur une myriade d’associations chargées de l’exécution des mesures. La politique d’intégration suisse est donc bien cadrée au niveau national mais présente une diversité de formes dans les cantons.

1.3        Politique d’intégration au niveau cantonal

À l’exception de quelques programmes nationaux conduits par la Confédération, l’essentiel de la mise en œuvre incombe aux cantons et aux communes. Chaque canton, via son délégué à l’intégration responsable du bureau cantonal du domaine, rédige lui-même et signe avec la Confédération un contrat de prestations quadriennal – aussi appelé convention-programme ou programme d’intégration cantonal (PIC) – qui d’une part respecte les trois grands types de mesures spécifiques décrits dans l’OIE (« information et conseil, formation et travail, compréhension et intégration sociale »), et d’autre part intègre les particularités locales et les priorités politiques de la région. La grande diversité des PIC atteste d’une organisation fédéraliste laissant au final une marge de manœuvre importante aux cantons. Les bureaux cantonaux d’intégration, mis en place entre 2008 et 2013, sont les partenaires du SEM sur le terrain. Ils représentent la charnière centrale de cette politique, élaborent dans le cadre fédéral les objectifs cantonaux et gèrent les contributions financières de la Confédération, du canton et éventuellement des communes. Ils veillent à la mise en œuvre de leur PIC, soit directement, soit via les services à l’intégration des communes. Conformément à la philosophie de la Nouvelle Gestion Publique et à la place qu’y prend la sous-traitance, les associations à but non lucratif expérimentées dans l’interculturalité sont mandatées – souvent de gré à gré – pour offrir les prestations aux bénéficiaires. L’administration ne fournit que très rarement elle-même des prestations directes en matière d’intégration.

 

1.4        Plan de l’étude

 

L’intégration professionnelle des étrangers admis à titre provisoire touche un large panel d’actions à mener de front. Le présent travail  propose

  • une synthèse des principales actions publiques d’un niveau de responsabilité cantonale recommandées par la littérature (§ 2.2)
  • une analyse des pratiques cantonales de deux cantons différents (voir ci-dessous le paragraphe sur le choix des cantons retenus) au regard de la littérature (cf. § 4.1)
  • des recommandations (cf. § 5).

 

Remarque

Le terme générique de migrant couvre l’ensemble des personnes étrangères arrivant en Suisse ; il sera néanmoins utilisé dans la présente étude comme un synonyme de réfugié (permis B) ou de personne admise à titre provisoire (permis F).

 

2          Cadre theorique

2.1        Sélection des cantons

 

En l’absence d’une documentation disponible à ce jour donnant une vue d’ensemble des 26 pratiques cantonales, le choix des deux cantons retenus pour la présente étude s’est fait sur la base de trois caractéristiques contextuelles (cf. infra – Tableau 2 – Différence de réalités cantonales entre le Vaud et le Grison à travers trois caractéristiques). Sur chacune d’entre elles, les Grisons et Vaud sont particulièrement différents offrant une perspective multiple d’analyse du fait de cette grande diversité des réalités dans ces deux cantons (du moins, à travers ces trois variables). En effet, les langues dominantes utilisées dans les deux cantons sont différentes, de même que le Vaud est une zone urbaine tandis que le Grison est un canton globalement rural. Il faut aussi parler des taux de chômage sensiblement différents (avec plus de 3 points d’écart) qui pourrait, peut-être, impacter sur les conditions d’intégration professionnelle d’une population relativement marginale telle que celle des permis F.

 

Tableau 2 – Différence de réalités cantonales entre le Vaud et le Grison à travers trois caractéristiques

 

Signalons également que la grande majorité des professionnels suisses de l’intégration cite le canton des Grisons comme le « bon élève » du moment et le prend souvent en exemple. Il était donc souhaité et souhaitable de choisir ce canton (Bourget, 2016). A l’inverse, l’intégration professionnelle au niveau du canton de Vaud présentait quelque peu une faiblesse relative comparée à d’autres cantons (cf. supra – Tableau 1 – Taux d’insertion professionnelle du permis F en août 2013 et en mai 2014).

 

En tout cas, ces premières informations ne devraient pas constituer un a priori absolu préjugeant les qualités des programmes en matière d’intégration professionnelle dans les deux cantons. Il s’agit principalement, il faut le rappeler, d’identifier les bonnes pratiques dans ce domaine au niveau de ces deux cantons.

 

2.2        Concepts théoriques

 

Ces concepts –parfois les mêmes avancés dans plusieurs endroits- sont issus de cinq études importantes. (EVAM 2014, OCDE 2012, SFM 2012, CRS 2012, KEK-CDC 2014)

 

Ces concepts sont regroupés en huit thématiques constitutives des sous chapitres ci-dessous.

 

Autant les idées principales sont présentes et suffisantes pour comparer les cantons, autant il ne s’agit pas d’une présentation forcément exhaustive.

 

2.2.1          L’organisation de l’administration

 

L’intégration professionnelle doit s’inscrire dans un processus global d’intégration solide et structuré sur plusieurs années. L’Etat se doit donc, d’allier rigueur et souplesse, de conceptualiser un chemin d’intégration jalonné d’étapes précises tout en construisant des parcours largement individualisés en partenariat actif avec le migrant (Liebig, Kohls, & Krause, 2012). En effet, au niveau stratégique, il est montré à travers l’exemple des ORP (Offices régionaux de placement) qu’il est important d’optimiser entre sévérité et souplesse dans l’accompagnement en vue d’une insertion professionnelle, sous peine de faible efficacité : trop d’engagement de la part des demandeurs d’emploi pourrait les décourager, tandis qu’une approche trop douce ou encore trop coopérative vis-à-vis de ceux-ci diminuerait la probabilité de placement. En fait, l’optimisation devrait être faite à deux niveaux stratégiques (Frölich & al., 2007) :

 

  • D’une part, entre une stratégie authentique de coopération et une stratégie de pression. La première stratégie met l’accent sur la collaboration avec les migrants demandeurs d’emploi, en tenant souvent compte des désirs de ceux-ci (concernant les modalités de l’emploi demandé) ; la seconde stratégie insiste sur le contrôle et la pression (c’est-à-dire des sanctions et des assignations). Il apparait que les conseillers qui s’orientent trop sur la première stratégie sont confrontés plus souvent à des résultats moins bons (concernant l’insertion professionnelle) surtout à l’égard des personnes non-qualifiées. Par contre, les conseillers faisant preuve davantage d’autorité obtiennent des résultats meilleurs.
  • D’autre part, entre une stratégie de qualification et une stratégie de placement. La première stratégie concerne les conseillers qui se soucient notamment de l’amélioration des qualifications des chercheurs d’emploi, tandis que la seconde stratégie est relative aux conseilleurs qui veulent avant tout placer ces demandeurs d’emploi en cherchant à les intégrer le plus rapidement possible au monde professionnel. La première stratégie semble être nettement meilleure (que l’autre) : « L’activation rapide (éventuellement accompagnée de contraintes) vers la recherche d’un emploi, et surtout le fait d’accepter un poste, a eu des effets plutôt positifs sur la réinsertion des chômeurs» (Frölich & al., 2007, p. 13).

 

Une organisation étatique centralisée et transparente sous la forme d’un guichet unique facilite l’intégration. Attribuer à chaque migrant un fonctionnaire référent unique pour l’ensemble de ses besoins et questions permet de tisser une relation personnelle de confiance et d’avoir une connaissance accrue des spécificités de chaque personne. Ce suivi global sur la durée du cheminement de la personne apporte un réel bénéfice car il permet non seulement d’évaluer et éventuellement d’ajuster des mesures mises en place, mais aussi parfois d’exiger par exemple des mesures rectificatives comme un investissement supplémentaire de la part du migrant (KEK-CDC Consultants, 2014).

 

Néanmoins, les organisations des ORP offrent un cadre de réflexion sur les structures susceptibles de produire des résultats meilleurs auprès des migrants en termes d’intégration professionnelle, notamment à propos de l’organisation des travaux des conseillers auprès des demandeurs d’emploi. Désormais, ces ORP ont des structures et procédures organisationnelles très variées, en voulant probablement s’adapter aux contextes et problèmes auxquels ils font face. Une première constatation est faite sur l’efficacité relative d’une organisation caractérisée par la séparation des prérogatives relatives aux contrôles (dont les activités de conseil) et celles associées à la prise de décision sur les sanctions à attribuées éventuellement (le cas échéant) aux demandeurs d’emploi (cette stratégie de sanction destinée à inciter ces derniers à être actifs dans la démarche pour l’intégration professionnelle sera expliquée plus loin). Un deuxième constat indique que l’attribution de tâches administratives optimisées aux conseillers, ni trop lourdes ni trop légères, a vraisemblablement un effet positif sur le rendement du travail de ces derniers. Enfin, une troisième remarque porte sur les résultats nettement meilleurs obtenus en terme de réinsertion des demandeurs d’emploi lorsque les ORP procèdent à un « échange de dossier de cas en cas » (Frölich & al., 2007, p. 14).

 

Par ailleurs, capable de travailler réellement en réseau, les services cantonaux doivent soutenir activement un fonctionnaire « référant ». La réussite du processus passe par un fort accompagnement humain (EVAM, 2014).

 

De façon analogue et complémentaire au « référant », mettre en place les conditions du mentorat est un axe de travail prometteur. Se voir attribuer un second parrain chargé spécifiquement d’accompagner le migrant sur le chemin de l’emploi est un atout de taille.  Il s’agit là aussi de trouver des voies professionnelles innovantes visant à valoriser les ressources disponibles au lieu de se focaliser sur les éventuels déficits (Swiss Forum Migration, 2012).

 

2.2.2        La qualité de l’information donnée

 

Prendre tout le temps de donner aux migrants un large accès à l’information, sous des formats appropriés, compréhensibles tenant compte de leur langue et du niveau de formation, est primordial. Il convient de comprendre que les migrants souvent « changent de monde ». Les caractéristiques les plus simples et les évidences du fonctionnement et des attentes de notre société sont de ce fait à dire et à expliquer en détail (Croix-Rouge suisse, 2012).

 

L’exemple de la brochure élaborée par le Secrétariat d’Etat aux Migrations illustre ce serait attendu par les cibles (les réfugiés reconnus, réfugiés admis à titre provisoire, et personnes admises à titre provisoire, c’est-à-dire les détenteurs de permis B et F) comme informations nécessaires pour leur intégration. Cette brochure inclue alors, entre autres, des contenus tels que les bases légales concernant ces populations expliquant leurs droits et obligations ainsi que les conditions de leur établissement sur le territoire suisse (notamment les informations aidant ces individus dans leur intégration professionnelle dont leur accès à des cours de perfectionnement professionnel afin de mettre à niveau leurs qualifications pour qu’ils aient plus de chance sur le marché de travail suisse). Cette brochure est mise à disposition sous formats imprimé et électronique sur le site web du SEM[5], accessible en douze langues étrangères différentes (les informations utiles à propos du lieu de résidence sont disponible en quinze langues[6]). En tout cas, les centres de compétence Intégration ainsi que les services spécialisés dans l’intégration au niveau de chaque canton ont été institués pour délivrer les conseils et les accompagnements dont ces individus ont besoin pour leur intégration (surtout professionnelle). Les migrants peuvent également voir des informations (détaillées autant que possible) concernant des sujets spécifiques[7].

 

2.2.3        L’accès effectif à la santé

 

La migration engendre souvent des soucis de santé. Pierre angulaire d’une reconstruction personnelle dans un nouveau pays et d’une intégration réussie, l’accès aux soins physiques et psychiques doit être garanti grâce au remboursement intégral des coûts médicaux et de traduction (KEK-CDC Consultants, 2014).

 

Par ailleurs, il faut noter que l’état de santé de l’individu (en même temps que les facteurs de mobilité individuelle et de qualifications formelles) a une forte influence sur l’employabilité de celui-ci. Cette relation entre le concept d’employabilité et état de santé a même été un sujet d’émergence de ce concept dans les années 1950 (à propos de l’état de santé des demandeurs d’emploi au niveau des populations défavorisées, plus spécifiquement). En fait, cette notion d’employabilité peut être qualifiée de centrale dans le contexte des populations assez marginales telles que les migrants. Désormais, plus l’état de santé d’un individu est médiocre, moins il a de chance de retrouver un emploi stable, répondant à de telle situation décourageant les employeurs. En effet, le mauvais état de santé des demandeurs d’emploi réduit leur marge de manœuvre dans leur capacité de faire de la concession pour mieux s’adapter aux exigences des postes offerts par les employeurs (Brussig & Knuth, 2009).

 

Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’informer les personnes migrantes cibles des exigences en matière de santé dans le pays d’accueil, mais également et surtout de les inciter à emprunter les voies menant vers la satisfaction de ces exigences. En citant toujours l’exemple de la brochure élaborée par le SEM (cf. paragraphe précédent : 2.2.2 La qualité de l’information donnée), celle-ci renseigne les migrants sur le système sanitaire existant et oriente ceux-ci vers les entités spécialisées adaptées à leurs situations et besoins (prévention et traitement des maladies, conseils pour les victimes de la torture et de la guerre, etc.).

 

2.2.4        Le profilage de la population migrante

 

Delautre et Georges (2007) définissent le profilage « comme une méthode opérationnelle permettant un classement et une orientation précoce des demandeurs d’emploi vers des services et certains types d’accompagnement, en fonction de leur risque de chômage de longue durée, de façon à fournir une aide préventive adaptée à leur situation » (p. 1). C’est une technique développé aux Etats-Unis puis importée par les pays européens entre les années 1990 et les années 2000. Il existerait trois modèles majeurs de profilage, très utilisés dans le cadre d’accompagnement à l’insertion professionnelle :

 

  • Le modèle d’expertise qui s’appuie essentiellement sur le jugement des conseillers, ceux-ci élaborent un bilan interactif de la position du demandeur d’emploi à la suite d’un entretien avec celui-ci, un bilan destiné à déterminer le type d’accompagnement dont ce demandeur a besoin. Ce modèle permet de considérer des caractéristiques difficile ou impossible à modéliser (comme la motivation, le comportement, etc.). En revanche, sa mise en œuvre est très couteuse et repose trop sur la subjectivité du conseiller (problème d’objectivité).
  • Le modèle de sélection qui définit le risque de chômage de longue durée en fonction de l’appartenance du demandeur d’emploi à un groupe déterminé préalablement, à chaque groupe étant associé un type d’aide spécifique. Bien que sa mise en œuvre est relativement moins couteuse, ce modèle s’appuie sur des caractéristiques saillantes des intéressés sans suffisamment tenir compte d’autres caractéristiques plus personnelles.
  • Le modèle statistique qui se base sur un modèle mathématique souvent complexe, généralement issu d’un calibrage d’une série de variable (régressions logistiques, modèles de durée, arbres de décisions). Bien entendu, la qualité du modèle dépend de sa robustesse.

 

En veillant à ne laisser personne au bord de la route, des groupes sont à identifier (dans le cas général, et dans le cas des migrants en particulier) :

 

  • les 18-25 ans dont le jeune âge en font un enjeu particulier
  • les personnes à haut potentiel
  • les femmes avec de jeunes enfants
  • les mineurs non accompagnés (MNA)
  • les personnes analphabètes ou ayant été peu scolarisées.

 

Profiler la population permet de concevoir en amont des programmes adaptés d’intégration qui tendent à optimiser le processus ce qui est déterminant (EVAM, 2014).

 

Il est également fondamental de prendre le temps de poser un bilan approfondi et partagé prenant en compte toutes les compétences du migrant, ce qui constituera un précieux investissement pour monter un projet personnel adapté d’intégration. La co-construction permet de réellement individualiser le processus et de responsabiliser davantage la personne (OCDE 2012).

 

Toutefois, il est important de tenir en compte certains éléments qui influencent largement sur la qualité du profilage. En effet, les expériences (en matière de profilage) du Pays-Bas, du Danemark et du Royaume-Uni donnent des mises en garde sur les utilisations inefficace de cette technique. Ainsi, pour le Pays-Bas, le profilage a été conçu en tant qu’outil d’aide à la décision à travers le modèle du « Kansmeter », à mi-chemin entre le modèle d’expertise et le modèle statistique, d’où son appellation « modèle outillé ». Ce modèle repose sur trois séries de données, à savoir les compétences théoriques formalisées (formation, qualification, expertise), les aptitudes personnelles, et les perspectives des métiers. Mais, de fortes critiques ont été émises à l’encontre de ce modèle car « l’effet « durée d’inscription » avait un impact plus fort sur la sortie du chômage que l’effet de « sélection » » faisant en sorte que « s’il existe bien une corrélation positive entre le niveau de profilage et la durée moyenne effective de chômage […] un nombre important de demandeurs d’emploi quitte le chômage plus tard que prévu (28 %) » (Delautre & Georges, 2007, p. 4). De ce fait, à cause de son caractère trop statique et l’importance trop prononcée concernant la position théorique du modèle de Kansmeter, celui-ci a laissé progressivement la place à celui de l’AB Routering qui apparait plus dynamique et ne se base plus sur le calcul de l’écart avec le marché du travail (modèle statistique). Ce modèle, largement plus apprécié, privilégie la capacité de l’individu à chercher un emploi. De plus, ce modèle fait l’objet d’une actualisation tous les trois mois (réalisé par un conseiller référent) pour combler les défauts du Kansmeter.

 

Le modèle de profilage danois, quant à lui, est un outil au service de « l’activation », c’est-à-dire dont l’objectif est d’inciter le demandeur d’emploi à sortir le plus rapidement possible de sa situation de chômage en acceptant tout emploi convenable, tout en lui accordant un revenu conséquent durant la période d’inactivité. Un point commun entre les modèles hollandais et danois réside dans le fait que le profilage est un outil d’aide car l’entretien personnalisé mené par le conseiller reste l’élément majeur de décision. Mais, le problème du modèle danois se trouve dans un outil intégré de celui-ci, le « Job Barometer » qui démontre une efficacité très critiquée (le tiers des demandeurs d’emploi ne parviennent pas à trouver d’emploi dans la période prévue). Les deux modèles, hollandais et danois, font désormais face à une problématique centrale concernant le profilage lui-même : celui-ci s’intéresse au risque individuel de chômage de longue durée, alors qu’il convient plutôt de se focaliser sur la notion d’employabilité différentielle, d’autant plus qu’une personne présentant un risque élevé de chômage long pourrait aussi être très proche des exigences du marché du travail.

