Berlin et son insurmontable déclin
Berlin et son insurmontable déclin
- Les lourdes conséquences de la guerre
- Les pertes humaines et matérielles
- L’humiliant traité de Versailles
- Des tensions sociopolitiques omniprésentes
- Des bases fragiles
- Une Constitution mal acceptée
- Un régime instable
- Une République vouée à l’échec
- De graves difficultés économiques
- Une période d’inflation inévitable
- La crise de 1929, un événement fatal à la République
- Les écrivains allemands, témoins du chaos berlinois et des problèmes à venir
- Biographie d’Alfred Döblin
- Particularités des œuvres d’Alfred Döblin
- Le chaos berlinois dépeint dans Berlin Alexanderplatz
- Particularités de Berlin Alexanderplatz
- Une société moderne qui renforce les inégalités
- L’impuissance de la police
ANALYSES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, l’Allemagne est ébranlée et peine à se reconstruire. De ce fait, le 6 février 1919, trois mois après l’armistice qui a mis fin à la Grande Guerre, une Assemblée constituante allemande se réunit dans le théâtre de Weimar, pour régulariser les institutions républicaines nées de la défaite allemande et de l’abdication de l’empereur Guillaume II. Ainsi voit le jour la république de Weimar. Sur le plan politique, cette république d’après-guerre est une tentative d’établissement d’un régime pacifique et démocratique en Allemagne.
Cependant, la république s’édifie très difficilement dans un pays où les traditions démocratiques sont faiblement enracinées.
De plus, le gouvernement est sévèrement handicapé et peut-être condamné à cause des difficultés économiques et de la faiblesse inhérente à l’État de Weimar.
L’Allemagne de la première moitié du XXème siècle est ainsi marquée par le chaos qui suit la guerre mais aussi par le mécontentement que suscitent dans la population les conditions imposées par le Traité de Versailles, sources de tensions sociopolitiques.
Mais quels sont donc ces éléments qui connotent cette descente interminable aux enfers de la capitale allemande ? Pourquoi n’arrivera-t-elle pas à se relever totalement suite à la guerre?
OBJECTIF DE CETTE PARTIE DU MEMOIRE
L’objectif de cette partie du mémoire est alors de décrire les faits de ce chaos berlinois sous la République de Weimar ainsi que les éléments qui en témoignent.
- Les lourdes conséquences de la guerre
- Les pertes humaines et matérielles
La Première Guerre Mondiale a fait perdre à l’Allemagne 13% de son territoire et 10% de sa population.
Au niveau des coûts humains, à part le déficit des naissances, on assiste à des problèmes d’adaptation car un million d’Allemands venus de Pologne, des pays Baltes, d’Alsace Lorraine ont dû se réfugier sur le territoire réduit de l’Allemagne. Toutefois, les coûts matériels ne sont pas non plus négligeables.
- L’humiliant traité de Versailles
En acceptant l’humiliation du traité de Versailles du 28 juin 1919, le nouveau régime ternit son image auprès de l’opinion publique. De plus, elle doit proclamer sa seule et entière responsabilité sur la Première Guerre mondiale alors qu’il lui est demandé de signer le texte sans qu’ils aient pu négocier quoi que soit. En Allemagne, ce « diktat » sera vécu comme une humiliation et fera naître un sentiment de revanche.
Ce traité impose à l’Allemagne des clauses territoriales notamment, la restitution de l’Alsace et la Lorraine à la France et celle de certaines provinces anciennement polonaises à la Pologne mais aussi la création du « couloir de Dantzig » donnant à la Pologne un accès à la mer ou encore l’attribution des parcelles de son territoire à la Belgique. Il lui est aussi imposé des mesures militaires telles que la réduction des armements et des effectifs donc la limitation du potentiel militaire, la démilitarisation de la rive gauche du Rhin et la surveillance d’une commission de contrôle interalliée mais aussi des dispositions économiques par le versement de 20 milliards de marks-or. Les Allemands estime également injuste que l’on interdit à l’Autriche de s’unir à l’Allemagne. Mais cette interdiction inscrite dans les traités de Versailles et de Saint-Germain ne parvient pas à endiguer la résurgence du rêve d’une grande Allemagne.
Par conséquent, l’Allemagne se trouve amputée d’une partie de son territoire soit 68 000 km² où vivent 8 millions d’habitants. Elle perd toutes ses colonies, que la Société Des Nations place sous l’administration de divers pays. Ainsi, les plus grandes parties du Cameroun et du Togo sont désormais rattachés à l’empire colonial français, le reste revenant à l’empire britannique, qui s’agrandit également des possessions allemandes en Afrique orientale. La Namibie est placée entre les mains de l’Afrique du Sud, et le Rwanda entre celles de la Belgique. Quant aux îles allemandes du Pacifique, elles reviennent soit au Japon pour les îles du Pacifique Nord, soit à l’Australie pour la Nouvelle-Guinée ou à la Nouvelle-Zélande.
L’Allemagne est aussi astreinte à de très lourdes «réparations» matérielles et financières pour les dommages subis par les Alliés. Or, les énormes réparations qui lui sont imposées par les Alliés empêchent la démocratie de s’y consolider.
En outre, n’ayant plus la possibilité de s’acquitter de ses dettes en termes de réparations, l’Allemagne doit subir l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises afin d’obtenir des garanties quant au paiement des réparations de guerre. Cette occupation amène cependant une confrontation violente car « les troupes d’occupation agirent de manière autoritaire et avec une franche brutalité ». Cet acte entraîne une grande dévaluation de la monnaie provoquant des émeutes de faim, les pertes des économies des bourgeois, etc.
- Des tensions sociopolitiques omniprésentes
- Des bases fragiles
L’instabilité politique, entraînant inexorablement des perturbations de la vie sociale, devient le quotidien des berlinois. En effet, comme le nouveau régime est une démocratie parlementaire, il est mal accepté par beaucoup d’Allemands, certains étant restés fidèles à la monarchie, d’autres souhaitant un État communiste. La République de Weimar n’est donc pas basée sur un consensus et se construit sur des bases fragiles.
D’abord, celle-ci se heurte immédiatement à une double opposition : l’extrême gauche révolutionnaire et l’extrême droite nationaliste. En effet, c’est en référence à la République de Weimar que se classent les partis politiques. Il y a ceux qui l’acceptent car ils ont présidé à sa naissance comme les socialistes ou SPD, le centre et les libéraux démocrates. Il y a, par contre, ceux qui la refusent car ils la considèrent comme un barrage édifié sur la voie de la révolution sociale comme les socialistes indépendants et les communistes qui ne sont pas convaincus du système de la République. Ces derniers constituent l’opposition de gauche. Il y a enfin ceux qui la refusent par fidélité monarchique et conservatisme social, il s’agit des populistes et des nationaux allemands parce qu’ils rêvent d’un troisième Reich autoritaire. Ces derniers constituent l’opposition de droite.
Ainsi, le morcellement politique, de 10 à 16 partis représentés au Reichstag, n’a jamais donc permis la formation d’un cabinet homogène. Ainsi s’est trouvée ébranlée la stabilité du régime parlementaire, qui n’est pas condamné dès l’origine mais qui a été privé de majorité cohérente.
Par ailleurs, l’Etat de Weimar offre le paradoxe de n’avoir jamais pu s’appuyer sur la majorité absolue des suffrages, à l’exception de la période de sa fondation. D’autant que les grandes forces de la société, l’armée, les Eglises, lui sont largement étrangères, voire radicalement hostiles. En particulier, les religions y sont, quant à elles, très largement hostiles: le protestantisme est largement nationaliste et réactionnaire, les catholiques largement ultramontains et réactionnaires.
