La Protection Sociale en Europe : Vision et Compétences du Conseil de l’Europe et de l’Union Européenne
Plan
Introduction
- Les compétences du Conseil de l’Europe en matière de sécurité sociale
- La compétence par le statut
- La charte sociale européenne
- Le droit à la sécurité sociale
- Le droit à l’assistance sociale et médicale
- Le comité européen des droits sociaux CEDS
- Le code européen de la sécurité sociale
- L’utilisation de la compétence par le Conseil européen
- Les compétences de l’Union européenne en matière de sécurité sociale
- L’aspect social du traité de Rome
- Le principe d’égalité de traitement
- Les autres principes posés par le traité de Rome
- La création du fonds social européen
- L’Acte unique européen
- La Charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs
- L’adoption de la Charte communautaire
- Les compétences de la communauté par la Charte
- Le traité de Lisbonne
- Les droits sociaux reconnus par le traité
- La mise en œuvre de la politique sociale européenne
- La complémentarité du conseil de l’Europe et de l’Union européenne en matière de sécurité sociale
- Le partage des mêmes visions
- Le projet d’adhésion de l’UE à la Charte sociale européenne
Conclusion
Bibliographie
Les textes :
- Traité de Rome, portant constitution de la Communauté Européenne, 25mars 1957.
- Acte unique européen (AUE) portant modification du Traité de Rome, 17 et 28 février 1986.
- Traité de Maastricht (TUE) portant constitution de l’Union Européenne, 7 février 1992
- Traité d’Amsterdam, portant modification du Traité CE et du Traité UE (Traité de Maastricht), 2 octobre 1997.
- Traité de Lisbonne (Traité modificatif) portant modification u traité de Rome, 13 Décembre 2007.
- Code européen de sécurité sociale, 16 avril 1964
- Règlement d’application (CEE) n° 574/72 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.
Les articles :
- Eddy LEE (Bureau international du Travail, Genève.), La Déclaration de Philadelphie: rétrospective et prospective, Revue internationale du Travail, 133, 1994, no 4.
- Caroline de la Porte et Philippe Pochet, « Une stratégie concertée en matière de sécurité sociale au plan européen », Revue belge de sécurité sociale, N°2, juin 2000, pp.471-490.
- Rodière; Droit social de l’Union européenne, 2e éd In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 54 N°4, Octobre-décembre 2002. pp. 1187-1188.
- Christa Kammerhofer, Couverture de sécurité sociale des déplacements transfrontaliers, Fiches techniques sur l’Union européenne, Aout 2008.
Les rapports officiels
- La coordination de la sécurité sociale au Conseil de l’Europe, Vade-mecum, Jason NICKLESS et Helmut SIEDL, novembre 2003.
Ouvrage :
- Ana Gómez Heredero (Service des Politiques sociales, Direction générale Cohésion sociale Conseil de l’Europe), La sécurité sociale comme droit de l’homme, La protection offerte par la Convention européenne des Droits de l’Homme, Éditions du Conseil de l’Europe.
Introduction
L’Europe se veut d’être un modèle dans la protection sociale. Les travailleurs doivent pouvoir exercer leurs droits et l’Europe doit tout faire pour leur attribuer leurs droits. Les dépenses pour la protection sociale représentent au sein de l’Union européenne 30% du PIB, un budget conséquent. Pour cela, une stratégie doit être adoptée pour coordonner le régime de protection sociale dans toute l’Union afin de distribuer équitablement les dépenses mais aussi les acquis.
La protection sociale s’inscrit dans l’objectif et le principe de l’Europe qui est la subsidiarité. Tout est fait pour que les décisions soient prises pour approcher le plus la population de chaque Etat membre de l’Union européenne. Une politique structurée doit alors être mise en place, une politique partagée entre l’autorité supérieure qui est l’Union et chaque Etat membre.
La sécurité sociale a trouvé sa source au XIXème siècle avec l’apparition des grandes manufactures et l’exode rural que cette explosion industrielle avait causée. Les travailleurs de l’époque vivaient dans des conditions très précaires, ils étaient condamnés à vivre dans des habitations et de quartiers misérables. Ils étaient complètement à la merci du patronnât puisqu’ils étaient complètement dépendants de leur salaire. Les salaires étaient leur seul moyen de subsistance.
On retrouve les prémices de la sécurité sociale depuis la révolution française, notamment dans la Déclaration Française des Droit de l’Homme et du citoyen de 1789, qui déclare en son article 2 que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. Et également que Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler (article 21 de ladite déclaration dans la version de 1793.).
Peu à peu, des systèmes d’entraide, entre employés tout d’abord, ont été mis en place. Les épargnes et les mutuelles pouvaient aider les salariés en cas de crise économique, de maladie, ou d’accident de travail. Les employeurs ont également dû participer à cette responsabilité quant à l’entretien qu’ils devaient aux salariés. L’employeur a un devoir d’assistance des travailleurs pour les risques qu’il fait exposer à ses salariés et dont il tire un profit[1]. A l’époque, la responsabilité des employeurs revenaient à mettre en place un système d’assurance mutualiste entre les employeurs.
Le premier système d’assurance sociale avait été adopté par l’Allemagne entre 1883 et 1889. Le chancelier allemand Bismarck avait favorisé la mise en place d’une structure destinée à encadrer toutes les questions touchant la prise en charge des travailleurs. D’autres pays européens ont suivi la même voie en mettant en place une législation spécifique en matière d’accident de travail, de maladie professionnelle. A partir de là, la protection des travailleurs n’a cessé d’évoluer pour arriver à la conception de la sécurité sociale de nos jours.
La sécurité sociale caractérise un ensemble d’efforts destinés à la réparation des conséquences de divers événements qualifiés de « risques sociaux ». La sécurité sociale est constituée de mesures destinées à protéger une personne contre les risques d’atteinte à ses activités. Tout est fait pour garantir et assurer la pérennité du travail de la personne. Le travail quant à lui, est le garant du développement économique de chaque pays. De lui dépend la productivité.
