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Assia Djebar : L’Art de l’Écriture et de l’Altérité dans « Nulle part dans la maison de mon père

INTRODUCTION

La littérature est une matière à mystère jonchée de réalité, de souvenirs, de rêves de fictions et de fantasmes où les termes sont toujours enflammés. A travers son plume, l’écrivain transporte ses lecteurs vers un monde imaginaire et illusoire où se mêlent les aventures d’un personnage dans un contexte définit.

La compréhension et l’analyse d’un ouvrage seront toujours complexes car chacun interprète les écrits selon ses propres critères. La littérature est donc un sujet à discussion mais cet ensemble d’Art et de langage enchante plus d’un et marque l’esprit selon les styles, les évocations, les formes que l’auteur aura choisis pour son œuvre.

Dans notre travail, nous nous sommes intéressés à une écrivaine de renom, membre de l’Académie française reconnue par ses œuvres à travers le monde.

Assia Djebar, écrivaine contemporaine de renommée internationale originaire d’Algérie, utilisant la langue française comme langue d’écriture et une des pionnières de la littérature francophone en Algérie

Cette auteure, professeur qui manie avec habileté et poésie ses écrits, qui conte avec art et lyrisme des  situations extrêmement émouvantes, a décidé de sortir un œuvre autobiographique où souvenirs et mémoire sont utilisés dans un style propre à elle pour se réconcilier à son passé.

« Nulle part dans la maison de mon père », paru en 2007 sera l’objet de cette étude.

Le dernier-né des 17 œuvres durant les 50 années d’écritures de l’écrivaine

Une livre de mémoire qui raconte le chemin de toute une vie, de ses souvenirs d’enfance, d’adolescence et d’adulte.

Elle relate l’histoire d’une petite fille attachée à son père, déçue et blessée par la découverte d’une autre facette de ce père, libérateur sur l’enseignement mais qui reste ancré dans ses racines et coutumes au fond de lui-même

 

A la fois passionnante et bouleversante, lorsque devenue adolescente, à l’âge de 16 ans, elle a décidé de mettre fin à sa vie : une décision traumatisante qui la suivra à jamais et qui sera le point de départ de l’ouvrage pour l’auteure

Grandissant et évoluant dans un environnement interculturel où le choc des traditions et convictions seront au cœur des débats, la femme qu’elle est devenue combattra pour sa liberté et son émancipation.

 

Ce travail cherche à exposer et à analyser les différentes intrigues de l’ouvrage mais surtout de répondre à la question :  comment Assia Djebar s’exprime à travers ses écritures, si le concept d’altérité dans la langue expose un ensemble de parole littéraire venue simultanément de la langue d’écriture et de la langue maternelle.

Il cherche aussi à définir les styles littéraires adoptés par l’auteure, la façon dont elle présente une histoire qui se différencie d’un écrivain à un autre et qui donne lieu à son identification à travers ses œuvres.

 

Notre tâche sera présentée en 3 parties. La première sera consacrée à la présentation de l’ouvrage, le contexte des écrits, le parcours de l’auteure pour permettra la compréhension du livre. Dans cette section sera aussi présentée la problématique afin de mieux cerner notre étude.

Dans la seconde partie seront relatées les intrigues et grands points qui ont marqué l’ouvrage. Pour cela, la compréhension des différentes situations où sont concentrées les grandes lignes du livre, sera primordiale : la domination du père, l’univers interdit, le suicide, le choc des cultures.

Avant de conclure, nous allons parler de l’altérité de langue et de l’altérité féminine qui sont présent dans l’ouvrage. Dans un premier lieu, nous allons essayer de comprendre, comment une altérité de langue est il  présent dans son œuvre et comment l’écriture d’Assia Djebar arrive à mettre en évidence une altérité féminine. Par la suite, nous essayons de répondre si  l’ouvrage est un témoignage de la vie de l’auteure, une auto biographie dédiée à ses mémoires ou simplement une volonté d’analyser elle-même l’histoire et l’essence de sa vie.

Plan de travail

Partie I : « Nulle part dans la maison de mon père »

I – 1 Présentation de l’auteur

I – 2 les contextes de l’ouvrage

I – 3 l’écriture Maghrébine au féminin

 

Partie II : Les intrigues de l’ouvrage

II – 1 La domination d’un père (contradictions dans l’éducation et dans les principes)

II – 2  La découverte d’un univers interdit (l’amour, les rencontres secrètes)

II – 3 Le suicide

II – 4 L’encrage des traditions et part de liberté dans l’enfance (pratique des coutumes à la maison, mais liberté en pensionnat)

 

Partie III : L’altérité de langue et l’altérité au féminin dans l’ouvrage

III – 1 L’altérité de la langue

  • La langue maternelle
  • La langue française

III – 2 L’altérité féminine

III – 3 autobiographie, auto-analyse ou fiction ? (Style d’écriture, analyse des faits et des formes linguistiques)

 

Conclusion

Bibliographie

 

Partie I : « Nulle part dans la maison de mon père »

 

I – 1 Présentation de l’auteur

« J’écris, comme tant d’autres femmes écrivains algériennes avec un sentiment d’urgence, contre la régression et la misogynie. » dixit Fatima-Zohra IMALAYENE, plus connue sous son nom de plume, Assia Djebar. Une phrase qui définit son caractère, ses convictions et ses croyances à travers ses différents ouvrages : romans, nouvelles, essais, poésies, théâtre.

Première personnalité maghrébine élue à l’Académie Française depuis le 16 juin 2005, elle est récompensée par plusieurs prix littéraires, et se démarque par l’émotion certaine qu’elle fait ressortir dans ses romans en prônant à chaque fois la liberté féminine ainsi que l’émancipation de la femme. L’écriture comme transmission des voix des femmes surtout dans son pays l’Algérie.

Née à Cherchell en 1936, d’un père instituteur de Bouzaréah, Tahar Imalhayène et de Bania Sahraoui de la famille berbère des Berkani, elle commence sa vie dans cette petite famille bourgeoise de l’Algérie traditionnelle.

Avec un parcours exemplaire en passant par l’école française, l’école coranique privée, le collège Blida d’Algérie où elle obtient son baccalauréat en 1953 en section grecque, latin et anglais. En 1954, elle rejoint les classes préparatoires littéraires à Paris puis  choisit l’histoire à l’école normale supérieure de jeunes filles de Sèvre.

Premier Roman en 1957 : « la soif » relatera ses premières expériences dans l ‘écriture et surtout dans la littérature française qu’elle a apprise à aimer. Cette passion qui l’a animé depuis sa tendre enfance et qui l’a tant de fois servie d’échappatoire dans sa vie quotidienne. Elle avouera plus tard à France-Info « la langue française est depuis longtemps ma maison ».

Les 50 années dans la littérature  française ont permis à Assia Djebar de sortir une quinzaine de romans, essais, poésies, des œuvres reconnues et traduits dans plus de 21 langues. Dévouée à cette flamme de la langue française, elle est actuellement enseignante au département d’études françaises à l’université de New York.

Le style d’écriture d’Assia Djebar marquera un grand tournant dans la littérature maghrébine car elle a su choisir les mots, habiller ses impressions et traduire ce que bon nombre de femmes de son pays aura voulu défendre. On retrouve à travers toutes ses œuvres des histoires « mi-réalité, mi-fiction » où elle adapte avec soin et habilité les contextes réels en brodant autour tout un roman[1].

