Réforme de l’article 1843-4 du code civil : De l’Expertise dans la Cession des Droits Sociaux
Article 1843-4 et 1592 du code civil : quelles différences depuis l’ordonnance du 31 juillet 2014 ?
Introduction
Habilité par la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 à légiférer par voie d’ordonnance à l’effet, notamment, de « modifier l’article 1843-4 du code civil, pour assurer le respect par l’expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues par les parties », le gouvernement a saisi l’occasion qui lui était offerte d’infirmer la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point, et sur d’autres, en réécrivant totalement l’article 1843-4 qui dispose désormais[1]: « I. Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. / L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties. / II. Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. / L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties. ».
Sans doute la loi d’habilitation avait-elle été rédigée un peu précipitamment, car la véritable question n’était pas celle des pouvoirs de l’expert mais bien plutôt celle du champ d’application de l’article 1843-4 du code civil, dont on aurait souhaité qu’il se bornât à rappeler, comme on le pensait avant 2007, qu’il était uniquement celui des cas dans lesquels la loi avait prévu une cession ou un rachat de droits sociaux et non « tous ceux » que la Cour de cassation avait jugé opportun de viser.
Sans qu’il soit nécessaire d’y revenir longtemps, on se souvient en effet que la Cour de cassation avait souhaité, au terme d’une valse à trois temps, mais au prix d’un – grand – pas en arrière (opéré le 11 mars 2014), sortir l’article 1843-4 de son lit d’origine pour offrir au cédant, « dans tous les cas » où sont prévus une cession ou un rachat de droits sociaux, l’arme de l’expertise indépendante de prix, quand même le rachat ou la cession auraient été prévus par les statuts de la société[2], par une charte extrastatutaire ayant, au vrai, valeur de règlement intérieur[3], voire une simple promesse unilatérale de vente[4] ; et quand bien même ces statuts, cette charte ou cette promesse auraient eux-mêmes fixé le prix de rachat ou de cession des droits sociaux car l’expert avait tout pouvoir, en cas de contestation portant sur la valeur des droits sociaux, pour « déterminer, seul, les critères qu’il juge les plus appropriés pour [la] fixer, parmi lesquels [pouvaient] figurer ceux prévus par les statuts » ou, par voie d’extension, ces chartes ou autres promesses extrastatutaires de vente[5].
Encore fallait-il, bien sûr, que cette cession ou ce rachat apparaissent « forcés » mais comme ils pouvaient l’être hors les cas prévus par la loi, voire hors les cas prévus par les statuts, on ne savait plus trop où fixer la frontière entre les ventes ou les rachats librement consentis et les autres[6].
La Cour de cassation avait plus récemment confirmé sa volonté de préserver « dans tous ces cas » les intérêts de l’associé cédant, réputé avoir adhéré à des clauses plus qu’il ne les aurait véritablement acceptées, en refusant de transmettre au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité au motif, selon elle, que « les dispositions de l’article 1843-4 du code civil […] visent seulement à garantir, dans tous les cas où sont prévus la cession de droits sociaux ou le rachat de ceux-ci par la société, et s’il y a désaccord sur leur valeur, la juste évaluation des droits du cédant par l’intervention d’un tiers chargé de fixer cette valeur pour le compte des parties sans être tenu de se plier à des clauses qui pourraient être incompatibles avec la réalisation de cet objectif »[7].
Par un heureux pas en arrière (dû à l’imminence de la réforme ? ou au départ à la retraite d’un haut conseiller à la Cour de cassation, dont personne n’ignorait qu’il était à l’origine de cette dérive jurisprudentielle ?), la Cour de cassation avait toutefois récemment estimé que, contrairement à ce qu’elle avait laissé entendre en 2009 et 2012, « les dispositions de l’article 1843-4, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l’associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d’une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé »[8].
Encore que, dans ce complexe jurisprudentiel qui défiait l’entendement, on ne savait plus trop ce qu’il convenait d’entendre exactement par « promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé », on s’accordait tout de même à penser que, finalement, les promesses de vente extérieures aux statuts, dont celles qui sont incluses dans des pactes d’actionnaires, devaient logiquement échapper à l’emprise grandissante de l’article 1843-4 du code civil ; et que, dans ces promesses et pactes, la clause (de prix) ferait de nouveau, comme il sied, la loi des parties signataires.
Toutes ces hésitations et interrogations appartiennent désormais au passé, ce dont on peut se féliciter[9]. Reste que la nouvelle lettre de l’article 1843-4 du code civil peut en générer d’autres, car il est curieusement rédigé. A tel point que même si cette loi ne consacrera plus une entière, liberté de l’expert pour déterminer le prix de titres, il nous semble important de souligner que l’article 1592 demeure encore un excellent moyen d’assurer le respect par l’expert des méthodes et critères d’évaluations définis par les parties dans une expertise qui n’est ni prévue par la loi, ni ne s’inscrit dans le cadre d’une cession forcée.
On peut alors se demander quelles différences ont été finalement apportées par la réforme ? La loi étant venue corriger une situation devenue intenable, quel est devenu l’enjeu du recours à l’article 1592 dans le cadre de la session des droits sociaux ?
Pour répondre à ces questions nous allons, dans une première partie, rappeler le régime juridique de la mission du tiers estimateur sous l’ancienne rédaction (Partie I). Nous étudierons dans cette partie la cacophonie jurisprudentielle qui avait poussé les justiciables à anticiper avec l’article 1592 plutôt que de subir l’article 1843-4.
Puis nous étudierons dans une deuxième partie le nouveau droit positif issu de l’article 1843-4 dans sa nouvelle rédaction (Partie II). Nous allons décortiquer le nouvel article pour déterminer quels sont les nouveaux apports et le nouvel usage que les justiciables pourront en faire.
Partie I : le régime juridique de la mission du tiers estimateur sous l’ancienne rédaction
Le recours à l’expertise pour déterminer le prix de titres cédés à défaut d’accord des parties est une solution a priori simple permettant d’assurer la détermination d’un prix juste par un tiers neutre. Pourtant, l’anticipation et la gestion de ce processus n’est pas aussi simple qu’il y paraît, et son issue peut être incertaine si mal anticipée.
La référence spécifique faite par l’article 1843-4 du Code civil aux cas de cession de droits sociaux, ainsi que la certitude de la détermination d’un prix et donc de la réalisation de la vente, a longtemps encouragé les parties à se placer contractuellement sous le régime de cet article plutôt que sous celui de l’article 1592 du même code pour déterminer le prix de cession de leurs titres.
Toutefois, la jurisprudence foisonnante sur ce sujet ces dernières années est venue préciser que ces articles avaient des finalités et implications différentes (Titre I) ; mais elle a également rendu difficile à discerner leurs champs d’application (titre II).
Titre I : le domaine d’expertise des articles 1592 et 1843-4 du code civil
Nous verrons dans ce titre les différences apparentes entre les champs d’application respectifs des deux articles (chapitre I), avant de nous pencher sur les points communs qui sont aussi assez nombreux (Chapitre II).
Chapitre I : des différences apparentes
La première différence, la plus importante aussi, c’est que l’article 1592 n’a pas de caractère obligatoire (section I), alors que l’article 1843-4 lui est une disposition d’ordre public (section II).
Section I : Le caractère non obligatoire de l’article 1592
Ce caractère non obligatoire de l’article 1592 implique une commune intention des parties, de plus pour ce qui est de l’issue, la procédure peut ne pas aboutir à une décision du tiers.
Paragraphe 1 : La commune intention des parties
La commune intention signifie qu’il y a absence de contestation (A), mais le caractère non obligatoire tient aussi du fait que cet article s’applique de manière générale à toutes les sortes de vente quand la détermination du prix requiert des compétences particulières (B).
- Pour résoudre une divergence d’intérêts sur le montant de l’obligation pécuniaire
Le recours à l’article 1592 n’est jamais qu’une faculté pour le vendeur et l’acheteur, qu’aucune contestation ne sépare. Ce choix ne traduit rien de plus qu’une divergence d’intérêts sur le montant de l’obligation pécuniaire, divergence présente dans la plupart des contrats synallagmatiques mais qui conduit néanmoins ici les contractants, s’en remettant à un tiers, à s’engager définitivement avant que de l’avoir dissipée.
Pour que l’expert puisse intervenir, il faut donc que les parties précisent clairement « dans l’acte de cession que la mission du tiers est de déterminer le prix de cession. À défaut, le prix ne s’impose pas aux parties »[10].
Mais la commune intention des parties n’est pas une condition suffisante, il faut encore que le prix de la cession reste à déterminer. « Cette volonté de soumettre à un tiers la mission de déterminer le prix de cession ne peut s’analyser en une clause compromissoire, dès lors que les parties ne donnent pas mission au tiers d’exercer un pouvoir juridictionnel, mais de s’attacher aux seuls éléments de fait pour évaluer le prix de cession »[11].
- Quand la détermination du prix requiert des compétences particulières
Il peut encore être dicté par cette seule considération que la détermination du prix de la chose vendue requiert des compétences qui font défaut aux parties. Les rapports contractuels qui s’ensuivent, tant ceux existant entre les parties à la vente qu’il est question de parfaire que ceux qui vont s’établir entre chacune d’elles et le tiers estimateur, sont purement consensuels.
Et, ajoute l’article 1592, « si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation, il n’y a point de vente ». Enfin, l’objet de la convention dont les parties souhaitent que la prestation en numéraire soit ainsi déterminée est varié : si l’article 1592 prend place dans les dispositions du code civil régissant la vente, laquelle peut porter sur des droits sociaux comme sur toute autre chose, la jurisprudence en a étendu par analogie la possible application à d’autres contrats.
Complété par une jurisprudence riche, l’article 1592 dessine ainsi le socle d’un droit commun en matière de détermination par un tiers estimateur, voulue par les parties, du montant de la prestation en argent dans tous les cas, dont la liste semble devoir être regardée comme ouverte, pour lesquels le procédé est admis[12].
Paragraphe 2 : l’issue de la procédure
La procédure peut avoir deux issues, les choses ne sont pas compliquées si l’expert s’est prononcé comme il était attendu de lui par les parties. Mais que se passe-t-il dans le cas où ledit expert ne peut ou ne veut pas se prononcer ?
- Si l’expert se prononce
En s’en remettant à l’estimation d’un expert, les contractants font de la décision de celui-ci leur loi, le prix déterminé par l’expert ne pouvant être remis en cause que sur le fondement d’une erreur grossière[13].
Ce qui signifie que si l’expertise est menée à son terme, les parties ne peuvent passer outre sa décision. Et dans le cas où l’erreur grossière est avérée, il n’appartient pas à la cour qui la constate de procéder elle-même à l’évaluation des titres, ce qui reviendrait à imposer aux parties une convention différente de celle qu’elles avaient entendu établir. La cour doit dans ces circonstances renvoyer les parties à désigner un nouvel expert ou, à défaut, à saisir le président du tribunal aux fins de désignation de cet expert[14].
Si l’erreur grossière est une condition de la remise en cause du prix à dire d’expert, elle n’est toutefois pas une condition de la mise en cause de la responsabilité du mandataire, laquelle relève du droit commun du mandat. Une partie pourrait donc invoquer une faute de l’expert dans l’exécution de sa mission afin d’obtenir de ce mandataire la réparation du préjudice que lui cause la sous-évaluation fautive des titres vendus. Mais la charge de la preuve du mauvais accomplissement de sa mission par le mandataire pèse sur le mandant et est difficile à rapporter.
La jurisprudence retient en effet que la faute ne peut être constituée par une simple erreur mais doit consister en un manquement de l’expert dans l’accomplissement de sa mission par référence au comportement d’un professionnel normalement prudent et diligent, que pour autant que l’expert mène sa mission avec diligence, indépendance et impartialité, le prix déterminé par l’expert n’est pas susceptible de contestation et que les divergences de vue d’une partie sur le prix ainsi déterminé ne sont pas constitutives d’une faute grave du chef de l’expert (le prix que peut accepter de payer un acheteur ou de recevoir un vendeur en contrepartie du transfert de la propriété d’une chose pouvant être différent de la valeur de celle-ci selon des critères qui leur sont propres)[15].
- Si l’expert refuse de se prononcer
« Si le tiers ne peut ou ne veut faire l’estimation, il n’y a point de vente. » Telles sont les dispositions de l’article 1592, et aussi son principal inconvénient.
Le cas où l’expert ne peut faire l’estimation est assez théorique. En effet, un bien a toujours une ou plusieurs valeurs, économique, financière, sentimentale, de marché, intrinsèque, etc. C’est d’ailleurs la combinaison de différentes méthodes de valorisation (méthode des comparables, méthode DCF, etc.) qui permet généralement d’assurer la détermination du prix le plus « juste ».
Évidemment, dans le cas où les données financières communiquées aux experts par les parties ont été faussées, l’évaluation peut se révéler impossible (et cela est également vrai pour l’expertise qui serait placée sous le régime de l’article 1843-4), l’expertise étant avant tout un exercice comptable[16].
En dehors de cette hypothèse, on peut légitimement s’interroger sur les circonstances d’application de ce cas d’empêchement. Les tentatives d’intimidation ou d’orientation de l’expertise par les parties auquel l’expert peut parfois se trouver confronté ne devraient pas pouvoir porter atteinte à l’indépendance et au pouvoir de l’expert de déterminer un prix conformément aux règles de son art.
Reste l’hypothèse d’une incohérence dans le contenu de la mission, qui aboutirait à une prise en otage de l’expert entre les divergences d’interprétations des parties l’empêchant de mener à bien sa mission. Rappelons que l’expert nommé sur le fondement de l’article 1592 ne peut se départir des méthodes et critères contractuellement prévus par les parties ; mais encore faut-il que la clause ait été clairement rédigée.
L’expert n’étant pas un technicien du droit, il appartient aux parties de régler leurs différends à cet égard devant les tribunaux ou par voie d’arbitrage, et ceci est évidemment de nature à affecter la mission de l’expert même s’il n’est pas privé de toute faculté d’analyse. Comprendre les accords liant les parties et le contexte d’une opération est en effet primordial pour que l’expert puisse mener à bien sa mission et la jurisprudence admet d’ailleurs qu’il puisse interpréter les dispositions contractuelles s’y rattachant[17].
Nous sommes là à la frontière entre les deux hypothèses visées à l’article 1592, celle du non pouvoir et celle du non vouloir de l’expert de procéder à l’estimation. Le cas où l’expert ne voudrait pas procéder à l’estimation est en effet a priori assez théorique car sans avoir d’obligation de résultat, l’expert engage tout de même sa responsabilité vis-à-vis de ses mandants, et il lui faut donc bien peser la légitimité de son refus à exécuter la mission à laquelle il s’est contractuellement engagé. Sous l’angle de l’article 1991 du Code civil applicable au mandat, il appartient en effet au mandataire de prouver qu’il avait des motifs légitimes de ne pas remplir son mandat.
On pourrait toutefois ranger dans les hypothèses d’application du « non-vouloir » de l’expert certains cas d’empêchement de mener à bien sa mission, notamment pour motif personnel mais aussi en raison de l’attitude conflictuelle de l’une ou des parties qui contesterait l’interprétation des accords. Il demeure qu’à défaut de définition légale de l’empêchement légitime la reconnaissance de ce dernier restera soumise à la constatation des parties ou d’un juge.
Section II : l’article 1843-4, une disposition d’ordre public
Paragraphe 1 : les cas d’ouverture
La fixation du prix conformément aux dispositions de l’article 1843-4 est un passage obligé, dès l’instant qu’une contestation s’élève sur leur valeur, dans les cessions ou rachats de parts sociales imposés par la loi : cette valeur « est déterminée » par un « expert », dispose l’article 1843-4.
A. Les cas prévus par la loi
Les cas « prévus » par la loi ont toujours formé le domaine d’élection de l’expertise de prix. L’ancêtre de l’article 1843-4 (l’art. 1868 c. civ.) le prévoyait expressément, en ce qu’il indiquait que « dans le cas prévu au présent article » (celui d’une clause de continuation d’une société civile entre les associés survivants, à l’exclusion des héritiers ou du conjoint de l’associé décédé), il pouvait y avoir lieu à désignation d’un expert, lequel pouvait s’affranchir des clauses qui auraient prétendu encadrer sa mission[18].
- Cessions ou rachats de titres imposés par la loi
La cession ou le rachat se présente comme une situation contractuelle d’origine légale, l’expression enveloppant d’ailleurs aussi bien les rapports entre les « parties » – terme qu’emprunte l’article 1843-4 – que ceux qui vont s’instaurer entre elles et le tiers estimateur, quand même il serait désigné par le président du tribunal, à une représentation conventionnelle se substituant alors, pour la partie de la mission du tiers ressortissant au mandat, une représentation d’origine judiciaire.
Edicté pour prévenir une impasse, le recours à la procédure prévue par ce texte paraît bien être, sauf exception[19], une règle d’ordre public[20], comme cela semble ressortir des termes impératifs de l’article 1834 et comme le sont en tout cas nombre des dispositions y renvoyant[21].
A la différence de la situation rencontrée avec l’article 1592, la cession ou le rachat ne pourrait pas, ici, ne pas se réaliser. Constituant en quelque sorte un droit spécial, la détermination du prix de cession ou de rachat de droits sociaux par un tiers estimateur telle qu’elle est organisée par l’article 1843-4 a un domaine strictement délimité tandis que sa mise en œuvre est subordonnée à une condition, ces deux agents de l’application du texte ne se devant pas confondre.
Le domaine d’application de l’article 1843-4 – le texte puise sa justification première[22] dans le souci que l’opération se déroule alors dans des conditions financières correctes pour le cédant minoritaire, qui ne doit pas rester prisonnier de ses titres, ou le retrayant – recouvre « tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ceux-ci par la société ». Il est de la sorte circonscrit par les dispositions particulières qui en prévoient l’application.
a. Le rachat forcé
Un premier ensemble de textes répond à l’hypothèse du refus d’agrément du cessionnaire proposé par un associé désireux de céder ses parts, occasion sans doute la plus fréquente de mise en œuvre de l’article 1843-4, une seconde série de dispositions recouvrant diverses autres situations[23].
Parfois, donc, la loi ordonne : tel est le cas lorsque, après refus d’agrément d’un cessionnaire, la loi ordonne que les parts (C. com., art. L. 223-14) ou les actions (C. com. art. L. 228-24) de l’associé cédant soient rachetées soit par la société soit par toute personne qu’elle se substituerait. Tel est le cas, encore, lorsque la loi confère aux associés des sociétés civiles le droit de se retirer de la société (le droit de « retrait ») contre remboursement de la valeur de leurs parts (C. civ., art. 1869). Dans tous ces cas, il est clair, non seulement que la loi commande que l’associé ne demeure pas prisonnier de ses titres dans certaines occurrences, mais qu’elle désigne, en outre, la société elle-même comme débitrice de l’obligation de rachat, aurait-elle, dans certaines hypothèses, la possibilité de se substituer une ou plusieurs personnes de son choix.
L’application de l’article 1843-4 doit donc être écartée lorsque « les parties […] ne se trouvaient pas dans un cas où est prévu la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ceux-ci par la société »[24].
Une récente décision illustre les dérives auxquelles donne néanmoins lieu la référence inconsidérément faite à ce texte.
Des sociétés avaient inclus, dans une convention de distribution d’un procédé de saisie et télétransmission, une promesse unilatérale de cession des droits incorporels afférents aux composantes logicielles et matérielles du procédé aux termes de laquelle le prix de cession serait, à défaut d’accord, fixé à dire d’expert dans les conditions de l’article 1843-4 du code civil.
Le bénéficiaire ayant levé l’option puis demandé en justice que soit constatée la réalisation de la cession et désigné un expert chargé d’en déterminer le prix, la cour d’appel avait retenu que les parties avaient pu valablement convenir de recourir aux dispositions de l’article 1843-4, et accueilli la demande de désignation d’un expert dont elle était saisie sur le fondement de ce texte.
L’arrêt est cassé, mais avec un attendu qui laisse entendre que l’expert eût pu être valablement désigné par le président du tribunal[25]. Or l’opération litigieuse, librement consentie, pouvait d’autant moins entrer dans le domaine d’application de l’article 1843-4 qu’elle ne portait pas sur des droits sociaux, exclusivement concernés par ce texte, le mécanisme de protection qu’il met en place n’ayant aucun sens en dehors des cessions ou rachats de tels droits lorsqu’ils sont imposés.
Aussi bien cette décision paraît-elle devoir être vigoureusement condamnée. L’application de l’article 1843-4 n’y est pas fondée, et aucun raisonnement par analogie ne saurait ici conduire à l’étendre à des situations autres que celles que visent ce texte et les dispositions qui en commandent l’application.
b. La cession forcée
Parfois, plus subtilement, la loi autorise (seulement) qu’une clause organise, non le rachat des droits sociaux d’un associé, mais leur cession « forcée » : tel est le cas lorsque, pour éviter la dissolution de certaines sociétés (les sociétés civiles et les sociétés en nom collectif, pour l’essentiel), la loi autorise à insérer dans les statuts de ces sociétés des clauses « de continuation de la société » entre certains associés seulement, à l’exclusion des héritiers d’un associé décédé par exemple[26], ou de l’associé à l’encontre duquel aura été ouverte une procédure de liquidation judiciaire[27].
Dans tous ces cas, ainsi que dans les SAS [où la loi autorise à insérer dans les statuts de la société des clauses d’acquisition forcée et des clauses d’exclusion (C. com., art. L. 227-17 et L. 227-16)] l’on se trouve en présence de clauses que l’on qualifie de manière générique de « clauses d’exclusion » (donc de « cession forcée »), lesquelles ne font pas forcément peser l’obligation de racheter les parts de l’associé exclu sur la société elle-même, mais sur la ou les personnes qu’elle se substituerait, ou que la clause peut parfois désigner[28].
Dans tous ces cas, que l’on dit aujourd’hui avoir été « prévus par la loi », il est clair, parce que la loi le dit expressément, que l’associé « cédant » ou dont les titres doivent être « rachetés », a le double droit d’obtenir, en cas de contestation sur le prix de cession de ses parts : la désignation de l’expert de l’article 1843-4, peu importe qu’une clause l’ait prévu ou non ; dans un contexte où l’expert a toujours été libre de déterminer le prix souverainement (sous la seule réserve de l’erreur grossière), peu importent les clauses qui auraient prétendu encadrer sa mission ou lui imposer une méthode de valorisation. Seuls les cas « prévus par la loi » dans la SAS (C. com., art. L. 227-14, L. 227-16 et L. 227-17) font exception, puisque l’article L. 227-18 du Code de commerce dispose que le prix du retrait peut, certes, être fixé à dire d’expert, mais – uniquement – si les statuts ne l’ont pas eux-mêmes rendu déterminable.
Pour mémoire, car il faut en avoir, l’ancien article 1868 du Code civil (l’ancêtre de l’actuel article 1843-4) avait été adopté en 1966 en réaction, précisément, contre des clauses qui, fréquemment insérées dans les statuts des sociétés civiles, prévoyaient qu’en cas de décès d’un associé et de continuation de la société entre les seuls associés survivants, la valeur des droits échus aux héritiers pouvait être appréciée selon certaines méthodes décrites dans les statuts 4 .
- La contestation
Une cession ou un rachat devant intervenir dans l’une des situations où la loi renvoie à l’article 1843-4 est en elle-même insuffisante pour que soit déclenché le processus qui y est organisé. Sa mise en œuvre est subordonnée à une condition, consistant dans l’existence d’une « contestation ».
Si d’ailleurs les parties à la cession ou au rachat, quoiqu’imposé, sont d’accord sur son prix, point n’est besoin d’en confier la détermination à un tiers. Mais, même en l’absence d’un tel accord, la contestation n’en doit pas moins être actuelle lorsque le président du tribunal est sollicité de désigner le tiers de l’article 1843-4, une contestation « liée » seulement devant la cour d’appel ne permettant pas à celle-ci – le pouvoir de désignation du tiers estimateur appartenant, de surcroît, au seul président[29] du tribunal[30]– de procéder à cette désignation[31].
Les décisions rendues relativement à la contestation exigée pour que le prix soit fixé conformément aux prescriptions de l’article 1843-4 montrent que ce texte est à cet égard encore d’interprétation stricte, qu’il s’agisse de l’objet de cette contestation, laquelle ne peut porter que sur la valeur des droits sociaux, ou de la personne des protagonistes. Doit ainsi être rejetée la demande d’expertise s’appuyant sur l’article 1843-4 alors que le litige a trait à la qualité d’associé du défendeur[32].
De même la Cour de cassation approuve-t-elle une cour d’appel d’avoir jugé qu’une expertise ne pouvait être ordonnée en application de ce texte par le juge des référés saisi par des retrayants qui invoquaient l’impossibilité d’entreprendre des négociations amiables pour la fixation du prix de leurs parts faute de disposer d’une situation comptable exploitable[33]. C’est ainsi encore qu’est cassé l’arrêt qui admet sur le fondement de l’article 1843-4 un tiers cessionnaire de droits sociaux non agréé à demander l’expertise prévue par ce texte[34].
B. Les cas prévus par les statuts
Ces cas, que l’on dit avoir été prévus par les statuts, pour dire qu’ils ne l’ont pas été par le législateur lui-même, ne sont pas rares. Ils recouvrent, pour l’essentiel, mais pas exclusivement, les clauses que l’on qualifie « d’exclusion statutaire », quelquefois insérées dans les statuts des sociétés civiles, voire d’autres sociétés, y compris de sociétés anonymes.