 

Pour le cas du Royaume-Uni, le profilage apparait tout simplement comme un outil inadéquat avec le contexte du pays. En effet, le fort turn-over sur le marché de travail britannique (donc, avec un chômage transitoire important) fausse le résultat du modèle, d’autant plus que la plupart des chômeurs retrouvent rapidement du travail.

 

En somme, d’une manière généralisée, mais pouvant aussi s’appliquer au cas de l’intégration des migrants détenant un permis F, il faut faire attention à l’utilisation du profilage bien qu’il pourrait être d’une aide considérable dans ce contexte. « Les trois exemples examinés indiquent que l’intérêt de la mise en place d’un outil de profilage statistique doit être considéré au regard du contexte conjoncturel et institutionnel du marché du travail dans lequel il est introduit » (Delautre & Georges, 2007, p. 8).

 

2.2.5        L’apprentissage de la langue régionale

 

La langue est le vecteur premier incontournable d’intégration. Adaptés à chaque groupe, orientés sur la vie quotidienne et un usage professionnel, des cours de langue sont à offrir à chaque migrant. Or, une étude de 2008 montre que « moins d’un immigré originaire de pays à faible revenu sur quatre a pu suivre un cours de langue dans les deux années qui ont suivi son arrivée. Moins de la moitié des personnes qui ont immigré en Suisse pour des raisons humanitaires déclarent avoir bénéficié de cours de langue, alors qu’elles forment le principal groupe ciblé par la politique d’intégration mise en œuvre à l’échelon fédéral » (Liebig, Kohls, & Krause, 2012, p. 45).

 

Il est indispensable de s’interroger sur les méthodes d’apprentissage. Sur ce point, il y a lieu de penser qu’il serait plus efficace de dispenser les cours de manière intensive (tous les matins par exemple) sur une période longue et continue, pour autant que les intéressés les suivent avec assiduité. Plus l’immersion dans la langue nouvelle est grande, plus l’apprenant apprendrait vite et bien. Ainsi, grouper les heures nécessaires sur les huit premiers mois de résidence dans le canton est très nettement préférable à un même nombre d’heures réparti sur plusieurs années.

 

Viser le niveau B1 doit être l’objectif. En effet comprendre ne suffit pas. Une certaine aisance dans la pratique de la langue est nécessaire à moyen terme pour garder ouvertes toutes les opportunités de vie professionnelle (KEK-CDC Consultants, 2014).

 

Certains experts estiment que l’intégration professionnelle devrait être recherchée suite à l’atteinte du B1. D’autres pensent que l’apprentissage linguistique – une fois les bases acquises – se fait mieux dans un contexte professionnel et de ce fait privilégient l’emploi à un programme ‘séparé’ d’apprentissage de la langue (EVAM, 2014). Il faut reconnaitre que chacune de ces deux options comporte aussi bien des avantages que des inconvénients, ce qui incite à trouver une solution d’optimisation entre ces deux voies. Dès lors, cette optimisation devrait être réalisée en tenant en compte les différents facteurs de motivation et d’obstacles à l’apprentissage de la langue. En effet, l’atteinte des objectifs associés à l’apprentissage linguistique (l’intégration professionnelle, en l’occurrence) dépend étroitement, non seulement du cadre méthodologique de l’apprentissage mais également du cadre contextuel dans lequel vivent les migrants. Le Caritas International (2014), pour sa part, identifie, dans une étude sur la formation et l’emploi auprès de la population des refugiées dans le contexte belge, plusieurs obstacles à l’apprentissage de la langue, entre autres :

 

  • Difficulté à l’accès au logement qui conduit, par la suite, à un problème de déplacement vers les points de formation ;
  • Problèmes au niveau administratif retardant ou empêchant l’inscription au cours de langue ;
  • Problèmes particuliers pour les femmes enceintes et/ou celles avec enfants de bas-âges ;
  • Inexistence de cours intensifs accessibles financièrement qui soient adaptés au cas des migrants ayant un degré avancé d’éducation ;
  • Changements (réguliers) des enseignants ;
  • Apprentissage difficile d’un nouvel alphabet ;
  • Faible immersion (contacts et pratiques) auprès de la population locale de la part des migrants ;

 

Parmi les sources de réussite dans l’apprentissage linguistique par les migrants, le Caritas International (2014) identifie :

 

  • La motivation du migrant ;
  • L’offre ciblée (et ainsi adaptée) de cours de langue ;
  • La subvention des cours de langue pour les migrants dans le cadre de leur intégration ;
  • Le fait de faire de l’apprentissage de langue une obligation pour les migrants.

 

2.2.6        L’entrée dans la vie active

 

Le marché du travail suisse demande souvent des qualifications reconnues par le système de formation national. Sans évoquer ici la reconnaissance des diplômes étrangers de compétence fédérale, rendre plus visible et plus simple les validations d’acquis ou des formations « passerelles » en accéléré aiderait à l’employabilité des migrants qui, pour une part, ont obtenus des diplômes parfois élevés dans leurs pays d’origine (Croix-Rouge suisse, 2012).

 

Dans le même temps, tout en proposant une activité qui plaît, il convient d’expliquer et de convaincre la personne de prendre un premier emploi à un niveau de responsabilité inférieure à celui tenu dans son pays d’origine. Pour le migrant, il s’agit d’apprendre les méthodes locales et de montrer par son travail son savoir-faire et son savoir-être. A défaut d’accepter cette étape, le premier travail risque de tarder à venir (KEK-CDC Consultants, 2014).

 

En effet, en revenant à l’exemple sur l’étude de cas des ORP, il a été « relevé qu’un objectif de réinsertion (rapide) avait un impact positif sur les chances de réinsertion des demandeurs d’emploi moins qualifiés. Par contre, le fait de vouloir améliorer la situation personnelle (et psychique) des demandeurs d’emploi s’est révélé négatif. La différence entre un objectif de réinsertion rapide et celui d’une réinsertion durable est faible, mais les résultats tendent en faveur de la première » (Frölich & al., 2007, p. 11). Plus précisément, « l’activation rapide (éventuellement accompagnée de contraintes) vers la recherche d’un emploi, et surtout le fait d’accepter un poste, a eu des effets plutôt positifs sur la réinsertion des chômeurs » (ibid., p. 14).

 

L’entrée dans une activité au sens large – c’est-à-dire emploi, stage, bénévolat ou formation – est à engager « rapidement », sans que cela signifie s’engager en dehors de ses intérêts et compétences (Liebig, Kohls, & Krause, 2012).

 

Désormais, Kluve (2010) identifie quatre principales catégories de Programmes actifs sur le marché du travail (PAMT) pour le contexte européen occidental (deux autres sont également intégrées dans la classification de l’OCDE et l’Eurostat, mais celles-ci décrivent plutôt des groupes cibles et non pas vraiment des types de programmes : programmes destinés aux jeunes d’une part, et aux personnes soumises à handicap d’autre part). Ces programmes ont pour but l’intégration professionnelle des populations cibles (Kluve, 2010) :

 

  • D’abord, il y a la formation (training) sur le marché du travail, englobant la formation en classe, la formation sur le tas et l’expérience professionnelle. La formation a nécessairement pour but d’améliorer l’employabilité et/ou la productivité des intéressés ainsi que le capital humain de ceux-ci en cherchant à augmenter leurs compétences. Néanmoins, il a été montré par l’auteur que le programme de formation a une très modeste chance d’impacter positivement de manière significative sur le taux d’emploi post-programme.
  • Ensuite, il y a les programmes incitatifs du secteur privé qui sont plutôt destinés à influencer les comportements des employeurs (ce type de programme sera abordé plus en détail dans un paragraphe plus loin, cf. infra – 2.8 Le rôle des entreprises).
  • Puis, il y a les programmes d’emploi direct dans le secteur public qui se focalisent sur la création et la fourniture directe de travaux dans le domaine public, ainsi que d’autres activités dans la production de biens/services publics. Les principales cibles de ce type de programmes sont les personnes les plus défavorisées mais les emplois créés viennent généralement en plus de ceux qui sont désormais assez éloignés du marché du travail. Toutefois, il a également été montré que ce type de programmes, bien que le moins cher à développer, a un faible impact positif sur le taux d’emploi post-programme.
  • Enfin, il y a le type « Services et sanctions » qui rassemble tous les programmes destinés à améliorer l’efficacité de la recherche d’emploi, mais qui se démarque de la simple « aide à la recherche d’emploi » car incluant des sanctions en cas de non-respect des exigences dans ce cadre. Il a été constaté que ce type de programmes est particulièrement efficace en termes d’intégration professionnelle.

 

Selon les données disponibles de 2005, les dépenses publiques pour ces divers types de programmes varient beaucoup au niveau des pays de l’Europe occidentales, celles de la Suisse a été évaluée à un peu plus de 0.5% de son PIB (plusieurs pays tels que le Pays-Bas, le Danemark et la Suède ont des dépenses de plus de 1% de leur PIB, tandis que celles d’autres comme la République Tchèque, le Royaume-Uni et la Slovaquie sont inférieures à 0.5%) (Kluve, 2010).

 

Des mécanismes financiers incitatifs à la prise d’un emploi sont enfin à mettre en place. Sur la forme, le procédé administratif devrait avoir le souci de la dignité de la personne en la laissant opérer elle-même le remboursement d’une partie des coûts engagés par la collectivité pour son intégration. Sur le fond, il serait utile d’allonger l’échéancier des remboursements pour garantir un pouvoir d’achat significativement plus élevé en emploi qu’à l’assistance (EVAM, 2014).

 

Il faut tout de même noter que les strictes réglementations de protection contre le licenciement réduisent considérablement l’efficacité des moyens existants pour l’intégration professionnelle. Aussi, les programmes actifs pour l’intégration professionnelle apparaissent les plus efficaces lorsque le taux de chômage est relativement le plus élevé (Kluve, 2010). Tout ceci semble dire que l’intégration professionnelle des migrants ne devrait pas s’appuyer sur des programmes « trop » souples, sans toutefois ignorer les préférences et le contexte particulier de chacun de ces individus.

 

2.2.7        Le rôle des structures ordinaires

 

Il faut que la Suisse sache aussi s’intéresser aux profils des migrants pour les intégrer et élargir son offre économique et qu’elle sache évaluer des compétences en dehors des critères mis en place.

Les structures ordinaires et les centres de formation professionnelle doivent développer des filières nouvelles, plus souples dans leurs critères d’entrée, pour permettre aux différentes catégories de migrants, en particulier aux jeunes, de bénéficier des filières suisses et de se (re)qualifier (Swiss Forum Migration, 2012).

 

Permettant de tisser des liens et de garder confiance en soi, le bénévolat peut être aussi une étape vers un stage ou un premier emploi. Par exemple, Fribourg propose des stages rémunérés au-delà de 2 mois avec une convention de stage « Il consisterait en un stage d’essai suivi d’une prise d’emploi accompagnée de subsides pour l’employeur. Ceux-ci sont de 1’000 CHF pour les deux premiers mois, puis de 500 CHF pour les quatre mois suivants avec un suivi en entreprise par les conseillers en intégration. » (EVAM, 2014, p. 13).

 

C’est une voie à part entière sur laquelle agir qui traduit la nécessité de mener des actions à large spectre.

 

2.2.8        Le rôle des entreprises

 

Une relation étroite emprunte de compréhension et de confiance mutuelles doit être construite avec un large pool d’employeurs. Les fonctionnaires référents des migrants doivent avoir la même facilité d’accès à ces entreprises qu’aux services cantonaux. Une analyse renouvelée des besoins du marché économique est nécessaire car le tout n’est pas simplement d’être en contact avec des entreprises, il faut encore que ces entreprises aient un besoin et dans ce cas comprennent l’intérêt d’employer des migrants (EVAM, 2014).

 

De ce partenariat de qualité doit découler des formalités administratives simples pour l’obtention rapide d’autorisations d’embauche et de stages prolongés pour donner davantage de temps au migrant de s’adapter sans pénaliser l’entreprise qui accepte de jouer le jeu. (OCDE 2012).

 

En fait, les programmes incitatifs du secteur privé (d’efficacité similaire à ceux des « services et sanction ») ont une performance nettement meilleure que les autres catégories du PAMT (cf. supra – 2.2.6 L’entrée dans la vie active) car ils ont une probabilité de 30 à 50 points de pourcentage plus élevée en termes d’efficacité à l’intégration professionnelle par rapport aux programmes de formation (training). Le programme qui apparait le plus important dans l’incitation au secteur privé est la subvention salariale afin « d’encourager les employeurs à embaucher de nouveaux travailleurs et/ou à maintenir des emplois qui seraient autrement rompus » (Kluve, 2010, p. 905). Les subventions peuvent être offertes, soit directement aux employeurs, soit versées aux travailleurs durant un temps limité, et concernent essentiellement les chômeurs de longue durée de même que les personnes les plus défavorisées.

 

En outre, les programmes incitatifs du secteur privé concernent également la promotion de l’emploi autonome. Les chômeurs qui décident alors de démarrer leurs propres activités entrepreneuriales reçoivent ainsi des subventions et un soutien consultatif pendant une durée limitée (Kluve, 2010).

 

La lutte contre le racisme et la discrimination à l’embauche doit être menée avec conviction à travers des actions informatives régulières usant d’arguments liés aux préoccupations des entrepreneurs (Croix-Rouge suisse, 2012).

 

L’Etat doit aussi rechercher à nouer des partenariats avec les ONG et les institutions privées pour étendre ses leviers toujours dans le but de faire du cas par cas (Croix-Rouge suisse, 2012).

 

3          demarche empirique

3.1        Méthodologie

 

Dans cette comparaison entre ce que dit la littérature et ce que font les cantons aujourd’hui, il est nécessaire d’y ajouter l’écoute des différents acteurs pour y entendre des avis et des vécus parfois plus librement exprimés et nuancés. Certaines questions concernent plus spécifiquement tel ou tel interviewé ; il est cependant intéressant d’entendre chacun si possible sur l’ensemble des questions.

 

Les personnes auditionnées figurent à l’annexe 1. Il s’agit des administrations responsables de l’intégration conformément à l’organisation cantonale des Grisons et de Vaud, d’un(e) élu(e) ayant un suivi particulier de cette politique, d’un représentant des dirigeants d’entreprise.

 

3.2        Questionnaire et entretiens

 

Le choix et la formulation des questions sont reliés à la question de recherche, à la théorie et aux hypothèses dans le but de chercher à consolider une méthodologie. (cf. annexe 1)

Si le rôle et les méthodes de l’administration sont déterminants,  d’autres acteurs ont également une place importante dans la pleine réussite de l’intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire.

 

Les entretiens ont eu lieu en face à face et ont duré 1h30 en moyenne. (cf. annexe 2)

 

 

4          presentation des resultats

4.1        Analyses des pratiques cantonales au regard de la théorie

 

A la lumière des interviews, nous regardons ici si les pratiques cantonales sont proches ou éloignées des concepts.

 

Avant cela, désormais, M. Vodoz de l’Office cantonale de l’emploi (OCE) donne une idée assez optimiste sur l’état des lieux de l’intégration des migrants en Suisse[8]. Il insiste ainsi sur une intégration qui « se fait particulièrement bien » et « sans phénomène d’exclusion » (A3/9/ VD- OCE- M. FRANCOIS VODOZ). Ce chef de service de l’OCE affirme d’ailleurs que « le marché du travail est ouvert et intègre formidablement bien les migrants », « la société suisse est accueillante » et que « la situation actuelle n’est donc pas alarmante » [M. Vodoz]

 

Cet état des lieux trouve un appui à travers :

 

  • D’une part, la déclaration du parlementaire Andri Perl (A3/2/ GR- PARLEMENTAIRE- M. ANDRI PERL) qui note que le taux d’insertion professionnelle des permis F (probablement) dans le canton de Grison aurait atteint 40% (2015), tout en soulignant que « ce n’est pas suffisant» [M. Perl].
  • D’autre part, l’information donnée par Amina Benkais-Benbrahim du Bureau cantonal de l’intégration (BCI) de Vaud (A3/5/ VD- BCI- MME. AMINA BENKAIS-BENBRAHIM) que « l’intégration professionnelle des F par rapport à 2015 augmente de 20%» [Mme Benkais-Benbrahim]

 

De son côté, le parlementaire Jean-Michel Dolivo (A3/7/ VD- PARLEMENTAIRE- M. JEAN-MICHEL DOLIVO) de Vaud approche la situation suisse avec un tableau plus sombre avec un accent politique très marqué sur une problématique précise : « Tant que des droits ne sont pas reconnus aux personnes admises à titre provisoire, l’intégration n’est pas possible. Le statut actuel accentue l’exclusion et la précarité […] Il n’y a pas d’intégration sans stabilité personnelle ; le permis en question ne la donne pas » [M. Dolivo].

 

Il est clair, à travers ces points de vue apparemment divergents (mais aussi complémentaires), que juger le contexte suisse d’intégration (notamment professionnelle) au niveau de la Confédération avec une vue nécessairement d’ensemble ne permet que des appréciations soumises à de forte subjectivité.

 

De ce fait, il est important de baser l’analyse sur un modèle (d’analyse) devant fournir des informations les plus objectives possibles, et les huit variables d’analyse vues dans le cadre théorique (organisation de l’administration des acteurs de l’intégration, l’information pour les migrants, leur accès à la santé, leur profilage, l’organisation de leur apprentissage linguistique, leur entrée dans la vie active, l’implication des structures ordinaires et l’implication des employeurs dans la question d’intégration professionnelle des migrants) information pour les migrants, devraient vraisemblablement tendre vers cet objectif. Cela justifie alors l’approche qui consiste à appréhender les informations brutes issues des entretiens à travers ces huit points de questionnement.

 

4.1.1        Comment les cantons organisent-ils leur administration ?

 

Un élément singulier de l’organisation grisonne est la pleine compétence attribuée à la déléguée à l’intégration du canton pour les premières mesures du processus d’intégration. Nous constatons ici que les Grisons sont en phase avec une recommandation de l’EVAM dans son rapport de décembre 2014.

