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Saladin : Un Modèle Controversé pour le Leadership dans le Monde Arabe

Introduction

 

Actuellement, au sein du monde arabe, un grand nombre de personnes réclament un départ des dirigeants actuels et un changement du mode de gouvernement en raison de la corruption, de la pauvreté et de l’inexistence de toute initiative économique.

L’expression de ces revendications étant systématiquement réprimée de façon  violente, des organisations terroristes tentent d’exploiter les bavures gouvernementales afin d’accéder au pouvoir.

Afin de trouver une réponse aux exigences légitimes des peuples arabes et de s’assurer d’un changement de régime non violent qui ne porterait pas aux commandes des Etats des groupes radicaux, il est nécessaire de se pencher sur l’étude historique de l’éthique du sultan Saladin.

 

Connu dans le monde arabe comme un dirigeant musulman qui a su contrôler un Etat unifié recouvrant la région correspondant à l’ancien Levant et l’Egypte, Saladin a su faire preuve de jugement pour apaiser les velléités des mouvements d’opposition et libérer la Terre Sainte occupée par les croisés.
Ainsi, une partie des Arabes et des musulmans concernés par les agitations qui traversent le monde arabe pensent qu’il est le modèle à suivre pour toute personne prétendant à la direction des affaires d’un pays arabe. Cependant, l’autre partie considère que son règne avait toutes les caractéristiques d’une dictature et qu’il n’est donc pas judicieux de s’en inspirer.

 

Par conséquent, l’étude se fera comme suit :

Dans une première partie j’aborderai les débuts de Saladin et les guerres qu’il a menées avec ses partisans pour unifier le Levant et l’Egypte malgré l’existence d’une forte opposition intérieure et extérieure dirigée contre lui.

Dans une deuxième partie, je décrirai la perception actuelle de Saladin vu par ses admirateurs ainsi que celle de ses détracteurs. Evidemment, nous étudierons dans cette perspective, la vision des intellectuels et des non intellectuels qui ont chacun leur appréhension sur le sujet.

Enfin, dans une troisième et dernière partie, mon étude se portera sur les enseignements tirés de l’éthique du « leadership » de Saladin et sa potentielle contribution à la résolution des peuples de la région à notre époque.

Afin de réaliser ce travail, je compte me documenter auprès de nombreuses bibliothèques situées en France et en Arabie Saoudite pour trouver des livres et des articles en arabe, en français et en anglais qui s’intéressent au personnage de Saladin, à l’époque des croisades et à l’Etat fatimide.

 

Je m’appuierai également sur la base documentaire disponible sur Internet.

 

Il est évident qu’une étude comme celle-ci a ses lacunes car il est toujours difficile de faire état de l’histoire sans être influencé par sa propre vision des faits. J’ai quand même essayé de garder toute mon objectivité afin que tous les faits soient montrés tels quels et que l’analyse garde son caractère intellectuel et scientifique.

 

 

 

  1. La dimension éthique du personnage de Saladin au Moyen Âge

 

S’intéresser à l’aspect éthique de la vie de Saladin suppose que l’on ait au préalable une vision assez claire de ce que l’on appelle éthique. L’éthique est assez difficile à définir si nous nous référons à tous les concepts de Spinoza[1] sur le sujet. Néanmoins, nous pouvons succinctement définir l’éthique comme une manière d’agir guidée par rapport à une analyse rigoureuse pour mettre en évidence les déficiences d’une logique pure et déterminer le choix d’une action en adéquation avec un problème moral. Si nous synthétisons toutes nos lectures sur le sujet, l’éthique n’est pas prescriptive mais découle d’une analyse critique par rapport à une situation donnée afin de donner une orientation réfléchie aux actes, dépasser les règles logiques, morales, prendre en compte toutes les alternatives pour réaliser le meilleur choix dans une situation donnée[2].

Pour comprendre les dimensions éthiques de la vie de Saladin dans son temps, nous allons donc nous intéresser aux vertus morales, religieuses et militaires du personnage.

 

Afin d’avoir une meilleure idée des vertus d’un personnage, il est plus intéressant de se référer aux écrits, témoignages laissés par les individus l’ayant côtoyé dans son quotidien, l’ayant écouté, supporté ou combattu. Et pourtant, ces témoignages sont tout autant subjectifs qu’incertains selon la position du témoin dans le contexte des relations qu’il a entretenues avec le personnage dont il est question. Il est donc du devoir de l’historien de faire la différence entre le vrai et le faux sans oublier que malgré les aspects négatifs de la fiabilité de ces témoignages, il est assez facile de déceler les traces des moments intimes qui lient le témoin au personnage leur permettant de juger au mieux des différents aspects qu’il recouvre.

Nous pouvons citer à titre d’exemple parmi les proches qui ont pu laisser une trace écrite de leur vécu avec Saladin :

 

  • Al Fâdil (1135-1200), qui, à ses débuts était dans la chancellerie fatimide pour ensuite entrer au service de Saladin et devenir « son conseiller, son ami, presque son frère, de deux ans son aîné »[3] et enfin avoir une grande influence sur ses décisions.

 

  • Bahâ’ al-Dîn Ibn Shaddâd (1145-1234), traditionniste et juriste renommé, était en 1188 entré au service de Saladin et est l’un des témoins de ses actes. Celui-ci consacra « toute la première partie de la biographie de Saladin à la description de ses nombreuses vertus »[4].

 

 

 

  • Ibn al-Athîr (1160-1233), est quant à lui un observateur lointain qui a une vision se rapprochant des dirigeants zenguides qui étaient opposés au pouvoir de Saladin. Ce qui se ressent assez dans ses écrits du moins, jusqu’à ce qu’une trêve soit signée et qu’il accompagne l’émir de Mossoul afin d’aider Saladin à combattre les Francs en Syrie du Nord en 1188[5]

 

 

  • ‘Imâd al-Dîn al-Isfahânî (1125-1201) qui était administrateur, juriste. Secrétaire à la chancellerie et aux finances, il devint un secrétaire de Saladin en 1175. Il composa divers écrits en proses et en vers qui se bornaient à énumérer les différentes qualités de l’Empereur lui donnant une image idéale : « sultan juste, pieux, généreux, garant de la paix, bon envers les déshérités, soucieux de la veuve et de l’orphelin, sachant s’entourer d’oulémas et de bons fonctionnaires, intéressé par le droit musulman, accordant sa protection à ceux qui la méritent, aimant l’austérité, vaillant combattant du jihad, vainqueur des infidèles, pourfendeurs des hérésies, défenseur de l’Islam, victorieux par la grâce de Dieu, conquérant de Jérusalem, aimé de ses sujets mais sachant se faire respecter et craindre »[6]

 

  • D’autres sources aussi intéressantes sont à prendre en compte comme Guillaume de Tyr qui est l’un des meilleurs historiens et chroniqueurs latins des croisades, dont les documents ont permis d’avoir une meilleure compréhension des relations entre Saladin et les Francs. Il constitue donc une source sure par rapport aux autres sources latines dans la mesure où celles-çi mélangent souvent faits historiques et légendaires[7].

 

 

  1. Vertus morales

 

  1. L’enfance de Saladin

 

L’histoire sur l’enfance et la jeunesse de Saladin est incomplète voire inconnue. Les seuls écrits que l’on pourrait croire fiables ont été traités par le chroniqueur de la cour d’Alep Ibn Abi Tayyi. Et ceux-ci ont été perdus. Il s’avère pourtant que d’autres ouvrages aient repris les écrits de ce chroniqueur et seules des bribes en sont connues. Malgré tout, notons que ces anecdotes restent peu fiables dans la mesure où la plupart des ouvrages ont été réalisés près d’une centaine d’année après sa naissance alors que sa renommée était déjà à son apogée et était devenue légendaire. Ce qui fait que la grande majorité des écrits décrivent comment « on tendait à lui prêter dès l’enfance des traits prémonitoires, sinon prodigieux »[8].

 

Les informations dont nous sommes certains quant à l’enfance de Saladin est qu’il est né durant l’année 1138, à Tikrit, dans la même ville que l’ancien dictateur de l’Irak, Sadam Hussein[9] et qui voulait se présenter comme le nouveau Saladin.

 

Force est donc de constater qu’il est difficile de montrer si l’on prêtait déjà à l’unificateur de l’Islam dans son enfance, des vertus morales, religieuses ou militaires.

Si nous nous référons aux écrits du chroniqueur Emad el-Dine, qui était secrétaire de Nour el-Dine puis celui de Saladin[10], le futur empereur avait « des ambitions extrêmement modestes »[11]. De même, il était respectueux des traditions, car étant plus jeune il s’était exécuté à ne pas « forfaire aux espoirs que son père et son oncle fondaient en lui, aussi fut-il probablement bon cavalier »[12]. Nous pouvons donc imaginer que Saladin était de ceux qui respectaient la volonté de ses aînés, la morale sociale et a appris à connaitre l’autorité militaire.

 

 

  1. Le souverain idéal ?

 

Il est difficile pour un historien de connaître exactement les vertus propres à un personnage qui plus est, dans notre cas, date du Moyen-âge. En effet, comprendre la moralité d’un personnage tel que Saladin nécessite l’interprétation de ses actes qui s’avère être un exercice difficile et dangereux. Les auteurs s’attèlent parfois et surtout, à enrichir certains aspects du personnage afin de faire perpétuer son souvenir et l’honorer à titre posthume.

 

Ayant été considéré comme un usurpateur car n’étant à proprement parler l’héritier du trône, Saladin dut améliorer son image sur tous les plans. Si bien qu’il lui ait fallut agir en conséquence.

Il est à noter que sa nomination entant que Vizir suite à la mort de son oncle, pour devenir donc le chef de l’armée syrienne en Egypte et vizir du chef fatimide ne relevait pas de ses vertus morales. En effet, il était « un vizir de compromis proposé par les émir syriens et nommé par le calife »[13]. Malgré tout, Ibn Abî Tayyi’ pense que cette nomination de Saladin par le calife vient du fait qu’il avait une bonne réputation de par son courage et son intelligence[14]. Plusieurs raisons peuvent être discutées sur la nomination de Saladin entant que Vizir mais nous pouvons affirmer que ses vertus entant que chef d’armée étaient ses principaux atouts, ainsi que ses convictions religieuses concernant le Jihad et son « amour de la patrie »[15]

 

Dans ses décisions, sur le plan politique, il apparaît souvent comme un chef humble, car dans sa sagesse, et aussi son intelligence, « Avant toute nomination importante ou toute décision stratégique, il aimait s’entourer d’émirs, d’hommes de religion, d’administrateurs pour leur demander un avis sur la marche à suivre »[16]. Il savait aussi écouter ses conseillers car il « N’imposait pas toujours son point de vue »[17].

 

Saladin n’était pas aussi le genre de d’individus qui résolvait chaque conflit par la force et la violence car il est avéré que les sources de cette époque affirment que ses adversaires soulignaient en lui des dispositions à la diplomatie et de clémence. Nous pouvons bien sûr supposer qu’en tant que souverain, il était plus enclin à connaître les limites de ses forces armées et de la lassitude de son peuple face à des guerres longues et inutiles[18]. Malgré que face aux francs, il ne montrait aucune pitié, étant ancré dans sa mission de Jihad, « rares furent les places musulmanes qu’il prit d’assaut »[19].

 

De plus, même si la plupart des sources de ce temps, vantent une indulgence un peu trop édulcorée de ce souverain, il se trouve qu’il avait effectivement cette qualité. Nous pouvons citer le cas où lors de son siège sur Edesse en 1982, Saladin accepta la reddition de l’émir sans l’exécuter. Il laissa de même la vie sauve à un de ses rivaux, l’émir du Manjib Qutb al-Dîn Înâl qui, après la mort de Nûr al-Dîn, a osé l’insulter et le menacer.

 

Il n’était pas seulement bon avec son peuple, mais aussi envers les peuples des régions qu’il avait conquises. Cette bonté avait non seulement un aspect moral mais aussi un aspect pragmatique car celle-ci lui permettait d’asseoir avec souplesse son pouvoir. Comme le spécifient les sources, « une fois la victoire acquise, Saladin prenait une série de mesures destinées à la fois à rassurer et à satisfaire les populations. Il recevait avec honneur les notables, supprimait les taxes illégales et faisait réparer les dégâts causés par son armée ou par le siège. Il est certain que cette politique sage et prudente fut en grande partie à l’origine de ses succès. »[20]

 

Ses qualités entant que souverain firent que peu de gens furent infidèles envers lui. Dans les temps durs il pouvait même compter sur plusieurs alliés qui lui ont permis d’empêcher des coups d’Etat et de mener à bien ses conquêtes. En effet, « aucun des membres de la famille de Saladin ne lui fit défection dans les combats contre les Francs en 1187 et 1188 »[21], ce qui illustre parfaitement la foi que chacun avait en lui dans ses décisions. De plus, très appuyé sur les valeurs familiales, il avait confiance en chacun de ses proches car les relations qu’il entretenait montrent qu’il voulait fonder une dynastie grâce à leurs appuis.

 

Réfléchi, ce qui lui confère des aspects généreux sur certaines de ses décisions, il pouvait laisser parfois se laisser emporter par la colère comme ce fut le cas avec l’un des membres de sa famille, son neveu, al-Mansûr qui avait eu l’audace de lui demander un serment signé sur son héritage à la mort de son père. Saladin, trouvant cela comme étant un manque de confiance d’un neveu qu’il considérait lui-même comme un de ses petits-fils, fut très fâché et alla même jusqu’à déchirer le texte du serment tant demandé[22].

Mais par pragmatisme, de par les troubles internes que ce genre de disputes pouvait poser, il montra à quel point il était capable de reconnaître ses erreurs et de revenir sur ses décisions. De même il resta toujours à l’écoute de ses conseillers malgré l’affront dont il se considérait être victime par un membre même de sa famille. Voilà pourquoi son attitude et ses aptitudes entant que souverain lui permit de se sortir de crises intestines qui apparurent lors de son règne.

 

Ses vertus morales entant que souverain découlent même de ses devoirs. En effet, tout souverain devrait être, selon le « livre de conseil aux princes » doit respecter : « soumission absolue à Dieu, protection de l’orthodoxie et observance des devoirs religieux, défense de l’Islam, modestie et détachement des biens de ce monde, considération pour les dévots et les oulémas ont il doit solliciter les conseils, générosité, douceur et magnanimité envers les sujets, équité et justice, écoute des plaignants, répression des exactions commises par ses délégués et lieutenants »[23].

 

Même si les panégyristes essayaient d’accorder les caractères de Saladin aux traits du « souverain idéal », certains devoirs dus à son statut ne pouvaient que le forcer à s’y conformer. En effet, nous pouvons citer par exemple que la justice se trouve être une vertu que le souverain se doit d’avoir. La plupart des sources et des proches de Saladin peuvent témoigner que ce dernier rendait lui-même certains jugements mais il difficile de dire que les traits de « justice » que certains lui prêtent ont été exagérés[24] afin d’améliorer son image et d’être digne de son prédécesseur. Ainsi, « Il tenait lui-même, nous dit-on, séance au palais de justice, deux fois par semaine, lorsqu’il se trouvait à Damas, entouré de juristes, et recevaient les doléances de ses sujets »[25]. Et « Tout le monde pouvait l’approcher et aucune plaine n’était rejetée, y compris celles qui étaient déposées contre les riches et les puissants »[26].

 

La clémence du souverain était aussi connue car comme l’a écrit Ibn Jubayr[27], « Ayant pardonné le crime que quelqu’un avait commis envers lui, il dit : « pardonner par erreur me plaît mieux que punir à tort » »[28].

 

Saladin était aussi connu durant son règne pour être d’une grande générosité. En effet, il avait tendance à partager sans réellement compter, surtout que cela lui permettait d’avoir un certain soutien pour ses ambitions personnelles. Le chroniqueur latin Guillaume de Tyr voit en cette générosité l’un des meilleurs moyens qu’a utilisé Saladin pour « gagner le cœur de ses sujets »[29]. De son côté, Ibn Shaddâd reconnut aussi la grande générosité du souverain si bien qu’ironiquement, il disait qu’à sa mort, le souverain n’avait plus qu’une pièce d’or et très peu de dirhams[30]. Ce fait pouvait se comprendre de par les faits qui montrent qu’il se souciait très peu des dépenses quand il trouvait que cela pourrait être bénéfique à ses projets, comme se fut le cas quand il a offert douze mille chevaux durant l’année 1189 à 1192, pendant la troisième croisade et plusieurs pièces d’argent pour aider les soldats à soigner leur bêtes, fait rapporté par ‘Imâd al-Dîn[31].

 

Cette générosité est aussi rapportée par un autre chrétien qui affirme que « Quand Saladin prit Âmid, il se fit apporter le trésor de la ville et demanda à son commandant en chef de le partager par poignées entières entre les émirs et les troupes. Ce dernier s’exécuta en donnant quelques pièces à chacun, mais Saladin l’encouragea à en donner davantage […]. Saladin, […] répondit : « L’avarice appartient aux marchands et non aux souverains. Aussi ne distribue pas avec une seule main mais avec les deux »[32].

 

Plusieurs ouvrages rendent compte de ces vertus morales de Saladin, comme c’est le cas avec sa titulature que ne manque pas de titres et termes élogieux à son égard.

 

Dans les littératures concernant Saladin, celui-ci est souvent identifié à Salomon qui est un « souverain régnant sur un vaste royaume, juste, prudent, perspicace, choisi et aidé par Dieu dont il reçut de nombreux pouvoirs sur la nature et les démons »[33]. Cette comparaison, ce rapprochement avec le Roi Salomon, lui donna la possibilité d’améliorer son image et surtout d’asseoir les vertus qu’on lui prêtait. Cette image a été aussi choisie par son entourage de par le fait qu’il ait été un souverain juste, et qu’il ait réussi à unifier Jérusalem, tout comme Salomon en fut l’ancien fondateur.

 

Saladin fut aussi comparé à Joseph, qui, de rien, est arrivé à la tête de l’Egypte, mais aussi car leur nom a une certaine homonymie vu que le prénom de Saladin est Youssouf. On lui prêtait donc ainsi, les qualités et les vertus de Joseph, comme la droiture et la justice.

 

 

  1. Les défauts du souverain

 

Les défauts que les sources reconnaissent à Saladin sont souvent mis en valeur pour montrer ses capacités à reconnaître ses erreurs pour en faire ressortir ses vertus, et surtout étant comme des revers humains de toutes ses qualités[34].

 

Sa générosité est par exemple présentée comme étant trop prononcée ce qui fait qu’il est reconnu comme étant mauvais administrateur. Ainsi, ‘Imâd al-Dîn lui dit reprocha implicitement les dépenses qu’il a effectuées après la reconquête de Jérusalem. Par rapport aux gains qu’il aurait pu avoir, ‘Imâd al-Dîn « estime à deux cent mille dinars les rançons qu’auraient dû payer le patriarche latin et les veuves d’Amaury et de Renaud de Châtillon, une somme considérable que Saladin laissa filer »[35]. D’où les reproches de ses administrateurs sur son manque d’organisation et de prévoyance.

 

De même, al-‘Âdil précise que : « On censura beaucoup sa générosité, l’on trouva excessif ce qu’il distribua largement ; mais il répondit : « Comment refuserais-je leur dû à ceux qui le méritent ? Ce que je dépense, je le conserve finalement. Quand celui qui mérite accepte de moi quelque chose, il me fait une faveur, car il me délivre de ce qui m’est confié et me libère de cette obligation : ce dont je dispose, c’est un dépôt que je garde pour ceux qui en sont dignes »[36].

 

Saladin, ne fut pas toujours aussi connu comme le souverain juste et généreux que l’on connait car à ses débuts, Ibn al-Âthir lui reprochait d’avoir fermé les yeux sur les erreurs commises par ses émirs à Damas qui s’éloignaient de la ligne de conduite que Saladin devrait tenir auprès de Nûr al-Dîn[37].

 

Mis à part ce fait, entant que souverain, il avait toujours cette image d’un chef qui est à l’écoute de tous ses sujets. A un tel point que tous les individus s’empressaient de quérir son aide et ses conseils, qui finirent par l’importuner. Selon, lui les souverains devaient pourtant être craints et les sujets devaient l’éviter de peur qu’il ne soit importuné et que ceux-ci ne subissent son courroux. Al-Fâdil, lui fit alors remarquer qu’il a la chance que Dieu veuille bien diriger vers lui ses sujets afin que leurs espoirs puissent s’accomplir. Il spécifia que c’est une marque de respect étant donné qu’après Dieu, c’est vers lui que le peuple éprouve le besoin de se tourner dans sa détresse[38].

Après ce sermon de son conseiller, Saladin prit la résolution de ne plus fermer les portes de son palais et d’être toujours à l’écoute de son peuple. Nous voyons à travers cette histoire encore qu’un défaut de Saladin a été tourné en un fait positif qui montre sa capacité à reconnaitre ses défauts.

 

Toujours à ces débuts, certaines sources ne manquent pas de spécifier les lacunes de Saladin entant que souverain, car il avait une image de soldat, plus qu’une image « roi ». Mais encore une fois, les écrits montrent aussi la capacité de Saladin à tenir compte des critiques dans toute sa modestie afin d’améliorer au mieux l’image que ses sujets avaient de lui.