Qu’importe les ouvrages sortis, les titres avancés et les textes écrits par cette auteure, on y découvre toujours la même volonté de liberté, la soif d’émancipation et la révolte contre une certaine idée de la femme surtout dans son pays natal qu’est l’Algérie. C’est cette particularité qui la différenciera par rapport à d’autres  auteurs qui écrivent sur le même sujet et qui lui a valu toutes les récompenses à son titre.

A plus de 70 ans, Assia Djebar fascine ses lecteurs par l’intensité de ses mots, l’adresse de son style d’écriture qui invite à une totale inclusion dans la vie de chaque personnage. Une impression d’appartenance à une lutte sans fin qu’elle transmet à tous et qui incite à la compréhension de certaine facette de la vie d’une femme algérienne.

 

I – 2 les contextes de l’ouvrage

Au cheminement de notre travail, nous allons essayer d’avancer certains points pour expliquer le problématique demandé. Il est question de démontrer comment l’auteure s’exprime et traduit ses plus profonds sentiments dans la complexité où l’ouvrage a été écrit.

« Nulle part dans la maison de mon père », sorti en 2007 raconte avec émotion une partie de l’histoire de l’auteure, son enfance et ses souvenirs. Qualifié par les critiques du roman le plus personnel d’Assia Djebar, l’histoire raconte les périples d’une algérienne dans le sang et française dans l’âme au fil de sa vie. Entre tradition et modernité, culture et liberté, langue maternelle et langue française qui est promesse d’indépendance, le roman traduit des contradictions certaines pour l’évolution et l’émancipation des femmes. Un combat auquel l’auteur a toujours mis un point d’honneur à défendre[2].

La particularité de cet ouvrage est remarquée à travers plusieurs contextes non négligeable car en réalisant son œuvre à plus de 70 ans, l’auteure choisit explicitement le ton qu’elle veut employer et le style d’écriture à adopter. L’auteure revient sur son histoire, brodée de souvenirs, de découvertes, d’aventures mais également de blessures. Un retour à la source qui lui permettra de relater ses débuts, ses choix et surtout de parler des conditions des femmes maghrébines ou tout simplement des femmes du monde.

Dans cette recherche de réponses dans son passé, l’héroïne contera ses vécus, ses impressions mais également les raisons de certains de ses actes, de certaines décisions qui auront changé sa vie.

Dans un moment dans le parcours d’un écrivain, l’envie de se dévoiler à ses lecteurs finira toujours par s’illustrer dans l’une de ses œuvres. Mettre en archive, en quelque sorte son histoire, pour cet ouvrage d’Assia Djebar, l’on se demandera toujours est-ce une autobiographie ou auto-analyse ? Une fiction ou tout simplement une envie de l’auteure à traduire ses plus profonds souvenirs avec des mots à elle, des phrases propres à ses convictions et des récits captivants sur son combat vers la liberté féminine dans son pays et dans le monde.

« Ecrire, revivre par éclairs, pour approcher quel point de rupture, quel envol ou à défaut, quelle chute ? »

Dans son enfance et adolescence, lire constituait une promesse de liberté, la permission de s’évader d’un monde rempli de contraintes et d’interdits, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle dévore plusieurs livres lors de son internat. Mais écrire était autre chose pour l’auteure, mettre noir sur blanc ses sentiments les plus profonds, pouvoir traduire ses frustrations, ses espérances, ses doutes à travers la plume et sous un pseudo où elle seule saura où commence son histoire personnelle et où s’ajoute la fiction.

La lecture et l’écriture ont donc joué un rôle important dans l’épanouissement de l’auteure tant au niveau privé et sociétal. « Nulle part dans la maison de mon père » sera un recueil de souvenirs, une juxtaposition du passé avec la réalité ainsi qu’une lutte acharnée pour une existence aussi riche de liberté que dans les livres qu’elle a pu consulter.

 

 

 

I – 3 L’écriture Maghrébine au féminin

Les femmes Maghrébines sont de plus en plus nombreuses à se plonger dans la littérature depuis que ce vent de liberté dans l’écriture a été en vogue. Les conditions de vie de ces femmes, son environnement ou la situation de leur pays ont toujours motivé leur choix de s’évader dans les écrits.

Devant être à chaque fois dans la place où la société consignait la femme, celle-ci ne devait en aucun cas sortir du cadre de son statut et encore moins d’exposer sa vie ou ses sentiments à travers des romans, qu’ils soient autobiographiques ou simplement de la fiction.

L’on a vu l’émergence de plusieurs auteures qui dénoncent plusieurs injustices dans leur pays ou dans leur vie personnelle surtout en Algérie. Les thèmes traités sont plutôt d’origine sociale, en ne citant entre autres « Leila jeune fille d’Algérie, D.Debèche 1947 », « Sabrina, ils t’ont volé ta vie, M.Ben 1986 » ou « Parle mon fils, parle à ta mère, L. Sebbar, 1984 ». Parmi ces sujets, les problèmes de couple couvrent la majorité des cas caractérisant des relations contrariées, des déceptions ou des échecs où les auteurs racontent leur volonté de contrer les traditions mais sont confrontés à la réalité de leur quotidien.

L’analyse des écritures des femmes algériennes nous mène à un constat tranchant. Chaque œuvre sorti représente une forme d’émancipations car dans une Algérie traditionnelle, exposer sa vie ou tout simplement ses avis personnels relève de l’exhibitionnisme pour des femmes qui sont sensées être protégées des regards extérieurs. Dans cette société faite de coutumes et d’interdits, les femmes ont des attributions particulières mais surtout des règles qui régissent leur moindre mouvement. Il était donc inconcevable pour une femme de revendiquer des idées ou de confesser leur vie privée et encore moins de s’insérer dans les activités jugées faites pour les hommes comme le travail de bureau.

Le recours à l’écriture est donc une forme de revendication pour les femmes, pour sa liberté et pour défendre des convictions qui lui sont chères. Mais la société Algérienne, les traditions et leur quotidien sont de réelles limites pour certaines auteures. Le choix de se ranger derrière des pseudonymes motive pourtant des grandes écrivaines à braver les interdits, à parler d’une société qui est restée ancrée dans les coutumes d’un autre siècle, à dénoncer les injustices de leur situation, à contrer des idéologies simplement raciales ou machistes mais également à protéger ceux qui lui sont chers.

Le combat des femmes écrivaines est lisible dans leurs écrits pleins d’émotions et de vivacité ou seuls leurs vécus et leur mémoire sont capables de coucher sur un papier. La plume sera donc leur arme pour l’émancipation et leur envie certaine de changer une vie longtemps opprimée[3].

Dans ses œuvres littéraires, Assia Djebar sera caractérisée comme l’auteur-femme qui relate la vie de « celles qui baissent les paupières ou regardent dans le vague pour communiquer »

Dans « La littérature maghrébine de langue française »1, les auteurs définissent Assia Djebar comme une :

« Ecrivain-femme porte-parole des femmes séquestrées, écrivain-témoin d’une époque historique, écrivain stimulant la mémoire des aïeules et secouant les archives, écrivain parcourant son corps et surprenant le couple, Assia Djebar est aussi écrivain-architecte qui éprouve les structures, confectionne des objets linguistiques, et qui en restant profondément ancré dans une idéologie de la représentation évolue vers une recherche sémiologique et une réflexion sur le processus de création. »

 

Les auteures maghrébines sont donc des muses, des enchanteresses qui mêlent avec art et subtilité une réalité de leur quotidien, des phénomènes de société qui ont marqué leur existence. Ces femmes ont trouvé dans l’écriture la façon de revendiquer leur droit, de s’exprimer ou tout simplement de dénoncer des injustices. A travers leur propre expérience jumelée avec des situations de leur entourage mais également ornée de fiction, ces femmes écrivaines arrivent à captiver et transporter leur lecteur dans un monde où leur émancipation et leur liberté leur tiennent à cœur.

