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L’évolution du prêt à intérêt à travers les âges : de l’Antiquité à l’interdiction par l’Eglise

I – Historique du prêt à intérêt avant Calvin

 

Nous allons dans cette première partie étudier l’évolution du prêt à intérêt à travers les âges depuis sa création dans le Proche Orient Ancien jusqu’à son évolution au moyen âge.

 

           1 – 1  La conception du prêt à intérêt et le rapport à l’argent à travers les siècles

 

Nous étudierons ce point dans trois époques.

 

                       1 – 1 – 1 Dans le Proche Orient Ancien et en particulier dans le judaïsme

 

Le prêt à intérêt est inventé en Mésopotamie ; Sumériens, Babyloniens et Egyptiens le pratiquent largement. La législation de Babylonie, en particulier, a intégré cette notion comme le précise Edouard Cuq :

 

« La notion de l’intérêt à Babylone apparaît très clairement dans le mot qui sert à le désigner : Siptu, c’est le croît, l’accroissement d’un capital. Le terme est très général : les Babyloniens ne distinguent pas, comme nous, l’intérêt et le profit. Siptu, c’est l’accroissement qui représente la part du capital dans la production ; c’est aussi celui qui résulte de l’habileté ou de l’activité du possesseur du capital. Le croît se produit quelque soit la nature du capital prêté, grain ou argent. »

 

Si nous prenons, d’une part, l’exemple des semences telles que le blé, on sait que la fertilité du sol dans lequel on l’aura planté, aura une influence sur la quantité de blé récoltée. Bien souvent cette quantité est supérieure à celle qui a été utilisée pour semer.

 

Par conséquent, le prêt de ce type de produit permet à un emprunteur de s’enrichir. Il apparaît ainsi tout à fait normal aux Babyloniens que les prêteurs réclament aux emprunteurs une part de l’accroissement du capital qui avait été procuré initialement.

 

Si d’autre part, nous analysons ce qu’est le prêt d’argent pour les Babyloniens, nous constatons que pour eux l’argent peut engendrer l’argent. Ils ne voient alors aucun inconvénient à ce qu’on puisse tirer un intérêt  de l’argent qu’on a prêté.

 

Ainsi Edouard Cuq dit-il :

 

« Pour eux, l’argent comme le blé est l’instrument du commerce. Or l’essence du commerce est l’accroissement des capitaux….c’est pourquoi le prêt à intérêt a été très anciennement usité en Chaldée, non seulement à l’époque d’Hammurabi, mais même dans la période antérieure. »

 

C’est vers -1750 qu’Hammurabi, souverain babylonien, va réguler dans son fameux code les taux d’intérêt. Ainsi quand il s’agit d’un prêt d’argent, l’intérêt est de l’ordre de 20% alors que si cela concerne un prêt de semences, l’intérêt est de l’ordre de 33%.

 

Ces valeurs peuvent nous paraître élevées  mais selon les spécialistes de cette période, elles sont liées au contexte et se trouvent alors justifiées.

 

Il est à noter par ailleurs, que dans certaines conditions, les taux-limites  fixés par le code d’Hammurabi pouvaient être dépassés. Par exemple, débiteurs et créanciers avaient la possibilité d’évaluer à l’avance le dommage qui serait généré par un paiement du capital qui ne se ferait pas à la date prévue.

 

Examinons à présent quelle était la situation du prêt à intérêt, toujours dans le Proche Orient Ancien, mais plus particulièrement chez les Israélites.

 

On s’aperçoit en parcourant les Ecritures, que l’ascendant et le pouvoir qu’exerçait un créancier sur son débiteur était très fort si ce n’est démesuré.

 

Ainsi peut-on lire en 2 Rois 4,1 :

 

« Une femme d’entre les femmes des fils des prophètes cria à Elisée, en disant : Ton serviteur mon mari est mort, et tu sais que ton serviteur craignait l’Eternel ; or, le créancier est venu pour prendre mes enfants et en faire des esclaves. »

 

En d’autres termes, le créancier réduit à l’état d’esclaves les enfants du débiteur afin d’être remboursé de la dette que celui-ci avait contractée.

 

Par ailleurs, dans un autre contexte, on retrouve une situation qui comporte des similitudes. Le passage se situe en 1 Samuel 22,2 :

 

« Tous ceux qui se trouvaient dans la détresse, qui avaient des créanciers ou qui étaient mécontents, se rassemblèrent auprès de lui (David), et il devint leur chef. Ainsi se joignirent à lui environ quatre cents hommes. »

 

Parmi ces hommes, on comptait ceux qui voulaient échapper à un esclavage potentiel s’ils ne parvenaient pas à rembourser leurs dettes.

 

On comprend que cette pratique de réduction à l’état d’esclave pour non-remboursement de dettes, était plutôt courante à l’époque. C’est certainement à cause de taux d’intérêt prohibitifs que les débiteurs ne parvenaient pas à rembourser et qu’ils étaient contraints à l’esclavage.

 

Afin d’éviter ce genre de situations extrêmes, Dieu a donné dans la Bible , un cadre législatif à la pratique du prêt à intérêt entre Israélites. En effet, il la condamne fermement.