Dans l’esprit d’un juriste, l’exclusion d’un associé est en principe proscrite, sauf si, précisément, la loi ou une clause des statuts l’a autorisée. C’est dire qu’en l’absence d’une telle clause ou d’une telle permission, le juge ne peut exclure un associé, quel que soit le motif, pas plus que ne le pourrait quelque organe que ce soit de la société, serait-il l’assemblée 8 . En revanche, il n’est plus sérieusement discuté aujourd’hui que, dans toutes les sociétés, une clause et, a fortiori, la loi, peuvent envisager l’hypothèse, aux conditions que l’on connaît[35].
Dans tous ces cas, l’on observe que l’exclusion est un cas de « cession imposée », au sens où semble l’entendre la cour d’appel de Versailles, lorsqu’elle oppose les cessions « imposées » à celles qui seraient « librement consenties ».
Elle présente en effet le triple caractère : de pouvoir être prononcée unilatéralement par un organe de la société (dirigeants, comité, conseil d’administration ou de surveillance de la société, ou assemblée des associés).
Elle l’est, le plus souvent, dans les occurrences objectives prévues par les statuts, contre le gré de l’associé exclu (et elle porte en cela le premier germe de la contestation qu’évoque l’article 1843-4). Résultant des statuts, elle oblige, en outre, la société elle-même ou, à défaut, la collectivité des associés ou, plus rarement, la ou les personnes que la clause aura préalablement désignées, soit à racheter les parts de l’associé exclu soit à l’indemniser de la valeur de ses droits sociaux.
Dans tous les cas, l’obligation qui pèse sur le débiteur désigné présente un caractère « social » dans la mesure où elle résulte des statuts de la société, fait intervenir – en amont – l’un de ses organes sociaux, et oblige en principe la société elle-même soit à racheter soit à faire racheter les parts ou les actions de l’associé exclu.
La question ici est de savoir s’il faut inclure « ces cas » dans le champ d’application de l’article 1843-4 du Code civil et le régime qui, désormais, semble l’accompagner.
Plusieurs arguments commanderaient de les exclure[36] : le fait, en premier lieu, qu’on se situe – historiquement – hors du champ d’application que le législateur avait entendu conférer, à l’origine, et à l’article 1868 et au projet d’article 1860-5, devenu l’article 1843-4 11 . L’idée, ensuite, que si ce sont les statuts qui ont librement organisé de tels cas de retrait ou d’exclusion, foi devrait être due à ce contrat, librement accepté par tous les associés (C. civ., art. 1134) car, après tout, les cas « prévus » (d’autorité par le législateur) semblent assez éloignés des cas « convenus » entre associés dans les statuts de la société 12 .
L’idée, enfin, que certains associés ont pu le devenir à prix « cassé » (dans le secteur de la grande distribution, par exemple, ou suite à l’exercice de bons de souscription d’actions affectés de droits à une décote), de sorte que l’on ne voit pas pourquoi la société serait privée du droit de tenir compte, au moment de l’exclusion, de ces décotes, pratiquées à l’entrée.
En revanche, il faut bien reconnaître qu’il y a plus d’une similitude entre les cas « prévus par la loi » et ceux qui pourraient l’être dans les statuts : sociologiquement, tout d’abord, s’il est vrai que chaque associé doit être regardé comme ayant librement accepté les statuts, il n’en reste pas moins que les statuts sont généralement modifiés à la majorité ou que, entrant en société en cours de vie sociale, l’impétrant a rarement la possibilité d’en discuter sérieusement les termes.
Dans les deux cas (qu’ils aient été prévus par la loi ou seulement « convenus » dans les statuts), l’associé se voit souvent contraint de devoir céder ses titres dans les occurrences prévues et aux conditions stipulées, sans avoir eu, vraiment, la possibilité d’en discuter les termes.
Juridiquement, ensuite, il ne faut pas perdre de vue que, parmi les cas « prévus par le législateur », il en est quelques-uns (la plupart, si non tous) qui requièrent qu’une clause ait été insérée dans les statuts de la société, et que c’est elle, au vrai, qui provoque l’exclusion ou le droit de l’associé de ne pas demeurer prisonnier de ses titres.
Tel est le cas de la clause de continuation de la société à l’exclusion de l’associé « failli » ou des héritiers de l’associé décédé (c’est la loi qui permet que la clause soit insérée dans les statuts, mais c’est la clause qui permet l’exclusion) ; tel est encore celui de la clause d’agrément qui, parce qu’elle a freiné le droit de l’associé de céder librement ses parts ou ses actions, oblige alors (mais il est vrai que, là, la loi l’impose) à leur rachat par la société, un associé ou un tiers. Reste que sans la clause d’agrément, qui freine la libre cessibilité de la part ou de l’action, la question du rachat ne se poserait pas.
Paragraphe 2 : les bornes du mécanisme
Il s’agit maintenant de savoir qu’est-ce qu’on entend par exclusion selon l’article 1843-4 ?
- Les cas de cession librement consentie, quoique prévus dans les statuts
L’exclusion renvoie à l’hypothèse dans laquelle un associé se voit contraint, par la loi (très rarement), ou par une clause des statuts (dans la quasi totalité des cas), voire un règlement intérieur, de céder ses parts ou ses actions suite à une décision -unilatérale- émanée d’un organe de la société ; elle joue dans toutes les occurrences prévues par ces statuts[37] ; oblige à respecter la règle du contradictoire ; contraint la société soit à racheter les droits de l’associé exclu, soit à les faire racheter par un tiers désigné ; présente très fréquemment, mais pas nécessairement, un caractère disciplinaire. La clause, enfin, puisqu’elle est statutaire, oblige l’ensemble des associés, y compris ceux d’entre eux qui pourraient démontrer qu’ils n’y ont pas vraiment individuellement consenti, du fait qu’ils ont adhéré aux statuts.
Le plus souvent, ces clauses « d’exclusion statutaire » présentent, stylistiquement, un tour très anonyme. Elles prévoient, par exemple, que « tout associé de la société pourra se voir contraint de céder ses droits sociaux ….(dans toutes les occurrences prévues par les statuts) » ; ou que « tout associé pourra être exclu de la société sur décision de l’un de ses organes ….(dans les mêmes occurrences) ».
De prime abord, de telles clauses n’ont pas grand-chose à voir avec d’autres, voisines, qui, pour être quelquefois insérées dans les statuts des sociétés, et concerner -aussi- une « cession de droits sociaux », ne formalisent ni des cas d’exclusion, ni des cas de rachat au sens de l’article 1843-4 du Code civil.
Pour y voir plus clair, nous allons étudier le cas des clauses de préemption, puis celui des clauses d’acquisition forcée.
- Le cas des clauses de préemption
On sait qu’il est extrêmement fréquent que des clauses de préemption soient insérées dans les statuts d’une société. Leur présence, dans cet acte collectif publié, leur assure l’avantage d’être opposables aux tiers.
Logiquement, la préemption s’effectue au prix offert par le cédant, le même que celui qu’il aura négocié auprès du cessionnaire. Il arrive cependant, et il est même fréquent, que la clause prévoie que la préemption ne se fera pas au prix offert par le tiers cessionnaire mais, en cas de contestation, au prix qu’une clause permet de déterminer ou, plus souvent, à dire d’expert « comme il est dit à l’article 1843-4 ».
Dans ces deux hypothèses, l’associé cédant a-t-il le droit à l’expertise, et l’expert est-il libre de déterminer comme il l’entend le prix auquel la préemption s’effectuera? Il faut, semble-t-il, distinguer. Dans les deux cas, il est clair que la clause figure dans les statuts de la société et qu’elle organise, d’une certaine manière, la « cession » des droits sociaux d’un associé.
Pour autant, dans ces deux cas, il n’y a ni rachat (le rachat s’entendant de celui auquel la société émettrice des parts ou des actions est obligée), ni « cession forcée », le cédant restant libre de ne pas céder ses droits sociaux et/ou de renoncer à la cession, et donc de conserver ses parts ou ses actions. On est donc hors du champ d’application de l’article 1843-4 du Code civil, même « étendu » au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation[38] .
En conséquence, la clause de prix déterminable (dans le premier des cas) devrait logiquement continuer de faire la loi des associés, sauf si elle aboutit, à force de déviations, à l’exclusion de l’associé cédant. En revanche, il est à craindre qu’à partir du moment où la clause de préemption renvoie elle-même, en cas de contestation sur le prix auquel la préemption doit s’effectuer (second cas), au mécanisme de l’expertise de prix de l’article 1843-4 du Code civil, on se trouve confronté à la logique du « tout ou rien », par élection conventionnelle d’un mécanisme d’ordre public[39] : soit, donc, le droit pour le cédant ou pour les titulaires du droit de préemption (ici) de recourir à l’expertise (bien sûr), mais, à la clé, et nonobstant toute clause contraire, la liberté de l’expert de s’inspirer d’éventuelles clauses de valorisation ou d’en faire abstraction[40] .
- Le cas des clauses d’acquisition forcée
Il soulève d’autres difficultés. Ces clauses prévoient généralement qu’un associé peut être tenu de céder ses parts ou ses actions en cas de survenance de certains événements, parmi lesquels figure -au premier chef- l’hypothèse d’un changement de son contrôle.
Elles ressemblent à des clauses d’exclusion (d’où leur nom de clauses « d’acquisition forcée ») ; sont assez fréquemment présentées comme telles par la doctrine[41] , voire par le législateur lui-même[42] ; figurent, parfois, dans les statuts des sociétés, et prévoient fréquemment (ou prévoyaient du moins) que l’acquisition se fera au prix qu’elles déterminent ou, en cas de contestation, « à dire d’expert » au sens de l’article 1843-4 du Code civil. Sont-elles des clauses « où est prévue la cession des droits sociaux d’un associé », au sens du « nouvel » article 1843-4du Code civil ? Nul doute, de prime abord, de sorte que, qu’elles renvoient ou non au mécanisme de l’expertise de prix in fine, elles entrent dans le champ d’application -étendu- de cette disposition.
Parfois, pourtant, dans les sociétés de « partenariat », qui ne comportent qu’un nombre restreint d’associés, ces clauses « d’acquisition forcée » s’éloignent du schéma de la clause d’exclusion par deux traits[43].
Elles n’appellent pas toujours qu’un organe de la société se prononce sur le point de savoir s’il y a lieu, ou non, à « acquisition », mais empruntent au contraire au mécanisme de la promesse de vente : chaque associé s’oblige personnellement et individuellement, en cas de changement de son contrôle, à céder ses parts ou ses actions à ses autres partenaires (ou à son partenaire unique).
En conséquence, si l’évènement se réalise, c’est au(x) bénéficiaire(s) de cette promesse (non à la société) qu’il échoit de lever l’option d’achat qui est la sienne et de former ainsi la vente au prix déterminable préalablement convenu.
On ne voit pas que, en ce cas, il y ait « cession » forcée au sens où semble l’entendre l’article 1843-4 du Code civil : d’une part parce que la société n’est pas tenue par ce rachat, pas plus qu’elle ne l’est de faire racheter les parts ou les actions par un tiers substitué ; d’autre part, parce que la clause aura formalisé une simple promesse de vente, dont il n’est pas sérieux de suspecter qu’elle n’aurait pas été librement consentie par tous les partenaires, vu leur nombre, restreint, et leur qualité respective.
Elle aurait pu, au demeurant, avoir été stipulée dans un pacte extérieur aux statuts ; et l’on ne voit pas que la circonstance qu’elle ne l’ait pas été puisse lui retirer sa force obligatoire. La clause de prix déterminable devrait donc continuer à faire la loi des associés[44] ; à ceci près que si elle s’est achevée, en cas de « contestation » sur le prix de cession, par un recours au mécanisme de l’expertise de prix de l’article 1843-4, il est à craindre que ce renvoi ne vaille désormais pour tout le régime de cette expertise (pleins pouvoirs de l’expert), et pas seulement pour sa désignation, sauf dans la SAS.
On commence toutefois à entrevoir les circonvolutions auxquelles la jurisprudence de la Cour de cassation expose[45]. Pour plus de sécurité, les praticiens seront donc assez bien inspirés d’insérer ce dernier type de clauses (construites sur le schéma de la promesse de vente) dans des pactes extrastatutaires plutôt que dans les statuts de la société ; et de renvoyer, en cas de contestation sur la formule de prix, à l’arbitrage du tiers de l’article 1592 plutôt qu’à l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil.
- Le cas des pactes extra-statutaires
La cour d’appel de Versailles nous rappelle, opportunément dans un arrêt de 2009[46], que l’article 1843-4 est sans application dans le cas de promesses de vente ou d’achat « librement consenties » et applique cette règle à des promesses croisées qui résultaient d’un pacte extérieur aux statuts.
« L’article 1843-4 n’est applicable que lorsque la cession des parts sociales (ou des actions) n’est pas spontanément voulue par les parties mais se trouve imposée par des règles législatives, statutaires ou extrastatutaires. Il n’est pas applicable en cas de promesse de vente librement consentie selon un prix déterminable sur la base d’éléments objectifs »[47].
- Des clauses très fréquentes
La solution s’imposait avec d’autant plus d’évidence, en l’espèce, que la clause de prix (qui était, comme souvent, une clause de prix déterminable) ne prévoyait aucunement qu’en cas de difficulté de mise en œuvre ou de contestation sur le sens qu’il convenait d’attribuer à telle ou telle notion ou expression qui y aurait figuré, il serait fait appel à l’expertise de prix de l’article 1843-4 du Code civil.
Dans une telle occurrence, la plus simple de toutes, il va sans dire que l’expertise de prix de l’article 1843-4 n’a pas droit de cité : la Cour de cassation l’avait déjà jugé[48] . La cour de Versailles ne fait que le répéter ; et il n’est pas question d’imaginer, fût-ce même un court instant de déraison, que cette solution pourrait être remise en cause par les arrêts du 4 décembre 2007 et 5 mai 2009.
La difficulté est plus grande lorsque la clause de prix est à la fois une clause de prix déterminable et, in fine, à l’effet de parer à tout risque que la clause ne puisse jamais être liquidée ou qu’elle soulève, au moment de sa mise en œuvre, une ou plusieurs contestations, une clause de prix à dire de tiers et, plus précisément (puisque tel est le problème) aux dires de l’expert de l’article 1843-4.
- Quoiqu’on puisse en penser, ces clauses sont très fréquentes (ou l’étaient) même insérées dans des promesses de vente ou d’achat de droits sociaux « librement consenties », les praticiens étant soucieux d’éviter, à tout… prix, que le prix reste indéterminable ou ne puisse pas être déterminé. Certains s’en étonneront (jugeant qu’un renvoi au tiers arbitre de l’article 1592 serait plus opportun), mais trois raisons, semble-t-il, guidaient les praticiens plutôt vers le mécanisme de l’article 1843-4 du Code civil que vers celui de l’article 1592.
La première est que la promesse porte sur des droits sociaux, soit l’hypothèse que vise expressément l’article 1843-4 du Code civil et que ne vise pas, évidemment, l’article 1592, écrit pour le droit commun de la vente. Cette première raison est évidemment un peu courte mais, information prise, elle fit partie de celles qui déterminèrent un certain nombre de praticiens à adopter plutôt l’expertise de prix que le mécanisme de l’article 1592 du Code civil.
La seconde, plus sérieuse, est que les praticiens se méfient, semble-t-il, du mécanisme de l’article 1592 du Code civil pour au moins deux raisons : d’abord parce qu’ils craignent que la vente puisse ne jamais être formée dans le cas où le tiers ne pourrait pas ou ne voudrait pas déterminer le prix : la menace est au texte de l’article 1592 qui prévoit, en effet, que si le tiers ne peut ou ne veut pas déterminer le prix, « il n’y a point vente ». Or il est bien évidemment hors de question qu’après avoir butté sur les mécanismes de mise en œuvre de la clause de prix déterminable, ils buttent sur l’incurie du tiers arbitre ; ensuite, parce que la date à laquelle la vente est réputée formée (dans le mécanisme de l’article 1592 du Code civil) est source de difficultés : certains arrêts -les plus nombreux- jugent en effet que la date de la formation de la vente devrait être repoussée au jour où le tiers arbitre détermine le prix[49] ; alors que d’autres jugent au contraire que la vente serait formée du jour où les parties sont convenues de la chose et du prix, encore que le prix ne soit que déterminable à dire de tiers[50].
La troisième tient au fait que, dans l’architecture qui eût leur préférence, l’expert de prix intervient après qu’une forme de « contestation » se soit élevée à propos de la liquidation de la clause de prix ; soit un schéma -indiscutablement- plus proche de celui qu’évoque l’article 1843-4 (la « contestation ») que de celui du « mandataire commun » de l’article 1592, qui reçoit des parties, hors toute contestation, le pouvoir de déterminer le prix de la vente dont elles sont convenues.
- Aujourd’hui, il devient périlleux de perpétrer cette mauvaise habitude, même si la Cour de cassation a pu l’encourager[51]. Si l’on admet que l’emprunt, même purement contractuel, à un mécanisme d’ordre public entraîne inéluctablement l’application de tous les éléments qui forment son régime, il est urgent d’abandonner, fût-ce par précaution, toute référence au mécanisme de l’article 1843-4 dans les pactes et d’adopter celui de l’article 1592 du Code civil[52] .
Ce dernier article s’accommode de l’idée qu’une « contestation » préalable (sur la liquidation de la formule de prix) puisse devenir le préalable de la désignation du tiers arbitre ; il ne permet sans doute pas de constater que la vente serait formée dès l’accord des parties sur la chose et le mode de détermination du prix (il conviendrait d’attendre que le prix soit déterminé par le tiers 43 ) ; mais, pour conjurer ce risque, il suffit, semble-t-il, que les parties prévoient, dès l’origine, la possibilité de « réamorcer » la procédure de désignation de ce tiers, s’il faillit à sa mission, pour qu’il n’ait pas d’effet réellement pervers.
Ou l’art, tout de même, de rendre passablement complexe ce qui, il y a peu, était simple.
- La nécessité de privilégier l’anticipation avec l’article 1592 ?
La jurisprudence ayant désormais consacré l’entière liberté de l’expert de l’article 1843-4 du Code civil pour déterminer le prix de titres, l’article 1592 demeure le seul moyen d’assurer le respect par l’expert des méthodes et critères d’évaluations définis par les parties dans une expertise qui n’est ni prévue par la loi, ni ne s’inscrit dans le cadre d’une cession forcée. Des précautions doivent cependant être prises dans la rédaction de la clause afférente à l’expertise de l’article 1592 afin d’en assurer le bon déroulement et l’issue.
Si les parties souhaitent imposer à l’expert des méthodes et critères d’évaluation prédéfinis dans le cadre d’options de vente ou d’achat, alors elles devront se placer sous le régime de l’article 1592. Il apparaît désormais comme le seul moyen d’assurer le respect par l’expert des méthodes et critères d’évaluations définis par les parties dans l’hypothèse où elles ont souhaité organiser une expertise qui n’est ni prévue par la loi, ni ne s’inscrit dans le cadre d’une cession forcée (à l’initiative d’un tiers) des titres.
Chapitre II : les points communs
Les articles 1592 ou 1843-4 paraissent emporter les mêmes conséquences.
Section I : sur la qualification de la mission du tiers : unité de classification
Que ce soit dans le cas de l’article 1592 ou dans le cadre de l’article 1843-4, la mission du tiers estimateur est qualifiée de la même manière : il s’agit d’un mandat. Ainsi dans un arrêt du 17 septembre 2004[53], la Cour d’appel avait qualifié cette mission de mandat d’intérêt commun, solution qui fait écho à des arrêts de la Cour de cassation[54] qui ont consacré les analyses de la doctrine quant à la nature de la mission confiée au tiers de l’article 1592 et l’article 1843-4 du Code civil.
Paragraphe 1 : Distinction avec l’arbitrage
L’expert de l’une ou de l’autre de ces expertises sont des « techniciens » et non des arbitres au sens où ils ne tranchent pas des points de droit et n’interprètent pas les contrats[55] et où ils ne sont pas tenus au respect du principe du contradictoire (à moins qu’ils ne s’y soumettent contractuellement[56].
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- Les conditions de désignation des deux personnages
Selon l’article 1592 du Code civil, le prix « peut cependant être laissé à l’arbitrage d’un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation, il n’y a point de vente ».
Cet arbitre prolonge et complète la volonté des parties. Le principe de la vente est acquis mais l’impossibilité actuelle de fixer définitivement le prix exige un complément d’information.
Comme l’indique Jean Paillusseau[57] , si les parties confient à un tiers le soin de déterminer le prix de la cession des actions ou des parts sociales, c’est parce qu’il s’agit d’abord de faire appel à la compétence de techniciens spécialisés, ensuite et surtout d’éviter les contestations qui pourraient fragiliser la cession : « Dans la cession de contrôle, le prix peut être déterminé au moyen de données qui ne sont souvent connues que postérieurement à la cession. Elle est réalisée pour un prix provisoire calculé sur la base de situations anciennes et elle est recalculée dès que sont connues les données retenues pour sa détermination définitive […]. Aussi, le but poursuivi par les parties est d’assurer la perfection de leur contrat de cession par l’intervention d’un tiers pour éviter toute contestation ».
Cet arbitrage est donc l’effet d’un consensus : les partenaires, qui reconnaissent l’impossibilité de fixer un prix immédiat, s’accordent encore sur le choix d’un tiers pour parfaire leur transaction. En d’autres termes, la difficulté de déterminer le prix, la discussion même de ce dernier, conduisent non pas au rejet de l’opération mais au choix d’un mode conventionnel de fixation du prix.
Toute autre est l’hypothèse de l’article 1843-4 où le choix de l’expert est très clairement fondé sur l’existence d’une contestation, et donc d’un désaccord sur le prix : « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ».
Cette opposition, accord dans le cas de l’article 1592, désaccord dans l’hypothèse de l’article 1843-4, s’est estompée et l’on voit que la pratique, comme le note Alain Couret, « témoigne de fidélités qui échappent à une véritable rationalité ». C’est ainsi que bien souvent l’article 1843-4 est utilisé hors de toute contestation, et est mis, comme on l’a dit, « à toutes les sauces ». La jurisprudence le permet et admet que l’article 1843-4 peut ainsi être substitué et préféré à l’article 1592. C’est l’enseignement de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 26 novembre 1996[58].
On ne peut donc plus affirmer aujourd’hui que ces deux textes seraient complémentaires, le premier fondé sur l’existence d’un accord, le second sur celle d’un désaccord. Ils sont directement concurrents et leur utilisation relève du libre choix des parties.
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- Des interventions de même nature ?
La doctrine l’affirme volontiers.
Partant du constat que le tiers de l’article 1592 n’est pas un arbitre puisque sa décision n’est pas assortie de l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche et parce qu’aussi l’évaluation du prix est une question de fait qui n’est pas en elle-même constitutive d’un différend d’ordre juridique caractéristique du litige tel qu’on l’entend en droit processuel, et partant encore du second constat que l’expert de l’article 1843-4 n’en n’est pas un puisque sa décision s’impose aux parties et au juge et ne peut être aisément contestée, Il est le plus souvent affirmé, en doctrine comme en jurisprudence, que ce tiers est en réalité le mandataire commun des parties.
Au regard de la plus récente jurisprudence, cette affirmation paraît pourtant devoir être remise en cause. Un auteur, Jacques Moury, a déjà fait remarquer que la qualification est un peu courte et que l’activité du tiers est sans doute plus complexe que celle que développe habituellement un mandataire : l’exécution d’une tâche matérielle peut en effet s’analyser en un contrat d’entreprise, ce qui justifierait le recours à une qualification mixte, en tout cas complexe.
Mais l’évolution la plus récente de la jurisprudence autorise à aller plus loin.
– S’agissant de l’article 1592, un arrêt de la cour d’appel de Paris autorise le tiers à interpréter les termes de la stipulation qui organise sa mission. Cette liberté s’accorde-t-elle encore avec la qualification proposée, n’est-elle pas contraire aux dispositions de l’article 1989 du Code civil aux termes duquel « Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat » ?
– Mais c’est surtout sur le terrain de l’article 1843-4 que la qualification de mandat paraît désormais inadaptée.
Selon la Cour de cassation en effet, l’expert n’est pas tenu de respecter la méthode statutaire d’évaluation mise en place par les statuts et jouit d’une totale liberté dans l’exécution de sa mission. La liberté de l’expert confère à ce dernier une autorité absolue qui peut aller en pratique jusqu’au rejet des prévisions des parties. Il n’est donc plus possible d’admettre la qualification désormais réductrice de mandat.
Notons cependant que la qualification d’arbitre ne peut s’appliquer à ce tiers compte tenu des complexités procédurales qu’elle ne manquera pas d’entraîner.
Ainsi, faut-il se contenter d’observer que ce tiers jouit d’une totale liberté, notamment parce qu’il n’exerce pas son activité sous le contrôle du juge. Les termes utilisés par la jurisprudence rendent compte de l’indépendance du tiers désigné : « tiers estimateur », « tiers évaluateur », « quasi juge »[59], illustrent la situation particulière de ce personnage ambigu.
Paragraphe2 : Distinction avec l’expertise : Deux interventions qui ne peuvent être confondues
De prime abord, les deux missions semblent identiques, mais la spécificité de la mission du tiers estimateur des articles 1592 et 1843-4 rendent impossible la qualification d’expertise à leur mission.
- Des missions purement techniques
Les deux situations présentent ceci de commun que la mission du tiers y est purement technique, en ce sens qu’elle exclut toute appréciation d’ordre juridique. Un critère formel, tiré de ce que l’expertise judiciaire est nécessairement ordonnée par un juge, suffit dès l’abord à écarter tout risque de confusion entre cette mesure d’instruction, que régissent les articles 232 et suivants et 263 et suivants du nouveau code de procédure civile, et la détermination du prix par un tiers.