Qu’avons-nous comme dit de nos femmes, comme parole féminine ? 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie II : Les intrigues de l’ouvrage

Avant de rentrer dans les détails de l’ouvrage, il y a certains points à considérer dans le cheminement des idées. Le point de départ de l’histoire, les choix qui ont motivé son écriture, cette analyse de sa vie qui lui fera retourner dans ses plus profonds souvenirs à l’âge de 70 ans.

En quête de réponses et de retour aux sources, « Nulle part dans la maison de mon père » captive l’attention de ses lecteurs par les différentes situations relatées avec émotion dans le roman, l’enfance, l’adolescence, les déceptions, les actes désespérés. Tout y est pour faire vivre une histoire  authentique racontée avec des mots enchanteurs et des témoignages émouvants.

 

II – 1 La domination d’un père (contradictions dans l’éducation et dans les principes)

L’histoire racontée dans l’ouvrage met l’accent surtout sur le père.

La présence de la mère, malgré sa beauté et la place qu’elle aurait dû occuper dans la vie de sa fille reste effacée dans les récits.

Peut-être que c’est par logique de la culture, où la femme n’est qu’obéissance que l’auteure n’a mis d’accent que sur la domination du père dans sa vie.

 

Le choix du titre de l’ouvrage met en exergue explicitement la plus grande influence de la vie de l’auteur et ne cache certainement pas la complexité de la relation entre l’héroïne et son père[4]. En effet ce titre soulève des questionnements qui rapidement nous ramènent dans un contexte bien défini car comment ne peut-on pas se retrouver et se reconnaître dans la maison de son père ? Comment se sentir nulle part dans un cadre où normalement tout doit faire sentir une sécurité, un cocon familial où on pourrait s’exprimer et exprimer ses idées ?

Tahar Imalhayène est un père qui a donné l’opportunité à sa fille de connaître un monde plus moderne en lui permettant de côtoyer des établissements scolaires français où elle pouvait évoluer dans une autre culture.

Etant le seul instituteur algérien musulman, ce père qui lui ouvrait un autre monde est également un intransigeant protecteur des traditions qui lui inculque une autre façon de vivre à travers des pratiques qu’il croit être en droit d’exiger de sa fille.

 

Son père lui a donné l’opportunité de savoir, de connaître d’autre civilisation et veut en même temps apprendre à sa fille de conserver les valeurs culturelles et traditionnelles de son pays

Vouant une éternelle admiration pour ce père instituteur qui lui ouvre un autre monde, la jeune fille est confrontée à une autre image de son paternel à cinq ans en découvrant un être intraitable qui lui interdit d’apprendre le vélo pour ne pas dévoiler ses jambes. Un épisode et point de départ qui marquera à jamais l’auteure et qui motivera ses convictions dans la liberté des femmes.

Cette première interdiction a marqué à tout jamais Assia Djebar, elle-même l’a dit plusieurs années plus tard : «La seule blessure que m’infligea jamais mon père, comme s’il m’en avait tatouée encore à cette heure où j’écris plus d’un demi-siècle plus tard ! »

 

A partir de ce moment, grandissant à l’ombre de ce père qu’elle croyait synonyme d’évolution et de liberté, l’héroïne découvre la facette d’un autre qu’elle n’appellera plus désormais dans le roman « mon père » mais plutôt « le père ». Une volonté certaine de démontrer la déception sur un papa qu’elle estimait émancipé et libre.

Une fissure s’est formée venant de l’incompréhension de ce père : comment il peut permettre à sa fille de faire une étude sur une autre langue, de ne pas imposer à sa fille le port de la voile, et de ne pas permettre l’apprentissage d’un vélo, ou de la mettre à la réclusion durant les vacances

A travers les écrits, les contradictions dans l’éducation paternelle démontrent à l’auteur d’une part, l’importance pour son père des us et coutumes de son pays et d’autre part la volonté de ce dernier à l’encourager dans l’imprégnation de la culture occidentale. Cette situation exceptionnelle amènera l’héroïne à vivre avec deux visages de son père, une ambivalence critique qui la troublera au-delà de ses propres certitudes.

Assia Djebar est le nom de plume que cette fille influencée par son père a choisi pour émettre ses opinions et même ce choix a été motivé par la peur que ce dernier découvre sa passion pour l’écriture. Encore une fois, cette volonté farouche de cacher une identité à son paternel qui lui a ouvert une grande porte vers l’enseignement à l’Européenne mais qui en même temps exige de sa fille une grande implication dans les pratiques traditionnelles de l’Algérie[5].

La conduite et l’influence de son père suivront l’héroïne au fil de sa vie et lui dicteront même certaines décisions qui régiront sa vie et motiveront tous ses combats vers la liberté. Le passage sur ses longues promenades amoureuses est un fervent exemple où elle dit «  … » et où en découvrant la vraie personnalité de son fiancé, elle décide de se jeter sous un tramway.

Chaque moment de la vie de l’auteure met en exergue l’influence de son père. Une liberté offerte à travers ses études et une prison de verre dans son cadre familial. Ce père qu’elle a pourtant tant aimé et qui lui a transmit la passion des lectures et de la littérature française fait remonter en elle également la révolte et la volonté primordiale de s’émanciper et de défendre son statut de femme libre.

A la fois “le” père, “mon” père, le fils, Tahar, l’autorité, le mari, l’instituteur et l’injustice, ces mots mélangés en tendresse et rudesse expriment la relation entre l’héroïne et son père.

 

II – 2  La découverte d’un univers passionnant mais interdit

Au cours de son adolescence, l’héroïne sera à l’internat pendant la semaine et ne rentrera que le weekend à la maison. Cette semi-liberté lui donne plusieurs avantages car elle a pu découvrir beaucoup de pratiques qu’elle n’a pas vu dans sa vie familiale.

Sa rencontre avec …… une amie qui lui sera très proche lui fera voir des facettes insoupçonnées de la vie des autres, de ces autres qui ne sont pas de la même nationalité ni de la même culture qu’elle. De cette rencontre naitra sa passion pour les livres romanesques où trainent les promesses d’un autre monde.

Pendant leur internat, les confidences de son amie lui mèneront dans un autre univers qui lui a été inconnu auparavant et lui permettra de faire une comparaison entre les traditions de sa famille, son pays et le monde qui s’ouvre à travers l’éducation à l’Européenne.

Un autre tournant dans la vie de l’héroïne est représentée par la correspondance et la rencontre qu’elle a eu avec ……… qui deviendra après son fiancé. Sa soif de connaissance, sa curiosité mais surtout les confidences de son amie à l’internat lui ouvriront un monde inconnu de son enfance où elle fait intervenir des sentiments étranges.

Ces échanges entrepris avec ce garçon marquent le début d’une liberté qu’elle voudra à tout prix vivre pour son épanouissement. Se sentant privilégiée par rapport aux autres jeunes filles de son pays, elle chérira ces moments où l’écriture et les livres seront ses alliés.

A travers ses lectures et de ce qu’elle a pu entendre sur cette nouvelle sensation, l’auteure  s’est forgé une image de l’héroïne d’un roman romanesque où elle part à l’aventure, bravant les interdits et éperdument amoureuse de son idéal masculin.