 

Saladin n’était pas aussi toujours ce chef empathique qui savait à chaque fois pardonner à ses ennemis. La violence de son temps était un fait tout à fait normal mais il n’empêche qu’elle devait avoir une certaine légitimité pour être appliquée.

En effet, pendant les guerres, la violence devait être utilisée pour assurer la victoire mais aussi pour défendre les lois de l’Islam face aux hérétiques. Par contre, les violences exercées dans son territoire contre ses prisonniers et rebelles requéraient des justifications idéologiques et religieuses données par les juristes, les oulémas. Il arrivait aussi que les violences fussent justifiées par des manquements à l’honneur, honneur sur lequel était fondée la société autant en Occident qu’en Orient[39].

Il arrivait toutefois que Saladin se laisse aller à une violence « ordinaire » qui ne pouvait être légitimée. Voilà pourquoi ‘Imâd al-Dîn se vanta de l’avoir conscientisé sur la portée de ses actes lors du siège de ‘Azâz quand ses soldats firent prisonniers des soldats alépins. Dans sa colère, Saladin voulut leur faire couper leur main mais son conseiller le rappela à l’ordre en le faisant remarquer que cet acte était contraire aux fondements de la religion. Rappel que Saladin, dans sa sagesse accepta malgré que ses cousins prirent ce comportement comme un acte de lâcheté. Malgré cette insulte, Saladin ne fit que sermonner les membres de sa famille et ne céda pas à sa colère[40].

Cette courte histoire montre encore le but du chroniqueur de montrer au monde les bonnes aptitudes de Saladin entant que souverain et sa capacité à se remettre en question, à rester dans le droit chemin, à ne pas céder à la colère facilement.

Nous pouvons aussi parler du côté parfois un peu trop intransigeant du souverain comme ce fut le cas lorsqu’il refusa de céder aux demandes de l’ambassade de Mossoul, dirigée par la fille Nûr al-Dîn en 1185[41]. Les habitants de Mossoul le déconsidérèrent ainsi que ses partisans dans la cour zenguide. Il se rendit compte lui-même de son erreur de garder sa réputation ou d’en gagner une bonne mais aussi d’avoir perdu l’occasion de prendre une ville[42].

 

Certains écrits tendent même à montrer un Saladin qui ne fut pas toujours aussi courageux que la légende veut nous faire croire. Après que les Assassins voulurent attenter à sa vie, ‘Imâd al-Dîn et Ibn al-Athîr précisèrent le fait qu’il fit bâtir une tour en bois dans laquelle il dormait afin que nul autre que ses proches ne pouvaient l’approcher.

 

Nous pouvons donc dire qu’une analyse poussée des écrits montre souvent clairement les faiblesses de Saladin entant que souverain. Malgré tout, ses vertus sont encore plus exacerbés de par ces défauts si bien qu’il en ressort une image positive.

Il est tout autant difficile pour les historiens de clairement identifier une propagande à l’amélioration de l’image de ce héros et la réalité mais certains faits paraissent légitimes tandis que d’autres sont trop incohérents pour l’être[43]. Nous en arrivons donc au point que la confrontation des sources, qui même parfois se contredisent montrent que certaines qualités lui sont inhérentes même si l’insistance des proches de Saladin à montrer ses vertus signifient qu’il lui était important de soigner son image pour asseoir sa légitimité. Son statut d’unificateur de l’Islam a aidé à imposer auprès de toutes ses vertus car ceux-ci sont basés non pas sur une idéologie seulement mais aussi sur son succès réel sur le terrain.

 

 

  1. Vertus militaire

 

  1. Les principes

 

Saladin est reconnu dans la plupart des littératures traitant de son sujet, comme un bon stratège et un homme juste même avec ses adversaires. L’une de ses plus grandes réussites militaires fut certainement sa capacité à conquérir et à maintenir son pouvoir dans les pays nouvellement conquis. « Et, toujours splendide sur son destrier aux naseaux fumants, le preux Saladin, incarnation du courage et de l’honneur, revendiqué par les musulmans comme le défenseur de la foi et salué par ses adversaires mêmes comme un héros de la chevalerie »[44]. Il est ainsi reconnu même dans la littérature occidentale comme un preux chevalier, même s’il a été pendant longtemps l’ennemi des francs et est « … l’un des souverains les plus chevaleresques de tous les temps, le grand sultan Saladin, avait vécu, un chevalier sans peur et sans reproche, qui souvent dut apprendre à ses ennemis la vraie chevalerie »[45]

 

Etant donné son statut de vizir, il est considéré comme non seulement, le chef des armées égyptiennes mais aussi des armées syriennes. Si bien qu’il est nommé comme étant le « sabre parmi les sabres du Dieu Très-haut », qui doit « traiter avec la même bienveillance ses adversaires de la veille, c’est-à-dire les partisans du calife, et ses propres amis syriens, en remettant à tous des gouvernements et un juste rétribution »[46].

 

L’un des principes propres à Saladin dans ses engagements militaires est la raison de son entrée en guerre, qui est la protection de la religion et du calife, représentant de Dieu sur Terre. Ainsi, nous pouvons dire qu’il agit sous le couvert de la religion ou qu’il n’agit que si les individus qu’il attaque portent ou on porté préjudice à la religion musulmane. Il explique donc par exemple comme raison de son attaque sur les noirs et les Arméniens que les eunuques noirs du palais « ajoutaient à la noirceur du visage la noirceur des hérésies »[47]. De leur côté, les Arméniens ont été attaqués car ils « servaient dans l’armée et étaient dispensés de capitation, contrairement aux prescriptions de la loi musulmane concernant les non-musulmans. Enfin, l’élimination des Noirs et des Arméniens aurait, aux yeux de Saladin, affaibli le fatimide et permis de restaurer l’orthodoxie sunnite et l’autorité du califat abbasside sur l’Egypte »[48].

 

Il en est de même lorsqu’après avoir raté son attaque sur les forteresses de Dârum et de Gaza, il décida d’attaquer sur le chemin du retour le fortin d’Ayla le 31 décembre 1170 qui lui a permis de prendre le contrôle de la principale voie qui reliait l’Egypte à la Syrie et d’empêcher les francs de rejoindre la mer rouge. Sa propagande fut que : « à partir d’Ayla les infidèles contrôlaient la route de la Mecque et de Médine et faisaient donc peser une lourde menace sur la station d’Abraham et sur le tombeau du Prophète. »[49] .

 

Cette vision lui a donc permis d’attaquer pour des raisons louables le fortin en question mais lui permit aussi d’améliorer son image de guerrier du Jihad, combattant valeureux et soumis à la religion, qui essaye de sauver les lieux de pèlerinage et saints de l’Islam[50]. Les actes qu’il qualifie d’hérésie sont pour la plupart du temps, les principales causes d’une attaque de sa part. C’est ainsi qu’il a conquis le Yémen, car selon lui, plusieurs des princes de cette contrée avaient des tendances ismaïliennes et soutenaient les fatimides. Tel fut le cas d’un prince qui a osé instaurer la khutba[51] de lui-même et a donné le nom de Kaaba[52] à la tombe de son père.

 

Selon les cas, et surtout contre ses propres soldats, nous pouvons présumer que Saladin connaissait la valeur de la vie et aussi qu’il était pragmatique. Par exemple, lorsqu’un complot pour le renverser avait été fomenté et que le gouverneur d’Alexandrie lui-même a été considéré comme étant l’un des instigateurs, à la connaissance de cette nouvelle, Saladin décida de laisser en vie les soldats en cause. Par contre il a exilé ses opposants et a crucifié seulement ceux qui étaient à la tête de cette révolte.

Pour Saladin, comme nous l’avons déjà énoncé dans ses vertus morales, la guerre n’est vraiment nécessaire que quand il se retrouve contre des infidèles. En effet, il est plutôt axé sur la diplomatie avant tout, en particulier quand il se retrouve dans une mésentente avec d’autres pays musulmans. Nous pouvons donc dire que Saladin est un bon stratège car « … (un habile général), sans donner des batailles, il sait l’art d’humilier ses ennemis ; sans répandre un goutte de sang, sans tirer même l’épée, il vient à bout de prendre les villes, sans mettre les pieds dans les royaumes étrangers, il trouve le moyen de les conquérir sans opérations prolongées ; et sans perdre un temps considérable à la tête de ses troupes, il procure une gloire immortelle au prince qu’il sert, il assure le bonheur de ses compatriotes, et fait que l’Univers lui est redevable du repos et de la paix ; tel est le but auquel tous ceux qui commandent les armées doivent tendre sans cesse et sans jamais se décourager . Votre but demeure de vous saisir de l’empire alors qu’il est intact ; ainsi vos troupes ne seront pas épuisées et vos gains seront complets. Tel est l’art de la stratégie victorieuse.»[53].

En effet, malgré le fait que certains faits puissent amener à lui reprocher d’avoir eu tendance à vouloir faire passer ses ambitions personnelles en premier lieu, nous pouvons voir qu’il a toujours prêté allégeance à ses supérieurs, comme son oncle Nûr al-Din et le calife pour lesquels il a toujours combattu avec ardeur comme ce fut le cas lors de la conquête de l’Egypte.

 

De plus, comme nous avons pu déjà pu le dire, l’un des principaux mots d’ordre de Saladin pour cautionner une guerre est la gloire de l’empire abbasside et celle de l’Islam. Nous pouvons donc voir qu’il se rapproche de la vision du chef militaire idéal que professe Sun-Tsu dans son livre « l’art de la guerre ».

 

Sans oublier aussi le fait que si les habitants, lors d’une guerre se rendaient sans faire d’histoire, il leur laissait la vie sauve, sans doute conscient de la valeur de leur vie, autant sur le plan religieux, économique que stratégique. Si bien que « quand Saladin promettait la vie sauve aux habitants d’un ville en échange de leur reddition, ceux-ci gardaient leur liberté et obtenaient même parfois le droit d’emporter quelques biens personnels. »[54]. Saladin était donc tout à fait capable d’une grande clémence en temps de guerre mais il pouvait aussi néanmoins être vindicatif avec certains individus qui ne respectaient pas ses convictions religieuses. Nous pouvons voir par exemple qu’ « A Jérusalem, les habitants durent payer une rançon de dix, cinq ou deux dinars pour racheter leur liberté et les quelque quinze mille personnes qui ne purent se procurer la somme nécessaire furent réduites à l’esclavage »[55] .

 

Ainsi, Saladin pouvait regrouper plusieurs qualités entant que chef charismatique militaire et aussi stratège, au vu de ses différentes victoires sur les francs et les autres hérétiques arabes, comme en Egypte, au Yémen, ou à Jérusalem. Cela vient aussi de sa capacité à choisir soigneusement ses chefs militaires comme l’expose Ibn al-Athîr dans le récit suivant qui se passe en 1188, après la victoire du sultan seljoukide sur le calife de Bagdad : «  A cette époque, je me trouvais en Syrie dans l’armée de Saladin qui se préparait à mener une expédition. La nouvelle du départ de l’armée de Bagdad lui parvint grâce à ses courriers sur dromadaire. Il dit alors : « Vous allez m’annoncer la nouvelle de leur défaite. » L’un des présents lui dit : « Comment cela ? » « Nul doute, répondit-il, que mes compagnons et ma famille en savent davantage sur la guerre que le vizir et sont plus capables de se faire obéir de l’armée que lui. Et malgré cela, jamais je n’envoie l’un d’entre eux dans un escadron au combat, sans avoir peur pour lui. Or ce vizir ne connait rien à la guerre et n’exerce le pouvoir que depuis peu de temps ; les émirs ne considèrent pas qu’il est apte à se faire obéir alors qu’il a entrepris de livrer lui-même combat contre un vaillant sultan. Parmi ceux qui l’accompagnent qui donc va lui obéir ? » Telle était la situation et lorsque la nouvelle de leur défaite lui parvint, Saladin dit à ses compagnons : « Je vous avais dit telle et telle chose et les nouvelles qui sont arrivées ont tout confirmé. » »[56]. Nous remarquons dans ce récit sa grande capacité à juger les aptitudes guerrières des individus de par son expérience sur le front.

Il basait donc le choix de ses généraux par rapport à leur autorité, leur courage, leur endurance, leur ascendance.

 

Mais la base de toute bataille pour Saladin est la protection de la religion, comme nous l’avons déjà spécifié, ce qui lui a valu le statut de celui qui a unifié l’Islam. Voyons ce qu’il en est vraiment.

 

  1. Le Jihad

 

Dans la première partie de son règne, Saladin a montré qu’il ne s’intéressait pas encore à la reconquête de Jérusalem mais souhaitait surtout se faire reconnaître par les autres pays musulmans comme le souverain de l’Egypte, de la Syrie-Palestine et d’une grande partie de la Mésopotamie. Cela se comprend par sa volonté de vouloir unir les pays musulmans pour mieux lutter contre les francs car comme il le dit : « Si je meurs, ces armées (celles des musulmans) ne resteront sans doute pas unies et les Francs se renforceront. Le mieux que nous ayons à faire est de continuer à nous battre jusqu’à ce que nous les chassions de la côte ou que nous mourions »[57].

Néanmoins, même si son premier Jihad ne commence que 13 ans après sa conquête de l’Egypte, les historiens s’accordent à dire qu’il est s’est vite rendu compte que le Jihad est un bon moyen de propagande pour sa carrière politique et son ascension  pour acquérir du pouvoir et la reconnaissance du calife.

 

Les différents moyens utilisés pour mettre en œuvre cette propagande afin de toucher le public sont : « les inscriptions monumentales dans lesquelles la titulature de Saladin mettait l’accent sur son action contre les infidèles « esclaves de la croix », sermons, khutbas du vendredi incitant la population au Jihad et rendant grâce à Dieu pour les succès obtenus, ouvrages vantant les mérites de la guerre sainte et faisant l’éloge de Jérusalem, traités d’art militaire, lettres adressées au calife de Bagdad et aux élites dirigeantes pour annoncer ses victoires, poèmes glorifiant ses combats, biographies et chroniques déclinant ses vertus de combattant du Jihad, autant de discours qui visaient tout à la fois à unir les musulmans, à développer l’esprit de Jihad et à glorifier Saladin. »[58]

 

L’une des bases pouvant aider au Jihad selon Saladin est la formation d’un bloc islamique unit entre les différents pays arabes musulmans afin de pouvoir lutter contre l’armée franque, comme nous l’avons déjà expliqué antérieurement. Il est difficile de spécifier avec certitude que cette décision était guidée par son besoin d’accroitre son pouvoir, sa notoriété, son armée pour combattre les croisés. Il n’y a nul doute que sa stratégie a bien été efficace pour la reconquête de la ville sainte de Jérusalem malgré les quelques doutes quant à ses ambitions personnelles dans cette action.

Nous n’avons pas réellement besoin de nous demander le pourquoi de ce choix stratégique ni son fondement, mais il est important de comprendre que les clivages religieux, ethniques, sociaux entre les différents pays musulmans faisaient de cette culture un bloc fragile qui ne pouvait lutter contre les attaques franques. C’est donc sous Nûr al-Dîn que l’une de plus grandes réunifications se passa, celle de la Syrie, de l’Egypte et d’une partie de la Haute-Mésopotamie[59]. C’est sous la conduite militaire de Saladin qu’une majeure partie des batailles s’est faite si bien que me nom d’unificateur de l’Islam lui revenait encore plus après. Malgré que ce soit donc Nûr al-Dîn qui fut à la source de ce projet, Saladin profita de ces bases idéologiques de réunification pour son ascension sur le plan politique. Ces bases ont été ensuite amplifiées lors de la montée au pouvoir pour constituer une propagande pour asseoir son pouvoir.

 

Ainsi, Saladin justifiait ses attaques contre les pays tenus par les zenguides car ceux-ci étaient des traîtres prêts à s’allier aux francs et aux assassins, voilà pourquoi il a conquis la Syrie du Nord et la Haute-Mésopotamie afin donc d’unifier les pays musulmans et d’accroitre les troupes dans le but de mener à bien le Jihad.

Saladin serait donc, dans ses actes militaires, guidé par l’envie de lutter contre les infidèles si bien qu’il accusait certains « souverains musulmans de se détourner du Jihad pour ne s’occuper que d’argent et de plaisir alors que lui, Saladin, s’efforçait de rassembler les musulmans pour combattre les infidèles et n’envisageait de prendre Mossoul que pour conquérir Jérusalem »[60].

Les convictions religieuses de Saladin sont donc en principe ses seules motivations pour mener une guerre sainte dans la reconquête de Jérusalem comme il l’explique dans une lettre adressée à un de ses émirs dans le Yémen : «  Maintenant que toutes les contrées musulmanes sont placée sous notre juridiction ou celle de nos subordonnés, nous devons, en retour de cette faveur du ciel, diriger notre résolution, utiliser toute notre puissance contre les Francs maudits. Nous devons les combattre pour la cause de Dieu. Nous effacerons dans leur sang les souillures dont ils ont couvert la Terre sainte »[61]. Il est pourtant à spécifier que les ambitions de Saladin pour conquérir la Haute-Mésopotamie lui a fait oublier durant trois ans sa reconquête de la Terre Sainte. Mais ayant déjà pris un certain âge, il s’est vite rendu compte que le temps lui était compté et qu’il lui était désormais nécessaire de réaliser enfin le Jihad, malgré le fait que l’unification complète du monde musulman ne fut pas complètement réalisée[62].

 

Au final, Saladin est devenu et est décrit comme le roi qui punissait les infidèles représentant de la foi islamique et guidé par Dieu. « Un souverain qui n’hésite pas à quitter sa famille, ses enfants, sa patrie, son confort, pour s’y consacrer (au Jihad) pleinement, qui lit assidument les traités de Jihad composés son intention par les oulémas de sa cour, qui proclame sans cesse qu’en menant ce combat il ne fait qu’accomplir la volonté de Dieu »[63]. Cela équivaut donc qu’une victoire accordée à Saladin est une victoire accordée par nul autre que Dieu. Ce qui dans la logique des choses que Saladin est un élu de Dieu à la victoire est données tant qu’il combat pour la gloire de la foi musulmane, pour l’Islam comme le décrit ‘Imâd al-Dîn : « Les bonnes nouvelles sont arrivées, touchant la grâce qu’Allah nous accorda par cette conquête importante, cette victoire complète, ce bienfait considérable, cette faveur insigne, en une journée brillante, glorieuse et illustre, et touchant la grandeur qu’Allah réservait à ce siècle afin de le rendre supérieur à tous les autres. […] Aussi a-t-Il rendu les autres souverains incapables d’obtenir Son assistance et de capter Ses faveur ; pour celui qu’Il a fait avancer sous Ses auspices, Il a réservé les effets de Son arrêt sublime et de Son pouvoir sans cesse croissant »[64].

 

Tous les actes de Saladin sont ainsi guidés par les mains de Dieu mais aussi sous la grâce de Dieu si bien qu’il ne doit pas et ne peut pas dévier du chemin tracé par Celui-ci. Son statut de chef militaire est aussi conforté par son statut d’individu guidé par Dieu, qui vient des différents aspects religieux que revêtaient certains faits alimentant la légende de Saladin. Parmi ceux-là, nous pouvons citer les rêves prémonitoires par exemple qui, dans la tradition islamique, est « une voie de connaissance  des dimensions secrètes de la vie »[65] révélés par l’unique Dieu et qui ont un lien intrinsèque avec ses victoires contre ses différents ennemis. Il ressemblait donc plus à un prophète, doublé d’un grand stratège militaire clairvoyant, juste, vertueux et pieux, se rapprochant aussi des tous premiers califes qui ont permis l’expansion de l’Islam[66], prêt à mourir pour la religion tel un martyr.

 

Comme tout combattant du Jihad, il voyait la mort comme une source de vie car comme le prescrit le Coran : « Ils se réjouissent parce qu’ils savent que ceux qui viendront après eux et qui ne les ont pas encore rejoints n’éprouveront plus aucune crainte et qu’ils ne seront pas affligés »[67].

 

Ainsi, les vertus militaires que nous pouvons voir de Saladin, mis à part sa grande expérience dans ce domaine sont issues de son rôle de meneur élu par Dieu, guidé par Dieu et qui doit marcher sur la voie que Dieu a tracé.

 

 

  1. Vertus religieuses

 

  1. Les vertus chez le musulman

 

La vie d’un croyant est dirigée dans  le respect des lois que Dieu a dicté pour lui. Ainsi, un musulman se doit de respecter ces règles afin de ne pas sortir des voies que Dieu lui a prescrites. Saladin, entant que souverain, se devait encore plus que n’importe quel croyant, de donner l’exemple de la piété et du respect des lois religieuses. Nous allons donc dans un premier temps, énumérer ci-après quelques vertus qui devraient se reconnaitre en chaque musulman.

 

  • Selon le Hadîth rapporté par Tirmidhî, « le serviteur n’atteint la piété que s’il évite les choses douteuses afin d’éviter l’illicite ». Ainsi, nous pouvons affirmer qu’afin de rester sur la voie dictée par Dieu, chaque musulman doit se garder des choses dont il n’est pas sûr de la convenance avec les lois religieuses afin de ne pas être tenté et de protéger son corps et son cœur des différents pêchés de ce monde.