Certes, les deux institutions peuvent sembler présenter une « identité de nature »[60] dans la mesure où l’expert amiable pourrait également être regardé comme un « mandataire commun des parties »[61].
Pareille analyse appelle quelques réserves[62] : le contrat de mandat se caractérise par ceci que le mandant donne à son cocontractant un pouvoir à l’effet de passer, en son nom et pour son compte, un acte juridique. Sans un tel acte, le rapport contractuel peut représenter, si les éléments de qualification – notamment la stipulation d’une rémunération au profit du tiers – en sont par ailleurs réunis, un contrat d’entreprise, mais pas un mandat.
Or, un expert n’accomplit aucun acte juridique, ou de portée juridique, pour le compte des parties. Il doit rendre un rapport à caractère strictement technique, dépourvu en lui-même de toute force obligatoire et n’ayant pas pour finalité de s’agréger à un acte qui serait dès lors nanti de cette force.
- De l’impossibilité d’y voir une identité de nature
Il ne peut y avoir identité de nature, dans la mesure où l’accomplissement de sa mission par l’expert n’engage pas les parties, et à son intervention ne s’attache par conséquent aucun effet de représentation, lequel est par ailleurs de l’essence du mandat.
La référence à une possible « révocabilité » de l’expertise amiable pour établir une gradation des effets de la décision du tiers sur une échelle combinant les deux situations[63]ne convainc pas davantage de l’opportunité de cette assimilation de l’expertise à un mandat. La révocation du mandat entraîne la disparition, à un moment donné, du pouvoir de représentation qui avait été conféré au mandataire.
Mais cette disparition n’affecte pas la validité des actes éventuellement passés par le mandataire avant la révocation, et donc de l’engagement qui a pu en résulter pour le mandant. Or, à la révocabilité de l’expertise répondrait ici non point le souci de pouvoir mettre un terme à la mission de l’expert, pour l’avenir donc, mais celui de pouvoir s’affranchir de conclusions d’ores et déjà rendues par un expert alors pourtant assimilé à un mandataire.
D’une autre part, et à l’opposé, si l’expertise doit présenter un caractère irrévocable – une telle expertise interviendrait alors au stade de l’exécution du contrat[64] cela signifie ipso facto que les parties ont confié à l’expert une mission dont les conclusions les lieront, ce qui est antinomique d’une notion d’expertise[65] dont il est quasi unanimement admis que son résultat ne constitue jamais qu’un avis, au mieux une proposition. Aussi l’introduction d’une polysémie n’est-elle peut-être pas indispensable dans la mesure où il existe par ailleurs des catégories de rattachement satisfaisantes.
Section II : l’unité de qualification n’est plus
Paragraphe 1 : l’étrécissement du champ d’application
- Les décisions du tiers font loi des parties
Il ne s’agit pas de s’attarder ici sur les limites communes aux articles 1592 et 1843-4, telle l’erreur grossière, sur lesquelles peut buter le caractère jusque-là uniformément obligatoire de la décision du tiers estimateur, mais de la nécessité de délimiter désormais le champ de cet effet obligatoire.
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- Une jurisprudence constante depuis une décision du 31 mars 1862
La jurisprudence est bien établie suivant laquelle les parties optant pour le mode de détermination du prix proposé par l’article 1592 « font de la décision du tiers leur loi ». Sur le terrain de l’article 1843-4, la Chambre commerciale de la Cour de cassation reconnaissait certes à l’actionnaire cédant qui se heurtait à un refus d’agrément la possibilité de retirer son offre[66], décidant semblablement qu’en pareille situation l’associé d’une SARL n’était pas tenu, en l’absence de toute clause de préemption, de maintenir son offre de cession[67].
Mais elle avait restreint l’exercice de ce droit en jugeant que, là aussi, « en s’en remettant […] à l’estimation d’experts désignés conformément aux articles 45 de la loi du 24 juillet 1966 et 1843-4 du code civil, tant le cédant que les cessionnaires faisaient de la décision des experts leur loi, de sorte que l’accord sur la chose et le prix étant réalisé la vente était parfaite et que les parties ne pouvaient plus retirer leurs offres »[68].
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- Conséquences pratiques
Pouvant s’appuyer[69]sur cette considération qu’il n’était plus permis au cédant de se rétracter dès lors qu’il avait, en acceptant la procédure d’ « expertise » demandée par les associés candidats à l’acquisition, consenti à la cession de ses parts à autre que le cessionnaire initialement présenté, la solution devait raisonnablement être regardée comme transposable aux cessions d’actions.
- La remise en cause du principe de l’autorité de la décision du tiers par les réformes légales
Cette jurisprudence a été dérangée par le remaniement des articles L. 223-14 et L. 228-24 du code de commerce par, respectivement, l’ordonnance du 25 mars 2004 et celle du 24 juin 2004[70]. Imposant au cas de refus d’agrément le rachat des parts de la SARL, l’article L. 223-14 alinéa 3 précise désormais : « sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts ». Quant aux sociétés par actions, l’article L. 228-24 alinéa 2 prévoit dorénavant, dans la même situation, que « le cédant peut à tout moment renoncer à la cession de ses titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital ».
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- Le rachat obligatoire des parts de l’article L 223-14 du code de commerce
Remettant en cause l’autorité de la décision du tiers estimateur, ces transformations ne touchent, dans le domaine d’application de l’article 1843-4, que le refus d’agrément, lequel n’en constitue pas moins le cas de renvoi le plus fréquent à ce texte. Il en ressort une manière de dédoublement des effets de la décision de l’« expert » de l’article 1843-4. Hors cette hypothèse du refus d’agrément, rien ne justifie que la détermination par ses soins de la valeur des droits sociaux ne continue pas de présenter un caractère obligatoire pour les intéressés. En revanche, dans ce cas de refus de consentement à la cession de parts d’une SARL ou de titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital d’une société par actions, la détermination de leur valeur par le tiers estimateur ne s’impose plus au cédant. Plus exactement, c’est la cession à laquelle peut alors se soustraire le cédant, auquel le législateur reconnaît expressément, avec l’article L. 228-24 tout au moins, la possibilité d’exercer son droit de repentir après la fixation du prix par le tiers estimateur, singulièrement lorsque la valeur ainsi déterminée ne le satisfait pas. Il convient de prendre la mesure de cette innovation
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- La possibilité de renoncer à la cession de l’article L. 228-24 alinéas 2 du code de commerce
La modification de l’article L. 223-14, par la première ordonnance, laissait subsister une interrogation sur le point de savoir jusques à quand le cédant peut renoncer à la cession. Une différence de traitement entre les deux types de sociétés ne se pouvant guère expliquer, le doute n’est plus permis avec la rédaction donnée quelques mois plus tard à l’article L. 228-24 alinéa 2 par la seconde ordonnance qui, plus explicite, indique qu’il lui est loisible de renoncer « à tout moment ». Le texte nouveau se fait ainsi plus protecteur du cédant minoritaire, lui permettant de faire jouer son droit de repentir même après que le tiers estimateur a arrêté le prix.
La faculté de renoncer n’est reconnue par le législateur qu’au cédant. Si donc ce dernier conduit son projet de cession à terme, les associés ou la société demeureront quant à eux tenus par le prix qu’aura fixé l’« expert ».
Pour importante que soit la nouveauté résultant du renforcement du droit de repentir, la disparition de l’effet obligatoire, pour le cédant, de la détermination du prix par le tiers n’est qu’un prolongement qui lui est concédé de l’exercice de ce droit. Cette liberté de se rétracter serait un non-sens entre les mains des associés ou de la société, le mécanisme prévu par les articles L. 223-14 alinéa 3 et L. 228-24 alinéa 2 ayant pour finalité, en contrepartie de la possibilité qu’a la société de s’opposer à la cession projetée, de mettre alors en place une obligation d’achat ou de rachat des parts ou actions.
Paragraphe 2 : les incidences de la disparition du caractère dans tous les cas obligatoire de la décision du tiers estimateur
- Sur la qualification de la mission du tiers estimateur
- Le sort du mandat
L’intervention du tiers estimateur participe du mandat en ce que, son travail d’évaluation effectué, il se substitue aux parties un instant de raison pour parfaire la vente en y incorporant cet élément essentiel à sa validité qu’en est le prix.
Par le jeu de la représentation, la fixation du prix par le tiers produit effet sur la tête des parties pour les engager définitivement, ou plus exactement avec l’article 1592 pour les engager en vertu d’un contrat dont la formation est ainsi achevée, l’une envers l’autre.
Mais, dès l’instant qu’il est laissé à la libre volonté du cédant, lorsque la procédure de l’article 1843-4 est mise en place par application des articles L. 223-14 ou L. 228-24 du code de commerce, de renoncer à la cession alors même que l’« expert » a d’ores et déjà arrêté le prix, la qualification – qui ne saurait changer selon que le cédant aura ou non, après l’exécution par le tiers de ses obligations, exercé son droit de repentir – de mandat ne peut plus se prêter comme support de la mission de ce dernier : le cédant n’étant plus lié, dans ses rapports avec les associés acquéreurs ou la société, par l’acte accompli par le tiers estimateur, celui-ci ne saurait être regardé comme ayant été son mandataire.
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- L’inefficacité du recours au mandat révocable
Le recours à l’idée d’un mandat révocable ne répondrait pas davantage à cette situation nouvelle. Se traduisant par la disparition du pouvoir de représentation dont était nanti le mandataire, la révocation du mandat n’affecte pas la validité des actes par lui antérieurement passés ni, subséquemment, les engagements en étant résultés pour le mandant. Se satisfaire d’une telle qualification reviendrait à admettre que l’absence d’effet obligatoire, pour le cédant, de la détermination du prix effectuée par le tiers serait la conséquence de la révocation, par lui-même, du mandat. Or, le prix une fois déterminé, le mandat est ipso facto exécuté, et parachevée la cession. Aussi n’est-il pas concevable de pouvoir revenir sur l’acte accompli par le tiers estimateur sous couleur de révocabilité du mandat.
La tentation se présente un instant de s’en tenir alors à la lettre de l’article 1843-4 pour ne voir qu’un expert dans le tiers désigné en vertu des articles L. 223-14 ou L. 228-24 du code de commerce. Mais il suffit pour écarter l’expertise d’observer que sa décision continuera de s’imposer à la partie à la cession ou au rachat autre que le cédant, cependant que les conclusions de l’expert conventionnel ne sont jamais qu’un avis, qui ne lie pas davantage les parties que le juge n’est tenu par celles de l’expert judiciaire.
- Sur le pouvoir et la responsabilité du tiers estimateur
Cette disparité dans la qualification que doit recevoir la convention à laquelle est partie le tiers estimateur n’atténuera pas, pour le moins, certains des aspects du contentieux lié à son intervention.
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- En statuant sur l’article 1592
Statuant sur l’article 1592, la Cour d’appel de Paris a jugé que « la nature de cette mission […] emporte pouvoir de ce tiers expert d’appliquer le contrat [de vente] et, sauf exclusion claire et précise, de donner […] leur sens aux clauses de ce dernier dans la mesure où elles se rattachent à [sa] mission », et concédé ainsi au tiers un « large pouvoir d’appréciation » qui n’est pas « contredit » par, notamment, « le pouvoir souverain d’interprétation reconnu au juge lequel n’est pas exclusif de l’appréciation par un mandataire commun des clauses se rattachant à sa mission »[71].
Si le tiers estimateur est assurément concerné pour pouvoir « donner leur sens aux clauses » du contrat auquel il est partie, il est moins certain qu’il puisse interpréter sans entraves le contrat de vente[72], auquel il reste… tiers. Sa mission, qu’il accomplit effectivement en « application » de ce contrat, l’autorise à y puiser tous les éléments dont la connaissance lui est indispensable pour parvenir à l’évaluation demandée.
Mais qu’il se livre à son interprétation, ce qui ne se produira justement que parce qu’un désaccord se sera élevé, inopiné avec l’article 1592, adventice, dans le cadre même du règlement de la contestation, avec l’article 1843-4, voilà bien une autre question.
Sans doute peut-on relever que « les dispositions du code civil relatives à l’interprétation des contrats [art. 1156 et s.] ne sont pas de véritables règles de droit puisque leur violation ne donne pas ouverture à cassation »[73], mais les maximes d’interprétation que reprennent ces textes sont en principe là pour guider les parties – et bien sûr le juge -, non les tiers au contrat qu’il serait question d’interpréter. Il reste que ce pouvoir d’interprétation est en lisières du pouvoir d’appréciation qui, en revanche et quelle qu’en puisse être exactement l’ampleur, appartient nécessairement au tiers estimateur.
Liée à la marge d’initiative dont dispose son titulaire, l’étendue de ce pouvoir d’appréciation dépend bien sûr de la nature de la convention en exécution de laquelle il s’exerce. Le mandat lui offre ici une assise étroite.
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- En statuant sur l’article 1843-4
Ici non plus, le tiers n’est pourvu d’aucun pouvoir d’initiative en sa qualité de mandataire, relativement au consentement à la vente de ses mandants communs imposé – abstraction faite du droit de repentir – par la loi avec l’article 1843-4.
Il n’a aucune latitude pour accomplir l’acte juridique objet de son mandat[74] consistant à parfaire la vente après qu’il en a déterminé le prix. En second lieu, il ressort des termes des articles 1989 et 1998 du code civil que le mandat s’interprète strictement.
Le support du mandat pour lui conférer un « large pouvoir d’appréciation » fait dorénavant totalement défaut au tiers agissant en vertu des dispositions combinées des articles L. 223-14 ou L. 228-24 du code de commerce et 1843-4 du code civil. Seule subsiste dans ce cas, représentant en toutes hypothèses dans ces ventes à dire de tiers estimateur une part substantielle de sa mission et la presque totalité de sa prestation, l’entreprise, l’indépendance avec laquelle l’entrepreneur exécute le travail pour le maître de l’ouvrage lui conférant l’initiative et le pouvoir d’appréciation qu’il faut sûrement reconnaître au tiers estimateur.
Titre II : la cacophonie jurisprudentielle et l’extension du champ d’application de l’article 1843-4
Cet article a fait l’objet d’une jurisprudence très fournie qui n’a pas toujours permis d’en connaitre le champ d’application et la portée.
Chapitre I : la conception très extensive de la cour de cassation dans sa jurisprudence avant 2014
L’élargissement du champ d’application de l’article 1843-4 à « tous les cas » dans lesquels seraient prévus soit la cession soit le rachat des droits sociaux d’un associé.
Section I : l’intervention de l’expert rendue obligatoire dans des situations régies par des dispositions statutaires
Cela concerne autant les cas prévus par la loi que ceux prévus par les statuts.
Paragraphe 1 : Interrogations sur la portée de l’article 1843-4 du Code civil en vue d’évaluer les droits sociaux d’un associé se retirant
- De l’application de l’article 1843-4 à la mise en œuvre du retrait de l’associé
Ses premières décisions n’étaient pas vraiment claires[75] , non plus que l’arrêt -tant commenté- du 4 décembre 2007[76]. Reste, cependant, que, au-delà des faits de cette dernière espèce, qui peuvent prêter à confusion, l’arrêt du 4 décembre était sans équivoque.
Il a été très clairement résumé par Madame le Président de la Chambre commerciale elle-même dans les termes suivants :« La question posée par le pourvoi consistait donc à s’interroger sur le point de savoir si l’article1843-4 a vocation à s’appliquer au retrait forcé prévu par les statuts et au retrait volontaire. La réponse semble d’évidence positive s’agissant du retrait volontaire puisque l’article 1869 du Code civil renvoie expressément à l’article1843-4 du même code dans le cas où un accord amiable fait défaut. La Cour de cassation a également répondu positivement s’agissant du retrait obligatoire prévu par les statuts et non par la loi. Selon moi, c’est le seul sens de l’arrêt : l’article 1843-4 s’applique même lorsque le retrait obligatoire découle non pas de la loi mais des statuts. Je crois, sur ce point, que la Cour de cassation n’a pas dit autre chose (…)[77]».
On ne peut guère être plus clair. Alors que le 4 décembre 2007, la question des « pouvoirs » de l’expert était encore en suspens, celle du champ d’application de l’expertise était clairement tranchée, même si l’on peut -toujours- s’interroger sur le point de savoir si, en l’espèce, la Cour de cassation était bien en présence d’un cas de retrait forcé prévu par les statuts, comme son président nous l’indique, ou dans un cas prévu par la loi (le retrait volontaire d’un associé d’une société civile). Peu importe car, au vrai, l’intention de la Chambre commerciale apparaît assez claire : l’expertise de prix de l’article 1843-4 du Code civil est sortie de son lit d’origine, le 4 décembre 2007.
- De l’application de l’article 1843-4 à la mise en œuvre d’un mécanisme statutaire de sortie de l’associé
Dans ces conditions, l’arrêt du 5 mai 2009 sonne comme une confirmation, outre qu’il tranche la question des pouvoirs de l’expert. Il affirme en effet, dans un cas d’exclusion dont on pouvait penser qu’il n’était pas « prévu par la loi », que l’associé exclu a le droit, s’il conteste la valeur de liquidation de ses parts (telle que déterminée par les statuts) : d’obtenir la désignation de l’expert de l’article 1843-4 et que cet expert est libre de procéder à sa mission comme il l’entend (libre choix des critères ou des méthodes d’évaluation), de suivre donc, de s’inspirer, ou, au contraire, de s’affranchir de la clause de valorisation qui figurait dans les statuts[78].
Paragraphe 2 : Totale liberté laissée à l’expert dans sa mission d’évaluation
- « seul l’expert détermine les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits »[79]
Ce qui signifie que l’expert est affranchi des directives judiciaires, dans le sens où juge commet un excès de pouvoir s’il prétend imposer des contraintes à l’expert de l’article 1843-4, et ce pour la raison que, en dépit de son appellation, il ne s’agit pas d’un expert. L’expert de l’article 1843-4 n’en est pas un… C’est ainsi que commet un excès de pouvoir le juge qui nomme un expert en lui demandant de procéder à son évaluation « en toute liberté », c’est-à-dire sans égard pour « la méthode de calcul prévue par les statuts ». Pour la Cour de cassation[80] , le juge qui désigne l’expert ne peut formuler de telles directives, car « seul l’expert détermine les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts. ».
L’expert est aussi affranchi des directives contractuelles, l’article 1843-4 impose de déterminer la « valeur » des droits sociaux, ce qui signifie que l’expert doit découvrir leur valeur économique, aussi objective que possible, et explique qu’il puisse s’affranchir des méthodes d’évaluation de ces titres, prévues par les statuts, lorsque ces méthodes aboutissent « à une valeur des parts qui n’est pas conforme à leur valeur réelle[81]». Cette liberté totale s’explique, car il s’agit de définir une valeur, autrement dit de découvrir une donnée objective et non la version subjective que constitue le prix, somme qu’un acheteur est prêt à payer mais qui ne correspond pas nécessairement à la valeur vénale des titres.
Il faut aussi observer que l’intervention de l’estimateur serait bien souvent privée d’utilité s’il devait se borner à mettre en œuvre une méthode statutaire. Enfin, la liberté reconnue à l’expert s’explique certainement par le souci de protéger l’associé tenu de céder ses titres, en lui permettant de ne pas subir une méthode d’évaluation de ses titres qui peut être lésionnaire lorsqu’elle aboutit à dégager un prix minoré, ce dont il peut résulter une spoliation de l’associé si celui-ci se trouve contraint de vendre sa participation en vertu d’une clause d’exclusion ou d’un mécanisme d’élimination.
- La violation de l’esprit de l’article 1843-4
L’interprétation de l’article 1843-4 et de la liberté de l’expert par la Cour de cassation a permis quelques dérives, notamment celle qui permet aux parties de faire appel à l’expert même dans les cas non prévus par la loi et en dehors de toute clause contractuelle. Or imposer l’intervention d’un expert dans tous les cas où des titres sont cédés est absurde et inéquitable.
Comme cela a été rappelé par bien des critiques, l’article 1843-4 a pour unique objet de permettre le chiffrage du prix des seules cessions qui sans cela n’en seraient pas pourvues et ne pourraient donc pas intervenir. Le tiers estimateur fait fonction « d’instrument légal[82] » de détermination de la valeur de titres dont le cédant risque à défaut de demeurer prisonnier. Évidemment, ce ne peut être qu’en l’absence d’instrument contractuel.
Section II : Extension aux promesses de cession de titres du recours forcé à l’expertise pour la détermination du prix (arrêt de 2012[83])
Est-ce que l’actionnaire souscripteur d’une promesse de vente de ses actions, moyennant un prix déterminable par application d’une méthode de calcul contractuelle, peut refuser de vendre au prix convenu et solliciter la désignation d’un expert chargé d’évaluer ses droits sociaux ?
Paragraphe 1 : L’extension contestable du domaine de l’expertise
Dans un arrêt de 2012, la Cour de cassation a fait de l’article 1843-4 du Code civil l’instrument d’une réfaction de contrats toujours plus nombreux emportant cession de droits sociaux, bouleversant ainsi les prévisions contractuelles et ignorant superbement les conséquences pratiques et économiques de sa décision.
- Consécration de la conception impérialiste de l’article 1843-4
Avant cet arrêt du 4 décembre 2012, l’on pouvait encore s’interroger sur la portée exacte de l’article 1843-4 et douter que l’expertise prévue par ce texte puisse s’appliquer à des contrats librement négociés entre les parties, telle une promesse de cession de titres dont le prix a été déterminé contractuellement.
Désormais, le doute n’est plus permis, l’arrêt, très clair à cet égard, assumant parfaitement la conception impérialiste de l’article 1843-4 qu’il consacre. Là où la cour d’appel avait considéré que la méthode de calcul du prix de cession de l’action, contractuellement fixée par la promesse de vente, s’impose au promettant qui, dès lors, ne peut revendiquer l’application de l’article 1843-4 du Code civil « puisque les parties n’ont aucunement convenu, en cas de désaccord, de désigner un expert pour la détermination du prix de cession des actions », la Cour de cassation juge le contraire et, cassant cet arrêt, lui reproche d’avoir violé ce texte par refus d’application.
Ainsi faut-il comprendre que le promettant, qui s’est engagé à vendre ses actions pour un prix fixé selon une méthode qu’il a acceptée, peut, le moment venu, écarter cette méthode et solliciter la désignation d’un expert, auquel il reviendra d’évaluer les titres. Une telle solution fait bien peu de cas de la force obligatoire du contrat et, à l’inverse, réserve la part belle au revirement de l’associé qui, s’étant ravisé, trouve dans l’expertise de l’article 1843-4 le moyen de recalculer un prix qui, tel qu’il résulte du contrat, ne lui convient plus. Il semble que, pour la Cour de cassation, les conventions relatives à la cession de titres ne tiennent plus lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu’il suffise de contester un prix, pourtant déterminable par application du contrat, pour que celui-ci ne s’impose plus à la partie qui le conteste.
Ce résultat est d’autant plus choquant qu’il résulte de la fixation du prix par un expert, dont l’intervention n’est pourtant dans une telle occurrence ni prévue par la loi ni imposée par le contrat, que les stipulations relatives au prix vont être totalement écartées, puisque l’expert se trouve alors affranchi de la méthode prévue par la clause que l’on a abrogée en le désignant[84]. Faisant table rase des prévisions contractuelles des parties, l’expertise n’en laisse plus rien subsister, le tiers estimateur n’ayant pas à respecter les directives contractuelles qui pourraient viser à encadrer sa mission et à préciser les modalités d’évaluation. La souveraineté de cet expert est totale et il ne reste rien de la clause de prix une fois que l’on a admis de le faire intervenir, « lui seul déterminant les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits[85] ».
- Confirmation du renforcement de l’indépendance de l’expert de l’article 1843-4.
Si cette analyse malheureuse apparaissait en filigrane dans de précédents arrêts de la Cour de cassation, c’est la première fois que celle-ci affirme la nécessité d’appliquer l’expertise de l’article 1843-4 à une promesse de cession en vue d’évaluer des actions dont la valeur pouvait parfaitement être déterminée par une clause de calcul du prix stipulée dans l’acte, lequel ne prévoyait nullement le recours à un expert.
Auparavant, si l’on savait que l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil présente un caractère impératif[86] , au point de paralyser les modalités d’évaluation statutaires ou contractuelles de la valeur de droits sociaux, l’hésitation restait permise quant à la portée de cette règle mettant entre parenthèses le contrat en vue d’évaluer des droits sociaux.
Avec cet arrêt de 2012, la Cour de cassation a oublié l’esprit de l’article 1843-4 qui avait pour objectif, non pas tellement de protéger l’une ou l’autre des parties à la cession mais plutôt de faire en sorte que la contestation des parties sur le prix ne puisse faire échec à une cession voulue par la loi.
En effet, pour éviter de faire courir au tiers cédant le risque d’être exposé à un dispositif de rachat lésionnaire conçue le plus souvent par un majoritaire, la Cour a écarter purement et simplement le contrat, faisant par la même occasion de l’expert un personnage tout puissant dans l’exécution dudit contrat.
Paragraphe 1 : L’impossible justification d’une telle réfaction du contrat
- L’intervention systématique de l’expert : aussi injuste qu’inéquitable
Nous venons de le dire, l’expert est un instrument légal de détermination de la valeur de titres dont le cédant risque à défaut de demeurer prisonnier, il intervient quand le contrat ne permet pas la détermination dudit prix. Lorsque l’associé doit céder ses titres pour s’y être engagé, dans un pacte ou autrement, la situation est bien différente car le prix convenu est déterminé selon les prévisions contractuelles, lesquelles ne sauraient être déjouées par l’intervention d’un expert.