Cette idylle naît d’un sentiment de liberté qu’elle ressent quand elle pense à son bien aimé et à leur promenade mais également de la peur d’être découverte par son père auquel cas elle se mettrait fin à sa vie. « Si mon père le sait, je me tue…»

Pendant ses trajets d’aller retour par semaine, le personnage a également découvert les vrais rouages de la société dans laquelle elle vivait, ce qui lui a permit d’interpréter
II – 3 Le suicide

« Je voulais m’anéantir là où la mer rencontre le ciel… ». A 70 ans, Assia Djebar revient sur cette tragédie qui l’a conduit à décider de mettre fin à sa vie. Le suicide sera le point de départ du roman, sa quête de vérité sur ce qui a pu la conduire à un acte qu’elle qualifie de lâche. A 16 ans, aller là où la mer rencontre le ciel était sa seule solution face aux circonstances de la vie. Pendant 50 ans, elle a essayé de mettre de côté cette période pour ne plus la revivre, ne plus ressentir cette oppression omniprésente qui la fait basculer dans l’abîme.

« Mon fiancé m’avait humiliée. Il avait tenu des propos déplacés, insultants. Je n’étais pas habituée à recevoir des ordres, ni de mon père ni de quiconque. C’est pourquoi j’ai vécu l’attitude tyrannique de mon fiancé comme une agression. J’ai alors couru comme une folle à travers les rues d’Alger ». Voilà les termes de l’auteure sur l’explication de sa tentative de suicide à 16 ans.

Le chevalier du cœur qu’elle identifiait comme le prince charmant de ses romans d’adolescente se révélait un piètre amoureux qui ne fera que reconstituer les visions traumatisantes de son père. D’où sa décision désespérée de fuir ce monde où elle ne voulait surtout pas continuer à côtoyer en se jetant sous un tramway. Cette tentative ratée sera pour sa famille signe d’accident où aucun soupçon de volonté personnelle de sa part n’a été remis en question.

Dans les traditions algériennes, le suicide est formellement interdit par la religion et actuellement il est devenu un mal être et un vrai problème de santé publique. En racontant cette terrible expérience, l’auteure y revient avec une nostalgie feinte «Au-dessus de mon corps de jeune vierge, ce matin-là, retiré de sous le tramway, il aurait en fait fallu invoquer deux responsables de l’échec : le père, victime de son ignorance rigoriste et des préjugés de son groupe, et surtout ledit ‘’fiancé’’, faux chevalier en proie aux ombres de sorcières ou d’envieuses femmes anges et putains qui l’avaient entouré, adulé, annihilé.»

Le suicide, pouvant être qualifié d’acte abominable, condamnable et lâche mais aussi un acte désespéré  de son auteur. Son droit le plus absolu, propriétaire de sa vie, de revendiquer le droit de ne plus continuer à vivre dans un monde cruel  qui se montre permissive  sur certains point et strict et infléchis sur le respect des coutumes et mœurs.

Cette décision de mettre fin à sa vie sera le commencement d’un long chemin pour l’auteure : sa construction dans l’écriture, sa passion pour la littérature ainsi que le point culminant de sa vie d’académicienne, de professeur et de femme de lettre. Pourtant, elle ne reviendra sur cet acte qu’à 70 ans, où elle a voulu raconter son histoire, non pas en couchant sur papier les périodes de sa vie mais en juxtaposant les souvenirs qui affluent dans sa mémoire selon leur vivacité.

 

 

 

 

 

II – 4 L’encrage des traditions et un semblant de liberté dans l’enfance (pratique des coutumes à la maison, mais liberté en pensionnat)

Dans une famille traditionnelle comme celle de l’héroïne du roman, le poids de cette tradition prime et régule toutes les activités de chaque membre du clan.

Le père de l’auteure est un algérien qui, malgré sa liberté d’esprit sur l’éducation académique de sa fille, reste  intransigeant sur son éducation culturelle et traditionnelle et entend les lui imposés et les lui transmettre[6].

Petite déjà, l’enchaînement des différents évènements a permis à l’héroïne de l’histoire de connaître et de comprendre les traditions et coutumes au sein de sa famille.

D’un côté, il y a le rituel du s’hor avec les cousines ; les youyous quand elle apprend sa première sourate, de retour de la medersa de fortune installée dans l’arrière-boutique de l’épicier kabyle, les mariages en été.

De l’autre côté, il y a la découverte des frontières symboliques entre le dedans et le dehors ; l’univers du hammam et ses usages, accessoires et formules incantatoires, …

 

En partant des diverses situations, elle a commencé à comprendre les mœurs  et les fondements de la communauté algérienne.

La colère de son père lui empêchant de montrer ses jambes en faisant le vélo  lui a permis de savoir les significations sociales de son corps, en tant  que fille.

Les photos des femmes n’ont jamais eu de place au sein du foyer à l’exception des aïeules décédées, lui a ouvert les yeux le peu de place que la société laisse aux femmes.

Les regards timides des Algériens sur sa mère voilée et leur respect, qui abaissent les yeux en reconnaissant la femme de l’instituteur en comparaison aux regards directs et sans gène des français lui fait découvrir la distance, la prudence et la pudeur

Bref, une séparation invisible mais palpable   de l’univers féminin et l’univers masculin dans celui où elle évolue.

 

Toutes ses coutumes, mœurs, traditions sont encrées en elle. Elle les respecte mais elle rêve d’avoir une certaine liberté en entrant dans un autre monde qu’elle croyait de savoir universel  par  le biais de ses études à l’internat.

Cette liberté n’est pourtant que partielle car souvent c’est à l’insu de son paternel : la passion pour la lecture, le premier émoi d’un premier amour, le partage d’une balade avec le sexe opposé.

« ….(‘)Le stade, surtout. Là, et moi seule. Toute seule au soleil, en short ou quelquefois en jupe, je bondis, je m’élance. Sur ce stade, ma liberté m’inonde, corps et âme, telle une invisible et inépuisable cascade…. »

« ….Cette cour est clôturée, mais pas complètement ‘ sur un côté au moins elle donne sur de hautes maisons privées, le long d’une étroite artère. Telle quelle, les premières années au collège, elle représenta pour moi un espace de liberté qui me paraissait immense. Car j’avais, entre seize et dix-sept heures, à ma disposition, quelquefois pour moi seule, ce stade de fortune. … »

Elle est devenue la convoitise de sa vie, et de toutes les filles musulmanes de sa société « …. Alors qu’au village n’importe quelle adolescente française pouvait se promener devant tout un chacun, comme on disait, « accompagnée », cet adjectif avait pris pour nous, les musulmanes de l’internat, un double sens, si bien que nous en usions entre nous sur un ton d’amère dérision. Car nous leur enviions ce luxe, aux jeunes européennes ! ». Ce luxe n’est autre que cette fameuse liberté.

Une liberté volée dans un monde plein d’interdits surtout pour les enfants nés en tant que filles.

 

 

 

Partie III : L’altérité de langue et d’identité féminine dans l’ouvrage

L’altérité se définit généralement comme « le caractère de ce qui est autre », l’acceptation des différences, la reconnaissance des dissemblances de chacun dans la société, donc l’absence totale de normalisation où chaque individu doit être identique.

 

Ce concept philosophique suppose que dans une société, il faut la conciliation des distinctions de chacun, une volonté de comprendre que l’on ne peut pas être identique. De ce fait, l’altérité peut prendre plusieurs formes : culturelle, raciale, comportementale, religieuse ou autre, mais elle est différente de la tolérance qui s’arrête là où on se complaît seulement de vivre avec une particularité d’un autre mais sans accepter cette discordance.

