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La responsabilité sans faute : Risques et enjeux pour la sécurité des usagers faibles de la route

Plan

  • La théorie de la responsabilité

 

  • Les fondements de la responsabilité

 

  • La théorie de la faute
  • La théorie du risque
  • La théorie de la garantie

 

  • Les formes de responsabilités

 

  • La responsabilité administrative
  • La responsabilité pénale
  • La responsabilité civile

 

  • La notion de responsabilité sans faute

 

  • Question de terminologie
  • Les fondements de la responsabilité sans faute
    • Une prohibition inflexible qui réprime un résultat nuisible
    • Une causalité factuelle fondée sur les actes positifs et non les omissions
    • Une réduction du nombre et de la portée des moyens de défense

 

  • La responsabilité objective et l’indemnisation de l’usager faible
    • Ce que dit la loi du 21 Novembre 1989
    • Les évolutions juridiques en la matière
    • Les différentes notions soulevées par la loi du 21 novembre 1989
    • La question de l’indemnisation

 

  • Quid de la déresponsabilisation du citoyen dans le cadre de la loi du 21 novembre 1989
    • La responsabilisation du conducteur, déresponsabilisation de l’usager faible
    • La responsabilisation de l’assurance, dérésponsabilisation du conducteur
    • Les positions du législateur
    • Commentaires et critiques

Conclusion

 

 

 

Introduction

En l’an 2000, les statistiques ont rapporté que 3.642 piétons et 6.789 cyclistes ont été victimes d’un accident de la circulation, soit 10.431 usagers dits faibles au total [1]. En moyenne donc 10 piétons et 19 cyclistes sont victimes d’un accident chaque jour. Pourtant du fait de l’absence d’habitacle, ses accidents sont généralement très graves. Au cours de cette même année, les piétons et les cyclistes ont représenté 15 % du nombre de victimes, et pratiquement 19 % des décès sur les routes.

En vue de protéger les usagers faibles, le législateur a décidé d’instaurer le système de responsabilité objective qui repose sur une logique de responsabilité sans faute. Ce système est pourtant assez paradoxal du fait que la notion de responsabilité suppose naturellement l’existence d’une faute. Il soulève également la question de la déresponsabilisation du citoyen du fait que l’obligation de la réparation du dommage revient à l’assureur. Tout cela nous amène à nous interroger sur les risques de dérives associés à cette disposition.

Pour y répondre, cette étude nous conduit à une revue des fondements de la responsabilité et de ses différentes formes et à un essai de définition de la notion de responsabilité sans faute. Cette analyse de la littérature nous sera très utile pour comprendre les concepts et les notions soulevés par la loi du 21 novembre 1989 qui établit le siège du système de responsabilité objective. Dans la troisième partie, nous évoquerons les faits qui peuvent engendrer la déresponsabilisation du citoyen dans le cadre de ce système, et essaieront d’apporter nos commentaires et critiques devant les positions adoptées par le législateur.

 

 

 

 

  • La théorie de la responsabilité

 

La théorie de la responsabilité suppose naturellement une faute. Si cette dernière a été admise depuis longtemps comme fondement de la responsabilité, elle n’en est plus aujourd’hui l’unique base. D’autres théories ont été admises, dont celle du risque et de la garantie. Celles-ci sont acceptées dans toutes les formes de responsabilités, qu’elle soit pénale, administrative ou civile. Elles sont aussi à l’origine de la notion de responsabilité sans faute qui fait le siège d’un système de réparation des préjudices bien particulier.

 

  • Les fondements de la responsabilité

La notion de responsabilité repose initialement sur la théorie de la faute. Les théories du risque et de la garantie n’ont été admises comme fondement de la responsabilité que plus tard.

 

  • La théorie de la faute

La notion de responsabilité repose traditionnellement sur la théorie de la faute. Celle-ci suppose en principe une faute de la part de la personne sur qui pèse la responsabilité. Cette faute peut être définie comme une erreur de conduite, ce qui suppose donc que l’auteur ne pourra être obligé de réparer le dommage s’il n’est pas reconnu coupable de l’avoir causé. L’arrêt de la cour de Cassation du 10 avril 1970, Pas., 1970, I, 682 souligne par ailleurs que la transgression d’une norme de conduite constitue une faute génératrice de responsabilité civile.

Il est possible de distinguer trois principaux régimes de responsabilité selon la forme du fait générateur. Selon l’article 1384, al.1er du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Ce texte établit les bases de la responsabilité du fait personnel, du fait d’autrui, et du fait des choses. Mais quel que soit l’hypothèse, pour qu’il y ait responsable, il faut toujours un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.

 

  • La responsabilité du fait personnel

Les articles 1382 et 1383 du Code civil établissent les fondements de la responsabilité du fait personnel et instaurent le régime de droit commun de la responsabilité délictuelle, selon lequel chacun doit répondre des préjudices causés par ses erreurs, ses omissions ou ses négligences pourvu qu’elles puissent être érigées en faute.

Pour l’appréciation du lien causal, la jurisprudence privilégie le plus souvent la théorie de l’équivalence des conditions qui est une conception large de la causalité, et selon laquelle tout événement sans lequel le dommage n’aurait pas eu lieu est considéré comme causal, en d’autres termes tout événement qui participe à la chaîne causal doit être considéré comme une cause du dommage. Cette théorie détient également la faveur de la Cour de cassation qui confirme que : « Le lien de causalité entre la faute et le dommage suppose que, sans la faute, le dommage n’eût pu se produire tel qu’il s’est réalisé ».

 

  • La responsabilité du fait d’autrui

La responsabilité du fait d’autrui répond à des régimes « particuliers » de responsabilité. Le législateur a institué ces régimes pour faciliter l’obtention de réparation par la victime. En effet, le fardeau de la preuve qui pèse sur le demandeur en est allégé.

La responsabilité du fait d’autrui fait référence à une responsabilité qualifiée de « indirecte » ou « par ricochet ». C’est-à-dire que le responsable désigné ne répond pas des dommages causés de son fait personnel, mais du fait des personnes qu’il avait le pouvoir ou le devoir de surveiller, contrôler ou garder.