 

  • L’une des recommandations aux musulmans qui doit constituer une vertu est : baisser les yeux. En effet, baisser les yeux est non seulement une marque d’humilité mais permet aussi de ne pas convoiter quelque chose. Ainsi le Coran essaie de protéger les croyants de la convoitise en disant : « Dis aux croyants de baisser leurs regards »[68]. Selon le Hadîth rapporté par Tabarânî : « Baissez les yeux et soyez chastes, sinon Allah noircira vos visages ».

 

 

  • L’une des vertus d’un musulman est aussi de savoir se taire, de ne pas proférer des insultes, des paroles calomnieuses et de médire. Comme l’a dit l’Imam Nawawi[69]: « Sachez que toute personne qui a atteint l’âge de puberté doit s’abstenir de toute parole, sauf de celle qui s’avère utile. Lorsque parler et se taire donnent le même résultat, la Sunna nous conseille de ne pas parler. En effet, les paroles engendrent souvent l’illicite ou le blâmable. Et le salut n’a point d’égal ». Et même dans le Hadîth de Tirmidhî, il dit que « Rien ne fait tomber les gens dans l’Enfer, la tête en premier, si ce n’est le résultat de leurs paroles » et « Le croyant ne recherche pas chez le musulman ses défauts ou ses points faibles. Il ne maudit pas les autres et ne dit pas de mots grossiers ».

 

  • La pudeur est aussi une des grandes vertus que doit avoir un musulman car il doit être réservé et calme. Néanmoins, face au mal, il doit s’exprimer, agir pour combattre au nom du bien. Parmi les principales manifestations de la pudeur, nous pouvons citer :

 

  • Un musulman ne peut se mêler des affaires d’autrui ni chercher à leur faire du mal
  • Un musulman doit baisser ses yeux et être poli à l’égard des autres
  • Un musulman doit être humble
  • Un musulman ne doit pas élever la voix
  • Un musulman est toujours satisfait de ce que Dieu lui donne.

 

  • La clémence et la patience doivent aussi faire partie des vertus des musulmans. Ces vertus sont prodiguées dans diverses sources religieuses, à savoir : les conseils coraniques, les conseils tirés de la Sunna prophétique et les différents récits qui illustrent la patience comme étant un élément de vertu chez tous les prophètes.

 

  • La sincérité doit aussi être pratiquée par les musulmans car c’est ainsi que se manifeste la volonté de Dieu. Mentir est donc la porte ouverte du diable sur l’âme. Voilà pourquoi le hadîth rapporté à l’unanimité affirme que « La sincérité mène au bien et le bien mène au Paradis, si une personne est sincère, son nom sera porté auprès d’Allah comme étant celui d’une personne sincère. Le mensonge, quant à lui, mène au libertinage qui mène à l’Enfer. Si une personne ment, son nom sera porté auprès d’Allah comme étant celui d’une personne menteuse ».

 

 

 

  • La modestie est importante pour un musulman. Le Hadîth rapporté par le Muslim[70] rapporte que « Celui qui a en lui le poids d’un brun de vanité n’entrera pas au Paradis ».

 

  • La calomnie et la médisance sont interdites à tout musulman car Allah dit que : « Ô vous qui avez cru, évitez de trop conjecturer (sur autrui) car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? Certainement, cela vous fait horreur. Et craignez Allah. Car Allah est grand accueillant au repentir et très miséricordieux »[71]. De même « Ceux qui offensent les croyants et les croyantes sans qu’ils l’aient mérité, se chargent d’une calomnie et d’un péché évident. »[72]. Le Hadîth rapporté par Abû Dâwud[73] affirme aussi que : « Ô vous qui croyez avec vos langues sans que la foi ne pénètre votre cœur, ne médisez pas des musulmans et ne recherchez pas leurs points faibles. Celui qui recherche les points faibles des musulmans, Allah fera courir un scandale autour de lui, même si ce dernier s’en défend ».

 

 

  • La générosité est un devoir pour le musulman. Il doit tout d’abord à être prêt à donner sa vie, son existence pour Dieu. Le Coran explique dans plusieurs de ses versets les corrélations entre la foi et la dépense selon la volonté de Dieu : « Ce que vous dépensez de vos biens sera à votre avantage, et vous ne dépensez que pour la recherche de la face d’Allah. Tout ce que vous dépensez de vos biens dans les bonnes œuvres vous sera récompensé pleinement. Et vous ne serez pas lésés »[74]. De même, le Hadîth rendu à l’unanimité précise que « Chaque jour, deux anges descendent du ciel. L’un dit : « Seigneur rends à celui qui dépense (pour Allah) ce qu’il a dépensé. » Et l’autre dit : « Seigneur détruit les biens de celui qui ne donne pas (dans Ton chemin). » ».

 

 

  1. Les vertus de Saladin sur le plan religieux

 

Saladin est connu pour plusieurs vertus, en particulier sur le plan religieux si nous nous fions à tout ce qui a été dit antérieurement. En effet, toutes ses actions sont dictées par rapport à un schéma religieux  ce qui fait qu’il est connu comme étant un individu guidé par Dieu et dont les actions sont bénites par Dieu.

 

Dans sa lutte contre les francs, nous pouvons voir qu’il a transformé des cathédrales en mosquées, il a réhabilité des mosquées, comme celle d’al-Aqsâ où « Son mihrâb en marbre qui avait servi, selon les sources, de dépôt à grains ou de latrines, fut remis en état et, par la suite, les souverains ayyoubides, en particulier al ‘Âdil, ne cessèrent de l’embellir »[75]. Ainsi, il se conforme aux vertus religieuses musulmanes concernant les dépenses pour Dieu, et non à son encontre.

 

Nous pouvons aussi voir que sa générosité par rapport aux dépenses liées au Jihad fait aussi partie de ses grandes vertus. En effet, comme nous l’avons déjà dit antérieurement, Saladin est connu pour sa grande générosité, parfois vue comme un défaut de par le fait que ses sujets trouvent qu’il est insouciant et gère mal sa fortune. Néanmoins, c’est cette générosité qui a fait de lui le souverain aimé de tous et accepté par une grande majorité de la population. Cette générosité aussi qui a fait que Saladin ne pouvait plus donner l’aumône comme l’indique les lois religieuses car comme l’affirme Ibn Shaddâd à la veille de sa mort, son trésor ne contenait plus qu’une quarantaine de dirhams et une seule pièce d’or. Il ne possédait « ni biens immeubles, ni maisons, ni terres, ni jardins, ni villages, ni champs cultivés, ni aucune propriété »[76]

 

De plus, sa générosité dans le Jihad ne se matérialise pas uniquement au niveau de ses dépenses matérielles, que ce soit en argent, en chevaux ou en armes, mais aussi par rapport à son implication dans les batailles. En effet, dans le chapitre précédent, nous avons déjà pu illustrer à quel point il était impliqué dans les batailles, menant sans peur au front au péril même de sa vie. L’implication de sa vie, dans la bataille, était la meilleure façon pour lui de montrer son dévouement à Dieu, car, comme nous l’avons déjà dit, c’est un honneur pour un musulman de mourir comme un martyr. Néanmoins, ce martyre n’est pas recherché car c’est à Dieu et non à l’Homme de décider de sa propre mort. Si bien que « L’attitude des Kharijites qui se jettent dans le combat pour obtenir le martyre est-elle désapprouvée par la plupart des musulmans »[77]

 

Nous avons aussi déjà cité antérieurement, que pour s’adonner à une violence, Saladin préférait plutôt demander à ses conseillers religieux sur la légitimité de ses actes plutôt que de se détourner de la voie de Dieu. Néanmoins, nous avons déjà pu montrer que parfois, dans ses défauts, il pouvait s’adonner à des violences non légitimes, c’est-à-dire qui ne sont pas réalisées sur le champ de bataille ou pour punir un hérétique. Nous ne pouvons lui reprocher bien-sûr ce genre d’actes dans la mesure où l’environnement de cette époque est lui-même légitimé par la violence. Néanmoins, dans la plupart de ses actes, il s’avère qu’il préférait demander l’avis de ses conseillers avant de prendre une décision qui le mènerait soit à sa défaite, soit dans la perdition, soit au non accomplissement de la volonté divine comme le dit al ‘Âdil : « L’un des arguments que j’avançais avec insistance auprès du sultan afin qu’il saisisse Jérusalem était le suivant : Tu es sujet, lui dis-je, à des crises chroniques de colique. Si tu mourais d’une crise, cette nuit, Jérusalem resterait en otage aux mains des Francs. Efforce-toi donc de la prendre et exécute ce que Dieu est en droit d’attendre de toi en remerciement pour les faveurs dont Il t’a comblé. Saladin dit : je suivrai ton ordre et ton conseil »[78].

 

Nous pouvons aussi remarquer dans la conversation citée plus haut, que Saladin est à l’écoute et sait rester humble par rapport à ses sujets, même s’il est le Sultan et le représentant de la volonté divine. Il sait donc baisser les yeux. Néanmoins, certains faits peuvent nous faire reprocher sa grande ambition, proche de la convoitise qui est pourtant un péché pour le musulman. Son ambition, souvent exprimée dans les faits historiques comme dans ce témoignage d’Ibn Shaddâd sur les pensées de Saladin qui lui confia : « J’ai l’intention, si Dieu m’accorde la conquête du reste du littoral, de partager mes territoires, écrire mon testament et dicter mes volontés, puis de partir sur cette mer jusqu’aux îles des Francs et de les poursuivre là-bas pour ne pas laisser sur terre quelqu’un qui ne croit pas en Dieu, ou bien alors de mourir [dans cette tentative] »[79]. Il est vrai que nul homme n’est parfait et Saladin n’échappe pas à cette règle. En outre, il lui arrivait aussi de savoir baisser les yeux, et de rester humble et généreux même avec ses ennemis comme le montre ici une histoire où dans sa détresse d’avoir perdu sa fille, une mère franque demanda l’aide Saladin. « Saladin la reçut alors qu’il chevauchait en compagnie d’Ibn Shaddâd. Il se laissa émouvoir par sa détresse et ses larmes et ordonna immédiatement qu’on aille chercher l’enfant. La petite fille, qui venait d’être vendue sur le marché, fut rachetée à son propriétaire par Saladin qui la rendit à sa mère avant de les faire raccompagner toutes deux chez elles »[80].

Nous pouvons aussi voir dans ce fait, un acte de clémence et de patience. De clémence de par la grandeur de son cœur même avec un individu appartenant au camp ennemi, mais aussi de la patience dans ses actes pour mener à bien le Jihad. En effet, l’unification de l’Islam par Saladin divise souvent les historiens en deux groupes : ceux qui pensent qu’il agissait surtout par ambition personnelle, ceux qui pensent qu’il voulait cette réunification pour mener le Jihad. Néanmoins, ses projets ont pris plusieurs années de patience et de labeur pour concrètement se réaliser car comme nous l’avons vu, le résultat est là : il a reconquis Jérusalem.

 

Il est difficile de juger de la pudeur de Saladin dans les écrits si ce n’est le fait qu’il a souvent dû s’effacer devant ses aînés comme Nûr al-Dîn. Entant que chef et souverain il est dans l’obligation de se montrer charismatique, autoritaire et non pudique.

 

Sinon, Saladin, comme tout être humain, ne peut pas complètement contrôler sa parole comme nous avons pu le démontrer dans certains exemples cités précédemment. Néanmoins, cela ne fait pas de lui non plus un mauvais musulman, car tous les principes dont nous avons parlé quant aux vertus religieuses ne sont que des idéaux qu’une grande majorité des hommes ne peut atteindre.

 

L’une des vertus de Saladin, par rapport aux erreurs qu’il a pu commettre et le faire éloigner du chemin de Dieu, est, comme la plupart des littératures tend à le démontrer en montrant ses faiblesses, sa capacité à reconnaître ses fautes. Reconnaître ses fautes c’est aussi savoir baisser les yeux.

 

Saladin a durant son règne, voulut se montrer comme un souverain pieux et respectueux des traditions religieuses. Pour illustrer cela, nous pouvons citer le fait que mis à part « les prières quotidiennes obligatoires, Saladin ajoutait, à l’occasion, des prières superfétatoires et ne manquait pas d’invoquer Dieu chaque fois qu’il se réveillait la nuit […] Autant que possible, Saladin observa le jeûne du ramadan. Si parfois le jihad ou la maladie l’en empêchaient, al-Fâdil ou Ibn Shaddâd tenaient alors, à sa demande, le compte des jours manquants afin qu’il les rattrapât, conformément à la loi musulmane. »[81]

 

Au final, Saladin, n’est pas un être parfait comme nous pouvons le deviner, malgré la propagande qui tourne autour de lui et qui tend à alimenter sa légende jusqu’à nos jours.

Mais maintenant que nous avons mieux cerné les qualités et vertus du personnage, nous nous attèlerons dans la prochaine partie à l’exploitation du personnage de Saladin par les dirigeants arabes de la fin du XXe siècle au début du XXIe siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Exploitation du personnage de Saladin par les dirigeants arabes de la fin du XXe siècle au début du XXIe siècle

 

Maintenant que nous avons une meilleure idée de ce que fut la vie de Saladin et quelles ont été ses vertus entant que croyant, souverain et chef de guerre, nous essayerons ici de comprendre quel est l’héritage sur le plan politique mais aussi intellectuel de ce souverain.

 

En réalité, il est assez difficile de faire état de tous les écrits disponibles et de tous les comparer, si bien que nous sélectionnerons les échantillons d’ouvrages et de créations relatant la vision actuelle de Saladin pour réaliser cette analyse. Comme nous le savons dorénavant, l’image de Saladin est parfois altérée sinon, renforcée par la légende du personnage, unificateur de l’Islam, chef éclairé et même prophète. Cette image a évidemment eu des répercussions sur le présent et influencent même les contemporains dans leur vision de la réalité qui en découle.

 

Ainsi, nous essayerons de voir en premier l’exploitation politique de cette image. Cette exploitation politique est-elle tout d’abord réelle, efficace, une facétie pour améliorer l’image des chefs de gouvernements du monde arabe ? Cette question nous semble intéressante à répondre dans la mesure où l’image de Saladin est bien présente dans la mémoire de tous, occidentaux comme arabes, mais est-ce une image arrangée pour une cause, une idéologie où l’image réelle de tout un principe ?

En second lieu, nous essayerons d’analyser l’image populaire de Saladin, à travers diverses œuvres le concernant comme le film éponyme dirigé par Y. Chahine. En effet, c’est la perception des individus qui produisent la culture. Celle-ci tend à se cristalliser dans la mémoire actuelle, de par le fait que ce genre de film a connu un certain succès auprès du public contemporain.

Et en dernier lieu, nous comparerons la perception des intellectuels (historiens, auteurs…) contemporains pour enfin rendre compte de l’héritage concret que la littérature et les différentes œuvres scientifiques actuelles ont pu tirer du passé et transmettront probablement aux générations futures.

 

 

  1. Exploitation politique

 

Comme nous l’avons précisé dans la partie précédente de cette étude, la plupart des ouvrages arabes concernant l’histoire de Saladin sont panégyriques car ceux-ci ont été créés pour améliorer l’image des anciens souverains afin d’en faire des modèles pour les dirigeants politiques qui les succéderont. Nous savons aussi maintenant que l’image la plus répandue de Saladin dans les ouvrages est celle d’un souverain pieux, généreux, juste qui a réussi sous la grâce de Dieu à reprendre la ville sainte de Jérusalem des mains des Francs et qui a avant tout réuni les pays musulmans sous une même houlette, idéologie.

 

Alors comment cette image a-t-elle été utilisée dans un but politique ?

 

 

  1. L’une des premières utilisations politique de l’image de Saladin

 

L’image de Saladin qui est la plus utilisée dans la politique, d’après les recherches que nous avons pu faire et allons exposer est celle du Sultan qui a combattu l’hérésie occidentale. En effet, la tension comme nous pouvons le voir de nos jours entre les défendeurs extrémistes de la religion musulmane et l’impérialisme occidental est alimentée par la mémoire de cette grande victoire qu’est la reprise de Jérusalem par Saladin et la défaite franque.

 

Parmi les premières utilisations faites par un dirigeant arabe de cette image de nationalisme qui suit Saladin est celle du Sultan Abdül Hamid II, l’un des derniers sultans du monde ottoman qui fut de son temps quelque peu déjà métissé mais encore arabe[82]. En effet, après la fin de la libéralisation et la libéralisation de la période « Tanzimat »[83], le sultan Abdül Hamid II décida de rendre son gouvernement autoritaire. Ainsi, il décida de promouvoir l’idéologie de panislamisme qu’il pensait mieux convenir au monde moderne[84].

 

Il accusa le plus souvent l’Europe de réaliser une « croisade » moderne, pour conquérir l’empire ottoman et se voulait être le « Saladin » qui lutterait contre cet impérialisme occidental. Le mot croisade devint donc une métaphore politique dans la conscience collective du Moyen-Orient[85].

 

Cet appel à la mémoire de Saladin est suivi de différentes réhabilitations des lieux historiques en son honneur. Ainsi, le souverain ottoman approuva la construction d’une épitaphe en marbre pour la tombe de Saladin qui actuellement se trouve devant le sarcophage médiéval de Saladin. Cette épitaphe est l’un des premiers monuments historiques de l’empire et surtout le premier en l’honneur de Saladin dans le Moyen-Orient construit dans le pur style baroque propre à la civilisation ottomane. La signification politique de la construction de ce symbole historique était celle-ci : le souverain ottoman souhaitait se donner une présence impériale dans la province syrienne et que le peuple associe son image à celle du grand Saladin, défenseur de la foi musulmane devant les croisés. Durant des débats politiques il s’appropriait même de manière rhétorique et visuelle cette image du sultan Saladin[86].

 

Face à l’étendue de la propagande politique centrée sur Saladin, l’Empereur Wilhelm II[87] qui avait pour habitude de se comparer à plusieurs figures politiques historiques décida de s’approprier celle de l’empereur croisé Frederick Barbossa (1155-1190), qui par contre est plus contemporain à Saladin mais qui a la même image de noblesse que Saladin et héros légendaire tué dans les batailles de Syrie. L’empereur allemand fit un étonnant éloge au sultan ottoman qui fut tout autant un éloge à Saladin.

 

L’image de Saladin et surtout du nationalisme lié au panislamisme fut encore plus popularisé lorsque deux avions de guerre de l’empire Ottoman crashèrent, l’un dans l’Est du Tibre et l’autre sur les côtes de Jaffa. En effet, le dictateur turque Enver Pasha (1881-1922) décida de faire ramener les corps des deux pilotes du premier avions par train à Damas et le corps du pilote du deuxième pilote rejoint aussi la ville. Ils furent donc enterrés à côté de la tombe de Saladin afin de pouvoir relier leur mort à celle de martyrs qui ont voulu accomplir la volonté du Sultan ottoman (et donc de Dieu), relié donc ainsi à Saladin.[88]

 

Mis à part, nous pouvons aussi noter, qu’après la réunification de l’Egypte et de la Syrie en 1959, le président égyptien Jamal ‘Ab al-Nasir (connu sous le nom de Nasser) devint durant un court moment relié à Saladin, qui a été relaté dans le film de Youssef Chahine (1926-2008). Le président a en effet cautionné une propagande dans tous les médias où les allusions au lien de sa politique avec Saladin ont été plusieurs fois exploitées et répétées à cause de la nature socialiste de l’idéologie nassériste[89].

 

 

  1. Saddam Hussein et la réappropriation du Jihad de Saladin

 

L’image de Saladin a joué un rôle crucial dans le nationalisme irakien (1968), qui découle de l’héritage de l’ancien orient reliant la révolution Baat à l’histoire millénaire du pays[90]. Dans sa mégalomanie[91], il s’est comparé à divers personnages politiques historiques irakiens mais aussi à plusieurs images religieuses comme Hammurabi[92], Nabuchodonosor et même le prophète Muhammad (connu sous le nom de Mahomet)[93]. Cette propagande fondée sur l’histoire a été conçue dans un monologue idéologique afin que le peuple irakien et les autres groupes s’unissent sous une seule nation que lui seul guidera, aidée par la reconstruction de plusieurs sites historiques comme symbole d’unification.

 

Il est difficile de dire exactement que Saddam Hussein a décidé de s’approprier l’image de Saladin, mais comme nous l’avons déjà dit, il est aussi originaire de la ville de Tikrit comme le sultan. Néanmoins, il s’avère que Saladin n’a pas tenu un rôle majeur dans la propagande de Saddam dans la mesure où, le sultan n’a jamais été à la tête de l’Irak et que plusieurs autres personnages politiques s’avéraient plus faciles à s’approprier dans son enrôlement politique. Et pourtant l’année 1987, l’anniversaire des 800 ans de la reprise de Jérusalem par le peuple musulman, Saladin a été mis petit à petit en exergue dans la propagande irakienne afin de lier l’image du héros avec celui de Saddam Hussein[94].

 

Après l’entrée en guerre des Etats-Unis contre le gouvernement irakien et leur venue sur le territoire, le mot « croisade » est réapparu dans la conscience du peuple, surtout après les différents types d’endoctrinement qui fait que la lutte de Saddam est devenue une lutte contre les croisés chrétiens, l’identifiant donc à Saladin[95].