 

On retrouve cet interdit exprimé à trois reprises dans le Pentateuque :

 

– en Deutéronome 23,20-21 :

 

«  Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, intérêt d’argent ou intérêt de nourriture, de toute chose qui se prête à intérêt. Tu pourras tirer un intérêt de l’étranger, mais tu n’en tireras point de ton frère, afin que l’Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays de ont tu vas entrer en possession.»

 

– en Exode 22,24-25 :

 

« Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui est chez toi, tu ne te comporteras pas comme un  prêteur à gages : tu n’exigeras pas de lui un intérêt. S tu prends en gage le manteau de ton prochain tu le lui rendras avant le coucher du soleil »

 

– en Lévitique 25,35-37 :

 

« Si ton frère devient pauvre chez toi et que les ressources lui manquent, tu le soutiendra même si c’est un immigré ou un résident temporaire, afin qu’il puisse vivre chez toi. Tu ne lui prêteras pas ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras pas ta nourriture contre une rente.»

 

Cette question du prêt  se retrouve   dans d’autres catégories de livres de la Bible.

 

C’est ainsi qu’il y est fait mention dans les livres de Sagesse :

 

– en Psaumes 15,5 :

 

« Il n’exige point d’intérêt de son argent, et il n’accepte point de don contre l’innocent.celui qui se conduit ainsi ne chancelle jamais. »

 

– en Psaumes 109,11 :

 

« Que le créancier s’empare de tout ce qui est à lui et que des étrangers pillent le fruit de son travail. »

 

– en Proverbes 28,8 :

 

« Celui qui augment ses biens par l’intérêt et l’usure, les amasse pour celui qui a pitié des pauvres. »

 

…mais aussi dans les livres des Prophètes :

 

– en Ezéchiel 18 ,8-9 :

 

« L’homme qui ne prête pas à intérêt et qui ne tire point d’usure…celui-là est juste, il vivra, dit le Seigneur, l’Eternel. »

 

– en Ezéchiel 18,17 :

 

« Si ce fils…, s’il n’exige ni intérêt ni usure, s’il observe mes ordonnances et suit mes lois,-celui-là ne mourra pas pour l’iniquité de son père ; il vivra. »

 

– en Ezéchiel 22,12 :

 

« Chez toi, l’on reçoit des présents pour répandre le sang ; tu exiges un intérêt et une usure, tu dépouilles ton prochain par la violence, et moi, tu m’oublies, dit le Seigneur, l’Eternel. »

 

Les trois premiers textes, en particulier, montrent de façon explicite que le prêt à intérêt est totalement prohibé entre frères Juifs. Ils ont entre eux un devoir d’entraide lorsqu’un frère se retrouve ans une situation miséreuse ; ils ne doivent en aucun cas s’enrichir à ses dépens ou même l’exploiter.

 

Au contraire, tout doit être prêté de façon gratuite quoi que concerne le prêt.

 

 

Cependant le prêt à intérêt est autorisé lorsqu’il est pratiqué par un Juif vis-à-vis d’un étranger, certainement parce que le devoir d’entraide n’est pas le même qu’à l’égard d’un frère.

 

C’est ainsi, comme le précise Michel Johner, que « les Juifs deviendront plus tard les banquiers du Christianisme ». (Revue Réformée N° 244 – 2007/5 – Octobre 2007 – Tome LVIII – La liberté et l’argent)

 

Au IVème siècle avec le Talmud de Jérusalem et au Vème siècle avec le Talmud de Babylone, les rabbins juifs se sont opposés à l’interdiction que fait la Bible  par une codification en matière de prêt à intérêt et par la mise en place de la notion de prix juste.

En 789, Charlemagne étend aux laïcs l’interdiction du prêt à intérêts en Europe Occidentale. Excepté auprès des juifs, on ne trouve guère de crédit qu’au sein des monastères. Les moines n’hésitent pas alors à contourner l’interdiction d’usure en assortissant leurs prêts d’une garantie foncière ou en prélevant une compensation pour le manque à gagner.

En 1515, le cinquième concile du Latran admet la légitimité du taux d’intérêt prélevé ou accordé par les Monts-de-Piété.

Calvin, réformateur et théologien français (1509 – 1564), a officialisé le prêt à intérêts. Pour lui, rendre l’argent productif signifie pouvoir aider plus de monde.

On se rend compte que la pratique du crédit avec ou sans intérêts est très ancienne. Cette activité a connu de nos jours un développement extraordinaire par une adaptation à toutes les situations de la vie, dont le microcrédit pour les couches défavorisées.

 

 

                       1 – 1 – 2  Dans l’Antiquité avec Aristote

 

Il semblerait que le prêt ait été largement pratiqué dans les sociétés antiques, de façon gratuite. Il n’était alors pas question d’un quelconque intérêt compte tenu de l’équilibre qui existait entre production et consommation dans une économie rurale.

 

Quand prêtait-on?

 

Un propriétaire dont la récolte était excédentaire, se séparait de ce dont il avait en trop pour le céder à un autre propriétaire qui n’avait pas été autant gâté au niveau de sa production.