La conception moderne de la sécurité sociale trouve son fondement dans la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 ; Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays (article 22).
Chaque Etat de l’Europe consacre une législation spécifique pour la protection des travailleurs, des maladies, dés accidents du travail. Mais avec les relations qui se tissent entre les pays européens, la protection sociale est devenue une question d’intérêt commun.
Le Conseil de l’Europe[2], par la Convention européenne des droits de l’Homme, affirme cette volonté de consacrer une protection élargie des droits de chaque citoyen, et notamment dans le domaine du travail et des droits du travailleur. L’adhésion au conseil de l’Europe est d’ailleurs considérée comme un gage de la volonté du respect et de l’application de la démocratie, mais aussi des droits inhérents à chaque individu.
Le conseil de l’Europe regroupe 47 Etats européens. Tous les Etats européens sont membres de cette organisation intergouvernementale, hormis la Biélorussie. Les 27 Etats membres de l’Union européenne sont tous membres de cette organisation. Le conseil de l’Europe est d’ailleurs parfois confondu à tort avec l’Union européenne ou le Conseil de l’union européenne.
Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne aspiraient à la même finalité à leur création, éviter toute guerre en Europe. La division de l’Europe a toujours amené à des conflits entre les Etats européens[3], comme le témoignent les guerres successives qui ont ravagé le continent. Mais au-delà de cette préoccupation de préserver l’Europe de l’effet néfaste des guerres, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne aspirent également à une harmonisation des relations entre leurs membres respectifs.
La coopération économique est le premier objectif de l’Union européenne. L’Union européenne a succédé à la communauté européenne. Mais l’Union européenne s’attelle également à créer une Europe de l’emploi, une Europe qui s’occupe des droits des travailleurs afin d’optimiser les rendements économiques tout en assurant un traitement digne et adéquat, équitable, pour tous les travailleurs au sein de la communauté.
En règle générale, le volet social relève de la compétence de chaque Etat membre de l’Union. Néanmoins, la communauté a adopté une stratégie européenne pour l’emploi. Afin d’assurer une bonne coordination en matière d’emploi sur le territoire de l’Union européenne, cette dernière a fixé trois objectifs ; le plein emploi, la qualité et la productivité du travail et la cohésion sociale et l’insertion.
Le conseil de l’Europe et l’Union européenne disposent chacun de la protection sociale. Des mesures sont prises par les deux institutions séparément mais dans le même but étant la mise en place d’une sécurité sociale cohérente et applicable à tous les citoyens européens.
Une rivalité peut être perçue entre les deux institutions, dans tous les domaines, et notamment sur cette question de la cohésion sociale. Si le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont adopté chacun des instruments visant à la protection sociale, ces mesures se complémentent-elles, ou bien divergent-elles ? C’est la question des compétences du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité sociale.
Pour répondre à cette question, nous relaterons successivement les compétences de chaque institution, d’abord celles du Conseil de l’Europe, ensuite celles de l’Union européenne. Nous verrons après les visions des deux institutions pour répondre à la question de la convergence des politiques de sécurité sociale en Europe.
- Les compétences du Conseil de l’Europe en matière de sécurité sociale
Le conseil de l’Europe dispose de plusieurs outils juridiques pour renforcer la protection sociale des travailleurs en Europe. Il s’agit avant tout de la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961. Cette charte a été accompagnée de protocoles additionnels du 5 mai 1988 et du 9 novembre 1995 et son protocole portant amendement du 21 octobre 1991, ainsi que la Charte révisée, du 3 mai 1996. Cette charte constitue la convention fondamentale sur laquelle s’assoit la protection des individus, surtout des travailleurs. Il s’agit de la base de la sécurité sociale du Conseil de l’Europe.
La Charte sociale européenne a été accompagnée de plusieurs protocoles. Notamment le protocole de 1995 qui prévoyait un système de réclamation collective. Ce protocole permettait de saisir le Comité européen des droits sociaux en cas de violation de la Charte sociale européenne.
Les droits fondamentaux que la charte avaient prévu concernaient le logement, la santé, l’éducation et l’emploi, la libre circulation des personnes et la non discrimination ainsi que la protection juridique et sociale.
D’autres instruments ont également été élaborés par le Conseil de l’Europe pour la mise en place d’un système de protection sociale. Il s’agit notamment de la convention européenne des droits de l’Homme, la convention de la sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950.
Si cette convention était destinée largement à la protection des droits civiques et politiques, on peut quand même y retrouver des dispositions en matière de sécurité sociale. Preuve que le conseil de l’Europe considérait la sécurité sociale comme un droit fondamental au même titre que la liberté d’expression par exemple.
Viennent également appuyer cet arsenal juridique de protection sociale le Code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964. Ce code a fait l’objet d’une révision en 1990 mais cette révision n’est pas encore entrée en vigueur. Ce code européen de sécurité sociale a repris les termes même de la convention n°102 de l’Organisation Internationale du travail concernant la norme minimum de sécurité sociale.
D’autres textes et instruments ont également été signés dans le cadre du Conseil de l’Europe. Ce sont notamment Les deux accords intérimaires européens du 11 décembre 1953 l’un concernant les régimes de sécurité sociale relatifs à la vieillesse, à l’invalidité et aux survivants, l’autre les autres régimes de sécurité sociale. Mais il faut remarquer ici que ces deux instruments n’ont pas été ratifiés par la Suisse.
Ces deux accords intérimaires ont été suivis par la convention européenne de sécurité sociale le 11 décembre 1953. Cette convention tend à assurer la coordination entre les législations de sécurité sociale des États parties, elle traite de la législation applicable et réglemente, pour chaque catégorie de prestations, les modalités de la totalisation des périodes d’assurance et de l’égalité de traitement des assurés. Cette convention européenne de la sécurité sociale n’a pas été non plus ratifiée par la Suisse.