 

Il s’attribua ainsi, sur le plan visuel l’image de Saladin en s’habillant avec un uniforme contemporain de commandant en chef, coiffé d’un casque ayant une forme médiévale, évoquant l’ère de Saladin, mais qui fait allusion aux statues du Dôme des Rochers à Jérusalem. En 2001, une peinture murale à Bagdad illustrant Saddam Hussein guidant des tanks dans une bataille contre les nouveaux croisés (l’armée américaine), aux côtés de Saladin a même été créée. Après la défaite de Saddam Hussein, sa statue a été décapitée et détruite comme celle de Saladin. Mais malgré tout, une idéologie liée à Saladin a quand même subsisté dans la formation du gouvernement Shiite, et surtout dans la formation d’une guérilla sectaire shiite qui prône le panislamisme. Malheureusement, dans ce cas, la mémoire de Saladin a été utilisée pour des actes d’ordre terroristes[96].

 

 

  1. L’utilisation de l’image de Saladin au nom du nationalisme syrien

 

L’image de Saladin fut représentée dans la conscience de chaque syrien de différentes manières. En effet, Hafizal-Assad (1970-2000), premier président syrien à utiliser une propagande proche du culte de la personnalité soviétique a tout d’abord glané et propagé l’image du « leader pour l’éternité ». Il a de même construit plusieurs monuments symboliques pour propager dans la Syrie une image de lui comme étant le père bienveillant de la nation syrienne.[97] Mais contrairement à la propagande du culte de la personnalité irakienne, al-Sadad s’abstint d’en faire trop.

 

Ainsi, l’une des premières références à Saladin dans la propagande syrienne fut l’impression d’un billet de banque à l’effigie du sultan en 1977, image copiée de la tombe ottomane de Saladin. L’image est apposée avec l’un des plus grands repères historiques (les grandes réalisations du socialisme et de l’Etat : les travailleurs, les ports, les paysans et les barrages) de la Syrie sans pour autant que cela n’ait un réel message politique[98].

 

Le juillet 1987, un symposium en l’honneur de l’anniversaire des 800 ans de la victoire de Saladin à Hattin a eu lieu à Damas. Ulrike Freitag[99] qui a assisté à l’ensemble de l’événement a conclu que celui-ci a été créé en particulier pour légitimer le régime du président syrien en construisant une ligne historique entre Saladin, Jamal ‘Abd al-Nassir (Nasser) et Hafiz al-Asad[100]. Sans parler de la référence même à la victoire de Hattin qui a été utilisée dans une grande majorité des messages du gouvernement et la construction de divers monuments mettant en scène l’ancien Sultan qui sont apparus un peu partout en Syrie.

 

De même Saladin fut proclamé héros national de par le fait que la culture même du pays est représentée visuellement par son image, dans les divers monuments mais aussi par la mise en circulation d’un autre billet de banque à l’effigie de l’empereur en 1997, devenant ainsi aussi symbole de l’union du pays.

 

Nous pouvons donc finalement affirmer que l’utilisation de l’histoire de Saladin fut extrêmement exploitée dans le milieu politique, spécialement dans les pays que nous avons cité pour légitimer les actions du gouvernement et légitimer leur pouvoir. Mais au fond, aucun de ces chefs d’Etat n’a pu réitérer les actions de Saladin mais s’en sont servis juste comme couvert politique.

 

 

  1. Image populaire de Saladin

 

L’image populaire de Saladin de nos jours est très romancée, surtout dans les œuvres racontant son histoire et son épopée. Image qui, d’autant plus a été fortifiée par les ouvrages faits par les panégyristes. Homme bon, juste, généreux, pieux, chevaleresque, tant de descriptions, de louanges concernant cet homme que l’on se demande ce qui reste réellement dans la mémoire des gens concernant ce personnage historique.

 

  1. Le film de Youssef Chahine

 

Produit en 1963 sous la direction de Youssef Chahine, le film Saladin raconte le déroulement de la troisième croisade sous le point de vue arabe, ce qui donne à ce film un certain intérêt.

 

Youssef Chahine est issu d’une famille chrétienne égyptienne d’Alexandrie, et né le 25 janvier 1926. Il quitte l’Egypte pour étudier le septième art au Pasadena Playhouse aux alentours de Los Angeles. Ce n’est donc qu’en 1963 qu’on lui proposa de réaliser le film Saladin qui semble être l’une des ses plus grandes réalisations.

 

Malgré tout, ce film est marqué par certaines implications politiques avec le président égyptien Nasser. En effet, ce film est en quelque sorte une occasion de propagande pour le gouvernement en parallèle au besoin d’unification de l’Egypte et de la Syrie pour lutter contre les forces colonisatrices de l’Ouest de la Palestine. Cela dit, la question qui se pose est si le réalisateur a été influencé par les forces politiques égyptiennes pour créer un certain lien entre la situation égyptienne contemporaine et l’histoire de Saladin… ? Difficile à dire si ce n’est que le président égyptien a réellement soutenu ce film. En effet « Il était très content du film. Il le regardait dans sa chambre. Quand il recevait un personnage important, il le lui projetait. Il gardait une copie du film sous son lit. Quand j’ai commencé a avoir des problèmes, les gens venaient se plaindre de mon attitude auprès de Nasser. Mais il a très bien compris que mon comportement était lié à autre chose que l’argent »[101].

 

Nous pouvons voir un lien créé symboliquement dans le nom arabe du film, lien entre le héros d’entant que fut Saladin et la situation égyptienne contemporaine. Ainsi, le titre arabe du film est « al-Nâsir Salah al-Din », al-Nâsir signifiant « celui qui donne la victoire », qui est l’équivalent du nom du président égyptien, « Nasser ». Malgré tout Chahine avoue n’avoir aucune relation avec le président car comme il le dit : « Quand j’avais reçu sa récompense, je n’avais même pas osé lever les yeux sur lui. Mais je savais qu’il s’intéressait à moi. Il avait dit au grand écrivain égyptien Mohamed Hassanein Heykai, qui était de passage à Paris, son désir que je retourne en Egypte. Je ne savais pas ce qu’il avait en tête. Puis un autre écrivain m’a contacté, puis le ministre de la Culture. »[102]

 

Mis à part, nous pouvons voir que le cadrage et les techniques utilisés par le film mettent en valeur le personnage Saladin. Parmi ceux-là, nous pouvons par exemple citer les scènes de guerres qui battent de leur plein avec au dessus, une vision de Saladin complètement impassible, surélevé dans la bataille donnant l’impression du contrôle total qu’il a sur la bataille. Ainsi, les effets utilisés n’ont pas fait en sorte de retranscrire le fait que Saladin est le héros mais plutôt, ont permis de transformer la vision des spectateurs, voyant Saladin comme le symbole du héros dans toute sa quintessence[103].

 

De même la vision de Chahine par rapport à la personnalité de Richard Cœur-de-Lion a été plus ou moins édulcorée de façon à ce que les actes parfois horribles pouvaient se justifier dans le film. De ce fait, Saladin revêt aussi dans ce film une aura qui fait qu’il est considéré comme le preux chevalier, courageux qui protégeait sa foi. « Dans ce film, Saladin incarne, sans nuance, l’honneur, le courage et l’endurance, le respect de la parole donnée et la modération, le droit et la justice, la sagesse et la piété, alors que Renaud représente de manière caricaturale tout le contraire : l’injustice et la cruauté, l’arrogance et l’orgueil, la fourberie et la violence […] les croisades n’étaient pas une guerre de religion mais une guerre économique destinée à remplir les caisses de l’Europe et à éviter d’écorner l’image du bon souverain pieux et chevaleresque de Saladin, la réalité historique est adaptée »[104]Cela vient en particulier du fait que la richesse même des œuvres littéraires concernant Saladin font état de cette caractéristique, que le réalisateur a retranscris dans son film et sublimé pour en faire la représentation des valeurs chevaleresques.

 

Nous pouvons voir dans ce film des interprétations du  réalisateur des faits parfois légendaires et parfois réels sur la vie de Saladin. Mais en Général, la principale image qui ressort de ce film est celui que tous les panégyristes du sultan tendaient à propager, celui d’un Homme de Dieu à l’esprit chevaleresque. Servant en même temps de propagande politique à Nasser, ce film, se devait donc d’avoir un regard positif sur l’empereur, plutôt qu’un regard critique ce qui fait que Saladin a aussi ici le rôle du chef de guerre et souverain valeureux, qui a su réunifier tout un pays afin de regrouper le peuple pour une cause noble. Saladin est donc présenté dans la plupart des scènes sous ses plus beaux jours, ses faiblesses sont très peu mises en exergue mis à part celles qui pourraient constituer des qualités comme sa générosité.

 

  1. L’impression donnée par les autres œuvres

 

Il nous est difficile de citer l’ensemble des mosalsals[105] qui relatent la vie de Saladin. En général, tous parlent en bien de la vie de Saladin et propagent aussi une vision de chevalier héroïque et brave. Nous pouvons par exemple citer la série d’animation pour enfants « Saladin » qui a fait fureur dans les années 2011 et qui a été diffusé dans les pays arabes et anglophones, coproduits par les maisons malaysiennes et Qatariennes.

 

Nous pouvons aussi voir parmi les œuvres concernant Saladin et fortifiant l’image du héros populaire, le film « Kingdom of Heaven », réalisé par Ridley Scott qui raconte l’histoire de Balien d’Ibelin, forgeron bâtard qui va ensuite défendre Jérusalem contre les attaques de Saladin et les derniers jours de Baudouin IV dit Le Lépreux[106]. Ce film a été bien accueilli dans une grande majorité de l’Europe et non aux Etats-Unis. Dans ce film, l’image de Saladin est toujours celle d’un preux chevalier qui a essayé de ne pas attaquer Renaud de Chatillon[107] mais qui a finalement cédé face aux diverses provocations du prince. Malgré tout, il eu la bonté d’âme de laisser la vie sauve au héros malgré le fait qu’il fasse partie du camp ennemi, sous les conseils du personnage de « Imad », alors conseiller du Sultan. Dans ce film très romancé, nous pouvons voir la victoire de Saladin dans la conquête de Jérusalem qui est expliquée par sa force de conviction, ses valeurs, son savoir militaire et son charisme de meneur d’homme. Ce film est souvent reproché par le fait que son réalisateur a beaucoup rapproché l’image de Saladin à celle d’un héros chevalier comme ce fut le cas avec The Talisman  de Walter Scott, au point que les critiques les plus virulents jugeaient que Ridly Scott soutenait l’idéologie d’Ousama Bin Ladin et le Djihad[108]

 

Encore une fois, l’image populaire de Saladin est positive et très peu d’individus, même en occident le voient en mal.

 

 

 

  1. La perception intellectuelle et scientifique du personnage de Saladin dans le monde arabe

 

Maintenant que nous avons une meilleure vision de la perception générale que la population a de Saladin, nous allons maintenant essayer d’analyser ce qu’il en est pour les individus du monde scientifique et intellectuel.

 

Mais comme nous le savons tous, les pensées de ces savants sont influencés ou guidés par la littérature de cette époque, qui leur permet d’avoir une meilleure idée des faits caractérisant le personnage de Saladin. Nous allons donc essayer de comparer dans cette partie les sources littéraires dont les scientifiques et autres historiens se servent pour comprendre le choix de leur perception du souverain Saladin.

 

 

  1. Etude de l’historiographie arabe de Saladin

 

L’histoire de Saladin représente un grand enjeu historique pour les pays arabes, même si Saladin est à l’origine Kurde. Même si l’impression première de la lecture des ouvrages historiques, qui ont l’avantage de profiter d’un témoignage direct des faits reliés à l’histoire de Saladin, est qu’ils sont justes descriptifs, il serait incongru de nier que certains auteurs ne se contentaient pas que de décrire mais pouvaient aussi édulcorer certains faits historiques de par la subjectivité de leur analyse. C’est ainsi que Abû Sâma, une des sources historiques relatant de la vie du souverain dut épurer d’une manière plus romancé la prise de Jérusalem en 1187[109]. Cet auteur ne niait nullement ce fait mais a expliqué l’indispensabilité de donner un certain équilibre à l’esthétisme littéraire qu’il voulait appliquer avec la vérité historique telle quelle. Nous pouvons voir dans ses écrits une justification de l’aspect divin des actes de Saladin ou de son prédécesseur Nûr al-Dîn : « Je me suis alors résolu à consacrer spécifiquement à leurs règnes/états un ouvrage et louangeur, et permettant de les connaître. Peut être tombera-t-il entre les mains de princes auxquels il servira de guide de gouvernement. Je ne suis pas loi de penser que c’est argument et un avertissement de Dieu –Gloire à Lui- aux princes d’aujourd’hui. Avertissement dont les croyants doivent tirer profit : ils ont tendance à s’éloigner du chemin tracé par les califes rashidiens et les imâm qui ont suivi leurs traces. Ils disent : « Nous sommes venus trop tard ; il n’y en a plus des comme ceux-ci ». Or, en accordant une telle destinée à ces deux princes, la toute puissance de Dieu –Gloire à Lui-, inflige un argument [à ceux qui s’expriment ainsi] : tous deux n’ont-ils pas été des princes contemporains ? De fait, nul ne peut se penser incapable de leur ressembler s’il invoque Dieu Très Haut et Très Bon et s’il suit le droit chemin. »[110]. Argument divin qui est tout autant utilisé par les chrétiens dans leurs ouvrages de Saladin.

Les historiens ou/et tout intellectuel doivent généralement être capable de lire entre les lignes du passé, de l’appréhender sans pour autant s’attacher à la vision commune et aux représentations propres à l’idée générale. Tel est le cas par exemple avec la biographie de l’historien égyptien Mu’nis ‘Awad. Dans son livre publié en 1996, nommé Ṣalāḥ al-dīn bayn al-ta’rīḫ wa l-usṭūra, nous pouvons voir qu’il essaye, même s’il est égyptien, de décrire d’une façon détachée, sans influence idéologique Saladin.

Dans le dernier chapitre de son ouvrage par exemple (p.287-312), qui parle de la « légende de Saladin », nous pouvons remarquer cet effort de dresser un portrait dépassionné de Saladin, en particulier lorsqu’il revient et met en exergue l’absence d’une légende de Zanguî et de Nûr al-Dîn.

 

D’autres historiens comme Qâsim ‘Abduh Qâsim[111] s’aventure sur un terrain nouveau en analysant les limites entre la littérature concernant Saladin et l’Histoire. Néanmoins, il s’avère que ses études ne sont pas du tout d’ordre critique vu qu’elle est plutôt romancée et prend parti avec l’opinion publique concernant l’aspect chevaleresque de l’image de Saladin dans son livre publié à Paris en 1991 auprès de Geneviève Chauvel[112].

 

L’un des problèmes récurrents avec les ouvrages littéraires historiques arabes, il est difficile pour les auteurs d’écrire librement sans pour autant que le pouvoir et les enjeux idéologiques ne les influencent dans leur travail ou ne leur mettent la pression[113]. Cela fait que les écrits prennent souvent partie avec la mémoire collective partielle et partiale du monde arabe. Parmi les grands auteurs et historiens arabes se trouve Suhayl Zakkâr[114] , celui qui a écrit de grandes œuvres littéraires avec plusieurs sources variées sur les croisades. Il fait état de la permanence de « télescopage du passé et du présent dans écrit arabes »[115].

 

Ces faits expliquent pourquoi il y a plusieurs écrits concernant Saladin dans le Proche-Orient. En effet, comme nous avons pu le décrire, les faits historiques sont souvent exploités en particulier sur le plan politique pour permettre aux dirigeants de gagner la sympathie des foules et surtout légitimer leurs actes. Ainsi, les auteurs essaient de faire remémorer au public qu’il leur est possible de revivre un futur heureux comme ce fut le cas avec Saladin qui a réussi à libérer Jérusalem des Occidentaux présentés comme les ennemis jurés des arabes, et redonnant au peuple humilié sa fierté et son honneur.

Ainsi les ouvrages et même les œuvres qu’ils soient scientifiques ou non sont fortement stéréotypés afin d’accroitre la vision positive que le public a sur les actes de l’ancien souverain et de mieux leur faire appréhender leur futur car « raconter la vie de Saladin c’est exhorter les masses à prendre conscience de leur histoire et de leur devenir »[116].

 

De même Sakîr Mustafâ[117], ne tarit pas d’éloges quant au modèle qu’est Saladin au point de vouloir son « retour », qu’il s’incarne en un dirigeant contemporain qui saurait redonner aux arabes leur gloire d’antan, dont le nom s’inscrit dans la lignée de grands héros musulmans : « Salâh al-Dîn [certes] et, à ses côtés, Nûr al-Dîn, Hâlid [b. al-Walîd], Abû ‘Ubayda, Sa’d [b. Abî Waqqâs], Abû Mûsâ [al-As’arî], al-Nu’mân [b. Muqarrin], ‘Amrû b. al-‘Âs, ‘Uqba [b. âfi’], Mûsâ [b. Nasîr], Târiq [b. Ziyâd], Muhammad b. al-Qâsim, Qutayba [b. Muslim al-Bâhilî][118].

Et, après cela, la renommée (sum’a) de Salâh al-Dîn s’est assoupie, de même que celle des héros de l’histoire musulmane, d’Ibn al-Walîd à Târiq, et d’al-Gâfiqî à Muhammad b. al-Qâsim[119] ».

Le personnage de Saladin a souvent été utilisé et exploité par les principaux partisans de la Nahda[120], peut être notamment sous l’influence des œuvres occidentales[121]. Ainsi, Saladin a été utilisé pour la promotion du nationalisme unificateur arabe.

Dans son adaptation de l’œuvre de Walter Scott, avec la création de la pièce de théâtre Salâh al-Dîn al-ayyûbî, Nagib Haddâd[122] confirma le statut de héros de Saladin dans le monde contemporain, symbole de l’unification du monde arabe, à un tel point que cette pièce connut un grand succès au Maroc en particulier et que les acteurs osaient s’engager à vie pour y jouer[123].

Quelques quinzaines d’années plus tard (en 1913), sortit Salâh al-Dîn wa-makâ’id al-Hassâsîn, écrit par Gurgi Zaidân[124] où il montrait les mauvais côtés de Saladin, personnage ambitieux dans sa jeunesse mais sage au fil des années, comme furent les personnages des romanciers européens du XIXème siècle.

Suivit ensuite Salâh al-Dîn wa-Mamlakat Ursalîm, créé par Farah Antûn en 1914[125]. C’est notamment grâce à cet écrivain que Saladin se hissa au rang de héros symbolique du nationalisme arabe. En effet, son histoire est dans cet ouvrage magnifié et la gloire sur laquelle est fondée la légende est exacerbée, en particulier le fait que Saladin est le vainqueur des armées occidentales chrétiennes.

 

Malgré tout, dans les œuvres arabes, Saladin n’était pas systématiquement présenté comme ce héros que nous connaissons aujourd’hui. En effet, dans l’ouvrage de Gurgî Zaydân par exemple, les aspects positifs du personnage ne sont montrés que dans la deuxième partie dans son livre. La première partie était notamment consacrée à la mise en valeur de l’agressivité du héros, et son ambition qui a toujours été vue comme douteuse. Nous pouvons supposer que l’auteur a été influencé par ses pairs européens qui aimaient analyser l’histoire des personnages d’exception[126].

De plus, cet auteur s’était basé sur des sources historiques arabes reconnues pour écrire son œuvre. Parmi ses sources se trouvent Ibn al-Atîr et bien d’autres auteurs qui ne sacralisent pas forcément tous les actes de Saladin comme les panégyristes. De même il a pris en compte les critiques de certains auteurs occidentaux sur un des ses écrits[127] qui peignait Saladin comme un être fourbe, un meurtrier qui se servait des femmes pour accomplir ses ambitions personnelles. Il a aussi voulu minimiser selon nous la fixation que la plupart des contemporains fait sur Djihad mené par Saladin en ne traitant pas de la capture de Jérusalem dans son livre[128].

 

L’image de Saladin auprès de la communauté scientifique et non scientifique ne fait pas l’unanimité dans les pays arabes. En effet, de par son origine kurde souvent reniée par les nationalistes arabes, l’attrait pour le personnage n’est pas toujours pareil. Ainsi, selon Ali Fahmi ce personnage a connu moins de succès que Al-Malik az-Zâhir Rukn ad-Dîn Baybars al-Bunduqdar[129] ou al-Sâlih Nagm al-Dîn Ayyûb[130] auprès des Egyptiens par exemple : « On peu se demander pourquoi les Egyptiens éprouvent tant de sympathie envers le personnage d’al-Zâher Baybars, héros épique d’un des récits les plus célèbres. Cette époque de l’histoire de l’Egypte a en effet connu des sultans tout aussi prestigieux que Baybars et qui, comme Salah al-Dîn al-Ayûbi, étaient dotés d’une personnalité hors du commun. Cependant, le récit populaire accorde à des personnages tels qu’al-Saleh Negm al-Dîn Ayûb, dernier sultan de la période ayûbide –celui qui avait élevé Baybars- une place plus importante qu’aux fameux Salah al-Dîn al-Ayûbi, qui a joué le rôle le plus prestigieux de l’histoire des Croisades. Cela pourrait s’expliquer par le fait que le sentiment populaire ne tolère aucune complaisance vis-à-vis des adversaires de la nation. Or, selon Ibn al-Atir, « Salah al-Dîn était par trop laxiste avec ses adversaire ». La conscience populaire ne lui a pas pardonné ce « laxisme » qui pourtant, à notre sens, relève davantage de la tolérance religieuse et de l’éthique chevaleresque que du renoncement aux droits nationaux »[131].