 

Ceci ne dura qu’un temps puisque l’introduction de la monnaie et l’apparition du grand commerce ne tardèrent pas à modifier les pratiques. En effet, on songea à réclamer un dédommagement car la notion de risque lors d’un prêt apparut.

 

La société grecque n’hésita pas à utiliser le crédit surtout pendant les périodes rudes de guerre, en empruntant directement aux temples. Par ailleurs, le grand commerce ayant fait son apparition aux dépens de l’économie rurale, on instaura des usages financiers nouveaux qui allaient du change de monnaie au foenus nauticum ou prêt maritime en passant par le mutuum ou prêt simple. On pratiquait surtout le prêt de production. Les taux d’intérêt n’étaient pas règlementés, ce qui générait des valeurs hautes d’environ 12%, voire très hautes en période de prospérité allant jusqu’à 33%.

 

La situation latine n’était pas de reste. Son économie, plutôt basée sur l’agriculture, utilisait de façon étendue le prêt de consommation surtout lorsque les paysans risquaient d’être ruinés que ce fût par la guerre ou les intempéries. Les taux pratiqués atteignaient des valeurs prohibitives accentuées par une société divisée en deux classes : la plèbe qui travaillait la terre et le Patriciat qui en était le riche propriétaire.

 

Selon Saint Jérôme, il n’était pas rare de son temps, de prêter à des temps allant jusqu’à 50%. Ainsi Brutus, fils adoptif de Jules César exerça-t-il un prêt à 48% auprès de certaines villes telles que Salamanque.

 

Le prêt à intérêt gangrénait la société  surtout si celle-ci fonctionnait sur une économie agraire de consommation.

 

Il est certain que dans un tel contexte, certains philosophes tels que Platon, Cicéron ou Aristote,

 

ont réagi de façon virulente vis à vis de la pratique du prêt à intérêt.

 

Selon Aristote ( vers 384 – 322 av J.C.), il existait une incompatibilité entre la nature même de l’argent et le prêt à intérêt. En effet, d’après lui, « l’argent n’engendre point l’argent ». C’est la notion d’improductivité ou de stérilité de l’argent comme le rappelle Michel Johner.

Ainsi Aristote écrit-il dans son ouvrage intitulé Politique : « Comme nous l’avons dit, l’art d’acquérir la richesse est de deux espèces : l’une est sa forme mercantile, et l’autre une dépendance de l’économie domestique ; cette dernière forme est nécessaire et louable, tandis que l’autre repose sur l’échange et donne prise à de justes critiques ( car elle n’a rien de naturel, elle est le résultat d’échanges équivalents ) : dans ces conditions, ce que l’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt, parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé à sa création. Car la monnaie a été inventée pour l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même. C’est même là l’origine du mot intérêt [tokos (grec) : enfant, rejeton, revenu de l’argent] : car les êtres engendrés ressemblent à leurs parents, et l’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette dernière façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature ».

 

Il illustre sa pensée par l’exemple d’une paire de chaussures. En effet, de façon naturelle, les chaussures sont faites pour être portées. Un second usage peut être trouvé : celui de les échanger contre un objet ou contre de l’argent, mais ce deuxième usage dépasse l’usage naturel qui est de les utiliser.

 

En ce qui concerne l’argent, sa destination naturelle est d’être échangé et non d’être gardé pour soi. Ainsi, lorsqu’il s’agit de collecter des intérêts en prêtant de l’argent, cela revient à faire produire de l’argent par l’argent, ce qui éloigne la monnaie de son rôle premier, qui est d’être un moyen d’échange. C’est pourquoi, le philosophe condamne vivement l’usure.

 

Enfin Aristote introduit la notion de chrématistique ( de khréma : la monnaie et de atos : la poursuite), « pour décrire la pratique visant à l’accumulation de moyens d’acquisition en général, plus particulièrement de celui qui accumule la monnaie pour elle-même et non en vue d’une fin autre que son plaisir personnel ».

 

 

Si l’on se réfère au sens éthymologique du mot économie (oïkos : maison, et communauté au sens élargi et nomia : norme, règle), on constate que l’économie représente la norme de conduite du bien-être de la communauté. En fait ce que déplore Aristote c’est la recherche de la monnaie pour elle-même, lorsqu’elle devient un but en soi et qu’elle n’est plus juste un moyen d’échange. C’est ce qu’il nomme la mauvaise chrématistique, elle est opposée à une bonne chrématistique qui elle consiste en l’accumulation de moyens d’acquisition limitée aux besoins naturels.

 

 

 1 – 1 – 3 Au début de notre ère et à travers le Nouveau Testament

 

Dans le Nouveau Testament la notion d’interdiction du prêt à intérêt est moins flagrante que dans l’Ancien Testament.

 

 

En effet, dans les versets suivants de l’évangile de Luc, il est fait mention du prêt sans que l’on cite de manière explicite l’intérêt.