Les principaux instruments utilisés par le Conseil de l’Europe en matière de sécurité sociale sont dès lors la Charte sociale européenne et le Code européen de sécurité sociale. Par ces deux instruments se définissent les compétences du Conseil de l’Europe en la matière.
- La compétence par le statut
Le Conseil de l’Europe a pour mission la coordination des systèmes de sécurité sociale dans toute l’Europe. Un comité d’experts est chargé de mettre en œuvre cette coordination par les différents instruments juridiques que nous venons d’énoncer ci-dessus. Ces instruments de coordination n’affectent pas les législations de chaque pays de l’Europe. Ils tendent surtout à l’abrogation de la discrimination entre nationaux et migrants.
La sécurité sociale relève par nature[4] de la compétence de l’Etat. Chaque Etat est souverain dans l’adoption de son régime de sécurité sociale. Ainsi par exemple, les allocations familiales diffèrent selon les Etats. Le mode de calcul du montant des indemnités est tributaire de la loi nationale et est donc différent suivant les droits positifs en vigueur dans l’Etat considéré.
Ainsi, l’indemnité perçue en cas de maladie en France n’est pas la même que celle touchée en Suisse. La sécurité sociale obéit à ce principe de la territorialité.
Mais le conseil de l’Europe tente d’établir un même régime de sécurité sociale sur tout le territoire européen. Tous les instruments édictés par le Conseil ont été établis dans cet objectif. Tous les citoyens européens doivent pouvoir bénéficier d’un même régime de protection sociale.
Les deux accords intérimaires qui ont été adoptés par le Conseil de l’Europe en 1953 ont cette mission de coordonner la sécurité sociale en Europe en essayant d’abolir les frontières et la discrimination entre migrants et nationaux. Les migrants doivent pouvoir bénéficier des mêmes traitements que les nationaux. Le même travail est en effet effectué par ces deux catégories de personnes. Le même traitement doit donc être appliqué.
Mais au-delà de cette simple coordination, la charte sociale européenne est le pendant de la protection des droits civils, civiques et politiques de tous les ressortissants européens. La Charte sociale européenne s’articule autour de la mise en valeur du droit fondamental des personnes au travail, du droit à la sécurité et de l’hygiène du travail, ainsi que le droit à la sécurité sociale et le droit à l’assistance sociale et médicale. La charte sociale européenne est le pilier de la compétence du Conseil de l’Europe en matière sociale avec le code européen de la sécurité sociale.
- La Charte sociale européenne
La Charte sociale européenne a vu le jour le 18 octobre 1961. Si cet instrument ne dispose pas exclusivement de la sécurité sociale, ses dispositions en la matière sont essentielles pour la sécurité sociale, notamment en ses articles 12 et 13 sur le droit à la sécurité sociale et le droit à l’assistance sociale et médicale.
La charte sociale européenne offre également la possibilité de recourir auprès d’un organisme spécialisé pour le respect de la charte, le Comité européen des droits sociaux. Nous verrons successivement alors le droit à la sécurité sociale, le droit à l’assistance sociale et médicale et le Comité européen des droits sociaux.
- Le droit à la sécurité sociale
L’article 12 de la charte sociale européenne oblige tout d’abord les pays contractants à adopter un régime de sécurité sociale. Cet article pose le minima et fixe la couverture du système, les conditions d’admissions aux prestations et les montants. Cet article 12 oblige également les Etats contractants à améliorer progressivement leur régime de sécurité sociale.
L’article 12 instaure un régime uniforme. Il rejette toute discrimination, tant directe qu’indirecte. Le principe adopté est celui de l’égalité, l’égalité de traitement de toutes les personnes, nationales ou étrangères. Cette interdiction de discrimination empêche les pays contractants de l’article 12 d’appliquer des régimes différents pour les nationaux et les étrangers. Le Conseil européen estime que les ressortissants étrangers doivent être protégés dans leur droit. Ils doivent accéder aux mêmes traitements[5].
Le comité européen veille au respect de ce principe de non discrimination. Ainsi, il considère par exemple que le fait pour un Etat d’établir des conditions trop lourdes aux étrangers et réfugiés, notamment sur l’obligation d’avoir eu des enfants sur le territoire du pays d’accueil pour pouvoir prétendre à une allocation familiale, constitue une discrimination indirecte[6]. Mais la charte considère néanmoins les allocations proportionnellement au niveau de vie de l’Etat dans lequel se trouvent ces enfants.
Mais il est admis que les Etats contractants puissent imposer une certaine période minimale avant d’octroyer les bénéfices du régime de protection sociale aux étrangers. Période minimale qui sera analysée par le Comité européen pour trancher de sa proportionnalité. Etude qui sera faite à l’aune de la Charte sociale européenne et des accords intérimaires et qui sera faite au cas par cas. Et le Comité Européen peut évidemment estimer cette période trop longue, auquel cas il peut demander des justifications et argumentations valables auprès de l’Etat concerné.
- Le droit à l’assistance sociale et médicale
L’article 13 de la Charte sociale européenne oblige les parties contractantes à offrir un service d’assistance sociale et médicale à tous les ressortissants, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Une telle assistance doit être octroyée aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour ce faire.
Les paragraphes de l’article 13 disposent que les ressortissants étrangers doivent bénéficier d’une assistance en cas de maladie dans l’Etat d’accueil. Un rapatriement[7] ne peut avoir lieu pour cause de maladie. L’Etat contractant doit prendre en charge toute personne qui en aurait besoin, sans discrimination.