Dans une telle hypothèse, soit un prix ou une méthode de fixation du prix a été fixé par les parties et il convient de s’y tenir sauf à violer leur accord, soit le contrat est insuffisamment précis pour déterminer le prix et, dans ce cas, les choses sont encore plus simples puisque la vente est alors nulle pour absence de détermination du prix.
Permettre à un contractant de se soustraire à un contrat qu’il est réputé avoir librement consentit et écarter purement et simplement le contrat n’est absolument pas équitable dans la mesure où cela compromet la prévisibilité et la sécurité juridique auxquelles chaque partie aspirait au moment de conclure le contrat. Ce qui va aussi menacer la force de l’instrument contrat qui réside dans le fait qu’il constitue la loi des parties.
Sans aller jusqu’à professer que « qui dit contractuel dit juste », il faut quand même souligner que la recherche de l’équité et de la justice ne doit pas passer par l’anéantissement des prévisions contractuelles. Au contraire, il apparaît préférable de s’en tenir par principe à la clause de détermination du prix convenue entre les parties, de sorte que, faute de contestation sur la valeur des titres cédés, leur prix ne peut être que celui résultant de l’application du contrat. Ce n’est qu’à titre d’exception que pourraient être recherchés des correctifs à l’application d’une loi qui, pour être contractuelle, n’en est pas moins parfois le résultat d’un rapport de force déséquilibré.
- De la nécessité de respecter l’équilibre contractuel
Le salut pourrait alors être trouvé dans des remèdes classiques, comme le contrôle de l’abus dans la fixation du prix. Il suffirait pour cela de raisonner comme en matière de contrat cadre – que serait le pacte –, le contrat d’application se formant à l’occasion de la levée d’option de la promesse de vente des titres stipulée dans le pacte, pouvant donner lieu à un contrôle du prix abusif[87].
Dans cet arrêt de 2012 donc, la Cour de Cassation aurait été d’autant mieux inspirée de se placer sur ce terrain du contrôle de la fixation du prix, c’est-à-dire un contrôle a posteriori ne s’exerçant qu’en présence d’un abus, qu’elle a par le passé emprunté un raisonnement similaire.
Cette logique se retrouve en effet dans un précédent arrêt[88] qui avait approuvé une cour d’appel d’annuler une promesse de cession d’actions stipulant qu’en l’absence d’accord des parties, le prix de cession serait déterminé par un collège de tiers désignés comme il est dit aux articles 1592 et 1843-4 du Code civil et précisait que ceux-ci devraient respecter les « règles en usage au sein du mouvement Leclerc » et, pour l’évaluation du fonds de commerce, du droit au bail et autres éléments incorporels, faire application des « règles posées par le mouvement Leclerc ».
Cette clause n’a pas trouvé grâce aux yeux de la Cour de cassation, qui a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu qu’elle était dépourvue de précision suffisante et ne garantissait pas « que le prix sera estimé en fonction d’éléments extérieurs à la volonté du cessionnaire ».
Le contrôle de l’équilibre contractuel et en définitive du juste prix qui transparaît dans une telle décision est parfaitement convaincant et aurait parfaitement pu permettre une sanction des clauses trop déséquilibrées devenues l’instrument de la spoliation de l’actionnaire tenu de céder ses titres.
Chapitre II : l’extension du champ d’application dans l’arrêt du 11 mars 2014[89] : revirement de la jurisprudence dominante vers une réforme de l’article
Avec cette nouvelle décision, la jurisprudence qui a peut-être entendu les critiques et suppliques de la doctrine face aux effets pervers générés par une lecture téléologique de l’article 1843-4[90] s’applique à délimiter le domaine d’application du texte de façon à proposer une lecture plus claire des fameux « cas prévus » à l’article 1843-4, ce qui devrait être de nature à réduire le contentieux[91] . L’arrêt du 11 mars dernier, coté PBRI, vient donc confirmer la tendance qu’il était possible de subodorer, notamment à la lumière d’arrêts récents rendus par la chambre commerciale[92].
Section I : une décision éclairant une jurisprudence aussi controversée que touffue
Paragraphe 1 : Redéfinition du champ d’application : L’exclusion du texte
- Le texte ne joue pas en présence d’une cession de droits sociaux consécutive au jeu d’une promesse unilatérale de vente
« (…) Les dispositions de ce texte (…) sont sans application (…) ». Le texte ne joue pas en présence d’une cession de droits sociaux consécutive au jeu d’une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ou d’un rachat par la société de droits sociaux intervenant dans un même contexte. La solution, qui rappelle un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 10 septembre 2009[93] , était, par ailleurs, contenue en germe dans la jurisprudence de la haute cour, laquelle avait exclu l’application de l’article 1843-4 en cas de cession déjà conclue et dont le prix était déterminable[94].
Le présent arrêt ajoute à la liste des exclusions, qui fleurissent donc, réduisant les cas prévus à l’article 1843-4. D’aucuns pourront dire qu’il consacre une ligne frontière susceptible d’être tracée entre les cessions « prévues », organisées par les textes de droit spécial ou par la volonté des associés, qui relèvent de l’article 1843-4, et les cessions « convenues » – que celles-ci soient promises moyennant un prix fixé par avance[95], conclues ou exécutées, par lesquelles l’associé se serait engagé à céder ses titres – lesquelles échappent à 1843-4. Tout dépend de ce que l’on entend par « prévu » et « convenu ».
Il faut comprendre ici que c’est l’accord donné, par celui qui s’engage à céder ses droits, sur la valeur ou le prix de ces derniers qui fait échec au jeu de l’article 1843-4, peu importe la situation contractuelle envisagée[96] , qu’il y ait contrat ou promesse, voire même promesse conditionnelle, comme c’était le cas ici puisque la promesse de cession dépendait de la réalisation d’une condition : la démission ou autre événement assimilé (faute grave en l’espèce). Autrement dit, la cession prévue, de nature à déclencher l’application de l’article 1843-4, serait celle organisée par la loi ou les associés, quelle que soit la source de prévision (statutaire ou extrastatutaire), sans accord sur un prix déterminé ou déterminable, par opposition à celle « convenue », caractérisée par l’existence d’un prix déterminé ou déterminable auquel promettant ou cédant a consenti.
Il pourrait s’agir, par exemple, de celle qui pourrait figurer dans un instrument, pouvant s’apparenter à un contrat cadre, lequel a pour objet d’encadrer les relations contractuelles à venir en définissant à l’avance leurs modalités d’application, le débiteur de l’obligation s’engageant à donner un consentement futur à la cession que, par hypothèse, celui-ci n’a pas encore donné[97]. Il ne s’agirait plus de celle dont l’éventualité serait envisagée par la loi ou les statuts (voire comme ici par le pacte d’actionnaires) et dont la réalisation serait subordonnée à la survenance d’un évènement[98], laquelle ne serait rien d’autre qu’une cession conditionnelle, autrement dit formée par l’accord sur la chose et le prix par application de l’article 1589 du Code civil, mais suspendue à la réalisation de la condition envisagée, qui, sous le bénéfice de cette considération, glisserait dans la catégorie des cessions convenues. C’est dire que la clé de répartition réside dans le consentement exprimé, dans un instrument quel qu’il soit (promesse ou contrat), par l’associé qui a pris l’engagement de céder ses titres sur la valeur ou le prix des droits appelés à être cédés[99].
- Quid des situations de « vente consentie » ?
Ceci laisse à penser que pourraient être hors champ, aux côtés des promesses unilatérales de vente dont le prix est déterminé ou déterminable[100] , les promesses synallagmatiques, autrement dit les situations de « vente consentie »[101] , mais encore, ainsi que le souligne notre excellent collègue Bruno Dondero [102], les promesses unilatérales croisées de vente et d’achat consenties dans ces mêmes conditions qui peuvent se distinguer de ces dernières[103] ou les clauses « buy or sell »[104] , que l’on retrouve sous diverses expressions (clause texane, norvégienne, omelette, roulette russe, etc.)[105] , laissant de côté les pactes de préférence, marqués par un engagement non de céder mais de préférer au cas de vente[106] , et donc ne nécessitant pas que le prix soit déterminé dans le pacte[107].
La Cour ne dit pas, pour ces cessions consécutives à une promesse librement consentie, si celle-ci doit être le résultat de la mise en œuvre d’une règle contenue dans un acte de nature contractuelle (statuts ou autres instruments extra-statutaires) ou non (charte des associés). Mais à se référer à l’espèce, il semble que l’exclusion de l’article 1843-4s’adresse aux cessions résultant de promesses librement consenties trouvant elles-mêmes leur source dans les statuts ou un pacte extrastatutaire, à savoir un acte de nature contractuelle, ce qui laisse à penser que la haute cour prendrait ses distances avec l’arrêt rendu le 4 décembre 2012, par lequel elle concluait à l’application de l’article 1843-4 en présence d’un rachat qui intervenait suite à promesse de vente irrévocable figurant dans une « charte » des associés[108].
Paragraphe 2 : Le retour à l’esprit du texte
- L’esprit du texte et la protection des associés sortants
« (…) Les dispositions de ce texte (…) ont pour finalité la protection des intérêts de l’associé cédant ». L’esprit du texte serait bien de nature à fonder l’exclusion. Cela peut prêter à faire sourire lorsque l’on sait que c’est justement l’esprit du texte qui a permis d’inaugurer la vague jurisprudentielle en faveur d’une application extensive de ce texte, en particulier en cas de cessions ou rachats prévus hors la loi[109] .
C’est bien parce que le législateur a, avant tout, le souci de protéger l’associé sortant qu’il a été possible de transposer la solution posée par l’article 1843-4 au-delà des cas légaux, et penser que l’associé cédant a vocation à bénéficier d’une telle protection dans des cas où la cession est organisée par des instruments statutaires ou extra-statutaires au détriment de celui-ci dès lors que la valeur de cession ou de rachat, qui est contestée, est sans rapport avec la valeur réelle des droits[110]. Il faut se rappeler ici la genèse de l’article 1843-4. Initialement limité aux cas prévus par l’ancien article 1868, le domaine d’application de celui-ci s’est vu élargi avec la réforme de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978, puisqu’à la rédaction de l’article 1868 du Code civil, qui énonçait que « dans tous les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est déterminée (…) par un expert (…) », a été substituée une formulation plus généraliste, selon laquelle « dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé (…) », invitant à ne pas distinguer là où la loi ne distingue pas.
Sauf que l’article 1843-4 est sans doute devenu le meilleur ennemi en matière de protection du cédant. Et là où l’esprit du texte justifiait son extension pour garantir les intérêts de ce dernier, c’est ce même esprit qui, aujourd’hui, pour préserver de tels intérêts, permet de constituer un rempart à une jurisprudence ayant reconnu à l’expert toute liberté dans la détermination de la valeur des droits sociaux, jusqu’à neutraliser les prévisions contractuelles[111]. C’est ce qui fonde la solution. C’est en tout cas ce que semble dire la haute cour.
- la recherche d’un « juste équilibre » entre la nécessaire protection des associés et le respect des conventions librement consenties
Il est permis de penser que, plus que la seule protection du cédant, le présent arrêt tend vers la recherche d’un « juste équilibre » entre, d’une part, la nécessaire protection des associés auxquels la cession ou le rachat est imposé et, d’autre part, le respect des conventions librement consenties[112]. La notion est connue et peut d’ailleurs en cacher une autre. Utilisée par les juges européens et importée dans la jurisprudence interne[113], la recherche du « juste équilibre » est un outil qui permet de sous-peser les intérêts en présence et de détecter la charge excessive que fait peser une disposition ou une stipulation sur le droit, sujet à protection, atteint par une mesure poursuivant un certain but.
C’est ce rapport de proportionnalité auquel la jurisprudence est de plus en attentive dès l’instant où elle est confrontée à une disposition, voire une stipulation engendrant une atteinte au droit de l’associé sur ses titres, qui, en filigrane, pourrait bien sous-tendre la solution rendue. Celui-ci étant considéré comme respecté, il restait sans doute à faire produire à l’accord des parties son plein effet. Et pour ce faire, ne pas appliquer l’article 1843-4 permettait de limiter les effets d’une jurisprudence, propre à déjouer ici inutilement l’accord des parties, qui aurait pu naturellement trouver à se développer dès l’instant où il y avait lieu à contestation. Aucune allusion n’est d’ailleurs faite, en l’espèce, à ce sujet. Est-ce à dire que la présence d’une clause de valorisation semblerait de nature à éliminer toute hypothèse de contestation ?
Faute d’application du texte, la Cour n’a pas eu le loisir de répondre sur ce point. Et difficile, dès lors, de considérer ici que les juges pourraient s’orienter vers une définition de la notion de contestation dans le sens proposé, ce qui pourrait être le second enseignement de l’arrêt. Ce point reste en suspens dans cette jurisprudence.
Section II : les zones d’ombres persistant dans la jurisprudence
Paragraphe 1 : de la nature du texte
- vers une remise en question du caractère d’ordre public par la mise en œuvre d’un accord des parties ?
L’arrêt d’appel retenait « qu’en vertu de la règle impérative posée par l’article 1843-4 du Code civil, nul associé ne peut être contraint de céder ses droits sociaux sans une juste indemnisation arbitrée à dire d’expert ». Il poursuivait en déduisant que « la clause des statuts ou d’un pacte extra-statutaire, qui fixe par avance la valeur des parts ou des actions rachetées, ne peut prévaloir sur la règle légale lorsque, comme en l’espèce, l’associé évincé en conteste l’application ». La haute cour casse sur ce point précis : la valeur des actions cédées en application de la « clause de rachat forcé » contenue dans la convention d’actionnaires du 7 avril 2004 ne devait pas être fixée à dire d’expert selon la procédure instituée par l’article 1843-4 du Code civil.
Si la haute cour conclut à l’exclusion de ce texte, elle ne dit mot sur le caractère d’ordre public, qui – faut-il le souligner – a, jusqu’ici, souvent été rappelé dans les décisions 38 . Si l’existence d’un accord des parties sur la valorisation des droits sociaux est de nature à empêcher l’application de l’article 1843-4, peut-on encore dire que le texte est d’ordre public ? On peut être sceptique car si le texte cède, dans certaines hypothèses – dont celle visée par l’espèce présente ou d’autres situations pouvant s’y rattacher –, devant la volonté des parties, il faudra sans doute considérer que le caractère d’ordre public des dispositions est désormais indifférent.
- De la nécessité de réduire le champ d’application du texte aux « cas prévus » par la loi ?
Il a été évoqué lors de l’étude de cette jurisprudence que dans le cas où il s’agissait de réduire le champ d’application du texte aux « cas prévus » par la loi, ainsi que le propose un certain projet d’ordonnance[114], il aurait été judicieux, comme plusieurs auteurs l’ont déjà proposé[115], d’ajouter la précision selon laquelle « dans tous les cas où sont prévus par la loi (…) ».
Au moment où la Cour de cassation avait rendu la décision, et compte tenu de ce que l’article 1843-4 avait alors vocation à s’éclipser au profit de la volonté des parties dans certaines hypothèses, il restait encore à savoir ce qui serait encore d’ordre public. Sans doute, dans les cas où le texte retrouvera son empire, le régime qui y est décliné sera-t-il d’ordre public, ainsi que l’annonçait déjà l’arrêt du 26 février 2013[116] . Autrement dit, dans les cas où il trouvera à s’appliquer, les prévisions des parties devront s’effacer.
Paragraphe 2 : le sens qu’il serait possible de conférer à l’article 1843-4
La Cour ne prend pas non plus clairement parti sur la question de savoir si l’article 1843-4 implique que « nul associé ne peut être contraint de céder ses droits sociaux sans une juste indemnisation arbitrée à dire d’expert ». Certes, en cassant sur le chef de l’application de l’article 1843-4, elle fournit une indication sur ce point. Mais optant pour une non-application du texte, il est difficile pour les juges de cassation de se prononcer plus avant sur le sens de celui. Pourtant, est-ce bien dans cette direction qu’ils se sont orientés en mettant en lumière l’esprit du texte ? De celui-ci, il est alors loisible d’en saisir le sens.
Tout d’abord, il est patent que la haute cour ne saurait faire sienne la précédente formule, car l’article 1843-4 a vocation à jouer au-delà des hypothèses de cessions ou rachats forcés. Cependant, dans les cas où la loi a prévu que des atteintes puissent être portées au droit de propriété de l’associé – si tant est que l’on puisse parler de propriété de droits sociaux 42 –, telles que sont les hypothèses où l’associé se trouve dépossédé de ses titres (exclusion, faillite, retrait obligatoire…) et opéré un renvoi à l’article 1843-4, est-ce qu’une telle lecture du texte serait concevable ?
Dans ces hypothèses, celui-ci, on l’a vu, fixe une règle destinée à assurer la protection du cédant, de sorte qu’il pourrait faire office de norme propre à légitimer l’atteinte portée au droit de propriété de l’associé par d’autres dispositions, en permettant, par l’intervention d’un expert, d’éviter que la valeur de cession ou de rachat, qui est contestée, ne soit sans rapport avec la valeur réelle des droits.
Autrement dit, l’article 1843-4 offrirait aux dispositions ou stipulations qui sont sujettes à caution un sursis de conformité eu égard aux textes assurant une protection fondamentale du droit de propriété, tels que l’article 1er du protocole additionnel à la Conv. EDH et l’article 17 de la DDHC. L’on sait qu’une privation de propriété, pour être compatible avec ces textes, doit être proportionnée, ce qui suppose que la mesure en cause attentoire aux droits de l’associé sur ses titres assure un juste équilibre entre, d’une part, cet intérêt, et, d’autre part, la sauvegarde du droit de propriété de l’associé, ce qui se traduit par l’exigence et, par suite, l’octroi d’une juste indemnisation.
L’article 1843-4 poursuit-il cette fonction ? Si l’on s’appuie sur la lettre du texte, l’intervention de l’expert visé par cette disposition est destinée à fixer la valeur des droits en cas de contestation avant cession. La jurisprudence précise que « les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil (…) visent seulement à garantir, dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux ou le rachat de ceux-ci par la société, et s’il y a désaccord sur leur valeur, la juste évaluation des droits du cédant par l’intervention d’un tiers chargé de fixer cette valeur pour le compte des parties sans être tenu de se plier à des clauses qui pourraient être incompatibles avec la réalisation de cet objectif ». La doctrine, quant à elle, conduite par un courant majoritaire, enseigne que l’article 1843-4 a avant tout « pour objet d’éviter qu’un associé contraint par la loi, voire par les statuts, de céder ses droits sociaux ne soit spolié par le prix de cession qui lui est offert »[117]. Tout ceci concourt, parce que l’expert, en sa qualité de tiers estimateur indépendant, est garant du juste prix[118], à ce que l’article 1843-4 participe de la protection de l’associé ou de l’actionnaire évincé, faisant, d’une certaine façon, écho aux textes assurant une garantie fondamentale du droit de propriété. On l’a vu. Tel est l’esprit du texte.
Mais outre le fait qu’il est possible de parvenir à un tel résultat par un accord de volontés, à en croire la solution fournie par l’arrêt présent, l’article 1843-4 ne saurait, par sa seule présence, légitimer l’atteinte au droit de propriété de l’associé sur ses titres.
L’existence d’une juste évaluation ne suffit pas à valider la mesure attentatoire, laquelle doit non seulement répondre à un but d’intérêt général, mais de surcroît être entourée de garanties procédurales de nature à garantir de façon indirecte le droit de propriété de l’associé. Les ressources de l’article 1843-4 sont certainement très riches. Elles ne sauraient cependant être ni démesurées ni inépuisables[119].
Partie II : Le nouveau droit positif issu de l’article 1843-4
Il nous faudra voir ici d’une part quel est le nouveau domaine d’expertise de l’article 1843-4 –Titre I) et d’autre part le nouvel encadrement de la mission de l’expert (Titra II).
Titre I : le nouveau domaine d’expertise de l’article 1843-4
La nouvelle rédaction de l’article 1843-4 est destinée à corriger les situations un peu chaotiques créées par une interprétation trop extensive effectuée par la jurisprudence, avec la réforme, c’est le champ d’expertise du tiers estimateur qui a été redéfini (chapitre I), pour affiner les analyses concernant les cas où la valeur des droits sociaux n’est ni déterminée ni déterminable.
Chapitre I : une reprécisions indispensable face à la cacophonie jurisprudentielle
Jusqu’à présent, l’expertise de l’article 1843-4 s’appliquait dans « tous les cas » où étaient prévus la cession ou le rachat de droits sociaux.
Section I : Les cas dans lesquels la loi renvoie à l’article 1843-4 du code civil
Paragraphe 1 : Une loi : domaine d’élection de l’expertise de prix, dont elle n’aurait jamais dû sortir
Les cas « prévus » par la loi ont toujours formé le domaine d’élection de l’expertise de prix, dont elle n’aurait – peut-être – jamais dû sortir. La doctrine, unanime, en convenait[120]. L’ancêtre de l’article 1843-4 (l’art. 1868 c. civ.) le prévoyait expressément (voir supra).
Le projet de loi qui, en 1978, devait substituer un article 1860-5 (devenu l’art. 1843-4) à cet ancien article 1868 le disait également, qui commençait par ces mots : « dans tous les cas où la loi impose la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société… », le prix de cette cession ou de ce rachat devait être fixé par l’expert ; et ce n’est qu’après discussion d’un amendement présenté par le sénateur Dailly (qui proposait de ne recourir à l’expertise de prix qu’en cas de désaccord des parties sur le prix de cession) que, lourdeur de la phrase aidant, les termes « où la loi impose » disparurent pour laisser place à l’expression « dans tous les cas où sont prévus …. »[121].
Il est donc assez clair que, dans l’intention initiale du législateur, seuls les cas où la loi « prévoyait » la cession ou le rachat « forcé » des droits sociaux d’un associé entraient dans le champ d’application de l’article 1843-4 du code civil ; et que, dans tous ces cas, nulle clause, aurait-elle figuré dans les statuts de la société ou son règlement intérieur, ne pouvait entraver la mission de l’expert.
À cette époque, le mécanisme était au demeurant parfaitement logique : puisque c’était la loi elle-même qui prévoyait qu’un associé puisse disposer du droit de se retirer d’une société (retrait « forcé »), ou être contraint de céder les droits qu’il y détenait (« cession forcée »), le moins était que ce soit elle, encore, qui organise les conditions de ce rachat ou de cette cession, à moins, bien entendu, que les parties ne s’accordent sur la valeur des droits sociaux au moment du retrait ou du rachat des droits de l’associé.
En restaurant la portion de phrase « dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société », la loi renoue ainsi avec les origines de l’expertise de prix, laquelle n’avait d’autre raison d’être que de permettre, à défaut d’accord sur un prix, le retrait effectif, lorsqu’il y avait « droit de retrait », ou la cession forcée, lorsqu’il y avait « droit d’exclusion », d’un associé.
Après arbitrage, les auteurs de l’ordonnance ont toutefois préféré utiliser l’expression « dans les cas où la loi renvoie [à l’article 1843-4] », plutôt que celle où elle aurait « prévu » une cession ou un rachat de droits sociaux. Même si l’on peut raisonnablement hésiter, cette -nouvelle- terminologie est sans doute préférable à celle qui s’était imposée, pourtant, dans la première version du projet d’ordonnance qui énonçait, plus classiquement, que l’expertise serait la règle « dans tous les cas où la loi prévoit [une cession ou un rachat de droits sociaux] »[122].
Paragraphe 2 : un renvoi
Non sans réserve, le choix du verbe « renvoie » mérite d’être approuvé. Il est aisé en effet d’identifier les cas dans lesquels la loi « renvoie » à l’article 1843-4 (une recherche d’occurrences informatique suffit à cet effet) alors qu’il est sans doute plus difficile de s’entendre sur les cas où la loi aurait « prévu » une cession de droits sociaux.
La raison en est simple : cette dernière hypothèse recouvre en vérité deux cas de figure : celui dans lequel la loi ordonne une cession ou un rachat de droits sociaux, et celui dans lequel elle se contente d’autoriser les associés à le prévoir, aux conditions qu’elle pose alors. Observons ; car cette différence n’est pas sans importance. C’est elle, singulièrement, qui justifie le mieux[123] le nouveau II de l’article commenté.
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- les conditions du renvoi
Parfois, effectivement, la loi ordonne soit une cession (c’est assez rare), soit un rachat de droits sociaux : tel est le cas lorsque, après refus d’agrément d’un cessionnaire, la loi ordonne que les parts (art. L. 223-14) ou les actions (art. L. 228-24) de l’associé cédant soient rachetées soit par la société soit par toute personne qu’elle se substituerait. Tel est le cas, encore, lorsque la loi confère aux associés des sociétés civiles le droit de se retirer de la société (le droit de « retrait ») contre remboursement de la valeur de leurs parts (C. civ., art. 1869).
Dans tous ces cas, et quelques autres[124], il est clair, non seulement que la loi commande que l’associé ne demeure pas prisonnier de ses titres dans certaines occurrences, mais qu’elle désigne, en outre, la société elle-même comme débitrice de l’obligation de rachat, aurait-elle, dans certains cas, la possibilité de se substituer une ou plusieurs personnes de son choix.