 

Ainsi, dans les œuvres d’ordre scientifique arabes, la figure de Saladin est souvent idéalisée pour correspondre à la vision du héros que le commun connaît afin de pouvoir être utilisé dans un but politique. Néanmoins, comme nous avons pu le voir certains ouvrages intellectuels gardent une certaine objectivité par rapport aux faits historiques.

 

Ainsi, dans certains ouvrages, les valeurs ne sont pas tenues en compte et les auteurs évitent d’avoir recours à des notions obscures. Dans le cas où ils s’intéressent à des faits assez peu éclairés, ils s’attèlent à les analyser et à en comprendre les fondements afin de faire avancer la perception des notions sur ce sujet, infalsifiables par une explication par des faits surs. De même ils évitent de déformer ou d’interpréter de façon subjective ces faits. Il est difficile d’appliquer ce principe car la manière de penser est influencée inconsciemment pas les propres valeurs du scientifique, surtout dans la perception de ce genre de faits.

 

 

  1. L’étude historiographique de Saladin en Occident

 

L’étude de la perception du monde intellectuel latin sur le personnage est plus intéressante. En effet, Saladin est connu comme étant celui qui a donné l’une des plus grandes défaites aux chrétiens par la reprise de Jérusalem. Nous pourrions donc supposer qu’il a une mauvaise image auprès du monde intellectuel occidental. Voyons ce qu’il en est vraiment.

 

Pétrarque, érudit, poète, grand homme de la littérature italienne et humaniste italien, dans son Triomphe de la Renommée, mit Saladin parmi les grands personnages qui ont marqué l’histoire par des faits d’armes[132]. L’autre grand de la littérature, à savoir Dante et sa Divine Comédie mit Saladin dans une place bien plus enviable que le prophète Mahomet dans le Limbes et le cite avec d’autres grands noms de l’histoire : « Et, encore aujourd’hui, qui ne porte en son cœur Alexandre pour ses bienfaits royaux ? Qui n’a dans son cœur le bon roi de Castille ou Saladin, ou le bon marquis de Montferrat, ou le bon comte de Toulouse ou Vertran de Born, ou Galas de Montfeautre ? Certes, quand on fait mention de leurs largesses non seulement ceux qui feraient les mêmes volontiers mais ceux qui voudraient plutôt mourir que de les faire, portent amour à la mémoire de ceux-là »[133]. Ainsi s’inscrivait Saladin dans la littérature classique du XIIIème siècle, dans un traitement de faveur par rapport aux autres personnages illustres arabes.

 

Nous nous demandons donc maintenant pourquoi ce fervent combattant du Djihad a-t-il pris une place d’honneur dans la pensée des intellectuels occidentaux, comme étant un preux chevalier chrétien et un chef généreux idéal. Il est quand même lieu de préciser que Saladin ne fut pas le seul personnage musulman à devenir un mythe dans la conscience commune des intellectuels occidentaux. Cela se comprend par le fait que les ouvrages occidentaux convertissent les héros de l’Islam au christianisme. Parmi ces personnages se trouvent Karbuhâ[134] et Tughtegin[135] qui renoncèrent à l’Islam pour se convertir au christianisme dans la Chanson des Chétifs[136].

 

Nous pouvons expliquer cette tendance à transformer dans l’imaginaire la perception de ces guerriers musulmans comme étant des convertis au christianisme par le fait qu’il y avait une certaine admiration des intellectuels pour les qualités guerrières de ces illustres personnages. C’est ainsi que Tughtegin qui a été fait prisonnier par Saladin l’adouba ensuite comme chevalier dans un roman en prose dont le titre est le nom du souverain[137].

 

De plus, comme nous avons pu l’expliquer auparavant, Saladin a été souvent vue comme étant un souverain guidé par Dieu et sa victoire, attribuée par Dieu si bien qu’il a été préférable pour les intellectuels de penser être battus par des individus ayant la foi et ayant leurs valeurs chevaleresques que par des barbares impies. Cela permit donc à l’imaginaire occidental d’atténuer le goût de la défaite en trouvant un raison noble à la victoire de ces personnages affirmant l’admiration des vaincus sur les vainqueurs et donc d’adhérer à l’idée du bien et du mal. Ainsi, il était difficile d’accepter pour eux qu’un homme d’un tel apanage soit musulman si bien qu’il a fallu le convertir dans l’imaginaire au christianisme, aux valeurs morales et idéologiques chrétiennes. De plus, « les héros musulmans devaient se convertir au christianisme de manière à atteindre le salut »[138].

C’est dans cette optique que les écrits de certains intellectuels dominicains et franciscains du XIIIème siècle qui sont de nos jours des classiques dans les universités ne voyaient pas en l’Islam une religion du même type que le christianisme (dans le sens péjoratif)[139]. De plus vers la fin du XIème siècle, avec l’apogée du genre littéraire épique et romanesque et la reconquête de l’Espagne comme les croisades en Orient, firent propager les différentes légendes concernant les batailles entre les deux religions. Ce genre littéraire racontait et fantasmait sur les gestes valeureux des personnages illustres comme le roi Arthur et était destiné aux chevaliers qui souhaitaient se comparer ou trouver leur idéal dans leurs aïeux et leurs pairs. C’est cet environnement, rythmé par les combats des croisés qui essayaient de s’identifier aux héros que la légende de Saladin prit de l’ampleur.

 

Le moyen âge était fort fantasmé par les intellectuels de ce temps. En effet, les sources narratives de ce temps, et il est maintenant incongru de le nier, ont comme principale caractéristique qu’elles sont « l’élaboration emmêlée, et en définitive, commune de l’histoire et de la légende »[140]. Même si les ouvrages de Guillaume de Tyr représentent une source historique et des témoignages incontestables concernant les croisades, les autres écrits qui suivirent étaient en quelque sorte un savant amalgame entre faits réels et imaginaires, à la manière de romans historiques, dont seules les confrontations avec d’autres sources occidentales et arabes ont permis d’en connaitre la nature peu fiable de celles-ci[141].

 

Les œuvres intellectuelles du Moyen-âge où Saladin apparait sont plus ou moins nombreuses et appartiennent à la littérature romantique des croisades connue sous le nom du « Cycle de la Croisade ». Le premier cycle qui a pour origine géographique le Nord de la Flandre et de la France a été étayé durant les croisades du XIIème au XIIIème siècle et était destiné à un public plus ou moins large. Ce premier cycle a donc été créé pour distraire le public avec une histoire vernaculaire des croisades. Elle était composée de trois parties :

  • La chanson d’Antioche

 

  • La conqueste de Jérusalem

 

  • Les chétifs.

 

Ainsi, il contait l’histoire de Godefroi de Bouillon à ses débuts et finissait vers la fin du XIIIème siècle sur l’épopée de Saladin pour la reconquête de Jérusalem[142]. Composé d’alexandrins ce premier cycle tend à glorifier les faits de la première croisade sans pour autant laisser encore transparaître l’admiration des occidentaux sur le personnage de Saladin. Construction de la mémoire par rapport aux faits passés, cette littérature était un savant mélange entre la chanson de geste, l’historiographie, l’hagiographie et le roman historique et aidait le public à se représenter leur propre perception de ce que fut la croisade.

 

Le deuxième cycle de la croisade quant à lui fut rédigé après la défaite des occidentaux et la chute de leurs Etats après 1291 avec peut-être pour objectif de favoriser la relance d’une nouvelle croisade pour récupérer les biens perdus. C’est dans ce dernier cycle que Saladin devient de plus en plus idéalisé renvoyant une image positive de sa personne malgré son rôle dans la défaite des croisés[143].

Le second cycle est composé par :

  • Le Chevalier au Cygne et Godefroy de Bouillon

 

  • Baudouin de Sebourc

 

  • Le Bastard de Bouillon

 

Ainsi ce second cycle se clôt sur le roman de Saladin qui commence avec son ascension au pouvoir en Egypte et se termine sur sa mort. Dans ce cycle, la trilogie dont le titre est Jehan d’Avennes[144]qui est en quelque sorte basée sur un conte du XIIIème siècle intitulé la Fille du compte de Ponthieu, essaye de démontrer les origines occidentales de Saladin, qu’il tient de sa mère[145].

 

Dans la lignée de Dante, toujours dans la littérature italienne, se trouve le Décaméron écrit par Boccace où Saladin est magnifié et tient le rôle d’un souverain juste, et généreux dont Gotthold Ephraim, le dramaturge allemand se servit pour sa pièce Nathan le Sage (1779). Dans cette pièce, Saladin est un « gentleman », juste et humaniste.

 

De même, Voltaire, dans son Essai sur les mœurs (1756), se servit de l’historiographie parfois légendaire pour faire de Saladin un type d’idéal et réaliser une critique sur le christianisme. Ici, Saladin est toujours aussi généreux modeste pieux[146].

Nous avons aussi déjà eu l’occasion de parler du Talisman de Walter Scott qui a aussi créé Richard en Palestine (1825) qui s’interroge sur cette époque « où l’on voit le monarque anglais et chrétien montrer tout la cruauté et la violence d’un sultan d’Orient, et Saladin déployer au contraire, la politique avisée et la prudence d’un souverain européen, tandis que chacun d’eux s’efforçait de surpasser l’autre en qualités chevaleresques de bravoure et de générosité »[147]. Ainsi, une grande majorité des auteurs anglais du XIXème et du XXème siècle furent influencés dans leurs écrits par leur représentation subjective du héros qui s’est ensuite projetée sur leur public.

 

Jules Michelet, dans son Histoire de France, a reconnu Saladin entant que musulman et non entant que chrétien par contre : « Ce Kurde, ce barbare, le Godefroi ou le Saint Louis du mahométisme, grande âme au service d’une toute petite dévotion, nature humaine et généreuse qui s’imposait l’intolérance, apprit aux chrétiens une dangereuse vérité, c’est qu’un circoncis pouvait être un saint, qu’un mahométan pouvait naître chevalier par la pureté du cœur et la magnanimité »[148]

 

Il est toutefois important de spécifier que cette vision positive de Saladin n’est pas partagée par tous les intellectuels. En effet, dans un poème latin anonyme de 1187 intitulé Carmen de Saladino, le souverain est présenté comme un personnage fourbe, fils bâtard de Nûr al-Dîn, qui a usurpé le pouvoir en devenant l’amant de la femme de son père qu’il empoisonna et en écartant le principal prétendant au trône (le fils légitime de Nûr al-Dîn) du pouvoir.

Il est aussi donc vu comme un usurpateur qui est arrivé au pouvoir en usant de fourberies comme nous pouvons le voir dans cet extrait :

« Lorsqu’il lui aurait fallu être au service du roi, Il ne fut pas un Joseph, et n’aurait même dû être un Joseph, Enclos dans la couche du roi par un crime envers une femme, Il corrompit sa dame, homme adultère, voleur trop audacieux, Souvent une vie stupide plaît à la femme légère, Autrefois gardien de troupeau, il souille à présent l’union conjugale du roi, Ainsi, la reine soumet au serviteur sa seigneurie, Le roi jaloux ignore cette faute, La reine recommanda fourbement Saladin au roi, Pour qu’ainsi elle se vautre plus librement dans l’adultère, Par une telle occasion, Saladin s’élève hors de toute mesure, Noradinus (Nûr al-Dîn) aime plus ce serviteur que les grands, En toute liberté il [Saladin] entre dans la chambre nuptiale du roi et en sort, Il demeure dans la chambre nuptiale quand le roi va en n’importe quel lieu, Par un édit général, il devient le premier parmi les princes, Par un tel crime Saladin devient presque l’égal du roi »[149].

Comme nous pouvons le remarquer dans ce poème anonyme, la référence de Saladin à Joseph est retournée contre lui car il n’a pas su résister aux charmes de la femme du roi et en a même usé pour accéder à son statu. De plus, les faits réels sont consciemment noircis, comme c’est le cas avec les origines plutôt modeste du souverain, son mariage avec la veuve de Nûr al-Dîn, qui lui donnèrent une mauvaise image.

 

Cette mauvaise image est aussi perçue lors de la chronique latine de la troisième croisade[150] qui le montre comme étant un individu à l’ambition douteuse et qui ne devait jouir d’aucun droit héréditaire par opposition au roi anglais Richard Cœur de Lion. En effet, à cette époque, la notion d’hérédité et de noblesse était très importante pour légitimer l’accès au pouvoir. Etant en ce temps le chef de police de Damas il incarnait aussi la mauvaise image de l’individu qui amassait les impôts d’une manière parfois douteuse :

« Saladin s’enrichissait de gains mal acquis en percevant un tribut sur les filles de Damas. Celles-ci ne pouvaient se prostituer sans avoir obtenu de lui, à prix d’argent, la licence d’exercer leur métier honteux. […] Ce maquereau, qui possédait un royaume de bordels, une armée de tavernes, qui n’avait eu pour toute étude que les dés et l’ail, se trouvait soudainement élevé au rang le plus haut »[151].

 

Parfois même, l’historien et le témoin reconnu des batailles des croisés à savoir, Guillaume de Tyr ne savait pas vraiment comment décrire ni représenter Saladin malgré le fait qu’il soit reconnu pour être un grand et généreux guerrier. Il lui arrive parfois de laisser penser que Saladin était un individu qui usait de la traîtrise pour monter les échelons et était un usurpateur sans aucun sens humain[152].

Guillaume de Tyr par contre n’a pas osé critiquer la conduite de Saladin entant que souverain car la menace qu’il représentait pour les francs était réelle. Et pourtant à cette époque le tyran était vu comme un envoyé de Dieu pour punir les hommes de leurs péchés. Et ce fut pour Guillaume de Tyr l’une des explications à la défaite des armées franques, une punition divine comme l’exprime da bulle papale Audita tremendi du 29 octobre 1187 de Grégoire VIII.

 

Malgré la présence même d’une « légende noire » de Saladin, cela fit vite place à la légende dorée que nous reconnaissons de lui. Ainsi, l’influence de la littérature épique était plus forte que celle de la littérature « noire » qui montrait Saladin comme un individu sans foi ni loi.

 

Afin d’expliquer et de minimiser la victoire de Saladin sur les chrétiens, il fallait aux intellectuels comme raison, le fait que Saladin ait adhéré au système occidental féodal et sa volonté de conversion au christianisme. La deuxième explication est la punition divine qui s’est abattue sur les chrétiens en raison de leurs dissensions et de leur manque de foi.

 

« Déjà autour de 1215, Gille de Corbeil disait dans l’un de ses poèmes que Saladin était venu à Jérusalem sous domination franque pour s’informer sur les mœurs des chrétiens, mais que le mode de vie des prélats l’aurait détourné de la conversion. Tous ces récits témoignent d’une volonté affichée de faire la morale aux chrétiens : sans doute était-il plus commode –plus prudent- de placer dans la bouche d’un infidèle les critiques que l’on destinait à ses propres coreligionnaires. Saladin apparaît bel et bien dans ce contexte comme un « Persan d’avant les Lettres » »[153].

 

La vision des intellectuels occidentaux est donc partagée entre la « légende noire » et la « légende dorée » qui est attachée au mythe de Saladin. Néanmoins, contrairement aux penseurs arabes, ils ne sont pas influencés par une idéologie, en particulier les contemporains. Ils se contentent de retranscrire leurs perceptions des récits historiques sans chercher à vraiment arranger les faits et les ouvrages scientifiques sont aussi déteints d’une certaine objectivité qui leur permet de tirer des analyses assez concises pour comprendre la vérité. Ainsi, Anne-Marie Eddé s’explique en ces termes : « … l’histoire objective, nous ne savons, n’existe pas et, malgré toutes les précautions d’usage, sans doute ai-je projeté sur lui mes propres interrogations et critères d’historienne du XXIème siècle. Le Saladin qu’il m’a été de découvrir, à partir de tous les matériaux réunis, c’est donc l’homme et son monde, l’homme dans son monde. Car aller à sa rencontre, c’est aller au-devant d’une personnalité qui existe pour les autres, avant que pour elle-même. Voilà le lecteur averti. […] »[154]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Les possibilités d’application de la politique de Saladin

 

Le « printemps arabe », l’élection de Tunisie, d’Egypte, la conduite politique irakienne et iranienne, autant de maux, de crises qui ont un impact important sur la stabilité politique, sociale, culturelle, économique des pays arabes. Tous ces maux tendent à vouloir faire de la Sharî’a la solution la plus à même de régler les problèmes de ces pays selon certains groupements comme les Frères Musulmans[155] et qui affirment : « al-islâm huwa l-hall »[156].

 

Néanmoins, avec la démocratisation de l’Etat qui tend à suivre le modèle occidental de gouvernement libéral, il existe désormais un conflit entre les Etats de traduction islamique, les fondements moraux et religieux, les lois civils et leur système législatif. Autant de conflits qui parfois profitent au gouvernement qui installe une dictature que le peuple ne peut supporter en voyant la libéralisation dont profite les Etats occidentaux et les Etats arabes ayant adopté le système démocratique.

 

Nous nous demandons donc quel est le fondement des différentes lois et éthiques de l’arabe contemporain, quel est le rôle de la Sharî’a et de  l’éthique et des autres normes de vie en société des pays musulmans ?

Nous nous demandons aussi quel est au final cette éthique qui est propre au roi Saladin dans sa conduite d’un pays ?

Et cette éthique du Moyen-âge peut-elle être appliquée au monde arabe contemporain ?

Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre durant cette dernière partie.

 

  1. Le principe d’éthique dans les pays arabes

 

  1. La loi divine (Sharî’a)

 

La Sharî’a ou la « voie » est en quelque sorte le chemin de la soumission à l’Islam et à la volonté de Dieu afin que le musulman jouisse de satisfaction (ridwân) et d’une récompense dans l’au-delà (falâh)[157].

L’Islam s’occupe avec son effort jurisprudentiel (ijtihâd) et le renouveau (tajdîd) de la législation islamique :

  • Du Credo (‘aqîda) : les lois parlent ici de la foi en Dieu et en ce que son Envoyé a enseigné.

 

  • Du Culte (‘ibâdât): parmi les actions comprises dans ce critère se trouvent la prière rituelle, le jeûne, le pèlerinage, les vœux…

 

  • Des transactions (mu’âmalât) concernant les biens

 

 

  • Du pouvoir (hukm) le gouvernement de l’Etat

 

 

  • De la défense de l’Etat : nous parlons ici des différentes lois qui régissent les actions du gouvernement

 

  • De l’humanisme de la nation (umma) : les bonnes mœurs, la notion du bien et du mal

 

 

Comme nous pouvons le voir, la Sharî’a traite de toutes les activités humaines et tend à n’en laisser aucune hors de sa « juridiction » à cause des deux sources divines que représentent le Coran et la Sunna. Voilà pourquoi des intellectuels comme le shaykh Mahmûd Shaltût a publié un recueil théologique du nom de Al-Islâm, ‘aqîda wa-sharî’a (L’Islam, Credo et Loi) qui n’étaient pas consacrés complètement à la foi mais plutôt à l’éthique de vie du musulman. D’autres écrits concernant l’aspect globalisant de Sharî’a ont été publiés afin de faire prendre conscience de cette caractéristique de la « voie » de Dieu.

 

De nos jours, l’application de la Sharî’a dans la vie civile des pays arabes à tradition musulmane voulant suivre les exigences internationales est encore fortement débattue. Ainsi, un dossier datant d’il y a 25 ans concernant ce débat[158]  est dans le statu quo et se retrouve dans le même état depuis un quart de siècle, si ce n’est que ce sont les auteurs qui ont changé depuis. Les idées par contre, ainsi que les arguments ont fort peu évolué si bien que nous avons les partisans de l’application de la Sharî’a influencés par l’al-Islâm wa-awdâ’u-nâ l-qânûniyya (L’Islam et nos institutions juridiques) de ‘Abd al-Qâdir ‘Ûda et datant de 1951 et qui pensent que « La Sharî’a islamique est la constitution fondamentale des musulman : tout ce qui s’accorde avec elle est bon, tout ce qui s’y oppose est nul et non avenu car la Sharî’a est venu de Dieu par la bouche de son Prophète »[159]

Nous avons aussi parmi les intellectuels, Tawfiq ‘Alî Wahba[160] qui pense que c’est dans l’application des peines corporelles coranique (hudûd) (qui sont contraires pourtant aux règles internationales des Droits de l’Homme dans le respect de l’intégrité de la personne) que peut s’imposer la sécurité de tous en société comme c’est le cas en Arabie Saoudite dont les règles juridiques sont basées sur ces principes. Voilà pourquoi en Egypte par exemple le shaykh ‘Abd al-Hâlim Mahmûd a essayé de mettre faire approuver auprès de l’Assemblée égyptienne du peuple un « Code des peines coraniques » en 1978 qui s’est heurté à de grandes résistances et qui n’a jamais été homologué[161].

 

 

  1. La place attribuée à la déclaration universelle des droits universels de l’Homme

 

Les pays à tradition musulmane affirment que la seule et unique religion d’Etat est l’Islam et ont dû ainsi se prononcer sur la façon dont ils comptent faire appliquer les droits de l’Homme malgré les lois strictes de la Sharî’a et de leur incompatibilité (comme nous avons eu l’occasion d’en donner l’exemple).