De telles conditions ne peuvent que défavoriser fortement la bonne marche de cette République. Celle-ci a également du mal à trouver une légitimité politique et à gagner la confiance de la population sur le plan économique et social.
- Une Constitution mal acceptée
En outre, on a beaucoup critiqué la constitution entrée en vigueur le 11 août 1919. Le système électoral à la proportionnelle s’est trouvé inscrit dans la constitution. Le régime étant théoriquement parlementaire, le Reichstag, élu pour 4 ans, doit être au cœur du pouvoir. Le chancelier est un organe de liaison entre le Président qui le nomme et le Reichstag qui lui accorde sa confiance. La crainte de l’absolutisme parlementaire explique la place d’un président du Reich élu au suffrage universel pour 7 ans, indépendant du Reichstag et doté de pouvoirs étendus : il nomme et révoque le chancelier, par droit de dissolution et recours au référendum s’il veut s’opposer à une loi.
Ces deux pouvoirs peuvent donc limiter sérieusement le caractère parlementaire du régime. Mais l’article 48 de la constitution confère au Président le droit de gouverner par décret-loi et donne au régime un caractère présidentiel. On a alors affaire à une évolution du régime vers le présidentialisme, d’où la désintégration progressive de la République de Weimar.
De plus, désireux de créer le système le plus démocratique qui soit, les constituants introduisent le référendum d’initiative populaire mais aussi un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale. En encourageant l’éclatement des partis et les gouvernements de coalition, ce mode de scrutin va se révéler une source de faiblesse pour le nouveau régime.
- Un régime instable
A l’exception de plusieurs grandes coalitions, on a une succession de gouvernements bourgeois et minoritaires, généralement tolérés par le Parlement. Tous les gouvernements de Weimar sont marqués par leur instabilité chronique et leur brièveté. Le fait est que les partis politiques sont trop attachés à leurs milieux traditionnels et, en raison de l’étroitesse des marges de répartition économique, se montrent trop peu enclins à des compromis les uns vis-à-vis des autres.
De ce fait, dès ses débuts, la nouvelle République connaît des assassinats, des manifestations, des grèves et des putschs.
- Une république vouée à l’échec
- Coups d’Etat et attentats se multiplient
Les années 1920 à 1923 sont des années de crise notamment dans le domaine politique pour toute l’Allemagne. Le climat politique est sanglant à cause des attentats qui se succèdent.
D’abord, le premier président de la République de Weimar est Friedrich Ebert. En raison des circonstances exceptionnelles, il est désigné par l’Assemblée et ne sera jamais légitimé par le suffrage universel comme le prévoit la Constitution de Weimar. Dès la nuit qui suit son entrée en fonction, Friedrich Ebert conclut un accord secret avec l’armée pour mettre fin aux désordres. Sans attendre l’arrêt des combats, l’armée et les groupes révolutionnaires engagent alors un bras de fer dans les grandes villes du pays.
En outre, le principe d’obéissance remis en question à tous les échelons aboutit à une cassure, d’où les divers coups d’Etat.
A titre d’exemple, les Spartakistes, un mouvement révolutionnaire proche des bolcheviques russes qui emprunte son nom à l’esclave romain Spartacus, déclenchent une grève générale à Berlin même. Mais la grève est écrasée par l’armée au cours de la «Semaine sanglante» du 11 au 15 janvier 1919 cependant que les deux chefs spartakistes, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, sont assassinés dans leur prison.
Les soulèvements et tentatives de putsch des partis extrémistes de gauche comme de droite se multiplient.
Ainsi, à Berlin et dans les métropoles allemandes, d’anciens combattants et des chômeurs se constituent en corps francs, avec une organisation de type militaire, pour s’opposer dans la rue aux démonstrations communistes. Le coup d’Etat des corps francs menés par Kapp le 13 mars 1920 échoue suite à une grève générale des ouvriers berlinois qui paralysèrent toutes les fonctions vitales de la capitale : eau, gaz et électricité. En effet, la riposte est immédiate, un appel à la grève générale est alors immédiatement lancé. Celle-ci est totale et dure quatre jours, bloquant toute l’économie, ce qui oblige Kapp à se retirer dès le 17 mars.
Une fois de plus, on remarque un épisode qui illustre la faiblesse du nouveau régime puisque cette fois-ci l’armée régulière refuse d’intervenir pour mater le putsch.
Puis, un certain calme revient, mais le pouvoir qui, par la violence de sa répression, s’est privé du soutien d’une grande partie de la classe ouvrière, s’en trouve fragilisé. Les grèves se multiplient davantage.
- Quand problèmes économiques et politiques s’entremêlent
En 1923, l’Allemagne sombre dans une crise monétaire grave : l’inflation sévit dès le mois de juillet. Des tensions révolutionnaires voient le jour en Rhénanie, en Saxe et en Bavière, où Hitler et Ludendorff organisent le 8 novembre à Munich le « putsch de la brasserie ». . Comme les prolétaires sont les plus touchés par cette crise monétaire, cela prive alors la République de l’appui de larges couches soit précisément celles qui ont fourni à l’Empire ses cadres les plus solides.
Mais fort heureusement, le gouvernement crée le Rentenmark, un nouveau mark, assurant ainsi une certaine stabilité.
En outre, la République de Weimar est aussi momentanément consolidée par le redressement de la situation économique et financière grâce à l’allègement des réparations par le plan Dawes en 1924 et le plan Young en 1929. Cela s’est également fait par la normalisation des relations diplomatiques, notamment avec l’Union Soviétique par le traité de Rapallo en 1922 et avec la France par le traité de Locarno en 1925, mais aussi grâce à la politique étrangère de Gustav Stresemann, facilitant, en 1926, l’admission de l’Allemagne dans la Société des Nations.
En effet, le Plan Dawes et les capitaux américains permettent à l’économie allemande de se stabiliser. Certes ce plan propose l’évacuation de la Ruhr, l’octroi de prêts à l’Allemagne et une réduction considérable du montant des réparations. Mais le prix à payer est important comme la restructuration et les licenciements massifs qui provoquent un chômage endémique. D’une durée de cinq ans, ce plan ne fixe pas de montant global mais des versements annuels après une pause d’un an. Avec ce plan, l’Allemagne ne versera alors que 200 millions de marks et recevra un prêt international de 800 milliards de marks à utiliser pour la reconstruction des régions sinistrées en France et en Belgique ainsi que pour le remboursement des dettes alliées aux Etats-Unis.
Quant au plan Young, il remplace le plan Dawes. Mais il s’agit toujours d’un accord concernant le paiement des réparations. Cet accord prévoit que l’Allemagne restera maîtresse de ces affaires, mais continuera à payer les réparations suivant un échéancier progressif. En effet, il réduit le montant des réparations et en échelonne le paiement jusqu’en 1988. Cependant, il n’a jamais été réellement appliqué. Cet accord a donc surtout pour but de calmer les esprits et les ardeurs des Allemands mécontents.
L’Allemagne commence alors peu à peu à se refaire une place et une réputation et va même signer le pacte Briand-Kellog qui condamne la guerre comme instrument de politique nationale. Mais les apparences sont trompeuses. L’armée veut influencer la politique, envahir les pays de l’Est et réarmer en secret. La formation de milices paramilitaires commence ainsi à annoncer un climat de guerre civile. Financé par l’industrie lourde, Hugenberg, ancien directeur des usines Krupp dirige une puissante milice appelée les « Casques d’acier », les communistes fondent les « Combattants du Front Rouge », et Hitler crée les « Sections d’Assaut ».