Parfois la loi se contente cependant d’autoriser, plus subtilement, les associés à organiser un rachat ou, plus souvent, une cession (forcée) de droits sociaux. Tel est le cas lorsque, pour éviter la dissolution de certaines sociétés (les sociétés civiles et les sociétés en nom collectif, pour l’essentiel), la loi autorise à insérer dans les statuts de ces sociétés des clauses « de continuation de la société » entre certains associés seulement, à l’exclusion des héritiers d’un associé décédé par exemple, ou de l’associé à l’encontre duquel aura été ouverte une procédure de liquidation judiciaire[125].
Dans tous ces cas[126], ainsi que dans les SAS (où la loi autorise à insérer dans les statuts de la société des clauses d’acquisition forcée ou des clauses d’exclusion[127]), l’on se trouve en présence de clauses que l’on qualifie de manière générique de « clauses d’exclusion » (donc de « cession forcée »), lesquelles ne font pas forcément peser l’obligation de racheter les parts de l’associé exclu sur la société elle-même, mais sur la ou les personnes que les statuts auront préalablement désignées (v., pour ex., l’art. 1870-1 c. civ.).
Dans tous ces cas, dont on disait qu’ils étaient tous « prévus » par la loi (peu importe qu’elle « ordonne » ou qu’elle « autorise » seulement), il était clair que l’associé cédant ou dont les titres devaient être rachetés, a toujours eu le droit, parce que la loi le prévoyait expressément en « renvoyant » précisément au mécanisme de l’expertise de prix, d’obtenir, en cas de contestation sur la valeur de ses droits, la désignation d’un expert, peu important qu’une clause l’ait prévu ou non.
Dans tous ces cas, l’on admettait aussi que l’expert était libre, à l’époque, de déterminer le prix souverainement (sous la seule réserve de l’erreur grossière), peu importe les clauses qui auraient prétendu encadrer sa mission ou lui imposer une méthode d’évaluation. Seuls les cas « prévus par la loi » dans la SAS[128] faisaient exception à cette règle, puisque l’article L. 227-18 du code de commerce dispose que le prix du rachat peut, certes, être fixé à dire d’expert, mais -uniquement- si les statuts ne l’ont pas eux-mêmes rendu déterminable.
Va, donc, pour l’expression « dans tous les cas où la loi renvoie », puisque, lorsqu’elle « prévoit » (ce qui recouvre au vrai des réalités juridiques différentes), elle renvoie toujours, semble-t-il, au mécanisme de l’article 1843-4 du code civil.
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- le cas des renvois qui ne sont pas faits directement
Reste qu’il est – peut-être – des hypothèses où la loi a « prévu » une cession ou un rachat de droits sociaux sans pour autant « renvoyer » aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil. En ces cas, dont on retrouve une trace au texte du nouvel article L. 228-12, III, du code de commerce, relatif au rachat des actions de préférence stipulées rachetables « à l’émission »[129], l’article 1843-4, I, pourrait ne plus trouver à s’appliquer.
Ces difficultés, nées de l’encadrement des pouvoirs de l’expert, y compris dans les cas où la loi « renvoie » au mécanisme de l’expertise de prix, ne se seraient évidemment jamais posées si, en ces cas, l’expert avait conservé tout pouvoir pour déterminer, seul, la valeur du rachat.
A rebours, lorsque la loi renvoie à l’article 1843-4 du code civil, sans spécifier expressément que « toute clause contraire est réputée non écrite » (soit la plupart des cas), alors il est certain que des clauses d’évaluation peuvent parfaitement être insérées dans les statuts de la société ou dans toute autre convention liant les parties (ce qui n’était aucunement acquis sous l’empire de l’ancien texte) car, à défaut, l’article 1843-4, I, alinéa 2, n’aurait plus aucun sens. Au résultat, dans la plupart des cas où la loi » renvoie » au mécanisme de l’article 1843-4, voire dans tous, de larges plages de liberté contractuelle s’ouvrent désormais aux praticiens, qui ne pouvaient être empruntées avant l’ordonnance de réforme.
Section II : des quelques difficultés qu’elle suscite
La réforme n’a pas purgé toutes les difficultés liées à l’application de l’article 1843-4 du code civil.
Paragraphe 1 : Le sort non résolution des cas d’exclusions organisés par des dispositions législatives : articulation de l’article L. 228-24 du code de commerce
Lorsque la loi « renvoie » aux dispositions de l’article 1843-4, elle le fait fréquemment en prévoyant que la valeur des droits sociaux « est déterminée conformément à l’article 1843-4 » ou « dans les conditions énoncées à l’article 1843-4 »[130] ; mais elle ajoute, parfois, que « toute clause contraire à l’article 1843-4 est réputée non écrite »[131].
Or, en ces derniers cas, les articles en question pourraient soulever certaines difficultés. Prenons l’exemple de la clause d’agrément dans les SARL ou les sociétés anonymes. En cas de refus d’agrément, la société doit, on le sait, racheter elle-même ou faire racheter les parts ou les actions offertes à la cession. En ce cas, on admettait, il y a peu, qu’aucune clause statutaire ou extrastatutaire ne pouvait se permettre de déterminer à l’avance le prix de ce rachat pour cette simple raison que, sauf accord des parties sur le prix (au moment du rachat), ce prix devait (et doit encore) être déterminé « dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil », ce qui marquait toute clause de prix d’une invalidité certaine puisque (au moins dans la SA) « toute clause contraire à l’article 1843-4 doit être réputée non écrite »[132].
Aujourd’hui, l’article L. 228-24 continue d’affirmer que le prix du rachat doit être déterminé « à titre d’expert » et que toute clause contraire à l’article 1843-4 est, encore, réputée non écrite. Mais la clause qui prétendrait désormais fixer le prix de ce rachat est-elle, aujourd’hui comme hier, assurément toujours « contraire aux dispositions de l’article 1843-4 » ? Rien n’est moins sûr, puisque l’expert, anciennement libre, peut désormais être placé sous la dépendance de la clause.
Alors, bien sûr, on pourra estimer qu’elle est toujours contraire, sinon à l’article 1843-4, I, alinéa 2, du moins à son alinéa premier (qui reste d’ordre public, au moins dans son principe). Mais l’on peut également estimer que puisque l’expert « est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties » (art. 1843-4, I, al. 2), les mots « lorsqu’elles existent » signifient désormais qu’elles … peuvent parfaitement exister, y compris – donc – lorsque la loi avait prévu, au texte de ces quelques articles[133], que toute clause contraire (à l’ancien article 1843-4) était réputée non écrite.
Paragraphe 2 : Les difficultés pouvant naitre de l’encadrement des pouvoirs de l’expert
L’analyse du texte se complique lorsqu’on fait masse, au I du nouvel article 1843-4, de son premier et de son second alinéa. Le premier laisse entendre qu’il y a lieu de procéder à la désignation de l’expert (d’un commun accord entre toutes les parties ou, à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible) dans tous les cas où la loi « renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société ». Soit un « droit à l’expert » dans tous ces cas, littéralement, dès lors du moins qu’il y a « contestation » sur la valeur des droits sociaux. Or, le second alinéa prévoit, lui, que l’expert (préalablement désigné) est cependant « tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties ».
Ce mécanisme donne alors l’impression d’un manque de cohérence (voir infra).
Chapitre II : Les cas où « les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable »
Section I : . Les « cas » statutaires
Ces cas, que l’on dit avoir été prévus par les statuts, pour dire qu’ils ne l’ont pas été par le législateur lui-même, étaient, dans l’avant-projet d’ordonnance, exclus du champ d’application de l’article 1843-4 du code civil. L’article 43 de cet avant-projet se bornait en effet à viser « les cas où la loi prévoit » (une cession ou un rachat de droits sociaux), marquant ainsi la volonté de ses rédacteurs d’en revenir aux origines de l’article 1843-4 (et d’y rester) et de rendre, pour le reste, hommage à la liberté contractuelle, dont les statuts sont une forme d’expression.
Paragraphe 1 : la nécessité d’une stipulation statutaire
Le nouveau texte adopte une solution médiane (article 1843-4, II) qui consiste à prévoir que « les cas prévus dans les statuts » ouvrent désormais le « parapluie » de l’expertise de prix mais uniquement lorsque la clause n’a pas déterminé un prix ou ne l’a pas rendu déterminable :
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- délimitation et inventaires
Pour autant, ces cas « spontanément » prévus dans les statuts[134] ne sont pas très fréquents, sans être rarissimes. La raison en est simple : dans la plupart des cas, si une clause des statuts a prévu une cession ou un rachat de droits sociaux, c’est à la vérité parce que la loi les y aura autorisés (comme il a été vu précédemment), non en application d’un principe général qui voudrait que l’on puisse créer librement ou sans frein des cas de rachat statutaire ou d’exclusion d’un associé.
Même l’hypothèse d’un rachat (statutairement organisé) des actions de préférence stipulées rachetables « à l’émission » est « un cas » que la loi autorise désormais (depuis l’ordonnance de réforme du 31 juillet 2014) même s’il est vrai que, en ce cas[135], la loi a omis de renvoyer, en cas de contestation portant sur la valeur des titres rachetés, au mécanisme de l’article 1843-4. Peut-on, pour cette dernière raison, ranger ce cas dans le nouveau II de l’article 1843-4 du code civil et l’extraire du I, parce qu’il aura – nécessairement – été prévu par les statuts ? C’est probable. Alors, l’expertise de prix pourra, même en ce cas, jouer son rôle de « filet protecteur » si la clause de rachat a été mal rédigée ou si elle se révèle in fine déficiente, voire nulle.
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- délimitation négative des clauses statutaire
En dehors de ce cas, sont concernées, pour l’essentiel, les clauses d’exclusion, quelquefois insérées dans les statuts des sociétés, y compris des sociétés anonymes. Entendons ! L’exclusion d’un associé est en principe proscrite, sauf si, précisément, la loi ou une clause des statuts l’ont autorisée. C’est dire qu’en l’absence d’une telle clause ou d’une telle permission, le juge ne peut exclure un associé, quel que soit le motif, pas plus que ne pourrait le faire quelque organe que ce soit de la société, serait-il l’assemblée[136].
En revanche, il n’est plus sérieusement discuté aujourd’hui que, dans toutes les sociétés, une clause peut envisager l’hypothèse, à condition qu’elle ait été insérée dans les statuts d’origine de la société ou qu’elle y ait été introduite après à l’unanimité[137].
Dans tous ces cas, l’on observe que l’exclusion est un cas de « cession imposée », au sens où l’entendait la cour d’appel de Versailles lorsque, en réaction à la jurisprudence alors naissante de la Cour de cassation, elle avait souhaité opposer les cessions « imposées » (soumises au mécanisme de l’article 1843-4) à celles qui seraient « librement consenties » (qui en étaient exclues)[138].
Elle présente en effet la triple particularité : de pouvoir être prononcée unilatéralement par un organe de la société (dirigeants, Comité, Conseil d’administration ou de surveillance de la société, ou assemblée des associés). Elle l’est, le plus souvent, dans les occurrences objectives prévues par les statuts, contre le gré de l’associé exclu. Résultant des statuts, elle oblige, en outre, la société elle-même ou, à défaut, la collectivité des associés ou, plus rarement, la ou les personnes que la clause aura préalablement désignées, soit à racheter les parts de l’associé exclu soit à l’indemniser de la valeur de ses droits sociaux.
De la clause d’exclusion, on peut certainement rapprocher la clause d’acquisition forcée, laquelle prévoit qu’un associé peut être contraint de céder ses parts ou ses actions en cas de survenance d’un évènement déterminé comme par exemple, le changement de contrôle de l’associé, s’il est une société, la perte de sa qualité de dirigeant, de salarié de la société …etc. La loi y fait allusion, dans la SAS, en la distinguant de la clause d’exclusion (art. L. 227-16 et L. 227-17). Elle avait été validée pour sa part, dans la société anonyme, par un ancien arrêt de la cour d’appel de Rouen du 8 février 1974[139].
Paragraphe 2 : discussion de la formulation de l’article
Devait-on inclure « ces cas » dans le champ d’application de l’article 1843-4 (nouveau) du code civil, ainsi que la loi l’a fait, même si elle ne l’a fait qu’à moitié[140] ?
-
- Avant que la loi ne rende hommage aux clauses statutaires de détermination du prix
Plusieurs arguments commandaient d’exclure ces cas « prévus par les statuts » du champ d’application de l’article 1843-4[141] : le fait, en premier lieu, qu’on se situait historiquement hors du champ d’application que le législateur avait entendu conférer à l’article 1868 et au projet d’article 1860-5, devenu l’article 1843-4.
L’idée, ensuite, que si ce sont les statuts qui ont librement organisé de tels cas de retrait ou d’exclusion, foi devait être due à ce contrat, fût-il particulier, réputé librement accepté par tous les associés[142].
L’idée, enfin, que certains associés pouvaient l’être devenus à prix « cassé » (dans le secteur de la grande distribution, par exemple, ou suite à l’exercice de bons de souscription d’actions affectés de droits à une décote), de sorte que l’on ne voyait pas pourquoi la société aurait pu être privée, avant que la loi ne rende hommage sur cette question aux clauses de prix contenues dans les statuts[143], du droit de tenir compte, au moment de l’exclusion, de ces décotes, pratiquées à l’entrée.
En revanche, il fallait bien admettre qu’il y avait plus d’une similitude entre les cas « prévus par la loi » et ceux qui pouvaient l’être dans les statuts : sociologiquement, tout d’abord, s’il est vrai que chaque associé doit être regardé comme ayant librement accepté les statuts, il n’en reste pas moins que les statuts sont généralement modifiés à la majorité (ce qui les éloigne des contrats) ou que, entrant en société en cours de vie sociale, l’impétrant a rarement la possibilité d’en discuter les termes.
Juridiquement, ensuite, il ne faut pas perdre de vue que, parmi les cas « prévus par la loi », il en est quelques-uns (la plupart, d’ailleurs) qui requièrent qu’une clause ait été insérée dans les statuts de la société et que c’est elle, au vrai, qui provoque l’exclusion ou le droit de l’associé de ne pas demeurer prisonnier de ses titres.
Tel est le cas de la clause de continuation de la société à l’exclusion de l’associé « failli » ou des héritiers de l’associé décédé (c’est la loi qui permet que la clause soit insérée dans les statuts, mais c’est la clause qui permet l’exclusion) ; tel est encore celui de la clause d’agrément qui, parce qu’elle a freiné le droit de l’associé de céder librement ses parts ou ses actions, oblige (mais il est vrai que, là, la loi l’impose) à leur rachat en cas de refus d’agrément. Reste que, sans la clause d’agrément, la question du rachat ne se poserait pas.
Est-ce pour ces raisons, ou quelques autres (la lettre de l’ancien article 1843-4 ne distinguait pas – ne distinguait plus – entre les cas prévus par la loi et ceux prévus par les statuts[144]), que la Cour de cassation avait franchi le pas en acceptant de réserver le jeu de l’article 1843-4 dans des cas d’exclusion non prévus par la loi mais uniquement par les statuts ? Probablement.
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- Depuis que la loi leur a rendu hommage
Toujours est-il que ce ne sont pas ces raisons qui ont poussé l’ordonnance de réforme à ajouter un II à l’article 1843-4 qui, selon nous, aurait pu s’en passer. On l’a vu : c’est le principe de précaution qui a guidé le législateur, à l’effet d’éviter que, dans les cas « prévus par les statuts », l’absence de toute clause statutaire de prix ( ?), sa nullité (éventuelle), ou son inaptitude à permettre la fixation d’un prix n’entraînent l’impossibilité de dérouler jusqu’à son terme le mécanisme du rachat ou de la cession forcée[145].
Ce « parapluie », auquel les associés auraient pu eux-mêmes renvoyer dans les statuts de la société, explique que l’expertise soit, en ces cas, désarmée lorsque les statuts en question ont bien déterminé un prix ou l’ont rendu déterminable, puisque ce n’est que dans l’hypothèse inverse (absence de clause, clause imparfaite ou clause nulle) qu’elle s’ouvre alors, de manière subsidiaire. Certains s’en féliciteront (la loi supplée la défaillance statutaire)[146]. D’autres le regretteront car la liberté contractuelle a … son prix, qui oblige notamment à rédiger les clauses de prix avec le plus grand soin, quitte à achever l’édifice par un renvoi – purement conventionnel – au mécanisme de l’expertise
Section II : le sort des clauses extrastatutaires et la clarification du champ d’application d’ordre public
Le sort des clauses statutaires a été clairement définie dans la nouvelle rédaction, ce qui a amené de nouvelles réflexions concernant le caractère d’ordre public de l’article 1843-4.
Paragraphe I : le sort des clauses extrastatutaire
Au résultat, il est toutefois certain que les clauses de prix qui figureraient dans des actes extrastatutaires ne relèvent plus du champ d’application de l’article 1843-4. Ne sont donc plus concernés par ce texte les cas de cession ou de rachat résultant de simples promesses unilatérales de vente ou d’achat, de pactes d’actionnaires, voire de chartes ou de clauses figurant dans un règlement intérieur[147].
Dans ces deux derniers cas, on peut s’en étonner, car la logique qui a prévalu, dans l’esprit du législateur, pour les cas résultant des statuts aurait pu pareillement s’imposer pour ceux prévus dans les chartes (et autres règlements) qui accompagnent le plus souvent les plans d’options ou d’attribution gratuite d’actions. Signe que la logique qui l’a guidé pour les cas « prévus dans les statuts » n’est pas exempte de toute critique : soit qu’elle n’aurait pas dû s’imposer en ces cas ; soit qu’il aurait fallu l’étendre à tous les cas qui y ressemblent[148].
Pour les deux premiers cas (les promesses et les pactes), la nouvelle est heureuse, même si la Cour de cassation s’y était résignée, tardivement[149] : la loi du contrat retrouve son empire, sans le « filet de sécurité » que pourrait constituer, à titre subsidiaire, l’article 1843-4[150]. Qu’on ne s’y trompe pas cependant ! Quoiqu’on ait pu en dire, rien n’interdit désormais d’élire contractuellement le mécanisme de l’expertise dans une clause de prix : soit pour ponctuer une clause de prix déterminable (« en cas de contestation [de la formule de prix], le prix sera fixé à dire d’expert, comme il est dit à l’article 1843-4 », soit pour former la clause de prix (« le prix sera déterminé à dire d’expert »)[151]. La question, importante, mérite quelques observations.
Paragraphe II : un champ d’application d’ordre public clarifié et la prévalence réaffirmée de la convention des parties
Avant le coup de semonce donné par les arrêts de la Cour de cassation rendus en 2007 et 2009, les praticiens avaient pris l’habitude de ponctuer leurs clauses de prix par une référence à l’article 1843-4 du code civil, à l’effet d’éviter qu’en cas de contestation ou d’imperfection de ces clauses, le prix ne puisse jamais être déterminé.
Certains ont pu s’en étonner (jugeant qu’un renvoi au tiers arbitre de l’article 1592 aurait été plus opportun), mais trois raisons, semble-t-il, poussaient les praticiens à élire plutôt l’article 1843-4 que l’article 1592.
La première, un peu courte, était que la promesse portait sur des « droits sociaux », soit l’hypothèse que vise expressément l’article 1843-4 du code civil et que ne vise pas, évidemment, l’article 1592, écrit pour le droit commun de la vente.
La seconde, plus sérieuse, est que les praticiens se méfiaient, à juste titre techniquement, du mécanisme de l’article 1592 du code civil pour au moins deux raisons : d’abord parce qu’ils craignaient que la vente puisse ne jamais être formée dans le cas où le tiers ne pourrait pas ou ne voudrait pas déterminer le prix : la menace est au texte de l’article 1592 qui prévoit, en effet, que si le tiers ne peut ou ne veut pas déterminer le prix, « il n’y a point vente » ; ensuite parce que la date à laquelle la vente est réputée formée (dans le mécanisme de l’art. 1592 c. civ.) est source de difficultés : certains arrêts – les plus nombreux – jugent en effet que la date de la formation de la vente devrait être repoussée au jour où le tiers arbitre détermine le prix[152]; alors que d’autres jugent au contraire que la vente serait formée du jour où les parties sont convenues de la chose et du prix, encore que le prix soit déterminable « à dire de tiers »[153].
La troisième tient au fait que, dans l’architecture des clauses que les praticiens avaient imaginées, l’expert n’était invité à intervenir qu’en cas de « contestation » ou de « difficultés » à liquider la clause de prix ; soit un schéma plus proche de celui qu’évoque l’article 1843-4 que de la figure du « mandataire commun » de l’article 1592.
Le malheur, ou l’erreur, vint qu’ils élisaient ainsi contractuellement un mécanisme de détermination du prix qui présentait un caractère d’ordre public ; et dont la Cour de cassation finit par dire qu’il jouait non plus seulement dans les cas « prévus par la loi », mais également dans ceux prévus par les statuts, voire par de simples pactes ou des promesses de vente extrastatutaires ; et qu’il conférait à l’expert tout pouvoir pour déterminer, seul, « les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels [pouvaient] figurer ceux prévus par les statuts » ou (par voie d’extension) ces pactes et autres promesses extrastatutaires de vente.
Dans ces conditions, il devenait périlleux de perpétuer cette mauvaise habitude, même si la Cour de cassation l’avait encouragée quelques années plus tôt[154]. Aussi les plus prudents abandonnèrent-ils leur ancienne pratique, qui ne leur permettait pas de donner d’« ordre » à l’expert, pour se rabattre, à contre cœur, vers le dispositif de l’article 1592 du code civil, quitte à « réamorcer » la procédure de désignation de l’« arbitre » dans tous les cas où il ne voudrait pas ou ne pourrait pas déterminer le prix.
Ces temps sont aujourd’hui clairement révolus. Ce n’est pas en effet parce que la loi n’appelle pas l’expertise, fût-ce à titre subsidiaire, lorsque la vente ou le rachat résultent d’actes extrastatutaires, qu’il est impossible d’en convenir dans un pacte ou une promesse de vente. Une chose est la loi (et le « filet de sécurité » qu’elle offre, d’office, en cas de cession ou de rachat organisés par les statuts) ; une autre le contrat, dont on ne voit pas qu’il serait empêché d’offrir cette même sécurité aux parties, ni d’enjoindre d’ailleurs à l’expert de respecter la clause de prix qui peut y figurer, lorsqu’elle existe.
Il serait en effet aberrant que dans les cas prévus par les statuts, et faute de clause de prix y figurant, la loi soit venue dire que « l’expert […] est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties » et que le même mécanisme ne puisse pas résulter d’un contrat ayant pris, en amont, la précaution de « sécuriser » sa clause de prix par un recours à l’expertise.
Les pouvoirs de l’expert sont désormais placés sous la dépendance du contrat, que la cession ou le rachat soient prévus par la loi (I) ou les statuts de la société (II) ; ils le sont également – évidemment, est-on tenté d’écrire – lorsqu’ils résultent d’une convention librement consentie entre toutes les parties.
Autrement dit, l’article 1843-4 n’est plus d’ordre public. Il paraît l’être encore, dans son principe, lorsque la loi a « renvoyé » à lui pour les besoins de la détermination du prix de « sortie » d’un associé, mais à la vérité, vu les pouvoirs de l’expert en pareille hypothèse, il ne le demeure vraiment (d’ordre public) que si aucune clause statutaire ou extra statutaire n’aura déterminé un prix car, en ce cas, ces clauses font désormais « la loi de l’expert ». Quant aux cas prévus par les statuts, l’expertise y est devenue clairement « subsidiaire », de sorte qu’elle n’est certainement plus d’ordre public.
Toutes considérations qui invitent à confirmer, et dans le principe et dans la détermination des pouvoirs de l’expert, que le contrat peut désormais, sans risque selon nous, renvoyer in fine à l’expertise de prix et enjoindre à l’expert de suivre les prescriptions qui y figureraient.
Titre II : Le nouvel encadrement de la mission de l’expert
Si les modalités de désignation de l’expert ne changent pas, il n’en va pas de même pour l’étendue de ses pouvoirs.
Chapitre I : le nouveau pouvoir de l’expert
Ses pouvoirs résultent forcément de l’article 1843-4 que ce soit en présence ou non de clause de valorisation.
Section I : Pouvoir résultant de la lettre du nouvel article 1843-4: en présence d’une clause de valorisation : Un mécanisme passablement incohérent
Vu le lien – qu’il faut faire – entre les deux alinéas de l’article 1843-4, I, du code civil, il semble que le champ de l’expertise soit appelé à se rétrécir assez substantiellement, sinon à la lettre du texte, du moins en fait.
Paragraphe 1 : la prévalence réaffirmée de la convention des parties
L’existence d’une clause de prix (et les plaideurs s’en rendront compte d’ici quelques années, s’ils ne le comprennent pas immédiatement) fera, en fait, sinon en droit, obstacle à la désignation de l’expert car on n’a nul besoin d’une « expertise » pour liquider une clause de prix, dès lors du moins qu’elle est valable et correctement rédigée[155].
Prenons l’exemple de l’exclusion de l’associé « failli » d’une société civile (C. civ., art. 1860) ou d’une société en nom (C. com., art. L. 221-16)[156]. Si les statuts, qui peuvent s’emparer de la question, ont prévu en ce cas un remboursement « à valeur nominale » ou « à valeur de souscription », où pourrait se nicher la « contestation » qu’évoque encore l’article 1843-4, I, alinéa 1er, du code civil ? Peut-elle porter, comme l’histoire y invite, sur la valeur des droits sociaux rachetés ou remboursés ? Certainement oui, si l’associé estime que la clause de prix ne la reflète pas ou la reflète imparfaitement.
