à quel besoin les images du porno répond-elle en dehors de son caractère excitant, entre autres support à la masturbation ?
La pornographie
TABLES DES MATIERES
Introduction générale …………………………………………………………………..
Quelques notions fondamentales et genèse du mémoire Problématique Hypothèses Méthodologie de recherche
Chapitre I. Généralité sur le porno (graphique) …………………………………………
1.1. Etude de l’évolution du domaine pornographique ……………………………
1.1.1. Brève historique et évolution dans le temps et dans l’espace …………… 1.1.2. Objectifs de la pornographie fixés par les multiples concepteurs ………
1.2. Les trois variétés pornographiques ……………………………………………
1.2.1. La pornographie traditionnelle …………………………………………. 1.2.2. La pornographie amateur ………………………………………………. 1.2.3. Le Gonzo ………………………………………………………………..
1.3. Erotisme et pornographie ………………………………………………………
1.3.1. Les points communs ……………………………………………………. 1.3.2. Les divergences …………………………………………………………
Chapitre II. Rapprochement de la pornographie à l’éducation sexuelle ……………….
2.1. La théorie sexuelle pornographique ………………………………………………. 2.2. L’éducation sexuelle ou l’autodidaxie …………………………………………….. 2.3. Le fantasme : un effet pervers du pornographique …………………………………
Chapitre III. Le sexe pour bouclier ……………………………………………………..
3.1. La démonstration phallique et son effet psychologique …………………………… 3.2. Le rabaissement pornographique ………………………………………………….. 3.3. La fragilité identitaire de l’homme. …………………………………………………
Chapitre IV. De la perversion dans la sexualité ………………………………………..
4.1. Le pervers et l’individu « normal » ……………………………………………….. 4.2. Une sexualité autre qu’infantile ……………………………………………………
Chapitre V. La morale sexuelle civilisée du XXIe siècle ……………………………….
5.1. La maladie nerveuse du temps moderne ………………………………………….. 5.2. Le malaise dans la sexualité ……………………………………………………….
Chapitre VI. Quand le sexe devient une dépendance …………………………………..
6.1. Une nouvelle addiction à réverbérer ……………………………………………… 6.2. Les recommandations à examiner et la domination des pulsions ………………….
Conclusion ……………………………………………………………………………..
Annexe : Dictionnaire de la Pornographie …………………………………………….
Bibliographie ……………………………………………………………………………
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INTRODUCTION
L’exhibitionnisme pornographique met en mouvement actuellement un défi excessif qui laisse l’être humain démuni et sans réponse à long terme. Cependant, un comportement décisif s’impose sachant que cette invasion manipule de plus en plus les enfants et les adolescents. Pour ces deux catégories de population, le passage de la sexualité infantile à la sexualité adulte ne peut se faire qu’au terme d’une élaboration imaginaire où la pudeur tient une place capitale. Cette élaboration imaginaire est aujourd’hui ignorée par la pornographie qui constitue une véritable forme de pédophilie à l’échelle mondiale, qui pénètre dans les relations entre les hommes, au point que cette pornographie est devenue en quelques années une sorte de nouvelle épreuve impénétrable pour les jeunes, la principale en matière de sexualité.
Devant l’exhibitionnisme croissant provoqué et soutenu par certaines personnes de notre société, la pornographie est également croissante malgré les interdits de la loi, et cette pornographie atteint les jeunes de plein fouet par les moyens de communication largement instrumentés actuellement. Le besoin de comprendre les raisons pour lesquelles les adultes d’aujourd’hui donnent à voir des images de leur sexualité tronquées, caricaturées à l’extrême et qui s’écrasent sur la génération montante. C’est un problème de société dans lequel tout un chacun a un rôle à jouer. Pour le jouer, il est nécessaire de comprendre les processus et leurs enjeux.
La catastrophe de la pornographie qui se développe aujourd’hui est qu’elle s’adresse aux jeunes, et spécifiquement aux adolescents qui sont dans une période interne de transition. Ces adolescents sont inscrits dans une société dont le transitoire et l’ébranlement des idéaux sont évidents. Les familles se réfèrent un langage équivoque qui soutient le brouillage de tous les repères et les familles renforcent le défi à la pudeur vécue comme surannée et périmée
Toutefois, l’influence des images sur l’évolution et la structuration des jeunes est capitale. C’est par l’élaboration imaginaire que l’enfant et l’adolescent voient s’ouvrir l’accès à une sexualité génitale dont ils ne disposent pas encore. Bien évidemment, l’analyse dépasse largement ce que peut en dire un tel compte rendu. Il est à ajouter que les exemples empruntés à la vie quotidienne, à la presse, à la clinique et à la démarche psychanalytique sont éclairants, le tout exprimé dans une langue qui ne nous perd jamais dans l’obscurité des pensées non maîtrisées.
Quel que soit le contrôle parental et quelles que soient leurs précautions, les enfants sont de plus en plus confrontés à des mises en scènes pornographiques de plus en plus obscènes, confrontés à la vision de la sexualité génitale la plus directe possible ou du symbolisme de moins en moins transparent dans les médias. Au passage, on réitère la question sur le poids des images sur un psychisme en élaboration, la question sur l’exhibitionnisme alors qu’on semble avoir à faire à un voyeurisme de masse.
Les effets des interdits religieux et sociaux ne se limitent pas à étouffer l’érotisme humain mais également à les rendre plus mystérieux, à exciter des désirs de transgression, à ouvrir la porte à la perversion. Et on se pose alors la question : comment l’érotisme se manifeste-t-il aujourd’hui ? Sachant que si l’on parle d’érotisme, cela signifie qu’on aille du côté de la jouissance, et on pense que l’érotisme nourrit aussi la destruction.
En effet, ce qui est plus intéressant dans ce mémoire est de savoir les significations conscientes et inconscientes des manifestations érotiques aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Ainsi, le cadre de référence est la pornographie. Les idées de discussion sont notamment alimentées par les écrits de Freud étant donné leur transparence et leur caractère qui va au fond des choses qui sont parfois difficiles à pénétrer exposant un discours sur le sexuel souvent apparu trop profond, trop intellectuel, trop détourné de la réalité. Apparemment, il semble qu’on s’amuse intellectuellement à construire un discours sur l’inconscient sexuel en utilisant des vocabulaires disparates, en dissimulant la réalité clinique et le vécu manifeste.
L’érotisme humain est varié mais la polyvalence dans les modes d’érotisation n’entrave pas l’identification de certains dénominateurs communs dans l’émergence du désir érotique. Éros se donne à voir dans les fantasmes et dans la réalité. On se demande si le dimorphisme (propriété qui consiste à pouvoir prendre deux formes différentes) sexuel empêche-t-il de partager la même sensualité ? Eros semble variable selon qu’on est femme ou homme. Des témoignages d’hommes et de femmes, ayant eu des expériences à partager concernant leurs fantasmes, leurs conduites sexuelles, leurs vécus sexuels sont nécessaires pour éclairer ces différences et pour décoder les descriptions recueillies sur la vie sexuelle. C’est une approche analytique sans moralisme et phénoménologique pour explorer Eros dans toute sa complexité.
En attendant de plus amples explications dans le corps de ce mémoire, on avance que la pornographie semble être transformée comme principal moyen d’éducation sexuelle pour les adolescents qui s’attendent à y trouver ce que désire effectivement l’autre. Les jeunes, les adolescents y discernent les corps, les techniques et les diverses positions, tout en étant inondés d’une vision particulière de la sexualité humaine. Ces jeunes gens semblent avoir l’impression que les codes et les stéréotypes pornos ont colonisé les fantasmes et les désirs aussi bien que les comportements. Le pullulement d’images est matérialisé par une sexualité exhibitionniste.
Pornographie amateur et Gonzo deviennent de plus en plus accessibles, de plus en plus extrêmes et plus violentes. Cette industrie du fantasme sexuel est vue actuellement comme un facteur de libération sexuelle. Le porno s’est banalisé. Nonobstant, la pornographie est possiblement considérée comme un phénomène relevant de la sphère privée sans impact social remarquable. Il n’existe pratiquement pas d’étude sur les effets de sa consommation, surtout en psychologie.
Pour expliquer le malaise sexuel d’aujourd’hui, il est peut-être imaginable de partir d’une analyse des images pornographiques et leurs rapports avec la réalité. La question n’est pas de savoir si les images pornos montrent des choses dégoûtantes ou si ces images activent une libération. La question n’est pas de condamner la pornographie ou contrairement la célébrer. On n’a pas besoin d’enquêter pour savoir que le consommateur n’est pas forcément un débauché sexuel ou peut-être la victime d’une pénurie sexuelle. Qu’elle n’est pas liée à la solitude, aux problèmes de banlieue, au mal-être des jeunes, la pornographie traverse tous les milieux sociaux, tous les âges.
En exhibant une question courante : « De nombreuses personnes ne trouvent pas cela érotique, mais violent, humiliant et dégradant pour les femmes, pourtant plusieurs hommes trouvent ces images suffisamment excitantes pour se masturber et jouir et que la pornographie ne propose que des produits relevant du fantasme. Mais jouir de quoi exactement ? Et de quels fantasmes parle-t-on ? » J’aimerai d’emblée passer le message que l’objet du mémoire n’est pas exclusivement d’étudier la pornographie, les perversions, mais surtout d’en dégager le sens. Dans un premier temps, il s’agit de définir le terme cliniquement pour en avoir une notion des traits communs indépendamment des comportements spécifiques qui expriment qu’une perversion diffère d’une autre. La problématique qui découle de toutes ces remarques et faisant l’objet d’un centre d’intérêt du mémoire est exprimée comme suit « à quel besoin les images du porno répond-elle en dehors de son caractère excitant, entre autres support à la masturbation ? » sachant que la scène pornographique est semée d’indices sur le développement psychosexuel de l’Homme.
Pour arriver aux termes de ce mémoire et trouver une explication à cette problématique, les hypothèses suivantes sont à examiner minutieusement :
- La différence entre l’érotisme et la pornographie est surtout qualitative, en plus de la différence d’ordre quantitatif ;
- Le pouvoir des images sur les jeunes réside surtout en la réponse à leurs questions qui rejoignent des fantasmes inconscients préparés soigneusement tout au long de l’enfance ;
- Le porno est un symptôme d’un malaise dans la civilisation ;
- la pornographie montre une fragilité de l’identité masculine qui se caractérise au travers de la concentration du plaisir masculin et de la démonstration phallique qui s’y déploie par le rabaissement de la femme ;
- Le porno est souvent catalogué de « perversion » à cause de la prolifération et la consommation d’images marquées par des tendances exhibitionnistes/voyeuristes ainsi que de représentations violentes souvent définies comme étant sadomasochistes. Le morcellement du corps semble également indiquer une tendance perverse de la sexualité ;
- De nouvelles addictions liées à la consommation de la pornographie sont apparues avec l’explosion de l’Internet. Cette nouvelle addiction partage de nombreuses similitudes avec les caractéristiques de l’addiction en général du fait qu’elle est encore méconnue en France.
Ainsi, nous allons apprécier six (06) chapitres de ce mémoire afin de parvenir à répondre convenablement à cette problématique et à vérifier ces hypothèses. Le chapitre I nous fournira la généralité sur le porno (graphique) où l’on étudie l’évolution du domaine pornographique, dans le temps et dans l’espace. Nous allons également prendre connaissance des objectifs de la pornographie fixés par différents concepteurs ainsi que les variétés pornographiques. Dans ce même chapitre, nous allons examiner les différences entre érotisme et pornographie.
Dans le chapitre II, il est important d’étudier le rapprochement de la pornographie à l’éducation sexuelle où l’on va approfondir la théorie sexuelle pornographique, l’autodidaxie ou l’éducation sexuelle proprement dite ainsi que le fantasme qui s’avère être un effet pervers du pornographique.
Dans le chapitre III, intitulé le sexe pour bouclier, nous allons examiner la démonstration phallique et son effet psychologique. Nous allons voir de près le rabaissement pornographique et la fragilité identitaire de l’homme.
Le chapitre IV va nous informer sur la perversion dans la sexualité, où l’on va approfondir le pervers et l’individu « normal » en continuant sur le concept de sexualité infantile et consort.
Le chapitre V est dédié à la morale sexuelle civilisée du 21ème siècle où l’on parle notamment de la maladie nerveuse du temps moderne et du malaise dans la sexualité.
Le chapitre VI est arrangé au dernier ressort mais il étudie un comportement ancien mais en vogue faisant savoir que le sexe devient une dépendance. Cependant, on va y comprendre une nouvelle addiction à réverbérer ainsi que des recommandations à examiner tout en vérifiant les hypothèses posées supra.
Chapitre I. Généralité sur le porno (graphique)
- Etude de l’évolution du domaine pornographique
Il n’est pas simple de questionner la pornographie tant qu’elle semble se dérober à toute définition. C’est pour cette raison qu’il semble nécessaire, pour ce premier chapitre introductif, de décrypter tant que faire se peut ce mot, à la fois si familier et si mystérieux, afin d’en extraire les caractéristiques particulières qui constitueront l’une des bases de ce travail au même titre que les vignettes cliniques tirées d’entretiens et autres références bibliographiques.
À bien y réfléchir, on a l’air de savoir plus ce que la pornographie n’est pas que ce qu’elle est, à savoir « pas de l’érotisme en tout cas », pour reprendre les propos de Guy, une des personnes avec lequel j’ai pu m’entretenir lors de la préparation de cette étude. Voilà là, l’une des premières découvertes qui m’aient été données de faire. À bien y réfléchir, l’un ne va pas sans l’autre. L’érotisme et la pornographie ne seraient au final que deux versants de la représentation de la sexualité. On ne saurait faire l’économie du concept d’érotisme pour définir le pornographique. Et donc, comme ce fut déjà le cas aux prémices (origines) de la psychiatrie qui, pour définir le « pathologique », a dû faire recours au « normal ». Il nous faudra proposer une dialectique vieille comme le monde entre l’érotique et le pornographique dans le but d’en délimiter une frontière nette et ainsi pouvoir dégager les caractéristiques propres à chacune.
- Brève historique et évolution dans le temps et dans l’espace
Dans un premier temps, il s’agit tout simplement d’en proposer une définition claire. Pour cela, je vais commencer par l’étymologie même du mot. Presque logiquement, le mot « pornographie » renvoie la prostitution et plus précisément à « l’écrit concernant les prostituées ». Si elle nous confirme qu’il s’agit d’une représentation de personnes – et plus particulièrement de femmes – proposant leur corps à des fins sexuelles en échange d’argent, cette signification ne nous apporte pas grand-chose quant à la compréhension de notre sujet d’autant plus qu’elle semble assez éloignée de l’usage ordinaire du mot. Ce dernier, si on se réfère à n’importe quel dictionnaire et dans ce cas précis du « Petit Robert », renvoie plutôt à « une représentation (par écrits, dessins, peintures, photos et vidéos) de choses obscènes destinées à être communiquées en public dans le but d’exciter l’imaginaire sexuel ». On a remplacé au caractère prostitutionnel le mot « obscène » dont l’étymologie reste inconnue même s’il peut s’agir d’une variation, souvent évoquée, du mot « obscaenus » qui renvoie à ce qui est « au-devant » (ob) de la « scène » (scaenus). Le mot « obscène » a surtout été utilisé avec son sens moderne d’une chose, une personne ou – pour notre sujet – d’un spectacle qui « révolterait la pudeur », qui par son « aspect affreux » devrait être caché ou à éviter, tout l’inverse de ce que l’étymologie du mot semble suggérer. On peut se risquer à un compromis et dire que l’obscène renvoie à une représentation qui arrache le voile que la pudeur a pu installer pour se retrouver au-devant de la scène, nu. Quoi qu’il en soit, pour notre analyse, le terme « obscène » ne nous aide pas beaucoup et reste surtout très ambiguë. Sans connaître sa réelle signification, ce mot laisse transparaître une vision moraliste. Contentons-nous, pour l’instant, de dire que la pornographie mettrait au-devant de la scène une représentation qui choquerait la pudeur.
Pour revenir à notre problème de départ, on peut dire que rien n’est, par définition, obscène ou pornographique et que c’est le regard de chacun, fortement conditionné par le social, qui le décrit comme tel. L’obscène n’est pas forcément pornographique. On peut prendre du plaisir à se faire uriner dessus, ce qui peut être, par beaucoup, qualifié d’obscène sans que ce soit pornographique pour autant. Il existe par ailleurs de nombreuses personnes qui ne sont pas choquées par la représentation du sexe alors que pour d’autres, le sexe est par nature obscène. La plupart des jeunes aujourd’hui peuvent reconnaître certaines images comme pornographiques mais non obscènes.
Le faite de montrer des organes sexuels de manière explicite n’est pas obligatoirement pornographique ou obscène comme par exemple les représentations de la nudité que l’on peut voir dans le manuel de médecine, les brochures proposées lors des cours sur l’éducation à la sexualité ou les images dans certaines encyclopédies. En tout cas, n’importe quoi peut susciter une excitation et être utilisé de manière personnelle comme pornographie. « Les voies de l’excitation sont impénétrables » pour reformuler une phrase du clergé, chose qui pourrait être jugée obscène pour certains et même blasphématoire.