L’existence de deux choses différentes est donc la source de l’altérité et quand l’une d’entre elles ne nous appartient pas,

 

De ces précédentes écritures, elle a toujours montré cette impression d’appartenance à deux mondes différents de langues et de tradition. Ce qui revient et s’accentue dans « nulle part dans a maison de mon père »

Elle est entre deux rives linguistiques : l’Arabe et le français en même temps qu’elle est entre deux civilisations, celle qui donne une liberté aux femmes et celle qui opprime encore les femmes

 

Pour mieux comprendre l’aspect de l’altérité de langue dans l’ouvrage, nous allons essayer d’analyser comment l’auteure à arriver à accepter une autre langue qui n’est pas la sienne, pour continuer par la suite à soulever l’altérité féminine présente dans l’ouvrage.

 

 

III- 1 L’altérité de langue dans l’ouvrage

 

L’auteure est algérienne, né d’un père algérien et d’une mère algérienne. Sa langue maternelle est l’Arabe mais elle ne l’utilise pas dans l’écriture de ses œuvres.

 

A l’époque de la colonisation de l’Algérie, il est devenu un département français et cette langue maternelle a perdu son statut au profit de la langue française qui est devenue la langue nationale.

 

Les deux langues se heurtent au fil de l’histoire. L’emploi de l’une ou de l’autre est stratégiquement décidé dès lors qu’une situation se présente. Autoprotection, liberté d’expression ou une volonté de pluralité linguistique, l’Arabe et le Français ont une grande part dans chaque moment du récit.

 

 

 

1- La langue maternelle

 

Malgré une éducation à l’Européenne, la langue maternelle qu’est l’Arabe joue également un grand rôle dans le récit. Une langue apprise lors de ses études coraniques qu’elle qualifie de « langue-peau ». A travers son expérience de la vie et son avancement, la langue arabe lui donnera l’occasion de définir des moments intimes, des sensations personnelles où elle ne trouvera pas l’équivalent en français.

 

Quand l’auteur parle de sa vie personnelle, la langue arabe est ce qu’elle emploie le plus et cela s’explique par le fait que quand elle évoque les souvenirs rattachés à son intimité, c’est cette langue qui délie sa pensée et qui arrive à traduire explicitement les sentiments auxquels elle est attachée[7].

 

La langue maternelle lui sert de paravent et l’aide dans certain moment à surmonter une difficulté « Les regards des hommes arabes, sur l’autre trottoir, me visent seule. Pour les oublier, je me répète la sourate du jour afin de la débiter à ma mère, en rentrant. Elle en sera fière »

 

C’est donc en quelque sorte un refuge, un jardin privé au fond de son être puisqu’elle a déjà “avoué” que le dialecte algérien est sa langue de cœur et l’Arabe classique, sa langue ancestrale.

Chaque langue d’une nation est faite pour son peuple, à être utilisée quotidiennement dans la vie de tous les jours, aussi bien oralement  que par écrit mais sa langue maternelle a perdu son identité absolue à l’arrivée des autres occupants envahissant le territoire algérien et qui a imposé leur langue. Elle n’était plus la seule à utiliser. La dernière arrivante étant la langue française.

Dans les récits de « Nulle part dans la maison de mon père »,  des mots en arabe  sont introduits, est ce par nécessité ou seulement pour illustrer, ou est ce pour marquer un style d’écriture, ou  est ce pour montrer le contexte de dualité dans lequel l’histoire s’est déroulée.

 

2-  La langue française,

 

Dès l’âge de 4 ans, elle a appris le Français dans l’école où son père était instituteur. En d’autres termes, cette langue lui  a été imposée mais elle l’a aimé.

 

La langue française, véritable passion et synonyme de liberté pour l’auteure. Une langue qu’elle chérit depuis sa tendre enfance et qui lui permet de s’évader dans les livres et de découvrir une autre culture enrichissante. Dans son roman, l’auteure met en avant son appartenance à cette langue qu’elle  a apprit à travers ses études. Elle lui permet notamment d’exprimer ses convictions ou de défendre son droit à l’indépendance : quand elle veut sortir, elle se sert de cette langue pour éviter des insultes ou des moqueries. L’auteure restera attachée à la langue française qui lui permettra d’ailleurs de nommer ses sentiments et ce qu’elle ressent.

 

« Langue du masque » un terme que l’héroïne s’amuse à qualifier cette langue où elle est à sa place dans son internat de jeune fille. Cette langue qui lui donne l’occasion de bénéficier de privilèges envers ses pairs car c’est grâce à elle que l’auteur a pu éviter de porter la voile

En effet, l’auteure est l’une des premières femmes algériennes à sortir sans voile, l’héroïne a du employer des stratégies particulières pour jouir de cet avantage en maniant parfaitement les deux langues. Nous reprendrons sa liberté de sillonner la ville d’Alger en pratiquant la langue française qui lui évite qu’on se moque d’elle ou qu’on la rabaisse. Pour elle, cette langue représente donc un parfum de liberté et lui permet de quitter en quelques instants le monde auquel elle appartient.

 

Cette langue  lui a permis de déroger l’austérité de l’éducation de son père, lui a permis d’avoir une certaine liberté par rapport à ses compatriotes et de pouvoir revendiquer  l’émancipation des femmes algériennes souvent opprimées.

La lecture des grands écrivains français lui a donné sûrement l’amour de l’écriture pour devenir, à son âge adulte une écrivaine de renommée internationale.

 

Toutes ses œuvres sont écrites en langues françaises, même si elle parle, la plupart des temps dans ses ouvrages des réalités et des histoires qui se passe dans son pays d’origine  ou que vit ses compatriotes.

 

 

3- Présentation de l ‘altérité dans le langage de l’ouvrage.

 

Dans ce concept, suite à ces analyses, c’est la rencontre de ces deux langues qui est l’explication de notre problématique sur l’altérité de langue dans l’ouvrage..

Assia Djebar a évolué et a grandi dans un univers qui est devenu à deux visages, celui des algériens propriétaires du territoire et celui des français envahisseurs

.

Son histoire est la traversée d’une algérienne en quête de son identité dans cet univers en ébullition de changement, qui lutte pour la liberté des femmes, et qui se cherche dans les deux mondes dans lesquels elle a évolué.

 

L’histoire est indiscutablement passionnante, mais ce que nous voudrions voir, c’est également la façon dont l’auteure a exprimé ses souvenirs et ce retour aux sources.

Comment elle l’a raconté, comment elle l’a présenté, comment elle a permet à ses lecteurs de visualiser cette époque étrangère, de vivre ses émotions à travers ses phrases et ses styles qu’elle a utilisé, de voir la ségrégation des femmes musulmanes.

 

L’altérité de la langue d’origine et celle de l’ancien colonisateur a été toujours présente dans la vie d’Assia Djebar. Elle-même en  a fait une remarque : «  J’écris donc, et en français, langue de l’ancien colonisateur, qui est devenue néanmoins et irréversiblement celle de ma pensée, tandis que je continue à aimer, à souffrir, également à prier (quand parfois je prie) en arabe, ma langue maternelle

 

Il y a les mots que l’on ne peut traduire ou ne veut pas être traduit, ou par contre sont expressément traduits dans les écrits et fait apparaître l’œuvre à doubles intérêts linguistique.

Leur présence dans son histoire représente cette altérité de langue, nullement choquant mais plutôt explicatifs. Illustrons cette analyse par quelques exemples.

 

« Enfant encore : ce doit être plusieurs étés après. Avec ma cousine la plus proche, durant le mois de Ramadan, toutes deux en chemise blanche ……. »

Par métonymie, le Ramadan est le jeûne musulman, mais il n’est pas traduit dans la langue d’écriture, est-ce une déficience à combler ou est ce que l’expression arabe est plus fortement ressentie qu’elle n’a nullement éprouvé le besoin de le remplacer en aucun autre mot.