Paragraphe 2 : la conséquence : impossibilité pour les parties de contester la clause de prix loi des parties
Mais à quoi donc peut-elle servir aujourd’hui si, une fois l’expert désigné, celui-ci conclut, lui aussi, parce que la loi le lui commande, à un remboursement « à valeur nominale » ou « à valeur de souscription » ? Le nouveau mécanisme de l’article 1843-4 du code civil ne permet évidemment pas à celui qui élève une « contestation » (portant sur la valeur des droits sociaux) de tenter par ce biais de contester la clause de prix elle-même puisqu’elle fait, au contraire, la loi des parties ainsi que, désormais, celle de l’expert. Au résultat, le plus grand « risque » qui paraît attaché à la loi de réforme est de voir, demain, proliférer dans les statuts (ou dans des actes extrastatutaires) des clauses d’évaluation qui n’étaient, hier, d’aucune utilité.
Section II : un mécanisme incomplet : la localisation de la clause de prix
Reste la question de la localisation de la clause que l’expert « est tenu d’appliquer » (si elle n’est pas de nature, ainsi que nous le pensons, à faire obstacle en fait à l’expertise). La loi vise les statuts, ce qui se comprend immédiatement ; mais également les clauses qui pourraient figurer « dans toute [autre] convention liant les parties ».
La formule, maladroite, englobe sans aucun doute possible les contrats de promesse et les pactes d’associés, signés par tous ceux qu’ils obligent ; mais elle englobe aussi, selon nous en tous cas, les chartes qui accompagnent les plans d’options ou d’attribution gratuite d’actions (pourraient-elles être modifiées à de simples conditions de majorité), ainsi que (mais le doute est permis) les … règlements intérieurs qui stipulent quelquefois à propos de ces rachats ou de ces cessions forcées.
Certes, ce ne sont pas de véritables « conventions » (c’est évident pour un règlement intérieur) mais, raisonnablement, on ne voit pas pourquoi une clause des statuts s’imposerait à l’expert[157], alors que celles contenues dans une charte ou un règlement intérieur, qui font – aussi – la loi des associés, pourraient être regardées comme « non liantes » au sens du nouvel article 1843-4, I, alinéa 2, du code civil.
Nul doute qu’un nouveau contentieux pourra aller se nicher dans cet interstice (regrettable) mais, logiquement, l’esprit de la loi devrait l’emporter sur son texte, d’autant que ce dernier n’exige nullement que ladite « convention » soit signée par tous ceux qu’elle oblige, mais qu’elle les « lie » seulement ; ce qui est différent.
Chapitre II : le pouvoir résiduel de l’expert
L’incohérence dans le système que nous venons d’étudier peut encore donner matière à discussion lors de la mise en application du texte notamment dans certaines situations.
Section I : Difficultés de mise en œuvre de la clause d’évaluation
Nous allons étudier ici quelques cas de figure :
Paragraphe 1 : en cas de rédaction insuffisamment précise
Dans les cas où la clause prévoit un principe d’évaluation. La clause, sans véritablement prétendre déterminer un prix, n’aura fixé que des principes d’évaluation, fait référence à une méthode ou à la combinaison de plusieurs méthodes d’évaluation, bref fixé de simples règles, en forme de guides, sans pour autant que ces règles, guides ou méthodes ne permettent concrètement de parvenir à la détermination d’un prix : alors l’expert devra les respecter, quitte, pour le reste, à faire son travail d’évaluateur pour parvenir, enfin, avec la marge de liberté dont il aura pu disposer, à figer une valeur et à déterminer un prix[158].
On pourrait évoquer ici également le casdans lequel se serait glissée dans la clause (de déterminabilité du prix) une erreur manifeste de calcul due à l’inadvertance de son rédacteur.
Pour rare qu’elle soit, cette hypothèse se rencontre quelquefois (la clause prévoit, à titre d’exemple, qu’un seul et même élément de l’actif doit être pris en compte plusieurs fois pour les besoins de la détermination du prix de cession des droits sociaux : la clause « absurde », en quelque sorte). En ce cas, cependant, l’expert n’étant en aucun cas juge de la cohérence de la clause, on ne voit pas qu’il pourrait s’en abstraire et corriger, d’office, même une erreur de plume évidente.
Paragraphe 1 : les parties laissent à l’expert le soin de parachever une méthode d’évaluation
Dans le cas où les parties n’arriveraient pas à rendre le prix déterminable. la clause ambitionne bien de déterminer un prix (et non de fixer uniquement des méthodes ou des principes d’évaluation), mais il se fait que la « calculette », une fois en mains, ne fonctionne pas, peu importe la cause : le prix n’est pas déterminable. A notre avis, en ce cas, qui n’est pas si exceptionnel qu’on pourrait le penser, l’expert retrouvera sa liberté. Reste à savoir dans quelle mesure exactement ? Elle pourrait être totale si l’on part de l’idée qu’une clause qui ambitionne de déterminer un prix mais qui échoue dans l’entreprise est… nulle.
Or, la nullité d’une clause équivaut techniquement à une absence de clause. En ce cas, l’expert pourra s’en inspirer, mais n’y sera aucunement tenu (c’est, certainement, la solution la plus probable). Elle pourrait l’être moins si l’on retient que la lettre de la loi oblige seulement l’expert à appliquer, lorsqu’elles existent, les « règles et modalités de détermination de la valeur », ce qui n’est pas (nécessairement) la clause de prix « parfaite ». Dans la mesure où la clause, quoiqu’invalide, aura tout de même fixé des « règles » ou des « modalités », certains penseront qu’il doit alors s’en inspirer. Les juges, un jour, devront crever l’abcès.
Section II : Interprétation
Le tiers expert chargé de déterminer le prix d’une cession d’actions agit comme mandataire commun dans le strict respect de la mission qui lui est confiée.
La nature de cette mission, qui tend à obtenir dans les meilleurs délais la détermination d’un prix conditionnant la validité même de la vente, emporte pouvoir de ce tiers expert d’appliquer le contrat et, sauf exclusion claire et précise, de donner, nonobstant toute saisine du juge judiciaire de fait incompatible avec la célérité requise, leur sens aux clauses de ce dernier dans la mesure où elles se rattachent à la mission confiée, sauf à priver celle-ci de tout intérêt.
Ce large pouvoir d’interprétation n’est ni contredit par le pouvoir souverain d’appréciation du juge, ni par la circonstance que l’appréciation de certaines clauses ne dépende pas de concepts comptables, ni par le fait que le recours contre la décision de l’expert est limité au cas d’erreur manifeste ou de faute grave, puisque la détermination du prix doit être faite le plus rapidement possible.
Paragraphe 1 : Les parties ont expressément attribué au tiers un pouvoir d’interprétation
- de la validité d’un tel pouvoir
Il importe, non seulement pour un meilleur accomplissement de la mission du tiers estimateur, mais aussi pour un règlement plus aisé de la question de sa responsabilité, que cette mission soit déterminée le plus précisément possible dans ses modalités d’exercice.
Sa mission est de parfaire un contrat, de lui donner son plein effet. Dans une intéressante décision, la Cour d’appel de Paris a jugé que «la nature de cette mission (…) emporte pouvoir de ce tiers expert d’appliquer le contrat (de vente) et, sauf exclusion claire et précise, de donner leur sens aux clauses de ce dernier dans la mesure où elles se rattachent à (sa) mission»[159] . Et la juridiction parisienne de concéder au tiers «un large pouvoir d’appréciation» qui n’est pas contredit par, notamment, «le pouvoir souverain d’interprétation reconnu au juge, lequel n’est pas exclusif de l’appréciation par un mandataire commun des clauses se rattachant à sa mission».
Étant rappelé que le contrat sur lequel porte cette question d’interprétation est non point celui qui lie le tiers estimateur aux parties à la cession, mais le contrat de cession lui-même, auquel le tiers estimateur est étranger, deux cas de figure peuvent se présenter. Soit les différentes lectures possibles de la clause équivoque, ou insuffisamment précise, ont une incidence juridique: le tiers estimateur ne nous semble pas pouvoir l’interpréter, le pouvoir de trancher, puisqu’il s’agira de cela, appartenant au seul juge – étatique ou arbitral.
Soit l’on ne déborde pas le domaine de la technique comptable et financière: le tiers peut «interpréter», c’est-à-dire alors en réalité mettre en application les paramètres comptables qui ressortent de la clause dans le sens qui lui paraît, techniquement, le plus satisfaisant. Il est vrai que la nuance qui sépare les deux hypothèses peut être ténue, comme peuvent être étroitement liés, sous certains angles, technique et droit comptables.
- la portée du pouvoir d’interprétation de l’expert
Deux observations méritent d’être faites. En premier lieu, les parties peuvent sans doute conférer au tiers estimateur ce pouvoir «d’interprétation». Mais si, à la faveur de cette faculté qui lui est alors expressément octroyée, l’homme de l’art était insensiblement conduit à trancher entre deux prétentions antagonistes au regard de la règle de droit, sa mission basculerait dans ce qui ressortit à l’acte juridictionnel (l’on aura d’ailleurs garde d’oublier que le juge, quel qu’il soit, n’est jamais le mandataire des parties). La remarque est d’autant plus importante que, en second lieu, le chiffre retenu par le tiers estimateur s’impose aux parties à la cession de manière définitive, c’est-à-dire, dans le principe, sans aucun recours possible.
En ce qui concerne maintenant l’initiative, la qualification de mandat offre une assise assez étroite. Le tiers estimateur n’est, surtout en présence d’une mission fondée sur l’article 1592, nanti d’aucun pouvoir propre quant à l’acte juridique qu’il va passer au nom et pour le compte de ses commandants: leur consentement à la vente a été irrévocablement donné dans leur convention dès lors précisément qu’elle vise ce texte.
Son intervention est imposée par la loi (hors l’hypothèse du repentir, mais alors le support du mandat, nous l’avons vu, paraît aujourd’hui faire totalement défaut) dans le cadre de l’article 1843-4. Dans un cas comme dans l’autre, le tiers estimateur n’a à la vérité aucune latitude pour accomplir l’acte juridique qui fait l’objet de son mandat, qui est de parfaire une cession de droits sociaux ou un rachat après qu’il en aura déterminé le prix. En revanche, l’indépendance avec laquelle l’entrepreneur exécute le travail pour le maître de l’ouvrage confèrerait certainement l’assise nécessaire à cette initiative et à ce pouvoir d’appréciation qu’il faut raisonnablement reconnaître au tiers estimateur.
Paragraphe 2 : Les parties n’ont pas conféré de pouvoir d’interprétation au tiers
- les leçons de l’arrêt du 17 sept. 2004
Dans cet arrêt, il a été rappelé la mission du tiers estimateur. En dépit de la lettre de ce texte, le tiers n’est pas un arbitre au sens du nouveau Code de procédure civile (art. 1442 et s.), ni un simple technicien : il est le mandataire commun des parties qui participe à la formation de la vente, en en fixant le prix ou en le réajustant, parce qu’il a reçu d’elles le pouvoir de les lier réciproquement[160]. Autrement dit, l’évaluation du tiers s’impose aux contractants, en vertu de l’article 1134 du Code civil, parce qu’elle est un élément de leur contrat[161].
Il a cependant été souligné que la mission du tiers dépasse le simple mandat et relève plutôt d’un contrat complexe, mêlant mandat et entreprise[162]. Quoi qu’il en soit, la spécificité de la mission est reconnue et soulignée par les expressions tiers évaluateur ou tiers estimateur[163].
La cour d’appel de Paris ne reprend pas ces formules mais estime que la définition contractuelle de la mission du « tiers expert » dicte en l’espèce ses pouvoirs. Elle insiste ainsi à plusieurs reprises sur la finalité de cette mission – procéder rapidement à la fixation du prix pour parfaire le contrat – qui commande de permettre au tiers d’interpréter toutes les clauses qui s’y rattachent, même si elles ne mettent pas en jeu des notions comptables[164].
La reconnaissance au tiers évaluateur du pouvoir d’interpréter les clauses du contrat qui entrent dans le cadre de sa mission n’allait pourtant pas de soi. Si les parties ne sont pas d’accord quant au sens des clauses d’un contrat, l’interprétation est, dit-on, l’affaire des juges du fond qui disposent en la matière d’un pouvoir d’appréciation souverain[165] , sous réserve du contrôle de la dénaturation[166] . Aussi a-t-il été affirmé que le tiers évaluateur, en sa qualité de mandataire commun des parties, n’a pas le pouvoir d’interpréter les clauses du contrat[167] , ni plus généralement celui de procéder à des appréciations d’ordre juridique[168].
Mais estimer un prix est une question de fait qui n’est pas constitutive d’un différend d’ordre juridique[169] et la recherche de l’intention des parties sur ce point peut aussi être considérée comme une question de fait[170]. Il a du reste été relevé que les dispositions du Code civil relatives à l’interprétation des contrats (art. 1156 et s.) ne sont pas de véritables règles de droit puisque leur violation ne donne pas ouverture à cassation.
Dans ces conditions, le juge n’ayant aucun pouvoir quant à la fixation du prix, qui relève du seul tiers évaluateur[171] , il est logique de reconnaître à celui-ci les prérogatives qui constituent l’accessoire nécessaire de sa mission. Le tiers évaluateur devient ainsi, d’une certaine manière, le juge du prix[172]. Force est toutefois de constater que le tiers évaluateur tranche alors une contestation qui ne se limite pas au simple calcul mathématique d’une situation comptable, de sorte que l’on est très proche de l’arbitrage juridictionnel[173].
Cela étant, la solution est non seulement cohérente mais elle est surtout opportune. Elle a en effet le grand mérite de couper court à des actions dilatoires tendant à entraver l’exécution de la mission du tiers évaluateur et à retarder la fixation ou l’ajustement du prix.
Le pouvoir d’interprétation des clauses relatives au prix qui est reconnu au tiers évaluateur n’est cependant pas souverain. Il s’exerce sous le contrôle du juge qui peut écarter l’évaluation retenue en cas d’erreur grossière[174] ou d’inobservation de la convention des parties[175] ou encore sanctionner une évaluation fautive en application des articles 1147 et 1149 du Code civil .
Le tiers évaluateur de l’article 1592 du Code civil tire en effet son pouvoir exclusivement de la convention des parties et la cour prend soin à juste titre de réserver l’application d’une stipulation claire et précise qui dénierait au tiers tout pouvoir pour interpréter le contrat.
- une leçon compatible avec la nouvelle réforme ?
Bien que cet arrêt et le pouvoir d’interprétation qui y a été débattu concernait en premier lieu l’article 1592 du code civil, il nous semble que la solution pourrait être applicable dans le domaine de l’article 1843-4.
L’article 1843-4 du Code civil, texte d’ordre public, prévoit que dans certains cas déterminés, la valeur des droits sociaux objet d’une cession ou d’un rachat est fixée par un « expert » s’il y a « contestation » entre les parties . La plupart des auteurs[176] considèrent que si la procédure de l’article 1592 et celle de l’article 1843-4 ont des domaines distincts[177] , elles ont en revanche le même objet, à savoir la fixation d’un prix de vente ou de rachat, et la même portée car l’évaluation du tiers s’impose là aussi aux parties et ne peut être remise en cause que dans les mêmes hypothèses[178].
Conclusion
Cette réforme, très attendue, réjouira certainement une grande partie des praticiens et de la doctrine, qui appelaient de leurs vœux une telle intervention du législateur (au sens large, si l’on considère qu’il s’agit ici d’une ordonnance prise par le gouvernement). Au risque de tempérer cette réjouissance, nous ne sommes pas sûrs qu’une telle réforme, contestable sur bien des points, mettra fin au contentieux abondant que l’article 1843-4 du code civil nourrit depuis quelques années et à l’insécurité juridique qui a pu, et pourra encore, résulter de son application par la jurisprudence.
La réforme s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel dont il n’est pas possible de faire table rase (en dépit sans doute de ses intentions). Ce passé est trop connu, et les décisions judiciaires saillantes suffisamment commentées, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en reprendre ici chacun des éléments. On rappellera simplement que, prenant appui sur le libellé même de l’article 1843-4 du code civil, la Cour de cassation a étendu le champ d’application de ce texte et a consacré la liberté de l’expert dans l’évaluation des titres, même en présence de clauses statutaires ou conventionnelles de détermination du prix. Nombreux furent les praticiens et les membres de la doctrine à critiquer cette jurisprudence, lui reprochant de remettre en cause la sécurité juridique des cessions et des rachats de droits sociaux et de porter atteinte au principe de la liberté contractuelle.
Afin de mettre un terme à cette évolution, susceptible de « nuire à l’attractivité du droit français » (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juill. 2014, JO du 2 août 2014), la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 (art. 3, 8°) a autorisé le gouvernement à modifier par ordonnance l’article 1843-4 du code civil, « pour assurer le respect par l’expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues par les parties ».
La réforme constitue un changement de paradigme radical : là où la Cour de cassation fondait ses décisions principalement sur une logique – historique d’ailleurs – de protection de l’associé cédant (ce qui peut certes être discuté, car l’article 1843-4 peut également protéger les intérêts de la société ou de l’associé cessionnaire, mais collait assez bien au développement de certaines pratiques du droit des sociétés, par exemple les clauses d’exclusion ou de rachat forcé, dites de leaver), la réforme entend privilégier nettement, de manière libérale, ce qui a été stipulé dans les statuts ou des conventions. Au risque que l’expert soit dorénavant privé, dans presque tous les cas, de sa liberté dans la détermination de la valeur des titres litigieux et au point que l’on puisse s’interroger, en exagérant à peine, sur l’utilité de son intervention.
En fin de compte, la réforme de l’article 1843-4 du code civil par l’ordonnance du 31 juillet 2014 laisse une impression très mitigée. Si elle satisfera certainement la plupart des praticiens (tout au moins ceux qui ne défendront pas les cédants évincés pour un prix dérisoire…), elle ne nous permet pas de croire en cet avenir fait de sécurité juridique, de diminution du contentieux et d’équilibre des intérêts que ses rédacteurs avaient en vue.
Sources
- Baj, Le retrait obligatoire des actionnaires minoritaires des sociétés cotées : RD bancaire et bourse juill.-août 1994, n° 44, p. 154
- J.-M. de Bermond de Vaulx, L’exclusion d’un associé : Dr. sociétés oct. 1996, p. 6
- J.-C. Bousquet, La transmission entre vifs des droits sociaux : thèse Lyon, 1972
- Caillaud, L’exclusion d’un associé dans les sociétés : Sirey 1966
- P. Carcreff, La notion de perte sociale et l’obligation pour les associés d’y contribuer : Gaz. Pal. 1973, 2, doctr. p. 569
- Couret , L. Cesbron , B. Provost , P. Rosenpick et J.-C. Sauzey, Les contestations portant sur la valeur des droits sociaux : Bull. Joly Sociétés 2001, p. 1052
- J.-L. Courtier, Validité et opposabilité des cessions de parts de la société en nom collectif : Dr. sociétés déc. 1998, p. 10
- S. Dariosecq et N. Metais, Les clauses d’exclusion, solution à la mésentente entre associés : Bull. Joly Sociétés 1998, p. 893
- Civ. 1re, 28 juin 2007, n° 06-18.874, Sté Bousquet c/ Destouesse-Colmant, Bull. civ. I, n° 249 ; D. 2007. 1974, et les obs.; Rev. sociétés 2007. 832, note J.-J. Daigre; Defrénois 2007. 1303, note H. Hovasse ; Dr. sociétés 2007, comm. n° 193, note R. Mortier.
- Com. 4 déc. 2007 (deux arrêts). Le premier : n° 06-13.912, Bull. civ. IV, n° 258 ; D. 2008. 16, obs. A. Lienhard; ibid. 1231, chron. M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon; ibid. 2009. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles; ibid. 1264, entretien B. Cavalié; Rev. sociétés 2008. 341, note J. Moury; RTD com. 2008. 615, obs. B. Bouloc; Bull. Joly 2008. 216, & 49, note Fr.-X. Lucas ; Dr. Sociétés 2008, comm. n° 23, obs. R. Mortier ; JCP E 2008. 1159, note H. Hovasse ; le second : n° 06-13.913, D. 2009. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles; ibid. 1264, entretien B. Cavalié; Dr. sociétés 2008, comm. n° 177, obs. R. Mortier.
- Com., 24 nov. 2009, n° 08-21.369, D. 2009. 2924, obs. A. Lienhard; ibid. 2010. 2797, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau; Rev. sociétés 2010. 21, note J. Moury; ibid. 2011. 149, étude H. Le Nabasque; RTD com. 2010. 600, obs. B. Bouloc; JCP E 2010, n° 1200, p. 25, note M.-L. Coquelet.
- Com., 4 déc. 2012, n° 10-16.280, Bull. civ. IV, n° 223 ; D. 2013. 147, obs. A. Lienhard, note A. Couret; ibid. 2729, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau; Rev. sociétés 2013. 330, étude J. Moury; RTD com. 2012. 805, obs. A. Constantin; Bull. Joly 2013. 101, n° 62, note J.-F. Barbieri ; JCP E 2013. 1000, note B. Dondero ; Dr. sociétés 2013, comm. 41, obs. R. Mortier ; Gaz. Pal. 26 janv. 2013, n° 26, p. 27, note F. Zattara-Gros ; M. Caffin-Moi, L’essentiel, Droit des contrats, 8 janv. 2013, n° 1, p. 4 ; RLDA 2013, n° 4473, p. 10, obs. R. Dammann et F. Thillaye ; F.-X. Lucas, Extension aux promesses de cession de titres du recours forcé à l’expertise pour la détermination du prix, Bull. Joly 2013. 230 s. ; A. Gaudemet, La controverse sur le domaine d’application de l’article 1843-4 du code civil : état actuel et perspectives de dépassement, Bull. Joly 2013. 521.
[1] Rédaction due à l’ord. n° 2014-863 du 31 juill. 2014, entrée en vigueur le 2 août 2014.
[2] Com. 4 déc. 2007 (deux arrêts). Le premier : n° 06-13.912, Bull. civ. IV, n° 258 ; D. 2008. 16, obs. A. Lienhard; ibid. 1231, chron. M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon; ibid. 2009. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles; ibid. 1264, entretien B. Cavalié; Rev. sociétés 2008. 341, note J. Moury; RTD com. 2008. 615, obs. B. Bouloc; Bull. Joly 2008. 216, & 49, note Fr.-X. Lucas ; Dr. Sociétés 2008, comm. n° 23, obs. R. Mortier ; JCP E 2008. 1159, note H. Hovasse ; le second : n° 06-13.913, D. 2009. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles; ibid. 1264, entretien B. Cavalié; Dr. sociétés 2008, comm. n° 177, obs. R. Mortier
[3] Com., 4 déc. 2012, n° 10-16.280, Bull. civ. IV, n° 223 ; D. 2013. 147, obs. A. Lienhard, note A. Couret; ibid. 2729, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau; Rev. sociétés 2013. 330, étude J. Moury; RTD com. 2012. 805, obs. A. Constantin; Bull. Joly 2013. 101, n° 62, note J.-F. Barbieri ; JCP E 2013. 1000, note B. Dondero ; Dr. sociétés 2013, comm. 41, obs. R. Mortier ; Gaz. Pal. 26 janv. 2013, n° 26, p. 27, note F. Zattara-Gros ; M. Caffin-Moi, L’essentiel, Droit des contrats, 8 janv. 2013, n° 1, p. 4 ; RLDA 2013, n° 4473, p. 10, obs. R. Dammann et F. Thillaye ; F.-X. Lucas, Extension aux promesses de cession de titres du recours forcé à l’expertise pour la détermination du prix, Bull. Joly 2013. 230 s. ; A. Gaudemet, La controverse sur le domaine d’application de l’article 1843-4 du code civil : état actuel et perspectives de dépassement, Bull. Joly 2013. 521.
[4] Com., 24 nov. 2009, n° 08-21.369, D. 2009. 2924, obs. A. Lienhard; ibid. 2010. 2797, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau; Rev. sociétés 2010. 21, note J. Moury; ibid. 2011. 149, étude H. Le Nabasque; RTD com. 2010. 600, obs. B. Bouloc; JCP E 2010, n° 1200, p. 25, note M.-L. Coquelet.
[5] Com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, D. 2009. 1349, obs. A. Lienhard; ibid. 2170, point de vue R. Dammann et S. Périnot; ibid. 2580, chron. M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon; ibid. 2010. 287, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau; RTD civ. 2009. 548, obs. P.-Y. Gautier; RTD com. 2009. 752, obs. C. Champaud et D. Danet; ibid. 799, obs. B. Bouloc; Dr. sociétés juin 2009, n° 114, note R. Mortier ; Bull. Joly sept. 2009, & 147, p. 729, note A. Couret ; Rev. sociétés 2009. 503, étude J. Moury: Réflexions sur l’article 1843-4 du code civil après l’arrêt rendu le 5 mai 2009 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ; RLDA juill. 2009. 10, D. Gibirila : La libre évaluation des droits sociaux par l’expert de l’article 1843-4 du code civil ; et & 9 s., J. Mestre, quelques éclairages récents sur le rôle du juge dans la vie des sociétés ; B. Dondero, la Cour de cassation et le double mystère de l’article 1843-4 du code civil, note sous l’arrêt, D. 2009. 2195.
[6] V. H. Le Nabasque, Le champ d’application de l’article 1843-4 du code civil, Bull. Joly 2009. 1018.
[7] Com., 8 mars 2011, n° 10-40.069, D. 2011. 1390, obs. A. Lienhard, note A. Couret ibid. 2421, chron. J. Moury; ibid. 2758, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau; RTD civ. 2011. 364, obs. P.-Y. Gautier; RTD com. 2011. 628, obs. B. Bouloc; Dr. sociétés 2011, comm. 103, obs. M.-L. Coquelet ; Bull. Joly 2011. 366, note R. Mortier.