Pour l’assistance sociale et médicale, le même principe doit s’appliquer. Une remarque importante doit être faite sur le fait que l’Article 12 et 13 de la charte sociale ne sont pas assujettis au « principe de réciprocité »[8]. En effet, tous les Etats qui ont ratifié la Charte sociale n’ont pas forcément adhérés aux deux articles qui nous intéressent. Néanmoins, les Etats contractants ne peuvent soulever une quelconque réserve de réciprocité pour soustraire un ressortissant étranger aux bénéfices de la sécurité sociale et de l’assistance sociale et médicale, quand bien même le pays d’origine du ressortissant n’a pas contracté lesdits articles.
- Le Comité européen des droits sociaux
La Charte sociale européenne est un instrument doté d’un mécanisme de contrôle, contrairement aux autres instruments tels que les accords intérimaires. C’est d’ailleurs ce qui en fait un des piliers qui concèdent une compétence au conseil de l’Europe en matière de sécurité sociale. Ce mécanisme de contrôle est assuré par le Comité européen des droits sociaux.
Ce comité est composé de neufs experts élus par le comité des Ministres du conseil de l’Europe. Ces experts sont également assistés par un représentant de l’Organisation Internationale du Travail, OIT.
Un rapport à intervalle régulier doit être dressé par les Etats contractants. Ce rapport national est établi par les autorités internes de chaque pays et transmis aux organisations représentant les travailleurs et les employeurs avant d’être remis au conseil européen des droits sociaux. Le Comité européen doit ensuite se prononcer sur les documents à lui transmis. Le rapport du Comité sera ensuite apporté devant le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe. Il appartient ensuite à ce conseil des Ministres de prendre les mesures nécessaires et formuler des recommandations en cas d’atteinte à la charte sociale européenne.
En 1998, le protocole additionnel est entré en vigueur. Ce protocole offre la possibilité de saisir directement le Comité européen des droits sociaux pour toute atteinte à la Charte sociale européenne. Certaines organisations patronales et syndicales ont ainsi la possibilité de saisir directement le Comité si elles estiment par exemple que les durées imposées par l’Etat contractant sont trop longues par rapport à ce qui devrait être. Le Comité se prononce d’abord sur le bien fondé des réclamations. Si tel est le cas, le Comité saisira le Conseil des Ministres pour suivre la procédure sus citée.
- Le Code européen de la sécurité sociale
L’origine du Code européen de la sécurité sociale remonte en 1949 lors de la première session de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe entre le 10 aout et le 08 septembre 1949. Cette assemblée avait pour mission de débattre du devenir des survivants de la seconde guerre ainsi que de l’amélioration de leur niveau de vie.
Le code européen de la sécurité sociale s’est fortement inspiré des travaux de l’OIT qui a produit la convention n°102 sur la norme minimum en sécurité sociale. Le code européen de la sécurité sociale devait s’inscrire dans le même ordre d’idée que cette convention de l’OIT qui datait de 1952. Cependant, il se d’être plus exigeant encore que cette convention de l’OIT[9].
A ce stade de notre travail, pour une meilleur compréhension, il est important de comprendre un tant soit peu le but de l’OIT afin de mieux appréhender les objectifs du code européen de la sécurité sociale.
La mission principale de l’organisation internationale du travail s’inscrivait dans une mission d’amélioration des conditions de travail[10]. Elle répondait au désir de « d’établir la collaboration la plus complète entre toutes les nations dans le domaine économique, en vue de procurer a tous de meilleures conditions de travail, le progrès économique et la sécurité sociale »[11].
Cependant, il est apparu au conseil de l’Europe que cet objectif n’était pas suffisant pour assurer une réelle sécurité et paix sociale aux ressortissants des pays de l’Europe (preuve était faite de cette insuffisance lors de la Grande dépression de 1929 qui avait engendrée un chômage de masse et une misère[12] aux conséquences dramatiques.
Dès lors, le conseil de l’Europe ne s’est pas contenté de suivre la politique de l’OIT. Et c’est ainsi qu’un protocole portant sur l’établissement d’un niveau minimal de prestation sociale auquel les Etats européens doivent impérativement parvenir a été annexé au Code européen de sécurité sociale qui a été adopté par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 11 mars 1964. Le Code et le Protocole ont été ouverts à la signature le 16 avril 1964 et sont entrés en vigueur le 17 mars 1968.
Il est important de souligner que le code européen ne vise pas directement une unification du droit de la sécurité sociale en Europe. En effet, il laisse le soin à chaque Etat européen de disposer d’un système de protection sociale. Le code tente d’harmoniser le système de sécurité sociale en édictant des normes minimales mais impératives. Afin que chaque individu puisse être assuré de voir ses droits fondamentaux respectés quel que soit le pays dans lequel il se retrouve.
Notons que les Etats peuvent ainsi aller au-delà de ces minima, la finalité du conseil de l’Europe étant la protection du citoyen européen.
- L’utilisation de sa compétence par le conseil de l’Europe :
Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, le but premier du conseil de l’Europe est de « de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leurs progrès économique et social »[13]. Il est donc compétent de connaître et de légiférer pour tout ce qui est question de sécurité sociale dans l’espace économique et juridique européen.
Cette organisation s’est efforcée de mettre en place quelques instruments destinés à parvenir à l’harmonisation des droits nationaux très disparates et souvent contradictoire. Afin qu’il y ait effectivement « union » entre les Etats membre et afin qu’ils respectent les idéaux et les principes qui constituent leur patrimoine commun.
Le conseil de l’Europe dispose ainsi de quelques instruments juridiques destinés à la mise en œuvre de cette compétence. On peut ainsi citer les instruments dits normatifs qui imposent aux Etats d’apporter des modifications à la teneur de leur loi nationale en la matière (le principal étant la Charte sociale Européenne déjà étudiée plus haut, et ses protocoles). Et les instruments destinés à assurer la coordination.