La responsabilité des pères et mères (1384, al. 2), la responsabilité des instituteurs et des artisans (1384, al.3), ou encore la responsabilité d’un bâtiment causé par défaut d’entretien ou par le vice de construction (1386 c.c.) sont des exemples de cas de responsabilité du fait d’autrui admises par la jurisprudence.

 

  • La responsabilité du fait des choses

La responsabilité du fait des choses fait référence à la responsabilité du gardien de la chose. Au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil, le gardien est la personne qui, en fait, use, jouit ou conserve la chose pour son propre compte et dispose sur celle-ci d’un pouvoir de surveillance, de contrôle et de direction. Il s’agit donc de la personne qui au moment du dommage pouvait prendre des initiatives à l’égard de la chose, en déterminer le sort, l’entretenir, ou encore pourvoir à sa réparation ou à son remplacement…

La responsabilité du fait des choses soulève également la notion de vice de la chose. En effet, c’est ce dernier qui est le fait générateur de la responsabilité. De ce fait, trois conditions doivent être présentes pour engager la responsabilité du gardien : un vice de la chose, un dommage subi par un tiers, et l’existence d’un lien causal entre les deux.

 

En clair, la théorie de la faute constitue le fondement naturel de la responsabilité. Selon la forme du fait générateur, il est possible de distinguer la responsabilité du fait personnel, de la responsabilité du fait d’autrui, et de la responsabilité du fait des choses. Ce fondement de la responsabilité sur la faute présente néanmoins des limites. La notion de faute est devenue insuffisante face aux changements apportés par les mutations économiques et sociales. Une modernité qui a engendré la multiplication et l’aggravation des dommages[2]. C’est ce qui a fait que plus tard, la théorie du risque, selon laquelle « toute activité qui fonctionne pour autrui fonctionne au risque d’autrui » (responsabilité du fait des choses)[3] a également été admise comme fondement de la responsabilité.

 

 

  • La théorie du risque

L’idée du risque comme fondement de la responsabilité s’est introduite peu à peu, consacré par la loi et soutenue par la jurisprudence.

Deux notions sont identifiées : celle du risque créé supposant que chaque individu doit assumer la responsabilité des risques qu’il a créé, et celle du risque contrepartie du profit, c’est-à-dire que celui qui tire profit de l’activité d’une chose ou personne est obligé d’en supporter en contrepartie la charge de réparer les dommages que cette chose ou personne peut causer à autrui.

Ces deux notions soulèvent la question de causalité dans la détermination de la responsabilité. Elle dépasse ainsi le cercle du problème moral pour devenir un problème scientifique : le simple fait d’avoir agi entraîne la responsabilité de l’auteur.

 

  • La théorie de la garantie

La théorie de la garantie est admise comme fondement de la responsabilité beaucoup plus récemment et n’est pas encore bien exprimée. Au lieu de s’intéresser à l’auteur du fait générateur, elle recherche le fondement de la responsabilité du côté de la victime.

Elle se base sur l’idée que toute personne a droit au respect de sa vie et de ses biens : dès qu’il y a une atteinte à ces droits, un préjudice économique ou moral, la victime est en mesure de bénéficier d’une indemnisation par le responsable ou par l’assurance. La victime ne peut cependant obtenir réparation qu’en apportant la preuve de la faute de l’auteur du dommage.

Le fait est donc que quel que soit le fondement de la responsabilité, la victime devra toujours administrer la preuve du dommage subi et du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.

 

  • Les formes de responsabilités

Il est possible de distinguer la responsabilité administrative, de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale.

 

  • La responsabilité administrative

La définition de la responsabilité administrative s’appuie sur le fait que l’activité de l’Administration peut être génératrice de dommages. La responsabilité administrative est alors engagée lorsqu’un dommage certain, direct et spécial, est imputable au service public. Dans ce cas, une réparation ou une indemnisation s’impose.

La faute de l’Administration peut revêtir deux aspects : une faute individuelle commise par un fonctionnaire identifiable ou une faute anonyme dont l’auteur ne peut être déterminé précisément.

 

 

  • La responsabilité pénale

La responsabilité pénale se définit pour sa part comme l’obligation pour l’auteur d’une infraction d’en assurer les conséquences pénales, en d’autres termes de subir la sanction attachée à cette infraction.

Cette forme de responsabilité suppose que la personne impliquée a commis une faute, qui peut être intentionnelle ou de négligence. Elle s’attache essentiellement à la défense de la société contre les actes plus ou moins graves qui troublent la paix publique.

 

  • La responsabilité civile

Pour le sens commun, la responsabilité civile évoque l’idée de dommage et de sa réparation, ou encore l’indemnisation des victimes. Elle suppose que la personne en faute est tenue de réparer le dommage subi par l’autre personne.

Cette responsabilité civile peut être délictuelle ou contractuelle. Cette dernière présume l’obligation pour le contractant qui ne remplit pas son engagement contractuel (inexécution totale ou partielle, exécution tardive) de réparer le dommage causé à l’autre partie (en nature si possible ou, à défaut, en argent). En revanche, elle est délictuelle lorsqu’elle n’entre pas dans le cadre d’un contrat. C’est le cas par exemple dans les accidents de circulation, la responsabilité de l’automobiliste en faute sera délictuelle, car manifestement aucun contrat ne le lie à la victime.

La responsabilité civile est réparatrice et non sanctionnatrice. Dans ce sens, elle attache toute son importance à l’obligation de tenir indemne la personne, la chose ou le fait qui a subi le dommage.

 

  • La notion de responsabilité sans faute

L’acception du risque et de la garantie comme fondements de la responsabilité ont conduit à la naissance du concept de responsabilité sans faute.