 

En fait, selon Mme Ganter et Mme Meier du BCI de Grison (A3/1/ GR- BCI- MMES. P. GANTER ET C. MEIER), le pilotage au niveau du BCI est centralisé et réalisé par trois jobs coach ainsi qu’une coordinatrice de l’intégration linguistique.

 

Ce processus de première intégration est piloté par un unique service de coordination, qui s’occupe des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire, dans le but d’avoir le bénéfice d’une vue d’ensemble stratégique et opérationnelle, tout le temps nécessaire. Ce service

 

  • fait l’interface entre l’ensemble des interlocuteurs étatiques et les employeurs d’une part, et le migrant d’autre part (rechercher l’emploi auprès des entreprises, contacter les employeurs, accompagner le migrant en jouant le rôle d’intermédiaire entre les deux parties, soutenir administrativement les entreprises). L’objectif est d’atténuer les effets négatifs d’absence de réseau sur le canton et de connaissances du fonctionnement sociétal suisse, notamment des entreprises.

 

  • organise les mesures pour l’apprentissage de la langue et pour l’intégration sociale et professionnelle spécifiques au groupe (choix du cours dans un établissement de formation linguistique, définition d’un plan d’action, en l’occurrence). Un service de gestion des cas dans la promotion des langues et des coaches professionnels recherchent des solutions individualisées.

 

  • évalue et contrôle régulièrement si les mesures d’intégration sont opportunes et si elles répondent aux objectifs fixés, et procède à l’examen individuel du succès de l’apprentissage (contrôle ponctuel et régulier, évaluation de la progression, évaluation des savoirs faires sur trois semaines dans cinq domaines d’activité).

 

Le Parlementaire, M. Perl valide cette centralisation du pilotage au niveau du canton de cette politique publique en soulignant que « l’organisation centralisée au niveau cantonal est un gage d’efficacité ». Ce travail demande de l’expérience et un réseau important. Donner cette responsabilité à de petites entités administratives ne serait pas efficient. Les caractéristiques démographiques et géographiques des Grisons permettent d’avoir un seul lieu de pilotage. Ce modèle n’est certes pas transposable tel quel partout. L’idée est de veiller à avoir des pôles de taille minimale [M. Perl].

 

En phase avec les concepts, cette organisation grisonne traduit la volonté, d’une part d’investir la globalité du processus d’intégration,  et d’autre part d’accompagner la personne qui a souvent besoin d’une « boussole » dans son nouvel environnement de vie.  Ce suivi personnalisé permet de demander parfois plus d’investissement personnel, de rassurer et mettre les gens en confiance ; l’intégration se joue aussi sur le plan psychologique. [Mmes. Ganter et Meier]

 

De façon complémentaire à l’action étatique, les associations citoyennes grisonnes de soutien aux migrants se multiplient et participent de la même logique, celle de favoriser et multiplier les liens sociaux comme gage d’intégration car il ne s’agit pas de juste occuper les gens, mais bien de les aider à prendre place dans la société. Le maire de Davos – politiquement à droite – salue l’action d’IG Offenes qui contribue à la paix sociale à travers ses actions permettant aux populations de se reconnaître (A3/4/ GR- IG OFFENES DAVOS- M. PHILIPP WILHELM).

 

L’organisation du canton de Vaud n’est pas centralisée. Le Bureau cantonal de l’intégration pilote la stratégie et mandate l’EVAM pour gérer sa mise en œuvre opérationnelle.

 

Comparativement à l’organisation centralisée dans le canton de Grison, il n’y a pas d’interface unique connue et reconnue entre le migrant et un interlocuteur lambda.

 

L’EVAM procède à un bilan de compétences, et exige depuis peu que les cours de langues commencent plus tôt, c’est-à-dire deux mois après l’arrivée en Suisse.

 

Le suivi se fait depuis peu de temps sur le modèle grisonnais avec des coaches, mais seulement pour les 18 à 25 ans.

 

A ce jour, les migrants du canton de Vaud sont peu accompagnés sur toutes les étapes du long chemin d’intégration [Mme. Benkais-Benbrahim].

 

Tant sur le plan de l’organisation administrative que sur le mode de suivi, il ressort une moindre application des recommandations théoriques dans le canton de Vaud.

 

4.1.2          Comment les cantons informent-ils les migrants ?

 

Aux Grisons, une attention particulière est portée sur l’accueil de toutes les personnes prises en charge par le BCI des Grisons sachant que leur permis F ou B signifie fort probablement une présence à long terme. Des séances d’informations approfondies sont organisées et les migrants en âge de travailler bénéficient systématiquement d’un bilan de compétences et d’une évaluation linguistique. Ce bilan permet de mettre en place des mesures correspondant à  chaque situation (apprentissage de la langue ; mesures relatives à l’activité professionnelle). Pour permettre une communication efficace, le service Verdi de traduction interculturelle met en relation les migrants avec des traducteurs professionnels interculturels dans près de 60 langues. [Mmes. Ganter et Meier]

 

Par ailleurs, des associations grisonnes sont également actives pour offrir davantage d’informations pertinentes mais aussi, et surtout, pour établir un cadre de communication le plus proche possible de la population concernée. Il en est ainsi des actions de l’association IG Offenes Davos, citées par M. Wilhelm, une association qui se veut être le « premier réseau social des migrants » (détenteurs de permis F ou B) de sorte que ceux-ci restent en contact avec cette association. De plus, l’association met à leur disposition une conseillère sociale et juridique pour remédier au manque de confiance dans l’administration interne au centre de transit. En outre, l’association organise trimestriellement des repas conviviaux, réunissant près de 200 personnes, des migrants-immigrants et des suisses de Davos : « Alors que l’intégration passe beaucoup par le réseau social, ces gens se reconnaissent et des liens se créent. Sur la base d’un volontariat bénévole, des solidarités entre des migrants et des autochtones se mettent en place » [M. Wilhelm].

 

L’Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) est en charge des requérants d’asile porteurs des permis N et des étrangers porteurs de permis F.

 

Il en ressort une communication plus complexe, différenciée par type de permis, pour  mettre de la nuance à la perspective d’intégration des personnes permis F dont la présence en Suisse à long terme n’est encore qu’à espérer.

 

Cela étant, l’EVAM opère un travail d’information important analogue à celui des Grisons pour la population ayant un permis F sur laquelle nous nous concentrons (A3/6/ VD- EVAM- M. FREDERIC MAG).

 

4.1.3          Comment les cantons donnent-ils accès à la santé ?

 

La prise en charge des frais de traduction n’est pas automatique et entière dans le canton des Grisons. Il y a donc là un frein à l’accès aux soins notamment psychologiques. Conscient de la faiblesse, le BCI recherche le moyen d’y remédier [Mmes. Ganter et Meier].

 

Le canton de Vaud relève aussi une difficulté d’accès aux soins pour un motif différent, celui de la faible disponibilité de traducteurs compétents dans des langues « rares » (par exemple dialectes afghans ou irakiens) [M. Mag]

 

4.1.4        Comment les cantons profilent-ils leur population migrante ?

 

Les deux cantons travaillent de façon analogue. Concevoir des enseignements et des parcours différentiés selon un groupe type d’appartenance est la règle admise et appliquée par tous. A cela s’ajoute un deuxième réglage tenant compte des souhaits et des aptitudes de chaque personne. Cela veut dire que le profilage des deux cantons combine à la fois, d’une part, le modèle d’expertise (se basant sur le jugement des jobs coach après avoir pris en compte les préférences du demandeur d’emploi et, d’autre part, le modèle de sélection (qui tient compte de l’appartenance du demandeur d’emploi à une catégorie bien définie). Cette individualisation du processus d’intégration ne fait pas débat [Mmes. Ganter et Meier, M. Mag].

 

Mmes. Ganter et Meier ont en effet voulu expliquer la stratégie qui consiste pour le Canton (de Grison) de « laisser le temps aux migrants de chercher leur voie » : « Il ne s’agit pas d’occuper les gens mais de les aider à prendre place dans la société ; pour autant que les capacités à étudier soient reconnues, la formation est le premier choix pour donner plus d’atouts sur la durée »

 

De son côté, M. Mag insiste sur cette individualisation de l’intégration en voulant, en quelque sorte, que les migrants aient une certaine autonomie à côté du fait qu’ils ont aussi besoin d’accompagnement, notamment en matière d’insertion professionnelle. Selon lui, « le système devrait grandement plus donner envie aux personnes admises à titre provisoire de se responsabiliser fortement et de chercher elles-mêmes le chemin de la pleine indépendance ». En d’autres termes, le canton de Vaud semble privilégier une stratégie de minimalisation du profilage distinguant les permis F d’autres catégories de population. M. Vodoz a un point de vue plus prononcé à ce propos en défendant « qu’il faut accepter de ne pas pouvoir intégrer certaines personnes » et que « focaliser sur une population peut faire perdre la vue d’ensemble. Le Canton de Vaud a 27’000 demandeurs d’emploi et 3’000 permis F. […] Faire des différences risquerait de stigmatiser une population et va à l’encontre de l’objectif d’intégration global à moyen terme ».

 

Néanmoins, les points de vue des grisons font nuance (voire en opposition sur certain plan), en appréciant les propos de Mmes. Ganter et Meier : « Evaluer les migrants selon le moule suisse ne va pas; il faut des évaluations différenciées qui tiennent compte des parcours de vie ». Dans ce sens, Mmes. Ganter et Meier veulent faire améliorer le système en prenant plus de considération (au niveau du profilage) concernant les jeunes (de moins de 25 ans), une catégorie de migrants nécessitant une approche particulière dans leur accompagnement.

 

4.1.5        Comment les cantons organisent-ils l’enseignement de la langue ?

 

Le canton des Grisons s’est doté d’outils multiples en faveur de l’apprentissage de la langue comme facteur primordial d’intégration. Ainsi, le plus rapidement possible, différents niveaux de cours sont proposés aux migrants :

 

  • cours d’alphabétisation et de lecture destinés aux personnes n’ayant jamais été scolarisées
  • cours de mise à niveau (A1/A2) intensifs (tous les matins sur une durée minimum de huit mois sans discontinuer) ou semi-intensifs (les samedis ou en soirée)
  • cours intensifs destinés aux personnes capables d’atteindre le B1
  • cours destinés aux personnes désireuses de suivre une formation ou d’acquérir une qualification (B2).

 

Désormais, les migrants dans le canton des Grisons sont généralement tenus (obligatoirement) de suivre un cours intensif de 4 à 5 fois par semaine, d’une durée minimum de huit mois avec comme objectif l’atteinte du niveau B1 (au moins le A2). Il a été fait pour que le cours soit d’une part, adapté pour les personnes analphabètes et, d’autre part, souple pour permettre aux personnes en emploi d’y assister.

 

La philosophie grisonne dans l’accueil des migrants est l’encouragement de ceux-ci à investir « à fonds » pour l’apprentissage de la langue en tant que premier parcours nécessaire dans leur intégration. « La langue est la base de tout. L’apprendre est difficile. L’expérience montre que concilier travail et étude est périlleux. Le risque est de rendre plus difficile l’atteinte du B1 et d’être pénalisé à moyen terme dans un futur avancement professionnel » [Mmes. Ganter et Meier]

 

Les associations apportent aussi leur contribution conséquente en matière d’apprentissage linguistique des migrants. Par exemple, l’association IG Offenes Davos propose deux cours par semaine ouverts en complément des premiers cours de langues donnés dans les centres de transit [M. Wilhelm].

 

En somme, pour les grisons, chacun doit aller au maximum de ses capacités pour la maîtrise de la langue car un niveau linguistique aussi élevé que possible est la clé de l’intégration professionnelle et sociale [Mmes. Ganter et Meier].

 

Concernant l’apprentissage de la langue, la méthode vaudoise est semblable à celle des Grisons. Les migrants, à leur arrivée, passent par une cellule d’orientation afin d’établir un bilan de compétence complet à leur égard. Celui-ci est réalisé avant le début du cours obligatoire de langue. Les personnes suivent un programme intensif (de trois heures par semaine, neuf périodes par semaine plus précisément selon M. Mag, et cela durant six mois) avec pour objectif le niveau B1 si possible, mais le délai pour commencer ces cours n’a que récemment été ramené à deux mois après leur arrivée, ce qui n’était pas le cas avant avec des délais plus longs. Les exigences en termes de résultat sont strictes puisque les cours doivent continuer jusqu’à ce qu’un niveau correct soit atteint.

 

Toutefois, Mme Benkais-Benbrahim a évoqué un point perfectible en matière de formation linguistique des migrants : « Il est cependant nécessaire de modifier l’offre des cours pour y développer fortement les cours intensifs. Le format doit changer et aller vers le modèle allemand dont le rythme des cours est quotidien »

 

De même, le parlementaire M. Perl veut aller plus loin dans l’amélioration de l’apprentissage de langue aux migrants en souhaitant :

 

  • Une intensification de l’apprentissage de l’allemand ;
  • La création des apprentissages adaptés à des adultes qui sont, souvent, traumatisés de guerre et arrive en Suisse analphabètes ;
  • Le développement des programmes spéciaux pour les mineurs non-accompagnés.

 

Pour sa part, le Canton de Vaud considère que ces cours de langue ne sont pas suffisants pour accéder à une pleine intégration sociale et professionnelle, et les complète donc par des cours de culture générale en présence d’éducateurs pendant un an. Ce cours complémentaire est assuré par des éducateurs spécialisés, et réalisé de manière intensive à raison de 26 périodes par semaine durant l’année de formation. « Les cours sont reconnus comme étant de qualité [ce qui explique probablement son taux de présence élevé]. Avancer le cycle intensif n’irait pas car il faut laisser aux gens le temps d’arriver » [M. Mag].

 

Alors que les concepts préconisent séquentiellement, un enseignement intensif avec pour cible le niveau B1, puis l’entrée dans la vie active, force est de constater que nos deux cantons sont sur cette ligne.

 

4.1.6        Comment les cantons aident les migrants à entrer dans la vie active ?

 

Les deux cantons sont dotés d’outils analogues et multiples en faveur de l’intégration professionnelle avec

 

  • soit un emploi en adéquation avec les aptitudes et les souhaits de chacun dans une vision à long terme – il ne s’agit donc pas d’obliger une personne à prendre rapidement le premier poste disponible. Pour les grisons, par exemple, « il faut laisser le temps aux migrants de chercher leur voie. Le job coach a le souci de respecter la volonté et le goût des personnes s’ils sont réalistes au regard de ses ressources et compétences» [Mmes. Ganter et Meier]. Il est cependant expliqué la nécessité d’accepter parfois une responsabilité inférieure que dans le passé dans un premier emploi en Suisse comme nous l’avons vu.
  • soit un stage, de longue durée si besoin
  • soit une formation dans une structure ordinaire de formation professionnelle, en particulier pour le groupe des 18-25 ans.

 

L’important est de donner l’opportunité autant que faire se peut de trouver une activité valorisante avec comme horizon un emploi stable gage d’indépendance financière et de pleine participation à la société [Mme. Ganter et Meier ; M. Mag]

 

Dès que le niveau B1 est atteint pour ceux qui en ont la capacité, plutôt que d’attendre un travail répondant à des exigences élevées, les deux cantons préfèrent la politique des petits pas. Ainsi, les grisons recommandent vivement de se focaliser sur l’apprentissage de langue bien avant de penser à une quelconque entrée dans le monde professionnelle. Ensuite, l’expérience montre qu’une entrée dans la vie par la petite porte puis cheminer par étapes conduit à de meilleurs résultats. Cette démarche correspond aussi bien à la méritocratie usuelle dans les entreprises suisses.

 

Désormais, cette méritocratie s’explique, entre autres, par le comportement très entrepreneur (qui cherche a priori à développer leurs entreprises) des employeurs suisses. La question de l’intégration professionnelle des migrants passent forcément alors au second plan.

 

Conscient de cette lacune, les deux cantons ont également en commun de ne pas avoir un mécanisme financier sérieux d’incitation à l’entrée dans la vie active.

 

Sur ce registre également, nous constatons que les deux cantons sont en phase avec la partie de la théorie qui recommande surtout de prendre un premier emploi à un niveau de responsabilité « inférieur » dans un secteur correspondant à ses attentes (KEK-CDC Consultants, 2014).

 

En fait, il s’avère que la reconnaissance des diplômes étrangers (une compétence fédérale) nécessite un long et difficile processus. « C’est la raison pour laquelle, il est souvent recommandé de faire un apprentissage pour contourner ce problème et obtenir son « laisser-passer » sur le marché du travail » [Mme. Ganter et Meier].

 

Une autre voie possible est la validation des acquis d’expérience, une alternative à la reconnaissance des diplômes étrangers. « Grâce à un stage ou une formation courte, les savoir-faire spécifiques sont reconnus » [Mme Benkais-Benbrahim]. « La méritocratie au sein des entreprises suisses limite l’importance des diplômes. Montrer par ses compétences par son travail suffit souvent » [M. Vodoz].

 

Tout cela ne veut pourtant pas dire que les migrants sont, dans les deux cantons, sont soumis à des contraintes explicites d’accepter n’importe quel « premier travail qui se présente ». Les préférences des migrants demandeurs d’emploi sont toujours considérées. Il faut seulement comprendre (et les migrants doivent bien comprendre) que « le statut F est peu connu » [Mme Benkais-Benbrahim] des employeurs, ce qui pourrait constituer une bonne nouvelle pour les migrants qui pourraient alors se voir traiter indistinctement de tout autre demandeur d’emploi aux yeux de ces employeurs.

 

Néanmoins, cela implique aussi une absence de partenariat entre les organismes de soutien à l’intégration professionnelle des migrants et les employeurs, ce qui pourrait être en désavantages des permis F dont l’employabilité est relativement plus faible que d’autres demandeurs des mêmes emplois.

 

4.1.7        Comment les structures ordinaires cantonales s’impliquent-elles?

 

Les deux cantons demandent à leurs écoles professionnelles avec insistance de mieux tenir compte de l’évolution des profils des gens à former. Le système de formation doit proposer des cursus correspondants à des jeunes ou des adultes arrivant de pays extérieurs à l’Union européenne [Mme. Ganter et Meier ; M. Mag]

 

Mme. Ganter et Meier déplorent ainsi une situation quelque peu en défaveur des jeunes migrants en Suisse : « Les écoles doivent plus leurs ouvrir les portes ; les structures ordinaires doivent plus s’adapter à cette population migrante ; les conditions d’entrée sont souvent limitatives et faites pour des enfances suisses ».