Puisque l’on est habitué à qualifier, voire remplacer, la pornographie par l’appellation « X », qui renvoie à la seule loi à son égard, peut-être pourra-t-on avoir plus de chance dans le champ du droit que dans celui du langage. Tel qu’on vient de le rappeler, il n’existe qu’une seule loi concernant la pornographie, celle de 1975, qui, à défaut d’en donner une quelconque définition – « interdiction de film portant atteint à la dignité de la personne humaine ou incitant à la violation des droits fondamentaux » – aura le mérite comme le souligne J-M. Hirt dans « Le cinéma de la mise à nu » d’organiser la représentation de la sexualité « en le dédoublant : d’un côté, le soft, le tolérable et visible par beaucoup, de l’autre côté, le hard, toléré ». La seule véritable ébauche de définition juridique, cité par M. Marzano dans « Malaise dans la sexualité », provient de 1981 par le commissaire du gouvernement M. Genevoix qui proposa clairement une dialectique entre l’érotisme et la pornographie : « le propre de l’ouvrage érotique est de glorifier l’instinct amoureux, le geste amoureux. Les œuvres pornographiques, au contraire, privant les rites de l’amour de leur contexte sentimental, en décrivant simplement les mécanismes physiologiques et concourt à dépravé les mœurs s’ils en recherchent les déviations avec une prédilection visible. Est de caractère pornographique, le film qui présente au public sans recherche esthétique et avec une crudité provocante des scènes de la vie sexuelle et notamment des scènes d’accouplement ». Cette définition me semble assez discutable dans le sens où se mélange le descriptif et le subjectif.
En effet, c’est intéressant de dire que la pornographie décrit les mécanismes physiologiques de l’acte sexuel et qu’elle exclue toute dimension sentimentale, c’en est une autre de dire qu’elle concourt à putréfier les mœurs. Il me semble qu’il s’agisse pour ce dernier d’une vision plus ou moins officielle de la morale et qui n’ajoute rien à la compréhension de la pornographie.
Malgré de nombreux éléments, il semble nécessaire de préciser davantage le contenu de la pornographie. Ainsi, après un bref aperçu de ce qui est écrit à son sujet, on va proposer de découvrir son origine, son histoire qu’il m’a été possible de reconstruire grâce à l’apport du « Dictionnaire de la pornographie » rédigé sous la direction de P. Di Folco. Tout d’abord, il faut comprendre que si la démocratisation de la pornographie est synonyme de consommation de masse, son accès n’a pas toujours été aussi simple. Ce dernier n’a été possible que grâce ou à cause de la rencontre entre une idéologie révolutionnaire, la libération sexuelle du début des années 1970, et une avancée technologique toujours plus accessible. Tout comme la technologie a modifié et étendu ses moyens de diffusion, le contenu a changé. Et si la pornographie est née quasiment avec le cinéma traditionnel, il faudra attendre 1915 pour dater le premier film répertorié comme étant pornographique
- Objectifs de la pornographie fixés par les multiples concepteurs
Petit aparté, mais qui en dit long sur la nature humaine, il faut savoir qu’à tout appareil de prise de vue mis à disposition du public, celui-ci s’en est servi pour réaliser des images personnelles. Cela était le cas avec les daguerréotypes, puisqu’on n’en a trouvé dont l’imagination n’avait rien à envier à ce que l’on peut voir de nos jours (très gros plans, introduction d’objets divers, zoophilie, etc.), tel que le polaroïd ou plus proche de nous la webcam et le Smartphone. Pour en revenir au premier film pornographique « daté », celui-ci s’intitule « A Free Ride » et il comporte déjà l’essentiel des ingrédients classiques du genre, à savoir des actes sexuels (des pénétrations vaginales avec plusieurs partenaires et une fellation) et un acte dit pervers (une scène de voyeurisme ou deux femmes vont épier un homme pendant qu’il fait ses besoins et qui les observera à son tour dans la même position). Les plans restent relativement éloignés de l’essentiel de l’action mais il ne faudra pas attendre longtemps pour que l’effet arrive à maturité notamment par le perfectionnement des objectifs qui permettent le zoom.
Déjà, à cette époque, le public visé a été masculin puisque les projections se déroulaient dans les bordels ou les clubs réservés aux hommes dans des salles enfumées à cause du cigare (d’où l’appellation de « smokers »). Puis, pendant quelque temps, le genre empruntera le code du burlesque, la comédie de l’époque, pour verser très vite dans un genre beaucoup moins imaginatif et ne proposant qu’une suite ininterrompue d’actes sexuels dans un format emprunté au cinéma dit « underground » (indépendant) des années 1960 et qui se situent en marge des grands studios de cinéma profitant d’une diffusion parallèle (sous le manteau et dans des magasins spécialisés) pour exister. Les films sont désormais proches du format amateur c’est-à-dire d’une durée courte, peu coûteuse et défiant les bonnes mœurs. Pourtant, l’explosion du cinéma pornographique va coïncider avec son arrivée dans les salles de cinéma publiques. Le succès de films comme « Gorge profonde » ou « Emmanuelle » a transformé la pornographie en un phénomène social. Ces films vont connaître une carrière cinématographique triomphale faisant de leur actrice principale le symbole de la femme libérée. Mais ce phénomène sera tout aussi flamboyant que bref.
Malgré une période euphorique où plus de la moitié des films produits sont pornographiques, le refus va être irrémédiable. Car, encore étiqueté comme étant « érotique », l’institution de la loi sur sa classification X – n’interdisant pas seulement son accès aux mineurs qui va interdire aussi toute publicité, toute aide à la création et surtout imposée une TVA majorée à 33 % – par le gouvernement, va couper court à l’élan de ce que l’on appelle désormais « le cinéma X » pornographique. Étouffé par les taxes, ce dernier va disparaître peu à peu. Il va falloir une nouvelle invention technologique pour la voir renaître de ses cendres telles un phœnix. En effet, l’arrivée de la VHS (la cassette vidéo) va modifier la donne. Dorénavant, comme ce fut déjà le cas par le passé, le « X » va tourner ces films avec peu de moyens car directement filmés au caméscope avec un montage brut et surtout accéder à la consommation domestique.
Du passage du film en salle nous passons à la location dans des vidéoclubs, l’achat en magasin et enfin à la retransmission télévisuelle, tout d’abord sur la chaîne payante Canal+ (qui diffuse son premier film en 1985) puis le câble. On voit alors fleurir le genre « amateur » et surtout, au début des années 1990, celui du « hardcore » qui va radicaliser le genre en proposant des actes de plus en plus extrêmes (de la sodomie au sadomasochisme) filmé en gros plans dans un contexte scénaristique souvent ridicule.
L’arrivée du numérique, des Smartphones et surtout de l’Internet haut débit dans la plupart des foyers apporteront le coup de pouce final à une véritable démocratisation de la pornographie ou plutôt de ce que l’on nomme aujourd’hui, le porno. Car, avec l’apparition d’un nouveau genre, le gonzo, et comme le rappelle E. Bidaud dans un texte intitulé « L’adolescent et la scène pornographique » : « la graphie a disparu […] ne reste que le défilé d’images ».
La différence entre la pornographie et le porno réside en ceci : dans la graphie, on a toujours affaire à une histoire alors que le porno est structurellement ancré dans l’action. On ne peut même plus parler de cinéma X puisque, avec une diffusion presque exclusivement domestique et sans contrôle, le porno ignore la censure. Faisant suite à cette évolution, nous allons parler des variétés pornographiques dans la section suivante.
- Les trois variétés pornographiques
De nos jours, l’industrie du porno propose essentiellement trois types principaux de films : le porno dit glamour ou chic, le Gonzo et le porno amateur.
- La pornographie traditionnelle
Le « porno chic » semble être le plus respectable des trois étant donné qu’il se situe dans la droite lignée de ce que pouvait présenter la pornographie traditionnelle. C’est ainsi qu’elle tente, en réaction désespérée à la détérioration de la pornographie depuis la déferlante « hardcore », de tenir le cap de la pornographie de qualité en présentant une histoire – même si le développement des personnages et des dialogues reste minimal – afin de relier les scènes sexuelles entre elles et surtout en proposant des images esthétiques, une production plus raffinée c’est-à-dire des décors riches, une technique irréprochable, des interprètes professionnels et une lingerie chic. Il s’agit du type de film qui est présenté sur la chaîne de télévision Canal+ tous les premiers samedis du mois depuis presque trois décennies maintenant.
- La pornographie amateur
Dans la même lignée que le Gonzo, le genre amateur a su profiter du formidable outil qu’est internet pour se développer et s’imposer parmi les productions professionnelles grâce notamment à son format court et peu coûteux. Son succès s’explique également par une recherche de réalisme toujours plus poussé où l’essentiel est de donner l’illusion à celui qui regarde et qui voit des images presque interdites laissant entrevoir la vie intime d’un couple lambda et de se placer d’une certaine manière en position de « voyeur ». Cela reste une illusion étant donné que ces amateurs en question sont, pour la grande majorité, volontairement « exhibitionniste » c’est-à-dire qu’ils font cela pour le plaisir et non par appât du gain.
Un plaisir d’être vu et pourquoi pas d’exciter celui ou celle qui assistera à leur spectacle. On est loin de la représentation de la prostitution que véhicule la pornographie. Si la pornographie est souvent comparée à l’érotisme, le genre amateur est quant à lui différencié de la pornographie professionnelle. Ainsi, la principale différence serait que la sexualité dans le porno amateur ne serait plus simulée et qu’elle exclurait par la même occasion le prétexte d’une histoire dans laquelle il faudrait jouer des rôles. Malgré tout, les amateurs sont parfaitement conscients des règles à respecter et on observe la même rhétorique, les mêmes codes que la pornographie donne à voir. C’est comme si que pour montrer sa sexualité privée, il fallait venir démontrer une certaine compétence à le faire. Pour ce faire, ils finissent le plus souvent par imiter les postures et les ambiances de la pornographie professionnelle.
L’amateurisme fait alors figure de pâle copie, du « même jeu » mais joué plus mal. Pour le dire autrement, le porno amateur, c’est juste du porno professionnel un peu mal réalisé. Une autre interprétation, à développer dans un chapitre subséquent, consisterait à dire qu’il ne s’agit pas plus d’une simple imitation consciente que d’un effet visible de la démocratisation de la pornographie qui provoque l’incorporation de modèles de représentation de la sexualité. Une conséquence de la banalisation d’une pratique au travers d’un visionnage répété. Pourtant, malgré toute leur bonne volonté, la plupart des amateurs n’atteignent que rarement la « perfection » pornographique et donne le plus souvent avoir un vrai amateurisme c’est-à-dire une mise en scène mal agencée fait de plans fixes trop éloignés de l’essentiel ou de gros plans instables et flous du fait de l’utilisation d’une caméra au poing, d’une absence de montage qui révèle une certaine maladresse gestuelle, ou encore dans son médiocre qui ne reproduit en rien les hurlements cataclysmiques du porno professionnel. Nous pouvons trouver aussi le phénomène des « sextapes » initié par des « pseudo-stars » en mal de reconnaissance et qui ont mis leur vie intime à la vue de tous, prétextant le plus souvent le vol ou l’égarement d’une vidéo destinée à un usage personnel.
On utilise la notion de « phénomène » puisque cette pratique a inspiré de nombreuses personnes à filmer leurs ébats, leurs exploits, sans forcément dans le but de le partager sur internet. Guy, la personne à qui on a conversé et déjà mentionné supra, nous résume parfaitement la situation : « ça devient une mode. Avec leurs iPhone qui font caméra, appareil photo et tout, tu vois de plus en plus de films de cul « faits-maison ». On dirait qu’ils veulent tous être des acteurs pornos. Ils vont dans des hôtels et tout. Je ne sais pas où ils trouvent les filles pour faire ça… enfin si je vois le genre de meuf… ». Mais, si les amateurs veulent se faire passer pour des professionnels, l’inverse est tout aussi vrai. C’est ainsi que l’on a vu apparaître des films « pseudo-amateurs » ou « pro-amateurs ». Dans le premier, il va s’agir pour les actrices et les acteurs de se faire passer pour des amateurs généralement sous la forme d’un casting ou bien d’une sextape justement qui aurait été mise sur Internet par vengeance par un homme voulant causer du tort à son ancienne petite amie. Le pro-amateur, quant à lui, consiste en une réalisation professionnelle mettant en scène des professionnels avec des amateurs qui peut se présenter sous la forme de casting là aussi ou plus violemment sous la forme d’un abus de faiblesse comme par exemple le site « Bang-bus » qui met en scène des femmes naïves qui finissent pas accepter de monter dans un van pour avoir des rapports sexuels en contrepartie d’argent et qui finissent toujours à la fin sur le bas-côté d’une route déserte sans le moindre argent, subissant les moqueries des hommes. Dans le genre amateur, la technique et la situation sont toujours au service du réalisme.
- Le Gonzo
À l’opposé de la pornographie amateur, on trouve le non moins célèbre « gonzo » dont le but n’est plus de mettre en scène une sexualité libérée en employant une esthétique proche de celle du cinéma traditionnel comme peut le faire le porno chic, et qui pacifierait le sexe en quelque sorte, mais plutôt de donner à consommer des scènes sexuelles sans lien entre elles, sans aucune intention narrative afin de pouvoir satisfaire aux exigences du support internet et être découpé en scènes courtes (appelées « clips »), ce qui lui a permis de vite prospérer et d’inonder le marché en l’espace de quelques années.
Karim, un adolescent âgé de 14 ans, résume assez bien le contenu de celui-ci : « C’est une boucherie, hallal ou non, la fille est traitée comme une salope et le pire c’est qu’elle aime ça ! Y’a zéro histoire, ils ne font pas semblant comme dans les films érotiques où y’a genre des sentiments et tout. C’est cash. C’est fini le plombier qui vient réparer une fuite. C’est « bim », direct, j’te prends de tous les côtés avec des poses de fou, impossible à faire avec sa copine sauf si tu veux avoir des crampes pendant quinze jours. Ce qui est bien aussi, c’est qu’on voit bien avec les zooms. Mais j’avoue, des fois, c’est vraiment « dur » (ndlr : à comprendre par « hard »). Mais moi j’aime bien, c’est marrant ».
Déjà parlant, si on passe le relais directement aux producteurs de ces films qui décrivent leurs produits sans prendre de gants. Un site assez connu a notamment fait la promotion de ses actrices en ces termes : « les femmes sont nées avec trois trous pour une raison : se faire fourrer profondément à l’intérieur de chacun d’eux par une grosse queue. Nos salopes soumettent leurs sublimes corps dévergondés aux façons les plus désagréables jamais filmées ». Le langage pour décrire les vidéos est cru et violent dont voici un petit florilège : « ces chiennes se font exploser la chatte et elles en redemandent », « cette salope va subir des doubles pénétrations qui la feront jouir comme une pute », « cette bonne blondasse aux gros nichons va se faire défoncer son petit cul serré avant de se faire cracher sur la gueule par trois bites rassasiées ».
Ces quelques exemples montrent parfaitement à quel point le Gonzo est fondamentalement violent et dégradant. Il renvoie plus que jamais la pornographie à sa signification originelle avec une succession de scènes se réduisant le plus souvent à des « passes » filmées où la femme n’est qu’un instrument, un objet au service des hommes. Son corps n’y est qu’orifices sur lesquels s’attardent les gros plans dans une traque effrénée du « vraiment » au service d’un réalisme toujours plus poussé à l’extrême. Ces orifices vont être montrés avec une précision chirurgicale à faire pâlir les reportages que l’on peut voir chaque jour en immersion au bloc opératoire dans le magazine de la santé sur France 5. Tout y est montré, y compris la préparation à la pénétration anale où l’on va filmer l’application d’un gel lubrifiant – ou à défaut, de salive – ou l’introduction de divers objets pour dilater l’anus. On filmera par la suite les femmes sodomisées qui devront effectuer une fellation dans la foulée et ce jusqu’à l’éjaculation, toujours visible, du sperme dans leur bouche qu’elles devront avaler, non sans en apporter la preuve en ouvrant grand la mâchoire. De la même manière, il va être donné à voir, en parallèle des scènes de sexe « banales », des petits « extras » comme l’exercice de la fessée, le tirage de cheveux en arrière ou encore la manie de tenir la tête de la femme lors de la fellation afin de cogner le pénis le plus profondément possible dans la gorge et donner à entendre les bruits sourds qui s’en dégagent.
On aura aussi le privilège d’observer les grimaces de dégoût ou de douleur ainsi que le maquillage qui coule à cause des larmes, ou encore d’entendre le bruit de l’étouffement d’une femme qui ne peut plus respirer et des soubresauts de vomissements à cause d’un sexe qui va trop loin. Cela ne procure aucun plaisir supplémentaire à l’homme à l’exception de l’humiliation de la femme. Dans le Gonzo, tout est prétexte à la monstration et tout est concentré sur le plaisir masculin.
- Erotisme et pornographie
À partir de tous ces éléments, nous pouvons désormais revenir à la question de départ à savoir la définition de la pornographie, de ses caractéristiques et, relativement au titre de cette section, en quoi la pornographie se différencie de l’érotisme.