 

  • Question de terminologie

L’engagement de la responsabilité d’une personne doit normalement supposer l’existence d’une faute génératrice d’un préjudice à autrui. Lorsqu’il s’agit de répondre du fait d’autres personnes ou lorsque le dommage résulte du vice d’une chose, cette faute peut être présumée. La responsabilité sans faute fait pourtant exception à ce principe. Cette notion existe dans la plupart des civilisations. Dans les pays du common law elle est connue sous les noms de « strict liability » ou de « liability without fault » ; En Europe, elle est appelée responsabilité fondée sur les risques (en Pologne) ou responsabilité sans faute (en France et d’autres pays). En Belgique, elle porte le nom de responsabilité objective.

Etant définie de manière négative, la notion de la responsabilité sans faute est difficile à cerner. Il est cependant possible de la déterminer suivant trois principaux principes cumulatifs. C’est-à-dire que la vérification de l’un ou de deux de ces principes ne suffit pas pour déterminer qu’une responsabilité est sans faute. Seule la conformité globale compte.

  • Les fondements de la responsabilité sans faute

Une prohibition inflexible réprimant un résultat nuisible, une causalité factuelle fondée sur les actes positifs, et un nombre réduit des moyens de défense, ce sont les trois conditions indissociables pour qualifier une responsabilité de sans faute.

 

  • Une prohibition inflexible qui réprime un résultat nuisible

Ce principe soulève la question sur deux notions clés : la prohibition inflexible et le résultat nuisible.

La prohibition admise pour déterminer la responsabilité sans faute est une prohibition inflexible, statique et précise. Il en résulte notamment une application presque automatique de la règle par la Cour. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette forme de prohibition existe depuis des siècles et s’illustre parfaitement par la lex aquilia, une loi romaine qui date du 3è siècle avant J.C. En effet, la sanction encourue pour violation de cette loi ne repose aucunement sur la faute, mais sur l’injuria, en d’autres termes sur les conséquences nuisibles.  Elle applique la loi du talion – plus communément connu sous les expressions œil pour œil, dent pour dent, main pour main – qui autorise un blessé à répondre avec une force proportionnée à l’auteur de ses coups. C’est un parfait exemple du caractère strict et précis de la prohibition inflexible. Elle contraste entièrement avec la prohibition pour faute dont les caractères sont élastiques, souples et évolutifs, et qui sont indissociables des circonstances.

Outre cette prohibition inflexible à la base de la responsabilité sans faute, il est aussi essentiel de distinguer la conduite de l’auteur et le résultat nuisible. En effet, dans la notion de responsabilité sans faute, l’activité ou la conduite humaine n’est pas jugée. C’est le résultat qui compte, en d’autres termes c’est le préjudice subi qui prévaut. Par exemple, dans de nombreux pays, dont la Belgique, il est admis que l’employeur, même s’il n’a commis aucune faute, est responsable de tous les préjudices subis par ses employés dans le cadre de l’activité de l’entreprise ou à la suite d’un accident sur le chemin du travail. Toujours dans ce même ordre d’idée, le conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident, même s’il n’a commis aucune faute, est jugé responsable des dommages qu’il a causé envers un piéton ou un cycliste.

 

  • Une causalité factuelle fondée sur les actes positifs et non les omissions

Ce deuxième principe fondateur de la notion de responsabilité sans faute repose sur l’idée d’une causalité simplifiée par un test factuel : seuls sont pris en compte les actes positifs. Les questions d’omissions et de négligences n’entrent pas en considération.

Pour mieux comprendre ce principe, il faut savoir que dans la responsabilité pour faute, la détermination de la causalité requiert un raisonnement en deux étapes. La Cour cherchera à répondre à deux questions : (i) La conduite du présumé responsable était-elle une cause en fait – en d’autres termes une cause sine qua non – du préjudice ? Si la réponse est oui, et seulement si oui, (ii) La conduite du présumé responsable constitue-t-elle la cause légale – ou la cause normative – du préjudice ? La première question fait référence au test de l’équivalence des conditions. La seconde s’intéresse à la recherche de la cause adéquate et de l’efficacité des omissions, soit de la négligence.

Le fait est que dans la responsabilité sans faute, il n’y pas d’évaluation de la cause adéquate : « Un vrai système de responsabilité sans faute est aveugle à l’égard des omissions. Il trouve les moyens d’éviter entièrement cette question pour placer la causalité sur un fondement factuel et non hypothétique »[4].

 

  • Une réduction du nombre et de la portée des moyens de défense

Cette notion part du constat que dans la majorité des cas jugés de responsabilité sans faute (accidents du travail, la responsabilité des fabricants, les troubles de voisinage…), les moyens de défense sont réduits, et plus particulièrement au sujet de la faute de la victime. La responsabilité sans faute se retrouve ainsi au milieu de la responsabilité absolue qui n’autorise  aucune défense et de la responsabilité pour faute qui autorise les défenses par tous les moyens.

En bref, la notion de responsabilité sans faute ou responsabilité objective suppose une indemnisation de manière automatique de tous les dommages subis par la victime, et ce, sans regard à la responsabilité de la faute qui en est la cause ni à la négligence et les omissions de la victime. L’article 29 bis de la loi de 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs en est une parfaite illustration.

  • La responsabilité objective et l’indemnisation de l’usager faible

 

Auparavant régie par l’article 1382 du Code civil reposant sur le principe de la responsabilité pour faute, et impliquant qu’il appartient à la victime d’administrer la preuve de la faute. La loi sur la protection des usagers faibles de la route a depuis près d’une trentaine d’années maintenant établi le système de responsabilité objective. En effet, le législateur a, depuis longtemps, voulu mettre en place un système d’indemnisation des usagers faibles. Ce système  » d’indemnisation automatique  » également dénommé de  » responsabilité objective  » a été instauré par la loi du 21 Novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.

 

  • Ce que dit la loi du 21 Novembre 1989

Selon l’article 29 bis : « En cas d’accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs, […] tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou du décès, y compris les dégâts aux vêtements, sont réparés solidairement par les assureurs qui, conformément à la présente loi, couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs. La présente disposition s’applique également si les dommages ont été causés volontairement par le conducteur ».