 

A ce titre, il est réclamé une mise à jour du système afin de faciliter l’entrée des jeunes migrants dans le parcours de formation à l’intérieur du pays, notamment en ce qui concerne le système d’évaluation. « Evaluer les migrants selon le moule suisse ne va pas; il faut des évaluations différenciées qui tiennent compte des parcours de vie » [Mme. Ganter et Meier].

 

Mais, il faut reconnaitre que des efforts substantiels sont déjà réalisés dans ce sens au niveau du canton de Grison. Par exemple : « Toutes les communes payent solidairement pour la formation des mineurs non accompagnés jusqu’à leurs 25 ans ; la responsabilité opérationnelle en est laissée au canton » [M. Perl].

 

4.1.8        Comment les employeurs cantonaux s’impliquent-ils?

 

Dans les Grisons, à l’initiative des jobs coach, s’est créé depuis six ans un  réseau unissant des entrepreneurs et le BCI. Les jobs coach font office d’avocats et de référents des migrants demandeurs d’emploi auprès des patrons. Lorsque la demande des étrangers en termes de poste est compatible avec le marché local, les entreprises ciblées sont contactées. Le job coach aide aussi bien le migrant que l’entreprise dans les démarches [Mme. Ganter et Meier].

 

Cependant il est à souligner que ce partenariat se développe à l’initiative du BCI grison ; les patrons sont des partenaires « passifs » ; il n’y a pas encore de leur part une réelle prise de conscience et une volonté affirmée de participer activement à relever ce défi sociétal. Mme. Trottmann – directrice RH Hilton Davos – en appelle pour cela à un signal politique fort, à une communication rassurante interne aux branches d’activité, à une procédure administrative simplifiée identique à tous les permis et à des aides financières incitatives (A3/3/ GR- DIRECTION HILTON- MME. LEONIE TROTTMANN). En résumé, aux Grisons également, la marge de progression reste grande dans l’ouverture des entreprises aux migrants.

 

Par ailleurs, aux Grisons, « l’ensemble des services cantonaux a décidé de ne faire aucune différence entre les permis » [Mme. Ganter et Meier]. Du coup, les employeurs comprennent maintenant (suite à d’explication de la part du BCI) l’équivalence entre les permis F et B, d’autant plus qu’une large majorité des individus concernés reste durablement en Suisse sans indépendamment de leur statut [Mme. Ganter et Meier].

 

Dans le canton de Vaud, il n’y a quasiment aucun contact avec les entrepreneurs, à l’exception des secteurs demandeurs comme la cuisine, la santé et le nettoyage. En effet, « les employeurs sont peu favorables à un partenariat » [Mme Benkais-Benbrahim] en ce qui concerne l’intégration professionnelle des migrants. Le poids administratif et le facile recrutement des ressortissants européens semblent être les principaux freins, cela malgré les efforts de l’OCE vaudoise en termes de simplification de la procédure administrative de recrutement (« Aucun émolument n’est demandé à l’employeur. La vérification porte seulement sur les conditions d’emploi »). Néanmoins, bien que davantage d’efforts apparaissent nécessaires, ce qui est accompli aurait permis, au moins, de « favoriser l’employabilité des personnes admises à titre provisoire » [Vodoz].

 

Plus explicitement, chez les vaudois, non seulement « il n’y a pas à ce jour de partenariat avec le monde patronal » [M. Mag], mais également « il n’y a pas de méthode établie visant à travailler en partenariat avec les employeurs » [Mme Benkais-Benbrahim]. A préciser que « il y a un partenariat Etat / employeurs sur de nombreux sujets mais pas sur la question des Migrants » [M. Vodoz].

 

Ainsi, à défaut de partenariat sérieux entre les employeurs suisses et les organismes chargés du soutien à l’intégration des migrants, ces derniers entrent sur le marché du travail en concurrence directe avec les ressortissants européens : « Aujourd’hui le marché du travail est extrêmement ouvert. Les ressortissants de l’UE sont très motivés de venir travailler en Suisse et leur engagement est d’une grande simplicité pour l’employeur » [Vodoz]. Il faut alors dire que le permis F n’est qu’un détail de significativité moindre aux yeux de l’employeur suisse, ce qui devrait jouer en faveur des migrants de haute qualification (qui seraient probablement très rare) et en défaveur du reste (des migrants de faible qualification).

 

Les cinq facteurs d’échec de l’intégration professionnelle des migrants cités par Mme Benkais-Benbrahim méritent d’être retranscrits intégralement :

 

  • Vaud régularise plus facilement les permis F que d’autres cantons; ceux qui gardent ce statut seraient donc plus difficilement intégrables professionnellement.

 

  • Vaud applique une retenue sur salaire lorsqu’un permis F travaille ce qui peut inciter certains à ne pas prendre un travail.

 

  • La formation de base de cette population est souvent en inadéquation avec les besoins du marché de l’emploi local.

 

  • Les employeurs sont peu impliqués peu sensibilisés à recruter cette population. Les complications administratives et le nom du permis « admis provisoire » sont des freins.

 

  • Les traumatismes psychologiques liés à la guerre compliquent davantage l’insertion dans une entreprise.

 

Mais, il faut aussi parler des efforts substantiels réalisés par le canton de Vaud pour améliorer sa situation :

 

  • Ainsi, les acteurs font particulièrement attention aux bonnes pratiques avérées (en matière d’intégration des migrants) des autres cantons.

 

  • De plus, un accent est mis sur la formation des migrants dans l’objectif de les mettre en adéquation avec les exigences du monde entrepreneurial suisse. « Cette volonté se traduit par des projets pilote de job coaching conçus par le canton de Vaud pour tenir compte des spécificités du marché de marché du travail» [Mme Benkais-Benbrahim].

 

  • Enfin, « alors que l’accueil, les cours de langue et les mesures sont conduits par l’EVAM (organisme mandataire en charge des permis N et F), des réflexions sont en cours pour accélérer les prises en charge et donner plus de liens avec les entreprises» [Mme Benkais-Benbrahim].

 

4.1.9        Synthèse comparative des actions cantonales au regard de la théorie

 

Au niveau de l’organisation, le Grison se caractérise par la centralisation du pilotage des actions soutenant l’intégration (notamment professionnelle) pour les permis F. Parmi les avantages de ce mode d’organisation, il est possible de citer :

 

  • Une meilleure cohérence et coordination des actions pilotées par un service unique qui dispose d’un recul suffisant et d’une vue d’ensemble facilitant l’élaboration (et les éventuelles mises à jour en tenant compte des réalités sur le terrain) de stratégies globales plus adaptées à tous les cas ;

 

  • Une communication facilité entre les différents acteurs stratégiques et opérationnels, favorisant le partage d’expérience, des problèmes et des bonnes pratiques ; ce qui devrait avoir des impacts significativement positifs sur les manières d’agir et ainsi sur l’efficacité des interventions de ces acteurs ;

 

  • Une relation partenariale pouvant être optimisée avec les employeurs, ceux-ci devraient être motivés en ayant un interlocuteur unique réduisant alors les éventuelles distorsions sur le marché du travail dans le contexte des migrants permis F.

 

Néanmoins, une administration centralisée devrait faire face à une charge de travail nettement plus importante par rapport à une organisation décentralisée. Cela risque ainsi de passer à côté de faits inhabituels mais d’importance non négligeable car les acteurs sont habitués à avoir une vue globale et ont tendance à mépriser les cas particuliers. Dans la même logique, le fait de se focaliser sur une politique générale développé par un service unique pourrait aussi réduire la sensibilité des acteurs sur les besoins spécifiques de chaque individu.

 

Pour sa part, l’organisation vaudoise se détache de cette centralisation, mais pourrait tendre dans cette structure dans l’avenir. Cela aurait affaiblie l’accompagnement des migrants dans leur parcours d’intégration. Pour l’instant, il n’y a pas encore de retour significatif (positif ou négatif), sur la tendance de ce canton à suivre le modèle grisonnais, en entamant celle-ci de manière encore ciblée (pour les jeunes migrants de 18 à 25 ans).

 

En somme, tout cela semble indiquer que le modèle centralisé des grisons sont quelque peu considérés comme faisant partie des bonnes pratiques pour les acteurs de l’intégration professionnelle des permis F.

 

Au niveau de l’information des migrants, les acteurs grisonnais offrent a priori les mêmes services à tous les intéressés, et c’est à la suite d’un bilan de compétence et d’une évaluation linguistique que chacun de ces derniers est orienté vers un parcours le mieux adapté à ses besoins. De leur côté, les vaudois opèrent tout de suite une différenciation en se basant sur le type de permis de chaque migrant, un choix assez complexe car s’appuyant sur une variable dont la valeur pourrait être remise en cause à tout instant. De manière objective alors, comme il est question ici d’information et de communication auprès des migrants, le modèle grisonnais semble être plus simple et susceptible de contribuer mieux aux besoins (d’informations) de ceux-ci sans que cela n’engendre d’éventuelle discrimination envers ces individus.

 

Au niveau d’accès à la santé, les deux cantons font face à des problèmes de communication (linguistiques) qui constitue un frein à cet accès pour les migrants permis F. Les solutions à ces problèmes de traduction sont encore à trouver pour ces deux cantons.

 

Au niveau du profilage des migrants en matière d’intégration professionnelle, les stratégies des deux cantons ne s’éloignent pas. Il s’agit d’une combinaison, d’une part, du modèle d’expertise en favorisant le dialogue pour permettre au demandeur d’emploi d’exprimer ses préférences et, d’autre part, du modèle de sélection afin de différencier les migrants suivant des groupes d’appartenance. En d’autres termes, les deux cantons effectuent un profilage « prudent », c’est-à-dire un profilage qui sert avant tout d’appui à la décision sur un emploi, les acteurs de l’intégration jouent seulement le rôle de conseiller et n’imposent pas leurs opinions au migrant demandeur d’emploi. Cette stratégie a comme :

 

  • Avantage de pouvoir tenir compte davantage des parcours de vie des migrants pour accorder plus de chance à des personnes assez défavorisées ;
  • Faiblesse de ralentir/retarder l’insertion professionnelle des intéressés, ne prenant en compte qu’une partie du problème : en effet, le marché du travail fait intervenir non seulement la demande d’emploi (émanant notamment des migrants, en l’occurrence) mais également (et surtout) de l’offre d’emploi de la part des employeurs. Offrir un traitement préférentiel exclusif aux migrants pourraient aussi avoir des impacts négatifs sur d’autres populations (devenus alors lésés).

 

Il est possible alors de dire que le profilage des deux cantons est encore en train de chercher l’optimum en tenant compte des enjeux (aspects négatifs et positifs) des modèles adoptés.

 

Au niveau de l’apprentissage linguistique, les stratégies des deux cantons se rencontrent dans l’offre d’un cours obligatoire plus ou moins intensif pour les migrants en tant que préalable à leur perspective d’intégration. Mais, l’intensité des cours semble être plus prononcée chez les grisons et le Vaud veut suivre cet exemple. Les deux cantons veulent, en tout cas, faire acquérir un minimum de compétence linguistique chez les migrants avant que ces derniers n’intègrent le monde professionnel suisse : cela pourrait être une bonne chose surtout pour les permis F sérieux dans leur recherche d’emploi (car accroissant leur qualification). Par ailleurs, les vaudois veulent aller au-delà de cette perspective professionnelle en offrant un autre cours complémentaire de culture générale aux migrants.

 

Au niveau de l’aide à l’entrée des migrants dans la vie active, les deux cantons adoptent la méthode « douce », c’est-à-dire encourager au lieu de presser/obliger les demandeurs d’emploi à accepter le premier emploi qui se présente. Désormais, cela laisse une grande marge de manœuvre aux migrants dans le choix de leur avenir professionnel (entre un emploi adapté à la fois à leurs compétences et à leurs préférences respectives, un stage de longue durée, et une formation). Ainsi, au lieu de chercher une intégration professionnelle rapide (ce qui devrait être une stratégie plus efficace en ne considérant que la question d’insertion professionnelle, faisant donc abstraction du contexte particulier des migrants), l’objectif est d’offrir aux migrants un emploi pour le long terme, ce qui apparait en adéquation avec leur souhait d’installation pérenne sur le territoire suisse. Néanmoins, cette méthode comporte des coûts en termes de temps car l’intégration professionnelle serait alors beaucoup plus longue, attendant que le demandeur d’emploi trouve une activité qui convient à son souhait et/ou que l’éventuelle formation pour acquérir les compétences exigées par cette activité arrive à son terme.

 

Au niveau des implications des structures ordinaires cantonales, les acteurs de l’intégration des migrants tentent d’influencer les décideurs de celles-ci pour considérer le contexte particulier de la population migrante, notamment les jeunes.

 

Enfin, au niveau de l’implication des employeurs, les deux cantons ont deux points de vue diamétralement opposés :

 

  • D’un côté, les grisons s’engagent dans un partenariat étroit avec les employeurs en jouant le rôle d’intermédiaire spécialisé pour les migrants. Cela sensibilise mieux les employeurs à être plus actifs dans l’intégration professionnelle des migrants en ajoutant ces derniers en tant que paramètres significatifs dans leur modèle d’exploitation entrepreneuriale. Il s’agit alors d’accroitre la probabilité d’intégration professionnelle des permis F.

 

  • D’un autre côté, les vaudois se veulent beaucoup plus libéraux à propos du marché du travail et ne cherchent pas à accorder un traitement de faveur pour une population particulière de demandeurs d’emploi telle que celle des migrants. Le canton de Vaud met plutôt l’accent sur la logique entrepreneuriale des employeurs qui ne font pas significativement de différence entre les suisses et les migrants, ce qui pourrait avantager les migrants de haute compétence et défavoriser les migrants ne disposant pas les qualifications exigées par les emplois les plus prisés.

 

4.2        Analyses des principales différences et similitudes entre Vaud et Grisons

Les points de convergence sont nombreux.

 

Les BCI se distinguent sur leur organisation administrative et sur leur relation avec les entreprises.

 

Les éléments en rouge ci-dessous non engagés par les deux cantons semblent hors de portée directe des seuls responsables cantonaux de l’intégration (BCI et EVAM pour le canton de Vaud)

 

 

 

4.2.1        Implications différentes des acteurs

 

Vaud et Grisons présentent une situation similaire quant au  rôle peu actif

 

  • des entreprises qui ne semblent pas concernées par la question de l’intégration des migrants ; personne ne cherche à les informer et à les mobiliser et tout repose sur des initiatives individuelles ou des besoins spécifiques à un secteur. De plus, trouvant facilement un personnel compétent grâce à la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne, les recruteurs choisissent la voie la plus simple administrativement et la plus sûre juridiquement. Dans les Grisons, les entrepreneurs partenaires du Bureau cantonal de l’intégration font cette démarche à titre individuel lorsqu’un un lien de confiance s’est tissé entre le job coach et l’entreprise. L’envoi occasionnel par le bureau cantonal de l’intégration d’un courrier de sensibilisation n’est pas efficace sans relais humain. Les interviews de Mme Trottmann à Davos et de M. Taddei à Lausanne font ressortir ces points de convergence (A3/3/ GR- DIRECTION HILTON- MME. LEONIE TROTTMANN).

 

En fait, Mme Trottmann déplore que « les entrepreneurs des Grisons sont dans l’ensemble peu sensibilisés à l’intégration professionnelle des migrants permis F ». Il faut dire que les actions de soutien à l’intégration professionnelle des migrants devraient tenir compte des comportements des employeurs afin de mieux impacter positivement sur le marché du travail suisse.

 

Désormais, ce marché est très libéralisé et ouvert (notamment envers les ressortissants européens) faisant en sorte que les individus de populations marginales (tels que les migrants) en soient devenus de moins en moins visibles. En effet, les patrons suisses se posent une question légitime et évidente sur ce que pourrait leur apporter la considération des cas particuliers de migrants.

 

Les choix des employeurs se basent avant tout sur une logique entrepreneuriale, réduisant alors la probabilité d’intégration professionnelle de ces migrants si des actions spécifiques susceptibles d’influencer ces choix ne sont pas engagées.

 

Dès lors, en se basant sur cette psychologie « rationnelle » des employeurs sur le marché du travail suisse, « l’employabilité dépend de l’adéquation des compétences avec les besoins des employeurs » [Mme Benkais-Benbrahim].

 

  • des écoles professionnelles qui tardent à élargir leurs offres de formation. Les apprentissages actuels sont faits pour des jeunes formatés aux normes helvétiques. Il y a lieu d’innover en la matière. Les interviews des déléguées à l’intégration et de M. Mag à Lausanne établissent ce même constat problématique.

 

Mme Ganter et Meier se soucient du manque de considération concernant la formation des jeunes migrants (de moins de 25 ans). Elles constatent que les écoles n’ouvrent pas assez leur porte pour ces jeunes migrants, que les structures ordinaires ne s’adaptent pas assez à cette population migrante (attendant au contraire que celle-ci s’adapte plutôt aux exigences de ces structures), que les conditions d’entrée (dans ces structures) sont souvent limitatives et faites pour les enfants suisses.

 

L’engagement aux Grisons est sensiblement meilleur que dans le canton de Vaud en ce qui concerne

 

  • la société civile. En effet plus d’associations sont actives dans les Grisons notamment en organisant des repas ouverts à tous qui permettent aux populations de faire connaissance et de mutuellement se reconnaître comme des personnes voulant Vivre avec Dignité en Paix… Se diffuse ainsi dans toute la société un climat plutôt serein et de bienveillance.