Par ailleurs, certes l’économie allemande est ainsi relancée depuis 1925 : Berlin devient une ville de loisirs et de distractions avec l’apparition de nouvelles technologies comme la radio, le cinéma ou le phonogramme.
Mais la prospérité intérieure allemande ne tient pas de la réalité. En effet, si les signes de redressement économique sont réels comme la modernisation et la baisse du chômage, ils se font sur des bases très instables. Car le gouvernement gaspille les fonds, il les gère mal et la prospérité repose sur l’argent étranger, en d’autres termes une source d’argent peu sûre.
En fait, la prospérité intérieure de l’Allemagne n’est que trompeuse. Malgré la croyance que l’Allemagne se refait petit à petit en prenant comme preuve la modernisation des usines, le redressement économique, les affaires stables, un faible taux de chômage et des salaires relativement élevés, sous cette carapace se cache une triste réalité. D’abord, un allongement de la durée du travail est mis sur pied: ainsi, les ouvriers doivent travailler 12 heures par jour et les fonctionnaires 54 heures par semaine. A cause de cet allongement de la durée du travail, de nombreuses grèves font apparition dès 1924. En outre, le monde agricole se porte mal. En 1925, il a une dette de 5 millions de Reichsmark causé par l’augmentation des frais d’exploitation. Cette dette va se chiffrer à 12 milliards en 1932. Par ailleurs, de nombreuses industries et sociétés fusionnent. Les gouvernements gaspillent les fonds alors que la prospérité repose grandement sur l’argent étranger donné à l’Allemagne qui peut disparaître d’un jour à l’autre. De plus, les communistes refusent totalement de coopérer avec les sociaux-démocrates.
En outre, en 1929, au mois d’octobre, survient le Krach de Wall Street qui touche l’Allemagne. Les banques étrangères exigent le remboursement immédiat des emprunts à court terme accordés dans le cadre de projets à long terme. Comme l’effondrement de l’économie est imputé aux sociaux démocrates par les démagogues de tout bord, communistes et nazis se disputent alors pour porter secours aux victimes de la crise.
Entre 1930 et 1932, la crise s’accentue et les extrémistes en profitent pour recruter les chômeurs au sein de leurs organisations paramilitaires.
En même temps, les batailles de rue sont quotidiennes. En effet, les affrontements dans la rue sont de plus en plus violents quand la crise économique vient renforcer la crise politique en Allemagne. Beaucoup oublient leurs soucis dans une vie nocturne plus active que jamais à travers les boîtes de jazz, les égéries lesbiennes et les amateurs de cigares et de cocaïne.
Les rues de Berlin sont le théâtre de confrontations de plus en plus violentes entre des groupements d´extrémistes de gauche et d´extrémistes de droite, qui font de nombreux morts et blessés. Ces manifestations et troubles avec violences telles que le fameux « Mai sanglant » de 1929 coûte plus de 30 morts et plusieurs centaines de blessés.
- La montée du nazisme, signe du déclin de la République
Aux élections législatives de 1930, le parti nazi progresse encore avec 107 députés. Ce succès est salué par le pillage du grand magasin Wertheim, propriété d’une famille juive.
Fin mars 1930, le dernier gouvernement majoritaire conduit par le social-démocrate Hermann Müller éclate en raison d’un conflit sur la réforme de l’assurance-chômage. A la place de la grande coalition au pouvoir, un cabinet conservateur minoritaire est constitué sous la direction d’Heinrich Brüning, membre du parti catholique Zentrum. A partir de l’été 1930, ce cabinet gouverne par décrets émis par le président du Reich, le vieux maréchal Paul Von Hindenburg. Les gouvernements se succèdent, impuissants à résoudre la crise, tandis que les partis d’opposition progressent.
Les violences s’accentuent lors de nouvelles élections en 1932. Il s’avère désormais de plus en plus difficile pour le gouvernement de manœuvrer entre ces deux extrêmes, et un glissement de la démocratie parlementaire vers un régime présidentiel s’opère alors. En effet, la Constitution de Weimar prévoit la possibilité d’un renforcement du pouvoir présidentiel en cas de menace de la démocratie dans les articles 48, 25 et 53.
Hindenburg dissout le gouvernement social-démocrate et nomme le chancelier Franz Von Papen, qui proclame l’Etat d’exception à Berlin. L’armée contrôle la ville. Quelques jours après, le parti nazi devance de quelques voix les autres formations politiques.
Il est à noter, par ailleurs, que depuis l’instauration d’un système de décrets pris par le président de l’Empire, le Reichstag dispose de moins de compétences comme organe législatif que dans la monarchie constitutionnelle de l’Empire. Cet affaiblissement du Parlement représente une large exclusion des électeurs et favorise l’essor des forces antiparlementaires de droite et de gauche. Ce sont les nazis qui profitent le plus de cette évolution.
Depuis que les sociaux-démocrates soutiennent Brüning, Hitler peut présenter son mouvement comme étant la seule véritable alternative populaire à tous les types de « marxisme », qu’il soit bolchevique ou réformiste. Hitler profite ainsi largement de la démocratisation asynchrone de l’Allemagne, avec un parlementarisme tardif et un droit de vote démocratique précoce.
Par ailleurs, la dépression mondiale qui frappe l’Allemagne dès 1929 précipite la chute de la République de Weimar. Le chômage qui explose, les anciennes rancœurs nées de la défaite de 1918 et qu’Hitler sait mettre à vif, la violence habilement instillée par ses groupes paramilitaires, tout cela contribue à la foudroyante ascension du parti nazi. En d’autres termes, en Allemagne, la crise a eu des conséquences politiques dramatiques. Les Allemands sont désemparés, la misère et la peur de l’avenir les poussent à voter de plus en plus pour les partis extrémistes qui proposent des mesures radicales : le parti communiste se renforce régulièrement mais l’essor du parti national-socialiste ou nazi, est beaucoup plus rapide. Le parti nazi accroit ainsi son audience auprès des chômeurs auxquels il promet un retour de la croissance.
Par conséquent, même si Hitler est battu par Hindenburg lors des élections présidentielles de 1932, les nazis obtiennent un tiers des voix aux élections législatives qui suivent.
Le 30 Janvier 1933, Adolf Hitler est désigné chancelier par Hindenburg, sous la pression des conservateurs de droite et des industriels qui veulent un rétablissement de l’ordre et grâce aux voix des classes moyennes particulièrement touchées par le marasme économique. Il s’agit d’un coup de grâce fatal à la démocratie parlementaire d’une République de Weimar déjà fortement ébranlée.
Ainsi donc, parvenu au pouvoir, Hitler instaure un programme social qui séduit : la promesse de travail, la lutte contre le profit et pour une société solidaire. Il formule de grands discours pour impressionner la population : aux ouvriers, il promet du travail, aux paysans la défense de leur propriété.
Mais son programme est fondé sur la vengeance de l’Allemagne qui passe par l’annulation du traité de Versailles. Selon ce dernier, les responsables de tous les malheurs sont avant tout les juifs et les étrangers. Par conséquent, il veut éliminer ceux qu’il rend responsable de la crise : les démocrates, les communistes et les juifs.
Il mène alors une politique d’industrialisation et de militarisation qui permet le retour à l’équilibre mais entraîne l’Europe dans la guerre. «Vous n’avez pas de beurre, a hurlé Goebbels aux Allemands, mais vous avez des canons, et avec des canons vous aurez du beurre !».
En d’autres termes, l’anarchie totale règne en Allemagne. La République est morte. Et ce qui s’est passé pendant 1929 et 1933 n’est rien en comparaison de ce qui va suivre. Avec la fin de la République de Weimar commence le carnage et donc les « années noires ».