 

 

« Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on? Les pêcheurs aussi prêtent aux pêcheurs, afin de recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants ». (Luc 6 : 34-35)

 

 

Alors que l’Ancien Testament exclut le prêt à intérêt entre juifs, il l’autorise pour un juif vis à vis d’un étranger car ce n’est pas un frère. La notion même de fraternité va évoluer avec Jésus car il va en élargir le sens. De ce fait, il fera fléchir la distinction dans le prêt entre le concitoyen et le frère.

 

« Comme vous voulez que les hommes vous traient, traitez-les vous mêmes ».

 

 

L’argent, dans les évangiles, est à maintes reprises citée et on comprend que s’il est utilisé comme un moyen, on ne sera pas condamné.

 

 

Ainsi est-on encouragé à faire fructifier ses talents ou encore à faire un don aux plus démunis.

On peut trouver des origines anciennes dans les mutuelles de crédit agricoles créées en Europe à la fin du XIXè siècle a été repris, puis développé par le professeur d’économie Mohammed YUNUS. Après ses études aux Etats-Unis, YUNUS commence à dispenser des cours d’économie à Chittagong sa ville d’origine au Bangladesh. Lors d’une séance de travaux pratiques d’un cours relatif à l’investissement, il propose à ses étudiants d’interroger les fabricants de tabourets en bambou des plus proches villages. Les 42 paysans interrogés ont besoin de 27 dollars pour développer leur activité. Or, toutes les banques refusent de financer ce trop faible montant à des clients à priori insolvables. YUNUS déclare avoir eu honte de cette situation et prend la résolution de risquer ses fonds en octroyant des prêts à ces paysans. En permettant aux producteurs d’acheter d’avance le bambou sans subir les variations importantes des prix, ils réussissent à créer des emplois et à rembourser intégralement les fonds empruntés auprès de YUNUS.

Le microfinancement ne connaît des succès que depuis les années 90. Auparavant, les programmes de crédits subventionnés ou ciblés ont été parsemés d’échecs cuisants pour les raisons suivantes:

– les institutions prêteuses n’étaient pas financièrement autosuffisantes, donc rapidement décapitalisées ;

– les fonds étaient détournés des populations ciblées ;

– les marchés financiers étaient déformés de telle sorte que l’on assistait à l’effet d’éviction en matière de financement de leurs activités.

C’est en Asie que le microcrédit connaît tout de même le développement le plus important. On y trouve sept (07) des neuf (09) institutions les plus performantes au premier rang desquelles le GRAMEEN BANK. Ce sont aussi des organisations qui consacrent beaucoup d’efforts à la nutrition, la santé, l’alphabétisation et la formation financière.

 

           1 – 2  La prohibition du prêt à intérêt par l’Eglise

 

 

                       1 – 2 – 1  Conception et dogmatique de l’Eglise sur le  prêt à intérêt

 

 

Les Pères de l’Eglise vont avoir fort à faire pour apporter un cadre à l’utilisation et à la pratique du  prêt à intérêt dans un monde où règne particulièrement l’esprit de lucre.

Différentes et successives assemblées concilaires vont déterminer plus précisément le droit canon en s’appuyant sur la critique de la chrématistique d’Aristote : « L’argent n’engendre point l’argent ».

 

 

Cela débute avec le Concile de Nicée au IVème siècle, puis viennent le IIIème concile de Latran en 1179 et le IVème Concile de Lyon en 1274 et enfin le Concile de Vienne en 1311. L’évolution à travers les différents conciles se fait de la manière suivante : au départ, on interdit seulement aux ecclésiastiques le trafic d’argent puis une décrétale de Léon Legrand étendra cette interdiction aux laïcs.

 

Il sera dit au cours d’un des conciles :

 

« … Nous désireux de mettre un frein à cette audace pernicieuse (de l’iniquité de l’usure), nous avons statué….. que tous les pouvoirs des Communautés, Capitaines, recteurs, consuls, juges, conseillers et officiales quelconques qui ont eu la présomption de composer, d’écrire ou d’éditer de semblables statuts d’après lesquels des usures sont payés ou des usures qui ont été payées, ne sont pas restituées s’ils ont agi avec intention, librement et sciemment, qu’ils encourent la sentence d’excommunication… ». Cela pouvait aller jusqu’à la privation de sépulture.

 

La  situation  qui  découla de  ces  nouvelles  lois  qui furent  reconnues  par le  peuple,  fut très particulière pour ne pas dire cocasse.

 

Ainsi les juifs qui s’appuyaient sur le passage de Deutéronome « tu pourras tirer un intérêt de l’étranger » devinrent les principaux banquiers du Vatican au Moyen Âge et usant d’une pratique qui était totalement interdite aux chrétiens. Cependant, en 1394, ils furent bannis par Charles V au profit des Lombards, à qui on autorise au Xvème siècle la pratique de l’usure à des taux pouvant aller jusqu’à 53%.

 

Enfin, c’est en 1513, au cours du Vème concile de Latran, que l’on définira l’usure de la façon suivante : « Il faut entendre par usure le gain et le profit réclamés sans travail, sans dépense ou sans risque, pour l’usage d’une chose qui ne produit pas de fruit ».