 

Le parlementaire, M. Perl, rapporte ainsi :

« La confiance entre les personnes admises à titre provisoire et les locaux est beaucoup l’œuvre principale des nombreuses associations dont le rôle est central. En organisant de nombreuses réunions, la population locale a dissipé ses peurs, changé ses représentations et voit les migrants comme des « gens normaux » ! Quant un nouveau centre ouvre, il se constitue souvent une association pour accompagner le changement. Les associations sont des « faiseurs de pont » également entre migrants et employeurs, font remonter aux responsables politiques des observations et ressentis du terrain »

 

Désormais, les associations ne jouent pas un rôle accessoire mais travaillent en plein partenariat avec tous les autres acteurs de la scène d’intégration des migrants en Suisse, comme le montre l’exemple des grisons. M. Perl schématise ce partenariat de la manière suivante :

« […] le politique est présente et donne la direction, l’administration met en œuvre de façon remarquable, les entrepreneurs sont présents, et enfin les associations font un travail de terrain complémentaire considérable permettant un « contrôle » sain de l’action publique et la remontée d’informations vers les élus. Il en découle un désamorçage en amont des conflits politiques ». Ainsi les associations tiennent bien leur rôle de société civile active en ouvrant directement auprès des personnes bénéficiaires d’une part, et en se comportant comme des porte-paroles et en contrôlant les actions des acteurs publics dans ce domaine.

 

  1. Wilhelm à Davos rapporte la satisfaction du maire de Davos reconnaissant l’importance du travail associatif dans la paix sociale entre les populations :

« Des relations de confiance avec le monde politique existent et permettent de faire remonter des informations importantes sur la réalité du terrain. Alors que l’ouverture du centre de transit a généré des peurs chez certaines personnes, le maire de Davos étiqueté à droite de l’échiquier politique reconnaît que la situation serait plus compliquée en l’absence du travail conduit par l’association ».

 

  • le politique. Confirmé par M. Perl à Coire, la volonté de conduire une politique publique active est plus forte dans les Grisons :

« Il y a un large consensus au Grand Conseil sur la nécessité de devoir soutenir l’actuelle action publique positive et de chercher à en faire davantage (au niveau de l’apprentissage de la langue, de la création d’apprentissages, de l’amélioration de la qualification des migrants car avoir un emploi ne suffit pas) »

 

La question est débattue (en 2016) au parlement dans le calme avec un complet consensus des parties. En effet, le parlement n’a pas méprisé et a considéré important le sujet sur l’intégration des migrants, estimant que cela aurait des impacts significatifs sur la vie dans la société suisse, du moins sur le plan financier où la question de l’intégration aurait un enjeu majeur dans la politique de l’Etat (par exemple : plus un migrant accède rapidement à un emploi stable et durable, moins il constitue une charge supplémentaire pour l’Etat suisse).

 

Mme Ganter et Meier reconnaissent (tout en soulignant que le politique ne doive pas s’immiscer dans les choix opérationnels des acteurs engagés sur le terrain de l’intégration des migrants en suisse) que le politique exprime son soutien pour les professionnels travaillant pour l’intégration des migrants, donne des moyens, et accepte les méthodes de ces professionnels.

 

  • le migrant. Mme. Ganter se félicite de l’encadrement actif des migrants, fait de bienveillance et de contrôle, du job coach aux Grisons qui met une certaine pression positive sur les personnes.

 

Globalement les acteurs des Grisons s’estiment mais travaillent peu ensemble.

 

Dans le canton de Vaud, il y a bien un personnel compétent et engagé. Cependant, la coordination entre les acteurs est faible.

 

4.2.2        Modèles organisationnels différents

 

Vaud et Grisons se distinguent sur ce thème.

 

Centralisée dans les Grisons,

 

  • le BCI, en charge des permis F et B, pilote tout.
  • le canton seul s’occupe de l’intégration et gère les subventions fédérales ; il existe un cas particulier, celui de la formation des mineurs non accompagnés, dont les communes ont décidé d’assumer solidairement la charge financière.
  • les jobs coach sont en fonction depuis plusieurs années et suivent l’ensemble des personnes sur l’ensemble des sujets, et pas  uniquement celui de l’emploi. Ils sont aussi grandement présents auprès des entrepreneurs au moment de l’engagement (en s’occupant de la charge administrative supplémentaire) et pendant toute sa durée en cas de problème.

 

Décentralisée dans le canton de Vaud,

 

  • la stratégie (BCI) et l’opérationnel (EVAM) sont deux entités distinctes, même si elles travaillent de façon coordonnée en bonne intelligence ;
  • la responsabilité de l’intégration est partagée entre le canton et les communes volontaires à travers des PIC communaux ;
  • les jobs coach sont entrés en fonction depuis peu et s’occupent des moins de 25 ans.

 

4.2.3        Outils d’intégration semblables

 

Les professionnels des deux cantons posent globalement le même diagnostic selon lequel :

 

  • l’apprentissage de la langue (niveau visé B1) est la pierre angulaire de l’intégration ; son enseignement intensif d’un minimum de huit mois est gage de réussite ;
  • la rapidité d’entrée dans la vie active est plutôt une mauvaise formulation ; l’important est la durabilité de l’engagement impliquant formation reconnue et bonne maîtrise de la langue ;
  • le libellé du permis F est un problème mineur. Il suffit d’expliquer la réalité selon laquelle la grande majorité des personnes ne repartiront pas indépendamment de leur permis aujourd’hui ;
  • le processus de l’intégration est séquentiel. Il faut prendre le temps au départ de bien apprendre la langue. C’est souvent difficile, à fortiori pour ceux qui ont eu seulement quelques années d’école dans leur pays d’origine ;
  • des apprentissages pour adultes allophones sont à créer ; le système suisse doit s’adapter et offrir des cursus de qualité pour ces personnes non issues du moule scolaire suisse ;
  • des programmes pour les mineurs non accompagnés sont à ouvrir ;
  • des allocations d’aide à l’embauche des permis F sont à donner aux employeurs comme elles existent déjà pour d’autres populations ;
  • une faible incitation de la personne admise à titre provisoire à chercher et prendre un emploi rémunéré en raison du montant de la cession sur salaire immédiate et automatique.

 

 

5          recommandations

5.1        Une structure organisationnelle optimisée

 

Ainsi, il est constaté que la centralisation constitue en quelque sorte une organisation plus ou moins optimale assez adaptée aux enjeux de la question d’intégration des migrants en Suisse. Il n’empêche tout de même d’insister que ce mode d’organisation n’est pas sans effets négatifs dans ce domaine (cf. 4.1.9 Synthèse comparative des actions cantonales au regard de la théorie).

 

Il est recommandé alors de penser à un compromis entre une structure organisationnelle strictement centralisée et un mode d’organisation plus horizontale. Une solution préconisée dans ce sens (sans nécessairement imposer un schéma hiérarchique, un élément qui mérite d’être élaboré par l’ensemble des acteurs du domaine en question) est la mise en place d’un comité de pilotage, d’une part (cf. infra – 5.1 Comité de pilotage), la participation active de « tous » les acteurs en présence, d’autre part (cf. infra – 5.2 Responsabilisation de chaque acteur).

 

En effet, il faut se rappeler que l’administration chargée de l’intégration des migrants doit optimiser entre « rigueur et souplesse » (cf. supra – 2.2.1 L’organisation de l’administration). Cela dit, il est important de mettre en place une structure insistant à la fois sur :

 

  • Le suivi avec rigueur par les différents acteurs opérationnels des directives émanant des acteurs du niveau stratégique (en tenant compte de l’organisation centralisée de l’administration concernée). En effet, plus les opérationnels s’écartent de la direction centrale dans leurs actions, moins ils obtiennent des résultats favorables en matière d’intégration professionnelle(Frölich & al., 2007).

 

  • La souplesse relative dans l’élaboration des stratégies dans le domaine en question, et cela devrait se faire à travers des moyens de communication efficace entre les différents acteurs afin de faciliter les remontées d’informations, de partager les expériences, de trouver « ensemble » les solutions à des problèmes évoqués, etc. C’est une manière d’accorder une marge de manœuvre aux opérationnels dans leurs actions.

 

5.1.1    Comité de pilotage

 

Certains acteurs semblent  mis à l’écart, ou en relation avec un cercle restreint d’autres acteurs qu’ils choisissent  selon leurs affinités et non selon les besoins réels de la situation propre aux étrangers. Cette situation n’est pas saine pour une bonne conduite du sujet.

 

Conformément à ce que tous les grands projets font aujourd’hui, un comité de pilotage réunissant les six acteurs de l’intégration – le migrant, l’administration, le politique, le patronat, l’instruction publique et la société civile –  constituerait un atout majeur pour construire une stratégie d’ensemble capable de s’ajuster en fonction des retours d’expériences et des caractéristiques des personnes en constante évolution. Aujourd’hui en son absence, les informations, besoins, attentes de chacun circulent mal et freinent le processus d’intégration. Il est important que chaque acteur puisse entendre et comprendre tous les autres et leur(s) fonction(s), à fortiori si les avis divergent. Un comité de pilotage constituerait indéniablement  un lieu de débat nécessaire à la coordination d’un programme global d’actions dont le chef d’orchestre  serait  à priori le/la délégué(e) à l’intégration. Mais pour que l’efficacité de ce dispositif soit maximale,  il s’agirait également de choisir un représentant d’une association de migrants ouverte sur la société civile sachant que certaines fonctionnent au contraire en circuit fermé pour des raisons culturelles.

 

5.1.2    Responsabilisation de chaque acteur

 

Si l’intégration nécessite des « outils » appropriés qui sont d’ailleurs largement connus et en partie mis en œuvre,  une plus grande responsabilisation de l’ensemble des acteurs  constitue  un axe majeur de progrès. Il va de pair avec le comité de pilotage.

 

Les filets sociaux au bénéfice des migrants sont absolument nécessaires. Cependant la prise et la tenue d’un emploi ne sont pas « récompensées » ; le mécanisme actuel (cession automatique sur salaire) est à certains égards dissuasif (faible gain pécuniaire) et confère d’une certaine manière à un assistanat malsain (l’administration s’auto indemnise au lieu de laisser la personne s’organiser et verser elle-même le montant du).

Le désir du migrant d’une participation la plus active possible à son processus d’intégration professionnelle devrait être la boussole de l’action publique. A la décharge du migrant, le libellé des permis N et F par exemple n’est pas une invitation à s’investir dans le présent, car il  renvoie davantage à la crainte du lendemain. La cohérence de l’ensemble des acteurs et de leur (s) action(s) est donc d’autant plus importante.

 

Le personnel politique devrait plus s’investir, faire évoluer ses positions au regard de la situation actuelle, et expliquer avec conviction la nécessité et les opportunités pour le pays de la migration ; leur responsabilité est d’initier une impulsion, une prise de conscience de la responsabilité de chacun dans ce processus. Alors qu’un grand nombre de migrants restera durablement, il est dans l’intérêt de tous de s’impliquer et réussir. La Suisse peut le faire ; elle a d’ailleurs une longue expérience en ce domaine souvent montrée en exemple. A travers la législation, il s’agirait aussi de donner une plus grande liberté d’entreprendre aux arrivants souvent plein d’énergie ; le politique doit encourager et autoriser des parcours d’intégration atypiques en sus des règles établies de longue date. Par exemple la souhaitable plus grande incitation financière donnée au migrant à prendre un emploi passe clairement par des règlements décidés par le politique.

 

Avant le nécessaire accompagnement humain et l’aide à la compréhension des démarches administratives par un référent du BCI,  il s’agit d’abord de capter l’intérêt des entrepreneurs pour cette population en demande d’activité. Simultanément à l’impulsion politique, il faut en parallèle travailler à un vrai engagement patronal en ce sens. L’évolution demandée serait de traiter de façon naturelle et automatique sur un pied d’égalité les candidatures des migrants de l’UE avec celles des migrants des pays tiers.

 

Enfin développer toutes formes de parrainage entre les Suisses, les migrants intégrés et les nouveaux migrants incombe à la société civile. Dans notre monde actuel où le relationnel joue un rôle important dans la prise d’un emploi, l’intégration est un processus d’Humanité dont les bonnes volontés et les faiseurs de pont sont la clé de voûte. La société suisse est riche en vie associative et en structures les plus diverses dans lesquelles les migrants ont toute leur place comme tout un chacun.

 

5.2        Stratégies optimisées

 

Les deux cantons ont leurs raisons de choisir la méthode « douce » comme stratégie privilégiée pour inciter les migrants à entrer dans la vie active (cf. supra – 4.1.9 Synthèse comparative des actions cantonales au regard de la théorie). Néanmoins, les expériences évoquées dans la partie théorique à propos des ORP soulignent la nécessité d’optimiser dans les stratégies à adopter (Frölich & al., 2007), notamment :

 

  • Entre stratégie de coopération, celle qui est largement suivie par les deux cantons, et stratégie de pression.

 

Certes, la vision large que comporte la coopération (laisser le temps au migrant demandeur d’emploi de choisir l’activité qu’il préfère, sans se presser) est adaptée au contexte de l’intégration professionnelle des permis F sur une première lecture. Néanmoins, il convient de chercher à limiter les coûts d’opportunité liés à cette stratégie, surtout sur l’éventuelle perte de temps dans l’attente d’une activité adaptée à la préférence du demandeur d’emploi, alors que d’autres activités connexes pourraient exister et susceptible objectivement de lui convenir.

 

Ainsi, sans pousser les cantons à changer de position vers l’autre extrémité (stratégie de pression), il importe d’optimiser entre les deux stratégies possibles. Il est alors préconisé de penser à intégrer dans leurs stratégies la notion de « sanction » en se rappelant que les programmes actifs (dans le cadre du PAMT) du type « Services et sanctions » sont particulièrement efficaces en matière d’insertion professionnelle (Kluve, 2010).

 

Il y a lieu seulement de réfléchir au contexte d’application de cette notion : par exemple, lorsque l’intéressé a passé avec succès les étapes d’apprentissage linguistiques lui permettant d’occuper un emploi sans problème de communication avec ses employeurs.

 

  • Entre stratégie de qualification, celle sur laquelle opte les deux cantons en voulant que les migrants atteignent d’abord les niveaux de qualification leur permettant d’occuper un emploi meilleur avant d’entrer dans le monde professionnel, et stratégie de placement. Il faut rappeler que les programmes de type « training » (formation) rime parfaitement avec cette stratégie de qualification. Mais, il est montré aussi que la probabilité que ces programmes impactent positivement et de manière significative sur le taux d’emploi est relativement moindre(Kluve, 2010). De plus, « les ORP et les conseillers en personnel qui privilégient nettement les mesures de qualification sur le marché du travail ont obtenu des résultats plutôt faibles par rapport à ceux qui visent un contact rapide et sans concession avec le marché du travail » (Frölich & al., 2007, p. 13).

 

Ainsi, sans négliger les actions devant permettre aux permis F d’atteindre des niveaux de qualification plus élevés, il apparait nécessaire de ne pas se focaliser seulement sur cet objectif et penser à celui de l’intégration professionnelle. Cela étant, il a été démontré qu’une première expérience professionnelle, même en acceptant des conditions d’emploi « inférieures » à celles préférées par le demandeur d’emploi, serait bénéfique pour l’avenir professionnel de ce dernier.

 

Il est alors préconisé de trouver les moyens pour mettre les migrants le plus tôt possible en contact avec le monde du travail, et cela sans nécessairement attendre qu’ils aient atteint les niveaux de qualification correspondant aux emplois qu’ils souhaitent occuper. Cela peut, bien évidemment, se faire lorsque les intéressés disposent d’un niveau linguistique acceptable pour les activités qu’ils peuvent réaliser, sans forcément obtenir le niveau B1.

 

En outre, en complément avec cette nécessaire optimisation des stratégies en matière d’intégration professionnelle des migrants, et en phase avec les opinions du parlementaire M. Perl, il est proposé de réfléchir sur la révision de la politique de retenue du salaire (jugée trop importante par le parlementaire) car pouvant réduire la motivation des personnes concernées à entrer plus rapidement dans le monde professionnel. M. Perl soutient d’ailleurs que « il n’y a de réelle intégration en Suisse à terme sans intégration professionnelle rémunérée. Il est donc essentiel de travailler à de nouveaux mécanismes responsabilisant les migrants et les employeurs ».

 

Désormais, comme le remarque M. Vodoz, les migrants bénéficient en toute conscience d’une tutelle significative qui pourrait influencer la motivation de ceux-ci vis-à-vis de leur intégration professionnelle. La préconisation qui va dans le sens de cette responsabilisation des migrants réside dans la notion de « confiance » qu’il faudrait leur accorder davantage. Selon M. Vodoz, « Le système actuel qui enclenche une cession sur salaire immédiate est dévalorisant et presque dissuasif financièrement (cf. différence pécuniaire minime). Il faudrait procéder autrement par exemple en demandant au migrant de payer lui-même un certain montant sur un échéancier plus long ».

 

5.3        Partenariat étendu avec les employeurs

 

Il est clair que les migrants ont besoin de soutien (probablement plus important que celui devant être accordé aux chômeurs suisses) dans leur intégration professionnelle. Le faible taux d’emploi des migrants par rapport aux résidents expliquent par exemple ce besoin. Cela insinue que les laisser se débrouiller tous seuls sur le marché du travail risque de leur rendre de moins en moins visible aux yeux des employeurs suisse, compte tenu de la forte concurrence avec les ressortissants européens. Dans ce contexte, les acteurs soutenant l’intégration des migrants devraient faire des efforts dans le sens du modèle grison pour permettre aux permis F de faire face positivement à cette concurrence, tout en veillant à ne pas mettre de la distorsion sur le marché du travail (cette dernière étant lorsque les actions en appui des migrants réduisent injustement la chance pour les autres catégories de personnes d’obtenir un emploi). C’est pour cela que le terme partenariat est privilégié, juste pour mettre les migrants à une hauteur permettant aux employeurs de les voir.

 

En effet, partenariat implique pour les acteurs du soutien à l’intégration des migrants :

 

  • D’un côté, une reconnaissance envers les besoins objectifs des entreprises susceptibles de recruter les migrants. En fait, il faudrait faire en sorte que de tel recrutement ne soit pas vu d’une façon négative par les employeurs. Ces derniers ont besoin de bonnes raisons pour agir ainsi : qu’est-ce qu’ils peuvent gagner de plus en embauchant des migrants plutôt que des résidents, lorsque les qualifications de ces individus sont sensiblement comparables ?

 

Pour cela, l’option des subventions n’a pas encore vraiment expérimentée dans ce domaine, mais il est préconisé d’y réfléchir (en comparant notamment les avantages de ce système avec les coûts du système actuellement en vigueur). Il ne faut pas oublier que c’est un élément important des programmes incitatifs du secteur privé qui ont une probabilité nettement plus élevé en matière d’intégration professionnelle par rapport aux programmes de formation (ces derniers dominant la scène de l’intégration professionnelle des migrants en Suisse actuellement) (Kluve, 2010).