Bref, l’Allemagne donne l’illusion de s’être rangée et d’adopter la République. Cependant, sous ses faux airs de stabilité, l’Allemagne connaît des révoltes qui se font grandissantes pour, finalement, aboutir à la fin de la République et au commencement de la gloire du parti national socialisme.
- De graves difficultés économiques
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, la situation économique allemande est catastrophique. Or, la démocratie capitaliste que veut promouvoir la République de Weimar exige une croissante intégration des couches sociales par une participation accrue aux bénéfices du système.
- Une période d’inflation inévitable
Comme les combats de la guerre se sont déroulés principalement sur les territoires des adversaires, ce ne sont pas les destructions matérielles qui ruinent l’économie allemande, mais la vertigineuse inflation qui s’installe dans le pays après la guerre.
- L’Allemagne dans la misère
En effet, les Allemands souffrent de l’après-guerre, les produits de première nécessité viennent à manquer et les villes sont ravagées par les bombardements.
L’Allemagne doit faire face également à un important manque d’or. Cette inflation accélère la dépréciation du Mark dont la dévaluation provoque l’envolée des prix. Dans de telles conditions, les prix et les salaires peuvent alors varier au cours d’une même journée. C’est la raison pour laquelle la misère fait alors son apparition. Les classes moyennes comme les cols blancs, les artisans, les commerçants et les petits industriels s’appauvrissent et font alors chuter la consommation.
En outre, les agriculteurs refusent de vendre le blé ou le bétail pour des Marks sans valeur, pour le plus grand malheur des citadins qui subissent une terrible famine. Par conséquent, l’Allemagne meurt de faim avec des greniers remplis.
Toutefois, certes le peuple allemand est réduit à la misère mais les structures capitalistes ne sont pas atteintes par l’inflation.
Outre cette inflation, les réparations imposées par le traité de Versailles sont également un facteur essentiel de la situation de désastre économique. En effet, sous la pression militaire, l’Allemagne doit accepter un texte qu’elle estime humiliant. Au lieu d’aider la fragile république de Weimar, les Alliés ont contribué par des conditions trop dures à sa perte. En effet, la perte des colonies, la responsabilité morale, pénale et financière, la perte de territoires, l’internationalisation de certaines portions du territoire allemand témoignent d’une volonté systématique et délibérée de punition.
Ainsi, le traité de Versailles condamne l’Allemagne à verser de lourdes réparations de guerre. Mais la situation s’aggrave. La République, n’ayant plus les moyens de payer les réparations, cesse alors tout paiement. En réponse, la France sous la direction de Raymond Poincaré et la Belgique occupent la Ruhr, la région la plus industrialisée de l’Allemagne afin de l’inciter à payer . Les deux pays prennent alors le contrôle des mines et des usines en janvier 1923. L’appel à la grève générale et à la résistance passive pendant 8 mois amène l’économie allemande vers l’effondrement.
- Une crise monétaire sans précédent
Bien qu’en grève, les ouvriers doivent être payés par l’Etat. Pour ce faire, de la monnaie est imprimée en masse, d’où la période d’hyperinflation et d’augmentation de masse monétaire. La valeur du mark décline de 4,2 mark par dollar à 1 000 000 de marks par dollar en août 1923 et passe à 4 200 000 000 000 de marks par dollar le 20 novembre de la même année. Le 1er décembre 1923, une nouvelle devise, le Rentenmark, est créé au taux de 4 200 000 000 000 de marks par dollar.
En d’autres termes, l’interruption des échanges commerciaux, la baisse désastreuse des rentrées fiscales, conséquences de l’occupation de la Ruhr, sont plus que le Mark peut supporter.
Face à une telle situation, la Reichsbank essaie d’intervenir, mais ses réserves sont presque vides. En effet, la situation allemande sous la république de Weimar devient tellement dramatique que l’institut d’émission ne pouvant plus imprimer de nouveaux billets en quantité suffisante, autorise des villes à imprimer de nouveaux billets en attendant la disponibilité des tirages officiels pour faire face à la situation. «Des monnaies secondaires surgissent alors de toute part. C’est le « Notgeld ». Les villes en impriment, puis les villages, puis les industries, puis tout le monde. On voit même des billets portant un dessin des sports d’hiver, une glissade à skis, avec cette légende : ceci est l’image du mark.
Par ailleurs, l’inflation est telle que les prix changent d’heure en heure et que les ouvriers se font payer une voire deux fois par jour pour s’assurer que leur salaire aura encore de la valeur à la sortie du travail. L´inflation atteint son comble. En septembre, un kilo de pain de seigle coûte 3,6 millions de marks, un ticket de tramway 150 000 marks le 22 novembre. L’apparition du troc notamment pour se procurer des produits alimentaires témoigne de la perte de confiance dans la monnaie. A cela s’ajoute la diminution de l’offre sur le marché.
Bref, l’économie allemande souffre visiblement de cette crise monétaire, et ce sont principalement par les prolétaires, les salariés et les petits rentiers qui en font les frais.
- Un fragile redressement économique
Cependant, l’Etat ne réagit pas dès le début pour plusieurs raisons. D’une part, une telle situation profite aux grandes compagnies industrielles allemandes car leur permettant d’alléger leurs dettes auprès des banques et d’exporter plus facilement leur production. En effet, comme le mark perd de la valeur auprès des autres monnaies internationales, les produits allemands deviennent moins chers. D’autre part, cela permet à l’Etat allemand de combler lui aussi ses dettes et de restaurer ainsi l’équilibre budgétaire.
Fort heureusement, la situation commence à s’améliorer à partir de 1924 suite à une renégociation avec les Alliés, à des fonds d’aide américains ainsi qu’à une politique financière plus rigoureuse. Le gouvernement réussit son opération en refusant à plusieurs reprises d’augmenter la masse monétaire, source d’inflation. Afin de poursuivre la stabilisation de l’économie, il diminue les dépenses de l’État et augmente les taxes et les impôts.
Par conséquent, Berlin vit une période faste surnommée « années folles », devient même la plus grande ville industrielle d’Europe et se développe au cours des années vingt en une légendaire métropole culturelle. Certes les années 1924 à 1926, sont souvent considérées comme un âge d’or de la république de Weimar mais ce point de vue est largement contesté par Jean Baechler, un Professeur de sociologie historique à la Sorbonne, qui les considère avant tout comme un « contrepoint des crises qui les précédent et les suivent ».
Toutefois, malgré une relative prospérité, l’Allemagne se trouve dans une situation peu stable. Elle est en effet dépendante de l’extérieur pour deux différentes raisons.
D’abord, elle a un important déficit budgétaire de 6,5 milliards de dollars. De ce fait, importer des capitaux étrangers pour investir dans l’industrie nationale lui est indispensable. De plus, environ 40 % de ces capitaux sont des prêts à court terme aux banques allemandes alors que ces dernières les investissent ensuite dans l’industrie nationale sous forme de crédits à long terme. Si le prêt des capitaux étrangers n’est pas renouvelé, les banques se trouvent donc dans l’impossibilité de rembourser leurs dettes. De plus, la situation économique allemande est restée fragile malgré les crédits américains, sans doute du fait des tensions sociales qui conduisent à des salaires élevés, et de la faiblesse d’un marché financier encore affecté par l’hyperinflation.
Par ailleurs, même si la balance commerciale est déficitaire, l’Allemagne exporte, ce qui la rend dépendante de la conjoncture internationale. Par conséquent, si le commerce mondial diminue, l’économie allemande en souffre.