La religion musulmane englobe tous les aspects de la vie spirituelle comme de la vie sociale du croyant, instituant des principes aussi bien pour le rapport de l’homme à Dieu qu’en ce qui concerne ses rapports sociaux et notamment les transactions commerciales.

(Al-Inani Hassan, 1981) L’économie de la péninsule arabe du VII ème siècle reposait en effet sur des tribus marchandes vivant dans un environnement hostile. Du fait de leur isolement, elles souffraient le plus souvent d’un manque de liquidités qui favorisait l’usure et la thésaurisation. Les préceptes islamiques visèrent à refréner ces phénomènes sociaux indésirables. Car si les taux d’intérêts appliqués aux négociants se déplaçant de ville en ville étaient trop élevés, cela décourageait le commerce et augmentait considérablement le coût des marchandises. (1)

Sous la perception du Calvin s’est développée alors une économie purement  inspirée de la bible et des autres sources, une économie ni capitaliste, ni communiste, ni même positive, mais par son indépendance, ses caractéristiques, et ses fondements, c’est une véritable structure dotée de tous les produits offerts par les autres économies, qui s’est avérée plus efficace que son homologue orientale du moment que ses services sont basés sur un partage plus équitable des risques et des bénéfices, et qu’elle se veut associer de l’emprunteur entrepreneur et non un simple créancier pesant dans son passif et intéressé seulement par les garanties financière offertes par lui.

Calvin a développé un concept propre a elle qui tire sa spécificité de l’application des règles de droit qui interdisent l’intérêt et ne donne à l’argent aucune valeur propre, c’est-à-dire que si sa circulation ne traduit pas une activité économique réelle, il serait illicite qu’elle rapporte quelque prime que se soit.

Aussi force est de constater que le système bancaire pensé par Calvin diffère, au niveau de sa gestion et de son organisation, des banques conventionnelles.

 

 

1 – 2 – 2  Position de Saint Thomas d’Aquin

 

 

 

Saint Thomas va effectuer une nouvelle distinction tout en s’appuyant sur le droit romain : cela concerne les choses fongibles et les choses non fongibles. Les premières sont détruites par l’usage alors que pour les secondes, on peut en séparer la propriété et l’emploi. C’est le cas par exemple d’une maison.

 

L’Abbé Olivier le résume de la manière suivante :

 

1er : on transmet simplement à autrui une chose en compensation d’une autre chose : c’est le cas de l’achat et de la vente.

 

2ème :on concède l’usage de la chose, à charge de restituer la chose même :

 

  1.          a) l’usage est concédé gratuitement

 

–  en matière fructifiante =  usufruit

 

– en matière non fructifiante = prêt ou commmodat

 

  1.          b) l’usage n’est pas gratuit : une chose non consomptible ( non fongible) = location

 

3ème : on transmet une chose avec l’intention de la recouvrer, mais à fin de conservation et non d’usage : c’est le dépôt ou le gage.

 

 

Saint Thomas va alors plus loin dans la Somme théologique en posant la question suivante : « Est-ce-un pêché de prendre un intérêt pour de l’argent? ». Il apporte la réponse suivante : « Recevoir un intérêt pour de l’argent est  injuste de sa nature, parce qu’alors on vend ce qui n’existe pas, d’où il résulte manifestement une irrégularité dans le contrat, qui est opposé à la justice. Pour rendre cette proposition plus évidente, il faut remarquer qu’il y a des choses dont l’usage équivaut à leur conscription et destruction, comme le pain et le vin. Dans ce cas, on ne peut pas estimer l’usage de la chose à part de la chose elle même… En prêtant ces choses, on en passe le domanine à l’emprunteur. Si quelqu’un voulait vendre d’une part le vin et de l’autre l’usage, il vendrait la même chose deux fois et vendrait une fois ce qui n’existe pas. D’où il pêcherait manifestement contre la justice…. Or l’argent a été inventé pour les échanges et ainsi le principal usage de la monnaie est de servir et de disparaître dans les échanges. Et voilà comment il est de sa nature, illicite de recevoir un prix de l’argent prêté, ce que l’on appelle usure, et comme l’homme est tenu de restituer le bien injustement acquis, il est tenu à la restitution des intérêts ».

 

 

 

Alors dans quelle catégorie placer l’argent?

 

On peut aisément le placer dans celle des biens consomptibles  car c’est un moyen d’échange et non un moyen d’accumulation. Cependant selon Saint Thomas, il existe deux circonstances où l’on peut prétendre à un intérêt lors d’un prêt.

 

Il s’agit pour la première, du cas où il existe un contrat d’association :

 

« Celui qui prête de l’argent, transfère à l’emprunteur la propriété de l’argent, d’où il résulte que celui qui le reçoit à ses risques et périls, demeure obligé de le rendre intégralement. Mais celui qui confie son argent à un marchand ou à un ouvrier, formant avec eux une sorte de société, ne leur transfère pas la propriété de l’argent, mais la garde pour lui, si bien que c’est à ses risques et périls qu’il participe  ainsi, soit au commerce du marchand, soit au travail de l’ouvrier ; il peut donc légitimement, dans ce cas, réclamer comme une chose lui appartenant, une part du bénéfice ».