- Les points communs
On a généralement tendance à croire que la seule différence qui existe entre ces deux types de représentation de la sexualité serait de l’ordre du « quantitatif ». Et que, contrairement à l’érotisme qui trouve sa force dans la suggestion, le porno ne se contenterait pas de suggérer l’acte et de leur montrer dans sa totalité à l’aide de gros plans. Là où dans l’érotisme, on montre une femme qui attend son partenaire, le désir ardemment et envisage la pénétration, celle du film pornographique se fait pénétrer. Ainsi, c’est essentiellement la présence des organes génitaux – et plus particulièrement celui de l’homme en érection qui plus est – et la monstration du va-et-vient dans le coït qui définirait le genre porno. À ce sujet, on tient à rappeler qu’il existe un genre tout à fait paradoxal qui mérite qu’on s’attarde dessus : celui de la pornographie japonaise.
Outre son penchant pour le bondage (la pratique de l’attache du corps par des liens), le voyeurisme et le hentaï (dessin animé/manga pornographique), celle-ci a la particularité de proposer exactement le même contenu observable dans le Gonzo, à savoir des scènes violentes de fellations, de pénétrations vaginales et anales ainsi que d’éjaculations, à l’exception près que l’essentiel de l’action – les organes génitaux – se trouve masqué par un flou digital. Ce qui n’arrange en rien notre affaire et ajouterais même de nouvelles interrogations : peut-on définir ce genre comme étant pornographique sachant que les organes génitaux, malgré de très gros plans, ne sont pas visibles mais où une scène explicitement sexuelle défile sous nos yeux ? Je laisse au lecteur le loisir d’y répondre. Quoi qu’il en soit, c’est exception japonaise montre à elles seules les limites d’une définition uniquement basée sur des différences quantitatives.
- Les divergences
Je pense, au contraire, que la véritable différence se situe dans le domaine du « qualitatif ». C’est d’ailleurs ce qui ressort des entretiens que j’ai pu effectuer puisque lorsque j’ai soulevé la question de la différence entre l’érotisme et la pornographie, les phrases les plus souvent prononcé faisaient référence à bien d’autres aspects que la vision explicite de la sexualité : « il n’y a pas de sentiment, pas de tendresse », « la femme est traitée comme un objet. Parfois, on a même l’impression que l’homme se masturbe en elle », « c’est toujours la même chose, il n’y a pas d’histoire », « c’est complètement irréel, l’homme bande pendant des heures et donne cinquante orgasmes à la femme », etc.
Ce n’est pas tant une question de voir une scène sexuelle qui interpelle, puisque le porno ne montre rien que nous ne sachions déjà, que la manière dont elle est représentée. Et que là où dans l’érotisme il y a une rencontre sexuelle avec tout ce que cela implique en termes de désir, frustration, d’attente ou de peur, la pornographie prétend montrer l’acte sexuel en tant que tel, indépendamment des différences subjectives qui jouent toujours un rôle important dans la rencontre. Là, il n’y a qu’une « rencontre » entre deux sexes où l’autre n’est qu’un objet à disposition. Ce qui compte, c’est uniquement le plaisir que l’on peut tirer de cette rencontre sans considérer le fait que cette dernière n’a jamais lieu et que l’acte sexuel qui se donne à voir n’est qu’une juxtaposition de corps, une mécanique de corps dont l’intérêt réside surtout dans sa technicité et son savoir-faire. Un présent perpétuel qui ne connaît ni passé ni futur et qui explique l’absence de récit. J.B. Root (prononcé « biroute »), un réalisateur phare du porno français nous résume assez bien le problème : « on fait des films pour que des gens se branlent en les voyant. C’est une consommation rapide où le spectateur est pressé et ne veut pas perdre son temps avec une histoire. Après, il y a ce qu’on appelle le porno haut de gamme où les scènes de sexe se trouvent enrobées d’un ersatz de fiction, généralement quelques scènes de comédie ». Cette monstration située hors-récit va enfermer celui qui voit ses images dans une vision de la sexualité où tout est réglé d’avance, où tout est automatique et où finalement personne ne va se demander si ce qu’il voit est ce qu’il désire vraiment.
Plus que rincer l’œil, le porno permet de le remplir jusqu’à débordement. Car, malgré quelques variations, les gestes se répètent à l’infini, les partenaires se multiplient et la succession des scènes reste toujours la même : fellation/pénétrations/éjaculation. C’est ce caractère répétitif de la pornographie qui a amené de nombreuses personnes à dire qu’elle est ennuyeuse ou triste. C’est sans compter sur un autre aspect qui est le sien, la contagion. Le porno est tellement contagieux qu’il amène le spectateur vers des tendances de plus en plus extrême. Très vite, on peut se rendre compte qu’il n’est pas difficile de passer outre ces préférences pour essayer d’autres pratiques. En ce sens, le porno peut aussi provoquer de la frustration envoyant toujours à plus de besoins comme nous l’explique Fabrice : « t’y vas juste pour te branler et tu finis par passer une heure devant ton ordi à mater je ne sais combien de vidéos. Tu finis par voir des trucs que jamais de la vie tu aurais été voir. Après tu te dis « ah ouais, quand même, c’est chaud ». Mais bon, t’as craché, c’est le principal. Et tu passes à autre chose ». Cela me fait penser à une analyse similaire ayant déjà été effectué dans le milieu de la publicité où l’on a pour habitude de provoquer un renversement dans l’ordre du besoin et de la satisfaction. Ce n’est plus « j’ai un besoin, je vais chercher l’objet de satisfaction qui correspond à ce besoin » mais plutôt « on me montre une chose et me dit que j’en ai besoin, je finis par croire que c’est le cas est donc je vais en faire mon objet de satisfaction ».
Transposé dans le cadre de notre étude, ce n’est plus le sujet qui se dirige vers l’objet de son désir mais l’objet qui vient s’imposer à lui. Et en allant vers l’objet avant même que le désir puisse surgir, cela entraîne une perte de désir. D’où l’hypothèse de M. Marzano selon laquelle le porno provoquerait « un épuisement du désir ». Un désir qui, selon moi, trouvera toujours le moyen de se frayer un chemin comme je t’entraîne le montrer lorsque j’aborderais la question du fantasme un chapitre subséquent. Ce qui est certain, c’est que la pornographie en a à vendre du désir et ce n’est pas pour rien que l’on dit qu’elle est l’industrie du fantasme. Non seulement, elle conduit à une réification des individus en morcelant le corps en parties de corps (bouche, langue, mains, pieds, fesses, anus, poitrine, pénis, vagin, etc.) ayant chacun un rôle particulier. Elle le fait en élaborant une catégorisation. C’est ce que l’on peut facilement observer en surfant sur un site dit X. Tout y est parfaitement organisé selon les parties du corps et les pratiques afin de se repérer facilement. Après tout, il n’y a pas que la SNCF qui a le monopole de l’ergonomie.
La classification première concerne le genre et l’orientation sexuelle en général en proposant bien entendu des catégories réservées aux personnes dites hétérosexuelles, le plus souvent en réduisant les individus à ce qui les identifiait sexuellement c’est-à-dire un pénis pour l’homme et un vagin ou une paire de seins pour figurer la femme. Par cette même occasion, le porno participe à la différence anatomique entre les sexes. Pourtant, paradoxalement, nous verrons apparaître une catégorie nommée « shemale » qui renvoie au genre transsexuel, et plus spécifiquement des hommes non-opérés des organes génitaux pour la plupart et qui conserve les caractéristiques anatomiques des deux sexes. À cela, nous pouvons ajouter les catégories dites homosexuelles : le porno lesbien et le porno gay. Mais la plus grande classification est consacrée aux femmes – ce qui paraît logique lorsqu’on sait que la pornographie est avant tout destinée aux hommes – et qui sera facilitée selon deux critères que sont les parties du corps et les caractéristiques globales de la femme.
Toujours dans l’optique d’une différenciation des sexes flagrante, nous trouverons des catégories spécifiques aux parties du corps les plus érotiquement symboliques comme les seins, les fesses et le vagin (épilé ou non).Dans la pornographie, il faut savoir que le gros est l’ami du bon. C’est ainsi que les « gros seins », « grosses fesses » cohabitent avec les « grandes queues ». Cependant, pour n’exclure personne, on trouvera également des catégories spécifiques aux « petits seins », « fesses plates » et même aux « anorexiques/corps squelettiques » et j’en passe (femmes bodybuildées, obèses, femmes enceintes, naines, etc.).
Enfin, pour le plus fétichiste d’entre nous, il existe des répertoires réservés aux « pieds », à la « lingerie chic » ou aux « godemichés ». Des parties de corps, nous passons aux caractéristiques globales. Parmi ces dernières, l’âge tient une place de choix. Des adolescentes aux grands-mères, il va s’agir de proposer depuis les filles les plus jeunes « légalement disponibles » aux femmes mûres c’est-à-dire à partir de 30 ans jusqu’à 50 ans et plus – communément appelées « couguars » (à la recherche d’une proie faible, en l’occurrence ici d’un jeune mâle inexpérimenté) ou « MILF » (pour « Mother I would Like to Fuck » qui signifie « Mère que je voudrais baiser »). Dans les deux cas, il s’agira de jouer sur le thème de l’initiation ou de la révélation avec pour la femme en question le rôle de la salope présentée comme une femme respectable qui montrerait facilement sa vraie nature et qui renvoie directement un clivage ancien de la femme que nous aborderons là encore dans une autre partie.
La combinaison des générations ouvre également sur le thème de l’inceste et parfois même de manière brutale avec l’apparition de liens de filiation (père, mère, fratrie et même grands-parents) qui reste malgré tout simulée. Car il faut savoir que bien qu’elle se veut transgressive, la pornographie c’est les limites qu’elle ne peut franchir. Malgré des légendes notamment sur l’existence de « snuffmovies », le viol, la mort et l’inceste restent chasse gardée. On serait tenté de dire « jusqu’à quand ? » tant d’autres catégories, qui hier encore pouvaient passer pour marginales ou interdites, font aujourd’hui parties des pratiques banales de la pornographie et que nous développerons dans le chapitre consacré à la perversion.
D’autres rubriques, du fait de la mondialisation qui s’impose, vont venir « importer » des vagins africains, des « poupées » russes et autres « bombes » latines. La catégorie reine de la mixité restant celle que l’on nomme « interracial » qui consiste, le plus souvent, en la rencontre d’une femme blanche avec un homme noir. Le racisme n’est jamais bien loin qu’il s’agisse, dans ce dernier cas, du légendaire « sexe gigantesque » attribué à l’homme noir ou encore de la « femme voilée »/ « beurette des cités » qui se trouveront, selon le scénario, soit outragées soit libérées en profitant de l’anonymat pour s’offrir.
Enfin, tel qu’il est signalé plus haut, nous trouverons des catégories spécifiques aux pratiques et notamment celles que l’on peut considérer comme perverses. C’est ainsi qu’aux côtés des éjaculations faciales, sodomies, doubles pénétrations, nous trouverons des catégories spécifiques au voyeurisme, à l’exhibitionnisme, au sadomasochisme, à la zoophilie ou au fétichisme. On voit bien que le corps sert à tous les usages et que l’on a affaire à un véritable « Rungis » du sexe à la carte. Cette capacité à morceler le corps, et notamment celui de la femme, ainsi dire à certaines personnes, en particulier le féminisme, que le porno entendait définir la féminité. Si elle construit la féminité, pourquoi ne construirait-elle pas aussi la masculinité ? Le porno se veut être une représentation exhaustive de ce qu’est une femme certes mais aussi surtout de ce qu’est un homme. Il repose sur des rôles stéréotypés qui remettraient en place d’une certaine façon un clivage traditionnel, une conception du sexe (des sexes) dont il est sûre qu’elle sera attrayante et notamment pour la gente masculine qui constituent la grande majorité de ses consommateurs.
Le porno produit un système où hommes et femmes ne sont que de polarités complémentaires : l’activité et la passivité, la domination et la soumission, un sujet pénétrant et un sujet pénétré. Un système sexuel que l’on peut même qualifier d’androcentrique tant les images entretiennent l’idée qu’il n’y a qu’un seul sexe et que l’autre (ou des parties de l’autre) n’a le droit d’être là que pour être exploité. Il faut admettre que le porno est structurellement machiste dans le sens où il flatte le désir de domination en rabaissant la femme. Cette dernière est clairement définie comme une salope, une chienne et une pute tel qu’on l’a mentionné plus haut dans le porno, on ne verra jamais un homme et une femme faire l’amour mais plutôt un homme exerçant son pouvoir sur une femme au travers de son instrument qui n’est autre que son sexe. Et ce pouvoir n’est jamais remis en question. L’acte sexuel dans le porno n’est pas une chose que l’on peut rater. L’homme dans le porno n’a jamais de pannes, il n’a jamais d’hésitation ou de doute quant aux gestes à faire, quant à ce qui lui plaît ou pourrait plaire à sa partenaire ou quant à ce qu’il peut ou non accomplir. L’éjaculation externe est l’ultime preuve de sa domination. C’est pour cette raison qu’elle doit être nécessairement visible et qu’il n’y a pas un film qui ne se termine par cette pratique qui est, paradoxalement, l’élément central de toute pornographie. D’ailleurs, dans le milieu, elle est communément appelée « money-shot » que l’on peut traduire par « scène qui vaut de l’argent ». L’éjaculation est présentée à la fois comme l’aboutissement systématiquement réussi du rapport sexuel mais surtout comme l’avilissement ultime de la femme puisqu’elle s’effectue la plupart du temps sur le visage, littéralement souillé. Elle renvoie aussi bien à la satisfaction de la femme, qui va définitivement figure la salope, à l’humiliation, en confirmant la domination de l’homme.
Conclusion chapitre I
Pour résumer, il est banal de séparer l’érotique du pornographique. L’un a exalté la sexualité, l’autre l’a dégradé. Il y a, dans la pornographie, trop de gros plans sur les organes génitaux, trop de sexuel et pas assez de tendresse. La femme n’y est présente qu’en tant que faire-valoir du pénis véritable étendard de la virilité pour un homme qui est en guerre. Le sexe n’est qu’un rapport de force où l’homme sort toujours vainqueur.
On peut se demander légitimement quels effets pourrait avoir ces images et notamment sur les jeunes qui, pour la grande majorité, n’ont que la pornographie comme référence en la matière de sexualité. De plus, si la quasi-totalité des consommateurs cherche à s’exciter, ce qui est moins évident, c’est la raison pour laquelle ces images excitent.
Dans le chapitre II, il nous est très intéressant de faire un rapprochement de la pornographie à l’éducation sexuelle. On va analyser la théorie sexuelle pornographique en étudiant l’éducation sexuelle des jeunes et adolescents.
Chapitre II. Rapprochement de la pornographie à l’éducation sexuelle
Depuis que Freud a postulé l’existence d’une sexualité infantile, l’idée qu’il existe vraiment a peu à peu fait son chemin pour être aujourd’hui généralement admise. Contrairement aux siècles passés, on accepte que l’enfant puisse se toucher le corps afin de prendre conscience de son fonctionnement et de son identité sexuelle. Pourtant on lui refuse l’accès à la pornographie alors qu’a priori il s’y dirigerait pour les mêmes raisons. Dans ce sens, on pourrait dire qu’il existe un décalage entre la sexualité réelle des jeunes et la volonté de les protéger de ces images puisque les limites imposées au porno – son interdiction aux mineurs – ne sont pas les mêmes que celles de la sexualité.
D’autant plus qu’en France, on est majeur sexuellement à 15 ans et donc qu’à partir de cet âge, on peut-théoriquement-tout faire sexuellement avec des partenaires consentants âgés eux aussi de 15 ans et plus. Pourquoi faudrait-il attendre 18 ans pour voir ces mêmes activités sur un écran ? Quel en serait le danger pour la jeunesse ? Voilà une des questions qui seront traitées dans ce chapitre II.
2.1. La théorie sexuelle pornographique
Cette volonté de contrôle peut paraître dérisoire tant l’espoir de maîtriser l’expression de la sexualité des jeunes semble vain. Il n’y a qu’à voir le nombre d’enquêtes indiquant que l’âge de la première exposition à du contenu pornographique se situe aux alentours de 10-11 ans, et ce, malgré le cryptage des chaînes et les innombrables contrôles d’accès à internet et autre systèmes de protection pour les enfants. Quel sens accorder à cette « protection mentale », et non physique, des jeunes dans ce contexte ? On pourrait se risquer à interpréter cette tentative de contrôle comme la substitution d’une morale religieuse révolue, et qui ne peut plus suffire à soutenir des restrictions de la sexualité en général et à la diffusion du porno en particulier, à une règle arbitraire – la protection des mineurs – qui tend à devenir l’argument le plus fréquemment mis en avant pour justifier le contrôle et l’interdiction de ces images aux moins de 18 ans. L’âge apparaît comme la dernière barrière chargée de contenir la pornographie qui marquerait « symboliquement » l’accès à des expériences sexuelles adultes. Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, cela semble assez paradoxal malgré tout puisque la sexualité des jeunes serait censée exister sans l’influence du porno alors que toutes les enquêtes démontrent que c’est plutôt l’inverse qui se passe à savoir qu’il n’existe pratiquement plus de sexualité qui ne soit influencée par ce qui constitue le plus fréquemment la seule initiation sexuelle possible.