 

Quand elle raconte qu’elle était heureuse de manger le s’hor avec les adultes, un mot de la langue maternelle dans la langue d’écriture. « …. Nous sommes alors si heureuses de rester manger le s’hor avec les adultes, pour tenter de traverser la journée suivante sans manger ni boire. »

Le besoin de le mettre dans le corps du texte offre une compréhension plus aisée de la situation et du contexte.

 

Ces mots arabes dans les livres d’Assia Djebar est en quelque sorte un pont qui la lie à jamais à ses racines d’autant plus que la traduction ne suffit pas à faire ressortir une définition exacte[8].

Il est ainsi plus compréhensible de laisser le mot hammam sans traduction, car selon la thèse de Sapir-Worf, concernant la relativité linguistique, chaque langue exprime un mode de pensée particulier. Ce mode de pensée est unique et ne peut s’inscrire au sein d’une autre langue que de manière fort partielle et incomplète.

«A l’aller comme au retour du hammam, nous apparaissons au centre du village : ma mère, voilée exactement comme dans sa ville. Je me rendais pas compte qu’elle devait faire sensation à cause de ce voile de citadine, silhouettes blanches aux plis fluides, totalement masquée, certes, mais à l’allure si élégante, et moi comme toujours accrochée par la main à sa hanche.»

 

Mais l’altérité de la langue dans cet ouvrage autobiographique, n’est pas seulement de cette apparence. Des fois, l’écrivaine a procédé à une traduction pour que l’on arrive à la comprendre de façon à ne pas laisser apparaître le mot d’origine.

« Mon père est-il le même ‘ Peut-être devient-il soudain un autre ‘ » Je n’ai retenu de sa phrase vibrante, comme une flèche d’acier qui résonne entre nous, que ces deux mots en arabe : « ses jambes ».

Les deux mots sont dits en arabe par le père en colère, comme elle l’a expliqué dans ce passage, mais dans sa narration, elle ne l’a pas laissé comme telle, elle a préféré les traduire.

 

C’est pourquoi Assia djebar  explique :

« Ayant reçu mon éducation scolaire dans une institution francophone, j’ai étudié le grec et les langues latines, qui constituèrent dès lors une influence majeure dans mon évolution intellectuelle. Malgré cela, mon affect a toujours été directement lié au monde arabe, à ses traditions tant sociales que culturelles. Je sais aujourd’hui qu’on peut écrire dans une langue étrangère, l’intégrer à notre imaginaire sans pour autant rompre avec ses racines »

 

 

III – 2 L’altérité de l’identité féminine dans l’ouvrage

A force de pratiquer une autre langue que celle qui est de naissance, il y a changement de personnalité, de convictions et d’identité car pour pouvoir la pratiquer il faut se mettre dans la peau  du propriétaire, de penser comme lui, d’agir comme lui.

L’influence agit sur l’emprunteur jusqu’à lui donner une prise de conscience de sa situation.

L’auteur dans son histoire évolue dans un univers où il y a tant d’interdits pour les filles et femmes. Prenons le passage où elle raconte la première fois qu’elle a pris conscience de sa réalité, et son père dans l’histoire l’a empêché de faire quelque chose de normal pour une fillette française de son âge « Je ne veux pas, non, je ne veux pas, répète-t-il très haut à ma mère, accourue et silencieuse. Je ne veux pas que ma fille montre ses jambes en montant à bicyclette ! »

Et elle vit avec en altérité avec l’autre civilisation qui est plutôt permissive en laissant les femmes libres de vivre et de choisir. « Alors qu’au village n’importe quelle adolescente française pouvait se promener devant tout un chacun, comme on disait, « accompagnée », cet adjectif avait pris pour nous, les musulmanes de l’internat, un double sens, si bien que nous en usions entre nous sur un ton d’amère dérision. »

Elle est entre les deux coutumes et les deux convictions. Mais elle ne renie pas sa culture, elle voudrait seulement avoir une certaine liberté.

Cette volonté de ne pas choisir entre les deux ni de prendre une position radicale met en évidence une altérité,

L’attirance de cette nouvelle civilisation, à portée de la main mais paraissant inaccessible  face à la rigueur de l’éducation paternelle ne l’a pas empêché de commettre une première transgression, en acceptant de se promener et d’être accompagné par le sexe opposé, dès lors, une phrase lancinante reviendra, tout au long du récit : «Si mon père l’apprend, je me tue…»

Deux cultures, deux univers où il fallait évoluer sans que l’un prenne le pas sur l’autre. Comment vivre au milieu de deux concepts différents où l’un promet la liberté, l’émancipation et l’autre offre un attachement à des traditions longtemps respectées par la famille.

Une libération ou une reconstruction à travers une Algérie en proie à des pratiques et coutumes ancrées ? Les expressions et écrits du personnage démontrent une vraie déchirure entre deux rives, opposées et où il est confronté chaque jour.

L’éducation européenne permise par son père lui fait goûter à plusieurs expériences pendant son internat. A des partages de confidences, à des libertés à peine masquées entre autre pour les relations entre fille et garçon, un univers inconnu de son monde d’algérienne traditionnelle.

A travers son adolescence, le personnage découvre un monde différent quand elle se retrouve chez elle en fin de semaine. Curieuse des traditions de son pays, elle découvrira le hammam, les fêtes traditionnelles où elle sera confrontée à l’image des femmes algériennes.

« La marcheuse est ensevelie sous la soie immaculée, elle dont on ne pourra apercevoir que les chevilles et, du visage, les yeux noirs au-dessus de la voilette d’organza tendue sur l’arrête du nez … »

Dans cette quête perpétuelle d’identité, l’auteure se définit comme une autre qui voudrait aller au-delà de ces non dits, à travers ces exigences de la société qu’elle réfute avec véhémence car elle aspire à plus, à une autre vision des conditions de vie de la femme algérienne.

« … En fait, ne m’a jamais quittée le désir de m’envoler, de me dissoudre dans l’azur ou bien au fond du gouffre béant sous mes pieds, je ne sais plus trop; Une houle demeure en moi, obsédante, faisant corps avec moi tout au long du voyage; une houle ou bien une peur, plutôt une réminiscence qui m’a insidieusement amenée à garder comme un regard intérieur, distant, mais ouvert sur quoi… ? »

Malgré sa situation de n’appartenir finalement à aucune culture, l’héroïne se sentait plus privilégiée que ses compères car de son enseignement, elle aura l’occasion de côtoyer d’autres façons de penser, elle sera favorisée et plus libre car elle pouvait revendiquer son éducation.

 

Au féminin, l’altérité est plus complexe car elle considère plusieurs faits de société : exigence des traditions, rapport de force, relation d’homme à femme, ou d’autres formes de pression délimitant la liberté féminine.

La particularité de cette altérité au féminin se conçoit dans sa volonté de s’émanciper, de goûter à la liberté d’expression, liberté d’action et même plus simplement à la liberté tout court. Une revendication motivée par l’influence d’une société à voir en une femme plusieurs définitions où cette même société ne veut pas reconnaître et accepter que les femmes puissent avoir leur propre trait de caractère.