Cependant, l’économie allemande connaît une nouvelle fois d’énormes difficultés économiques jusqu’à plonger dans la récession en 1927. En effet, avec la baisse de la production et des prix dans l’industrie et dans l’agriculture, l’Etat voit ses recettes diminuer due à la baisse de l’activité et donc à la diminution des prélèvements fiscaux. Comme conséquence logique de la surproduction des années 1920, la production industrielle et agricole s’effondre. Des stocks entiers de blé sur pied et de voitures invendues sont détruits. Bref, dans le domaine industriel, l’effondrement des exportations et des importations provoqua celui de la production.
Toutefois, l’économie allemande inspire encore confiance aux prêteurs. La situation financière est aggravée par le recul des prêts américains qui ont lieu à la mi-1928. Le gouvernement allemand renforce alors sa politique d’austérité dans l’espoir d’obtenir une réduction des réparations, ce qui aggrave la crise.
- La crise de 1929, un évènement fatal à la République
Cette soi-disant courte période de prospérité prend inévitablement fin avec la crise économique de 1929, qui d’ailleurs fait ressortir toutes les faiblesses de cette économie. Les conflits politiques ont, en effet, créé un contexte économique d’une grande fragilité dans lequel la moindre étincelle peut déclencher une crise grave. Cette année-là, la crise économique mondiale atteint Berlin après avoir vu le jour aux Etats-Unis.
- Une crise mondiale qui n’épargne pas l’Allemagne
Il est évident que les pays dont la croissance a été dépendante des investissements étrangers tel que l’Allemagne sont les premiers touchés.
En effet, alors que les banques américaines et allemandes sont, comme tous les opérateurs boursiers jouant avec les capitaux, puissantes sur le marché international, leurs déboires vont déstabiliser l’ensemble des puissances économiques. Au fait, la circulation des capitaux est devenue de plus en plus autonome vis-à-vis des productions et des échanges de marchandises : l’excès de spéculation boursière et l’irrationalité des comportements des agents de bourse ont accéléré le rythme de circulation de l’argent indépendamment des opérations économiques. C’est ainsi que la valeur totale des actions cotées à Wall Street, la bourse de New York, s’est accrue de 250% entre janvier 1925 et janvier 1929, donnant l’impression d’une prospérité décennale. Quant aux crédits bancaires américains, ils sont passés de 550 à 6 640 millions de dollars entre le 31 décembre 1924 et le 4 octobre 1929.
Mais, lorsque personne ne veut racheter les titres dont la valeur s’écroule, les cours s’effondrent davantage, provoquant à la fois une fragilisation du système de crédit net et de l’épargne. Or, en retirant leurs avoirs, les déposants accélèrent la panique générale.
Certes la crise financière a des racines multiples en Allemagne, mais elle n’a pris de l’ampleur que du fait de l’absence de coopération internationale. Une des sources majeures de sa transmission internationale se trouve paradoxalement dans le plan Young lui-même : en effet, à titre de compensation de la baisse du montant dû par l’Allemagne au titre des réparations, le plan inverse la hiérarchie entre les réparations et les autres dettes de l’Allemagne. Alors qu’auparavant les créanciers internationaux ont pu prêter à l’Allemagne sans risque important tandis que l’Allemagne a eu intérêt à s’endetter au maximum, ces créanciers encourent désormais des risques considérables. Non seulement il est devenu dangereux de prêter davantage, mais le niveau de la dette existante est désormais considéré comme excessif. Par conséquent, les banques étrangères, notamment américaines, tentent alors de retirer leurs capitaux engagés en Allemagne. Les banques américaines perdent effectivement des actions à la bourse et rapatrient les capitaux de l’Europe, ce qui prive rapidement les entreprises allemandes de crédit.
Par ailleurs, la crise de 1929 se manifeste aussi par une crise commerciale. Les débouchés extérieurs de l’Allemagne, se retrouvent limités par la récession internationale et la contraction du commerce mondial. L’affaiblissement du commerce international se répercute sur le niveau des exportations allemandes qui baissent de 25 % en volume de 1929 à 1932. La Bourse allemande s’effondre alors et la production industrielle chute de 20 %. Et même la plus importante banque autrichienne, le Kredit Anstalt, fait faillite. En outre, les réserves d’or de la Reichsbank fondent et par conséquent, le krach bancaire se produit le 13 juillet 1931. Les banques subissent des pertes, une immobilisation de leurs créances et une perte de confiance de leurs clients ce qui conduit a une importante crise bancaire.
De ce fait, le gouvernement allemand doit faire face à une situation de panique bancaire, car les Allemands, n’ayant plus confiance dans les institutions bancaires qui sont au bord de la faillite, se ruent vers les banques pour opérer des retraits massifs.
En tout, la ville subit 664 faillites. Cette crise sans précédent a des répercussions désastreuses en Allemagne, dont l’économie dépend étroitement des États-Unis ; on assiste à une montée fulgurante du chômage, qui prit des proportions inquiétantes. En 1929, le nombre des chômeurs s´élève à 1,5 million. De nombreux chômeurs décident alors de s’engager dans des organisations extrémistes nazies ou communistes, qui leur faisaient miroiter la perspective d’un régime fort, capable d’apporter une réponse à leurs problèmes. Mais jusqu’en décembre 1932, le nombre des chômeurs passe à 6 millions soit plus de 25% de la population active, alimentant la désillusion et la colère de la population.
En conséquence, toute l’Europe est en difficulté économique ce qui lui amène à une résurgence des nations et de l’intérêt à court terme. Les mesures protectionnistes se multiplient et les frontières se ferment aux marchandises puis elles se ferment aux hommes.
- Un gouvernement en action
Désorienté par la crise économique, le gouvernement allemand hésite beaucoup sur les solutions à apporter. Cette situation favorise les partis extrémistes en particulier le parti nazi qui progresse aux élections.
Mais finalement, face à ces difficultés, le gouvernement opte alors pour une politique de déflation et de restauration de l’équilibre budgétaire.
Pour ce faire, en mars 1930, le gouvernement décide d’augmenter les impôts sur les entreprises, ce qui déplaît au patronat puis, en septembre 1931, il baisse les salaires dans la fonction publique tout en réduisant les allocations chômage et les prestations sociales. Par ailleurs, il décide de limiter les importations afin de limiter l’endettement extérieur.
Parallèlement à ces mesures, le paiement des réparations prennent fin. Mais malgré la fin officielle des réparations du 16 juin 1932 à la conférence de Lausanne et la politique de déflation du chancelier Brüning, les conséquences économiques et sociales furent dramatiques. Il est à noter que la notion de déflation correspond à une conjoncture économique dans laquelle la demande se contracte par rapport au volume de biens et de services produits, provoquant ainsi une baisse des prix et des revenus. De ce fait, le cercle vicieux de la déflation bloque tout espoir d’une sortie rapide de la crise.
Galbraith, un économiste américain, écrit alors dans son livre sur « la monnaie » que la politique allemande est à cette époque une politique keynésienne complète avant l’heure. La doctrine de Keynes est en effet qu’il faut rétablir par une politique d’investissement public l’équilibre perdu entre épargne et investissement. D’où la création du réseau d’autoroutes allemand.
Toutefois, cette politique économique du gouvernement échoue et mécontente tous les citoyens.
Une telle situation économique ne fait qu’accentuer les difficultés politiques. L’instabilité gouvernementale aboutit alors à une crise du régime en 1930, lorsque les partis extrémistes gagnent des voix aux élections. Cela s’accentue aux élections de 1932. Ainsi, le 30 janvier 1933, Hitler, soutenu par les grands industriels qui souhaitent un régime stable et fort face au communisme, est nommé chancelier par le président Hindenburg.