2.2. L’éducation sexuelle ou l’autodidaxie
Bien avant l’apparition de la pornographie, Freud avait déjà soulevé l’importance d’une éducation sexuelle et plus encore sa nécessité pour des enfants à la curiosité naturelle en la matière et le refus systématique des parents à répondre à leur demande. C’est dans un court texte de 1907, sobrement intitulé « les explications sexuelles données aux enfants », qu’il fera part de son analyse sur la question. Il va commencer par reprendre les questions, qui sont comme vous pourrez le constater toujours d’actualité, qui lui ont été adressé par un certain Dr. Fürst : « Peut-on […] donner aux enfants des explications sur ce qui concerne la vie sexuelle ? À quel âge et de quelle manière cela peut-il être fait ? […] Que vise-t-on lorsque l’on veut cacher aux enfants – ou disons aux adolescents – de telles explications sur la vie sexuelle des êtres humains ? Craint-on d’éveiller précocement leur intérêt pour ces choses, avant qu’il ne s’éveille spontanément en eux ? […] Veut-on dire que les enfants ne montreraient aucun intérêt ou aucune compréhension pour les faits et les énigmes de la vie sexuelle, s’ils n’y étaient pas engagés par quelqu’un d’extérieur ? Croit-on possible que la connaissance qu’on leur refuse ne leur soit pas donnée d’une autre manière ? ». Freud va alors tenter d’y répondre en commençant par une nouvelle affirmation de la sexualité infantile et notamment d’un aspect qui nous concerne directement, la curiosité palpable des enfants. C’est alors qu’il va exprimer sa vision de ce qu’il considère comme nécessaire : l’éducation sexuelle. Avec toute modestie, je vais me permette d’emprunter la même méthodologie pour développer mon point de vue sur l’importance que peut représenter la pornographie mais aussi de ses possibles effets sur des sujets en pleine construction psychique.
On ne le répétera jamais assez mais l’un des principaux apports de Freud reste le postulat de l’existence d’une sexualité infantile. Dès son plus jeune âge, l’enfant met en œuvre une sexualité que l’on peut qualifier de pulsionnelle dans le sens où elle s’exerce aux travers des pulsions partielles – que nous développerons au cours du chapitre consacré aux perversions – c’est-à-dire par le biais d’activités sexuelles auto érotiques rattachées à des zones érogènes précises ou à des buts précis qui lui procurons du plaisir. À cet âge, il n’a pas encore les moyens d’accéder à la sexualité dite génitale si ce n’est à travers de l’activité fantasmatique ou de la pratique de la masturbation. On peut facilement comprendre en quoi l’organe génital est un objet partiel particulièrement investi. Il est à la fois d’origine génitale et de nature pulsionnelle. C’est pour cette raison que la masturbation et sans surprise est l’activité principale de la sexualité infantile. Elle se manifeste assez tôt par le simple fait de se toucher le sexe -souvent initié par la mère ou son substitut lors de la toilette ou de caresses innocentes – puis par l’action de se frotter jusqu’à la découverte de la répétition rythmique. C’est vers 9-10 ans que la majorité des enfants trouvent le geste « classique », et notamment le garçon avec le mouvement de va-et-vient du doigt (puis de la main) sur la longueur du pénis. Certains iront même jusqu’à préfigurer la relation sexuelle en se trémoussant à plat ventre sur un coussin ou un traversin. D’où, pour reprendre l’expression de G. Bonnet dans « défi à la pudeur : quand la pornographie devient l’initiation sexuelle des jeunes », l’importance des « bouées de sauvetage » que constituent les images pornographiques et qui arrivent à point nommé puisque non seulement elles vont proposer des représentations génitales de la sexualité adulte mais ces dernières vont venir alimenter la pratique de la masturbation assouvissant par la même occasion une tension génitale dérangeante. Car il faut savoir que dans l’impossibilité de pouvoir pratiquer une sexualité génitale dans la réalité, le jeune enfant va prendre du plaisir à visionner ces images qui lui permettent de fantasmer ce qui représente pour lui une pratique qu’il finira par faire en grandissant, mais aussi et surtout le simple fait de le voir lui procure du plaisir sous l’effet d’une pulsion que nous nommons la pulsion scopique (ou pulsion visuelle). Cette pulsion répond directement à l’un des aspects visibles de la sexualité de l’enfant qui est la curiosité sexuelle. Cette dernière, légitime, rend compte des préoccupations tant au niveau corporel qu’identitaire chez l’enfant. Ce dernier va observer et ressentir des choses qu’il ne pourra s’expliquer. D’où la question d’une éducation/information sexuelle qui provoque un vif débat.
Au-delà d’une sexualité infantile manifestée par des actes à proprement « sexuels », l’enfant va manifester une curiosité -que nous approfondirons plus loin – qui se manifeste par le désir de comprendre ce qu’il ressent et ce qu’il voit ou imagine. Confronté au refus de ses parents, pas très réceptifs au sujet de la sexualité, il va se tourner vers les enfants de son âge et commencer à les observer. L’intérêt va se déplacer et il va alors chercher le moyen d’entrer dans la «cour sexuelle des grands ». Il va chercher à connaître précisément son corps, qui se transforme sous l’effet de la puberté et qui génère de l’angoisse comme par exemple sur la notion de normalité (mon pénis est-il assez grand et gros ? Est-ce normal de se masturber autant de fois par jour ? Et de le faire en ayant ces images dans la tête ?), Ainsi que les techniques lors d’un rapport sexuel dans la perspective d’une utilisation personnelle future. Mais ils se trouvent bien esseulé car parler aux parents reste gênant et, pour conserver une image positive devant ses amis, ils ne partagent pas entre eux leurs doutes sur un éventuel manque. Les préoccupations sexuelles infantiles se manifestent tout au niveau des conduites (masturbation) qu’au niveau des questions posées par l’enfant.
L’éducation sexuelle médico-psychologique vise surtout à aider à la prévention des risques de santé (grossesses, MST) et accessoirement à favoriser l’émergence d’une sexualité harmonieuse. Globalement, l’éducation sexuelle vise à remplacer le langage du porno par un langage médico-psychologique.
Le porno vise par-dessus tout à stimuler l’excitation sexuelle, l’exercice de la masturbation et, nous le verrons plus loin, à entretenir les fantasmes.
On s’interroge beaucoup plus sur l’efficacité éducation sexuelle alors que c’est justement l’efficacité du porno à susciter des comportements sexuels qui pose problème. La vague de libéralisme médico-sexuel connaît actuellement une période de refus, surtout aux États-Unis, ou l’éducation sexuelle n’est tolérée que si elle vise au renforcement de l’abstinence préconjugale. Il y a même des associations « traditionalistes » qui ont considéré que les messages de prévention du VIH, visant à développer l’usage du préservatif notamment par sa mise à disposition gratuite, pouvait constituer une incitation des mineurs à la débauche.
Si la masturbation est devenue une sexualité « normale » de l’adolescent, les rapports sexuels restent toujours déconseillés tout en devenant possibles grâce à l’éducation de la contraception et du port du préservatif.
Pour certains, la censure du porno est néfaste pour les jeunes puisque cette dernière offrirait une information qu’on ne trouve nulle part ailleurs et permettrait l’expérimentation sans risque de maladie, de grossesse, ou d’échec qui rabaisserait l’estime de soi. Pourquoi faudrait-il « pathologiser » la curiosité des jeunes sur ces questions ?
Il est difficile pour les parents d’intervenir dans ce contexte de pornographisation de la culture. Comment contrôler l’accès à ces images ? Comment déjouer l’influence de ses amis ? Comment contrer l’éducation sexuelle pornographique ?
Pour G. Bonnet et S. Tisseron, « il faut éduquer » n’a pas la sexualité mais le regard de l’enfant en lui fournissant des explications sur le fonctionnement du porno et replacer les images dans leur contexte. Bonnet va jusqu’à prendre l’exemple d’un cas exhibitionniste qui sévissait près d’une école. Il a donc fallu fournir des explications sur le comportement de cet homme et notamment le fait qu’il était malade et non dangereux. Que par son geste, il souhaitait seulement attirer l’attention sur lui pour se réassurer et que la meilleure chose à faire était de l’ignorer (critique : il est difficile à croire que les enfants aient compris ce que l’exhibitionnisme implique.) Le problème est que les enfants et/ou les adolescents ne se sentent pas agressés, bien au contraire, ils recherchent ces images. Une curiosité qui contraste avec l’attitude choquée des adultes. Toujours selon eux, il faut parler de sexualité aux enfants. Il ne s’agit pas de leur raconter la sexualité, ce qui équivaudrait à une séduction déguisée, mais se rendre disponible aux questionnements qui peuvent se poser.
La sexualité ne s’apprend pas avec les parents mais elle est partagée avec ceux de son âge. Les expériences à l’adolescence doivent être considérées comme normales et même nécessaires pour appréhender son corps, les particularités de son désir et du rapport à l’autre. La pornographie est leur principal lieu d’information. Les jeunes sont toujours dans une grande solitude face à la sexualité. Il y a un déficit énorme d’information à ce sujet. Les jeunes ont surtout l’impression d’être envahis par des messages informatifs. Les jeunes posent des questions récurrentes au sujet de pratiques sexuelles (fellation ou sodomie par exemple) mais aussi sur l’orientation sexuelle (homosexualité et perversion). Les questions qui visent à déstabiliser l’adulte dans un premier temps mais qui sont souvent l’expression de demande de repères structurants (nb : cela peut être un lien avec la partie sur les modèles).
Le discours des adultes se présente sous 2 formes : religieux (institution de passage au mariage et à la procréation) ou médicale (prévention du danger des MST et de la contraception). L’action éducative ne se limiterait-elle pas aux aspects biologiques et médicaux de la sexualité ?
L’une des principales tâches de l’adulte (et de la civilisation en général) consiste à gérer la sexualité des jeunes. D’où la mise en question de la représentation de la sexualité que l’adulte renvoi car le porno est fait par des adultes jusqu’à dernières nouvelles. Une représentation d’un rapport entre deux sujets ou, comme semble le montrer le porno, un sujet qui est pris pour objet par un autre. L’adulte a pour fonction de transmettre un savoir sur le sexuel et le désir.
Qu’est-ce que l’éducation sexuelle ? Peut-on éduquer la sexualité ? La question de la sexualité en termes d’éducation soulève inévitablement une polémique (nb : moralisme, conditionnement ou séduction par les adultes).
L’éducation sexuelle n’est pas chose nouvelle. Le social a toujours cherché à organiser le sexuel. À partir du XIXe siècle, les médecins ont organisé l’intimité des sexes afin de rétablir l’ordre moral car ils jugent que les pulsions sexuelles sont responsables des maladies vénériennes (la syphilis notamment) et de la dégénérescence physique et morale de la nation qu’ils rendent responsable de la déroute de 1870. Ainsi, le sexe du collégien devient un objet privilégié et surveillé. La masturbation et l’homosexualité latente dans les internats vont devenir des hantises sociales. Comme le rapporte E. Bidaud dans « l’adolescent et la scène pornographique » : « le porno qui fait crise est la vérité […] sous laquelle sommeille un non-dit : le rapport du jeune à la masturbation. […] Il va se trouver harcelé par des parents qui guettent et redoutent l’acte sexuel d’un regard violeur man séducteur. […] L’adolescent devient un corps érotique surveille ». À cette époque, la sexualité légitime est celle qui unit les conjoints dans un amour au service de la procréation. Les médecins et les curés vont donc conseiller, informer et surtout éduquer la sexualité des plus jeunes (et des moins jeunes par la même occasion). Avec la révolution sexuelle, à la fin des années 1960, est venu la déculpabilisation du plaisir – d’où le célèbre slogan « jouir sans entrave » – et la permissivité sexuelle.
Actuellement, il y a une tragique absence d’éducation et d’information sexuelle. Aucune institution (famille, école, État, église) n’a pris en charge cette fonction. La culpabilité, au siècle dernier, était supposée faire fonction d’éducation sexuelle par le biais de la répression et du refoulement. Mais plus rien n’est interdit, sauf la pornographie. Les représentations relatives à la masturbation ont évolué du vice à la maladie puis à une activité naturelle, une expérience nécessaires à l’apprentissage de la sexualité. On observe un parcours parallèle de la pornographie. Est-ce que c’est le même destin qui l’attend ?
De nos jours, il s’agirait plutôt de la technique de l’autruche puisque l’on préfère ne rien dire, ne rien voir et se cacher derrière la mauvaise pornographie en l’interdisant. Les jeunes disposent enfin, au travers de sites X, d’une information/éducation sexuelle extrêmement documentée et facile d’accès. Il semblerait que l’auto éducation, l’autodidaxie sexuelle soit devenue la norme. En l’absence de discours clair des adultes, le sexe est devenu marché lucratif. On fait croire aux plus jeunes qu’il suffit de voir par le petit trou de la serrure des écrans pour connaître le sexuel. Toutes les enquêtes montrent que le porno constitue le vecteur quasi exclusif d’éducation sexuelle des jeunes qui ont ainsi pallié l’absence d’éducation sexuelle de la société. Ils ont reçu une éducation vidéo explicite et concrète.
Le nouveau paysage audiovisuel des jeunes oblige toutefois à penser une nouvelle forme d’éducation sexuelle. Les enfants ont accès de nos jours facilement au contenu pornographique qu’ils tombent dessus par hasard, qu’ils y soient initiés par des enfants de leur âge ou des plus grands, ou encore qu’ils recherchent volontairement, ce qui n’est pas difficile de nos jours entre le film trouver dans les cachettes de leurs parents (dans l’ordinateur familial), ce qui passent à la télévision, les images dans les revues et surtout les innombrables ressources sur internet.
L’intérêt pour le porno va grandissant car il procure une satisfaction immédiate tout en permettant d’acquérir une connaissance technique de la gestuelle adulte. Une gestuelle qui, contrairement aux générations passées qui se débrouillaient seules, sera utilisée avec moins de tâtonnement.
2.3. Le fantasme : un effet pervers du pornographique
Examinons tout d’abord, quelques précisions terminologiques : le terme « fantasme » a surtout été utilisé en psychanalyse. Freud a utilisé le mot « phantaisie » pour désigner plusieurs phénomènes dont l’équivalent en français serait : imagination, rêve éveillé, rêverie.
Dans leur vocabulaire de la psychanalyse, Lapanche et Pontalis propose la définition suivante du fantasme : « scénarios imaginaires ou le sujet est présent et qui figure, de façon plus ou moins déformée par processus défensif, l’accomplissement d’un désir inconscient ».
Le fantasme érotique éveillé est une représentation mentale plus ou moins imagée à contenu sexuel explicite ou symbolique qui s’accompagne d’une sensation de plaisir susceptible d’induire ou d’alimenter une excitation génitale. Il peut être spontané mais aussi volontaire (concentration pour faire naître ou maintenir une image). En fait, les fantasmes qui accompagnent les activités sexuelles sont souvent provoqués volontairement. Une sélection volontaire des images mentales jugées appropriées au désir est opérée. Certains fantasmes, porteur d’une grande force érogène, s’imprègne dans l’imaginaire à tel point qu’ils conservent au fil des ans toute leur vigueur.
Bien souvent, le fantasme manifeste -celui qui apparaît la conscience- est un déguisement d’un autre fantasme moins acceptable par le moi. On peut citer comme exemples : se relier à l’inceste, au sadisme et au masochisme, ou à l’envie de posséder les organes génitaux de l’autre sexe. Ces actes peuvent être refoulés de sorte qu’on n’en retrouve pratiquement aucune trace.
Dans bien des cas, les fantasmes chargés d’une forte culpabilité sont aménagés de telle sorte qu’ils deviennent tolérables par le moi. Ils sont astucieusement transformés tout en conservant leur valeur érogène. Ils peuvent être symbolisés (par l’intermédiaire d’un fétiche qui se substitue au désir), dépersonnalisés (où le sujet devient simple metteur en scène, qu’il fait jouer les différents rôles par d’autres personnes) ou inversés (un fantasme sadique caché derrière un fantasme masochiste). Toute une série de déguisement peuvent permettre aux fantasmes inconscients de franchir la barrière de la censure et du refoulement. C’est la lecture de l’article de Freud paru en 1919 « un enfants est battu » qui a permis de comprendre le phénomène de camouflages fantasmatiques. Freud commence en soulignant la fréquence des fantasmes conscients de l’enfant battu chez ses patients. Un fantasme est à caractère érotique dans la mesure où il est employé lors des activités masturbatoires. S’interrogeant sur l’origine dudit fantasme, Freud écarte l’hypothèse de l’expérience personnelle réelle puisque les individus sont rarement battus dans leur enfance.
Freud va dégager trois phases : (i) fantasme à caractère sadique « mon père bat un enfant haï par moi ». Le père qui n’aime pas cet autre enfant satisfait la jalousie. Toutefois, la culpabilité liée au sadisme et surtout son caractère incestueux produit une transformation. Renversement dans le contraire du sadisme en masochisme.
(ii) Le fantasme devient « je suis battu par mon père ». Être battu signifie être désiré par le père. Un fantasme trop menaçant par sa composante incestueuse et qui demeure inconscient.
(iii) Un fantasme dépersonnalisé, plus tolérable par le moi « un enfant est battu ». Fantasme qui sera introduit dans la conscience et qui deviendra érogène. La personne qui bat devenant le substitut du père.