Dans l’ensemble donc, la mise en œuvre de la compétence du Conseil de l’Europe se matérialise par l’élaboration d’instruments juridiques qui visent à encourager le progrès social et à pousser les Etats membres à améliorer leur système de sécurité sociale. Les besoins de protection des droits fondamentaux des ressortissants des pays européens a poussé le Conseil Européen à procéder à des travaux d’harmonisation les charges sociales de chaque Etat membre.
- Les compétences de l’Union européenne en matière de sécurité sociale
L’Union européenne qui a succédé à la Communauté européenne, est avant tout une institution vouée au développement économique du continent européen. Néanmoins, elle n’est pas dépourvue de toute considération d’envergure sociale.
La question de l’Europe revient souvent en ce moment. Une politique est actuellement tournée vers une prise en charge qui se rapprocherait davantage de la population. C’est le principe de la subsidiarité. Les résolutions prises doivent toucher au maximum la population européenne qui doit être l’objectif final.
L’Union européenne trouve sa source en 1957 avec le traité de Rome. A l’opposé de certaines considérations, le plan social n’y est pas totalement exclu même s’il reste très accessoire. Le traité de Rome est le premier instrument de la cohésion sociale au sein de l’Union européenne.
A coté du traité de Rome, d’autres instruments sont utilisés par l‘Union pour arriver à une Europe sociale. C’est le cas de l’Acte unique qui a introduit de nouvelles dispositions prévoyant des clauses minimales en matière de santé et sécurité au travail. Ensuite viennent le Traité de Maastricht qui intègre la promotion d’un niveau d’emploi et de protection sociale élevé parmi les objectifs de la Communauté, le Traité d’Amsterdam: qui renvoie explicitement à la Charte sociale européenne de 1961 et à la Charte des droits sociaux fondamentaux adoptée en 2000. Il ne faut pas non plus oublié instituant l’Union européenne.
- L’aspect social du traité de Rome
- Le principe d’égalité de traitement
Les articles 2[14] et 3[15] du traité de Rome témoignent de cette volonté d’assumer le renforcement et l’amélioration des possibilités d’emploi ainsi que le relèvement du niveau de vie. La libre circulation des biens et des personnes a été accompagnée d’une disposition visant à garantir le droit aux prestations sociales aux migrants. En effet, la libre circulation des personnes, donc des travailleurs, est l’un des principes directeurs qui sou tendaient le marché commun européen. Les articles 48 à 51 du Traité prévoyaient un traitement égalitaire aux travailleurs migrants sur le plan de l’assistance sociale et des prestations sociales.
Un titre III de la troisième partie du traité de Rome a été consacré à la politique sociale. L’article 119 de ce traité précise bien le principe d’égalité de traitement quant à la rémunération. Aucune discrimination reposant sur le sexe ne doit être établie. Les hommes et les femmes qui exercent la même activité ont droit à la même rémunération.
Ce ne sera qu’à partir de 1975 que des progrès sensibles ont pu être senti au sein de la communauté européenne sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes. La commission européenne avait proposé une directive sur l’accès à l’emploi en 1976, ainsi qu’une autre directive en 1979 sur la sécurité sociale. La Cour de justice européenne a pu faire faire prévaloir de ce principe de non discrimination de l’article 119 du traité de Rome dans un procès contre une compagnie belge en 1976[16].
- Les autres principes posés par le traité de Rome
Ces autres principes sont celui du cumul des périodes, de l’interdiction des prestations doubles et le principe de l’exportabilité. Le principe de cumul signifie que les cotisations qu’un ressortissant étranger aurait versées dans son pays d’origine devront être prises en compte dans le pays d’accueil dans le calcul de la durée imposée pour les prestations sociales. Il peut s’agir par exemple des assurances maladies, d’invalidité, de vieillesse ou encore de chômage.
Il est également interdit pour une personne de bénéficier de deux ou plusieurs prestations sociales dans différents pays. Toute personne ayant cotisé pour une assurance sociale ne peut pas les percevoir toutes. C’est le principe de l’interdiction des prestations doubles.
Enfin, le principe d’exportabilité signifie que les prestations sociales peuvent être versées à n’importe quel endroit de la communauté européenne, où que la personne se trouve. Cette vision s’inscrit dans la libre circulation des personnes au sein de la communauté européenne. Les prestations sociales doivent toujours être versées même si la personne a changé de pays.
- La création du fonds social européen
Les articles 123 à 127 du traité avaient institué le fonds social européen. Ce fonds social était destiné à facilité la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs au sein de la communauté. Après l’élargissement de 1973, le fonds européen de développement régional, le FEDER a été mis en place.
Le fonds social européen a pour mission de soutenir la formation et la reconversion professionnelle des travailleurs. Elle tend à favoriser la cohésion sociale dans l’Union européenne.
- L’acte unique européen
Tout comme le traité de Rome, l’acte unique européen ne s’attarde pas majoritairement sur l’aspect social de la Communauté européenne. Celui-ci n’est abordé que de façon incidente pour renforcer la libre circulation des biens et des personnes au sein de la Communauté. La législation sur la sécurité sociale reste l’affaire de chaque Etat.
L’acte unique du 17 et 28 février 1986 a apporté des modifications du traité de Rome. Mais cette modification était encore axée sur l’achèvement de l’intégration économique européenne. Le social ne fait toujours que de figure d’accompagnement[17].
La volonté d’une Europe sociale a été incitée par la Commission Delors[18]. Delors considérait qu’une Europe que la progression économique devait absolument être accompagnée d’une progression sociale. Les deux doivent faire la paire pour mettre en place une Europe forte.
De façon concrète, l’acte unique avait effectué quelques améliorations du traité de Rome. Les articles 118A[19] et 118B[20] avaient introduit des mesures d’harmonisation en matière de santé et de sécurité du travailleur, ainsi que le développement du dialogue entre partenaires sociaux.