 

Il est aussi question de la manière à laquelle les droits de l’Homme peuvent s’adapter avec les lois islamiques car une Déclaration des Droits de l’Homme dans l’Islam (DDHI)[162] a été proposée au siège de l’UNESCO à Paris en septembre 1981 par le conseil islamique européen. Dans l’année du 4 août 1990 a ensuite été promulguée au Caire une Déclaration des Droits de l’Homme Islamique par l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), suivi le 15 septembre 1994 par une Charte Arabe des droits de l’homme (CADH)[163] remaniée il y a quelques années en 2004. Les pays arabes ont pu voir que plusieurs ONG (Organisation Non Gouvernementales) sur la défense des droits de l’Homme ont vu le jour et que parfois elles étaient concurrentes ou absorbées et utilisées par le gouvernement en place.

 

La déclaration qui a été proposée en 1981 présente dans son préambule les bienfaits et les mérites de l’Islam qui est la religion qui a réussi à créer une société d’égalité et qui respecte la volonté de Dieu. Cette déclaration est composée de 23 articles et calque en partie la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, et a même été présentée en français et en anglais pour les journalistes occidentaux qui ont assisté à cette présentation au monde qui s’est déroulée à Paris. Il est à noter que dans ces traductions, il n’y a aucune référence ni à l’Islam, ni à la Sharî’a, ni au Coran, ni à la Sunna alors que dans les versions destinées au public arabe, tous ces guides religieux ont été cités.

 

De son côté la déclaration de l’OCI comptait 25 articles et était également calquée sur la Déclaration originelle si ce n’est qu’elle ne respectait pas la liberté de religion car son article 10 stipulait que « l’Islam est la religion naturelle de l’être humain » et qu’aucun musulman ne pouvait changer de confession.

 

La Charte arabe dont nous venons de parler et daté de 1994 quant à elle est composée de 43 articles à l’origine et 10 articles y ont été ajoutés dans sa version de 2004. Son préambule fait référence aux « principes éternels fondés par la Sharî’a islamique et les autres religions célestes ». Malgré qu’il y ait dans cette charte une convergence avec les valeurs que sont la liberté, l’égalité, la justice…, il apparaît aussi que la Sharî’a ne pouvait adapter dans sa totalité. La déclaration datée de 2004 comporte justement dans deux de ses articles que la vision « tous les droits et toutes les libertés énoncés dans ce document sont subordonnés aux dispositions de la Sharî’a » (art.25) et que « la Sharî’a islamique est la seule source de référence pour expliquer ou clarifier tout article de cette Déclaration ». Cela vient du fait que le droit de la femme est reconnu par la déclaration universelle alors que les lois coraniques sont inflexibles quant à ce sujet. Sans parler du fait que dans son article 3, « les hommes et les femmes jouissent une égale dignité humaine et disposent donc de droits égaux et d’obligations égales tout en tenant compte de la discrimination positive disposée en faveur des femmes par la Sharî’a islamique et les autres lois divines ». Il y a donc un certain conflit entre les divers concepts si bien qu’il est difficile de juger laquelle est réellement en vigueur.

 

Il y a donc un grand décalage entre les exigences internationales contemporaines et les lois islamiques qui tendent à ne plus correspondre aux relations sociales actuelles comme nous pouvons le voir ci-après : « le décalage entre les temps modernes et l’islam est devenu criant et les véritables défis du progrès n’ont pu, pour l’instant, être globalement relevés. Ce décalage de plus en plus visible est venu démentir ceux qui, vers les années 1980, avaient formulé l’espoir d’une conciliation entre islam et droits de l’homme fondée sur une ‘conception réellement islamique des droits de l’homme à la lumière du Coran, de la Tradition et des penseurs musulmans’. La réponse apportée par les événements à cet espoir s’est concrétisée par la réislamisation du droit, notamment du droit pénal, le rétablissement de peines qu’on croyait oubliées comme la lapidation ou la flagellation, les jurisprudences islamisantes des tribunaux, les condamnations à mort pour apostasie, la montée des mouvements radicaux prônant la mise en œuvre de toutes les formes de violence au service de la loi divine délaissée et enfin l’élaboration de déclarations islamiques mitigées dont le socle commun est l’attachement à une inégalité magnifiée des genres et l’hostilité à la liberté de conscience. »[164].

 

De plus, il s’avère que Mohamed CHARFI a aussi déjà fait état de ce décalage en 1998 qui a été illustré par les attentats terroristes et les évènements du printemps arabe qui ont ravivé les débats sur la mise en place de la Sharî’a[165].

 

  1. Les lois civiles et les conflits d’application de la Sharî’a

 

Il serait très intéressant de réaliser une étude sur l’évolution de l’éthique des dirigeants arabes et l’application de la Sharî’a sur un plan géographique et diachronique qui permettrait de comprendre la réalisation effective de l’Islam. Néanmoins il ne serait pas incohérent de penser que comme toutes les lois religieuses, la présomption de l’application effective de l’Islam n’est pas réellement respectée et les législations parfois séculières de certains pays (peut être même au nom des lois religieuses) pourront paraître incohérentes avec l’éthique.

 

Néanmoins, il devient évident de constater que les pays arabes à influence islamique tendent à essayer de s’aligner avec les pays occidentaux quant à la structure et les lois qui régissent l’administration de leur gouvernement. Cela pourrait se comprendre par le fait que les lois religieuses concernant les transactions humaines (les mu’âmalât) se meuvent en fonction de l’environnement. Voilà pourquoi il n’est pas étonnant de voir que le régime concernant le commerce, l’industrie, la douane… sont copiés sur ceux des occidentaux.

 

Par contre les lois qui ne concernent que les habitants des pays islamiques et ceux qui régissent l’ordre social du pays comme c’est le cas avec le droit pénal et le droit civil, sont pour la plupart du temps incompatibles avec les lois occidentales et les lois modernes[166].

 

L’Islam en lui-même n’est souvent pas enseigné comme étant une religion mais plutôt comme étant un ensemble systémique politico-juridique à laquelle a été rajoutée certaines branches modernes utiles à la transaction humaine ce qui implique l’impossibilité à l’Islam d’être compatible avec la modernité[167]. « Dans l’ensemble du monde arabe, l’enseignement de l’histoire reste influencé par la version véhiculée depuis plus d’un millénaire dans les écoles religieuses où tout ce qui a précédé le Prophète était la Jâhiliyya ou ‘l’ère de l’ignorance ‘, en quelque sorte une préhistoire primitive et dénuée d’intérêt, et où toutes les civilisations non islamiques étaient considérées comme plus ou moins hostiles »[168].

 

Si la législation elle-même est basée sur l’éthique religieuse, il est difficile d’imaginer une certaine forme de laïcité dans les pays islamiques.

En effet : « Depuis plusieurs décennies, la plupart des militants pour la démocratie et les droits de l’homme dans les pays musulmans réclament la laïcité, tandis que les théologiens et les intégristes s’y opposent de manière farouche. Cette opposition a pris toutes les formes démagogiques possibles au point que, aux yeux de l’opinion, laïcité ne signifie plus séparation entre Etat et religion. Le mot est maintenant chargé du sens d’athéisme ; l’Etat laïc serait nécessairement hostile à la religion. C’est cependant un aspect secondaire de la question. L’essentiel est que la laïcité à la française s’adapte mal à l’Islam […].

La spécificité de l’Islam sunnite est que la construction et l’entretien des mosquées et des établissements d’enseignement religieux ont toujours été financés principalement par l’Etat […].

La nature de l’islam est telle que, dans un pays musulman, l’Etat ne peut se soustraire à ses obligations religieuses. La démocratie implique non pas la séparation entre l’islam et l’Etat, mais, au sein de l’Etat, la séparation entre la fonction religieuse et les fonctions politiques. Ce serait un compromis raisonnable et bien adapté aux circonstances, à condition que cessent les abus que l’on constate aujourd’hui.

D’une part, les intégristes trouvent naturel d’exercer à l’intérieur des mosquées leurs activités politiques d’opposition aux régimes en place. Ils s’appuient sur une tradition qui remonte au début de l’islam, où la mosquée était à la fois un lieu de prière et un lieu d’enseignement et de débat politique […]

D’autre part, il est fréquent que les autorités politiques, y compris dans les Etats modernes, utilisent la religion à des fins politiciennes ou même interviennent dans les affaires purement religieuses. C’est ainsi que, en Algérie, sous la présidence de Boumediène, les imams des moquées recevaient tous les jeudis le texte du sermon qu’ils devaient prononcer le lendemain avant la prière du vendredi, sans y changer un mot. »[169]

 

Le problème le plus difficile à résoudre dans ce cas est de juger la limite entre la fonction politique et religieuse. Vu que les écoles de fiqh sont reconnues nationalement comme étant des écoles juridiques, il est devenu très difficile de délimiter le champ d’action de l’un et de l’autre. Nous pouvons illustrer cela par le fait que le Code Civil égyptien et celui du Yémen mettent parmi les textes de référence jurisprudentielle lors de l’absence de loi concernant une situation donnée : la coutume (‘urf) et les principes propres à la Sharî’a ou (mabâdi’). Dans le cas où ces deux textes ne permettent pas au juge de délibérer sur la situation, il devra interroger les principes du droit naturel (qânûn tabî’î) et les règles (qawâ’id) de l’équité (‘adâla) pour rendre son jugement. Comme nous pouvons donc le remarquer ici, il existe une très grande marge quant au choix de la délibération selon la formation du juge (sharî’a ou facultés universitaires modernes), selon la politique en vigueur au sein du Ministère de la Justice et celui des Affaires Religieuses[170].

Parmi les raisons qui poussent les pays arabes à considérer la sharî’a comme une loi qu’ils se doivent d’utiliser, nous pouvons citer le fait que la religion est devenu loi. Mais nous pouvons surtout citer les raisons suivantes : « On peut avancer trois explications, dit-il, qui se complètent.

Un islamiste ne peut concevoir qu’un non-musulman soit un concitoyen à part entière. Il voit en lui, sinon un adversaire, du moins un étranger, en tout cas ‘un autre’. Pour l’islamiste, l’islam, avant d’être une religion, est ‘une identité’ […]. Dans son esprit, jamais un musulman ne doit relever d’un non musulman […] Ainsi, l’islam est présenté et, de ce fait, reçu davantage comme un combat et une solidarité que comme une spiritualité […].

Le fait qu’ils vivent dans un autre âge explique l’attachement des islamistes aux règles de discrimination à l’égard des non-musulmans. Ce facteur explique aussi leur anti-féminisme […]

L’attachement aux châtiments corporels procède de la même logique. »[171]

 

Une grande partie des politologues, sociologues et historiens s’accordent à dire que la société arabe tend à se « retraditionnaliser ». Cela s’explique par le fait que la vague de mondialisation et globalisation sur le plan économique et socioculturel force les pays arabes «  à se réfugier » dans leurs valeurs culturelles et leurs vérités transhistoriques[172].

 

Sur le plan politique, il s’est avéré qu’historiquement, pour illustrer les explications citées précédemment, les plupart des dirigeants de ces pays arabes on essayé de mettre en valeur leur appartenance à un système arabo-islamique qui se base plus sur une idéologie politique plutôt qu’à un caractère « humaniste » qu’essaie de mettre en place les gouvernements occidentaux. Les pays arabes ont donc tendance à instaurer une politique puritaine, une idéologie islamique wahhabite qui marie avec difficulté des modèles de pratiques médiévales et des pratiques beaucoup plus modernes. Et pourtant, l’Arabie Saoudite, qui est l’un des exemples concrets de ce type de système, qui profite de sa rente pétrolière et se modernise autant que les pays occidentaux, n’a donné naissance à aucun penseur ou homme de lettre qui soit reconnu internationalement même dans le domaine de la théologie. Cela laisse penser que ce système wahhabite est loin d’aider au développement de la créativité de l’ijithâd.

 

Il y a donc dans les pays musulmans un grand conflit, surtout par rapport à l’éthique et la raison. Leur éthique, principalement fondée sur la religion entre en conflit avec les exigences des temps modernes, que ce soit par exemple pour interpréter des textes législatifs et/ou fondateurs et même pour s’aligner avec la modernité. Si bien que « la première question est celle de savoir à qui, entre le Texte et la tradition établie, d’un côté, et la raison, de l’autre côté, revient la prévalence.

La deuxième, dérivant de la première, est relative à la validité des sources et techniques non textuelles telles que l’analogie, le jugement préférentiel pour raison d’équité ou de l’intérêt bien compris, l’effet du changement de circonstances ou du fait générateur sur la règle de droit, les coutumes, les lois anciennes telles que la Thora […]. Dans la perspective mu’tazilite, la justice de Dieu est le préalable nécessaire de la liberté et de la justice de l’homme. Si l’homme, par sa raison, peut être juste, c’est qu’il est sous-tendu par la rationalité et la justice suprême. Le droit sunnite (sauf le hanafite) […] renverse le rapport de prévalence entre la raison et la révélation : la volonté insoupçonnable, injugeable, absolue et souveraine de Dieu est la cause de toute chose. Elle est également l’origine du mal et du bien ou plutôt de qui est ainsi appelé par les humains […]. La loi révélée est donc le seul fondement du juste et du droit »[173]. Malgré tout, il est admis que les hommes de loi doivent appliquer certains textes qui ne sont pas divins et la raison doit néanmoins s’inspirer du divin.

 

Afin que les juristes puissent appliquer leur ijtihâd afin de mettre en place de nouvelles lois civiles (tajdîd), il leur est important de se référer à leurs prédécesseurs. Ainsi, « Concevoir le bien et le mal ne dépend pas de la loi révélée. Avant la loi révélée, nous concevons bien comment la punition, la récompense, la louange et le blâme découlent de tel acte, de même que nous concevons l’absence d’un tel rapport »[174].

 

Au final, nous pouvons dire que les lois et le système juridique des pays arabes à confession musulmane est encore en pleine évolution. Le tout est de savoir si ce seront les lois religieuses qui vont évoluer et s’adapter aux exigences internationales au fil du temps ou si elles vont réussir une cohabitation sans problème d’application des lois modernes ou du moins une partie. A moins que les pays arabes ne finissent par rejeter complètement la culture étrangère ce qui est très peu probable à moins de vouloir vivre en totale autarcie comme cela tend à le devenir en Corée du Nord. Nous savons que les religions et les dogmes religieux ont souvent évolué pour au final devenir telles que nous les connaissons actuellement. Mais pour l’heure, il est encore difficile de déterminer comment l’Islam évoluera et s’adaptera à son environnement.

 

 

 

 

 

 

  1. Application de l’éthique de Saladin aux problèmes du monde arabe

 

  1. Les problèmes récents des pays musulmans monde arabe

 

Comme nous avons pu le soulever, l’un des principaux problèmes des pays arabes est leur incapacité à concilier les exigences internationales modernes avec les lois et éthiques propres à l’Islam. En effet, la religion, qui est médiévale, millénaire, s’est imposée comme valeur absolue de cette société, et s’étend sur tous les plans, que ce législatif, politique, social, ou économique.

 

Et pourtant, si les pays arabes appliquent réellement cette politique basée sur la « sagesse divine », pourquoi connaissent t-ils divers problèmes, sur le plan politique et social ? Nous allons ici, essayer de répondre à cela en réalisant une petite revue sur un fait actuel commun à une grande majorité des pays arabes : le printemps arabe.

 

Le printemps arabe est un évènement capital dans la vie des pays arabes comme la Tunisie, l’Egypte et bien d’autres encore. En effet, jusqu’au début de l’année 2011 les pays arabes ont été connus et sont encore connus comme parmi les pays ayant des gouvernements à régime totalitaire et dictatorial puissant (entre autres en Irak, en Lybie par exemple) et difficiles à changer.

La suite de révolution qu’est le printemps arabe commence donc en Tunisie suite à l’auto-immolation, devant les services de police, d’un jeune étudiant diplômé tunisien subsistant grâce à la vente de fruits, qui ont été confisqués par les autorités. Cet évènement déclencha une prise de conscience collective sur la situation du pays et fut l’étincelle qui déclencha une vague de contestations et protestations. Le mouvement qui suivit permit ensuite au peuple d’évincer le président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011 qui souffla un renouveau dans tous les pays arabes et surtout une vision d’espoir pour renverser les régimes décadents. Il est à noter que le président tunisien a été près de 23 ans au pouvoir[175]. Le parti du président, le RCD ou Rassemblement Constitutionnel Démocratique essaya tant bien que mal mais dut finalement céder face à la pression sociale. Ainsi, le peuple tunisien réalisa son premier suffrage pour le choix des membres d’une assemblée constituante au nombre de 217 qui serait en charge de la mise en place d’une nouvelle constitution.

« Ce vote montre que la Tunisie est coupée en deux puisque les islamistes et leurs alliés totalisent environ 50% des suffrages. Face à eux, les 50% de « laïcs » sont divisés. Les islamistes sont donc les maîtres du jeu »[176]

 

Suivit ensuite la révolution en Egypte le 25 janvier de la même année. Malgré les essais du gouvernement égyptien de créer un black-out surtout par rapport à l’accès aux médias sociaux sur internet, près d’une dizaine de milliers d’habitants a quand même réussi à s’organiser pour manifester contre le gouvernement Moubarak. Malgré que ce dernier ait transféré le pouvoir au vice-président Omar Suleiman et voulu quand même exercer son mandat jusqu’à la fin à travers son représentant, il dut démissionner et le vice-président remit le pouvoir aux forces armées égyptiennes[177]. Le parlement égyptien fut directement dissout et la constitution suspendue tandis qu’un civil fut nommé premier ministre et approuvé par le peuple le 4 mars 2011[178].

Parmi les grandes contestations de l’Egypte se trouvèrent la dénonciation de la corruption du gouvernement, les difficultés rencontrées par rapport aux conditions de travail et la protection sociale, la libération de prisonniers politiques… Un affrontement entre les différentes confessions bouleversa aussi l’Egypte.

 

Suite au renversement de pouvoir réussi par les Egyptiens et les Tunisiens, un élan de révolution sévit aussi en Lybie. Mais celle-ci fut certainement l’une des plus difficiles de par la réponse du gouvernement Kadhafi qui, en fin du compte, a transformé un mouvement pacifiste en mouvement de rébellion. La révolte du peuple libyen a nécessité l’intervention des organisations internationales en particulier le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui par l’adoption de la résolution 1973 a effectué des frappes aériennes contre l’armée du président Kadhafi afin de protéger les libyens. Le CNT (Conseil National de Transition) libyen supervisa en grande partie cette lutte contre l’ancien président qui fut tué lors du siège de son dernier à Tripoli. Ses fils tombèrent aussi un par un entre les mains du CNT et furent arrêtés. Ce n’est qu’en octobre 2011 que fut proclamée la fin de la guerre et la « libération » du pays par le président du CNT, Moustafa Abdel[179].

 

Au Yémen, les manifestations ont suivi de près celles de la Tunisie et ont commencé à prendre de l’ampleur au même moment que celles de l’Egypte, le 27 janvier. Le président Ali Abdallah Saleh dut à la fin démissionner malgré qu’au départ, les protestations étaient plus portées sur l’amélioration économique, la dénonciation de la corruption et l’envie du peuple d’empêcher un changement constitutionnel. En effet, le président, au départ, malgré sa volonté à léguer le pouvoir à son fils et à réprimer les révoltes par la violence, dut faire face à une opposition civile, rejointe ensuite par des diplomates, militaires, chefs religieux… Suite au bombardement du palais présidentiel par les opposants, sans parler des affrontements entre forces militaires et tribus armés, le chef d’Etat dut se retirer craignant pour sa vie à cause des blessures qu’il subit durant l’attaque. Le pouvoir était donc convoité par son fils Ahmad et le vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi qui ne furent pas acceptés par l’opinion publique malgré qu’au final ce soit le président qui relégua le pouvoir à Abd-Rabbo Mansour Hadi  le 23 novembre en échange d’une immunité de poursuite après la négociation du transfert de pouvoir réalisé par le Conseil de coopération du Golfe de Riyad[180].

 

En Syrie par contre la vague de contestation était centrée sur les réformes et l’injustice, pour un gouvernement respectant leurs droits humains à la liberté et choix de leurs gouvernants. La réponse du gouvernement fut violente et causa plusieurs morts parmi les citoyens. Cette politique leur a valu les reproches de l’Europe et des Etats-Unis au point de demander à recourir à la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU deux fois avortée par le veto de la Russie et de la Chine. Les réponses violentes du gouvernement a fini par créer un groupe dissident au sein même de l’armée syrienne qui a fini par protéger les civils pacifiques. Les différents pourparlers, même ceux proposés par les pays arabes ont été arrêtés par les réponses violentes du gouvernement qui a augmenté la vague de répression violente.

 

Au Bahreïn, les manifestants, comme dans la plupart des pays ayant participé au printemps arabe, demandèrent aussi plus de démocratie et de liberté sans parler du respect de leurs droits entant qu’humains. Le roi du Bahreïn, Hamed Ben Issa al-Khalifa a réussi à faire face aux révoltes en demandant l’aide armée du Conseil de Coopération du Golfe le 14 mars. Suite à cela, l’état d’urgence et la loi martiale furent décrétés et les répressions ont plusieurs victimes. Jusqu’à maintenant ce souverain est encore au pouvoir et de temps à autres des manifestations mais pas de la même ampleur apparaissent au sein du royaume sans pour autant avoir des grandes conséquences sur la tenue du gouvernement.