[8] Com., 11 mars 2014, n° 11-26.915, AJCA 2014. 127, obs. I. Urbain-Parleani; D. 2014. 759, obs. A. Lienhard, note B. Dondero; Rev. sociétés 2014. 366, note J. Moury; Bull. Joly 2014. 360, note P. Le Cannu ; Dr. Sociétés 2014, Comm. 41, obs. R. Mortier, JCP E 2014. 1159, note A. Couret ; et, avant que ce revirement n’intervienne, J. Moury, Supplique à l’adresse de Mesdames et Messieurs les Hauts conseillers afin qu’ils accordent grâces aux praticiens de la tierce estimation, Rev. sociétés 2013. 330 s.
[9] Le rapport au président de la République relatif à l’ord. du 31 juill. 2014 souligne que la « présente ordonnance prévoit de renforcer la sécurité juridique des cessions de droits sociaux en cantonnant le rôle de l’expert de l’article 1843-4 du code civil (art. 37) », JO 2 août 2014, p. 12814, texte n° 10.
[10] Versailles 12e ch., 20 avr. 1995, n° 7733/92 et Com., 23 nov. 1993, n° 92-10.846, cité in « La détermination du prix prévue à l’article 1592 du code civil État actuel de la jurisprudence », Groupe de travail et de réflexions, Novembre 2012. http://www.expertcomptablejudiciaire.org/documents/uploads/ART_33054_Etat_jurisprudence_art_1592.pdf,
[11] « La détermination du prix prévue à l’article 1592 du code civil État actuel de la jurisprudence », Groupe de travail et de réflexions, Novembre 2012. http://www.expertcomptablejudiciaire.org/documents/uploads/ART_33054_Etat_jurisprudence_art_1592.pdf.
[12] Ainsi en matière de loyer (Cass. com. 20 janvier 1953, Bull. civ. III, n° 29 ; 8 mai 1961, Bull. civ. III, n° 192 ; Cass. civ. 9 juin 1961, Rev. arb. 1961, p. 186), mais aussi de partage. V. également, pour la détermination, dans le cadre d’une cession de droits sociaux, non point du prix de la cession mais des sommes éventuellement dues par le cédant en exécution de la garantie de passif stipulée dans l’acte de cession, Cass. com. 9 juin. 2004, Contrats conc. cons., août-septembre 2004, n° 184, note L. Leveneur.
[13] Cass. com., 19 avr. 2005, n° 03-11790 (FS-P+B+R), Torlai c/ Sté KPMG, préc. – Cass. com., 4 nov. 1987, Morel c/ Consorts Djerdjian : JCP G 1988, II, 21050 – Cass. com., 29 mai 1972, B. Liétar c/ H. et E. Lietar, préc. – Cass. 1re civ., 25 nov. 2003, n° 00-22089, Lajoix c/ SCP Berlioz et Cie, préc. (l’erreur grossière ayant été caractérisée par la modification du sens de sa mission par l’expert).
[14] Cass. 1re civ., 25 janv. 2005, n° 01-10395 (FS-PB), SCP Denoël, Liot, Bouroulec, Cadiou-Mahé c/ Lancelot, préc. – Cass. com., 30 nov. 2004, SCI Notre Dame c/ Cts Merlin : BJS mars 2005, p. 400, n° 78 et 79 ; JCP E 2005, 139 – Cass. 1re civ., 25 nov. 2003, n° 00-22089, Lajoix c/ SCP Berlioz et Cie, préc.
[15] Cass. com., 6 févr. 2007, n° 05-21271 et CA Versailles, 27 sept. 2005, n° 04/02244 – Cass. com., 4 févr. 2004, n° 01-13516, SARL Fabricants indépendants c/ Sté Expertise Galtier, préc.
[16] Cass. 2e civ., 8 avr. 1999, n° 96-18516, SA Cie Industrielle Papier (CIP) et a. c/ SA Soulier et a. : Bull. civ. 1999, II, n° 67 ; BJS déc. 1999, p. 1177, n° 272, note A. Couret ; JCP E 1999, 1421, note A. Viandier.
[17] CA Paris, 17 sept. 2004, Sté Panzani c/ Skalli : BJS janv. 2005, p. 49, n° 1, note N. Rontchevsky ; JCP E 2005, 134, note T. Bonneau ; RJDA 2005/5, p. 469, n° 564. Dans le cas d’espèce, les clauses du contrat relatives à l’estimation de la dette financière faisaient référence à diverses notions qui n’étaient pas définies (notion de principes comptables, de provisions pour risques et charges, obligation d’investissements pour la mise en conformité avec la réglementation). En revanche, il nous semble que l’expert pourrait être mis dans l’embarras en présence d’une clause prévoyant qu’il devra déterminer la valeur « de marché » des titres sur la base d’une formule de calcul déconnectée de la pratique en matière de valorisation de marché.
[18] A. Viandier et J.J. Caussain, obs. sous Com. 26 nov. 1996, JCP E 1997. I. 4012, obs. n° 5.
[19] V. ainsi pour la SAS, art. L. 227-18, c. com. Il convient d’ajouter, depuis l’ordonnance du 25 mars 2004, l’art. L. 223-14 al. 3 modifié, pour la SARL (v. infra, n° 14).
[20] Cass. 1re civ. 25 novembre 2003, Bull. civ. I, n° 243 ; Rev. sociétés 2004, p. 93, note Y. Chartier; Bull. Joly 2004, § 51, p. 286, note A. Couret ; JCP E 2004, n° 601, n° 2, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; RTD civ. 2004, p. 308, obs. P.-Y. Gautier; RTD com. 2004, p. 116, obs. M.-H. Monsérié-Bon.
[21] Art. L. 221-12, L. 221-16, L. 223-14 ancien (v. infra, n° 14), L. 228-24, L. 235-6, c. com. ; art. 1862 al. 3 et 1864, c. civ.
[22] L’art. 1843-4 protège également la société en évitant que le cédant ne soit tenté de fixer, avec la complicité du cessionnaire proposé, un prix excédant la valeur réelle des droits cédés.
[23] Il s’agit, sans rentrer dans le détail de ces textes, des art. 1862 al. 3, c. civ., L. 223-14 al. 3, L. 227-18 al. 1er et L. 228-24 al. 2, c. com., pour le refus d’agrément, et par ailleurs des art. L. 235-6, c. com., et 1844-12 (nullité de la société), 1851 al. 3, 1860, 1868, 1869 et 1870-1, c. civ. (société civile), L. 221-12, L. 221-15 et L. 221-16 (société en nom collectif), L. 222-2 et L. 222-11 (société en commandite simple), et L.228-19 (sociétés par actions), c. com.
[24] . com. 26 novembre 1996, Bull. civ. IV, n° 284; Bull. Joly 1997, § 45, p. 133, note C. Roca ; Contrats conc. cons., février 1997, n° 26, note L. Leveneur.
[25] Cass. com. 30 novembre 2004, SCI SA Ternetix c/ SA Néopost France, Bull. Joly 2005, § 75, p. 383, cassant CA Aix-en-Provence 27 février 2003.
[26] C. civ., art. 1870 et 1870-1 pour les sociétés civiles, ou C. com., art. L. 221-15 pour les sociétés en nom.
[27] C. civ., art. 1860 pour les sociétés civiles, ou C. com., art. L. 221-16, pour les sociétés en nom
[28] v. pour exemple l’art. 1870-1 C. civ.
[29] Eventuellement au tribunal dans sa formation collégiale, qui « ne saurait avoir une compétence inférieure à celle de son président, statuant en la forme des référés » (Cass. 3e civ. 6 novembre 2002, Dr. sociétés, avril 2003, n° 65, obs. F.-X. Lucas).
[30] Cass. 1re civ. 25 novembre 2003, préc. : cassation sous le visa de l’art. 1843-4, au motif que la cour d’appel ne pouvait désigner elle-même l’« expert » de l’art. 1843-4, mais aussi qu’elle ne pouvait procéder elle-même à l’évaluation, la détermination de la valeur des droits sociaux en application de ce texte appartenant au seul « expert ».
[31] Cass. com. 30 novembre 2004, SCI Notre-Dame c/ X et autres, Bull. Joly, 2005, § 79, p. 400, note H. Le Nabasque.
[32] CA Paris 2 octobre 1992, D. 1993, IR p. 34
[33] Cass. com. 10 mars 1998, Bousser c/ SCM 74 av. Paul Doumer, Bull. civ. IV, n° 100 ; Rev. sociétés 1998, p. 541, note B. Saintourens; Bull. Joly 1998, § 246, p. 761, note J.-J. Daigre ; Dr. sociétés, 1998, n° 105, note T. Bonneau ; Defrénois, 1998, art. 36811, p. 679, obs. J. Honorat et H.
[34] Cass. 3e civ. 6 décembre 2000, Bull. Joly 2001, § 78, p. 295, note J.-F. Barbièri ; Dr. sociétés, mars 2001, n° 40, note T. Bonneau.
[35] Sur lesquelles, v. Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2009, n° 745.
[36] V. pour un résumé exhaustif des arguments qui ont pu être avancés dans un sens ou dans l’autre : A. Couret, note sous l’arrêt du 5 mai 2009 : Bull. Joly Sociétés, préc. n° 6 et s. et l’ensemble des références citées ; adde, J. Moury, « Réflexions sur l’article 1843-4 du Code civil … », préc, n°s 10 et s., et l’ensemble des réf. cit.
[37] Lesquelles peuvent être assez nombreuses : perte d’une qualité jugée déterminante (salarié, associé d’une autre société par exemple), acte de concurrence déloyale, violation des statuts, non-libération des apports, changement dans le contrôle d’une société actionnaire, perte du droit d’exploiter une enseigne…etc.
[38] V. en ce sens, dans un mécanisme de préemption conventionnel (mais extrastatutaire) : CA Paris, 6 mai 1994 : Dr. sociétés, 1994, comm. n° 140, obs. H. Le Nabasque.
[39] Ibid.
[40] Il conviendrait alors d’élire, même en ce cas, l’article 1592 C. civ. car le jour où la question du prix de la préemption se pose, les parties sont en situation, l’une de vendre ses titres, l’autre de les acheter.
[41] V. pour ex., Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2009, n° 749.
[42] C. com., art. L. 227-17 (dans les SAS) qui, après avoir évoqué la possibilité d’insérer dans les statuts de ces sociétés des clauses d’acquisition forcée, évoque la figure de l’exclusion de l’associé (alinéa premier, derniers mots).
[43] Les articles L. 227-16 et L. 227-17 C. com., les oppose, dans la SAS, quoique le dernier cité évoque « l’exclusion », voir supra.
[44] Ainsi que le dit l’article L. 227-18 C. com., dans la SAS.
[45] Selon que la clause figure dans les statuts de la société, ou non ; qu’elle est bâtie sur le schéma de la promesse de vente, ou non ; qu’elle fait intervenir la société, ou non … etc.
[46] 10 septembre 2009 (n° 05/01862)
[47] Ibid.
[48] Cass. com., 26 nov. 1996 : Bull. civ., IV, n° 284 ; Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 133, § 45, note C. Roca ; Dr. sociétés, 1997, comm. n° 2, obs. Th. Bonneau, qui avait jugé que « dès lors que les parties ne se trouvent pas dans un cas où est prévue la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, l’article 1843-4 ne peut être appliqué sans que soit constaté qu’elles avaient convenu de la vente des actions en question au prix déterminé par un expert ». La solution est identique en cas de préemption conventionnelle, lorsque la convention ne renvoie pas au mécanisme de l’expertise de prix : CA Paris, 6 mai 1994 : Dr. sociétés, 1994, comm. n° 140, obs. H. Le Nabasque.
[49] Cass. civ., 24 nov. 1965 : JCP G, 1966, II, n° 14602, note Gaury ; Cass. com., 16 oct. 1984 : Bull. Joly Sociétés, 1984, p. 1197, § 441 (la vente n’est pas formée tant que le prix n’est pas déterminé) ; en ce sens, R. Mortier, « Le tiers estimateur », in La sortie de l’investisseur, Litec, 2007, p. 101 et s., n° 25 ; Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, v. « Cession de parts et actions », 2009-2010, n° 37 455. D’autres arrêts peuvent être rattachés à ce courant, en ce qu’ils jugent que la vente serait nulle si le prix n’est finalement pas déterminé : v., en ce sens, Cass. com., 9 mai 1985 : Bull. Joly Sociétés, 1985, p. 788, § 259-II ; CA Paris, 25 juin 1996 : JCP E, 1996, pan. n° 1059 (et, sur pourvoi, Cass. 2e civ., 8 avr. 1999 : JCPG, 1999, II, n° 10136, note A. Viandier).
[50] V., mais l’arrêt est ambigu, Cass. com. 30 nov. 2004 : Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 383, § 75, qui juge que la vente est formée dès que l’option d’achat est levée par le bénéficiaire, le prix ne serait-il pas encore déterminé par le tiers (la clause renvoyait toutefois au mécanisme de l’article… 1843-4, alors que le pourvoi argumentait sur le terrain de l’article… 1592 du Code civil).
[51] Cass. com., 19 avr. 2005: Bull. civ., IV, n° 95 ; RTD com., 2005, p. 537, obs. Cl. Champaud et D. Danet ; D., 2005, pan., p. 2950, obs. J.-Cl. Hallouin et E. Lamazerolles, qui avait jugé, en présence d’une convention -extrastatutaire- portant cession d’actions, que « en se remettant, en cas de contestation sur le prix de cession de droits sociaux, à l’estimation d’un expert désigné conformément à l’article 1843-4 du Code civil (la chose est donc concevable, sans qu’il y ait lieu -apparemment- de disqualifier ce renvoi en un renvoi au mécanisme de l’article 1592), les contractants font de la décision de celui-ci leur loi » et que « à défaut d’erreur grossière, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de cette décision ».
[52] La doctrine est, aujourd’hui, à peu près unanime sur ce point, même si personne ne sait exactement comment la Cour de cassation réagira en cas de renvoi « purement conventionnel » et extrastatutaire au mécanisme de l’expertise de l’article 1843-4. Il n’est pas exclu, à supposer qu’elle soit sollicitée en ce sens, qu’elle accepte de procéder à une requalification du mécanisme en « arbitrage à dire de tiers » (au sens de l’article 1592), tant les deux « expertises » n’ont, au vrai, ni le même champ d’application, ni la même nature (en ce sens, J. Moury, « Réflexions sur l’article 1843-4 du Code civil …. », préc., n° 18 in fine).
[53] CA Paris 25e ch. sect. B, 17 sept. 2004, n° 2003/10700, SAS Panzani c/ Cons. S. et autres
[54] V. notamment Cass. 1re civ., 2 déc. 1997 :Bull. civ., I, n° 334, approuvant une cour d’appel d’avoir jugé « qu’il importe que ce mandataire commun des parties ait véritablement la qualité de tiers, c’est-à-dire qu’il ne soit pas sous la dépendance de l’une des parties » ; adde Cass. com., 4 févr. 2004, précit.
[55] Cass. com., 14 sept. 2010, n° 09-68850, Sté SCM c/ Coutellier et a. : BJS déc. 2010, p. 966, n° 209, note M. Caffin-Moi.
[56] Cass. com., 6 févr. 2007, n° 05-21271 (F-PB), Sté Fabricants indépendants c/ X : BRDA 2007/6, p. 9 ; D. 2007, p. 656 – CA Versailles, 27 sept. 2005, n° 04/02244, SARL Fabricants indépendants c/ Sté Expertise Galtier : BRDA 2005/23, p. 4 – Cass. com., 19 avr. 2005, n° 03-11790 (FS-P+B+R), Torlai c/ Sté KPMG : Bull. civ. 2005, IV, n° 95 ; Juris-Data n° 2005-028186 ; Dr. sociétés 2005, comm. n° 118.
[57] Dr. et patr. 2008, no 166, p. 60.
[58] Cass. com., 26 nov. 1996, no 94-15403.
[59] CA Pau, 5 févr. 2009.
[60] Ch. JARROSSON, La notion d’arbitrage, LGDJ, 1987, p. 117, n° 214.
[61] Ch. JARROSSON, op. cit., p. 116, n° 210. L’auteur estime que « la mission que donnent les parties à l’expert est bien celle que des mandants donnent à un mandataire à qui ils demandent de donner un avis à propos d’une question sur laquelle ils n’ont que des connaissances limitées ou tout au moins une opinion partisane » (ibid., n° 209).
[62] V. également Ph. REMY, obs. sur Cass. com. 26 juin 1990, RTD civ. 1991.358.
[63] Ch. JARROSSON distingue en effet entre expertise amiable révocable, qui autoriserait les parties à ne pas tenir compte de l’avis de l’expert, et expertise amiable irrévocable, avec laquelle la décision de l’expert, comme celle du tiers de l’art. 1592, aurait force obligatoire pour les parties, ces deux dernières situations différant en ce que l’expertise irrévocable interviendrait au moment de l’exécution du contrat cependant que le mandat de l’art. 1592 n’intervient qu’au moment de sa formation (op. cit..)
[64] Ibid.
[65] V. MOTULSKY, Ecrits. II. Etudes et notes sur l’arbitrage, op. cit., p. 46, n° 3 : « Dès lors qu’il résulte de la clause (…) que les parties ont entendu laisser aux « tiers » le soin de procéder à une fixation obligatoire pour les parties comme pour le juge, la notion d’expertise perd nécessairement tout droit de cité » ; J. HEMARD, F. TERRE et P. MABILAT, Sociétés commerciales, t. I, p. 324, n° 322.
[66] Cass. com. 10 mars 1976, Rev. sociétés 1976, p. 332, note Hémard ; JCP 1976, II, 18406, note Rabut, D. 1977, p. 455, note Bousquet ; RTD com. 1976, p. 533, obs. Houin.
[67] Cass. com. 27 octobre 1992, Dr. sociétés, décembre 1992, n° 257, note H. Le Nabasque ; RD banc. bourse 1993, p. 47, obs. M. Germain et M.-A. Frison-Roche.
[68] Cass. com. 13 octobre 1992, Rev. sociétés 1993, p. 578, note D. Randoux; RJDA 1993, 2, note Ph. Merle ; JCP E 1993, I, 218, n° 13, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; H. Le Nabasque, La force obligatoire du rapport d’expertise…, op. cit. note 1 ; dans la même affaire, Cass. com. 2 juillet 1996, Rev. sociétés 1997, p. 345, note B. Saintourens; Bull. Joly 1996, p. 1031, note A. Couret
[69] Comp. Guyon, Droit des affaires, t. 1, Droit commercial général et sociétés, Economica, 10e éd., 1998, n° 745, p. 773 ; P. Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2e éd., 2003, n° 1219, p. 760.
[70] Sur ces ordonnances, v. T. Massart, Aspects sociétaires de l’ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, Bull. Joly 2004, § 152, p. 743, spéc. p. 746 et 747, et B. Saintourens, Le nouveau droit des clauses d’agrément, Rev. sociétés 2004, p. 611 et s.
[71] CA Paris 17 septembre 2004, Bull. Joly 2005, § 7, p. 49, note N. Rontchevsky; RTD civ. 2005, p. 154, obs. P.-Y. Gautier.
[72] Dans le sens de l’impossibilité pour le tiers, en sa qualité de mandataire, d’interpréter le contrat : Ph. Rémy, op. cit., p. 357, qui donne comme exemple l’interprétation d’une clause d’adaptation du prix aux circonstances.
[73] N. Rontchevsky, op. cit., p. 60, n° 13.
[74] Sauf, avec l’art. 1592, s’il « ne veut » (mais alors, n’acceptant pas sa mission, il n’aura pas contracté) ou « ne peut » (mais alors il aura été dans l’impossibilité d’exécuter) « faire l’estimation ».
[75] Cass. 1re civ., 2 juin 1987 : Bull. civ., I, n° 180, pour un droit de retrait d’un associé d’une société en participation ; puis Cass. com., 30 nov. 2004 : Bull. civ., IV, n° 211 ;Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 401, § 79, note H. Le Nabasque ; RTD com., 2005, p. 124, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; JCP E, 2005, p. 135, n° 4, obs. H. Hovasse, pour une hypothèse qui recouvrait, en fait, dans une société en participation, celle de l’article 1870-1 C. civ. (donc un cas « prévu par la loi »).
[76] L’arrêt du 4 décembre 2007 (deux arrêts, en vérité) a statué comme si la Cour avait été en présence d’une clause d’exclusion insérée dans les statuts d’une société civile (la société civile ARUES), soit un cas « non prévu par la loi ». Et, de fait, l’article 12 des statuts de la société ARUES formalisait divers cas d’exclusion et contenait une formule de valorisation des parts de l’associé exclu, puis l’engagement d’une autre société (une SA) de les lui racheter au prix ainsi fixé. L’associé, mécontent du prix offert par la SA, sollicita alors son retrait et, semble-t-il, sur ce fondement, la désignation d’un expert afin que ses parts lui soient rachetées à leur juste valeur, non plus par la SA, mais par la société civile ARUES, conformément au droit commun normalement applicable en cas de retrait d’un associé d’une société civile (soit un cas… prévu par la loi). On était donc, assez clairement, dans un cas prévu par la loi, quoique la cour d’appel, puis la Cour de cassation, l’aient traité comme un cas d’exclusion « purement statutaire ».
[77] Ibid.
[78] En cela, l’arrêt du 5 mai 2009 prolonge celui du 29 juin 1993 (Cass. com., 29 juin 1993 : Dr. sociétés, 1993, comm. n 158, obs. Th. Bonneau) qui avait déjà affirmé que « l’expert a toute latitude pour évaluer la valeur des parts selon les critères qu’il estime valables », encore que, à l’époque, il n’était pas question de confronter les pouvoirs de l’expert à des clauses prétendant encadrer sa mission.
[79] CA Paris, 14 nov. 2007, n° 07/9034, Dr. sociétés 2008, comm. 47, obs. Mortier Renaud
[80] Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17465, préc.Adde : CA Paris, 30 janv. 2009 : BJS juin 2009, p. 543, n° 108, note D. Poracchia : le président désignant le tiers de l’article 1843-4 « n’a pas le pouvoir de faire application des dispositions du Code de procédure civile applicables aux seules expertises judiciaires » – Cass. com., 29 juin 1993, n° 91-16796, qui avait déjà accepté la paralysie des modalités d’évaluation statutaire en affirmant que l’expert a « toute latitude pour évaluer la valeur des parts selon les critères qu’il estime valables » ou, pour reprendre la formule d’un autre arrêt, « opportuns » (Cass. com., 19 avr. 2005, n° 03-11790) – adde : Cass. com., 16 févr. 2010, n° 09-11668, préc., alors qu’un associé de société civile avait été exclu, la cour d’appel est approuvée d’avoir fait évaluer ses parts par un « expert » de l’article 1843-4 « sans être lié par la convention ou les directives des parties », lequel n’avait donc pas commis d’erreur grossière « en écartant les directives d’évaluation contenues dans les statuts et le règlement intérieur. »
[81] Rapp. C. cass. 2009, obs. sous Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17465, p. 394.
[82] J. Moury, Droit des ventes et des cessions de droits sociaux à dire de tiers, Dalloz, 2011, n° 12.21.
[83] Cass. com., 4 déc. 2012, n° 10-16280 (F-PB)
[84] L’expert pouvant s’affranchir totalement des indications statutaires ou extra-statutaires, c’est donc l’ensemble des prévisions contractuelles qui se trouvent ruinées lorsqu’on lui confie le soin de déterminer le prix. En ce sens, v. Cass. com., 16 févr. 2010, n° 09-11668 : BJS juill. 2010, p. 624, n° 127, note P. Mousseron, qui déduit du caractère impératif des dispositions de l’article 1843-4 du Code civil que « l’expert désigné en application de ce texte n’est pas lié par les directives d’évaluation des parties et ne commet pas d’erreur grossière en écartant celles figurant dans les statuts et le règlement intérieur ».
[85] Selon la formule de Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17465 : Bull. civ., IV, n° 61 ; BJS sept. 2009, p. 728, n° 147, note A. Couret ; JCP E 2009, n° 253 ; D. 2009, p. 1349, obs. A. Lienhard ; BRDA 9/09, p. 2 ; LEDC juin 2009, p. 5, obs. D. Gallois-Cochet ; Gaz. Pal. 16 juin 2009, p. 8 et s., obs. M. Zavaro ; Banque et droit n° 125, mai-juin 2009, p. 65 et s., obs. M. Storck ; Dr. sociétés 2009, comm. n° 114, obs. R. Mortier ; JCP E 2009, n° 1, obs. F. Deboissy et G. Wicker ; addeF. Hellot et J. Sivignon, « Cession de droits sociaux : détermination de la valeur des droits par un expert en application de l’article 1843-4 du Code civil » : RD bancaire et fin., juill.-août 2009, p. 80 ; J. Mestre, « Quelques éclairages récents sur le rôle du juge dans la vie des sociétés » : RLDA juill. 2009, n° 40 ; J. Moury, « Réflexions sur l’article 1843-4 du Code civil après l’arrêt rendu le 5 mai 2009 » : Rev. sociétés 2009, p. 503 ; H. Le Nabasque, art. préc. ; B. Dondero, « Article 1843-4 du Code civil : clarifications suggérées » inMélanges Daniel Tricot, Dalloz, 2011, p. 639. V. déjà Cass. com., 19 avr. 2005, n° 03-11790 : Bull. civ., IV, n° 95 ; RTD com. 2005, p. 537, obs. C. Champaud et D. Danet ; D. 2005, pan. p. 2950, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles, jugeant que, en se remettant, en cas de désaccord sur le prix de cession de droits sociaux, à l’estimation d’un expert désigné conformément à l’article 1843-4 du Code civil, les contractants font de la décision de celui-ci leur loi et, à défaut d’erreur grossière, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de cette décision.