Dans l’œuvre d’Assia Djebar, l’altérité féminine s’exprime par ses écrits à travers ses conceptions de la vie, de la liberté et de ce que devrait être la considération pour les femmes. Contre les répressions et les exigences de ses traditions, l’auteure démontre une volonté de s’opposer à ces pratiques datant d’un autre siècle. Son père sera la première personne qui lui fera ressentir cette sensation d’oppression en lui interdisant de monter à vélo à 5 ans pour ne pas montrer sa jambe. Puis viendront les agissements de son environnement, les traditions des femmes de son pays, les exigences de la société Algérienne mais surtout l’attitude de son fiancé, celui qu’elle croyait différent mais qui s’avère l’exacte réplique de son propre père.

La défense de l’altérité au féminin dans son œuvre est également due à la possibilité qu’elle a eu de côtoyer d’autres cultures et d’autres visions de la vie, comme sa camaraderie avec ………….. à l’internat. Cette rencontre lui ouvre les yeux sur une liberté qu’elle aspire et lui a permit de faire la différence entre deux mondes séparés.

Pour appuyer notre  analyse de l’altérité de l’identité féminine dans l’ouvrage d’Assia Djebar, empruntons la réflexion de Catalina Sagarra Martin dans sa thèse de fin d’année, le sujet étant la recherche de l’altérité féminine et  elle pense que cette quête d’altérité survient car « la société fait de la femme un être psychologiquement fragile et vulnérable qu’il faut tenir en respect pour que la soumission le porte à chercher la protection du mâle, dans la figure du père, du frère, du compagnon, du mari ou du fils ».

 

 

 

III – 3 autobiographie, auto-analyse ou fiction ? (Style d’écriture, analyse des faits et des formes linguistiques)

De par son témoignage, l’écriture « Nulle part dans la maison de mon père » a été motivée par la volonté de l’auteur à revenir sur les faits marquants de son parcours. Se replonger dans son passé 50 ans après lui permettra de répondre à des questions longtemps ruminées tout au long de sa vie.

Difficile pourtant de situer exactement la part que l’auteur prend dans son récit : narrateur ou héroïne car à travers les choix des ses expressions et son histoire, tantôt elle emploiera le « je », tantôt « la jeune fille, la fille ou la femme ».

L’emploi de cette première personne du singulier, le « je » simule l’autobiographie, la narration d’une histoire dont elle fait partie.

En creusant, nous pouvons constater qu’elle a déjà écrit en utilisant la première personne dans deux de ses œuvres principales, « la soif », son premier roman en 1957 et « les impatients » en 1958. Les qualifions-nous aussi d’autobiographie ?

A cette époque quand on l’a lui demandé, elle a répondu, en septembre 1958 à Tunis,  pour se défendre : « j’ai toujours voulu éviter de donner à mes romans un caractère autobiographique par peur de l’indécence et par horreur d’un striptease intellectuel auquel on se livre souvent avec complaisance dans les premières œuvres. Ma vie personnelle n’a rien de commun avec mes héroînes »

Par un autre regard, notre analyse nous porte à demander si l’utilisation de ce « je », n’est qu’une façon de se montrer rebelle vis à vis des cultures auxquelles elle n’a jamais voulu se soumettre. En effet, l’utilisation de la première personne dans un récit n’est jamais vu de bon œil dans le monde arabe musulman qui met toujours à l’avant la communauté.

A certain moment, elle transfert l’histoire  à une autre personne que le « je», l’auteure n’est plus la narratrice, mais dans son style, elle renvoie les lecteurs à chercher à l’identifier à travers « la jeune fille »

Dès que la situation devient traumatisante dans le récit, l’emploi des pronoms est un détour d’écriture qu’elle utilise souvent pour se protéger de son histoire, c’est là que se joue le « je », ou « elle », le « tu » ou le « vous ». Ce changement s’explique par la volonté de l’auteure à livrer à ses lecteurs des sentiments réels et profonds tout en se préservant de tout souvenir choquant qui lui revienne en esprit et qu’elle ne voudra en aucun cas revivre.

Une volonté parfois de revendiquer son histoire et ses souvenirs mais dans une autre facette de s’éloigner de certaines situations afin de s’en défaire et d’en oublier les circonstances. Cette ambigüité peut s’expliquer par la volonté de l’auteure à exposer certaines parties de sa vie qu’elle assume parfaitement et d’un autre côté à essayer d’ignorer une autre facette pour ne plus les revivre dans ses souvenirs.

Certains qualifieront l’ouvrage d’autobiographie, d’autre de fiction, mais l’auteure le présente comme un roman d’auto-analyse où se mêlent des sentiments et vécus personnels mais également des mélanges de la culture algérienne et des mises en situation de sa vie actuelle.

Mais il n’y a pas à douter du caractère autobiographique de ce roman car le mercredi 21 février 2007 à l’Unesco, Assia Djebar a évoqué le rapport entre langues maternelles et d’écriture. «Depuis au moins 20 ans, dira-t-elle, dans mon travail d’écriture sur la mémoire visuelle du Maghreb, comme pareillement en littérature, j’ai compris que l’occulté, l’oublié de mon groupe d’origine, devait être ramené à la clarté, précisément dans la langue française. Dans cette langue, dite de l’autre, je me trouvais habitée d’un devoir de mémoire, d’une exigence de réminiscences d’un passé mort arabo-bèrbère, le mien.» (Le Monde 02/03/2007).

Certes, elle a dérogé à la règle, à la norme de l’itinéraire de la plupart des écrivains algériens d’expression française, en commençant par un œuvre autobiographique, mais n’avons nous pas l’impression qu’elle a toujours marché à contre courant le long de sa vie ? Si elle ne l’a pas fait à ses débuts, n’est-il pas d’une logique indiscutable qu’elle le fera avant de remettre à jamais l’écriture.

Une grande superposition d’idées qui aboutiront à une analyse de sa vie de jeune fille d’instituteur, de sa famille traditionnelle bourgeoise, de sa relation avec son père, de sa vie d’adolescente et de ses histoires amoureuses. Le fait le plus marquant sera son acte qu’elle qualifie de gratuit, son suicide.

L’auto-analyse se traduira dans ses écrits par cette faculté de prendre du recul sur certains évènements où l’analyse se fera dans sa vie d’adulte. Quelques bribes de son histoire motiveront ses choix futurs et traduiront certaines décisions de sa vie actuelle. Auto-analyse car elle explique certains changements dans sa vie à travers ses vécus, à travers ses expériences et de ce qu’elle a pu apprendre tout au long de son enfance et de sa jeunesse.

Après 50 ans d’écriture, l’auteure ose revenir sur un passé signe de joie mêlée de tendresse de son enfance mais également accompagnée de douleur, de lutte incessante contre l’oppression, les fausses idées mais surtout le poids des traditions ancestrales, que cette dernière trouve être des limites pour la liberté de son pays mais surtout des femmes.

Ainsi, ce roman est plus qu’une autobiographie en évoquant les conditions des femmes  et les problèmes sociologiques de la société algérienne en générale en cette époque coloniale, existence de deux mondes diamétralement opposés  et pourtant obligé de vivre côte à côte.

« « la société des « Autres » et celle des indigènes », « monde coupé en deux parties étrangères l’une à l’autre, comme une orange pas encore épluchée que l’on tranche n’importe où, d’un coup, sans raison ! Mieux vaudrait en dédaigner les morceaux. Coupé ainsi, ce fruit serait bon à jeter, jusqu’à plus soif ».

 

Ce chef d’œuvre fait découvrir à ses lecteurs un ailleurs lointain, les récits sont simples, sans lourdeur mais avec beaucoup de valeur dans la littérature moderne.