Cette loi suppose l’indemnisation de manière automatique du préjudice corporel subi par les usagers de la route qualifiés de vulnérables ou de faibles, sans qu’il soit question de responsabilité. L’assureur est ainsi tenu d’indemniser la victime dès qu’un véhicule automoteur[5] couvert en assurance est impliqué dans un accident de la circulation. La réparation devant se faire sans qu’il ne soit nécessaire de rechercher ni de prouver la faute de l’assuré.

On retrouve parfaitement dans cette loi les trois principes fondateurs qui caractérisent une responsabilité sans faute, notamment une prohibition inflexible qui réprime un résultat nuisible – elle se traduit ici par la prise en charge automatique de la réparation des préjudices subis par l’assurance du véhicule incriminé – , une causalité factuelle fondée sur les actes positifs et non les omissions – en effet, la question de la négligence ou de la faute de la victime n’est pas prise en compte, c’est le constat du préjudice qui prévaut – , une réduction du nombre et de la portée des moyens de défense – dans le cadre de cette loi, l’assurance du conducteur n’a quasiment aucun moyen de recours.

 

  • Les évolutions juridiques en la matière

Le risque inhérent à la circulation automobile a amené le législateur belge à écarter les principes ordinaires de la responsabilité civile fondés sur l’existence d’une faute à travers la loi du 21 novembre 1989 qui a connu de multiples modifications.

La première date notamment du 30 mars 1994 et marque l’insertion de l’article 29 bis dans la loi du 21 novembre 1989. Jusqu’ici, seuls les piétons et les cyclistes étaient jugés comme usagers faibles. Cette démarche du législateur jugée généreuse envers les usagers faible n’est pourtant pas tout à fait désintéressée. En effet, elle poursuivait un double objectif qui était de, un, réaliser des économies budgétaires en assurance maladie invalidité, avant de,  chercher à améliorer le sort des victimes d’accidents de la circulation routière.

Plus tard, avec la loi réparatrice du 13 avril 1995, le champ d’application de l’indemnisation automatique a été étendu aux passagers des véhicules automoteurs.

A la suite de la catastrophe ferroviaire de Buizingen, de nouvelles modifications ont été apportées avec la loi du 21 février 2001, entrée en vigueur le 03 mars 2001. Cette loi étend le système d’indemnisation automatique aux accidents dans lesquels sont impliqués des véhicules sur rails (trains, trams…), et suppose la réparation des dommages causés aux vêtements de la victime, et du préjudice subi indirectement par le conducteur. Cette loi abroge également le concept de faute inexcusable et le substitue par celui de l’acte intentionnel.

 

  • Les différentes notions soulevées par la loi du 21 novembre 1989

L’application du système d’indemnisation automatique instauré par la loi du 21 novembre 1989 soulève plusieurs notions importantes, à savoir celles de : l’usager faible, accident de la circulation, véhicule impliqué.

 

  • La notion d’usager faible

Le terme usager faible n’est pas défini par la loi, mais il est communément admis qu’il désigne toute victime d’un accident de la circulation autre que le conducteur soit, les piétons, les cyclistes et les passagers du véhicule, les personnes sur des patins à roulette ou sur un skate board, les personnes en fauteuil roulant entre autres.

Ceci s’explique principalement par l’inégalité de la vitesse et des forces dégagées lors de la circulation, celles de ces derniers étant plus faibles, par rapport à celles d’un véhicule motorisé. C’est-ce qui explique d’ailleurs pourquoi les véhicules automoteurs servant à la mobilité des personnes handicapées (« fauteuils roulants ») ont été exclu du cadre de cette loi. En effet, du fait de leur très faible vitesse de circulation, ils ne représentent qu’un faible risque d’accident. Par ailleurs, la qualification d’usagers faible se justifie également du fait que ceux-ci circulent sans carrosseries ni habitacles pour les protéger, ils sont donc plus vulnérables en cas de collision avec un véhicule.

Mais encore, diverses conditions doivent être rencontrées pour pouvoir qualifier la victime d’un dommage d’usager faible et lui permettre de bénéficier de manière automatique une indemnisation sans qu’il soit question de responsabilité.

La première étant que le dommage pour lequel l’usager faible demande réparation doit résulter d’un accident de la circulation. Cela suppose un évènement fortuit, involontaire, soudain et imprévisible. Par ailleurs, un véhicule automoteur soumis à l’obligation d’assurance doit être impliqué.

Sont concernés : les accidents survenus sur la voie publique, sur les terrains ouverts au public, sur les terrains non publics mais ouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de les fréquenter.

  • Accident de la circulation, qu’est-ce que cela signifie ?

Thierry PAPART en donne la définition suivante : « L’accident est un événement dommageable soudain ou fortuit et imprévu, causé directement et exclusivement par l’action d’une cause extérieure étrangère à la volonté de la victime. »[6]

Bien que dans le langage courant, la définition en soit claire, en matière juridique, il appartient au tribunal d’apprécier selon les faits qui lui sont soumis si l’accident en question entre dans le champ d’application du système d’indemnisation automatique, c’est-à-dire si ceux-ci sont constitutifs ou non d’un accident de la circulation. En effet, la loi n’en donne aucune définition précise.

Pour sa part, la jurisprudence admet la définition suivante : « La notion d’accident de la circulation comprend tout accident survenu sur la voie publique, causé par le non-respect des règles de circulation ou par l’état de la voirie, du moyen de transport ou de l’usager circulant sur la voie publique. Il doit s’agir d’un dommage résultant d’un accident de la circulation, et non d’un dommage résultant uniquement de l’usage d’un véhicule. »[7]

La doctrine avance quant à elle que la notion d’accident de la circulation suppose qu’au moment de l’accident, au moins un des véhicules impliqués a participé d’une manière ou d’une autre à la circulation, comme instrument de déplacement.

  • En ce qui concerne le véhicule impliqué

Pour rappel, pour que les dispositions de l’article 29 bis de la loi du 21 novembre 1989 soient appliquées, il faut que le véhicule impliqué soit un « véhicule automoteur »[8], ou un « véhicule lié à une voie ferrée »[9].