[86] Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13912 : Bull. civ., IV, n° 258 ; BJS mars 2008, p. 216, n° 49, note F.-X. Lucas ; D. 2008, AJ p. 16, obs. A. Lienhard ; D. 2008, p. 1236, obs. R. Salomon ; JCP E 2008, 1159, note H. Hovasse ; JCP E 2008, 2001, note C. Grimaldi et P. Netto ; Dr. sociétés 2008, comm. n° 23, obs. R. Mortier ; Procédures 2008, n° 115, obs. H. Croze ; RTDF 2008, n° 1, p. 65, obs. D. Poracchia ; Rev. sociétés 2008, p. 341, note J. Moury ; adde Cass. 1re civ., 30 oct. 2008, n° 07-19459 : BJS juin 2009, p. 568, n° 114, note F.-X. Lucas. V. P. Mousseron, « Les clauses d’évaluation des droits sociaux » : Journ. sociétés n° 44, juill. 2007, p. 56.
[87] Cass. ass. plén., 1er déc. 1995, n° 91-15578, 91-15999, 91-19653 et 93-13688.
[88] Cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-10197.
[89] Cass. com., 11 mars 2014, no 11-26915, ECLI:FR:CCASS:2014:CO00263, M. X, PB (cassation partielle CA Grenoble, 12 mai 2011), M. Espel, prés. ; Me Balat, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, av.
[90] R. Mortier, « Article 1843-4 du Code civil : réforme en vue ! » : Dr. sociétés 2013, n° 12, comm. 196 : « il faut désormais espérer redisons-le, sauf sursaut miraculeux de la Cour de cassation, une intervention du législateur pour mettre un terme à une jurisprudence qui, au nom de l’égalité, compromet gravement la liberté, et même une liberté contractuelle élémentaire ».
[91] A. Lienhard, « Expertise de l’article 1843-4 : exclusion des pactes extra-statutaires », obs. sous Cass. com., 11 mars 2014, n° 11-26915 : Dalloz actualité, 13 mars 2014.
[92] Cass. com., 4 déc. 2012, n° 10-16280, préc. – Cass. com., 26 févr. 2013, n° 11-27521 : Gaz. Pal., 29 juin 2013, p. 36, 136t1, note A.-F. Zattara-Gros.
[93] CA Versailles, 10 sept. 2009, n° 05/01862 : D. 2009, p. 2220, obs. A. Lienhard ; D. 2010, p. 2797, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; Dr. sociétés 2010, comm. 21, obs. M. L. Coquelet. Dans cet arrêt, les juges ont considéré que « l’article 1843-4 n’est applicable que lorsque la cession des parts sociales n’est pas spontanément voulue par les parties, mais se trouve imposée par des règles législatives, statutaires ou extra-statutaires ; il n’est pas applicable en cas de promesse de vente librement consentie selon un prix déterminable sur des éléments objectifs ».
[94] VOIR obs. sous Cass. com., 26 févr. 2013, n° 11-27521, préc.
[95] F.-X. Lucas, « La liberté de l’expert « de l’article 1843-4 » » : BJS juin 2009, p. 529, n° 6. La distinction évoquée se situe ici entre cessions « prévues » et cessions « convenues ».
[96] B. Dondero, « Article 1843-4 : de l’importance d’être consentant » : D. 2014, p. 759 et s. : « (…) on peut supposer que ce qui compte vraiment n’est pas tant l’instrument prévoyant la cession ou le rachat que le consentement du cédant au prix ou à sa méthode de détermination. Les mots employés en préambule par la Cour de cassation (selon lesquels les dispositions de l’art. 1843-4 « ont pour finalité la protection des intérêts de l’associé cédant ») prennent alors leur sens. Ce qui importe, c’est que celui à qui on demande de céder ses parts ou ses actions ait précédemment consenti à leur valorisation ».
[97] Sur cette notion de contrat-cadre, V. P. Puig, Contrats spéciaux, Dalloz, coll. Hyper cours, 2011, n° 145 et s.
[98] F.-X. Lucas, obs sous Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17465 : article préc.
[99] B. Dondero, « Article 1843-4 du Code civil : clarifications suggérées » in Mélanges en l’honneur de Daniel Tricot, Litec, Dalloz, 2011, p. 643.
[100] cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-10197 : RTD com. 2007, p. 169, note P. Le Cannu.
[101] P. Puig, Contrats spéciaux, préc., n° 169 et s.
[102] B. Dondero, « Article 1843-4 : de l’importance d’être consentant », préc.
[103] Cass. 3e civ., 26 juin 2002 : Défrenois 15 oct. 2002, p. 1261, note E. Savaux.
[104] Sur ce point, v. Mémento pratique Francis Lefèvre Sociétés commerciales, éd. F. Lefèvre, 2008, n° 2870 ; V. encore CA Paris, 3e ch. B, 15 déc. 2006 : D. 2007, AJ 162.
[105] P. Le Cannu, « Validation de la clause buy or sell, et durée des pactes d’actionnaires » : RTD com. 2007, p. 169.
[106] P. Puig, Contrats spéciaux, préc., nos 127 et 130.
[107] Cass. 1re civ., 6 juin 2001, n° 98-20673 : JCP E 2002, 134, obs. F. Labarthe ; Cass. 3eciv., 15 janv. 2003, n° 01-03700 : D. 2003, p. 1190, note H. Kenfack.
[108] Cass. com., 4 déc. 2012, n° 10-16280, préc.
[109] Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13912 : Bull civ. IV, n° 258 ; Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17465, préc.
[110] J. Moury, « Droit des ventes et des cessions de droits sociaux à dire de tiers » : Dalloz 2011, Coll. Dalloz référence, § 12.64.
[111] Cass. com., 4 déc. 2007, préc.
[112] Dans l’étude d’impact du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et sécurisation de la vie des entreprises, il est annoncé que le Gouvernement souhaite modifier le texte pour « préciser que l’expert doit notamment prendre en compte les stipulations statutaires ou extra-statutaires prévoyant une méthode de valorisation lorsqu’il détermine la valeur des droits sociaux objet de la cession ou du rachat forcé ». Il précisé qu’une telle mesure constitue « un juste équilibre entre la nécessaire protection des associés ou actionnaires auxquels la cession ou le rachat est imposé et le respect des conventions librement consenties ». V. Étude d’impact, 3 sept. 2013, p. 44. Sur ce point, v. B. Lecourt, « Cession de droits sociaux » : Rép. Dr. sociétés Dalloz, janv. 2014, n° 1-1.
[113] A. Lecourt, « L’utilisation de la CEDH dans la pratique des affaires » : Dr. et patr. juin/juill. 2010, p. 58 ; R. Dumas, Essai sur la fondamentalisation du droit des affaires, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2008.
[114] V. Projet d’ordonnance n° 2014 portant diverses dispositions de droit des sociétés prises en application de l’article 3 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 préc., art. 43 : « À l’article 1843-4 du Code civil, les mots : « sont prévus » sont remplacés par les mots : « la loi prévoit » » ; www.informations-publiques.fr.
[115] V. nota. B. Dondero, « Article 1843-4 du Code civil : clarifications suggérées », préc., n° 22.
[116] Cass. com., 26 févr. 2013, n° 11-27521, préc.
[117] A. Gaudemet, « La controverse sur le domaine d’application de l’article 1843-4 du Code civil : état actuel et perspectives de dépassement » : BJS juill. 2013, p. 521, spéc., p. 523.
[118] R. Mortier, « L’article 1843-4 à tout prix ! » : Dr. sociétés, mars 2013, n° 3, comm. 41.
[119] Pour mémoire, l’article 1843-4 ne saurait d’ailleurs conférer à l’expert le pouvoir de trancher la contestation. V. A. Couret, « La constitutionnalité de l’article 1843-4 du Code civil » : D. 2011, p. 1390 : « (…) le tiers désigné au titre de l’article 1843-4 – comme au demeurant celui qui est désigné au titre de l’article 1592 – n’est ni un arbitre, ni un expert au sens traditionnel du terme. Il est le mandataire commun des partie ». V. encore L. Cadiet, « Arbiter, arbitrator, Gloses, post-gloses… », in Mélanges Yves Guyon, Dalloz, 2003, p. 165 : « Le tiers évaluateur de l’article 1843-4 comme celui de l’article 1592 du Code civil doit ainsi être impartial et, partant, doit respecter le contradictoire. Le tiers doit être impartial non pas parce qu’il est un juge, mais parce qu’il est un tiers (…). Cela vaut pour tous les tiers, en présence comme en l’absence de litige ». Les dispositions de l’article 1843-4 ne sauraient non plus investir l’expert du pouvoir de prononcer une sanction. Sur ce point, V. Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-40069 : Bull. civ. IV, n° 36.
[120] Le rapport au président de la République relatif à l’ord. du 31 juill. 2014 souligne que la « présente ordonnance prévoit de renforcer la sécurité juridique des cessions de droits sociaux en cantonnant le rôle de l’expert de l’article 1843-4 du code civil (art. 37) », JO 2 août 2014, p. 12814, texte n° 10
[121] V., pour ex., A. Couret, L’évolution récente de la jurisprudence rendue sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, Mélanges Bouloc, Dalloz, 2007, n° 8.
[122] Projet d’ordonnance soumis à consultation publique, art. 43 : « À l’article 1843-4 du code civil, les mots « sont prévus » sont remplacés par les mots « la loi prévoit » ».
[123] Ou le plus profondément, selon nous, car l’argument tiré de la volonté des auteurs de l’ordonnance de « sécuriser » les cessions ou rachats qui seraient prévus par les statuts ne convainc qu’à moitié.
[124] Comme, par ex., celui que prévoit l’art. L. 221-12, al. 1er, c. com. (droit de retrait du gérant d’une SNC qui aurait été révoqué).
[125]C. civ., art. 1870 et 1870-1 pour les sociétés civiles ; C. com., art. L. 221-15 pour les sociétés en nom collectif.
[126] Et quelques autres, comme ceux que prévoient les art. : 1844-12, al. 3, 1862, al. 3 c. civ. ; L. 228-35-10, L. 229-14, al. 1er ou L. 235-6, al. 3 c. com.
[127] C. com., art. L. 227-17 et L 227-16.
[128] C. com., art. L. 227-14, L 227-16 et L 227-17.
[129] Article dû à l’ord. du 31 juill. 2014, qui dispose, aujourd’hui, sans plus de précision, que « Lorsque les statuts qui créent une catégorie d’actions de préférence ont prévu, préalablement à leur souscription, le principe du rachat et en ont organisé les modalités, doivent uniquement être satisfaites, outre les conditions mentionnées aux articles L. 225-210 à L. 225-212, les conditions prévues ci-après […] », parmi lesquelles ne figure pas la détermination du prix.
[130] On retrouve la formule, quasi copiée-collée, au texte des art. : 1844-12, 1860, 1862, 1869, 1870-1 c. civ. ; puis à celui des art. L. 221-12, L. 221-15, L. 221-16, L. 223-14, L. 227-18 (mais c’est un cas particulier, celui de la SAS), comme l’est celui prévu à l’art. L. 229-14 (dans la SE), L. 228-24, L. 228-35-10, L. 235-6 et L. 236-12 c. com
[131] V. pour ex., les art. L. 221-12, L. 221-16, L. 228-24 ou L. 235-6 c. com.
[132] Parce qu’elle limite les pouvoirs de l’expert.
[133] art. L. 221-12 (droit de retrait du gérant d’une SNC révoqué), L. 221-16 (indemnisation de l’associé d’une SNC qui se retire de la société), L. 228-24 (rachat imposé par la loi en suite d’un refus d’agrément dans une société par actions) ou L. 235-6 (rachat des droits d’un associé à l’effet de supprimer son intérêt à agir en nullité de la société).
[134] Lorsque la loi sollicite les statuts, elle « renvoie » en effet dans la quasi-totalité des cas au dispositif de l’art. 1843-4 ; de sorte que ces cas relèvent du I de l’art. 1843-4.
[135] Mais, semble-t-il, uniquement dans celui-ci.
[136] Com., 12 mars 1996, n° 93-17.813, D. 1997. 133, note T. Langlès; ibid. 1996. 345, obs. J.-C. Hallouin; Rev. sociétés 1996. 554, note D. Bureau; RTD civ. 1996. 897, obs. J. Mestre; RTD com. 1996. 470, obs. C. Champaud et D. Danet; Bull. Joly 1996, § 207, p. 584, note J.-J. Daigre ; JCP E 1996. II. 831, note Y. Paclot ; Dr. sociétés, mai 1996, n° 96, obs. Th. Bonneau,
[137] V., en ce sens, Paris, 27 mars 2011, RJDA 10/01, n° 973 ; Grenoble, 16 sept. 2010, RJDA 6/11, n° 536 ; Com. 20 mars 2012, Dr. Sociétés 2012, comm. 77, note H. Hovasse. Pour les sociétés anonymes, la clause est même admise par l’art. 36 de la deuxième directive européenne (n° 77/91 du 13 déc. 1976) à la condition – toujours – qu’elle ait été prévue dans les statuts avant la souscription des actions ou qu’elle y ait été introduite après à l’unanimité.
[138] Versailles, 10 sept. 2009, A. Lienhard, Cession volontaire de droits sociaux : exclusion de l’article 1843-4 du code civil, D. 2009. 2220.
[139] Rev. sociétés 1974. 507, note – critique, à l’époque – R. Rodière.
[140] En excluant l’expertise lorsqu’une clause de prix figure dans les statuts.
[141] V., pour un résumé exhaustif des arguments qui ont pu être avancés dans un sens ou dans l’autre à propos de ces clauses « purement » statutaires : A. Couret, note sous l’arrêt du 5 mai 2009, précitée, n° 6 s., et l’ensemble des références citées ; J. Moury, Réflexions sur l’article 1843-4 du code civil …, préc., n° 10 s., et l’ensemble des références citées.
[142] En ce sens, jouant sur l’opposition des termes « prévus » et « convenus », Fr.-X. Lucas, Bull. Joly 2009. Édito. 529
[143]Art. 1843-4, II, al. 1er.
[144] V., sur cet argument, D. Poracchia, note sous Paris, 30 janv. 2009, Bull. Joly 2009, § 108, p. 547 ; et R. Salomon, obs. sous Com. 4 déc. 2007, D. 2008. 1237.
[145] V. clairement en ce sens, le rapport au président de la République présentant l’ord. du 31 juill. 2014 : « les dispositions de l’article 1843-4 du code civil ont pour finalité de permettre à un processus de cession ou de rachat imposé d’aller à son terme en dépit d’une contestation entre le cédant et le cessionnaire sur la valeur des droits sociaux ».
[146] V., pour ex., R. Mortier, Le nouvel article 1843-4 du code civil issu de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juill. 2014, Dr. Sociétés oct. 2014, Études, p. 16 s., spec. n° 12 et 13.
[147] V., en ce sens également, R. Mortier, comm. préc., n° 10
[148] Rappr. R Mortier, comm. préc., n° 10 s.
[149] Com. 11 mars 2014, préc.
[150] Il ne faut pas le regretter. Cpr. cep. R Mortier, comm. préc., n° 14.
[151] V., cep., M. Michineau, La réforme de l’article 1843-4 du code civil, Lettre CREDA-SOCIETES, n° 2014-22 qui estime qu’il convient désormais de ne renvoyer contractuellement qu’aux dispositions de l’art. 1592 c. civ.
[152] Civ. 24 nov. 1965, JCP 1966. II. 14602, note Gaury ; ou Com. 16 oct. 1984, Bull. Joly 1984, & 441, p. 1197 (la vente n’est pas formée tant que le prix n’est pas déterminé) ; et, en ce sens, R. Mortier, Le tiers estimateur, in La sortie de l’investisseur, Litec 2007, p. 101 s., sp. n° 25. D’autres arrêts peuvent être rattachés à ce courant, en ce qu’ils jugent que la vente serait nulle si le prix n’est finalement pas déterminé : v., en ce sens, Com. 9 mai 1985, Bull. Joly 1985. 788, ou Paris, 25 juin 1996, JCP E 1996. Pan. 1059 (et, sur pourvoi, Civ. 2e, 8 avr. 1999, JCP 1999. II. 10 136, note A. Viandier).
[153] V., mais l’arrêt est ambigu, Com. 30 nov. 2004, Bull. Joly 2005, & 75, p. 383, qui juge que la vente est formée dès que l’option d’achat est levée par le bénéficiaire, le prix ne serait-il pas encore déterminé par le tiers (la clause renvoyait toutefois au mécanisme de l’art. …1843-4, alors que le pourvoi argumentait sur le terrain de l’art. …1592 c. civ.).
[154] Com., 19 avr. 2005, n° 03-11.790, Bull. civ. IV, n° 95 ; D. 2005. 1289, obs. A. Lienhard; ibid. 2950, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles; RTD civ. 2005. 613, obs. P.-Y. Gautier; RTD com. 2005. 537, obs. C. Champaud et D. Danet; ibid. 2006. 183, obs. B. Bouloc, qui avait jugé, en présence d’une convention – extra statutaire – portant cession d’actions, qu’« en se remettant, en cas de contestation sur le prix de cession de droits sociaux, à l’estimation d’un expert désigné conformément à l’art. 1843-4 c. civ. (la chose est donc concevable, sans qu’il y ait lieu – apparemment – de disqualifier ce renvoi en un renvoi au mécanisme de l’art. 1592), les contractants font de la décision de celui-ci leur loi » et que « à défaut d’erreur grossière, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de cette décision ».
[155] La question porte sur la recevabilité de la demande tendant à la désignation de l’expert lorsque, dans les cas « prévus par la loi », une clause de prix a été convenue dans les statuts de la société ou toute (autre) convention liant les parties. À la lettre du texte, au seul motif que le cas a été prévu par la loi, la demande d’expertise est juridiquement recevable, l’expert n’aurait-il rien d’autre à faire que liquider une clause de prix qui peut-être, par exemple, et cette hypothèse n’est pas rare : « rachat à valeur nominale ». L’on peut sourire ! En fait, on ne voit pas toutefois très bien pourquoi on supporterait en pareille hypothèse les frais d’une expertise puisque la messe, en quelque sorte, est déjà dite ; et peu importe que la clause de prix soit un peu plus complexe que celle prise en exemple. Là, selon nous, réside le plus grand défaut de l’ordonnance portant réforme de l’art. 1843-4.
[156] L’exemple du rachat des actions de préférence stipulées rachetables « à l’émission » ne pouvait être pris puisque l’art. L 228-12 III (nouveau) c. com., lui aussi dû à l’ordonnance du 31 juill. 2014, ne renvoie pas à l’art. 1843-4 c. civ. (donc est exclu du champ d’application de son paragraphe I).
[157] Alors que la modification des statuts ne requiert, en principe, qu’une majorité qualifiée.
[158] L’al. 2 de l’art. 1843-4, I (comme l’al. 2 de l’art. 1843-4, II) ferait-il référence uniquement à ce type de clause en visant celles qui fixent « les règles et les modalités de détermination de la valeur des droits sociaux » – expression peu claire – mais non un « prix » stricto sensu, qu’il soit déterminé ou déterminable? C’est pour le moins douteux. Le rapport au président de la République indique en effet, à propos des pouvoirs de l’expert, que « dans ce premier cas (celui de l’article 1843-4, I), s’il existe des modalités de valorisation statutaires ou extrastatutaires, selon le cas, l’expert désigné est tenu d’appliquer les modalités de détermination du prix prévues par les parties aussi bien dans les statuts que dans des pactes d’associés ». La même précision est apportée pour les besoins de la compréhension de la formule utilisée par l’art. 1843-4, II al. 2. La formule « règles et modalités de détermination de la valeur » est donc la plus large qui soit et recouvre toutes les clauses : les clauses de prix déterminé, les clauses de prix déterminable, les clauses fixant de simples « méthodes » ou posant de simples « règles » d’évaluation.
[159] C. Paris, 17 septembre 2004, Bull. Joly 2005, § 7, p. 49.
[160] V. déjà M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. X, Les contrats civils par J. Hamel, LGDJ, 1956, n° 37 ; adde, H. Motulsky, Arbitrage, expertise, transaction, Écrits, t. 2, Dalloz, 1974, p. 26, spéc. p. 41 ; J. Carbonnier, Droit civil, Les obligations, PUF, Thémis, 2000, 22eéd., 2000, n° 55 : « arbitrator dit-on, non pas véritable arbitre car il n’y a pas litige à régler mais contrat de vente à faire fonctionner » ; Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Droit civil, Les contrats spéciaux, Defrénois, 2003, n° 205 ; L. Cadiet, art. précit., 4°, p. 162.
[161] V. en ce sens Cass. com., 26 juin 1990 : Bull. civ., IV, n° 197 ; RTD civ., 1991, p. 356, obs. Ph. Rémy ; L. Cadiet, art. précit., 2°, p. 157.
[162] V. J. Moury, art. précit., n° 14-15, qui estime que la prestation d’évaluation relève du contrat d’entreprise ; comp. I. Després, op. cit., n° 139, qui estime que le dualisme fait défaut car les investigations matérielles ont pour seule finalité d’assurer l’efficacité de la vente par la fixation du prix.
[163] V. notamment J. Moury, art. précit., n° 16 ; L. Cadiet, art. précit., 4°, p. 161 ; M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 2004, 17e éd., n° 722.
[164] Il a du reste été relevé que les questions de comptabilité ne sont pas des questions de fait : v. A. Viandier, « Arbitrage et garanties de passif » : Rev. arb., 1994, p. 439, spéc. n° 46.
[165] V. notamment Cass. sect. réunies, 2 févr. 1808, Lubert : H. Capitant, F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la Jurisprudence civile, t. 2, Dalloz, 2000, 11eéd., n° 159, p. 108 ; adde, J. Carbonnier, op. cit., n° 142 ; Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 2003, n° 772.
[166] V. Cass. civ., 15 avr. 1872, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 160, p. 111, jugeant qu’il n’est pas permis au juge, lorsque les termes d’une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu’elle renferme.
[167] V. en ce sens Ph. Rémy, obs. précit. : RTD civ., 1991, p. 357 ; A. Viandier, note in Rev. arb., 1996, p. 625, sous CA Paris, 21 mai 1996 et 25 juin 1996, spéc. nos 14 et 17.
[168] V. J. Moury, art. précit., nos 5 et 7, qui estime (note 12) que si la fixation du prix « devait passer par une discussion sur un point de droit, c’est vers l’arbitrage que tendrait la mission du tiers ».
[169] V. en ce sens, A. Viandier, note précit. : Rev. arb., 1996, p. 625, n° 11 ; D. Cohen, op. cit., n° 364 ; L. Cadiet, art. précit., 4°, p. 161.
[170] V. déjà M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, T. VI par P. Esmein, LGDJ, 1952, n° 375 : « la recherche de l’intention des parties est une question de fait ».
[171] V. Cass. com., 12 nov. 1962 : Bull. civ., III, n° 444 ; Cass. com., 4 nov. 1987 : Bull. civ., IV, n° 226 ; JCP, éd. G, 1988, II, n° 21050, note A. Viandier ; Cass. 1re civ., 25 nov. 2003, précit. ; adde, sur l’office du juge, Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, op. cit., n° 206, qui regrettent la conception traditionnelle selon laquelle le juge ne peut intervenir dans le contrat si les parties ne lui en ont pas donné le pouvoir.
[172] V. D. Randoux, note sous Cass. com., 23 nov. 1993 : Rev. sociétés, 1994, p. 275, spéc. p. 278 qui affirme que le tiers « dit » le prix.
[173] V. Sur ce point les réflexions et suggestions de D. Cohen, op. cit, n° 354-357 et la référence à la qualification d’arbitrage juridictionnel retenue, à propos d’un litige concernant une situation comptable, par CA Paris, 5 oct. 1987 : Rev. arb., 1990, p. 721, 2e esp., obs. Ch. Jarrosson.
[174] V. en ce sens Cass. com., 9 avr. 1991 : Bull. civ., IV, n° 139, censurant une cour d’appel qui avait appliqué la loi des parties « sans rechercher si les griefs allégués à l’encontre des opérations d’expertise constituaient ou non des erreurs grossières ».
[175] V. en ce sens CA Paris, 18 sept. 1998 : JCP, éd. E, 1999, p. 666, n° 1, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; Cass. 1re civ., 25 nov. 2003, précit., assimilant le dépassement de pouvoir à l’erreur grossière ; adde, M. Planiol et G. Ripert, op. cit., t. X, n° 38, affirmant déjà que le prix arrêté par le tiers ne peut être attaqué qu’en cas de dol ou d’erreur manifeste ou « si le tiers a outrepassé les bornes de sa mission, telles que les parties les avaient fixées ».
[176] V. notamment en ce sens D. Cohen, op. cit., n° 363, qui qualifie la procédure de l’article 1843-4 « d’expertise irrévocable » et estime que « l’arbitrage n’est pas loin » ; L. Cadiet, art. précit., 2°, p. 158 ; A. Viandier et J.-J. Caussain, obs. sur CA Paris, 18 sept. 1998 :JCP, éd. E, 1999, p. 666, n° 1.
[177] La procédure est obligatoire dans le cadre de l’article 1843-4 alors qu’elle ne l’est pas dans celui de l’article 1592.
[178] V. par exemple Cass. com., 19 déc. 2000 :Dr. et patrimoine, avr. 2001, p. 110, obs. D. Poracchia.
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