Ces mesures étaient jugées largement insuffisantes par certaines parties, surtout les groupes socialistes du parlement européen. D’autres mesures devaient être approfondies pour satisfaire cette demande. La Commission Delors s’est attelé sur cette tache avait d’arriver à la Charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs ainsi qu’au protocole social de Maastricht.
- La Charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs
- L’adoption de la Charte communautaire
La Charte communautaire a été adoptée le 8 décembre 1989 par le Conseil européen de Strasbourg réunissant les chefs de gouvernement et les chefs d’Etat des onze membres de la Communauté européenne. L’adoption de cette charte a été l’impulsion de Delors, Président de la Commission européenne de l’époque.
Il existait néanmoins quelques réticences sur cette charte communautaire. La Grande Bretagne[21] refusait d’adhérer à d’autres prescriptions que celles établies par le traité de Rome et l’Acte unique. La Communauté européenne s’engageait alors dans une avancée à double vitesse. Pour rassurer toutes les parties, la Charte communautaire réaffirmait le principe de subsidiarité tout en laissant la compétence sur la sécurité sociale à chacun des Etats.
Cette charte communautaire s’est inspiré largement de la charte sociale du Conseil de l’Europe ainsi que da la convention n°102 de l’OIT. Pour réaffirmer la compétence réservée aux Etats en matière de sécurité sociale, les prescriptions de la Charte communautaire sont restées très générales, notamment sur la question de L’emploi, rémunération, conditions de vie ou de travail, protection sociale, liberté d’association et négociation collective, enfants, adolescents, personnes âgées et handicapés. La Charte n’a été plus insistante que sur la question de l’abolition de la discrimination reposant sur le sexe en son article 16[22] ainsi que l’égalité des chances en son article 17.
- Les compétences de la Communauté par la Charte
Les britanniques ayant refusé d’adhérer à la Charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs, d’autres accords ont dû être pris entre les onze membres de la Communauté pour pouvoir admettre les autres principes paralysés par la Grande Bretagne. Ce fait a ralenti la compétence de la Communauté dans l’harmonisation de la sécurité sociale en Europe. Ainsi un accord social sur la politique sociale a été adopté par les onze Etat sans la Grande Bretagne.
Trois secteurs ont pu être distingués par cet accord, celui dans lequel le Conseil décide, en coopération avec le Parlement européen, à la majorité qualifiée de la santé et sécurité des travailleurs, des conditions de travail, information et consultation des travailleurs, égalité hommes et femmes, intégration des exclus du marché du travail.
Il y a ensuite le secteur dans lequel le Conseil, après consultation du Parlement européen, décide à l’unanimité : sécurité sociale, protection des travailleurs, licenciement, représentation et défense collective des intérêts des travailleurs, conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers, contributions financières à la création d’emploi.
Il y a enfin un secteur dans lequel le Conseil n’a pas le droit d’intervenir et qui reste de la compétence exclusive des Etats membres : rémunérations, droit syndical, droit de grève et lock-out[23].
En tout état de cause, cette situation est de nature à freiner les ambitions que la Communauté européenne espérait en matière de sécurité sociale. Une tentative d’harmonisation se retrouve avec une avancée à double vitesse.
- Le traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 prolonge la modification apportée au traité de Rome qui a institué la Communauté européenne. Il incarne également la continuité de la volonté d’instaurer une Europe sociale pour accompagner le développement économique du continent européen.
Le traité de Lisbonne renforce la dimension sociale de l’Union européenne. Mais si ce nouveau traité a apporté de nouvelles innovations dans la politique sociale, la mise en œuvre des politiques sociales sont restées l’affaire exclusive de chaque Etat membre de l’Union européenne.
- Les droits sociaux reconnus par le traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne portant traité de l’Union européenne reconnait les objectifs sociaux dans les traités fondateurs. Mais le traité de Lisbonne a tenu a modifié trois articles pour les réaffirmer et les clarifier.
L’article 3 du traité sur l’Union européenne mentionne désormais le plein emploi, le progrès social, la lutte contre l’exclusion sociale et la protection sociale parmi les objectifs de l’Union. L’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise qu’un niveau d’emploi élevé, une protection sociale adéquate et la lutte contre l’exclusion sociale doivent être pris en compte dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de l’Union. L’article 152 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consacre le rôle des partenaires sociaux dans l’Union européenne. Il reconnaît la contribution au dialogue social du sommet tripartite pour la croissance et l’emploi qui réunit les représentants du Conseil, de la Commission et les partenaires sociaux.
La plus grande avancée effectuée par l’Union européenne et le traité de Lisbonne est la reconnaissance de la valeur juridique de la Charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs. Cette charte est devenue la charte européenne des droits fondamentaux. Désormais, cet outil juridique peut être invoqué devant la justice.
- La mise en œuvre de la politique sociale européenne
Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la politique sociale relève désormais d’une compétence partagée entre l’Union européenne et chaque Etat membre de l’Union. Mais toujours par l’affirmation du principe de subsidiarité, la mise en œuvre est effectuée en interne à chaque Etat. Les actions de l’Union européenne sont de compléter celles des Etats membres.
Deux innovations peuvent également relevées, innovations apportées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. D’abord, l’article 48 du traité a innové en instituant le vote à la majorité qualifiée étendu aux mesures relatives aux prestations sociales des travailleurs migrants.
Ensuite, l’article 156 du même traité a institutionnalisé la méthode ouverte de coordination avec la reconnaissance que la Commission puisse prendre des initiatives afin d’encourager la coopération entre les États membres dans le domaine social et faciliter la coordination de leurs actions. Ces initiatives peuvent par exemple prendre la forme d’études ou d’avis en vue d’établir des orientations et des indicateurs et d’organiser l’échange des meilleures pratiques avec l’organisation d’une évaluation périodique.