Bref, par ses répercussions économiques (baisse des prix, faillite de nombreuses entreprises, réduction de la consommation, crise de surproduction, effondrement des monnaies et développement du chômage) et ses conséquences politiques (disparition des régimes politiques fragiles, comme la République de Weimar, et montée des dictatures et des régimes autoritaires), la crise financière et économique de 1929 est un événement considérable de l’entre-deux-guerres.
En guise de conclusion partielle, lors des premières années, c’est-à dire de 1919 à 1923, le gouvernement a du lutter contre des révoltes de gauche et de droite et contre l’hyperinflation en 1923. Cependant, bien que les années suivantes, la condition de l’Allemagne se soit améliorée avec la remise des paiements à effectuer en tant que réparation pour la guerre et l’amélioration des relations avec ses anciens ennemis, cette période de sérénité ne dure guère. En effet, une succession de gouvernements de coalition rétablit un ordre et une prospérité relative jusqu’à ce que survienne la crise de 1929. La survenue de cette crise économique combinée avec le souvenir de l’hyperinflation et les oppositions nationalistes luttant contre les conditions draconiennes du traité de Versailles ont détruit peu à peu le gouvernement de l’intérieur et de l’extérieur. Adolf Hitler et son parti nazi insistent sur ces difficultés et sur le chômage grandissant en promettant de redonner du travail aux chômeurs ainsi qu’en blâmant les juifs d’en être la principale cause.
- Les écrivains allemands, témoins du chaos berlinois et des problèmes à venir
Dès août 1914, la guerre devient une source d’inspiration pour les Allemands, qui envoient aux journaux des centaines de milliers de poèmes à forte connotation patriotique. Cette « mobilisation poétique » spontanée s’accompagne de l’engagement volontaire dans l’armée de nombreux écrivains. Tout au long du conflit se développe alors une littérature de guerre qui trouve sa source dans les expériences personnelles des combattants.
Après la défaite de 1918, l’intérêt pour ce type de littérature faiblit nettement. Cependant, il n’a pas tout à fait disparu. Pendant les premières années de la République de Weimar, les interprétations littéraires de la Grande Guerre s’affrontent violemment. La littérature pacifiste, proposant une vision utopique d’entente retrouvée entre les peuples et de paix perpétuelle, qui plonge ses racines dans les premières tentatives des temps de guerre, se développe, profitant de la fin du régime de censure militaire. Par contre, les auteurs nationalistes, pour qui « la guerre ne serait pas terminée avant d’être gagnée », selon une expression d’Ernst Von Salomon, ne désarment pas.
Ainsi, Ernst Jünger, Franz Schauwecker, Erich Edwin Dwinger publient leurs récits de guerre au cours des années 20. L’intérêt pour ce type de littérature, en même temps que l’intensité de la polémique, prend de l’ampleur avec la sortie du roman A l’Ouest rien de nouveau qui ouvre à partir de 1928 une seconde phase de parution de livres de guerre, dominée cette fois par le genre romanesque. Le succès allemand puis rapidement européen et mondial de ce livre a pour effet une multiplication des parutions de romans de guerre au tournant des années 30, comme par exemple Quatre de l’infanterie en 1929 d’Ernst Johannsen ou encore Guerre la même année de Ludwig Renn. Mais, à la même époque, une littérature de guerre d’inspiration nationaliste et nazie trouve également sa place en librairie. C’est même elle qui quantitativement triomphe. Selon le spécialiste américain Donald Day Richards, les ouvrages pacifistes représente seulement 12% des livres de guerre vendus en Allemagne de 1919 à 1939.
En outre, décrivant la période berlinoise de l’après-guerre, le roman intitulé Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin est paru en 1929, sans doute celui qui relate le plus le chaos berlinois de l’époque.
- Biographie d’ Alfred Döblin
Mais qui est Alfred Döblin?
Né à Stettin en 1878 de parents commerçants israélites, Alfred Döblin poursuit des études de médecine orientées vers la neurologie et la psychiatrie. Il exerce principalement à Berlin où il s’installe jusqu’à son départ définitif en 1933. Parallèlement, Alfred Döblin s’est engagé dans le mouvement issu de la révolution spartakiste de 1919 et surtout il participe à l’effervescence culturelle et artistique de l’Allemagne dans les premières années du XXème siècle. Il est un des co-fondateurs de la revue Der Sturm en 1910 qui lance l’expressionnisme comme courant artistique majeur et entame dès lors une carrière littéraire. Son premier roman Wang loun date de 1915. Rompant avec l’esthétique classique du roman imprégné de psychologie, Döblin veut créer un art typiquement expressionniste. C’est dans son chef-d’œuvre Berlin Alexanderplatz publié en 1929 qu’il atteint une sorte de perfection. Ce roman relate la tentative de réinsertion sociale d’un repris de justice, Franz Biberkopf, dans l’univers à la fois dangereux et fascinant d’une grande ville, Berlin. Mais, plus que le récit des faits et gestes d’un « héros », Berlin Alexanderplatz est le roman polyphonique d’une ville, construit comme un montage qui assemble monologues intérieurs, slogans publicitaires, documents officiels, chansons, etc… Ce livre consacre Alfred Döblin comme un des meilleurs écrivains allemands de sa génération. Il finit comme beaucoup d’œuvres de cette époque dans les autodafés nazis qui se multiplient à partir de 1931 et 1932. Très proche du petit peuple berlinois, engagé au côté des socialistes, juif de surcroît, Alfred Döblin doit fuir son pays à l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Commence pour lui et sa famille, une vie d’errance propre aux exilés allemands. D’abord à Paris où il acquiert la nationalité française mais qu’il doit fuir en 1939 puis en Espagne, au Portugal et enfin aux États-Unis. Après la guerre, il revient en Allemagne mais dans cette nouvelle société, il ne se sent guère à l’aise. Après quelques années passées à Paris, il retourne en Forêt-Noire où il meurt en 1957. La majeure partie de son œuvre a été écrite pendant la période berlinoise.
- Particularités des œuvres d’ Alfred Döblin
En quoi ses œuvres sont-elles spécifiques ?
Établi dans le secteur de Berlin-Lichtenberg, Alfred Döblin est le témoin oculaire des combats de mars 1919 à Berlin, dont il fera plus tard le sujet de son roman Novembre 1918. Au cours de sa période berlinoise, Döblin rédige de nombreux articles à propos de pièces de théâtre ou de films, mais aussi sur la vie dans les rues de la capitale offrant une image saisissante de la vie quotidienne dans le Berlin de la République de Weimar. Il rédige entre autres pour le quotidien en langue allemande Prager Tagblatt.
En outre, dans ses textes politiques de cette époque, Döblin critique le parti socialiste allemand ou SPD pour sa collaboration avec le président Paul Von Hindenburg, se positionnant ainsi plus à gauche.
Mais l’œuvre la plus connue d’Alfred Döblin est Berlin Alexanderplatz, daté de 1929. Dans cette œuvre, Döblin décrit les bas-fonds du Berlin des années 1925 à 1930. Ce récit résolument moderne est composé de références bibliques et mythologiques, de collages d’extraits de journaux et mêle la tragédie à la drôlerie populaire, dans une cacophonie et un effrayant chaos. Ce chef-d’œuvre de la littérature allemande s’articule autour de la place Alexander à Berlin, d’où son nom.
Dépeignant la pègre berlinoise des années 1920, il devient la cible des autodafés nazis.
- Le chaos berlinois dépeint dans « Berlin Alexanderplatz »
Que relate donc l’œuvre Berlin Alexanderplatz ?