 

Pour ce qui est de la deuxième circonstance, il s’agit de celle où le prêt lui-même génère un dommage au niveau du prêteur.

 

Voici  différents de dommages que l’on pouvait rencontrer :

 

-le préjudice causé ou damnum emergens

 

-le gain perdu à cause du prêt ou lucrum cessans

 

– le risque de perte de la somme prêtée

 

– la peine conventionnelle : indemnité en cas de non-remboursement de la somme prêtée dans les délais impartis

 

-les frais de gestion du prêt

 

Si l’Eglise admet le principe de la propriété privée, et par voie de conséquence, reconnaît à son détenteur le droit d’épargner et de prêter, droit de la personne humaine qui découle directement du décalogue, on sait qu’elle a condamné le principe de l’intérêt de l’argent, considéré comme un bien fongible, qui se consomme à l’usage. Les Pères de l’Eglise, depuis les temps les plus anciens, ont toujours dénoncé sans équivoque, l’usure rappelait Alain Pilote (Vers Demain 1991) . « Saint Thomas d’Aquin, dans sa « Somme Théologique » (2.2, question 78) résume l’enseignement de l’Eglise sur le prêt à intérêt : « Il est écrit dans le livre de l’Exode (22, 25) : « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu ne l’accableras pas d’intérêts ». Recevoir un intérêt pour l’usage de l’argent prêté est en soi injuste, car c’est faire payer ce qui n’existe pas ; ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice… c’est en quoi consiste l’usure. Et comme l’on est tenu de restituer les biens acquis injustement, de même l’on est tenu de restituer l’argent reçu à titre d’intérêt ».
En fait, la seule fois dans l’Evangile où il est mentionné que Jésus fit usage de violence, c’est justement pour condamner cet intérêt exigé sur l’argent créé, lorsqu’il chassa les changeurs d’argent du temple avec un fouet, et renversa leur table (tel que rapporté dans Saint Mathieu 21, 12-13, et Saint Marc 11, 15-19). Il existait en ce temps là une loi qui stipulait que la dîme ou taxe au temple de Jésuralem devait être payée par une pièce de monnaie spéciale, appelée « demi-shekel du sanctuaire », dont les changeurs d’argent s’étaient justement arrangés pour obtenir le monopole. Il y avait plusieurs sortes de pièces en ce temps là, mais les gens devaient obtenir cette pièce spécifique pour payer leur dime.
De plus, les colombes et les animaux, que les gens devaient acheter pour offrir en sacrifice, ne pouvaient être achetés autrement que par cette monnaie, que les changeurs d’argent échangeaient aux pèlerins, mais moyennant de deux à trois fois sa valeur réelle en temps normal. Jésus renversa leur table et leur dit : « Ma maison est une maison de prière, et vous en avez fait une maison de voleurs ».
F.R. Burch, dans son livre « Money and its true function », commente ainsi ce texte de l’Evangile : « Tant que le Christ limitait son enseignement au domaine de la moralité et de la droiture, il n’était pas dérangé, ce ne fut que lorsqu’il s’attaqua au système économique établi, chassa les profiteurs et renversa les tables des changeurs de monnaie qu’il fut condamné. Le jour suivant, il était questionné, trahi le second, jugé le troisième et crucifié le quatrième jour ».

 

 

                       1 – 2 – 3  La prohibition en pratique

 

 

Concernant   le  commerce  et   l’industrie, on  autorise  le prêt  d’argent  s’il  s’agit  d’un  véritable contrat d’association ou d’exploitation en commun. Cependant on l’interdit en cas de simple prise d’intérêt dans les profits exemptés.

 

C’est à partir du XVème siècle que l’on pourra fonder des banques, des compagnies de commerce   ou des manufactures  et que l’on pourra rémunérer les fonds empruntés. Ceci pourra s’accomplir sur dérogation du roi et de façon très règlementée.

 

 

 

Par ailleurs, en cas d’aliénation des fonds, pour ce qui est de l’immobilier, on autorise l’intérêt des sommes prêtées car cela équivaut au paiement de l’usufruit d’un fond immobilisé par une personne locataire.

 

En dehors de cette situation, l’Eglise condamne le prêt à intérêt car il s’agit alors de crédit  à la consommation.

 

 

L’activité des banques occidentales est basée sur l’intérêt, or l’intérêt est formellement interdit pour des raisons d’égalité et de justice entre les parties contractantes.

Cette interdiction trouve sa source dans la bible, visant à anéantir l’usure, qui conduit inévitablement à l’appauvrissement des pauvres et l’enrichissement des riches du moment que l’emprunteur est un pauvre que le besoin a assujetti aux conditions du riche.

D’autre part l’analyse minutieuse de la prohibition de l’usure, démontre qu’elle veut rétablir un équilibre moral, économique, et social. Il faut noter aussi que la bible ne se limitent guerre à poser l’interdiction, mais ils pénalisent la violation de la prescription, faisant d’elle l’un des grand pêchés sévèrement sanctionné.