 

En tout cas, la subvention salariale ne devrait pas, comme il est fait mention plus haut, nuire à d’autres catégories de personnes (autres que les migrants). Sur ce point, un accent devrait être mis sur la question de la responsabilisation des migrants demandeurs d’emploi. Il peut alors judicieux de faire participer ces derniers au financement de leur recrutement (c’est-à-dire qu’une contribution prélevée plus tard dans leurs salaires vient compléter cette subvention). Néanmoins, il faut reconnaitre que de telles actions nécessitent une étude bien approfondie (dépassant le cadre du présent travail de recherche).

 

Par ailleurs, les employeurs ont besoin d’un minimum d’assurance face à des individus qui pourraient, à tout moment, leur « échapper » (en cas de refoulement). Sans rentrer dans le fond des débats politiques sur la position de la Confédération en matière d’intégration, il convient de réfléchir sur la possibilité d’accorder à chaque permis F d’un droit de travailler durant un temps déterminé sur le territoire suisse.

 

  • D’un autre côté, une prise en compte du besoin d’accompagnement des migrants permis F. Comme le fait remarquer M. Mag, il s’agit du premier emploi en Suisse de la part de ceux-ci, donc, il est important de travailler sur les représentations des deux parties (des migrants et des employeurs).

 

Un élément intéressant pouvant être développé dans le partenariat à rechercher avec les employeurs est l’extension du cadre dans lequel les migrants pourraient faire des stages en vue (ou non) d’un premier emploi (l’important étant de familiariser ces derniers de l’environnement professionnel en Suisse, et d’obtenir un renforcement de leurs compétences via plus d’expérience professionnelle).

 

En tout cas, plus d’efforts en matière de communication auprès des employeurs devraient être réalisés (au moins dans les deux cantons objets de la présente étude). En effet, M. Taddei du Patronat romand donne quelques explications à l’indifférence des employeurs vis-à-vis de la question d’intégration professionnelle des migrants en Suisse, entre autres : la multiplicité des préoccupations des employeurs (excluant alors les sujets sur les migrants), la priorité donnée au maintien des activités et à la préservation de l’emploi actuel (amenant les employeurs à toujours choisir la voie la plus sûre, la plus simple, et la plus stable, excluant encore les migrants), l’importance moindre donné par la presse concernant les enjeux du permis F, etc. (A3/8/ VD- PATRONAT ROMAND- M. MARCO TADDEI).

 

Pour tout cela, il importe de citer les suggestions de Mme Trottmann « pour amorcer un changement d’habitude et une prise de conscience sur la responsabilité des entreprises ». Selon elle, les employeurs auraient besoin de :

 

  • Message politique impulsant une implication plus grande des entreprises dans l’intégration professionnelle des migrants ;
  • Information administrative continue et adaptée ;
  • Temps de travail administratif et une sécurité juridique pour l’entreprise identiques à ceux des autres permis (L par exemple) ;
  • Réactivité de l’administration forte et identique pour tous les permis ;
  • Souplesse dans les stages et/ou les contrats de travail ;
  • Soutien humain et « faiseur de pont » (du type facilitateur job coach du Bureau Cantonal d’Intégration, association IG Offenes Davos, autorités communales, etc.) ;
  • Meilleure maîtrise linguistique des migrants comme compétence souvent première à la vie en entreprise.

 

En matière « d’information adaptée », Mme Trottmann donne des détails :

 

« Comment informer ? En plus de la chambre de commerce et d’industrie, utiliser les canaux internes aux associations professionnelles (éventuellement leurs news letters) pourrait être pertinent pour ajuster le propos aux spécificités de chaque profession. Faut-il aussi investir dans un délégué itinérant dans les entreprises ?

Quelles informations ? Il faut donner des exemples ayant réussis pour éloigner la peur et montrer les bienfaits de la diversité dans le fonctionnement et la motivation de l’équipe ».

 

En somme, le modèle de partenariat grisonnais pourrait être pris comme modèle de base à développer dans tous les cantons en matière d’intégration professionnelle des migrants.

5.4        Des outils d’intégration supplémentaires

 

Commencer par mettre en œuvre collectivement l’ensemble des outils recommandés par la littérature est la première étape. Rappelons ceux qui sont peu ou pas introduits :

 

  • Centralisation administrative gage d’efficacité
  • Pool de référents / coordinateurs charnière entre tous les acteurs
  • Accès effectif aux soins comme préalable au processus d’intégration
  • Incitation financière significative des migrants à prendre un emploi
  • Création d’apprentissages spécifiques adaptés à la population migrante diverse
  • Collaboration étroite avec les entreprises et répondre à leurs attentes (cf. contraintes administratives identiques indépendamment du permis.

 

Ensuite il ressort des interviews le besoin d’ajouter au moins les trois mesures suivantes :

 

Parcours pour les mineurs non accompagnés

 

La création des programmes pour les mineurs non accompagnés et les jeunes de moins de 25 ans  représente un enjeu majeur à moyen et long terme. Il ne faudrait que cette population jeune capable ne parvienne pas à prendre toute leur place dans la société suisse et se retrouve des années durant à l’assistance sociale ; prioriser notre attention sur ces jeunes est un juste investissement, à juste titre, selon les déléguées à l’intégration.

 

Communication interne aux branches d’activité

 

Sur le thème de comment mobiliser les entreprises, Mme. Trottmann donne une piste intéressante, celle d’utiliser les éléments de communication internes aux branches d’activité. Dans l’avalanche d’informations reçue, les éléments internes sont eux souvent lus et suivis ; ils participent d’une certaine émulation entre les entreprises.

 

Allocations données aux entreprises

 

Les employeurs demandent à pouvoir activer facilement une demande d’allocation pour l’engagement d’un permis F comme il en a la possibilité aujourd’hui avec d’autres personnes fragilisées. L’équité entre les populations est une règle d’or pour assurer la paix sociale ; il ne s’agit d’en faire plus pour les migrants mais pas moins non plus.

 

5.5        Synthèse : matrice des actions et des acteurs

 

En réponse à la question de recherche, il est donné ici une synthèse structurée des principales actions favorables à l’intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire et globalement applicables dans tous les cantons.

 

Confirmation est établie que l’apprentissage de la langue locale, l’implication des migrants, le parrainage administratif et le rôle des employeurs sont les principales thématiques.

 

Il ressort de la présente étude qu’il s’agit éminemment d’un travail collectif où chacun des grands acteurs (migrant, politique, administration, écoles, employeurs, société civile) a des actions de sa propre responsabilité à mener. La question d’une meilleure intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire ne peut être du ressort de l’administration seule aussi grand soit l’engagement de son personnel.

 

 

5.6        Plus d’homogénéité des actions cantonales

 

Efficacité et respect de l’autonomie des cantons liés à notre fédéralisme devraient être conciliables. Même si les cantons ont des spécificités, il ressort de cette étude la possibilité de poser un cadre commun nettement plus fort. Est-il raisonnable que chaque canton veuille ré inventer la roue en ce domaine ?

 

 

 

CONCLUSION

 

L’intégration professionnelle des migrants est, il faut l’avouer, une question complexe, surtout en considérant la situation dans laquelle se trouvent les détenteurs des permis F. Cela amène même certains observateurs (interviewés dans le cadre de la présente étude) à considérer le permis F comme une source de précarité pour ses détenteurs. Désormais, de nombreux éléments interdépendants entre eux influent sur cette question à laquelle les élus ne se montrent pas indifférents car trop sensible pour être négligée, du moins sur le plan social et économique (financier plus précisément).

D’ailleurs, les opinions divergent sur beaucoup de ces éléments influents lorsque l’on se focalise sur les réalités des différents cantons. En effet, en se concentrant sur les cantons de Grison et de Vaud, ces réalités montrent plusieurs facteurs qui impactent (positivement ou négativement) les taux d’emploi des migrants, donnant des idées sur les bonnes pratiques à partager et à développer dans ce domaine.

Ainsi, un élément qui devrait tout de suite retenir l’attention concerne l’organisation de l’administration des actions de soutien pour l’intégration professionnelle des migrants, permis F. Il est montré qu’une organisation centralisée, pilotée par quelques acteurs stratégiques (dans le sens où ils ont notamment la charge d’élaborer les lignes directrices relatives aux actions à entreprendre), impacte positivement sur l’intégration, comme cela est expérimenté dans le canton de Grison. Cela permet, non seulement d’élaborer des stratégies efficaces (et de les mettre à jour plus efficacement, au besoin) sur la base d’informations abondantes et centralisées (vers seulement quelques acteurs), mais également de gagner davantage la confiance des migrants qui devraient alors se montrer encore plus coopératifs dans les actions à réaliser avec eux. Sur ce point, il convient de souligner la nécessité de toujours chercher à améliorer la communication (les échanges d’information et de directive) entre les acteurs stratégiques et les opérationnels.

Quant à la manière dont il faudrait informer les migrants, le modèle grison pourrait encore servir de base. En fait, plutôt que de différencier les moyens d’information suivant les types de permis que détiennent les migrants (se basant donc sur des éléments relativement incertains/instables), les parcours de ces derniers sont déterminés après un bilan de compétences et une évaluation linguistique. Cela permet de mieux cibler les besoins (notamment en information) des intéressés et d’y répondre avec plus d’efficience.

Au sujet de l’accès à la santé, il faut reconnaitre que les deux cantons n’ont pas vraiment de bons exemples à transmettre. Eux-mêmes sont encore à la recherche de solution pour leurs problèmes en matière de traduction freinant cet accès aux migrants qui peinent donc à rejoindre les structures d’aide dans ce domaine.

Au niveau du profilage des migrants en vue de leur intégration professionnelle, les pratiques des deux cantons ne se distinguent pas substantiellement. Désormais, ils pratiquent un profilage « prudent », combinant le modèle d’expertise (se basant sur un entretien avec le migrant permettant à celui-ci d’exprimer ses préférences dans sa recherche d’emploi) avec le modèle de sélection (tenant compte de l’appartenance du demandeur d’emploi à une catégorie de migrants). En tout cas, il semble que le profilage n’est utilisé par les jobs coach qu’à titre indicatif, puisque les structures d’accompagnement des migrants n’obligent pas ces derniers à prendre le premier emploi qui se présente.

Pour ce qui est de l’enseignement de la langue aux migrants, les pratiques grisonnes constituent un modèle à suivre (et désormais suivies progressivement par les vaudois) sur le fait d’organiser des cours généralement « intensifs » (fréquence quotidienne). D’ailleurs, les deux cantons obligent les migrants à suivre ces cours et les incitent à atteindre, en principe, le niveau B1 pour permettre à ces étrangers d’éviter les mauvaises surprises lorsqu’ils entrent dans le monde du travail par la suite. Il y a lieu tout de même de citer l’ambition vaudoise de ne pas se contenter de faire viser seulement la dimension professionnelle aux migrants, mais d’aller plus loin en organisation une deuxième vague de cours portant sur la culture générale, une raison de plus pour les permis F d’espérer leur véritable intégration.

A propos des aides apporter aux migrants pour leur inciter à entrer dans la vie active, il faut mentionner que les deux cantons pratiquent généralement la méthode « douce ». Il s’agit de ne pas presser (en termes de temps) les migrants demandeurs d’emploi à intégrer le monde professionnel, ni de les obliger (par un quelconque moyen) d’accepter un emploi qui pourrait leur convenir objectivement. Cela se justifie sur un plan, car il s’agit surtout de préparer un avenir durable et stable pour les permis F. Mais, toujours est-il nécessaire de souligner que cela comporte des coûts d’opportunité significatifs pour la société. Il serait plus judicieux alors d’optimiser les stratégies à adopter sur ce point, d’une part, entre stratégie de coopération (laissant totalement au demandeur de choisir librement son emploi, sans contrainte) et stratégie de pression (intégrant la notion de « sanction ») et, d’autre part, entre stratégie de qualification (donnant du temps au demandeur pour lui permettre d’atteindre d’abord la qualification requise pour occuper un poste qu’il souhaite prendre) et stratégie de placement (incitant le demandeur à intégrer « rapidement » le monde professionnel).

Enfin, au sujet de l’implication des employeurs à la question d’intégration professionnelle des migrants, les réalités grisonnes montrent des exemples à partager. En effet, les grisonnais se préoccupent de la faible visibilité des migrants permis F sur le marché du travail suisse et ainsi de leur désavantage face à la concurrence de la part des ressortissants européens. Il en résulte alors des efforts pour nouer un partenariat durable (des acteurs du soutien à l’intégration professionnelle des migrants) avec les employeurs suisses. Sur ce plan, l’important est de mettre les permis F « à la hauteur » permettant aux employeurs de les voir ; ceci est crucial car « trop » de soutien pour les migrants (qui auraient plutôt besoin « d’accompagnement ») pourrait engendrer une distorsion sur le marché de travail (réduction « injuste » de la probabilité d’emploi des autres catégories de personnes).

Des efforts sont encore à développer dans les deux cantons, mais ces réalités sont déjà des indices sur les pistes à approfondir. Ce travail de recherche devrait alors inciter les acteurs de l’intégration à réfléchir davantage sur des améliorations à réaliser, aussi bien au niveau cantonal qu’au niveau de la Confédération. Cette étude est seulement limitée par le fait de ne considérer que deux cantons seulement, étant données les contraintes de temps pour sa réalisation. Un autre limite manifeste de cette recherche est la prise en compte de seulement les avis des acteurs de soutien à l’intégration, sans avoir eu la possibilité de relever aussi les opinions des migrants eux-mêmes. Ces limites devraient donc servir de base pour les approfondissements de ce travail de recherche.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE 1 – QUESTIONNAIRE

Question 1

Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

Question 2

Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des étrangers admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

Question 3

Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

Question 4

Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée rapide dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des étrangers admis provisoirement ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

Question 5

Quelles sont les mesures visant à donner confiance à cette population (permis F) dans une intégration régionale durable (malgré le terme de ‘provisoire’ du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner confiance aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

Question 6

Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les étrangers admis provisoirement quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

Question 7

Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

Question 8

Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

Question 9

Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ?  Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

Question 10

Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

Question 11

Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

ANNEXE 2 – PERSONNES INTERVIEWEES

 

Pour le canton des Grisons, ont été auditionnés:

  • la déléguée à l’intégration (Mme. Ganter) et son adjointe (Mme. Meier)
  • un parlementaire (M. Perl)
  • un représentant patronal (Mme. Trottmann)
  • un représentant associatif car leur implication est grande. (N. Wilhelm)

 

Pour le canton de Vaud, ont été auditionnés:

  • la déléguée à l’intégration (Mme. Benkais-Benbrahim)
  • un responsable de l’EVAM (M.Mag)
  • un chef de service de l’office cantonal de l’emploi (M. Vodoz)
  • un parlementaire (M. Dolivo)
  • un représentant patronal (M. Taddei)

 

 

ANNEXE 3 – COMPTES-RENDUS DES ENTRETIENS

 

1/ GR- BCI- MMES. P. GANTER ET C. MEIER (LE 26.07.16)

 

1.1- Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

 

Le BCI est responsable de l’intégration linguistique et professionnelle des permis F et B réfugiés mais pas des N pour lesquels la base légale ne prévoit aucune  mesure d’intégration.

Les missions du BCI sont de :

  • accueillir le mieux possible avec l’aide de traducteurs et expliquer la réalité du chemin de l’intégration, l’importance et la difficulté de l’apprentissage de la langue
  • informer les gens sur les attentes de la société et certaines caractéristiques pratiques utiles au quotidien
  • organiser l’apprentissage de la langue
  • préparer l’entrée à l’école enfantine des enfants
  • superviser l’intégration professionnelle ou le suivi d’une formation
  • favoriser l’insertion sociale

 

1.2- Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des réfugiés admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

 

Pilotage centralisé au BCI par trois jobs coach et une coordinatrice de l’intégration linguistique, ces derniers sont activement présents tout le long du processus et organisent en concertation avec chacun des bénéficiaires les étapes suivantes :

  1. le choix du cours dans une école de langue et y envoie la personne. Des points de situation fréquents se font pour évaluer la progression et s’assurer de la participation.
  2. l’évaluation des savoir-faire sur trois semaines (une semaine de théorie et deux semaines de pratique) dans cinq domaines d’activité
  3. la définition d’un plan d’action (formation, apprentissage, activité) dans une vision à long terme
  4. la recherche de l’emploi directement auprès des employeurs. Un réseau de 400 PME existe. Le job coach contacte des entreprises dans les domaines correspondants aux souhaits et compétences de la personne. Il reste à la disposition des deux parties pendant toute la durée de l’engagement
  5. le soutien administratif aux entreprises. Le job coach se charge de gérer tous les documents de façon à ne pas pénaliser les permis F sur ce point.

 

1.3- Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

 

Alors que la langue est la pierre angulaire de l’intégration, la réussite de son apprentissage va de paire avec un enseignement

  • intensif (4 à 5 fois par semaine)
  • obligatoire
  • d’une durée minimum de huit mois
  • ambitieux (objectif le niveau B1, avec pour minimum le A2)
  • adapté pour les personnes analphabètes
  • souple permettant aux personnes en emploi de venir en cours

 

1.4- Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée RAPIDE dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des migrants ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

 

La première étape est l’apprentissage de la langue à plein temps selon la philosophie décrite ci-dessus.

 

Ensuite il faut laisser le temps aux migrants de chercher leur voie. Le job coach a le souci de respecter la volonté et le goût des personnes s’ils sont réalistes au regard de ses ressources et compétences.

 

Il ne s’agit pas d’occuper les gens mais de les aider à prendre place dans la société ; pour autant que les capacités à étudier soient reconnues, la formation est le premier choix pour donner plus d’atouts sur la durée.

 

1.5- Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE à cette population migrante (permis F) dans une intégration régionale DURABLE (malgré le terme de provisoire du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

 

Sur le canton, le libellé du permis F n’engendre pas de méfiance.

 

Concernant les offres d’emploi, l’ensemble des services cantonaux a décidé de ne faire aucune différence entre les permis.

 

Aspect maintenant intégré par les employeurs, le BCI leur a expliqué que les permis F et B sont équivalents : dans les faits, la grande majorité de ces personnes reste durablement en Suisse cela indistinctement de leur statut.