Le fantasme ainsi haï reste sadique mais le déguisement de sa composante incestueuse le rend désormais acceptable. Ce qui excite en surface c’est l’enfant battu. Ce qui excite en profondeur, c’est le fantasme d’être puni (masochisme) et le désir incestueux d’être aimé par le père. Le sadisme se trouve dépersonnalisé et devient tolérable : ce n’est plus le père. Quant au masochisme, massivement refoulé dans la deuxième phase, il est masqué par le sadisme. Désir masochiste par identification à l’enfant battu.
Les fantasmes sadiques génèrent de forte culpabilité car ils sont associés au mal, à la haine et s’oppose à l’amour, à l’attachement affectif. Freud a peut-être raison lorsqu’il parle de l’existence d’une pulsion de mort, une pulsion du retour à l’inorganique qui reste inconsciente chez le plus par des individus.
En ce qui concerne la métamorphose que subissent les fantasmes infantiles : les désirs qui menacent l’intégrité du moi et qui sont incompatibles avec le surmoi vont être évacués de la conscience ou s’infiltrer anonymement dans les scénarios fantasmatiques. Statistiquement, certains fantasmes sont plus fréquents que d’autres dans nos sociétés occidentales.
Quels sont les significations conscientes et inconscientes de ses fantasmes partagés par un grand nombre de personnes ? Le fantasme du coït est probablement le plus universel. Toutefois, il renvoie à plusieurs significations. Il peut être associé à la reproduction (la fusion) tout comme à la domination phallique, à la soumission.
Les désirs inacceptables par le surmoi en formation seront refoulés parmi d’autres secrets. Une partie de la spontanéité de l’enfant s’envolera. La période de latence serait davantage une période de dissimulation qu’un véritable déclin de la sexualité infantile. D’ailleurs, les pratiques masturbatoire ont tendance à s’intensifier lors de cette période. De nombreuses personnes, avec qui je me suis entretenu, se souvenaient s’être masturbées entre huit et douze ans. En revanche, quand je leur demandais de me décrire les pensées ou images accompagnant leurs activités masturbatoires d’alors, leurs souvenirs étaient beaucoup moins clairs. Les contenus fantasmatiques se limitaient à des impressions diffuses. À la puberté, dans les fantasmes masturbatoire, les scénarios imaginaires sont construits de façon anarchique : les images mentales défilent, s’entrecoupent et sont pratiquement étrangères les unes des autres. Certains individus n’ont pratiquement pas de fantasmes et ce même lors de leurs masturbations. Celles-ci prennent forme à travers d’autres sources de stimulation comme la vue.
L’imaginaire offre plus de possibilités que la réalité. Une des fonctions de l’imaginaire n’est-elle pas de compenser les insuffisances du réel ? Il semble plus symptomatique de bloquer tout fantasme que de laisser errer l’imaginaire sans censure (qui équivaut à une fuite névrotique de la réalité). Pour Freud, « les gens heureux n’ont pas de fantasmes ». Les personnes heureuses, pleinement satisfaites de leur vie sexuelle, ont moins besoin de recourir à l’imaginaire que les autres. Mais un réel sans imaginaire ne vaut guère mieux qu’un imaginaire sans réalité. L’individu épanoui sexuellement est capable d’harmoniser les deux réseaux tout en évitant d’enfreindre les lois, de causer du tort à autrui et mettre en péril son équilibre psychique.
En effet, l’absence relative de discernement risque de provoquer une dépendance. Les principales études sur les effets de l’exposition à la pornographie débouchent sur de modèles scientifiques :
- Le premier, l’apprentissage, pris en exemple par les opposants du porno, soutient que l’exposition au porno, dans des conditions expérimentales, a pu conduire certains sujets à légitimer (ou commettre) des agressions sexuelles. On parle aussi de phénomènes d’imitation ou d’habituation avec pour effet une diminution de la sensibilité à la violence sexuelle contre les femmes ainsi que la banalisation de certains comportements qui conduit à la recherche de contenu toujours plus extrême. Ce qui renforce encore plus la thèse de l’apprentissage c’est que, si les agressions ont toujours existé, aujourd’hui elles sont souvent liées aux images de la nouvelle pornographie à savoir la sexualité à plusieurs (micro phénomène des « tournantes » ayant fait l’actualité, les fellations ou pénétrations à la chaîne) souvent filmé comme un trophée ;
- Le second, appelé celui de la catharsis (phénomène de libération des passions), stipule au contraire que la vision de contenu pornographique permet la réduction des pulsions agressives comme pourrait l’être le sport collectif ou de combat pour des enfants hyperactifs ou violents. En tant que catharsis, le porno permettrait l’élaboration de fantasmes et la réalisation de comportements n’ayant plus besoin de prendre corps dans la réalité.
La banalisation de la fellation, de la sodomie ou d’autres comportements chez certains jeunes révèlent les effets d’une éducation uniquement faite par le porno. Le rôle central joué par le porno dans les actes sexuels des jeunes ne peut pas être interprété uniquement comme un simple éveille sexuel adolescent. On peut prendre par exemple les questions posées au cours de l’éducation à la sexualité – sous couvert d’anonymat – qui ont été rapporté par un professeur : « est-on obligé de faire les trois trous la première fois ? », « Je peux attraper une affection en enchaînant sodomie et fellation ? », « Comment on fait pour devenir acteur de films de cul ? », « Qu’est-ce que je dois dire ma copine pour qu’elle accepte tout ce que je lui faire pour interrogation par exemple, elles refusent que je lui éjacule dans la figure. Je dois lui dire quoi ? ». Ces questions mettent en lumière l’usage des images pornos à titre de modèles. Difficulté de distinguer la réalité de la fiction car le porno se présente comme ce qui serait la réalité de la sexualité, facilitant ainsi la banalisation (généralisation) des comportements qu’ils sont associés.
Dissociation de l’amour et de la sexualité, en donnant une représentation fausse de la sexualité qui amène à dissocier sentiment et sexualité. Les jeunes ne font pas que consommer des images excitantes, ils intègrent également une vision des relations sexuelles, une conception des rapports entre hommes et femmes basées sur le rabaissement de cette dernière au profit de la domination de l’homme.
- Ogien, dans « penser la pornographie», rappelle que : « on peut exclure le danger physique […]. Aucun jeune, je suppose, ne s’y retrouver aux urgences après avoir vu un film pornographique (à moins d’avoir essayé de l’avaler !) ». Sans prétendre que le porno modélise complètement la sexualité, il est difficile d’imaginer que les jeunes, dont l’âge moyen de consommation diminue de plus en plus, ne soient pas influencés d’une manière ou d’une autre par ces images.
Malgré leur conscience de la présence d’un rapport de domination entre les sexes dans le porno (cf. clinique de M. Marzano dans « Alice au pays du porno »), les jeunes prétendent que ce dernier n’influence pas leurs relations avec l’autre sexe. Pourtant, il déclare également que le porno influence leur vie sexuelle (nb : ils seraient donc capable de filtrer l’information ?).
Le visionnage précoce de scènes sexuelles risque de court-circuiter la mise en place de la sexualité génitale en l’enfermant dans des schémas tous faits. On peut dire que les enfants sont des acteurs pornos en puissance. On peut très bien le voir dans le jeu ou il mime très bien le rapport sexuel avec un plaisir à la clé (exemple : jeux du papa et la maman ou du docteur). La vision du X constitue toujours une épreuve (un passage, un rite d’initiation) pour un sujet en cours de maturation.
Il est légitime de s’interroger sur l’effet de ces images sur un psychisme en formation. Des images où ils puiseront un dynamisme, une capacité de relation dans la sexualité. Les images pornographiques vont venir parasiter, par leur aspect mécanique et artificiel, les souvenirs des premières relations. C’est le défaut de toute éducation sexuelle fondée sur les images et sur des descriptions anatomiques qui donnent une image superficielle de la chose sexuelle mais nécessaire à la connaissance de son corps.
Le contact précoce et répété avec la sexualité des adultes via le porno est à l’origine de nombreux comportements sexuels chez les jeunes. Il inspire et influence les pratiques sexuelles. On note aussi une absence de gradation et tout se mélange (sexe oral, baiser, rapport vaginal et anal). Certains ados parlent très librement et très crûment de leur sexualité.
Victimes de leurs représentations stéréotypées et surtout idéalistes de la sexualité, les adolescents se trouvent aussi bien fascinés qu’angoissés par ces images. Les filles comme les garçons ne sachant plus s’ils sont capables de satisfaire leurs partenaires. La barre pornographique est souvent trop élevée. En l’absence d’autres informations, ces jeunes sont fondés à croire que la sexualité est ce qui se voit dans ces films, c’est-à-dire un rituel absolument désaffectivé où le corps, bien souvent de la femme, est réduit à un instrument de jouissance. Ils en parlent avec un tel détachement. Les webcams fleurissent dans les chambres et des vidéos prises avec des Smartphones ont inondé le Web et les cours d’école. Comme si le sexe (et le désir) doit s’exposer pour retrouver un certain l’attrait. Ces jeunes sont-ils perturbés pour autant ? Non, bien sûr. Certains vont jusqu’à dire que l’enfant qui aura vu de telles images pourrait présenter les mêmes symptômes qu’un enfant victime d’un abus sexuel réel. Cette idée est fausse et dangereuse. Pour la plupart, l’effet traumatisant et catalysant sera nul ou léger, et ils y reviendront occasionnellement. Est-ce qu’il n’y a aucun effet pour autant ? Ce qu’ils ont vu pèse toujours sur leur conception de la sexualité et des rapports entre les sexes car ces images de la sexualité adulte ont laissé entendre que la pulsion peut être satisfaite et que l’autre peut être consommé. Ils vont banaliser ce qu’ils ont vu et la frontière entre « le normal et l’anormal » deviendra encore plus incertaine. À travers cet apprentissage pornographique, les jeunes apprennent à dissocier les affects et l’excitation sexuelle.
La confrontation très tôt aux images de la sexualité risque de compliquer l’épanouissement sexuel des adolescents car quand on croit avoir le mode d’emploi, on ne cherche plus à découvrir nos attentes, nos désirs ni ceux de notre partenaire. La vulgarisation (le porno) est utile, elle informe mais on ne sait plus ce qu’il reste de la part subjective et fantasmatique.
L’adolescence est une période marquée par la recherche de modèles identificatoires, surtout en matière de sexualité. La pornographie pose du problème car cela incite les jeunes à reproduire des actes sexuels adultes.
Les lieux de prostitutions, appelés couramment bordels, furent des lieux d’initiation pour les jeunes mâles. Les jeunes subissent les stéréotypes et y adhèrent fortement pour pouvoir se différencier. Si un siècle auparavant, les différences entre hommes et femmes étaient évidentes, marquées, organisées dans la société, maintenant, tout tend à la mixité et à égalité. Certains jeunes (et moins jeunes) ont besoin de modèles et de codes plus nets.
Les rôles sociaux sont moins rigides, ce qui constitue un changement positif pour la plupart des gens mais qui représente une difficulté pour d’autres qui n’ont plus de modèle de référence. Pendant l’enfance, les enfants vont « jouer » à de drôles de jeux très excitants où ils vont tenir des rôles et par là, avec leurs moyens d’enfants, ils vont chercher à comprendre la sexualité, leur corps ainsi que la place qui leur appartient. Ces jeux sont souvent appelés « le papa et la maman » ou encore « le docteur ».
À l’adolescence tout se complique car il va falloir clairement « choisir un camp » afin de construire son identité. Le garçon va peu à peu apprendre à rejeter le féminin en lui, considéré comme faible, et à se diriger vers le masculin quitte à se fabriquer une armure pour s’en défendre notamment en exprimant du mépris ou en rabaissant les femmes. Il va avoir besoin de pouvoir s’identifier à un homme-actif-pénétrant à qui il a envie de ressembler parce qu’il représente pour lui les critères de masculinité. C’est avec ce modèle qu’il va s’approprier sa virilité dans ce qu’elle renvoie : la puissance, le pouvoir, l’action, etc.
En règle générale, l’ado est à la recherche de modèles identificatoires et surtout au sujet des pratiques sexuelles. Les schémas offerts par le porno sont simples, directs, aux recettes infaillibles auquel il fera aveuglément confiance. De toutes époques, les adolescents ont eu besoin de passer par des comportements de ce type afin de se construire psychiquement. Avant le cinéma (le porno, l’érotisme et les films en général), il y a eu les images de magazines ou du dictionnaire (image et définition). On trouve beaucoup de situations de voyeurisme dans la littérature. Ces images sont conforment à certains idéaux.
Les approches adultes laissent les jeunes insatisfaits et sans réponse face à l’énigme du sexuel à savoir : qu’est-ce qu’un homme ? Que veut une femme ? (nb : Nous avons vu dans le premier chapitre que la pornographie est une réponse claire à ce sujet). En effet, les images qu’ils présentent diffèrent des images du sexe exhibé dans le porno. Un jeune m’a dit qu’il avait appris « à faire l’amour en regardant des films de cul, comme tout le monde ! ». Il ne suffit pas de voir pour imiter, il faut adopter cette image comme modèle, ce qui est souvent le cas du porno à l’adolescence. Une tentation d’imitation d’autant plus grande que les rites de passages qui marquaient la transition de l’enfance à l’âge adulte ont disparu.
Les adultes restent un modèle et c’est autour de leurs performances « supposées » que les idéaux s’organisent puisant dans les images pornos ce qu’ils pensent être la norme en termes de puissance, d’endurance, etc. Le domaine sur lequel ces images ont une influence sur le comportement, c’est la sexualité des adolescents. Parce qu’ils cherchent des modèles pour aborder l’autre sexe, des modèles qui auront d’autant plus de force dans la mesure où ils sont élus en rituel d’appartenance pour les hommes (nb : un passage à l’acte ou un passage par l’acte ?). Le porno peut leur apporter ce qu’il cherche car d’une part la jouissance est toujours au rendez-vous et que la différence des sexes y est clairement établie.
Enfants comme adultes projettent sur l’autre tout ce qu’il ressent comme faible. Aujourd’hui, chez certains hommes, c’est leur part féminine qui est projetée. Pour cela, ils malmènent les femmes dans leurs conduites sexuelles le plus souvent. D’où le danger d’ajouter de l’huile sur le feu en leur donnant à voir des images de la sexualité dans lesquelles une femme se trouve humiliée et contrainte d’accomplir des gestes, contre sa volonté, et de le présenter comme un plaisir à le faire.
Le fantasme fonctionne en circuit fermé, il se suffit à lui-même. Contrairement au réel, le fantasme est rarement décevant. Le sujet fantasmant pourra refaçonner à sa guise les séquences qu’il juge insuffisamment excitantes ou trop parasitées. Mais le fantasme s’use, lui aussi. Une même image peut s’affadir, s’atténuer, si elle est trop souvent évoquée. Si le thème central peut rester le même, les personnages et le contexte peuvent être modifiés. Les fabricants de matériels porno savent cela depuis longtemps et ne cessent de proposer de nouveaux scénarios susceptibles d’être récupérés sur le plan fantasmatique. Si Éros a soif de nouveauté, il a besoin aussi de la répétition. Ainsi le fantasme peut changer dans sa forme même si le fond reste le même. La nouveauté introduite dans le scénario facilite la répétition. Par exemple, un homme qui visionne un nouveau film X aura tendance à récupérer seulement les séquences qui correspondent à ses fantasmes centraux. La répétition est recherchée sous ce nouvel emballage. La répétition est une fonction sécurisante. En répétant des scénarios fantasmatiques, l’individu renforce son identité. Si la nouveauté active le désir, c’est la répétition qui maintient le mode d’érotisation privilégiée.
De cette production est conscientisée ce que le moi peux tolérer. Celles qui engendrent trop de culpabilité, qui risquent de perturber l’équilibre psychique et de devenir trop dérangeantes, sont chassées de la conscience. L’inconscient devient ainsi le repère des désirs réprimés et refoulés. Ce qui émerge peut même être à l’opposé du désir inconscient, déguisés. Mais c’est dans le réel qu’il est le plus freiné (les conduites sexuelles réelles ne représentant qu’une modeste fraction du désir). En 1915, Freud postule l’existence de fantasmes originaires inconscients (scène primitive, séduction, castration).
Dans le chapitre qui suit, nous allons démontrer la signification du sexe comme bouclier. Dans un premier temps, nous allons discuter de la démonstration phallique et son effet psychologique. Puis dans un deuxième temps, nous allons voir le rabaissement pornographique. Mais nous verrons également la fragilité identitaire de l’homme.
Chapitre III. Le sexe pour bouclier
3.1. La démonstration phallique et son effet psychologique
La petite fille découvre sa propre activité phallique, la masturbation au niveau du clitoris, tout d’abord sans fantasmes. Il est possible que l’onanisme de la fille soit plus rare et moins énergique que celui du garçon début. Par les images, le Dieu phallus dévore ses enfants. Dans l’inconscient collectif, le phallus représente depuis toujours la référence dominante. Et on retrouve cette chosification ancienne dans les images phalliques dans les inscriptions paléolithiques, les monuments sous forme de phallus, dans les rêves (symbolisme transparent de Freud comme l’épée, le chapeau, le cigare, etc.) ou les graffitis des jeunes (obscènes).