La condamnation par l’Eglise du prêt à intérêt déploya ses effets restrictifs pendant des siècles. Elle reposait sur les philosophies morales grecque, romaine et juive, qui considéraient le prélèvement d’un intérêt financier comme une atteinte aux bonnes mœurs. Avec l’appui d’arguments tirés de la Bible, le prélèvement d’un intérêt fut interdit aux religieux en 314/315 et aux laïcs sous le pape Léon Ier le Grand (440-461). Contrairement au droit canon, le droit romain ne connaissait pas la prohibition du prêt à intérêt, il se contentait de fixer des taux maximaux, mais l’interdiction fut intégrée au droit laïque sous Charlemagne. Elle fut renforcée dès le XIIe s. par des décisions conciliaires (Latran, Lyon, Vienne): ceux qui prélevaient des intérêts furent considérés comme des usuriers.

Les prêteurs de capitaux non soumis aux règles de l’Eglise catholique échappaient à cet interdit: juifs surtout, dont la présence est attestée vers 1200 à Genève et Bâle, un peu plus tard à Zurich, à Saint-Gall et dans d’autres villes, mais aussi lombards et cahorsins; tous étaient considérés comme des spécialistes du commerce de l’argent (Change) et du prêt sur gage. L’Ancien Testament interdisait en fait le prêt à intérêt, mais selon le Talmud, cette règle se limitait au prêt entre juifs et ne concernait pas le crédit consenti à des chrétiens. Dès la fin du XIVe s., les villes cessèrent peu à peu de s’adresser aux juifs; quelques-unes ouvrirent un bureau de change public: Lucerne en 1283, Zurich en 1419.

L’interdiction canonique du prêt à intérêt s’opposait en fait à la monétarisation de la vie économique. Les formes de prêt et de crédit acceptées par l’Eglise pouvaient convenir à une société agraire, elles ne répondaient pas aux besoins d’une économie monétaire. Etaient autorisés: le crédit foncier (Droit de gage immobilier), les rentes constituées liées aux biens-fonds, telle la lettre de rente fort répandue en Suisse, les rentes viagères (Prévoyance vieillesse , Assurances), dont le capital revenait au créancier après le décès du rentier, le change et le prêt sur gage, rémunérés par une commission (agio) et non par un intérêt. Officiellement, l’interdiction était intouchable, même si des théologiens et des juristes la critiquèrent dès le XIIIe s. et firent de plus en plus souvent des exceptions. Parmi les réformateurs, Calvin se fit l’avocat de l’intérêt, préconisant un taux modéré de 5%. Le calvinisme ayant légitimé le prêt à intérêt, le crédit se développa sans entraves dans les villes protestantes (le change public de Bâle, en particulier, devint la banque publique la plus importante de Suisse), à une époque où autorités et particuliers ne demandaient qu’à placer les sommes accumulées grâce au service étranger, au commerce et à la protoindustrie. Au demeurant, il n’y avait pas grande différence entre villes protestantes et catholiques, ces dernières faisant preuve de pragmatisme pour contourner l’interdiction. Les bureaux de change et les trésors publics des villes catholiques, tout comme les institutions parallèles des villes protestantes, mirent en place un vaste système de crédit, accordant des prêts à intérêt à l’intérieur du pays, mais surtout à des villes, Etats et princes étrangers. A Lucerne, par exemple, à la fin du XVIIIe s., le volume des créances détenues par les autorités dépassait largement l’ensemble des avoirs liquides de l’Etat. Dans l’ensemble, face à l’excédent de capitaux caractéristique de l’ancienne Confédération, il fallait impérativement créer des occasions de placement. L’Eglise catholique leva son interdiction en 1830, sans toutefois valoriser l’intérêt. L’islam continue à le prohiber.

 La critique du prêt à intérêt dans l’histoire

L’intérêt est la somme que le débiteur paie au créancier en rémunération de l’usage de l’argent prêté. L’usure quant à elle est Intérêt perçu au-delà du taux licite, Délit commis par celui qui prête de l’argent à un taux d’intérêt excessif.

On remarque que dans la pensée orientale, il existe traditionnellement une distinction entre « usure » et « prêt à intérêt », l’usure étant un prêt à un intérêt très fort. Dans la pensée de Calvin  il n’existe aucune distinction entre ces deux termes, en effet elle considère comme usure tout intérêt aussi faible soit il.

Cependant le droit positif Suisse ne considère comme usure que le taux d’intérêt qui excède le taux normal de l’intérêt  « celui qui abuse des besoins, de la faiblesse, d’esprit ou de l’inexpérience d’une autre personne, se fait promettre pour consentir un prêt ou le renouveler à l’échéance, des intérêts ou autres avantages qui excédent notablement le taux normal de l’intérêt et la valeur du service rendu selon les lieux et les circonstances de l’affaire, peut être l’objet de poursuite pénale »

Si la plupart des économistes et des penseurs ont défendu l’utilité de la pratique de l’intérêt, il convient néanmoins de rappeler qu’elle fut également critiquée, de nombreux intellectuels ont de leur côté fustigé l’usure, le prêt à intérêt, en argumentant que celui-ci dissuade l’investissement dans ce qui n’est pas directement et certainement rentable, même si cet investissement a une importance sociale (développement des infrastructures, éducation, etc.)

Ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt […] » Aristote

Dans la Grèce antique, Aristote (384, m.322 av. J.C.) qualifie la pratique du prêt à intérêt de détestable car elle consiste à créer de la monnaie à partir d’elle-même, alors que la monnaie a été créée pour l’échange, non pour se servir elle-même.

– L’économiste et philosophe Adam Smith (1723, m.1790 ap. J.C.) estima pour sa part que par l’usure « le capital est au risque de l’emprunteur qui est comme l’assureur de celui qui prête ». On voit très nettement apparaître ici cette inversion qui amène celui qui a besoin à devenir l’assureur de celui qui a.

– Les penseurs et théoriciens socialistes ont également développé la critique en argumentant que l’usurier (celui qui prête) reçoit des revenus sans fournir aucun travail, ce qui apparaissait à leurs yeux comme une injustice particulière.

Le christianisme  n’est point une exception dans son interdiction de l’usure, la tradition juive condamne également très clairement cette pratique, dans l’ancien testament « que si ton frère vient à s’appauvrir, tu dois le supporter, et ne lui demande ni gain ni intérêt ». Mais ce qui est regrettable ici, c’est que les mains des falsificateurs ont touché l’ancien testament en donnant au mot « frère » dans le verset susvisé la notion de juif seulement.

Pour les traditions chrétiennes, ils étaient initialement très opposée à la pratique de l’intérêt, fondant sa position ferme sur le texte biblique très explicite à ce sujet dont en tire ces notion : faites du bien, et prêtez sans attendre son revenu. or sous l’impulsion de Calvin  (au XVIe siècle) l’autorisation fût donnée aux protestants, et par la suite la pratique se répandit à l’ensemble de la communauté chrétienne, cependant qu’il fallait respecter une limite morale (ne pas pratiquer un taux d’intérêt trop fort).

La bible invoque aux  christianisme l’exemple des juifs : « en raison de l’injustice des juifs, nous leurs avons interdit des biens qui ne l’étaient pas et parce qu’ils se sont écarté de la voie de dieu et qu’ils prenaient l’usure, et qu’ils mangeaient des biens d’autrui par des opération vaines, et nous avons préparé aux infidèles d’entre eux un châtiment douloureux » L’interdiction n’est toujours qu’implicite, l’exemple dans ce verset est donné des juif qui parce qu’ils prenaient de l’usure se sont vu interdire des biens qui ne l’étaient pas avant.

On s’attend à une interdiction explicite qui arrive, en effet la défense explicite est venue en troisième lieu, ainsi l’interdiction ne concerne que l’anatocisme, la capitalisation de l’intérêt, une pratique courante dans la période précédente, où le créancier demandait au débiteur soit de payer ses dettes échues soit d’avoir une prolongation du temps moyennant une augmentation de la dette, et ainsi de suite jusqu’à ce que ça se termine par prendre le débiteur comme esclave.

En fin vint l’interdiction explicite de l’usure, à savoir tous ce qui dépasse le capital prêté quel que soit son montant « Ô croyants ! Craignez Dieu ; et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants. Et si vous ne le faites pas, alors recevez l’annonce d’une guerre de la part de Dieu et de Son messager .Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés »

« Ceux qui mangent [pratiquent] de l’intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé.

Cela, parce qu’ils disent : « Le commerce est tout à fait comme l’intérêt » Alors que Dieu a rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt ».

Ces propos mettent en erreur les affirmations de certains auteurs qui disent que le christianisme  comme le droit positif fait la distinction entre l’usure interdite, et le petit intérêt permis, en se limitant au troisième stade de la législation. Or il y a une unanimité sur la prohibition de l’usure.

En dehors de la bible, en effet, le prophète a institué autour de ce crime une zone limitrophe qu’il a frappée de tabou,en l’assimilant à l’usure proprement dite.

Il s’agit non pas du prêt, mais de certaines modalités de ventes, ou plutôt d’échange :

  • Certains articles ne peuvent s’échanger à crédit, même sans bénéfice.
  • D’autres, sont susceptibles de bénéfices, mais non de crédit.
  • Certains autres peuvent réaliser l’un et l’autre.

Voici l’énoncé des paroles du prophète :

Le prophète  a dit : «or contre or, argent contre argent, orge contre orge, dattes contre dattes, sel contre sel, égalité contre égalité, main à main, celui qui reçoit plus pratique l’usure, qu’il soit donnant ou prenant ».

« Or contre or constitue usure sauf en cas de «tiens tiens » (livraison simultanée), blé contre blé constitue usure, sauf en cas de tiens tiens, dattes contre dattes constitue usure sauf en cas de `’tiens tiens ».

Il s’agit là de deux articles qui ont été énumérés par le prophète et qui sont soit des métaux précieux, soit des produits de consommation.

Quant au blé, à l’orge,  et au sel, Calvin les considèrent comme des exemples de ce qui se pèse par suite ils étendent le caractère usuraire à tout ce qui est susceptible d’être pesé.

 

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