A première vue, il s’agit de l’histoire de Franz Biberkopf, comme indiqué en sous-titre et dont la biographie est résumée en liminaire par l’auteur-même : un ancien débardeur et cimentier qui retourne à Berlin sur les lieux de ses ennuis d’autrefois aussitôt libéré de prison.
En effet, Franz Biberkopf, ancien souteneur condamné pour avoir tué sa compagne, sort de la prison après quatre ans de peine. Se réadaptant à la liberté, il se promet de rester honnête. Franz s’essaie alors au commerce et finit par se fixer dans la vente de journaux puis par faire le porte à porte pour toutes sortes d’articles. Il se vante d’avoir ainsi séduit une veuve, mais mal lui en prend : Lüders, l’une de ses connaissances, se rend chez celle-ci pour y voler, notamment les marchandises que Franz y a laissé. Choqué, Franz disparaît. Il se terre chez lui, dans le Berlin du peuple et de la pègre. Berlin est ici décrit comme un abattoir et une ville où les cambriolages font partie de la vie quotidienne. Biberkopf a alors repris la vente de journaux sur l’Alexanderplatz où il sympathise avec Reinhold, un séducteur taciturne. Franz, intéressé par le commerce de fruits d’un groupe, accepte de rentrer dans celui-ci, avec Reinhold, et se rend compte au dernier moment qu’il s’agit d’une couverture pour du cambriolage. Refusant dès lors de poursuivre, en pleine action, il est précipité hors d’une voiture par Reinhold et laissé pour mort.
Amputé d’un bras après l’événement, Franz est hébergé chez un couple d’amis proches d’avant la prison et rencontre Mimi. Désœuvré, tandis que Mimi se prostitue pour lui, Franz s’intéresse un temps à la politique, à la frayeur de son entourage, mais vite prend ses distances. Il retrouve Reinhold, sans idée de se venger : au contraire, Franz croit pouvoir tenir son serment d’honnêteté, et prouver par là sa force à son agresseur, qu’il considère toujours comme un ami.
Franz Biberkopf décide d’intégrer la bande du commerce de fruits pour participer aux cambriolages et ne plus être souteneur, du moins pas uniquement. Pendant ce temps, Reinhold, forme le projet de séduire Mimi. Il l’attire seule pour une sortie, un soir, hors de la ville, et devant la résistance de la jeune fille, il l’étrangle et l’enterre.
Franz Biberkopf, ne se doutant de rien, croit que Mimi l’a plaqué et tombe dans une grande tristesse. Mais quand Karl vend la mèche et que le cadavre de Mimi est découvert, Franz est arrêté et tombe dans la démence. Reinhold, lui, s’enfuit et change d’identité, mais est tout de même emprisonné pour les larcins commis par son prête-nom. Condamné pour le meurtre de Mimi, Reinhold voit dans le même temps Franz innocenté. Franz Biberkopf bénéficie enfin d’assistance : on lui confie un poste de concierge suppléant dans une usine. Il peut enfin devenir innocent.
Bref, ce roman décrit les coups bas crapuleux de Berlin dans les années 1925 à 1930 mais aussi l’impossibilité pour un homme de rester honnête et droit. Franz Biberkopf apparaît comme un repenti qui veut rester honnête ; cependant l’histoire va démontrer tout le contraire.
Ce roman est également un monument unique de la littérature mondiale. Il capte les bruits de la ville, plonge le lecteur dans la vie du petit peuple des prostituées et des malfrats, le sentir les fracas d’une métropole qui happe ses habitants et broie ceux qui se perdent dans sa nuit. Il s’agit d’une œuvre qui fait plonger dans les vertiges du Berlin des années 1920.
- Particularités de « Berlin Alexanderplatz »
Quelle est la spécificité de l’œuvre Berlin Alexanderplatz ?
Alfred Döblin utilise premièrement dans ce roman un procédé de «collage», c’est-à-dire qu’il va insérer dans son texte des poèmes, des chants patriotiques allemands de l’époque, des références bibliques, des extraits de journaux qui produisent la modernité du récit et en même temps modifient toutes les habitudes de lecture.
Souvent les «interventions» de l’auteur tombent comme une sentence et prennent une forme moralisatrice lorsqu’elles portent sur la situation dans laquelle se trouve Biberkopf. Par exemple, la phrase «Il y a un faucheur qui s’appelle la mort. Il tient son pouvoir du Dieu éternel» revient souvent dans l’écriture de Döblin et à la fin l’auteur ne prend même plus la peine de finir sa phrase mais écrit juste «Il y a un faucheur ….». Ce qui a déjà un effet morbide en anticipant sur le sort du héros et installe une certaine complicité avec le lecteur.
En second lieu, Döblin y montre subtilement les pensées de son héros et donne également son avis.
Tantôt c’est Alfred Döblin qui raconte les faits. Il emploie un ton beaucoup plus dur et fataliste comme si on ne peut que s’attendre au sort de Biberkopf. Ce personnage fait figure d’antihéros car il suscite à la fois pitié et répulsion. On a envie de l’aider en effet mais en même temps on se dit qu’il mérite finalement son sort et qu’il est seul maître de son destin.
Tantôt on voit Berlin du point de vue de Franz Biberkopf et c’est là qu’on découvre l’ampleur du personnage mis au point par Döblin. Toujours soumis à l’influence des personnages qui l’entourent, Biberkopf est instable dans son mode de pensée. C’est-à-dire qu’on peut le voir résolu à faire le bien le matin et plein de pulsions meurtrières le soir. Il est même parfois incohérent dans son discours et ses actes.
Ces éléments rendent la lecture difficile dans le sens où Biberkopf n’est pas un personnage simple et qu’il faut s’y accoutumer, mais c’est ce qui fait la particularité de l’œuvre.
Par ailleurs, la question du titre saute aux yeux : pourquoi avoir choisi le nom d’une place pour décrire l’histoire d’un seul homme ? Pourquoi ce lieu et pas un autre?
C’est d’abord un symbole berlinois, la ville en sa misérable majesté, la rumeur des quartiers Est et ses petites gens qui ne sont pas sans rappeler ceux du Seul dans Berlin de Hans Fallada, autre choc littéraire, et surtout la tension entre la construction et la désintégration d’un monde.
Dans le contexte de l’époque, la place Alexandre ou Alexanderplatz et son quartier est un lieu de commerce en plein essor, de corruption. C’est, dans le livre, le premier lieu où Biberkopf se retrouve après sa sortie de prison et donc ce lieu est symbole de son retour dans un monde rempli de vices et de tentations auxquels il va faire face. C’est aussi le nœud des transports en commun et on peut le comparer à une pieuvre qui s’étirerait sur toute la ville, maintenant ainsi la corruption. L’auteur y décrit la vie de ces quartiers, les hommes qui y vivent et leurs vices.
Enfin, on y sent l’âme d’Alfred Döblin à toutes les pages, son énergie créatrice bien sûr, mais surtout sa détresse, sa tristesse, son chagrin, sa souffrance, son désespoir ; car on a rarement vu un écrivain aussi isolé. Ce sont les raisons pour lesquelles il s’est consacré à la chronique du désastre annoncé et des vertiges de Berlin.
Voici quelques citations de Berlin Alexanderplatz, pour finir :
- « Le monde est fait de sucre et de poussière. », dénotant la fragilité du Berlin des années 20.
- « Ca ne sert à rien de finir. On y va, vers la fin. », spécifiant le chaos berlinois.
- « Les femmes ont des bas fins et doivent geler, mais ça fait joli. », pour démontrer qu’il faut bien des sacrifices pour arriver à ses fins.