 

La notion de l’implication soulève notamment la question de la participation causale du véhicule à l’accident. C’est-à-dire que pour être mis en cause et considéré comme « impliqué » dans l’accident, le véhicule doit avoir eu un contact direct avec la victime, ou doit avoir joué un rôle dans la survenance ou les conséquences de l’accident même par sa simple présence.

Logiquement, comme c’est l’activité de l’automobiliste qui est source du risque, le véhicule doit être assuré. La loi du 21 novembre 1989 reste cependant applicable aux accidents de la circulation (au sens de son alinéa 1er) impliquant des véhicules automoteurs exemptés de l’obligation d’assurance en vertu de son article 10 et dont les propriétaires ont fait usage de cette exemption.

Le cas des véhicules en stationnement ont également fait l’objet de plusieurs interprétations. En effet, un véhicule, par sa simple présence, peut jouer un rôle dans la survenance d’un accident. La  recherche de la participation causale du véhicule à l’accident est ainsi soulevée dans la détermination de l’implication de celui-ci.

La jurisprudence déclare ainsi que « (…) pour éviter tout arbitraire, il doit être rapporté que le véhicule impliqué a joué un rôle perturbateur dans la genèse de l’accident. L’assureur incriminé doit, pour éviter sa mise à la cause, rapporter la preuve que le dommage de la victime se serait produit de la même façon, si le véhicule assuré avait été absent… »[10]

Aussi qu’ « Il ne suffit pas de constater la présence d’un véhicule automoteur sur les lieux d’un accident pour considérer que celui-ci est nécessairement impliqué dans l’accident. Un véhicule immobile n’est impliqué que lorsque sa position était de nature à perturber la circulation (…)»[11].

 

  • La question de l’indemnisation

D’après le principe de la protection des usagers faibles établi par la loi du 29 novembre, l’obligation à réparation des victimes incombe à l’assureur du véhicule impliqué[12] ou au propriétaire du véhicule sur rails[13].

Dans les cas prévus par l’article 80 de la loi du 9 juillet 1975, la charge de l’indemnisation revient au Fonds commun de garantie automobile (FCGA), à moins que l’accident soit la conséquence d’un cas fortuit.

Par ailleurs, dans le cas où plusieurs véhicules sont impliqués, et par conséquent plusieurs assureurs (et/ou propriétaires de véhicules sur rails), la loi instaure un régime de solidarité. C’est-à-dire que la victime est en droit d’interpeller l’assureur de son choix parmi les établissements impliqués pour l’indemnisation de l’intégralité de son dommage. Il appartiendra ensuite à ce dernier d’entreprendre des recours contre les autres assureurs en cause pour récupérer la part qui leur incombe.

Doivent notamment être indemnisés : les lésions corporelles subies par les victimes et leurs ayants droit, les décès, les dégâts causés aux vêtements portés par la victime[14], et les dommages occasionnés aux prothèses fonctionnelles[15].

Les dégâts matériels et les dommages subis par le conducteur de chaque véhicule automoteur impliqué sont de ce fait exclus du régime d’indemnisation. Quoi qu’il en soit, le conducteur est en droit de recevoir une indemnisation par répercussion. Ceci est possible uniquement s’il agit en qualité d’ayant droit d’une victime qui n’était pas conducteur[16].

 

Pour résumer donc, la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs fonde l’obligation à réparation des préjudices subis par les usagers faible sur le principe de la responsabilité sans faute. Quelles que soient les circonstances de l’accident, l’indemnisation des dommages incombe automatiquement à l’assurance ou aux propriétaires du véhicule sur rails. Ceci présente pourtant des risques de dérives non négligeables, notamment en ce qui concerne la responsabilisation du citoyen.

  • Quid de la déresponsabilisation du citoyen dans le cadre de la loi du 21 novembre 1989

 

L’instauration du système de responsabilité objective pour les victimes des accidents de circulation de la route soulève la question de la déresponsabilisation de l’individu. Ceci s’explique, d’une part, du fait de la victime qui en raison du caractère automatique de l’indemnisation peut éventuellement provoquer volontairement le dommage, et d’autre part, du fait de la charge de la réparation qui incombe automatiquement à l’assurance et par conséquent ignore totalement l’acte du conducteur, auteur du dommage.

 

  • La responsabilisation du conducteur, déresponsabilisation de l’usager faible

Les discréditeurs des dispositions de l’art 29 bis de la loi du 21 novembre 1989 considèrent que cette loi surprotège les usagers faibles et augmente les risques de fraude à l’assurance. En effet, il est tout à fait possible qu’un accident résulte du fait volontaire de la victime – dans le cas des individus ayant des tendances au suicide ou à l’automutilation par exemple – qui viendrait par la suite réclamer une indemnisation. Il serait pourtant injuste d’obliger l’assurance du conducteur (et/ou les propriétaires de véhicules sur rails) d’indemniser une telle faute intentionnelle, caractérisée par une volonté délibérée de provoquer un dommage.

Cette position est proche de celles des éthiciens tels que Rawls, Dworkin, Beauchamp et Childres estimant que les citoyens peuvent perdre le droit de réclamer des services en raison de leur négligence ou de leur comportement irresponsable, et réfutant l’idée que certains paient pour des choix faits volontairement et de façon éclairée par d’autres.

Par ailleurs, le système de la responsabilité objective étant largement favorable envers l’usager faible. Se sentant protégé, ce dernier peut être tenté d’adopter des comportements négligents comme de traverser sans être vraiment attentif et sans regarder. Ce qui peut mettre le conducteur dans une situation délicate. Bien plus que la protection de l’usager faible, le système de l’indemnisation automatique aurait alors pour effet de le déresponsabiliser. Elle risque de favoriser les excès de la part des personnes jugées vulnérables par le législateur.

 

  • La responsabilisation de l’assurance, dérésponsabilisation du conducteur

D’autre part, les assureurs ne cessent de critiquer les dispositions de la loi du 21 novembre 1989, estimant qu’admettre aussi facilement la responsabilité pour obliger sa prise en charge par l’assurance responsabilité civile va entraîner des dérives, plus précisément la déresponsabilisation du conducteur.