Les enfants ne croient que ce qu’ils voient et partagent les individus en 2 catégories : possesseurs du pénis-phallus (garçons) et celles qui ne l’ont pas (filles). La vision directe de la sexualité au travers de la pornographie encourage cette façon de considérer les choses. Le jeune voit la rencontre entre un sujet masculin et un sujet féminin, c’est-à-dire un être qui possède le pénis et un autre qui ne l’a pas. Cette représentation phallique des sexes risque de compromettre l’accès à la différence sexuelle.
Une vision fascinante est trompeuse : chez la majorité des personnes, la vision des organes génitaux et des seins provoquent une excitation intense (surtout à l’adolescence dans une proportion à jamais égalée). Le problème est que beaucoup de jeunes font cette expérience en visionnant des images pornographiques. Fascination par la vision du sexe féminin (objet chosifié, à distance, emballé dans des schémas artificiels, pervertis) qui risque de conditionner pour longtemps ses comportements sexuels ultérieurs. Excité de voir ce qui le fascine autant de fois qu’il le veut, et surtout, un objet habituellement caché (considéré comme interdit) qu’il peut voir seul sans son monde isolé. Le sexe féminin habituellement invisible. Postures pour voir toujours plus et sous toutes les coutures.
Freud parle de pulsion du voir où le sexe puis le corps entier, est le point de départ de la sublimation. Pour que la vision émerge de la fascination pour le sexe, Freud estime qu’il faut étendre l’intérêt au corps tout entier. C’est à ce propos qu’il parle de sublimation. Faire suivre au regard une trajectoire analogue à celui du narcissisme. Partir de l’amour que l’on porte au sexe pour l’étendre à toute la personne en investissant d’autres vecteurs que la simple vision.
« Ça m’excite » : Vision porno culmine avec une masturbation, un retour sur son propre sexe. On se sert de la projection des organes sexuels de la femme pour faire vibrer le sien.
À l’adolescence, on observe un affrontement avec la féminité et son pouvoir sur l’érection (« chauffe-moi sale pute ! »). Face au pouvoir de celle qui anime son membre, le garçon n’a qu’un seul pouvoir à opposer : la puissance phallique. Le plus souvent, c’est en bande qu’il affronte la putain. Face à l’autre sexe, il risque de se complaire dans une forme d’auto érotisme phallique où la vénération de l’érection risque de masquer le reste. Pour l’homme, la jouissance libertine valorise surtout sa propre puissance phallique. Valorisation sociale du phallus, pour ne pas dire le culte du phallus, peut expliquer en grande partie cette fascination.
L’homme viril cherche une femme désirable : hommes et femmes ont besoin d’être rassurés sur leur identité de genre. L’homme essaie de se convaincre et de démontrer aux autres qu’il est suffisamment masculin ; la femme fait de même avec sa féminité. En affirmant sa virilité, son agressivité phallique pour ce qui est des hommes ; en mettant en relief sa désirabilité corporelle pour ce qui est des femmes. L’homme est plus vulnérable que la femme dans son identité de genre et l’amène à investir la sexualité. Une libido exacerbée est bien souvent une formation défensive (une surcompensation) visant à enrayer les insécurités inhérentes à son identité masculine. L’homme veut prouver qu’il est vraiment masculin par des exploits phalliques de toutes sortes dans la réalité, mais ses plus grands exploits, il les vit surtout dans ses constructions fantasmatiques : l’imaginaire étant le royaume de l’illusion. Dans son imaginaire, il ébauche des scénarios où il affirme sa puissance virile. Tous ces fantasmes ont la même visée : donner à l’homme l’illusion qu’il est bien ancré dans sa masculinité, dans son hétérosexualité. Les femmes, quant à elles, rapportent surtout des fantasmes où elles sont fortement désirées. Pas seulement pour confirmer son identité féminine, mais cela a aussi une fonction narcississante (« je suis désirable, donc les autres m’aiment et je peux m’aimer »). Être désirée, c’est détenir un certain pouvoir sur l’homme. Dans sa recherche du désir de l’autre, la femme peut être très active. Les tendances « exhibitionnistes » attribuées aux femmes ne sont au fond que l’expression de ce besoin d’être vues et désirées.
Chez l’homme, le fantasme coïtal (de scène primitive) est principalement lié à l’affirmation de la puissance phallique, de la pénétration alors que chez la femme, il renvoie plutôt au désir d’être remplie, de fusionner. La position cavalière (lorsque la femme est assise sur l’homme) est reliée à un désir de domination. Les femmes qui rivalisent avec les hommes pour la puissance phallique ont tendance à valoriser cette position dans la réalité.
Chez l’homme, le fantasme de fellation et d’éjaculation (dans la bouche, sur le visage ou sur le corps de la femme) peut combler un besoin d’affirmation de puissance phallique, une impression de dominer la femme. La pénétration buccale peut signifier l’assujettissement total de la femme. Il peut aussi traduire un désir de passivité. Des doutes sur leur capacité coïtale ont tendance à surinvestir la fellation. La crainte de ne pas être capable de pénétrer, d’être dévirilisé par la femme lors d’un coït constitue des interférences. La bouche devient un substitut non menaçant du vagin.
Chez la femme, le fantasme de fellation peut traduire un besoin narcissique à être considérée comme bonne amante. Mais c’est aussi une façon d’avoir un pouvoir sur l’homme, de le dominer. Les femmes sont excitées surtout si elles peuvent faire languir leurs partenaires et contrôler son excitation. C’est l’Illusion d’incorporer la puissance phallique. Le succès du film « gorge profonde » est dû en grande partie à l’exploitation de ce thème. Les sites pornos sur Internet réservent d’ailleurs toujours une rubrique sur la fellation. Mais le pénis peut aussi symboliser le sein maternel sécurisant. De la même manière, par la fellation, la femme peut satisfaire un besoin masochiste d’être humiliée.
Les filles à fortes poitrines ont tendance à être plus convoitées que les autres par les adolescents. Elles peuvent avoir l’impression de n’intéresser les garçons qu’à cause de leur poitrine. Certaines, d’ailleurs, se servent du pouvoir que leur confèrent leurs seins dans l’espoir d’être aimées. D’autres, afin de ne pas être réduites à de simples objets sexuels, préfèrent masquer leur forme en portant des vêtements amples. En comparaison, la femme adulte n’hésitera pas à mettre ses formes féminines en évidence. Être l’objet de convoitise lui permettra de consolider son estime de soi (son narcissisme).
De la même manière, les hommes (ainsi que les femmes) accordent de l’importance à la grosseur du pénis. Le pénis en érection a depuis toujours été un symbole de virilité, de puissance, de domination, d’agressivité. Le phallus désigne d’ailleurs cette représentation figurée de l’organe mâle. Si la grosseur du pénis n’a pas grand-chose à voir avec la puissance réelle, de nombreuses personnes établissent une corrélation positive : plus le pénis est gros et plus la puissance phallique de l’homme passe pour être grande. Il possède une valeur narcissique notamment pour certaines femmes avec l’illusion d’être suffisamment attirantes pour le séduire. De plus, le désir de s’approprier la puissance phallique y est associé.
Comment l’homme deviendra-t-il masculin ? Il devra trouver un modèle identificatoire masculin et devra intérioriser les stéréotypes de la masculinité qui prévalent dans sa culture. Ce qui le distinguera, c’est sa capacité à déployer de l’agressivité phallique qui renvoie à l’ensemble des fantasmes et conduite manifeste visant à démontrer la puissance masculine et à imposer une domination. Sa préoccupation principale sera d’être suffisamment « masculin » tandis que sa crainte prédominante consistera à être dépossédée de sa masculinité. Un sentiment qui aura des répercussions sur ses relations avec la femme et sur sa sexualité. Il ne suffit pas de posséder les caractères mâles pour être masculin. On est mâle mais on devient masculin. L’homme essaie, par diverses manières, de convaincre et faire croire aux autres qu’il est masculin : par sa force musculaire, ses exploits physiques, son apparence, le choix d’amitié, etc. mais le lieu par excellence pour affirmer sa masculinité est la sexualité. Pour l’homme hétérosexuel, la capacité de pénétrer une femme et d’éjaculer constitue une sorte de consécration de sa masculinité. La perte de cette capacité coïtale entraîne habituellement une fracture majeure à l’identité masculine. L’homme masculin se distingue fondamentalement de la femme par sa propension à être un sujet désirant et pénétrant. L’homme désire et la femme cherche à être désirée ; l’homme pénètre et la femme est pénétrée. Cela renvoie à la complémentarité des sexes.
Parlant du fantasme masculin qui ne supporte la différence qu’à la condition de gommer l’altérité, il y a sans doute la marque d’une sexualité dont la fabrication est essentiellement masculine. La jouissance se montre depuis le point de vue masculin et surtout depuis la domination masculine. Jouir donc, mais de quelle jouissance ? Une jouissance orgastique, une jouissance d’organes. La masculinité qui s’affiche peut donner à penser qu’il s’agit encore et toujours que du plaisir des hommes. Dans les films, on s’attarde sur le moment de « l’éjac’ », comme disent les pros, et de l’effet qu’elle produit sur les femmes. Il les inonde et active la jouissance amorcée dès l’érection du membre viril. C’est l’orientation phallocratique. L’orgasme, dans la caricature pornographique, est surtout l’éjaculation : éjaculer fort est loin qui fait penser au concours enfantins de qui fera pipi le plus loin et le plus longtemps. De l’urine au sperme, on conserve ce souci de performance. Savoir lequel possède le sexe le plus long, le membre le plus vigoureux et donc le pouvoir le plus effectif (un pouvoir phallique).
Un an après la tête de la méduse, Freud va élaborer le stade phallique génital en tant que stade de la sexualité génitale infantile (organisé par le complexe de castration). Il théorise le primat du phallus comme organisateur du désir.
Pour Lacan, le phallus est le représentant inconscient de la différence des sexes comme signifiant du manque ouvrant sur la structure du désir. Pour l’homme, la femme est le phallus car elle est la cause de son désir (et détient le secret de son érection). La femme trouve chez l’homme, non pas le phallus mais la médiation pour l’avoir (l’enfant).
Devenir féminin est un acte de renoncement. L’envie du pénis est le moteur du changement d’objet. « Elle l’a vu, elle sait qu’elle ne l’a pas et veut l’avoir ». C’est donc la dimension du visuel qui détermine le désir. La phase phallique (l’envie du pénis) ouvre pour la fille l’accès au complexe d’Œdipe. La femme démunie du phallus vise à se l’approprier par l’autre. Un désir d’appropriation qui ouvre sur l’altérité de la rencontre sexuelle. L’envie du pénis se trouve au service d’Éros (dynamique de changement de sexe et d’objet d’amour). La libido phallique est ce qui provoque la rencontre.
Hommes et femmes, que veulent-ils ? L’un est pour l’autre une énigme qui suscite effroi et désir. La différence des sexes sépare autant qu’elle attire. Freud demandait : « que veut la femme ? », « Ce qu’elle n’a pas », aurait-il répondu. Tout être désigne son manque à l’autre et chacun sert de figure du manque à l’autre. Que veut l’homme ? Combler la mère, modèle de la femme, source de toute jouissance dont il serait le maître, le seul vœu. Il veut se prendre pour le phallus qui reste symbole de puissance. Que veut la femme ? Être la mère, la seule, être tout pour le père, capter son désir derrière lequel elle entrevoit le phallus.
La dimension de son sexe, sa capacité d’érection rassurent l’homme sur sa puissance mais celle-ci n’est réellement mise à l’épreuve que dans la confrontation avec la femme. C’est elle qui lui dit qu’il est un homme, qu’elle reconnaît comme tel. Les femmes sont consciences de ce qui est en jeu pour leurs partenaires et peuvent simuler un plaisir qu’elles n’éprouvent pas. La femme, quant à elle, a besoin d’être rassurée sur son pouvoir de séduction, d’être regardée, désirée, de provoquer l’érection. Celui qui la regarde et la fait jouir, la fait femme.
Il n’y a pas de possible jouissance qui serait sexuelle. En ce sens, il reste de la jouissance d’organes ou, selon Lacan, une jouissance de l’organe : une jouissance phallique. L’homme ne jouit pas de la femme mais de la seule jouissance phallique. Il n’y a pas d’autre jouissance que la jouissance phallique. Tenter une lecture de Lacan reste difficile, c’est un discours saccadé et même si l’on trouve des liens logiques, on peut se perdre facilement dans ce foisonnement de signifiant. Mais, on a compris que l’homme jouit de son organe et ne rencontrent jamais la femme. L’homme est réuni dans son pénis, le phallus qui le résumerait.
Le phallus est un leurre excellent, une illusion excellente, entretenu par les hommes qui en tiennent le discours mais qui joue dans l’imaginaire. Le phallus a immédiatement une signification érotique. L’homme est le phallus dont la nature a doté et qui lui confère un rôle actif et pénétrant. La femme quant à elle, en possédant le vagin, est rendue passive et pénétrée. Voilà comment le pénis, dans sa capacité à s’ériger et pénétrer, devient aussi un phallus. Soit une arme symbolique très puissante utilisée par toutes les sociétés pour organiser la domination des hommes-actifs-pénétrants sur les femmes-passives-pénétrées.
Pour que ce pénis mérite son élévation au grade de phallus, bâton tout-puissant, arme absolue de domination, il doit bander pour pénétrer. Un pénis sans érection ne sert strictement à rien. Mais qu’est-ce qui provoque le désir ? Qu’est-ce qui fait bander un pénis et lui permet d’être un phallus conquérant et dominateur ?Certains hommes ont tellement survalorisé leur pénis qu’ils ne sont plus qu’un pénis, condamnés à bander sans fin pour des femmes objets en déniant tout désir qui pouvait venir de l’autre, en déniant même son propre désir. Ou bien d’autres, figé dans l’angoisse que ce pénis ne fonctionne pas, se trouve confronté aux troubles de l’érection (impuissance, éjaculation précoce, etc.) De masculinité, ils n’ont gardé que ce pénis objet auquel ils répondent par le corps objet des femmes.
Dans l’effroi se rejoue le traumatisme venu du dehors en agissant sur l’entourage de façon à ne plus se laisser surprendre pour maîtriser la situation traumatique. Loin d’éviter ou de neutraliser la castration, le sujet s’y confronte. Une manière de se réapproprier la première scène d’effroi qui lui était extérieur, qui était interdite à la conscience. Le porno ne se contente pas de représenter l’inégalité, elle la créée.
Le couple voyeurisme/exhibitionnisme présente le but sexuel sous une double forme, activité et passivité, regarder et être regardé. Le but actif précédant le but passif : regarder précède l’être regardé (nb : partie sur perversion ? Ce qui pourrait expliquer la logique du porno de voir des films pour finir par en faire et se montrer).
L’homme témoigne de sa jouissance par la démonstration phallique de la capacité érectile, pénétrante et éjaculatoire de son sexe. Les femmes servent de faire-valoir du pénis. Il n’y a pas d’alternative à l’agressivité phallique qui se déploie dans le porno. La différence des sexes est solidement établie. En ce sens, le porno participe à la tentative d’exorciser l’angoisse de la castration et de la mère phallique.
3.2. Le rabaissement pornographique
La mère apparaît à la pensée consciente des adultes comme une personnalité d’une pureté morale inattaquable. Opposition tranchée entre la mère et la putain qui nous incite à étudier l’histoire du développement et du rapport inconscient entre ces deux complexes. Connaissance de l’existence de certaines femmes qui font un métier de l’acte sexuel qui manquent rarement aux « explications sexuelles » et qui sont de ce fait objet du mépris général. Le garçon n’éprouve à l’égard de ces malheureuses qu’un mélange d’attirance et d’horreur. La condition qui apparente la femme aimée à une putain se déduise directement du complexe paternel.
Les femmes de notre civilisation, subissent l’effet de l’éducation et le contrecoup du comportement des hommes. Chez la femme, on observe moins le besoin d’amour d’un objet sexuel rabaissé. La femme reste longtemps à l’écart de la sexualité et sa sensualité s’attarde dans le domaine des fantasmes. Souvent, elle ne peut plus défaire le lien qui attache activité sensuelle à l’interdit. Je pense que cette condition d’interdiction dans la vie amoureuse de la femme est assimilable au besoin chez l’homme de rabaisser l’objet sexuel. Tous deux sont les conséquences du long délai entre maturité et activité sexuelle qui est imposée au moyen de l’éducation, par la civilisation. Tous deux cherchent à supprimer l’impuissance psychique résultant de la non-confluence des motions tendre et sensuelle.
La domestication de la vie amoureuse par la civilisation entraîne le rabaissement général des objets sexuels. Voilà ce qui peut nous inciter à reporter nos regards des objets aux pulsions elles-mêmes. Mais la liberté sexuelle illimitée accordée dès le début ne conduit pas un meilleur résultat La proximité constante avec l’objet de désir a tendance à lui faire perdre de sa valeur, une sorte d’usure perceptive qui fragmente progressivement le désir. Combien de couples amoureux ont vu leur désir réciproque disparaître au fil du temps ? Trop de déjà-vu. Comme si une proximité trop grande engendrait une forme de tabous de l’inceste. Le détachement affectif revient régulièrement dans les scénarios imaginaires. La personne désirée est vidée de ses qualités affectives. Elle n’est pas nécessairement dévalorisée, ni méprisée. Elle n’est qu’un simple objet de désir. La rencontre sexuelle se réduit à un échange de toucher, de chair. Les seules priorités sont le désir, l’excitation et la jouissance. Le sexe-plaisir sans souci d’intimité affective est de plus en plus investi d’où l’expression utilisée par les jeunes d’aujourd’hui de « sexe-friend » (copain de baise) ou encore les couples échangiste.