 

1.6- Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les migrants quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

 

A moins que le migrant trouve et veuille prendre un emploi, il est recommandé de se consacrer à plein temps à l’apprentissage de la langue au début.

La langue est la base de tout. L’apprendre est difficile. L’expérience montre que concilier travail et étude est périlleux. Le risque est de rendre pus difficile l’atteinte du B1 et d’être pénalisé à moyen terme dans un futur avancement professionnel.

 

1.7- Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

 

Au début le BCI a informé les employeurs ; maintenant Madame Ganter saisit certaines occasions pour faire des piqûres de rappel ; le bouche à oreille fonctionne bien aux Grisons. Il n’est jugé utile d’engager une nouvelle campagne auprès des dirigeants.

 

La relation avec les employeurs s’entretient via les jobs coach ; ils travaillent en pleine confiance et soutiennent les employeurs dans toutes leurs demandes.

 

1.8- Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

 

L’intégration nécessite l’engagement de la société. Le politique nous exprime son soutien, donne des moyens et accepte nos méthodes. Ce n’est pas son rôle d’entrer dans nos choix opérationnels.

 

1.9- Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ? Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

 

De compétence fédérale, il est long et difficile de faire reconnaître les diplômes étrangers.

C’est la raison pour laquelle, il est souvent recommandé de faire un apprentissage pour contourner ce problème et obtenir son « laisser passer » sur le marché du travail.

 

1.10- Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

 

L’intérêt des PIC est de rendre   visible la politique d’intégration et de forcer tous les cantons à poser une stratégie.

 

1.11- Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

 

Il faut se concentrer sur les jeunes et les mineurs non accompagnés. Comment les former ? Même si les coûts vont augmenter, tous les moins de 25 ans, qui en ont les capacités, doivent recevoir une formation complète.

 

Les écoles doivent plus leurs ouvrir les portes ; les structures ordinaires doivent plus s’adapter à cette population migrante ;  les conditions d’entrée sont souvent limitatives et faites pour des enfances suisses.

 

L’entrée dans les apprentissages devrait être facilitée pour les jeunes migrants. Le système d’évaluations doit voir, les difficultés et aussi les atouts, la globalité école et employeur. Evaluer les migrants selon le moule suisse ne va pas; il faut des évaluations différenciées qui tiennent compte des parcours de vie.

 

 

 

2/ GR- PARLEMENTAIRE- M. ANDRI PERL (LE 13.09.16)

 

2.1- Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

 

Il y a un large consensus au Grand Conseil sur la nécessité de devoir soutenir l’actuelle action publique positive et de chercher à en faire davantage (cf. apprentissage de la langue, création d’apprentissages, améliorer la qualification des migrants car avoir un emploi ne suffit pas).

 

Le parlement garde une attention particulière sur l’action de l’exécutif.

 

Le canton a les moyens financiers pour le déploiement de nouvelles mesures ; grâce à la centralisation de son action, le canton opère des économies d’échelle.

 

Toutes les communes payent solidairement pour la formation des mineurs non accompagnés jusqu’à leurs 25 ans ; la responsabilité opérationnelle en est laissée au canton.

 

2.2- Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des réfugiés admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

 

Le parlement salue le 40% actuel d’insertion professionnelle des permis F. Cependant il demande à faire mieux ; ce n’est pas suffisant ; il ne faut pas que les communes se retrouvent avec des charges sociales importantes dans quelques années.

 

2.3- Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

 

Le parlement demande

  • d’intensifier l’apprentissage de l’allemand
  • de créer des apprentissages adaptés à des adultes souvent traumatisés de guerre et parfois analphabètes ; travailler ne suffit pas ; apprendre est souvent difficile mais la sécurité de l’emploi passe par l’acquisition de qualifications
  • de développer des programmes spéciaux à l’attention des mineurs non accompagnés. D’une façon générale, il faut prioriser les mesures en faveur des jeunes ; ils sont les plus aptes à se former et constituent le risque social le plus grand.

 

2.4- Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée RAPIDE dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des migrants ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

 

Pas d’avis sur la question

2.5- Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE à cette population migrante (permis F) dans une intégration régionale DURABLE (malgré le terme de provisoire du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

 

Pour les emplois saisonniers dans l’industrie du tourisme, le libellé du permis F n’est pas une question.

 

La confiance entre les personnes admises à titre provisoire et les locaux est beaucoup l’œuvre principale des nombreuses associations dont le rôle est central. En organisant de nombreuses réunions, la population locale a dissipé ses peurs, changé ses représentations et voit les migrants comme des « gens normaux » ! Quant un nouveau centre ouvre, il se constitue souvent une association pour accompagner le changement. Les associations sont des « faiseurs de pont » également entre migrants et employeurs, font remonter aux responsables politiques des observations et ressentis du terrain.

 

2.6- Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les migrants quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

 

Pas d’avis sur la question

 

2.7- Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

 

D’abord l’organisation centralisée au niveau cantonal est un gage d’efficacité. Ce travail d’intégration demande de vraies compétences qui s’acquièrent avec l’expérience du nombre.

 

Ensuite, les acteurs de cette politique travaillent globalement bien ensemble : le politique est présente et donne la direction, l’administration met en œuvre de façon remarquable, les entrepreneurs sont présents, et enfin les associations font un travail de terrain complémentaire considérable permettant un « contrôle » sain de l’action publique et la remontée d’informations vers les élus. Il en découle un désamorçage en amont des conflits politiques.

 

2.8- Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

 

Le sujet est revenu au Grand Conseil en juin 2016 ; un débat intéressant et éclairé a eu lieu dans le calme sans émotion. Il y a un large consensus, intégrant l’UDC, pour développer cette politique publique au moins en raison l’enjeu financier.

 

Cette dernière motion parlementaire a pour objectif de garder un éclairage politique fort au regard de l’importance du sujet, de demander au gouvernement d’en faire plus dès maintenant -l’argent n’étant pas un frein dans ce domaine aux Grisons- et de soutenir l’administration.

 

2.9- Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ? Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

 

Pas d’avis sur la question

 

2.10- Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

 

Pas d’avis sur la question

 

2.11- Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

 

L’actuelle retenue du salaire est trop importante et peuvent démotiver les personnes à prendre un emploi.

 

Or il n’y a de réelle intégration en Suisse à terme sans intégration professionnelle rémunérée.

 

Il est donc essentiel de travailler à de nouveaux mécanismes responsabilisant les migrants et les employeurs.

 

 

 

3/ GR- DIRECTION HILTON- MME. LEONIE TROTTMANN (LE 30.09.16)

Hormis certaines entreprises avec des valeurs allant dans le sens de l’ouverture aux cultures (exemple hôtels Hilton), hormis des positionnements personnels, les entrepreneurs des Grisons sont dans l’ensemble peu sensibilisés à l’intégration professionnelle des migrants permis F (idem pour les N et B). Tenir compte de la psychologique des patrons est important.

 

Le marché de l’emploi étant largement ouvert, les migrants sont fort peu visibles notamment en raison de la concurrence avec les nationalités européennes. Ne voyant pas de bénéfices immédiats, le recruteur choisit souvent la voie la plus simple, la plus rapide et la plus sûre.

 

Pour amorcer un changement d’habitude et une prise de conscience sur la responsabilité des entreprises, ces dernières auraient besoin d’un(e) :

1- message politique impulsant une implication plus grande des entreprises dans l’intégration professionnelle des migrants… (cf. Madame Merkel en Allemagne)

 

2- information administrative continue et adaptée. Le Bureau Cantonal de L’Intégration a envoyé seulement une lettre de sensibilisation au printemps 2016. Ce n’est pas suffisant pour amorcer un changement de politique de recrutement. De la même façon que le seul envoi d’un CV ne suffit plus pour retenir l’attention du recruteur, la seule communication papier ne suffit également pas : il faut de l’Humain.

Comment informer ? En plus de la chambre de commerce et d’industrie, utiliser les canaux internes aux associations professionnelles (éventuellement leurs news letters) pourraient être pertinents pour ajuster le propos aux spécificités de chaque profession. Faut-il aussi investir dans un délégué itinérant dans les entreprises ?

Quelles informations ? Il faut donner des exemples ayant réussis pour éloigner la peur et montrer les bienfaits de la diversité dans le fonctionnement et la motivation de l’équipe.

 

3- temps de travail administratif et une sécurité juridique pour l’entreprise identiques à ceux des autres permis (L par exemple). Il faudrait travailler en ce sens, peut-être à l’aide de check listes préparées par l’administration.

 

4- réactivité de l’administration forte et identique pour tous les permis.

 

5- souplesse dans les stages et/ou les contrats de travail. Autant les migrants ne doivent pas subir de dumping salarial, autant l’entreprise devrait être incitée en engageant temporairement à des conditions salariales plus basses en raison de la langue par exemple… Des progrès en ce sens sont faits.

 

6- soutien humain et « faiseur de pont » (du type facilitateur job coach du Bureau Cantonal d’Intégration, association IG Offenes Davos, autorités communales…). Avoir un interlocuteur de référence connaissant, d’une part les obligations administratives et légales, d’autre part les migrants, est un élément nécessaire très positif pour l’entreprise. Alors que le recrutement se fait aujourd’hui à travers les réseaux et la rencontre physique… le job coach fait office justement de lien humain entre le recruteur et le migrant à la recherche d’un emploi.

 

7- meilleure maîtrise linguistique des migrants comme compétence souvent première à la vie en entreprise.

4/ GR- IG OFFENES DAVOS- M. PHILIPP WILHELM (LE 30.09.16)

 

Constat :

 

La Confédération a besoin de plusieurs mois -parfois plusieurs années- pour statuer sur une demande d’asile. Durant cette période, les personnes migrantes ont un permis N et attentent dans des centres de transit sans bénéficier de mesures d’intégration. En effet la Loi ne prévoit rien pour les permis N.

 

Or la grande majorité des personnes ayant un permis N reçoit un permis F ou B et reste durablement en Suisse.

 

L’administration entre en action et remplit bien son rôle de facilitateur d’intégration défini par la Loi seulement vis à vis des permis F et B.

 

Objectif de l’association IG Offenes Davos

 

L’association (12 membres dont trois salariés) –financée par des Fondations privées- se donne de compléter le dispositif légal en choisissant de cibler son action sur les permis N. (environ 150 personnes logées à Davos actuellement)

 

La philosophie de l’action est de mettre à profit chaque instant considérant que l’intégration est une dynamique à enclencher dès le premier jour.

 

L’association fait office de premier réseau social des migrants. Lorsque les personnes reçoivent un permis F ou B et commencent leur intégration « officielle », elles restent souvent en contact avec IG.

 

Actions de l’association IG Offenes Davos

 

L’écoute et la parole :

Les personnes migrantes ont accès à une conseillère à la fois sociale et juridique. Cette écoute est importante car parfois la confiance dans l’administration interne au centre de transit est faible.

 

Le matériel :

Des jeux et des vêtements sont données. Une salle d’informatique donne libre accès à internet. Une grande salle à manger conviviale permet de partager une collation.

 

L’apprentissage de la langue :

Deux cours par semaine sont ouverts en complément des premiers cours de langue donnés dans les centres de transit.

 

Le réseau social :

Réunissant environ 200 personnes, des repas conviviaux sont organisés quatre fois par an.

Ouvertes à tous, ces fêtes réunissent des migrants, des immigrants de l’Union Européenne et des suisses de Davos de professions diverses.

Alors que l’intégration passe beaucoup par le réseau social, ces gens se reconnaissent et des liens se créent. Sur la base d’un volontariat bénévole, des solidarités entre des migrants et des autochtones se mettent en place.

 

L’emploi:

Même si des cas de dumping sont avérés, la plupart des expériences sont bonnes notamment avec des hôteliers animés par aussi des valeurs d’engagement pour la société.

 

Relations de l’association IG Offenes Davos avec les autres acteurs

 

Des relations de confiance avec le monde politique existent et permettent de faire remonter des informations importantes sur la réalité du terrain. Alors que l’ouverture du centre de transit a généré des peurs chez certaines personnes,  le maire de Davos étiqueté à droite de l’échiquier politique reconnaît que la situation serait plus compliquée en l’absence du travail conduit par l’association.

 

Les relations avec administration sont bonnes avec le BCI et parfois difficiles avec d’autres. Autant chacun admet la nécessité d’œuvrer au bénéfice des personnes permis N, autant la stricte application de la loi dit d’engager les mesures d’intégration pour les permis F et B seulement…

 

Bilan :

 

Tout ce travail largement reconnu contribue à une meilleure intégration professionnelle des migrants allant recevoir un permis F ou B.

 

 

 

5/ VD- BCI- MME. AMINA BENKAIS-BENBRAHIM (LE 07.07.16)

 

5.1- Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

 

Le canton de Vaud fait partie des cantons suisses avec le moins bon taux d’insertion professionnelle des personnes admises provisoirement. Depuis trois ans l’objectif politique est de changer cette situation en agissant sur les causes identifiées comme étant principalement :

  1. Vaud régularise plus facilement les permis F que d’autres cantons; ceux qui gardent ce statut seraient donc plus difficilement intégrables professionnellement.
  2. Vaud applique une retenue sur salaire lorsqu’un permis F travaille ce qui peut inciter certains à ne pas prendre un travail.
  3. La formation de base de cette population est souvent en inadéquation avec les besoins du marché de l’emploi local.
  4. Les employeurs sont peu impliqués peu sensibilisés à recruter cette population. Les complications administratives et le nom du permis « admis provisoire » sont des freins.
  5. Les traumatismes psychologiques liés à la guerre compliquent davantage l’insertion dans une entreprise.

 

5.2- Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des réfugiés admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

 

Une attention particulière est mise sur les bonnes pratiques des autres cantons.

Un effort particulier est mis sur la formation des migrants pour la mettre en adéquation avec les attentes et besoins du monde économique. Cette volonté se traduit par des projets pilote de job coaching conçus par le canton de Vaud pour tenir compte des spécificités du marché de marché du travail.

Alors que l’accueil, les cours de langue et les mesures sont conduits par l’EVAM (organisme mandataire en charge des permis N et F), des réflexions sont en cours pour accélérer les prises en charge et donner plus de liens avec les entreprises.

5.3- Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

 

A son arrivée à l’EVAM, le migrant passe par une cellule d’orientation où un bilan de compétences complet est réalisé.

Le début des cours de langue a été ramené depuis peu à deux mois après l’arrivée à l’EVAM, à hauteur de trois heures par semaine.

Il est cependant nécessaire de modifier l’offre des cours pour y développer fortement les cours intensifs. Le format doit changer et aller vers le modèle allemand dont le rythme des cours est quotidien.

Les cours sont obligatoires tant que le niveau requis n’est pas atteint.

5.4- Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée RAPIDE dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des migrants ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

 

L’employabilité dépend de l’adéquation des compétences avec les besoins des employeurs. Les jobs coaching  permettent de mieux accompagner à la recherche du premier emploi.

Le migrant n’est pas incité à prendre « le premier travail qui se présente ».

Le statut F est peu connu ; la sensibilisation des employeurs est à développer. A l’exception de Gastrovaud qui a beaucoup de besoins, il n’y a pas de méthode établie visant à travailler en partenariat avec les employeurs. Un début de simplification administrative est en cours.

 

5.5- Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE à cette population migrante (permis F) dans une intégration régionale DURABLE (malgré le terme de provisoire du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

 

Le changement de statut est un sujet actuellement traité par un groupe de travail à la Confédération. Trouver un autre libellé de permis moins stigmatisant et limiter les obligations administratives des employeurs (cf. autorisation d’engagement et retenue de salaire) seraient les réformes principales.

Les migrants savent que le statut F se transforme souvent en B quant un travail stable est tenu.

La priorité des employeurs est de trouver les personnes avec les compétences correspondantes au poste de travail. Le libellé du permis F au demeurant peu connu semble une question secondaire.

 

5.6- Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les migrants quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

 

Les actions d’intégration se font en parallèle.

Au début chaque migrant passe par un tronc commun (bilan et projet professionnel) puis le parcours devient individuel.

Certaines formations professionnelles (cuisine, santé, nettoyage) sont proposées à l’interne de l’EVAM. D’autres sont externalisées.

 

5.7- Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

 

Globalement les employeurs sont peu favorables à un partenariat sur le sujet.

Certaines branches professionnelles font exception : cuisine, santé, nettoyage.

 

5.8- Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

 

Depuis deux ans, l’intégration des migrants –tous permis confondus- est une priorité politique également discutée au Grand Conseil.

 

5.9- Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ? Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

 

La reconnaissance des diplômes est de compétence fédérale.

La validation des acquis est en augmentation et permet de « contourner » la difficile reconnaissance des diplômes.

Grâce à un stage ou une formation courte, les savoir-faire spécifiques sont reconnus.

 

5.10- Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

 

Le contrat de prestations est un outil financier couvrant des mesures (2 M sur les 115 M du budget de l’EVAM) au bénéfice d’une stratégie globale.

L’intégration professionnelle des F par rapport à 2015 augmente de 20%.

 

5.11- Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

 

La Loi actuelle demande d’intégrer des gens qui ont un statut provisoire ; ce paradoxe mériterait d’être levé pour donner un message politique clair sur l’importance de l’intégration des migrants.

L’attente inactive infligée aux personnes avec un permis N va à l’encontre de l’importance reconnue par tous d’une prise en charge rapide dans le processus d’intégration.

L’implication active des employeurs est centrale pour amener des personnes migrantes formées sur le marché du travail.

 

 

 

6/ VD- EVAM- M. FREDERIC MAG (LE 26.09.16)

 

6.1- Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

 

Le PIC fixe plusieurs axes : langue, employabilité, information primo arrivant, encouragement précoce petite enfance…

 

La mission attribuée à l’EVAM est double : l’intégration sociale et surtout professionnelle (cf. travail fixe durable) des permis F avec une priorité mise sur l’indépendance économique.

 

6.2- Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des réfugiés admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

 

Le 21% des permis F du Canton (versus 30% moyenne suisse) occupe un emploi à différents taux. L’EVAM est critiqué car des moyens importants lui sont octroyés pour un faible résultat.

L’EVAM concentre un fort professionnalisme.