Le fait est que ce système d’indemnisation automatique met en place une offre obligatoire d’indemnité. Il écarte complètement le conducteur, auteur du dommage, de la procédure transactionnelle ce qui est contraire à la logique d’assurance de la responsabilité qui doit être tripartite (assureur, assuré et victime).

Cette position est néanmoins critiquable du fait du caractère inversé du cycle de production en assurance. En effet, le prix de revient d’un contrat d’assurance n’est connu qu’après son prix de vente. L’estimation de sa rentabilité se base sur des calculs de probabilité, la fréquence et le coût des sinistres à venir. Le système de responsabilité objective les empêche cependant de connaître et de maîtriser les risques. Il est donc tout à fait normal que les assureurs soient attachés à la faute.

 

  • Les positions du législateur

Face à ces critiques, le législateur a accepté de supprimer toutes références à la notion de « faute inexcusable » pour la remplacer par le concept de « faute intentionnelle ».

La première mouture de la loi du 21 novembre 1989 offrait la possibilité d’opposer l’indemnisation de la victime d’un accident de la route pour faute inexcusable. Celle se définit notamment comme étant « La faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». Il fallait par ailleurs que cette faute inexcusable soit « la seule cause de l’accident ».

Le fait que cette disposition a été régulièrement invoquée par les auteurs des accidents de la circulation et leur assureur afin de ralentir l’indemnisation des victimes, aboutissant à une augmentation du nombre de contentieux devant les tribunaux, a conduit le législateur à l’abroger et à retenir la notion de « faute intentionnelle » ou de recherche volontaire de l’accident et de ses conséquences.

Le droit à l’indemnisation automatique d’une victime d’un accident de la circulation ne peut ainsi être réfuté qu’en cas de faute intentionnelle de la victime, et ce, uniquement à condition que cette dernière soit âgée de plus de 14 ans.

Cette disposition répond également aux craintes des assureurs qui redoutent les fraudes à l’assurance. En revanche, il leur appartient de démontrer le caractère délibéré du comportement de la victime, et aussi par voie de conséquence, que celle-ci était en mesure de parfaitement discerner les risques au moment de l’accident.

 

  • Commentaires, critiques et suggestions

Malgré cette décision du législateur, les dispositions de la loi du 21 novembre 1989 font encore l’objet de nombreuses critiques. Il existe certaines suggestions pertinentes qui peuvent être adoptées pour la compléter en vue d’assurer une meilleure indemnisation des usagers faibles et pour minimiser le coût de ce risque social.

 

  • Pourquoi pas une assurance directe obligatoire ?

Pour les assureurs par exemple, le projet mis en place en 1968 par l’American Insurance Association[17] est une solution envisageable. Celui-ci admet que toutes les victimes d’accidents de la circulation ont droit à une indemnisation. En revanche, il suppose que la majorité des accidents est due à une erreur de comportement des conducteurs. Ce projet préconise donc la souscription d’une assurance pour circuler pour tous les conducteurs. Celle-ci aurait pour objet de garantir la prise en charge des dommages subis par les passagers, piétons, cyclistes…, toutes les victimes en définitive, en cas d’accident de la route. Cette assurance directe obligatoire est indépendante d’une dette de responsabilité. Elle pourrait aussi permettre l’indemnisation des conducteurs blessés ou tués, contrairement aux dispositions de la loi du 21 novembre 1989.

L’objectif des assureurs est ici de réduire les coûts en supprimant les recours entre les assureurs. L’idée est assez intéressante, mais reste critiquable en raison du transfert des charges vers le conducteur. Le coût d’une telle assurance pourrait en effet être très élevé.

La Suède, la Norvège et la Finlande appliquent déjà cette forme d’assurance directe.

Dans ces deux derniers pays, la garantie est même illimitée. Quel que soit le responsable de l’accident, le conducteur a droit à une indemnisation. Il appartient au lésé d’interpeller l’assureur de son véhicule pour obtenir réparation de son préjudice corporel. Dans le cas où la responsabilité, totale ou partielle, de l’accident incombe au véhicule de la partie adverse, l’assureur direct est en droit d’exercer un recours à l’encontre de la compagnie adverse. En revanche, pour les dommages matériels, c’est le système de responsabilité civile qui est maintenu.

En Suède, la seule limite pour l’indemnisation des dommages corporels est la faute lourde, telle que la négligence grossière ou l’ivresse. L’indemnisation est alors réduite de deux tiers, ou de moitié, à moins que le conducteur démontre que le dommage subi a porté atteinte à sa capacité de produire un revenu. Dans ce cas, l’indemnisation est totale.

  • Une caisse pour indemniser toutes les victimes d’accident de la circulation

L’exemple du système adopté par le Québec et la Nouvelle Zélande sont aussi inspirants. Ces deux pays ont adopté le régime de la responsabilité objective à peu près à la même période que la Belgique. Ils sont cependant allés beaucoup plus loin en matière d’indemnisation des préjudices subis par les usagers faibles. En effet, au lieu d’attribuer cette obligation à l’assurance du véhicule impliqué et/ou aux propriétaires du véhicule sur rails, ces deux pays ont mis en place un organisme semi-étatique chargé d’indemniser les préjudiciés. Au Québec, cet organisme est financé par des taxes annuelles sur les immatriculations des véhicules et sur les permis de conduire. Pour une meilleure répartition des charges en considérant les risques associés à la circulation, le législateur fixe le montant de la taxe en fonction des points restants sur le permis de conduire de l’automobiliste. Celui qui a encore l’intégralité de ses points, en d’autres termes le bon conducteur, ne paie que le seuil minimum. En revanche, celui qui n’a plus que quelques points sera lourdement sanctionné par une taxe plus importante.

Ce système sort le problème du domaine de la responsabilité civile au profit d’un système de sécurité sociale. Cela n’empêche qu’il répond toujours au souci du législateur pour la protection des usagers faibles et permet de limiter les contentieux. Les risques de fraudes en reste cependant un inconvénient. Au Québec, les victimes d’un accident de la circulation bénéficient même d’un service de réadaptation et de réinsertion. Dans ce pays, la personne est privilégiée avant toute chose. Evidemment la question de la déresponsabilisation du citoyen y prend toute son importance.