Les hommes ayant recours aux services de prostituées le savent bien : ils peuvent, entre autres choses, exprimer sans culpabilité leur désir de domination ou leurs préférences érotiques atypiques. De plus en plus de femmes se trouvent à l’aise dans ce contexte sexuel dépourvu de sentimentalité, donnant libre cours à leurs désirs de soumission ou de domination. L’autre n’est qu’un objet de plaisir et sa perte n’a que peu de chances d’entraîner de graves blessures affectives.
Le fantasme d’éjaculation (et l’acte éjaculatoire) est associé à un besoin masochiste d’être humilié et souillé chez la femme. Mais il peut aussi traduire un désir inconscient d’incorporer la puissance phallique de l’homme, de contrôler la jouissance de ce dernier. En ce qui concerne l’homme, éjaculer dans la bouche (ou sur le visage et le corps) de la femme peut-être une façon de marquer sa suprématie masculine en prenant la possession de la femme ou en la rabaissant. Le porno regorge de scène où l’acteur éjacule dans la bouche de l’actrice en insultant. À l’inverse, parce qu’ils s’adressent surtout à une clientèle masculine, les sites porno sur Internet exploitent assez peu le cunnilingus. On peut supposer que cette activité sexuelle serait davantage mise en évidence si les films X étaient réalisés par des femmes et qu’ils viseraient un public féminin.
Les sociétés phalliques ont mis en quarantaine les plaisirs érotiques des épouses-mères, et ont « dématernalisé » les autres femmes pour en faire de simples instruments de plaisir. Ce faisant, les hommes ont appris à opérer un clivage entre la femme aimée et la femme désirée. Une opposition qui les a amenés à confondre désir et haine. Plus la femme désirée est souillée, dégradée et plus elle se révèle dispensatrice de plaisir. Certains pourront dire que les mœurs sexuelles ont changé, que la femme a acquis une autonomie, qu’elle s’est libérée de la domination masculine.
Selon Freud, c’est pour assurer sa puissance sexuelle et accéder à une pleine jouissance que l’homme opte pour un objet sexuel rabaissé. Voici comment Freud explique ce phénomène : « le courant tendre et le courant sensuel n’ont fusionné comme il convient que chez un très petit nombre des êtres civilisés ; presque toujours l’homme se sent limité dans son activité sexuelle par le respect pour la femme et ne développe sa pleine puissance que lorsqu’il est en présence d’un objet sexuel rabaissé, ce qui est aussi fondé d’autre part, sur le fait qu’interviennent dans ses buts sexuels des composantes perverses qu’il ne se permet pas de satisfaire avec une femme qu’il respecte. Il ne parvient à une pleine jouissance sexuelle que lorsqu’il peut s’abandonner sans réserve à la satisfaction, ce qu’il n’ose pas faire par exemple, avec son épouse pudique. De là provient son besoin d’un objet sexuel rabaissé, une femme moralement inférieure à laquelle il n’a pas de scrupules esthétiques dont il ne connaît pas dans sa vie et il ne peut juger » (1912, p.61).
Les hommes sont susceptibles de percevoir la femme d’une manière sexualisée et stéréotypée. Ils sont enclins à promouvoir une vision traditionnelle et conservatrice du rôle des femmes dans la société ou les femmes soumises et subordonnées aux hommes avaient une plus grande valeur. « Il y avait en lui quelque chose nécessitant une chosification de la femme pour être excité. Il pouvait alors transférer son excitation sexuelle sur mon corps ».
La déshumanisation de la sexualité est aujourd’hui une réalité qui pèse lourd. La pornographie contemporaine y est pour quelque chose puisqu’elle présente l’acte sexuel uniquement sous sa forme mécanique et qu’elle fait fi des relations entre les partenaires avant et après le rapport sexuel. Ces données rejoignent un phénomène en croissance : les fuckfriends, les bootycall, amitié-intime, sexfriends, … C’est-à-dire des « amis de baise ». Cette réduction du rapport sexuel permet d’appréhender l’enjeu de la banalisation de la sexualité par le porno, l’incapacité de nouer une relation amoureuse stable. Ce type de relations permet également le renforcement du stéréotype de la fille « facile » (la salope), pour la baise, et de la fille « compliquée » (la sainte-nitouche) pour la relation durable.
L’amateur de porno sait qu’il ne regarde pas une femme, mais une construction du corps féminin. Il ne s’agit pas d’un fantasme. Il ne s’agit pas de ce machisme qui considère que les femmes sont toutes des putains (ou du souhait que l’épouse pourrait en être une).
La déshumanisation et l’absence d’amour sont caractéristiques des comportements sexuels axés sur la satisfaction physiologique plutôt que sur la gratification interpersonnelle. On observe une réduction de l’autre (à un sein, à un pénis) afin de concentrer sur lui son désir sexuel. C’est avant tout un constat d’impuissance, l’érosion de la tendresse.
On comprend mieux pourquoi les hommes ont dépensé tant d’énergie à vouloir dompter la jouissance féminine. Le seul moyen de s’en défendre ces deux le border sévèrement les hommes ont séparé maternité et féminité. Ce qui donne des phrases comme « toute des putes sauf ma mère ! » Et donc par la répartition des femmes en deux catégories : la mère ou la putain.
3.3. La fragilité identitaire de l’homme.
Quand l’homme devint un sujet de mépris, d’inattentions, de maltraitances, d’outrance, quand les câlins, les expressions, les regards convenablement aimants manquent et de temps à autre très hâtivement, là où les frontières sentimentales ne sont pas ressenties, l’homme ne peut se contrôler ; c’est l’influence prépondérante d’une faiblesse angoissante, impuissance à être, impotence à se contenir, impuissance que les images héroïques révèlent et masquent à la fois. C’est qu’il n’y a pas eu de contenant, ou bien qu’il fut perméable.
Il paraît que rien n’existe pas, naturellement parce que Soi n’existe pas. Cette indifférence de soi et de l’autre s’exprime au quotidien par des conduites inappropriées et violentes qui traduisent les blessures de l’être à des degrés variables. Ici, le rôle du père a fait rudement défaut et l’homme dans son fond intérieur n’arrive pas à croire d’être à la bonne place ou de disposer d’une place dans ce monde.
Par conséquent, l’homme peut être envenimé par des rivalités internes qui mettent en relief une fragilité identitaire, une incertitude ontologique, une déchirure. L’impuissance se manifeste de cette personnalité nébuleuse. L’enfant, pour y subsister, sent du refoulement possiblement jusqu’aux sensations de ses troubles corporels, et simultanément des perturbations émotionnelles et cognitives.
Nonobstant, la jouissance instantanée, incontrôlable, enchevêtrée à une angoisse répandue au travers, apparaît comme une promesse d’apaisement provisoire de cet imaginaire sans limite, et étant lié aux pulsions, comporte des images distordues d’une histoire d’enfant objet. Une intervention psychologique doit être mise en œuvre qui aura pour effet l’enrayage de la spirale lugubre des passages à l’acte jusqu’à ces « mouvements tristes » qui mettent en scène la personne transgressée dans sa quête pour atténuer l’angoisse qui la pénètre, peut-être même des peurs très anciennes. Cette recherche instinctive de sensations des contours corporels, d’un « moi contenant », est une recherche de la limite rassurante.
La société se féminise quitte à frustrer les hommes. Prisonniers à l’ultime fortification du pouvoir, les hommes perdent peu à peu de leur toute-puissance.
Les femmes ne sont pas naïves par rapport à leur nouvelle position, bien au contraire, elles en sont conscientes. Le féminisme a ouvert une déchirure importante dans le bastion des valeurs masculines classiques : pouvoir, courage, force, audace, raison, paternalisme, responsabilité, protection. La toute-puissance du mâle est ébranlée, secouée.
Et la société consommatrice s’est absorbée dans l’imaginaire collectif pour infliger son lot de valeurs féminines qui s’avèrent plus négociantes : douceur, fragilité, sensibilité, intuition, beauté, légèreté, séduction, sécurité, praticité.
Les hommes ont l’impression de devenir petit à petit impuissants dans tous les usages, prisonniers d’archétypes et de conduites contradictoires. La répartition des responsabilités dans l’éducation des enfants et les travaux domestiques, la relation émotive avec le partenaire, réclament de leur part une estimation moins quantitative de leur puissance, jugée jusque-là sur l’épaisseur des muscles, la taille du pénis et la durée des prestations sexuelles.
Il n’est pas surprenant si, devant les situations de crise dans le couple, ils ripostent de plus en plus par l’incertitude, la requête d’assistance, la panique, l’évitement ou la tendance à l’agression. Le sentiment qui relève de la confusion mental du mâle entre en conflit avec le désir féminin, lui-même dans la plupart des cas antinomique, ainsi il n’est pas aisé de savoir ce qui réconforte une femme chez un homme et ce qui rassure un homme chez une femme, en voici quelques illustrations :
- Les femmes consentissent la domination des hommes, mais elles n’acceptent pas leur défaite.
- Les hommes sont devenus passifs tandis les femmes deviennent actives.
- Les femmes sont contraires aux hommes constamment, mais elles n’acceptent pas leur soumission.
- Les hommes exhibent les muscles, mais ils ne sont pas pour autant corrosifs.
- Les femmes veulent faire l’amour, mais « défaire » le sexe.
- Les hommes apportent la vie, mais ils ne la reçoivent pas.
- Les femmes maintiennent une confusion entre sexe et amour, sexe et projet.
- Les hommes ne sont pas suffisamment compétents pour élever les enfants, et de moins en moins ils en prennent les dispositions nécessaires pour les faire
Chapitre IV. De la perversion dans la sexualité
Introduction
Le film pornographique n’est plus ce qui circule sous le manteau de quelques « pervers » et n’est plus réservé aux seuls « détraqués sexuels ». La pornographie est-elle fondamentalement perverse ? La pornographie est-elle, comme beaucoup semblent le penser, le dernier refuge des voyeurs, des exhibitionnistes, des sadomasochistes, bref de tous les adeptes de comportements « anormaux » ? Un simple regard sur le contenu proposé sur les nombreux sites pornographiques qui fleurissent sur internet suffirait presque à nous en convaincre. Car, sur internet, « on trouve tout » comme dirait les jeunes, c’est-à-dire du fétichisme, du transsexualisme, de la gérontophilie, de la zoophilie, de l’urophilie, de la coprophilie, de la nécrophilie et bien sûr du sadomasochisme et de l’exhibitionnisme. Mais surtout, on peut y voir un morcellement du corps et des pratiques comme le montre la sacro-sainte catégorisation qui regroupe les scènes selon leur contenu.
En un clic, l’internaute peut choisir de visionner des jeunes filles à peine majeures, des femmes matures, des femmes enceintes, des naines, des femmes à grosses poitrines, des hommes aux longs pénis, des femmes obèses, des femmes anorexiques, des fellations, de la sodomie, des scènes hardcores, des scènes qui regroupent plusieurs personnes, des scènes de viol, de la pornographie amateur, des scènes interraciales, des lesbiennes, des homosexuels, des femmes selon leur origine ou leur couleur de peau (« black », « arabe », « latina », « asiatique »), etc. Ceci est une liste non-exhaustive de ce que l’on peut trouver facilement sur la plupart des sites. La consommation massive – je rappelle si besoin est que le mot « sexe » est le plus recherché sur Google – de la pornographie montre que de nombreuses personnes sont à la recherche de ces images. On ne parle pas ici de centaines de personnes comme cela a pu être le cas il y a quelques dizaines d’années mais bien de dizaines de milliers de personnes qui se connectent chaque jour sur ces sites pour « voir » d’autres personnes « exhiber » aussi bien leur corps que leurs ébats intimes. Ce dernier aspect est encore plus vrai depuis la recrudescence de la pornographie amateur. De la même manière, notamment au travers du Gonzo, il est normal aujourd’hui de trouver une dimension violente où un individu, généralement l’homme, va prendre un plaisir supplémentaire à violenter et à humilier une autre personne, le plus souvent une femme, à tel point qu’on finit par se demander si ce « sadique » ne va pas trop loin et si l’autre n’est pas un peu « maso ». On tient à préciser qu’il s’agit là de termes provenant directement des propos recueillis lors des entretiens préliminaires à cette étude et qui rendent compte de la vulgarisation de notions habituellement réservées au champ de la perversion. C’est d’ailleurs pour cette raison, et pour plus de clarté, qu’il conviendra de définir le plus clairement possible ces notions au travers de l’étude de la perversion. Bien entendu, il va sans dire que mon but dans ce chapitre n’est pas de stigmatiser telle ou telle pratique mais, au contraire, de démontrer qu’il s’agit là d’une caractéristique propre à la sexualité humaine. A cet effet, j’ai décidé de commencer par reprendre la démarche entamée par Freud dans ses « trois essais sur la théorie sexuelle » que je trouve nécessaire à la compréhension du phénomène pervers observé dans la pornographie aujourd’hui.
Et c’est dans l’étude des « aberrations sexuelles », qui constituera son premier essai, que Freud va introduire la notion de perversion qui se définit selon lui comme une déviation par rapport à l’objet – l’attraction naturelle entre les deux sexes – ou le but sexuel c’est-à-dire le rapport sexuel (ou ce qui l’amène). Et pour chacune de ses déviations, il va en donner des exemples comme l’homosexualité et la zoophilie pour les objets sexuels investis ou la pratique de la fellation, de la sodomie ainsi que les couples exhibitionnisme/voyeurisme et sadisme/masochisme pour les buts. Il ne va pas tant s’attarder pas à décrire ces déviations, en citant au passage les travaux d’autres personnalités ayant traité la question de la perversion commeKrafft-Ebing et son colossal « Psychopathiasexualis », qu’à en dégager les mécanismes sous-jacents.
4.1. Le pervers et l’individu « normal »
La pulsion de cruauté n’est pas sexuelle par nature – c’est d’ailleurs pour cette raison que Freud ne va pas trop la développer – mais elle peut être associée aux pulsions sexuelles puisqu’elle va correspondre à une tendance à infliger une douleur à l’objet sexuel. Ainsi, elle va se trouver au centre de la question du sadisme et du masochisme. Plus loin, Freud supposera que la cruauté est associée à la pulsion d’emprise (ou de maîtrise) qui apparaît lors du stade anal – et plus particulièrement de la phase sadique-anale – et qui visera l’appropriation de l’objet par la force. Par contre, si la pulsion de cruauté a pu être reprise dans la description du stade anal, Freud ne fait état d’aucun stade de développement propre à la pulsion scopique. Et c’est surtout dans « pulsions et destins des pulsions » qu’il va traiter de la question du scopique aux travers de ses différents destins
L’exhibitionnisme pour Freud est une tendance universelle à tous et il existe un seuil repérable entre la tendance à s’exhiber et la pulsion incontrôlable. La tendance est différente de la pathologie c’est-à-dire quand le sujet tombe sous sa gouverne et exerce aveuglement, sans limite et en prenant l’autre en otage son désir (obligé d’entrer dans le jeu). Lacan dira que « la pulsion n’est pas la perversion ». Alors que la pulsion exhibitionniste est une poussée à se montrer, le pervers exhibitionniste laisse une place excessive à la poussée et qui devient un plaisir dominant et enfin exclusif. Dans la perversion, le processus primaire (désir propre du sujet) est supérieur au processus secondaire (principe de réalité= l’autre).
Double langage : l’exhibitionniste pervers agi de manière déplacée et se présente de façon convenable. On observe la même chose dans le contexte sexuel qui s’insinue à demeure sans qu’on s’en aperçoive. Double manière d’être dans la vie : pour Freud, le pervers a le moi coupé en deux, il est clivé. Cela est lié à la question de la différence des sexes et à la lutte contre l’angoisse de castration par le déni de la castration (même s’il se range à l’opinion qu’hommes et femmes ont un sexe différent). Cela aboutit au clivage du moi. Il ne fuit pas la différence des sexes, il en joue. Il cherche à en mettre plein la vue à l’autre en chosifier en le sexe. Dans l’exhibitionnisme pathologique, le clivage permet le maintien du secret. On retrouve ça dans le porno, les images sont interdites et donc maintien de cette coupure à respecter.
Sexe génital transformé en objet : dans les siècles passés, on a fait distinction entre corps et âme où le corps est considéré comme un objet. Dichotomie que l’on retrouve de nos jours avec le sexe génital (le corps) transformé en objet.
L’autre n’a le droit d’exister que pour être exploité, pénétré (à la seule fin de donner satisfaction au pénis). Les images pornos entretiennent l’idée qu’il n’y a qu’un seul sexe. Pour l’adolescent, le réinvestissement de la pulsion visuelle et phallique est un point de passage obligé dans l’accès à l’autre sexe. Il est sensible à la vision pornographique des sexes qui considère la femme comme être de second rang et l’homme comme une machine à performances. Cela le dispense d’affronter la différence des sexes.