Assia Djebar compare souvent ses romans à des constructions architecturales et explique par cela son « besoin de lieux expressifs» à partir desquels elle peut « bâtir et construire » ( Dehane, Kamel. (1992). Assia Djebar. Entre ombre et soleil. Algérie/ Belgique/ France. 56min)

Le choix des mots, les vocabulaires utilisés, la construction  de phrases permet ainsi à l’auteur de donner un style à caractère personnel d’expression de manière à faire vivre ses lecteurs le contexte dans lequel l’œuvre s’inscrit et de décrire la pensée ou l’événement de l’histoire.

Victor Hugo, dans la préface de Cromwell a précisé que « On acquiert le statut de grand écrivain à partir du moment où l’on crée son propre système de langage, son propre système de pensées, du moment qu’on renouvelle la langue  »

L’écrivaine a écrit comme avant, classique, sobre clair avec des problématiques  qui seront amplifiées par la suite, des formes souvent à l’interrogative, focalisée toujours dans la dualité

de la culture et de langue.

Les récits sont narratifs, peint par différents sentiments et invite ses lecteurs à la réflexion, le tout dans des thématiques plus élargies  par rapport à ses premiers oeuvres

 

En effet, il existe beaucoup de types de styles et Assia djebar a son propre style dans ses écritures, la chercheuse et professeur de littérature Beïda Chikhi la définit comme « écrivain-femme porte-parole des femmes séquestrées, écrivain-témoin d’une époque historique, écrivain stimulant la mémoire des aïeules et secouant les archives, écrivain parcourant son corps et surprenant le couple, Assia Djebar est aussi écrivain-architecte qui éprouve les structures, confectionne des objets linguistiques »

Assia Djebar développe, par ailleurs, une réflexion sur la littérature à la page 158 : “Si la littérature est d’abord passion des mots – à lire, à dire, seulement après, à écrire, pour nous repaître de leur lumière…”

 

 

CONCLUSION

 

Assia (Celle qui console), Djebar (l’intransigeante).

« Quand j’écris, j’écris toujours comme si j’allais mourir demain. Et chaque fois que j’ai fini, je me demande si c’est vraiment ce qu’on attendait de moi puisque les meurtres continuent. Je me demande à quoi ça sert. Sinon à serrer les dents et à ne pas pleurer. »

L’écrivaine a retracé une histoire passionnante d’un chemin de Vie, de ses vécus, ses émotions en tant qu’algérienne avec ses coutumes et ses interdits, devant une autre civilisation, sa langue, ses traditions.

Car elle n’est pas la seule à lutter pour la liberté

Assia djebar  nous a écrit un œuvre littéraire français dans le quel elle nous a transporté dans son monde arabo berbère et où elle a vécu en altérité simultanée de langue et de l’identité féminine.

 

C’est le chemin de Vie d’Assia Djebar qui a été présentée dans l’histoire, plutôt personnelle.

On a pu y entrevoir la destinée et le devenir de la narratrice qui a su forgée une identité et une personnalité tout au long de son existence.

 

Son père, malgré ses interdits lui a donné un semblant de liberté et elle a su l’exploiter pour devenir actuellement une grande dame de la littérature française, et la seule africaine élue jusqu’à maintenant.

Le contexte dans lequel elle a grandi lui a donné toujours l’impression d’être divisée en deux :

Entre un père à la fois libérateur et conservateur, entre l’Algérie et la France, entre la langue arabe et la langue française, entre la liberté et les traditions restrictives de femmes algériennes…..

 

Même en écrivant, elle n’a pas su se détacher de cette division, car elle écrit dans la langue française toutes ses vécues, et son histoire, l’histoire de ses compatriotes et n’a pas encore essayé de faire un œuvre littéraire dans sa langue maternelle.

Elle a emprunté la langue de cette autre civilisation pour décrire le centre d’intérêt dans sa narration, ne serait ce qu’une volonté de montrer à tout prix la perpétuelle déchirure entre deux mondes différents ancrés dans son for intérieur, depuis sa tendre enfance jusqu’à aujourd’hui.

Son image se reflète à travers ses écritures, une histoire autre que celle des français mais exprimée dans la langue française En effet, elle écrit à la page 158 : “Si la littérature est d’abord passion des mots – à lire, à dire, seulement après, à écrire, pour nous repaître de leur lumière…”

Elle est à la fois d’ici et d’ailleurs, mais en même temps de nulle part, et ce constat, elle le fera dès l’enfance puisqu’elle écrit à la page 29 de son roman : “(…) Mon oreille d’enfant s’affûtera, surtout pour ne rien oublier de ce monde qui est moi et qui n’est plus tout à fait moi.”

A l’espace de 50 ans, depuis 1957 à 2007, elle a écrit 17 livres dans lesquelles il y a toujours lieu de parler soit de l’Algérie, soit des femmes algériennes ou soit tout simplement une histoire où elle parle toujours de son pays d’origine par le biais d’une autre langue qui n’est pas la sienne, le Français.

 

Il n’ y a jamais eu de rupture définitive, et le titre de son ouvrage parle pour elle-même, car en ne prenant pas position, on se sent d’aucun endroit, et ce n’est pas étonnant si l’auteure elle-même dans ses récits dit : ««Pourquoi ne pas te dire dans un semblant de sérénité, une douce ou indifférente acceptation : ne serait-ce pas enfin le moment de tuer, même à petit feu, ces menues braises jamais éteintes ? Interrogation qui ne serait pas seulement la tienne, mais celle de toutes les femmes de là-bas, sur la rive sud de la Méditerranée…pourquoi, mais pourquoi je me retrouve, moi et toutes les autres, nulle part dans la maison de mon père ?»

 

Mais « elle aujourd’hui» est devenue la grande illustrée de la littérature française, celle qui a grandit entre deux mondes, celle qui a inventé son identité et a su reconnaître la valeur de l’autre langue dans sa différence pour faire rejaillir une image qu’elle voudrait nous montrer,

Une autre question vient en esprit : la langue de masque ne risque t-elle pas d’étouffer à tout jamais la langue de peau, même si cette dernière reste toujours au fond de son cœur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

  • Nulle part dans la maison de mon Père – Assia Djebar

 

  • Les débuts d’Assia Djebar – Université Stendhal, Grenoble III

 

 

  • La naissance de l’auteure entre deux mondes – Les débuts d’Assia Djebar– Université Stendhal, Grenoble III

 

  • Identité et altérité dans la langue de l’autre – María del Carmen MOLINA ROMERO

 

 

  • Une philosophie pré-scientifique du langage – Spiros Moschonas Université d.Athènes, Grèce

 

  • Les œuvres d’Assia Djebar

 

 

  • Assia Djebar – Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.

 

  • Quotidien d’Oran – Edité par Nora Sari

 

  • « La littérature maghrébine de langue française », Ouvrage collectif, sous la direction de Charles BONN, Naget KHADDA & Abdallah MDARHRI-ALAOUI, Paris, EDICEF-AUPELF, 1996).

 

 

 

 

 

[1]Les débuts d’Assia Djebar – Université Stendhal, Grenoble III

[2] La naissance de l’auteure entre deux mondes – Les débuts d’Assia Djebar– Université Stendhal, Grenoble III

 

[3] Identité et altérité dans la langue de l’autre – María del Carmen MOLINA ROMERO

[4] Une philosophie pré-scientifique du langage – Spiros Moschonas Université d.Athènes, Grèce

 

[5] Les œuvres d’Assia Djebar

[6] Assia Djebar – Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.

 

[7] Quotidien d’Oran – Edité par Nora Sari

[8] « La littérature maghrébine de langue française », Ouvrage collectif, sous la direction de Charles BONN, Naget KHADDA & Abdallah MDARHRI-ALAOUI, Paris, EDICEF-AUPELF, 1996).

 

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