 

 

  1. Les causes du printemps arabe

 

Parmi les causes principales de ces révoltes, nous pouvons voir d’un côté, le manque de démocratie et le manque de liberté d’expression. En effet, la plupart des pays en révolte, loin d’une monarchie, se rapprochent du despotisme et de la dictature. Tel fut le cas en Tunisie, en Syrie, en Iraq… mis à part le Bahreïn, où le régime est encore monarchique.

 

De plus, les médias, subissent pour la plupart, la pression du régime en place et est fortement censurée. Basée sur un contrôle de tous les organes de communication, comme nous avons pu le voir en Tunisie lors du printemps arabe avec le black-out de l’accès à internet, les pays arabes sont donc connus comme parmi les pays où la liberté d’expression est extrêmement basse. Pour illustrer nos propos, voyons le tableau 1 et le tableau 2.

 

 

Dans le tableau sur l’indice démocratique qui est calculé à partir de 60 indicateurs répartis sur 5 catégories (Processus électoral, pluralisme, libertés civiles, fonctionnement du gouvernement, participation politique, culture politique). A partir de ces 5 catégories, une moyenne sera calculée et notée comme suit :

 

  • Démocraties complètes (8 à 10)

 

  • Démocraties incomplètes (6 à 10)

 

  • Régime hybride (4 à 5.9)

 

  • Régime autoritaire (>4)

 

   

2008

 

 

Classement 2008

 

2010

 

Arabie Saoudite

 

 

1,90

 

161

 

1.84

 

Bahreïn

 

 

3.38

 

130

 

3.49

 

Egypte

 

 

3.89

 

119

 

3.07

 

Lybie

 

 

2.00

 

159

 

1.94

 

Syrie

 

 

2.18

 

156

 

2.31

 

Yémen

 

 

2.95

 

142

 

2.64

 

Suède

 

 

9.88

 

1

 

9.50

 

Tableau 1 : Indice démocratique[181]

 

Nous avons tenu à mettre ici, à titre de comparaison, la Suède qui est classée première avec son indice démocratique fort élevé. Il est à noter que la Suède est dans un régime monarchique constitutionnel dont le roi est Carl XVI Gustaf, qui n’a en réalité qu’une fonction honorifique de chef d’Etat.

En effet, le gouvernement Suédois applique la séparation de pouvoir et une démocratie représentative à régime parlementaire monocaméral, dont la chambre parlementaire se nomme la « Diète royale » (Riksdag). Pas moins de 79 % des habitants sont inscrits dans la liste électorale et participent activement aux élections[182]. Nous pouvons donc voir à travers cela l’écart néanmoins important entre le Bahreïn, qui est dirigé par un roi, qui détient par contre une grande majorité du pouvoir.

 

Nous allons aussi voir le niveau de liberté de la presse qui lui est classé par « Reporter sans frontière » et se base sur l’appréciation de ses partenaires (18 associations qui se chargent de défendre la liberté d’expression, implantés sur les différents continents), ses correspondants (au nombre de 150), ses journalistes, et divers hommes de lettre, juristes et militants répartis dans les pays classés.

 

Les indicateurs pris en compte dans le cas de la liberté d’expression sont :

  • Le pluralisme (degré de représentation des opinions dans l’espace médiatique)

 

  • L’indépendance des médias (mesure de la capacité donnée par le gouvernement aux médias de fonctionner sans leur influence)

 

  • L’environnement et l’auto censure (Identification des conditions d’exercice du journalisme)

 

  • Le cadre légal (Analyse de la qualité du cadre légal et de sa performance)

 

  • La transparence (Mesure de la transparence des instituions et des procédures de production des informations)

 

  • Les Infrastructures (mesure de la qualité des infrastructures soutenant la production des informations)[183]

 

Ici, plus la note des pays est basse, plus la liberté d’expression est grande.

 

 

 

 

 

 

Classement

 

 

Pays

 

Note

 

Différentiel

 

163

 

 

Arabie Saoudite

 

56.88

 

-5 (158)

 

158

 

 

Egypte

 

48,66

 

+8 (166)

 

165

 

 

Bahreïn

 

62.75

 

+8 (173)

 

138

 

 

Tunisie

 

39.93

 

-4 (134)

 

176

 

 

Syrie

 

78.53

 

0 (176)

 

169

 

 

Yémen

 

59.22

 

+2 (171)

 

1

 

 

Finlande

 

6.38

 

0 (1)

 

 

 

 

 

Tableau 2 : Classement sur la liberté de la presse durant l’année 2013

 

 

Ici, nous avons un tableau qui date de 2013, c’est-à-dire après le printemps arabe et qui montre bien que le changement, au niveau de la presse est faible, voire inexistante pour certains pays. Nous avons aussi tenu à mettre ici, la note du premier au classement en guise de comparaison. Ici, la première place est tenue par la Suède, qui, est par contre basée sur une république démocratique. « Son système politique est très proche du parlementarisme, mais le Président possède des pouvoirs, notamment concernant les affaires étrangères du pays; ainsi, son système politique se révèle à l’équilibre entre le parlementarisme et le régime semi-présidentiel »[184].

 

 

Les droits de l’homme sont aussi parfois ignorés dans les pays arabes. En effet, certains gouvernements affirment l’état d’urgence par exemple pour que les dirigeants politiques n’aient pas à respecter certains droits fondamentaux alors qu’il n’y a pas à proprement parler de motif à le proclamer. Malgré tout, cet état qui ne devrait qu’être temporaire est maintenu pour  que les chefs d’Etat soient exempts de toute limitation constitutionnelle.

Tel est le cas du Soudan qui a proclamé l’état d’urgence en 2005 dans la région du Darfour puis en 2008 dans tout le Pays, de l’Irak en 2004, de l’Algérie en 1992, de l’Egypte en 1981, de la Syrie en 1963[185].

 

 

D’un autre côté, le non respect du droit à la liberté ainsi que la violation du droit de la vie par l’emprisonnement, la torture est présente dans plusieurs pays arabes. En effet, des pays comme l’Arabie saoudite, l’Egypte, l’Irak et bien d’autres encore font état de ces faits qui marquent le manque de démocratie[186].

 

 

Mis à part ces manquements, la corruption est fortement présente dans ces pays arabes de confession musulmane. Afin de voir la situation de ces pays selon le classement de l’ONG Transparency International, qui se charge de noter les pays par rapport par rapport à l’indice de perception de corruption. Plus cet indice est bas (la valeur maximale étant de 10), plus la corruption est forte dans le pays. Cet indice est réalisé grâce à un questionnaire posé auprès d’hommes d’affaires, d’analystes qui résident ou non dans le pays en question. Voyons le tableau 3 pour illustrer nos propos, la Nouvelle Zélande étant inclus à titre de comparaison.

 

 

 

Classement

 

 

Pays

 

Indice de perception de corruption

 

 

57

 

 

Arabie Saoudite

 

4.4

 

112

 

Egypte

 

2.9

 

 

46

 

 

Bahreïn

 

5.1

 

73

 

 

Tunisie

 

3.8

 

129

 

 

Syrie

 

2.6

 

164

 

 

Yémen

 

2.1

 

1

 

Nouvelle-Zélande

 

9.5

 

Tableau 3 : Indice de perception de l’année 2011[187]

 

 

Mis à part ceux cités, différents problèmes comme la faim, la pauvreté, le chômage ou la mauvaise répartition de la richesse sont les principales causes de cette révolte, mais la situation de chaque pays arabe est assez différente selon les cas[188].

 

 

Maintenant que nous avons une meilleure perception de la situation et des problèmes qui ont causé principalement le printemps-arabe, nous allons maintenant essayer de comprendre si la l’éthique de Saladin est applicable à la situation des pays arabes.

 

 

 

  1. Analyse de la possibilité d’application de l’éthique de Saladin au monde arabe contemporain

 

 

Les difficultés

 

L’application d’une éthique datant du Moyen-âge est assez difficile. En effet, l’environnement, à l’international, que ce soit, politique, économique, social ou culturel est complètement différent. Ainsi, les dirigeants du monde arabe actuel, tout d’abord, ne sont pas, et particulièrement, dans le cadre d’une « République », des représentants de Dieu sur Terre. Le système actuel veut qu’ils soient élus démocratiquement par la population. Ce qui veut dire qu’ils n’ont pas été à proprement parler choisis par Dieu, et leur pouvoir sera contesté et critiqué par leurs opposants qui devraient avoir la liberté de jouer leur rôle. Tels sont les principes d’un pays démocratique.

 

 

Ensuite, il est à noter que Saladin, était souverain de tout un pays et avait donc un grand pouvoir d’influence sur la politique du pays. Même si nous pouvons voir une certaine forme de décentralisation, entre Vizirs, califes et autres hauts-dignitaires en charge d’une ville, il était la seule personne apte à choisir les membres du pouvoir à sa convenance. De nos jours, le choix est réalisé par le peuple, si bien que le chef d’Etat, pour les pays disposant d’une république, s’il agit à l’encontre de la volonté du peuple, ne répond pas à l’éthique démocratique.

 

 

Après, contrairement à Saladin, qui a eu l’occasion de prouver sa valeur à travers la guerre, le Jihad, il serait mal vu, surtout, sur le plan international d’essayer de revenir à la guerre. D’un côté, le système actuel est régi par la prédominance des organisations internationales qui veillent à la paix du monde mais aussi par les pays qui en sont membres et qui tiennent à garder leurs statuts.

 

 

Enfin, la notion d’éthique évolue dans le temps, si bien que l’éthique qui appartient à Saladin, pourrait ne pas paraitre « éthique » de nos jours.

 

Conscient de ces différentes difficultés, nous souhaitons quand même spécifier, comme dit précédemment, que l’éthique religieuse en particulier est encore fortement ancrée, comme elle le fut au temps de Saladin, dans les pays arabes. Et d’autres principes éthiques peuvent néanmoins être généralisés aux faits actuels.

 

De l’application de l’éthique de Saladin

 

 

Si nous nous référons aux descriptions de Saladin énoncées dans la première partie, nous pouvons dire qu’une grande partie de ses vertus entant que souverain pourraient être pris en exemple par les chefs d’Etat.

 

 

Ainsi, la réponse violente aux manifestations, en particulier sur des compatriotes musulmans ne devrait pas être acceptée et perpétrée par les chefs d’Etat. En effet, la violence, en temps de guerre était tolérée de manière à punir les hérétiques. Et les violences perpétrées en dehors de ces périodes ne peuvent être perpétrées que sous l’approbation des chefs religieux et des conseillers juridiques. De ce fait, cette vertu de Saladin est tout à fait applicable aux problèmes actuels si bien que la réponse aux manifestations du printemps arabe par exemple n’aurait pas dû être violente. En effet, il y a toute une différence entre manifestation et guerre, si bien que la violence faite par les chefs d’Etat lors des manifestations pacifiques du printemps arabe n’auraient jamais dû avoir lieu si l’éthique de Saladin avait été prise en exemple.

 

 

 

 

La générosité fut l’un des grands défauts et aussi des grandes vertus de Saladin. En effet, celui-ci était connu pour avoir partagé une grande majorité de sa richesse à ses sujets. Il y a de nombreux faits qui montrent que les pays arabes, ou du moins une partie subit une mauvaise répartition de la richesse[189].

 

 

 

Sur le plan religieux, l’application de l’éthique de Saladin est aussi applicable au monde contemporain.

 

D’un côté, comme déjà précisé antérieurement, les lois musulmanes de l’époque de Saladin ont très peu évolué depuis ce temps et sont presque toutes restées les mêmes. De plus elles s’imposent comme loi naturelle à tout musulman car l’islam n’est pas seulement une religion mais un système juridique, social et économique à part entière.

 

 

D’un autre côté, l’éthique de Saladin, sur le plan religieux essaye de se rapprocher de l’idéal musulman malgré le fait qu’il reste encore faillible à certaines erreurs humaines. Néanmoins, le respect des règles religieuses est tout ce qu’il y a de normal pour tout musulman. La prière, l’aumône, le jeûne sont des pratiques auxquelles aucun individu, de quelque statut qu’il soit ne peut échapper. Bien sûr, il est difficile pour nous de dire que tel ou tel chef d’Etat soit un croyant pratiquant ou non et il est tout autant difficile d’affirmer que cela aurait un impact par rapport à la gestion des problèmes inhérents au monde arabe. Pourtant, respecter ces pratiques pourrait montrer dans quelle proportion ces chefs d’Etat sont aptes à respecter la doctrine religieuse islamique comme Saladin l’a fait. En effet, le respect des pratiques symboliques est une acceptation de la volonté de Dieu et de la voie qu’il a tracée que ce soit sur le plan matériel, spirituel ou moral.

 

De plus le respect des règles et des morales religieuses peuvent apporter une certaine prospérité envers des sujets croyants. Comme nous avons pu le voir dans le cas de Saladin, c’est à travers son respect des règles religieuses qu’il a été loué et accepté comme étant un souverain guidé par la puissance divine. Cette perspective a été d’autant plus renforcée par sa victoire contre les francs, malgré le fait que son ambition a été souvent mal vue par certains de ses pairs et de ses détracteurs.

 

 

Savoir rester humble et savoir écouter les autres est aussi l’une des qualités de Saladin. Nous avons vu dans notre précédente revue de la situation des problèmes arabes, que la liberté d’expression est quasi inexistante. Et pourtant Saladin, même de son temps, laissait ouvert son palais pour résoudre les problèmes de ses sujets, des habitants des environs.

 

 

De même Saladin savait écouter ses conseillers qu’il choisissait sur des critères bien précis, voire stratégiques et non selon une simple convenance égoïste qui leur permettrait de maintenir le pouvoir.

 

« En 1991 et en 2011, Saddam Hussein et M. Al-Assad ont été surpris par le déclenchement de l’insurrection dans leur pays. Dans les deux cas, le cercle proche du président n’a pas joué son rôle de vigie. Dans les deux cas, le noyau central était composé de membres de la famille et du clan : des frères, des cousins germains ou issus de germains qui se marient avec des membres de la famille du président. D’un côté, cela permet la formation d’un groupe soudé partageant les mêmes intérêts et conscient que le renversement du président conduirait à sa perte. D’un autre, cette structuration entraîne une totale absence de discussions franches et ouvertes.

En Irak, au fil du temps, la majorité des décisions en sont venues à être prises par Saddam Hussein, sans consultation. Aucune discussion n’a préparé l’invasion du Koweït en 1990, alors que l’attaque contre l’Iran, en septembre 1980, avait été précédée de nombreux débats politiques et militaires.

La pérennité de ce régime peut s’expliquer par la détermination de la direction à éradiquer toute opposition, qu’elle soit militaire ou civile, et à recourir à la violence et à la peur pour contrôler la population ; par la mise en place d’un système de récompenses et de punitions ; par le recrutement d’un grand nombre de partisans, même si beaucoup n’ont pas toujours été actifs ; par la capacité à utiliser les talents et l’ingéniosité des Irakiens cultivés pour la reconstruction du pays (après 1988 comme après 1991) ; enfin, par la perspicacité de Saddam Hussein et son habileté à déjouer les manœuvres de ses adversaires et concurrents. Il n’a même jamais permis à ses deux fils, Oudaï et Qoussaï, de devenir assez puissants pour contester sa prééminence. »[190]

Ainsi, comme nous pouvons le voir, Saddam Hussein a agit comme Saladin en mettant des membres de sa famille à des postes importants du gouvernement. Néanmoins, le problème de Saddam Hussein est que certains de ces individus sont incompétents et les conseillers ont peu de mot à dire sur la conduite finale de la politique du gouvernement.

 

La folie des grandeurs est aussi un des problèmes de certains dirigeants musulmans. Comme Saddam Hussein, qui se voulait être le Saladin des temps modernes, certains dirigeants ont mal vécu leur arrivé au pouvoir. « Le culte de la personnalité favorisait les délires de grandeur du président, sa conviction qu’il était populaire et que son destin était de porter un message spécial (rissala) à son peuple. […] »

Que ce soit Saddam Hussein ou M. Al-Assad, le président s’estime au-dessus de toute critique. Chaque mauvaise décision doit être mise sur le compte de quelqu’un d’autre. Pour ne rien arranger, ces despotes vivent de plus en plus détachés de la réalité, en raison de la complaisance médiatique dont ils bénéficient et des louanges permanentes de leurs collègues et subordonnés. Dans une interview à la télévision américaine, M. Al-Assad a expliqué : « J’ai fait de mon mieux pour protéger le peuple, donc je ne me sens pas coupable… On ne se sent pas coupable quand on ne tue pas son peuple »[191] »[192]

Il aurait donc été préférable que ces dirigeants arabes aient pris modèle sur l’éthique de Saladin, qui a toujours réussi à rester humble et à l’écoute des siens. Comme nous pouvons le constater dans les faits racontés par SASSON Joseph, ces différents chefs d’Etat ne détiennent aucune clémence envers les propres habitants de leur pays ce qui n’aurait jamais, sans raison valable, été fait par Saladin, connu comme un sultan juste, généreux et respectueux des valeurs arabes.

 

 

 

 

Conclusion

 

 

Saladin est un personnage ayant marqué l’histoire de par sa personne, son charisme et sa légende. Connu, en particulier comme étant l’unificateur de l’Islam et celui qui a repris des mains des francs la ville sainte de Jérusalem, il gagnait à être reconnu non seulement par ses pairs mais aussi par ses ennemis. D’origine kurde, il est la représentation de l’héros arabe au point que les nationalistes tendent à renier ses origines.

 

 

La littérature relatant ses faits et témoignant des réalités rythmant son existence, est abondante, qu’elle soit d’origine arabe ou latine. L’une des principales difficultés de ce type de source est parfois la subjectivité de ces témoignages qui influencent les réalités historiques et qui rend la tâche difficile aux historiens. Entre une littérature panégyrique très flatteuse des hommes de lettre arabes qui ne veulent montrer que les qualités du souverain à prendre en exemple et la littérature médiévale latine qui est fortement fantasmée pour atténuer la vision de la défaite, la réalité ne peut être que plus dure à cerner.

 

 

Néanmoins, comme nous avons pu le montrer dans cette étude, plusieurs sources sont quand même sûres et nous ont permis de mieux comprendre le personnage de Saladin. La perception de ce personnage est souvent partagée, selon les influences personnelles qu’ont subi les intellectuels et les simples gens qu’ils soient médiévaux ou contemporains. D’un côté, nous avons le sultan, le chef, l’homme de guerre, courageux, humble, courtois et représentant des valeurs chevaleresques occidentales ; et d’un autre, nous avons le prince noir, fourbe, à l’ambition démesurée qui ne se gêne pas des valeurs pour arriver à ses objectifs personnels. Evidemment, chaque individu a ses mauvais côtés mais néanmoins, Saladin est reconnu comme un homme d’éthique qui a fait de lui un bon souverain. Cela a fait que l’opinion est généralement bonne à son sujet et son image utilisée comme un modèle par les chefs d’Etat arabes.

 

 

Le monde arabe de son côté se porte assez mal actuellement. Plus déchiré que jamais par la conduite des dictateurs, les habitants de ces pays ont dû se révolter pour faire entendre leurs droits les plus fondamentaux. Ainsi, l’injustice, les guerres intestines, la pauvreté, le chômage, le manque de liberté et l’absence d’une réelle démocratie sont présentes dans ces pays dans de telles proportions qu’ils sont mal notés dans les classements internationaux. De plus, les pays arabes font partie des pays où les organisations internationales interviennent le plus souvent et où la paix est presque inexistante ou précaire.

 

 

Face à ces problèmes, nous avons donc réalisé ce travail pour savoir si l’éthique de Saladin peut réussir à résoudre les problèmes actuels du monde arabe. Il nous est quand même difficile de nous prononcer concrètement étant donné que la situation actuelle, que ce soit sur le plan culturel, social et international est complètement différente.

 

 

Néanmoins, nous avons pu voir que les lois, la morale et l’éthique islamique est toujours omniprésente et a très peu évolué depuis le Moyen-âge. En effet, ces lois sont devenues immuables et tendent à couvrir tous les aspects de la vie des pays arabes depuis des millénaires.

 

 

Si bien que sur certains plans, l’éthique de Saladin, qui a rapport avec la conduite religieuse, dans divers cas, est tout à fait applicable à la situation actuelle du monde arabe et peut être prise en exemple par les chefs d’Etat arabes.

 

 

Concernant la question de la possibilité que cette éthique puisse réellement résoudre les problèmes du monde arabe, il nous est difficile de donner une réponse concrète. En effet, le monde arabe se trouve dans une situation, qui est  propre à notre époque. L’un des exemples les plus flagrants est la  notion de démocratie. Si de son temps, la conscience de la liberté d’expression n’était pas encore réelle et que le peuple, en général ne pouvait que se soumettre à la légitimité du Sultan, de nos jours, le peuple détient le choix de son dirigeant. Si bien que ne pas être à l’écoute du choix du peuple pour ses  dirigeants reviendrait de nos jours à un manquement éthique. Et pourtant, même, au temps de Saladin la plupart des intellectuels, avaient la liberté de s’exprimer sur le souverain, que ce soit en bien ou en mal et ce souverain était à l’écoute des besoins de son peuple. Qualité qui ne s’est plus retrouvée chez une majorité des présidents arabes actuels.