  • Renforcement de la sécurité routière

A part cela, il ne faut pas oublier que la loi du 21 novembre 1989 a surtout pour objectif de protéger les usagers faibles par une indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. Comme le dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir, l’idéal serait donc de lutter contre ce risque social.

Ceci peut se faire par la sanction des comportements dangereux des conducteurs et en contrepartie l’augmentation des primes d’assurances pour les bons conducteurs, ou encore en s’inspirant du système de taxation québécois relatif aux nombres de points restants sur le permis de conduire évoqué plus haut. En guise d’exemple de sanctions sévères, l’atteinte involontaire à l’intégrité d’une personne ayant entraîné une incapacité totale de travail ou un délit d’homicide involontaire devrait être sanctionné par des peines plus lourdes en fonction des circonstances aggravante (la violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité, la conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, ou de stupéfiants, l’absence de permis de conduire, l’excès de vitesse supérieur de 50km à la vitesse maximale autorisée, ou encore le délit de fuite).

Sinon, pour prévenir les risques, à l’exemple de la lutte contre la conduite en état d’ébriété, l’utilisation d’éthylotest antidémarrage est une solution envisageable.

 

  • Responsabiliser les usagers faibles par les textes

Enfin, il est clair que l’acception du droit à l’indemnisation des usagers faibles suppose des obligations et des responsabilités de leur part.

Le fait est que le conducteur, même s’il est très bon, vigilant et respectueux des autres usagers de la route, ne peut pas toujours éviter les accidents, en particulier dans certaines circonstances. C’est le cas par exemple lorsqu’un enfant surgit sur la chaussée en courant après son ballon.

C’est pourquoi, il s’avère nécessaire de responsabiliser au minimum les usagers faibles par rapport à leurs comportements. La responsabilisation des conducteurs, maîtres de leurs véhicules, est certes nécessaire, mais pour autant, la déresponsabilisation du piéton n’est pas le meilleur moyen de réduire les risques d’accident.

Dans cette optique, l’article L412-3 de la législation française peut être un bon exemple. Celle-ci suppose que « les piétons [usagers faibles] qui empruntent ou traversent la chaussée doivent le faire avec prudence sur les passages protégés prévus à cet effet. En cas d’absence de ces derniers, ils doivent en manifester précisément l’intention en présence d’un véhicule ». Cette disposition n’enlève en rien la protection dont bénéficient les usagers faibles grâce à l’art 29 bis de la loi du 21 novembre 1989, mais souligne néanmoins que leur responsabilité peut être engagée en cas de comportement négligent ou de non-respect des règles élémentaires de prudence.

 

  • Sensibiliser les usagers de la route sur les risques de la circulation

La sensibilisation des usagers de la route, aussi bien les automobilistes que ceux que le législateur qualifient de faibles, aux bons comportements et réflexes lorsqu’ils circulent est aussi un moyen de prévention efficace.

Par exemple, au Québec, une campagne est régulièrement menée pour rappeler les règles de prudence comme, pour les piétons, de traverser uniquement aux intersections ou aux passages pour piétons, de respecter les feux pour piétons, de toujours établir un contact visuel avec les conducteurs pour s’assurer d’être vu, de toujours vérifier la circulation avant de traverser (à gauche, à droite, de nouveau à gauche et à l’arrière), ou encore de faire attention aux objets de distraction (écouteurs, cellulaire, texto), mais aussi, pour les conducteurs, comme de respecter la signalisation destinée aux piétons et la priorité de passage des piétons (passage pour piétons, intersections, virage à droite aux feux rouges, etc.), de faire un geste de la main aux piétons pour leur signaler de traverser, ou encore de maintenir les phares allumés pour voir et être visibles.

Ces campagnes de sensibilisation s’apparentent à des piqûres de rappel aux usagers de la route en ce qui concerne les risques associés à la circulation. Elles permettent de remédier à la négligence, l’inattention et la distraction qui sont les principales causes des accidents.

Conclusion

La revue de la littérature autour de la notion de la responsabilité nous a permis d’identifier les trois principaux fondements de cette théorie qui sont la faute, le risque et la garantie. On a pu également constater que le concept de responsabilité sans faute résulte essentiellement de l’évolution des risques que les activités de notre société ont créés. C’est notamment le cas avec la démocratisation de l’automobile qui a entrainé corrélativement une multiplication naturelle des contentieux portés devant les juridictions par application du régime de la responsabilité du fait des choses. C’est ce qui a ensuite poussé le législateur à adopter la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.

Cette loi instaure un régime d’indemnisation automatique des usagers faibles en cas d’accidents de la circulation. Elle en attribue la charge à l’assurance du/des véhicule(s) impliqué(s). Une disposition très controversée puisqu’elle ne s’enquiert pas de la responsabilité de la faute qui est pourtant le principe de base de l’assurance de la responsabilité civile. En plus, elle contribue à la déresponsabilisation du citoyen, aussi bien du conducteur qui se retrouve écarté du processus transactionnelle d’indemnisation, que de la victime qualifié d’usager faible qui se sentant protégé devient négligente et oublie les règles élémentaires de prudence en circulation, sans oublier les risques de fraudes aux assurances.

Le fait est pourtant que cette loi est tout à fait en accord avec le principe de risque créé comme fondement de responsabilité. En effet, la source du risque provient du véhicule qui roule à une plus grande vitesse, il est donc naturel que la responsabilité incombe au conducteur. En plus, cette loi répond aux objectifs fixés par le législateur qui cherche avant tout à protéger l’usager faible.

Rien ne nous empêche cependant de nous inspirer de ce qui se pratique dans les autres pays pour avoir une loi plus élaborée et plus aboutie, à même d’assurer la protection des usagers faibles, tout en évitant les risques de dérives comme la déresponsabilisation du citoyen. Ce peut être par l’instauration d’une assurance directe obligatoire, par la mise en place d’une caisse pour indemniser toutes les victimes d’accident de la circulation, par le renforcement de la sécurité routière, par la responsabilisation des usagers faibles par les textes, ou encore par leur sensibilisation sur les risques de la circulation.