Il est alors clair que des innovations ont été apportées de la Communauté européenne à l’Union européenne. Les traités sur l’Europe qui se sont succédé ont apporté plus de réflexions sur l’aspect social de l’Europe même si des efforts peuvent encore être entrepris.
- La complémentarité du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne
- Le partage des mêmes visions
Il a toujours existé une certaine rivalité entre les deux institutions que sont le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, et ce dans tous les domaines. Le conseil et l’Union partage pourtant la même ambition qui est de créer une Europe forte et loin de tout conflit et de guerre. La coopération économique a toujours été la finalité des deux institutions.
Les deux institutions reconnaissent également la nécessité d’accompagner le développement économique de l’Europe de la protection sociale des personnes. L’aspect social doit accompagner le développement économique puisque le principe de subsidiarité a pour finalité le bien être des citoyens européens.
En cela, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne partage les mêmes valeurs et les mêmes objectifs. Cette assimilation se retrouve dans les divers instruments adoptés par les deux institutions. Les mêmes principes sont reconnus, notamment le traitement égalitaire pour appuyer la libre circulation des personnes en Europe. Nous pouvons également signaler la volonté d’abolir la discrimination entre hommes et femmes devant l’emploi.
- Le projet d’adhésion de l’UE à la Charte sociale européenne
Depuis quelques temps, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe n’a cessé d’inviter l’Union européenne à s’associer à la Charte sociale européenne et devenir ainsi un membre associé du Conseil de l’Europe.
Cette idée d’adhésion de la Communauté européenne à la Charte sociale européenne a déjà germé depuis 1984, au moment où la Communauté envisageait l’adoption d’une Charte communautaire des droits fondamentaux. Des discussions ont déjà été entamées pour ce faire. L’Acte unique qui a vu le jour en 1986 faisait également référence au respect de la convention européenne des droits fondamentaux, mais aussi et surtout le respect des principes édictés par la Charte sociale européenne, la liberté, l’égalité et la justice sociale[24].
Néanmoins, une telle adhésion à la Charte sociale européenne de l’Union européenne n’a pu avoir lieu. Beaucoup craignent en effet de l’existence d’un conflit entre cet outil juridique et l’ordre juridique de l’Union européenne. Pour l’heure, la Charte sociale européenne reste une simple inspiration pour l’Union européenne. Cette dernière préfère encore garder la Charte européenne des droits fondamentaux qui a déjà largement repris les principes de la Charte du Conseil de l’Europe.
Conclusion
L’Europe se veut d’être une Europe sociale. Les démarches que l’Europe a suivies à ses débuts tendaient à une politique axée sur l’économie. Le développement économique restait la priorité de tous. Les institutions, Conseil de l’Europe et la Communauté européenne, tendaient toutes deux à cet objectif qui est de construire une Europe forte économiquement, une Europe qui doit se reconstruire après les ravages causés par les deux guerres qui se sont succédé.
A l’époque de leur création, le volet social a été minimisé par les deux institutions. Mais l’aspect social n’a pas non plus été totalement écarté. La question de la protection sociale des travailleurs accompagnaient les mesures de libéralisation de la circulation en Europe.
Le Conseil de l’Europe disposait de certains outils pour aménager la libre circulation des personnes au sein de l’Europe. Des instruments juridiques ont été adoptés par ce conseil pour accompagner les travailleurs de mesures de protection sociale. Le premier instrument qui caractérise cette volonté de reconnaitre les droits sociaux des travailleurs était la Charte sociale européenne qui a eu un véritable grand succès depuis 1961.
Avec le Code européen de la sécurité sociale, la Charte sociale européenne qui a repris les mêmes termes que les accords intérimaires, forme le socle de la protection des droits sociaux en Europe. Les principes sont affirmés, l’égalité de traitement entre tous les ressortissants où qu’ils se trouvent et où ils travaillent. La protection sociale des travailleurs migrants a dés lors commencé à être assurée.
De son coté, la Communauté européenne s’est également doté d’instrument juridique pour harmoniser le régime de la sécurité sociale en Europe. De façon secondaire certes, l’aspect social de la Communauté européenne se retrouvait déjà dans le traité de Rome l’instituant. Ce traité a fait l’objet de maintes modification pour arriver jusqu’au traité de Lisbonne, le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Au fur et à mesure de cette avancée dans l’histoire, l’Union européenne s’est aperçue de l’importance de la politique sociale qui doit accompagner le développement économique de l’Europe. Des efforts ont été entrepris pour instaurer une Europe sociale.
Un projet avait déjà vu le jour pour associer le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. En effet, partageant les mêmes valeurs et reconnaissant les mêmes principes de liberté, d’égalité et de justice sociale, l’Union européenne devait adhérer à la Charte sociale européenne. Néanmoins, ce projet a toujours été avorté. Des problèmes d’incompatibilité entre ladite charte et l’ordre juridique de l’Union ont souvent été déclarés.
Sur la question initiale que l’on s’est posé au début de ce travail, si le Conseil de l’Europe et l’Union européenne était complémentaire ou non dans le système de sécurité sociale, il est clair que les deux institutions aspirent à la même finalité, la mise en place d’une Europe sociale. Néanmoins, la rivalité sur tous les domaines, jusqu’au système de sécurité sociale, continue à persister. Si apparemment les deux devraient se complémenter, la réalité veut qu’un écart existe toujours.
[1] Droit de la sécurité sociale, Luxembourg 2010, l’employeur doit réparation parce qu’il expose les travailleurs à un risque dans l’exercice d’une activité dont il tire profit
[2] Le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe est fondé par le traité de Londres, qui définit son statut. Le traité a été signé par dix pays fondateurs : la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. Son siège se trouve à Strasbourg où il est installé dans le Palais de l’Europe.