- Une société moderne qui renforce les inégalités
Certes les années 20 évoquent en premier lieu une modernisation et une révolution culturelle mais ce n’est pas réellement le cas. Elles sont plutôt synonymes de massacres et de crises.
D’abord, l’industrialisation et l’apparition des grandes entreprises, symboles de la modernisation des années 20, entraînent l’augmentation des profits des entreprises qui s’élève à 50% entre 1913 et 1929. Pourtant, les 7 millions d’ouvriers recensés en 1931 ne semblent pas profiter des avantages du mouvement auquel il participe.
En outre, il est vrai que le chômage diminue et que les travailleurs peuvent arrondir leurs fins de mois par des heures supplémentaires permettant une alimentation plus diversifiée et une part plus grande dans les budgets de l’habillement ou des loisirs. Mais dans l’ensemble, les ouvriers voient leur salaire réel diminuer face à l’inflation des prix. De plus, le travail des ouvriers, notamment ceux des grandes entreprises qui représentent 70% des actifs du secondaire s’est dégradé. En effet, les grands patrons qui ont adopté les méthodes américaines ont ajouté dans leurs entreprises un bureau des méthodes chargés d’organiser le travail sans perte de temps et des chronométreurs chargés de vérifier la productivité des ouvriers et dans bien des cas de calculer leur salaire proportionnel à leur rendement. D’ailleurs, ce phénomène d’isolement de l’ouvrier au sein de la grande entreprise et au sein de la société explique la naissance de la conscience de classe ouvrière au cours des années 20.
Par conséquent, les ouvriers, rejetés par les classes moyennes se réunissent à la périphérie des villes, formant des banlieues composées de bicoques ou d’habitats bon marché, ce qui devient alors les banlieues rouges où règne l’insécurité.
Par ailleurs, le peu de mesures sociales qui sont prises au cours des années 20 accentuent les revendications de ces « nouveaux barbares campant aux portes des villes ». En effet, en 1919, la journée de 8 heures est instaurée mais il faut ensuite attendre 1928 et le vote des assurances sociales pour que la condition ouvrière soit défendue, ce qui explique l’affirmation de mouvements syndicaux. Deux syndicats se développent ainsi à coté de la Confédération Générale du Travail (CGT). La Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) qui propose une collaboration entre patronat et ouvriers dans un esprit de fraternité chrétienne, modérée dans ses moyens d’actions. Et à côté de ce syndicat, la création en 1921 de la Confédération Générale du Travail Unitaire (CGTU), l’aile révolutionnaire et communiste de la CGT. Ce nouveau mouvement se distingue par un engagement politique et une action radicale, poussant systématiquement à la grève. Malgré cela, la CGT domine toujours profitant des échecs de ses rivaux, sa nouvelle orientation réformiste lui permettant même de doubler ses effectifs entre 1922 et 1930.
- L’impuissance de la police
D’abord, la crise économique a contribué à un accroissement des actes criminels, le crime organisé, les actifs dans la prostitution, la drogue, le jeu, la pornographie, le vol et les cambriolages qui se développent à grande vitesse. Bien organisés, les gangs fonctionnent souvent au-delà des frontières, compliquant les enquêtes policières. Sous la République de Weimar, il n’existe pas de police nationale. Chaque État de la fédération allemande possède sa propre force et suit une politique distincte de maintien de l’ordre. Le manque de coordination des forces alourdit le travail d’enquête qui peut s’étendre sur plusieurs pays. La police de la République de Weimar n’est donc pas de taille face à ces gangs.
En outre, les crimes de droit commun se multiplient et les crimes politiques atteignent des sommets encore inégalés en cette période de constante instabilité politique. Des milliers de vétérans armés et d’unités paramilitaires émanant de partis politiques de droite comme de gauche, s’affrontent dans des batailles rangées, surtout en 1919 et à partir de 1930. Certaines de ces forces paramilitaires possèdent des armes lourdes et, soutenues par de nombreux partisans, elles l’emportent parfois sur la police. Le crime rampant et les troubles politiques ont fini par amener les forces de police à un point de rupture.
Pourquoi donc une telle faiblesse ?
A cette époque, malgré leur professionnalisme, les policiers ont des difficultés à s’adapter au nouvel ordre démocratique de Weimar. Ils sont frustrés par les restrictions de leur autorité. Certaines affaires criminelles n’aboutissent pas car la police n’a pas réussi à veiller aux droits de l’accusé ou parce que des preuves capitales ont été refusées en raison d’erreurs dans les procédures policières incorrectes. De plus, l’émergence d’une presse libre, très critique des activités de police, exacerbe leur frustration. De ce fait, les policiers développent une mentalité de siège. Ils sont irrités du fait que le public les blâme alors que les limites constitutionnelles et le manque de fonds les empêchent d’agir.
Et pourtant, les policiers de la République de Weimar se considèrent comme des hommes de métier, neutres et serviteurs impartiaux de la loi qui sont censés remplir leur tâche indépendamment de leurs opinions politiques personnelles.
Bref, en sortant de la Première Guerre Mondiale, l’Allemagne est affaiblie et humiliée. Après des soulèvements révolutionnaires systématiquement écrasés, la première démocratie parlementaire de l’histoire allemande est mise en place. Une démocratie qui a du mal à se maintenir et qui ne dure que quatorze ans pendant lesquels règnent contradictions et oppositions d’une extrême violence. L’arrivée au pouvoir des nazis marque sa fin.
ANALYSES
Au terme de notre étude, on peut constater un triple échec de la République de Weimar.
Il s’agit d’un échec social tout d’abord. Ce système implique, en effet, une croissante intégration des couches sociales et une réforme profonde des structures de la société. Or, cette réforme s’avère impossible car les hommes de Weimar se divisent sur les problèmes fondamentaux de la propriété, de la liberté, de la religion.
On a affaire, par ailleurs, à un échec idéologique. En effet, il manque à ce régime une majorité homogène, d’autant plus que se dressent en face de la République deux idéologies structurées et dynamiques : le communisme et le nationalisme.
Enfin, l’échec politique se traduit par le fait que les hommes politiques n’ont su s’abstraire que rarement des considérations partisanes au sens le plus commun du terme.
CONCLUSION
Pour conclure, issue de la défaite et de la révolution de novembre 1918, la République de Weimar n’a jamais pu se dégager d’un si lourd héritage. Jusqu’à sa fin, en 1933, il a pesé sur la vie politique, économique et sociale de l’Allemagne, et restreint les chances de succès. Le régime démocratique était-il condamné dès l’origine du fait de l’absence de révolution sociale et de nationalisation des industries clés, comme l’ont prétendu certains historiens ?
La période finale de la République de Weimar et l’arrivée des nazis au pouvoir suscite des interrogations et des controverses bien plus vives encore : Le régime parlementaire a-t-il été condamné à la paralysie par l’incapacité des partis à trouver une solution à la crise économique et sociale ?
Cependant, la question fondamentale demeure : Comment et pourquoi une expérience de démocratie raisonnée a-t-elle pu aussi lamentablement échouer et dégénérer en un système qui ramène l’humanité en pleine barbarie ? C’est là même l’essence du mystère de Weimar.
BIBLIOGRAPHIE
- Alfred DOBLIN, Berlin Alexanderplatz, trad. Zoya Motchane, Gallimard, 1970
- Charles KINDLEBERGER, La Grande Crise Mondiale 1929-1939, Economica première édition 1973
- Christian BAECHLER, L’Allemagne de Weimar (1919-1933), Librairie Arthème Fayard, Paris, 2007
Nombre de pages du document intégral:30
€24.90