Des employeurs se manifestent et disent vouloir engager des migrants. Cependant il est souvent, administrativement plus facile et économiquement plus avantageux, d’engager des personnes au chômage. Contrairement à plusieurs populations fragilisées, aucun dispositif d’aide à l’emploi (type ACIT) n’est prévu pour les personnes admises à titre provisoire ; ces dernières sont donc pénalisées. L’employeur doit payer un salaire complet  pendant la période d’essai.

Le système actuel dissuade les personnes admises à titre provisoire de chercher l’indépendance économique.

 

6.3- Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

 

Deux mois après son arrivée sur le canton de Vaud, la personne débute un premier cours à raison de neuf périodes par semaine pendant 6 mois. Suit un deuxième cours (enseignement généraliste), avec présence d’éducateurs, intensif à raison de 26 périodes par semaine pendant 12 mois. Les cours sont reconnus comme étant de qualité. Avancer le cycle intensif n’irait pas car il faut laisser aux gens le temps d’arriver.

 

La présence aux cours est obligatoire ; le taux de présence y est important.

 

Le financement des cours de langue est assuré pour les permis N et F.

 

6.4- Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée RAPIDE dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des migrants ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

 

Demandé par le monde politique, une rapide intégration professionnelle est une bonne idée. Cependant il faut un ensemble cohérent, c’est-à-dire:

  • définir la notion de rapidité, forcément différente pour une population migrante souvent en provenance de pays en guerre avec des besoins spécifiques que pour une population insérée en Suisse depuis des années et ayant une période de chômage
  • créer des logiques et programmes d’apprentissage pour des adultes allophones parfois ayant été peu scolarisés. La formation en emploi est la voie la plus prometteuse à fortiori en raison de la proche extinction des emplois non qualifiés.
  • donner au système plus de moyens financiers correspondant à cette politique. En effet sachant l’impératif du niveau B1 souvent demandé par les employeurs, chercher à accélérer la première prise d’emploi signifierait l’engagement de traducteurs supplémentaires
  • changer la loi qui ne prévoit pas le financement de mesures d’intégration pour les permis N sachant que les personnes gardent ce statut entre 12 et 18 mois
  • statuer plus rapidement sur la demande d’asile. Il est délicat de travailler activement à l’intégration professionnelle d’une personne et à la fin lui annoncer son refoulement.

 

6.5- Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE à cette population migrante (permis F) dans une intégration régionale DURABLE (malgré le terme de provisoire du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

 

C’est un faux problème. Il s’agit juste de bien informer les employeurs est fait. Dans les faits, les personnes admises à titre provisoire restent durablement en Suisse.

 

6.6- Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les migrants quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

 

Pas d’avis sur la question

 

6.7- Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

 

Il n’y a pas à ce jour de partenariat avec le monde patronal.

 

Beaucoup de gens ne le savent pas. Les permis N (respectivement F) sont engageables après 3 mois de présence sur le canton (respectivement immédiatement).

 

Dans une décision d’engagement d’un migrant, le patron est

  • ni accompagné à l’instar du nécessaire accompagnement humain du migrant. S’agissant du premier emploi en Suisse, il est importante de travailler sur les représentations des deux parties.
  • ni incité financièrement à travers un système propre d’allocation existant pour d’autres publics
  • ni encouragé avec l’usage d’un engagement à temps partiel

 

6.8- Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

 

En l’absence de gain électoral, l’intégration professionnelle des migrants n’est pas un sujet évoqué par les politiques. Les politiques regardent les résultats souhaitant voir les migrants occupés.

Il manque la définition d’un plan d’actions cohérent d’ensemble qui fixe des objectifs communs entre départements.

 

6.9- Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ? Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

 

Pas d’avis sur la question

 

6.10- Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

 

Pas d’avis sur la question

 

6.11- Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

 

BCI et EVAM travaillent dans une relation constructive de confiance. Avec les autres services de l’Etat, la collaboration s’améliore avec la volonté d’un suivi continu du parcours des personnes. Les demandes et suggestions d’amélioration du système sont entendues ; cependant demeure une grande inertie avec des attentes de plusieurs années avant de voir sur le terrain les changements demandés.

 

Est donnée à l’EVAM la double mission quelque peu antinomique de l’assistanat et de l’autonomisation. Le système devrait grandement plus donner envie aux personnes admises à titre provisoire de se responsabiliser fortement et de chercher elles-mêmes le chemin de la pleine indépendance.

 

 

 

 

7/ VD- PARLEMENTAIRE- M. JEAN-MICHEL DOLIVO (LE 25.08.16)

 

7.1- Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

 

Tant que des droits ne sont pas reconnus aux personnes admises à titre provisoire, l’intégration n’est pas possible.

 

Le statut actuel accentue l’exclusion et la précarité. Ces personnes vivent avec une épée de Damoclès sur la tête. Il n’y a pas d’intégration sans stabilité personnelle ; le permis en question ne la donne pas.

 

Les conditions actuelles ne permettent donc pas de parler d’objectifs.

 

La situation des migrants au bénéfice d’un permis B est significativement meilleure pour l’intégration en général et l’intégration professionnelle en particulier. La différence principale réside dans le niveau de précarité du statut et des droits accordés.

 

7.2- Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des réfugiés admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

 

Pas d’avis sur la question

 

7.3- Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

 

Avec mes 30 années d’expérience et d’accompagnement juridique de personnes en situation précaire, le « pêché originel » du système est toujours ce permis qui ne donne pas un  accès entier aux formations linguistiques et professionnelles.

 

La précarité complique parfois les aspects organisationnels pratiques jusqu’à empêcher une participation régulière aux cours, souvent celle des femmes en particulier.

 

7.4- Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée RAPIDE dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des migrants ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

 

La très grande majorité des personnes souhaite trouver rapidement un emploi. Le frein politique réside à nouveau dans la nature même du permis qui inquiète et empêche de s’investir complètement.

 

7.5- Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE à cette population migrante (permis F) dans une intégration régionale DURABLE (malgré le terme de provisoire du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

 

Petit pour certains et grand pour d’autres, il est évident que le libellé du permis F est un frein à l’intégration professionnelle.

7.6- Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les migrants quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

 

Pas d’avis sur la question

 

7.7- Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

 

Les personnes admises à titre provisoire ne sont pas constituées en association ; elles n’ont pas de représentant. Est-ce-que l’Etat opère une discrimination positive en employant proportionnellement plus important de permis F ?

 

7.8- Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

 

Annoncer l’intégration professionnelle des personnes permis F comme étant une priorité relève surtout plus de la rhétorique politicienne.

 

La grande majorité des élus se préoccupe peu du sujet. L’enjeu électoral est très limité ; les personnes admises à titre provisoire ne votent pas.

 

Faire des économies sur tous les postes budgétaires est la préoccupation politique du moment.

 

Cependant chacun est conscient de la bombe financière à retardement que constitue cette population ; en effet à défaut d’indépendance matérielle, les dépenses sociales de l’Etat vont exploser ces prochaines années. Sur ce seul argument, une certaine volonté politique s’exprime en faveur de l’intégration professionnelle.

 

7.9- Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ? Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

 

Pas d’avis sur la question

 

7.10- Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

 

Le contrat de prestations est de la seule responsabilité de l’exécutif.

 

7.11- Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

 

Le Canton se devrait de faciliter encore davantage le passage du permis F au permis B. Au delà de deux ans, les personnes admises à titre provisoire devraient recevoir automatiquement le permis B. La politique doit être cohérente ; il est contradictoire de travailler à l’intégration d’une personne et de la laisser en situation de précarité ; il y a contradiction à accorder le permis B dès lors que l’indépendance économique est démontrée tout en sachant que le permis F entrave justement cette indépendance.

 

Une attention et des actions supplémentaires spécifiques sont à déployer à l’endroit des femmes. Encore souvent confinées à la maison, parfois seules avec leurs enfants, elles constituent une population à protéger.

 

 

 

 

8/ VD- PATRONAT ROMAND- M. MARCO TADDEI (LE 30.08.16)

 

La question de l’intégration professionnelle des 35’000 personnes admises à titre provisoire n’a jamais été et n’est toujours pas un sujet de travail patronal. L’addition des raisons ci-dessous en est l’explication :

 

  • Le contexte politique suisse vire à droite avec une vision d’une plus grande fermeture des frontières Aucune impulsion n’est donnée ; elle serait pourtant déterminante pour mobiliser les entreprises. Aucun rapporteur ne met la question à l’agenda politique pour au minimum en débattre. Les entrepreneurs auraient besoin d’un signal fort. Même si la réalité économique et démographique est différente en Allemagne, la direction politique imprimée par Madame Merkel est en ce sens exemplaire et déterminante.

 

  • La mise en œuvre de l’initiative du 09.02.14 est la priorité qui agite tous les acteurs économiques du pays. Œuvrer pour préserver les bilatérales et la libre circulation des personnes en Europe sans contingence de frontaliers est le grand sujet du moment. Les préoccupations patronales sont multiples -instabilité actuelle, franc fort…- et n’incluent pas du tout les migrants. Cette population n’a jamais fait l’objet d’un positionnement de l’UPS; elle est en dehors des grands soucis du moment.

 

  • La vie des entrepreneurs est marquée par la responsabilité quotidienne de maintenir l’activité et préserver l’emploi actuel. Les positions philosophiques éthiques ne sont pas du ressort de l’entreprise. Surtout dans les PME, le présent est l’horizon temporel. Souvent la priorité est donnée à la formation d’un apprenti. Dégager davantage de temps pour accompagner une personne admise à titre provisoire (le libellé du statut étant un frein supplémentaire), dont la durée de présence dans l’équipe est incertaine, semble compliqué. La psychologique de l’entrepreneur est de choisir la voie stable et sûre ; prendre connaissance d’exemples réussis de migrants ayant pleinement intégrés et enrichis le mode de production serait de nature à changer certains recrutements.

 

  • L’absence de représentant médiateur audible est problématique. Des groupes de travail, réunissant les spécialistes de l’intégration (AI, IPT, chambre de commerce…), travaillent à mieux intégrer dans la vie active les séniors, les jeunes, les femmes, les personnes avec handicap… mais pour le moment pas les migrants. Cette population n’est représentée dans les instances patronales.

 

  • La presse donne rarement à lire des articles sur les permis F. Le déficit de communication et d’explication est flagrant. L’OCDE, de façon unanime, affirme que l’intégration rapide des migrants est dans l’intérêt de nos économies ; la puissante Union patronale allemande partage cet avis. Ces positionnements sont fort peu relayés par les médias.

 

 

 

 

9/ VD- OCE- M. FRANCOIS VODOZ (LE 25.08.16)

 

9.1- Quels sont les objectifs généraux de la politique cantonale d’intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire ces cinq dernières années ?

 

Propos introductifs généraux:

 

Alors que le pourcentage de population d’origine étrangère est élevé (VD 33%), l’intégration se fait particulièrement bien en Suisse, sans phénomène d’exclusion. Même si les caractéristiques migratoires changent selon la période historique, au final, le marché du travail est ouvert et intègre formidablement bien les migrants.

 

L’intégration nécessite du temps souvent celui d’une génération. L’intégration se fait aussi par la formation qui est la même pour tous sans distinction.

 

L’arrivée des Italiens en son temps s’est également faite dans un climat tendu. Dans un bon nombre de pays, les discours politiques souverainistes -faisant appel à la peur identitaire- sont récurrents à travers l’Histoire. La situation actuelle ne se distingue donc pas.

 

Des droits politiques (le droit de vote au niveau communal) sont accordés aux étrangers détenteur d’un permis B sur le Canton de Vaud.

 

L’intégration passe par le respect de l’égalité de traitement et l’absence de toutes formes de ghettoïsation.

 

La société suisse est accueillante. La situation actuelle n’est donc pas alarmante.

 

9.2- Quels sont les principaux axes de la politique publique pour l’insertion professionnelle des réfugiés admis à titre provisoire ? Quels en sont les résultats clés ? Quelles en sont les principales forces et faiblesses ?

 

L’OCE a favorisé l’employabilité des personnes admises à titre provisoire en ayant simplifié la procédure administrative de recrutement. Aucun émolument n’est demandé à l’employeur. La vérification porte seulement sur les conditions d’emploi (cf. conformité aux droits et conventions).

 

Aujourd’hui le marché du travail est extrêmement ouvert. Les ressortissants de l’UE sont très motivés de venir travailler en Suisse et leur engagement est d’une grande simplicité pour l’employeur.

 

Les permis F sont donc souvent en concurrence directe avec des ressortissants européens.

 

Le libellé du permis F est un détail dans la logique économique d’un patron pragmatique. Ses employés doivent juste répondre aux besoins de son entreprise.

 

9.3- Quelles sont les mesures en lien avec l’enseignement de la langue régionale spécifiques aux réfugiés admis à titre provisoire ? Les cours sont-ils peu ou grandement intensifs ? Sont-ils obligatoires ? Sont-ils ouverts sur une courte ou longue période ?

 

Globalement les mesures apportées sont nombreuses et améliorables à la marge.

 

Redéfinir les missions de l’EVAM et professionnaliser l’enseignement de la langue en mandatant des écoles est à l’étude. Le système et ses acteurs doivent trouver un réel intérêt à l’envol des migrants dans la vie active ; ce n’est pas suffisamment le cas. Le système gagnerait à évoluer vers plus de responsabilisation.

 

Concentrer les moyens d’intégration sur deux ans et sur les permis N les plus aptes à apprendre (cf. profilage) serait une approche pragmatique en vue d’atteindre un taux d’emploi moyen de 50%. Il faut accepter de ne pas pouvoir intégrer certaines personnes.

 

9.4- Quelles sont les mesures visant à encourager une entrée RAPIDE dans la vie active ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des migrants ? Quelle(s) sont vos méthode(s) sur ce point à l’égard des employeurs ?

 

Le facteur premier d’intégration est le travail qui permet de comprendre la société suisse et ses caractéristiques.

 

Il faut chercher l’intégration rapide.

 

9.5- Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE à cette population migrante (permis F) dans une intégration régionale DURABLE (malgré le terme de provisoire du permis…) ? Quelles sont les mesures visant à donner CONFIANCE aux employeurs pour engager un permis F indistinctement d’un autre permis ?

 

Marché du travail libéral et libéralisé depuis 10 ans : c’est une révolution.

 

Le permis F n’est pas un enjeu de Confiance pour les employeurs.

 

9.6- Comment sont activés les trois groupes de mesures décrites ci-dessus ? Simultanément ou séquentiellement ? Avez-vous un protocole standard qui s’applique à tous les migrants quelles que soient leur origine et leur situation… ou est-ce du cas par cas ?

 

Pas d’avis sur la question

 

9.7- Quels sont la nature et les modalités du partenariat Etat / employeurs / migrants ? Quelles sont les responsabilités de chacun? Quels sont les employeurs les plus favorables à un partenariat ? Quelle est l’intensité du dialogue avec les migrants ?

 

Il y a un partenariat Etat / employeurs sur de nombreux sujets mais pas sur la question des migrants.

 

Focaliser sur une population peut faire perdre la vue d’ensemble. Le Canton de Vaud a 27’000 demandeurs d’emploi et 3’000 permis F. Sa priorité se porte naturellement sur la question la plus importante. Faire des différences risquerait de stigmatiser une population et va à l’encontre de l’objectif d’intégration global à moyen terme.

 

9.8- Comment décrivez-vous le rôle du politique, la volonté politique, le consensus politique et la stabilité de cette politique d’insertion professionnelle ?

 

La migration n’est pas une thématique sur le canton de Vaud.

 

Le Conseil d’Etat demande de travailler à améliorer l’employabilité des permis F pour limiter les coûts sociaux.

 

9.9- Comment sont reconnus les diplômes étrangers ? Avez-vous des projets pilotes innovants ? Est-ce que des savoir-faire spécifiques pourraient être pris en compte même s’ils ne sont pas sanctionnés par un diplôme dans le pays d’origine ?

 

La méritocratie au sein des entreprises suisses limite l’importance des diplômes. Montrer par ses compétences par son travail suffit souvent.

 

9.10- Quels sont les limites et atouts du contrat de prestations quadriennal au regard de cette problématique d’insertion professionnelle des permis F ?

 

Pas d’avis sur la question

 

9.11- Quelles propositions auriez-vous à formuler pour lever les freins à l’intégration professionnelle de cette population en particulier ?

 

Hormis des caractéristiques économiques différentes, les différences inter cantonales peuvent avoir des origines culturelles. En effet en Suisse alémanique, la responsabilité individuelle, l’appartenance à une collectivité, le contrôle social sont importants.

 

Les migrants sont aujourd’hui comme sous tutelle. Responsabiliser et motiver la personne à la recherche de son emploi est le point central d’amélioration. Pour cela il faut lui faire Confiance. Le système actuel qui enclenche une cession sur salaire immédiate est dévalorisant et presque dissuasif financièrement (cf. différence pécuniaire minime). Il faudrait procéder autrement par exemple en demandant au migrant de payer lui-même un certain montant sur un échéancier plus long.

 

 

[1] Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (octobre 2015). Permis F: Admission provisoire ou exclusion durable ? Genève.

[2] LEtr, RS 142.20.

[3] Ordonnance du 24 octobre 2007 sur l’intégration des étrangers (OIE, RS 142.205)

[4] Ces conventions sont cependant en pratique jusqu’à maintenant peu appliquées dans les cantons : les mesures d’intégration sont en pratique offertes sans conditions.

[5] Brochure en français disponible sur l’adresse : https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem/publiservice/publikationen/info-flue-va/info-flue-va-fr.pdf

[6] Renseignements utiles (en français) pour les locataires sur l’adresse : http://www.bwo.admin.ch/dokumentation/00106/00112/00121/index.html?lang=fr

[7] Exemples : Les informations détaillées relatives à la recherche d’emploi (www.espace-emploi.ch) ou encore concernant l’environnement professionnel en Suisse (www.ch.ch/fr/droit-du-travail).

[8] Les propos évoqués dans cette section sont tous (sauf mention contraire explicite) issus des entretiens réalisés auprès d’acteurs importants et influents dans le domaine de l’intégration des migrants. Les comptes rendus de ces entretiens se trouve à l’Annexe 3 (A3) – « Comptes rendus des entretiens ». Pour simplifier, après une première précision de la référence détaillée de chaque propos rapporté dans cette section (exemple : A3/9/ VD- OCE- M. FRANCOIS VODOZ), cette référence est faite avec seulement le nom de l’auteur de ce propos (exemple : M. Vodoz).

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