[3] Comte Richard Coudenhove-Kalergi, « Une Europe divisée conduit à la guerre, à l’oppression, à la misère ; une Europe unie à la paix, à la prospérité. »
[4] En effet, la raison d’être de la sécurité sociale, comme nous l’avons déjà affirmé dans l’introduction, est la protection des personnes les plus fragiles socialement parlant. Il s’agit en fait de veiller au bien-être des citoyens d’un Etat, ce dernier est donc le premier responsable en la matière.
[5] L’annexe à la Charte sociale européenne et à la Charte révisée concernant la « Portée de la Charte en ce qui concerne les personnes protégées ». Les annexes disposent également que les réfugiés et les apatrides qui résident légalement sur le territoire de la Partie contractante doivent se voir accorder un traitement aussi favorable que possible.
[6] Cette question revient régulièrement dans les Conclusions du Comité européen depuis le cycle de contrôle XIV
[7] En effet un rapatriement risquerait de compromettre et de mette un terme au travail de la personne concerné. La possibilité d’un rapatriement pour simple cause de maladie mettrait les travailleurs étrangers dans une situation de précarité dont la Charte Sociale ne veut plus.
[8] Le principe de réciprocité, rappelons-le est un principe important du Droit International Public, qui veut que seuls les Etats qui ont ratifiés une convention international ou un traité qui peut se voir appliqué ledit traité. Il s’agit d’une transposition de l’effet relatif du contrat dans le droit des obligations. Ces deux articles constituent une dérogation à cette règle du faite qu’ils représentent une protection pour les travailleurs, une protection de droits qui sont reconnus comme fondamentaux (voir les explications précédentes.)
[9] En 1952, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a demandé aux rédacteurs du Code européen de sécurité sociale de : « se pencher sur la nécessité de rédiger un Protocole stipulant des prestations de sécurité sociale plus étendues auquel les membres qui en ont les moyens puissent adhérer et qui déterminera le niveau des prestations de sécurité sociale auquel tous les États membres s’efforceront de parvenir »
[10] Mais elle s’est vue élargie au lendemain de la grande dépression de 1929. En effet, cette dernière a « illustré de façon dramatique l’influence dominante de la politique économique sur les conditions de travail et, par conséquent, les limites de la législation du travail comme seul moyen d’action » (Eddy LEE (Bureau international du Travail, Genève.), La Déclaration de Philadelphie: rétrospective et prospective, Revue internationale du Travail, vol. 133, 1994, no 4.)
Il est alors apparu nécessaire d’étendre la compétence de l’OIT « aux politiques économiques, nationales et internationales qui touchent l’emploi et le bien-être des travailleurs », « débordant ainsi des frontières étroites de la législation du travail et des conditions de travail » (ibid.)
[11] Eddy LEE (Bureau international du Travail, Genève.), La Déclaration de Philadelphie: rétrospective et prospective, Revue internationale du Travail, vol. 133, 1994, no 4.
[12] Ibid.
[13] Préambule du Traité de Londres, portant constitution du Conseil de l’Europe du 5 mai 1949
[14] Art 2 du traité de Rome, La Communauté a pour mission, par l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des Etats membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les Etats qu’elle réunit.
[15] Art 3, i, du traité de Rome Aux fins énoncées à l’article précédent, l’action de la Communauté comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le présent traité, la création d’un Fonds social européen, en vue d’améliorer les possibilités d’emploi des travailleurs et de contribuer au relèvement de leur niveau de vie
[16] Voir, Jean Louis ARNAUD, L’Europe sociale, historique et état des lieux, Etudes et recherches n°3, juillet 1997, Paris.
[17] Voir Jean Louis ARNAUD, op cit, l’auteur expose une volonté d’inscrire une politique sociale dans la démarche de l’instauration d’une Europe unie avec l’acte unique mais les prescriptions restent des mesures d’accompagnement.
[18] La première Commission Delors, qui avait été choisi comme président en juillet 1984, entra en fonctions en
janvier 1985. Le 15 janvier1985, dans son premier discours devant le Parlement européen, Delors parle de « l’exemplarité sociale et sociétale de l’Europe ».
[19] Art 118 A de l’Acte unique,
1 – Les Etats membres s’attachent à promouvoir l’amélioration notamment du milieu de travail, pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, et se fixent pour objectif l’harmonisation dans le progrès des conditions existant dans ce domaine.
2 – Pour contribuer à la réalisation de l’objectif prévu au paragraphe premier, le Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, en coopération avec le Parlement européen et après consultation du Comité économique et social, arrête par voie de directive les prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des Etats membres.
3 – Les dispositions arrêtées en vertu du présent article ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque Etat membre, de mesures de protection renforcée des conditions de travail compatibles avec le présent traité.
[20] Art 118 B de L’Acte unique, La Commission s’efforce de développer le dialogue entre partenaires sociaux au niveau européen, pouvant déboucher, si ces derniers l’estiment souhaitable, sur des relations conventionnelles.
[21] Delors fera approuver la Charte communautaire le 9 décembre 1989 au Conseil européen de Strasbourg par onze chefs d’Etat et de gouvernement, John Major se refusant à y souscrire pour la Grande-Bretagne
[22] Art 16 de la Charte communautaire, l’égalité de traitement, entre les hommes et les femmes, doit être assurée. L’égalité des chances entre les hommes et les femmes doit être développée.
A cet effet, il convient d’intensifier, partout où cela est nécessaire, les actions pour garantir la mise en œuvre de l’égalité entre hommes et femmes, notamment pour l’accès â l’emploi, la rémunération, les conditions de travail, la protection sociale, l’éducation, la formation professionnelle et l’évolution des carrières.
Il convient également de développer des mesures permettant aux hommes •et aux femmes de concilier leurs obligations professionnelles et familiales
[23] Voir Jean Louis ARNAUD op cit
[24] Voir note du Comité économique et social, Avis sur les aspects sociaux du marché intérieur, 19 novembre 1987,87/C 356/08 JOCE n°536 du 31 décembre 1987, p.31
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