 

Au final, il serait donc acceptable de dire avec prudence que les débâcles et les tueries qui ont miné ces pays lors du printemps arabe auraient pu être évités. Néanmoins, concernant les problèmes de corruption, de famine, de manque de démocratie et de liberté d’expression, de tous les maux qui rongent le monde arabe, il est difficile de concrètement répondre que l’éthique de Saladin peut à elle seule permettre de les résoudre. En effet, si chaque dirigeant et membre du gouvernement se comportait selon cette éthique, il est vrai que ces maux là ne seraient pas présents dans ces pays. De même si tout à chacun respectait les lois religieuses, nous pouvons hypothétiquement déduire que le monde serait en paix.

 

 

Pourtant, plus pragmatiquement, il est parfois difficile de respecter complètement toutes les règles éthiques pour atteindre certains objectifs, comme l’ont montré les dirigeants arabes contemporains. Même Saladin, n’aurait pas pu arriver à ses fins sans parfois manquer à l’éthique, comme nous avons pu le voir dans les actions qui ont fait de lui une « légende noire ». L’application de l’éthique est donc pour le bien de la communauté, mais entre parfois en conflit avec les objectifs personnels et les objectifs pratiques.

 

 

 

[1] Nous ne pouvons pas débattre aborder tous les concepts de Spinoza sous peine de nous éloigner du sujet.

[2] BADIOU, Alain (1993) L’éthique. Paris, Hatier.

[3] Anne Marie Eddé. “Saladin”. Collection grande biographie. Ed Française 107

[4] Op cit  3021

[5] Op cit  151

[6] Op cit  3027

[7] Op cit  211

[8] Op cit  20

[9] Gérald Messadié. « Saladin ». Ed l’archipel  p.20

[10] Ce chroniqueur est l’une des principales sources d’informations concernant la vie de Saladin

[11] Gérald Messadié. « Saladin ». Ed l’archipel p.42

[12] Gérald Messadié. « Saladin ». Ed l’archipel p41.

[13] Op cit  Anne Marie Eddé 728

[14] Les historiens s’accordent à dire qu’Ibn Abî Tayyi’ a toujours eu parti pris pour Saladin

[15] Op cit  Anne Marie Eddé 2198

[16] Op cit  2287

[17] Op cit  2287

[18] Op cit  2319

[19] Op cit  2319

[20] Op cit  2356

[21] Op cit  2538

[22] Op cit  2985

[23] Ghazali’s Book of Cousel for Kings, traduit par F.R.C Bagley, Oxford, 1964, p.6.30, 45, 59, The Sea of Precions Virtues, p.82-83.

[24] Op cit  3072

[25] Ibn Shaddâd, Nawâdir, traduction, p. 22.25.

[26] Op cit Anne Marie Eddé 3082

[27]  (1145-1217) était fonctionnaire de cour, intellectuel connu pour ses nombreux voyages à la Mecque qu’il

conta.

[28] Op cit  Anne Marie Eddé 3099

[29] Guillaume de Tyr, éd. R.B.C. Huygens, traduction anglaise dans Saladin, de M.C. Lyons et D.E.P Jackson, p.83.

[30] Op cit Anne Marie Eddé 3119

[31] Idem

[32] Op cit Anne Marie Eddé 3128

[33] Walker, J.; P. Fenton. ‘Sulaymān b. Dāwūd’, EI2

[34] Op cit Anne Marie Eddé 3310

 

[35] Malcolm Lyon and David Jackson’s Saladin: The Politics of Holy War, p.275

[36] Imâd al-Dîn, Conquête de la Syrie et de la Palestine, p.61-62

[37] Op cit Anne Marie Eddé 3346

[38] Op cit Anne Marie Eddé 3346

[39] Op cit Anne Marie Eddé 3369

[40] M.C. Lyons et D.E.P Jackson, Saladin, Abû Shâma, Rawdatayn, I, traduction, p.106.

[41] Op cit Anne Marie Eddé 3388

[42] Op. Cit. M.C. Lyons et  D.E.P. Jackson, Saladin, p.228

[43] Op cit Anne Marie Eddé 3434

[44] Op cit Anne Marie Eddé Adobe 9

[45] Die Reden Kaiser Wilhelms II in den Jahren 1896-1900, discours collection et edition par J. Penzler, vol. II, Leipzig, s.d. (1904), p.126 sq.

[46] Op cit Anne Marie Eddé 759

 

[47] Op cit Anne Marie Eddé 3455

[48] Op cit Anne Marie Eddé 883

[49] Op cit Anne Marie Eddé 967

[50] Op cit Anne Marie Eddé 972

[51] La khutba est le sermon que seul l’Imam est censé prononcer lors de la prière du vendredi et lors des deux

Eid/’id

[52] La Ka’aba est une construction en forme de cube vers laquelle sont tournées les prières des musulmans pour montrer leur unité dans la croyance d’un Dieu unique.

[53] Jean Levi, Sun-Tsu, L’art de la guerre, nouveau monde Editions, 2010, »De l’affrontement direct et indirect (Junzheng)» p.53.

[54] Op cit Anne Marie Eddé 6312

[55] Op cit Anne Marie Eddé 6312

[56] Op cit Anne Marie Eddé 2677

[57] Gerald Messadié p 221

[58] Op cit Anne Marie Eddé 3417

[59] Op cit Anne Marie Eddé 3487

[60] C. Lyons et D. E. P. Jackson, Saladin, p. 192 ; Abû Shâma, Rawdatayn, II, p.49.

[61] E. Sivan, L’Islam et la croisade, p.104, d’après Abû Shâma Rawdatayn, II., p.49

[62] Op cit Anne Marie Eddé 3529

[63] Ibn Shaddâd, Nawâdir, éd. p. 21-22, trad. P.28-29.

[64] ‘Imâd al-Dîn, Conquête de la Syrie et de la Palestine, p.59.

[65] Lory. P., Le rêve et ses interprétations en Islam, Paris, 2003, p.7

[66] Op cit Anne Marie Eddé 3465

[67] Coran, III, 170

 

[68] Sourate 24- Verset 30

[69] Il est considéré comme l’un des plus grands commentateurs du Hadîth, ayant vécu entre 1233 et 1277, il est l’un des fondateurs de l’école juridique chaféite

[70] Un des six grands recueils de Hadîth de l’Islam sunnite

[71] Sourate 49-verset 12

[72] Sourate 33-verset 58

[73] Est un collecteur de hadiths, il est l’auteur d’une des six collections canoniques de hadiths identifiées par les musulmans sunnites, ayant vécu entre 817 et 88

[74] Sourate2-verset 272

[75] Op cit Anne Marie Eddé 4646

[76] Gabrieli, F., Chroniques arabes des croisades, p.117.

[77] Wensinck A.J. The oriental Doctrine of the Martyrs, Amsterdam, 1921, p152.

[78] Lyons et Jackson, Op. Cit. , p.271

[79] Op cit Anne Marie Eddé 3848

[80] Op cit Anne Marie Eddé 6498

[81] Ibn Shaddâd, Nawâdir, éd. P.7-8, 177, trad p.18, 21, 167, ‘Imâd al-Dîn, Conquête de la Syrie et de la Palestine, p. 433.

[82] ARSEVER Sylvie, « Les printemps arabes (3) », in Le temps, Mercredi 10 août 2011.

[83] Ere Tanzimat (littéralement « réorganisation » période durant laquelle est apparue plusieurs réformes dans l’Empire ottoman comme la constitution ottomane et le premier parlement ottoman que Abdülmahid II supprima à son arrivée au pouvoir.

[84] Karpat, The politicization of Islam,

[85] Sayyid ‘Ali al-Hariri, Al-Akhbar al-saniya fi l-hurub al-salibiyya (1899), Caire.

[86] ENDE, Wer ist ein Glaubensheld und wer ist ein Ketzer ? 80

[87] Empereur allemand ayant régné de 188-1918.

[88] Weber S., Damascus, 2 :451-53.

[89] Halim, “The signs of Saladin” , 78-94, in Arab Cinema.

[90] Baram, « Territorial Nationalism in the Middle East”, 425-29

 

 

[91] Mot que nous ne devrions pas employer ici mais qui s’explique par le fait qu’il est le seul chef d’Etat qui a cautionné l’écriture d’une biographie à son sujet en près de 19 volumes.

[92] Sixième roi de la première dynastie de Babylone (la date de son règne est difficile à dire).

[93] Baram, « A Case of Imported Identity”, in Saddam’s World, Bengio, 80-85.

[94] Bengio, Saddam’s World, 82-83, Op. Cit.

[95] Idem

[96] HEIDEMANN Stefan

[97] Livre

 

[98] Djaroueh, Mawsu’at al-‘umlat al-waraqiyya al-suriyya, 474, n° SY 167

[99] Professeur à la tête du Berlin’s Zentrum Moderner Orient (Centre social, économique et politique pour les études sur le Moyen-Orient et l’Asie)

[100] Freitag, « In Search of ‘Political Correctness’”, 1-16, esp. 10

[101] http://www.cahiersducinema.com/Entretien-avec-Youssef-Chahine-Le.html, consulté le 27 janvier 2013.

[102] http://www.cahiersducinema.com/Entretien-avec-Youssef-Chahine-Le.html, consulté le 27 janvier 2013.

[103] The Signs of Saladin: A Modern Cinematic Rendition of Medieval Heroism / ﺭﻣﺰﻳﺔ ﺻﻼﺡ ﺍﻟﺪﻳﻦ : ﺭﺅﻳﺔ ﺳﻴﻨﻤﺎﺋﻴﺔ ﻣﻌﺎﺻﺮﺓ ﻟﻠﺒﻄﻮﻟﺔ ﺍﻟﻮﺳﻴﻄﻴﺔ Hala Halim and ﻫﺎﻟﺔ ﺣﻠﻴﻢ Alif: Journal of Comparative Poetics
No. 12, Metaphor and Allegory in the Middle Ages / المجاز والتمثيل في العصور الوسطى‎ (1992), pp. 78-94 Published by: Department of English and Comparative Literature, American University in Cairo and American University in Cairo Press

[104] Op cit Anne Marie Eddé 10710

[105] Signifiant « séries »

[106] Roi de Jérusalem de 1174 à 1185, fils d’Amaury 1er et d’Agnès de Courtenay

[107] Prince consort d’Antioche (1153-1163)

[108] EDWARDES 1er mai 2005.

[109] Abû Sâma, Rawdatayn, vol. I, 1, p.28-31.

[110] Idem

[111] Professeur d’histoire du Moyen Âge, universités d’al-Zaqâzîq, en Egypte et au Koweït

[112] Cet ouvrage a ensuite été traduit en arabe par Georges Abû Sâlih et réédité plusieurs fois en Proche-Orient.

[113] Bianquis, Th., 1995 «Historiens arabes face à islam et arabité du XIème au XXème siècles », dans D. ChevaLLier(dir.), Les Arabes et l’histoire créatrice, Paris, p. 41-58

[114] Auteur né en 1934, Professeur d’histoire à Damas et Professeur d’histoire à l’académie des arts du théâtre à Damas.

[115] Zakkâr fa-lā budda min zawāl Isrā’īl wa-ṭard al-Ṣahyūniyya, miṯlamā ṭarada : Nūr alDīn wa-Ṣalāḥ al-Dīn wa-Baybars, wa-Qalāwūn, wa-l-Ašraf Ḫalīl al-Ṣalībiyyīn wa-kaḏālika al-Maġūl, 2007, p.40.

[116] aL-Šāmī, Aḥmad, 1991  Ṣalāḥ al-dīn wa l-Ṣalībiyyīn : ta’rīḫ al-dawla al- ayyūbiyya, le Caire.

[117] A le titre de « Visiting Associate Professor of Arabica t Northeastern University »

[118] QUTB, al-Nāṣir Ṣalāḥ al-Dīn Yūsuf b. Ayyūb, p.8

[119] MUSTAFÂ, Š., 1419/1998 : Ṣalāḥ al-dīn al-fāris al-muğāhid wa l-malik al-zāhid al-muftarā ‘alayhi, Beyrouth, p.7.

[120] Mouvement contemporain transversal de la renaissance arabe moderne du XIX ème siècle, qui agit à la fois sur le plan politique, culturel, religieux littéraire.

[121] Comme c’est le cas avec The Talisman de Walter Scott dont nous avons déjà eu l’occasion de parler

[122] (1867-1899)

[123] FERTAT, O., « Théâtre, monde associatif et francophonie au Maroc » in Les associations dans la francophonie, de GUILLAUME S., Maison des Sciences de l’Homme d’Acquitaine, p.133-149.

[124] Ecrivain libanais ayant vécu de 1861 à 1914.

[125] Dramaturge libanais ayant vécu entre 1874 et 1922 ayant vécu en Egypte en 1897.

[126] DUPONT, A.-L., 2002 : « Le grand homme, figure de la ‘‘Renaissance’’ arabe », in Mayeur-Jaouen, c. (dir.),

Saints et héros du Moyen-Orient contemporain, Paris, p. 47-73.

 

[127] EDDE, A.-M., 2008  Saladin, Paris, Flammarion

[128] BEN LAGHA, 2006, Le  personnage  historique  dans  l’œuvre  romanesque  de  Ǧurğī  Zaydān,  entre  figure

exemplaire et personnage de roman, thèse de doctorat, inalco, (dir. L.-W. Deheuvels). p. 185-189

[129] Sultan mamelouk bahrite d’Egypte (1260 à 1277) ancien esclave à Damas après l’invasion mongole dans les années 1240.

[130] Sultan ayyubide d’Egypte (1240 à 1249) et de Damas (1245 à 1249).

[131] GIBB, Hamilton, A. R., 1950 : «the arabic Sources for the life of Saladin », Speculum 25/1, p. 58-72.

[132] TOLAN J. 2008, Sons of Ishmael : Muslims through European Eyes in the Middle Ages, Gainesville, 2008, p.79-100.

[133] Dante, Le Banquet, IV, XI, 14, in Œuvres complètes, traduction de A. PEZARD , Paris, 1965

[134] Emir de Mossoul qui a combatu les croisés en 1098

[135]Atabeg de Damas qui a combattu les croisés du XXIIème siècle connu sous le nom de Huon de Tabarié (par assimilation à Hughes de Tibériade)

[136] Duparc-Quioc, Suzanne, Le Cycle de la Croisade, Paris, Champion (Bibliothèque de l’École des hautes études. Sciences historiques et philologiques, 305), 1955, xxi + 410 p.

[137] Saladin (chapitre X), in M. de COMBARIEU DU GRES, Croisades et pèlerinages, p.450-453.

 

[138] NICHOLSON 2001, Love, War and the Grail. Templars, Hospitallers and Teutonic Knights in Medieval Epic and Romance, 1150-1500, Leyde, p.217.

[139] TOLAN J. « Saracens philosophers secretly deride Islam”, Medieval Encounters, 8, 2002, p.184-206.

[140] DUPRONT, A., 1997 Le mythe de la croisade, 2vol., Paris, p.980.

[141] Parmi ces ouvrages se trouvent l’Itinerarium et la Chronique dite d’Ernoul.

[142] Busby, Keith, Codex and Context: Reading Old French Verse Narrative in Manuscript, Amsterdam, Rodopi (Faux Titre, 221-222), 2002, 2 t

[143] Cook, Robert F., et Larry S. Crist, Le deuxième cycle de la croisade. Deux études sur son développement. Les textes en vers. Saladin, Genève, Droz (Publications romanes et françaises, 120), 1972, 196 p.

[144] Rédigé entre 1465 et 1468

[145] Saladin, Introduction et traduction de M. de CombarDieu du Grès, in Croisades et pèlerinages, p.417-496.

 

[146] Voltaire, Essai sur le mœurs, chapitre LVI.

[147] WALTER Scott, Le Talisman, Paris, 2007, p.9.

[148] MICHELET J., Œuvres complètes, Paris, 1895-1898, p.330.

[149] JUBB M., The Legend of Saladin, p. 5-9, in A.M. Eddé, Op. Cit.

[150] Itinerarium Peregrinorum et Gesta Regis Ricardi

[151] Itinerarium, éditions H. E. Mayer, p. 252, traduction de H. J. Nicholson, p.27-28.

[152] Guillaume de Tyr, éditions R. R. C. Huygens, p. 925, 967-968, 1037 (XX, 11, XXI, 6, XXII, 20), traduction anglaise p.358-359, 405, 480.

[153] Op cit Anne Marie Eddé 10469

[154] Op cit Anne Marie Eddé 241

[155] Etudes Arabes. Dossiers, Roma, PISAI, Les frères Musulmans, n°61 (1981/2.

[156] Pouvant être traduit comme « l’Islam est la solution ».

[157] CARRE Olivier, Mystique et politique : le Coran des islamistes (lecture du Coran par Sayyid Qutb, Frère musulman radical, 1906-1966), Paris, Cerf, 2004.

[158] Etudes Arabes, Dossiers, Roma, PISAI, Débats autour de l’application de la Sharî’a, n°70-71, 1986.

 

[159] Idem

[160]Idem

[161] Extrait du code disponible dans Etudes Arabes, Dossiers, Roma, PISAI, Op. Cit., pp. 87-109.

[162] Huqûq al-in-insân al-arabî, n°24, décembre 1990, pp. 160-166.

[163] S. A. A., Abu, Sahlieh, Les Musulmans… pp. 506-508.

[164] Yadh Ben ACHOUR, 2011, La deuxième Fâtiha, p. 7-8.

[165] Charfi Mohamed, Islam et liberté, le malentendu historique, Paris, Albin Michel, 269, p.198.

[166]  « Code de Statut Personnel et évolution sociale en certains pays musulmans » in IBLA, Tunis, 1963, pp. 145-162

[167] Charfi Mohamed, Islam et liberté, le malentendu historique, Paris, Albin Michel, 269, p.198.

[168] Idem

[169] Op. Cit., pp.192-194.

[170] BORRMANS M., « Droit musulman et législations nationales », in Les Courants internes à l’islam, Michel

Younès (dir.), Lyon, ProFac, 2009, pp. 15-35.

[171] Charfi Mohamed, Islam et liberté, le malentendu historique, Paris, Albin Michel, 269, p.104-110.

[172] Etudes Arabes, Dossiers, Roma, PISAI, Le Ba‘th, n° 63, 1982-2, 112 p

[173] Yadh Ban Achour, Aux fondements de l’orthodoxie sunnite, pp.197-200.

[174] Shawkânî (1830), cité dans Yadh Ban Achour, Aux fondements de l’orthodoxie sunnite, p.235.

[175] Son mandat a commencé le 7 novembre 1987 (source : wikipedia)

[176] Bernad Lugan, « il n’y a pas eu de printemps arabe », http://bernardlugan.blogspot.com/2011/11/sommaire-actualite-il-ny-pas-eu-de.html, consulté le 5 février 2014.

[177]  Laura Bly,  « Sharm el-Sheikh resort in world spotlight as Egypt’s Mubarak flees Cairo », http://travel.usatoday.com/destinations/dispatches/post/2011/02/sharm-el-sheikh-resort–in-world-spotlight-as-egypts-mubarak-flees-cairo/142665/1, consulté le 6 février 2013.

[178] Civil du nom de Essam Charaf (source : RFI http://www.rfi.fr/afrique/20110304-egypte-essam-charaf-nouveau-chef-gouvernement-reputation-homme-integre ), consulté le 6 février 2014.

[179] Source : http://www.ladepeche.fr/article/2011/04/15/1060241-moustapha-abdeljalil-honnete-homme-tete-rebellion-libyenne.html, consulté le 4 février 2013.

[180] Source : http://www.lefigaro.fr/international/2012/02/27/01003-20120227ARTFIG00460-yemen-saleh-a-transmis-son-pouvoir-a-mansour-hadi.php, consulté le 07 février 2013.

 

[181] Source : http://www.statistiques-mondiales.com/indice_de_democratie.htm, consulté le 6 février 2014

[182] Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Su%C3%A8de, consultée le 9 février 2014.

[183] Source : http://fr.rsf.org/IMG/pdf/2013_wpfi_methodologie.pdf, document téléchargeable, consulté le 8 février 2014.

[184] Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Finlande, consultée le 8 février 2014.

[185] Source : UNDP, 2009, Rapport sur le développement humain dans le monde arabe.

[186] Shia Rights Watch, http://shiarightswatch.org/2012-09-18-17-23-08#axzz2t1ncEF6P, consulté le 9 février 2014.

[187] Source : Transparency France : http://www.transparency-france.org/e_upload/pdf/classement_ipc_2011.pdf, document en ligne, consulté le 11 février 2014.

[188] Nous ne pouvons malheureusement pas nous étendre sur ce sujet car il nécessite diverses explications sur le plan économique.

[189] Rapport Wealth Databook, https://publications.credit-suisse.com/tasks/render/file/index.cfm?fileid=BCDB1364-A105-0560-1332EC9100FF5C83, document en ligne consulté le 7 février 2014.

[190] SASSON Joseph, Professeur à l’université de Georgetown (Washington, DC), actuellement en détachement à l’All Souls College (Oxford). Il vient de publier Saddam Hussein’s Ba‘th Party : Inside an Authoritarian Regime, Cambridge University Press, 2012. Article complet disponible sur http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/SASSOON/47415 , consulté le 9 avril 2014.

[191] Interview de M. Bachar Al-Assad par la journaliste américaine Barbara Walters, ABC, 6 décembre 2011.

[192] SASSON Joseph, Op. Cit.

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