D’autre part, cette étude nous conduit à nous interroger sur le régime d’indemnisation des usagers faibles en cas d’accident impliquant des véhicules issus de pays différents. En effet, avec la construction de l’Union Européenne et la consécration du principe de libre circulation des personnes, le trafic transfrontalier connaît une forte augmentation.

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

 

 

 

 

 

 

  • http://www.tordoir.be/nouvellepage15.htm , Les usagers faibles, par TORDOIR Marc-Philippe avec la collaboration de WANLIN Caroline, TIMMERMANS Sibylle, CAPPELLEN Charlotte, consulté le 09 mars 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • De la responsabilité paternaliste de l’Etat à la responsabilité individuelle : les enjeux éthiques de la santé publique, Raymond Massé

 

  • Le Droit et le risque – Illustration avec le droit de la responsabilité civile, Rozenn Bellayer-Le Coquil, ATALA num. 5, Au bonheur du risque ?, 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Source : http://educationsante.be/article/la-securite-des-usagers-doux-sur-les-routes/ , consulté le 13 mars 2015, La sécurité des usagers ‘doux’ sur les routes, DURANT I., Numéro 178, avril 2003

[2] http://www.studility.com/les-fondements-responsabilite/ , consulté le 24 février 2015, Les fondements de la responsabilité

[3] http://www.legavox.fr/blog/corentin-kerhuel/fondements-fonctions-responsabilite-civile-193.htm#.VOtL_CzpwuI , consulté le 24 février 2015, Les fondements et les fonctions de la responsabilité civile, par Corentin Kerhuel

[4] In Trois principes de la responsabilité sans faute, par Vernon Palmer, Revue internationale de droit comparé, Octobre-Décembre 1987, volume 39, Numéro 4, p. 835

[5] Les véhicules destinés à circuler sur le sol et qui peuvent être actionnés par une force mécanique sans être liés à une voie ferrée; tout ce qui est attelé au véhicule est considéré comme en faisant partie.

[6] in L’indemnisation des usagers faibles de la route, Les dossiers du journal des tribunaux, n°35, pp.91

[7] Pol. Bruxelles 26 octobre 1998, Journ. proc. 1998, liv. 359, 27, note P., TOUSSAINT ; voy. également Anvers 14 septembre 1994, Turnh. Rechtsl. 1994-95, 92 ; Gand 22 janvier 2003, R.G.A.R. 2003, liv. 10, n° 13.789 ; Pol. Bruges 30 mai 2002, T.A.V.W. 2003, afl. 3, 248.

[8] Il s’agit de tout véhicule visé à l’article 1er de la loi du 21 novembre 1989, à l’exclusion des fauteuils roulants automoteurs susceptibles d’être mis en circulation par une personne handicapée. (article 29Bis §3). Le véhicule automoteur se définit donc comme «les véhicules destinés à circuler sur le sol et qui peuvent être actionnés par une force mécanique sans être liés à une voie ferrée; tout ce qui est attelé au véhicule est considéré comme en faisant partie». Les automobiles, les camions, cars, autobus, motocyclettes sont par conséquent des véhicules automoteurs. Y sont assimilés les remorques construites spécialement pour être attelées à un véhicule automoteur en vue du transport de personnes ou de choses et qui sont déterminées par le Roi.

[9] Cette disposition a été admise par la jurisprudence suite à la question préjudicielle posée par le Tribunal de police de Bruxelles dans son jugement du 8 décembre 1997.  Voici la question : « L’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire en matière de véhicules automoteurs, comprend-il une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution entre les usagers de la voie publique ou de terrains ouverts au public et les terrains non publics, mais ouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de (les) fréquenter, qui ne sont pas conducteurs d’un véhicule automoteur, victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule lié à une voie ferrée et s’y déplaçant et les usagers des mêmes voies publiques ou terrains qui ne sont pas conducteurs d’un véhicule automoteur, victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule automoteur ne circulant pas sur une voie ferrée, lesquels peuvent (se) prévaloir des dispositions contenues dans cet article ? ».

L’Arrêt du 15.07.1998- Publication au Moniteur 1998 –P.34065-34070 traduit les réponses de la Cour d’Arbitrage et admet que la loi du 21 novembre 1989 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il exclut du régime d’indemnisation qu’il prévoit les véhicules qui sont liés à une voie ferrée. D’où l’insertion du véhicule lié à une voie ferrée dans la loi du 21 Novembre 1989.

[10] Tribunal de police Liège, 29 juin 1999 (inédit) in « Vade-mecum du Tribunal de Police », Bernard Ceulemans-Th.Papart, Edition Kluwer 1999, Page 97

[11] Tribunal de police de Mons, 8 juin 2000, RGAR 2002, n°13481

[12] Article 29Bis, paragr.1, al.1 : La couverture du dommage devra être supportée par l’assureur qui couvre la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur du véhicule automoteur impliqué dans l’accident.

[13] Article 29Bis, paragr. 1, al.2 : L’obligation de réparer incombe au propriétaire du véhicule, lorsqu’il s’agit d’un véhicule automoteur lié à une voie ferrée.

[14] Il s’agit des vêtements qui font corps avec la victime, ce qui exclut les vêtements transportés, par exemple dans une valise tenue en main par un piéton ou placée dans le coffre du véhicule dont la victime était passager.

[15] Se définit comme les moyens utilisés par la victime pour compenser des déficiences corporelles.

[16] A titre d’exemple : Un conducteur A est seul responsable d’un accident de la circulation. Son conjoint, B, passager du véhicule, décède dans l’accident. Le décès du conjoint représente pour le conducteur A, un préjudice par répercussion. Par l’application de la loi, le conducteur A sera indemnisé, mais uniquement en sa qualité d’ayant droit de B pour ce préjudice indirect.

[17] A noter que ce projet n’a jamais été adopté aux Etats-Unis.

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