La sexualité génitale dédouble le plaisir (masculin et féminin se rencontrent) avec un apogée au terme d’une longue quête où les 2 se rejoignent et se renforcent en investissant dans la relation leurs poussées les plus inconscientes. La sexualité génitale correspond en la rencontre de 2 sujets désirants qui s’impliquent de tout leur être (conscient et inconscient) afin de créer pour chacun d’eux un espace de plaisir privilégié.
La sexualité perverse décuple le plaisir grâce à ses multiples facettes, il est immédiat, maîtrisable et dispense d’affronter l’abîme de l’altérité. On peut dire que la sexualité perverse apporte un plus de plaisir (si elle est passagère, ce sera plutôt sur le plan fantasmatique) mais elle peut conduire à une chosification du sexe, de l’autre, si elle s’impose dans la réalité comme seule forme d’accès au plaisir.
Dans le code pénal, le délit d’exhibitionnisme est qualifié « d’outrage à la pudeur ». Ainsi l’exhibitionniste reconnait la place de la pudeur, il le tient en estime et en jouit à l’envers : plaisir du défi. Il ne renonce pas à la sexualité idéale mais il en jouit en bravant les idéaux. Nudisme et exhibitionnisme sont deux choses différentes : un exhibitionniste perd tous ses moyens s’il est envoyé dans un camp naturiste par exemple.
Le pervers défie les idéaux et il s’en prend au père imaginaire (doté de tous les pouvoirs). La nature des idéaux est de permettre au groupe social de se constituer et de concentrer le plaisir autour d’objets en commun en dépassant la satisfaction immédiate.
Dans le porno, on ne voit pas une femme et un homme qui font l’amour mais plutôt des hommes qui exercent un pouvoir absolu sur une femme, des hommes la contrôlent totalement pour s’en servir comme bon leur semble. Le plus dangereux est que ces films nous laissent comprendre que la femme trouve un réel plaisir à être soumise et humiliée.
Pour certains, ce système phallique est un facteur de violence pour ceux qui contrôlent mal leurs pulsions destructrices. S. Bouguoin qui étudie les tueurs en série dont la grande consommation de porno y est pour beaucoup dans leur passage à l’acte : « ce qui les excite, ce n’est pas la consommation de l’acte sexuel mais le sentiment de toute-puissance, de contrôle total sur leur victime ». Au lieu de ne voir en l’autre que son sexe, il verra la personne toute entière et saura l’aborder avec l’ensemble des fantasmes personnels qu’il s’est forgé en l’espérant. Il ne voit pas l’autre pour lui-même mais il verra en lui le moyen de se conformer au désir des autres, un instrument.
Lorsqu’on a du plaisir on dit « je jouis ». C’est le « je » et si possible avec un autre « je ». On dit de façon romantique que chacun est à la recherche du partenaire de ses rêves (de ses désirs) comme si on avait besoin de lui pour jouir. Le partenaire de rêve n’est pas celui dont on a rêvé en se fondant sur un certain nombre de projection issues de nos désirs, auquel cas on ira de désillusion en désillusion. C’est un partenaire qui a rêvé aussi et dont ses désirs peuvent se combiner au mieux. La représentation porno de la sexualité abroge cette idée et c’est en ça qu’elle fait le plus de ravage. Au lieu de faire du coït le point d’aboutissement d’une recherche entre 2 désirs, elle en fait une simple gymnastique des corps. Le porno a pour objectif le sexe, il en fait une marchandise parmi d’autres.
La jouissance sexuelle ne peut se représenter indépendamment du désir d’un autre. Elle implique une rencontre affective, une complicité fantasmatique, un accord entre les inconscients. La jouissance érotique met en jeu l’imaginaire. Le sexe peut apparaître comme un besoin (que la prostitution ou la pornographie rend commercialisable).
L’attrait pour le sexe opposé, en utilisant un critère purement statistique, peut être considéré comme « normal ». À l’inverse, on qualifiera d’atypiques les préférences érotiques partagées par une faible minorité d’individus dans une société donnée. Ces préférences seront expulsées du champ de la conscience (ou déguisées) si elles sont intolérables pour le moi. Les préférences érotiques ne sont pas le produit du hasard, elles ont une histoire. L’impact des attaques à la masculinité est encore plus grand lorsqu’elles sont subies dans l’enfance. Chez les exhibitionnistes, il n’est pas rare de trouver dans leur histoire un évènement pendant leur enfance où ils ont été humiliés dans leur masculinité par une femme. Menacés dans leur identité masculine, les garçons devraient ultérieurement trouver une façon de s’exciter et de jouir en toute sécurité tout en se donnant l’illusion de triompher du trauma initial. C’est une solution courante où la victime ne subit plus mais recrée l’expérience en jouant les 2 rôles : victime (par identification projective) et agresseur. Je l’ai dit, la perversion est une haine érotisée. Toute la sexualité du pervers véritable est empreinte d’hostilité : il est excité par le fait de blesser l’autre, de lui nuire, de l’humilier, de le faire souffrir.
Toutes les activités entre adultes consentants ne sont pas une garantie de santé sexuelle. Par exemple, le sadomasochisme qui se passe entre personnes consentantes. Si les pratiques sont occasionnelles dans une forme non-extrême, on peut contribuer à enrichir la vie érotique. En revanche, s’il est indispensable à l’excitation et à la jouissance, le sadomasochisme est considéré comme une perversion sexuelle. D’ailleurs, les adeptes du sadomasochisme ont tendance à devenir de plus en plus extrémistes dans leurs pratiques sexuelles.
La perversion est nécessaire à la préservation de la puissance sexuelle. L’angoisse joue-t-elle un rôle chez les gens dits « normaux » comme chez les pervers ? Pour déterminer les enjeux psychologiques de l’excitation sexuelle, ce qui la déclenche, ce qui la soutient, ce qui la fait décroître et ce qui la transforme en ennui, il convient de se référer à un autre ouvrage de Stollerl’excitation sexuelle.
Il y a donc un aspect plus ou moins pervers, plus ou moins normal de la pornographie, et la séparation normal/pervers ne se réalise qu’au regard du degré d’hostilité que renferme (ou libère) l’activité sexuelle dans le fantasme de haine et de vengeance.
Quel comportement érotique n’est pas une perversion ? Qu’est-ce qui n’est pas une perversion ? La perversion existe-t-elle ? L’utilisation même du mot « perversion » est presque compromettante. Perversion a une connotation péjorative, c’est un relent de péché, d’accusation. Au nom de la décence, le mot « perversion » a été effacé du discours psychiatrique moderne. Il nie les réalités sociales – la révolution sexuelle – telles qu’elles se développent dans le monde moderne. L’étiquette « perversion » a été, pour la société, un instrument puissant au moyen duquel ceux qui étaient différents devenaient ceux qui étaient mauvais.
4.2. Une sexualité autre qu’infantile
C’est dans un second essai intitulé « la sexualité infantile » que Freud va réellement se dégager des autres. En effet, c’est dans cette section qu’il va faire le lien entre toutes ces déviations et les tendances qu’il retrouve chez tous les êtres humains et dont il situe plus particulièrement l’origine dans l’enfance. Cette découverte va faire l’effet d’une bombe à son époque lorsqu’il conclura par la suite que tout enfant est « un pervers polymorphe ». Par cette formulation, il a voulu rendre compte du fait que la sexualité n’apparaît pas comme par magie à la puberté mais que nous sommes tous passés par une étape première dans notre vie sexuelle que Freud lui-même va nommer « sexualité prégénitale » (ou pulsionnelle) où l’enfant va éprouver de la satisfaction à travers des pulsions sexuelles qui vont venir s’étayer sur des besoins physiologiques tels que l’alimentation (pour la pulsion orale), l’acte de défécation (pour la pulsion anale) ou encore la toilette (pour la pulsion urétrale) et qui vont donc se situer hors du but sexuel génital d’où l’emploi du terme pervers. Cette sexualité pulsionnelle va déborder la génitalité puisque l’enfant, après avoir éprouvé une expérience de satisfaction, va chercher dorénavant à le retrouver pour son propre plaisir dans une attitude autoérotique.
Ainsi, Freud commence par relier la sexualité pulsionnelle à la pudeur ou plutôt au manque de pudeur de l’enfant qui va prendre plaisir dans un premier temps à regarder ses organes génitaux. Freud parle ainsi d’activité autoérotique. Puis, associée à la pulsion de savoir – qui pousse l’enfant à chercher des réponses aux énigmes de la sexualité comme j’ai pu le montrer dans le chapitre supra – il va chercher à voir les organes sexuels des autres ce qui lui procure un plaisir voyeuriste. Freud explique alors que dans un troisième temps, l’enfant trouvera un plaisir à être vu et plus particulièrement à ce que son sexe soit vu. Il parle alors d’exhibitionnisme du membre sexuel. Et c’est la mise en place de la pudeur à la fin du complexe d’œdipe qui va provoquer le refoulement de cette pulsion de la même manière que la pulsion de cruauté va disparaitre au profit de la capacité de compassion par l’action de la morale. Pourtant, elles ne disparaitront jamais complètement car malgré toutes les formations de l’inconscient, toutes les sublimations, la pulsion désormais refoulée ne cessera jamais de se satisfaire. Et pour certains, elles peuvent même devenir une poussée incontrôlable et virer en une perversion c’est-à-dire en une forme de structuration psychique à part entière.
Et quand on parle de santé sexuelle, celle-ci est irréconciliable avec les atypiques délictuelles. Quid des déviants sexuels légaux ? Si la déviance est exclusive, si ces déviants en sont prisonniers, la déviance est difficilement compatible avec la santé sexuelle. Par exemple, pour un fétichiste qui nécessite, pour s’exciter et jouir, que sa partenaire porte des talons hauts et qu’aussi, dans ses activités masturbatoires, il ne puisse se passer de son fantasme fétichiste. Selon le DSM-IV, on ne devrait pas poser le diagnostic de fétichisme si le comportement en question n’est pas à l’origine de souffrance ou une altération du fonctionnement social ou professionnel. Ce point de vue est discutable car le fétichiste sexuel a une sexualité défaillante, étant donné qu’un objet partiel se substitue à la totalité et qu’il n’a pas le choix de faire autrement. Que penser alors de l’individu qui n’a qu’une seule déviance et qui parvient à trouver satisfaction dans les activités sexuelles courantes ? L’existence de micro-déviances sexuelles ne vient pas en contradiction avec la santé sexuelle en prenant l’exemple du masochisme érogène : supposons qu’une femme est excitée quand elle est ligotée et qu’on lui administre la fessée. Supposons que plus cette pratique n’est pas indispensable à son excitation et à sa jouissance, alors elle est seulement une plus-value érotique. Il s’agirait alors d’un masochisme bénin. On pourrait être tenté de dire que cette femme peut traduire dans le réel un de ses fantasmes et que cela est possiblement le reflet d’une vie érotique en bonne santé. Mais qu’aurais-je le même raisonnement si c’était un homme qui avait un attrait pour le ligotage et la fessée ? Beaucoup trouverait ça suspect qu’un homme érotise la fessée, car cela pourrait suggérer un trouble de l’identité. En somme, pour déterminer si les déviants sexuels sont compatibles ou non avec la santé sexuelle, il faut en analyser la nature et la signification pour l’individu. Dans certains cas, elle pourrait être une plus-value pour la vie érotique ; dans d’autres cas, elle sera plutôt l’indice un trouble sexuel.
Freud, en étudiant les névrosés adultes, découvre les caractéristiques de la sexualité infantile et finit par conclure que tout enfant est un pervers polymorphe. Comme le pervers, l’enfant mise tout sur la sexualité pulsionnelle au dépend du génital investi comme un tremplin pour y accéder (par procuration, un pion dans le système pour le pervers) au travers de l’imaginaire puis dans la réalité. Nous allons réitérer l’analyse de ces différents objets :
- Sexualité pulsionnelle = jouir seul ou avec objets partiels.
- Sexualité génitale = jouir avec partenaire (rencontre entre corps et sexe)
Dans les premiers mois (stade oral), le bébé avale les objets de ses yeux et plaisir à les faire disparaître (jeu du cache-cache avec la main). Puis lorsque la limite intérieure-extérieure es t établie, on va voir ce processus de disparition se développer comme par exemple dans le jeu de la bobine, avec la disparition et la réapparition d’objets dans la réalité. L’univers intérieur commence peu à peu à se construire (objet interne, images, représentation). Dans construction de l’image de son corps, il y a une confrontation constante entre la vision qu’il a de lui-même et celle des autres. Le stade du miroir en ce sens est une étape charnière dans la constitution du moi différencié. La vision des organes sexuels commence à le préoccuper. Au moment du stade phallique (vers 3 ans), la sexualité pulsionnelle trouve son plaisir dans la vision réelle et imaginaire du sexe le plus visible, l’organe le plus évident : le phallus.
Si nous observons le moyen pour différencier les sexes de manière simple et rassurante : il y a une différence en termes d’avoir ou non le pénis, l’attribut viril (d’où « la femme n’existe pas » de Lacan). La période phallique est donc celle de la valorisation du sexe masculin par sa vision directe (sexe féminin caché, mystérieux) que l’on retrouve dans le scénario porno avec jeu de domination et d’emprise.
Le plaisir de défier existe chez l’ado mais ce n’est qu’une période transitoire. Par exemple, la pudeur est une mise en place imaginaire d’un voile qui facilite la projection. Si l’inceste est un interdit majeur, comme interdit, il va nourrir nos rêves et nos désirs inconscients. Lors de la période de latence (l’enfant adulte), l’enfant va faire la connaissance avec la pudeur au fur et à mesure que l’adulte lui formule les limites. Une époque où la pudeur va être investie, la période des idéaux entre 6 et 12 ans.
Le plaisir dominant est la sexualité idéale et on observe une réaction de dégout face aux images sexuelles. La vision est devenue une fonction dominante dans notre société (télévision, ordinateur, cinéma, publicité, magazine, téléphone). Dans l’image sexuelle, la priorité est à la pulsion du voir. Pour des sujets en formation (enfant et ado), il y a tout d’abord une primauté de la sexualité pulsionnelle. Et quand une pulsion s’impose au détriment des autres, elle se trouve déconnectée de l’ensemble et s’impose d’une manière omnipotente. Confrontée à des images sexuelles, l’image se trouve limitée, tronquée car partielle et envahissante.
La sexualité de l’enfant est dite « polymorphe » c’est-à-dire qu’il peut jouir sous des formes multiples, aussi bien de la bouche et de l’anus. Dès qu’il a pris conscience du fonctionnement adulte de la sexualité, il comprend que perpétuer les modalités d’une jouissance infantile devient contraire à ses idéaux focalisés sur l’âge adulte.
Aujourd’hui, les images X vont de plus en plus loin. Plus on voit, plus on veut voir. Plus on montre, plus on veut montrer. Si le passage de la vue à l’acte est loin d’être une évidence, le passage du sadomasochisme au viol ou au meurtre l’est beaucoup moins. Une fois l’humanité effacée, tout devient possible. Le snuffmovie doit-il être considéré comme la tâche originelle au cœur de toutes productions pornographiques ? Le porno engendre un monde sadique où personne ne se soucie de ce que peut ressentir celui qui subit la violence puisqu’aux yeux de tout le monde, il n’est qu’une chose. À partir du moment où les individus ne comptent que comme objets de jouissance, ils n’existent plus en tant que sujets. Ils sont le support éphémère de fantasmes.
« Le caractère infantile est en général facilement porté à la cruauté. Car l’obstacle arrête la pulsion d’emprise devant la douleur de l’autre, la capacité de compassion se forme relativement tard ». De ce point de vue, la compassion représente pour Freud une digue psychique devant les excès de la pulsion d’emprise. Le porno efface en douceur cette digue psychique.
La forme d’objectivation dans toutes relations sexuelles est un fait. Ne serait-ce que parce que l’autre est un « objet de désir ». Mais dire que celui qui est désiré est un objet de désir ne signifie pas automatiquement qu’il réduit une chose. Car tout objet de désir peut être aussi un sujet de désir. Dire qu’autrui est un « objet » n’en fait pas pour autant une « chose ». L’objectivation d’autrui n’est pas obligatoirement une instrumentalisation, on peut posséder quelqu’un sans pour autant le nier. Faire de la place au désir ne signifie pas effacer autrui et le réduire à un objet disponible. Dans l’expérience sexuelle, personne ne peut découvrir en même temps l’équilibre instable entre le désir de s’unir à l’autre – qui relève de la pulsion de vie – et la tendance à se l’approprier et à le détruire – qui relève au contraire de la pulsion de mort.
Si je regarde mes voisins en train de faire l’amour, je me trouve, plutôt, dans la position du voyeur, quant au film X, ceci doit se considérer comme une monstration mais aussi comme une démonstration. Ce n’est pas la sexualité qui se montre mais à l’inverse c’est le sexe qui s’y démontre. La démonstration d’un sexe occupe tout l’écran où tout le scénario ne construit pas une vision de la vie sexuelle : elle la déconstruit.
Dans le film X il n’y a pas d’identification ni de projection, notamment on visualise. Le porno ne vous demande rien. Il n’est pas besoin de prouver votre conformité ou votre marginalité. On ne vous demande pas ce qui le commande. Nul ne vous demande si vous la pratiquez ou non (dans votre vie). On ne vous questionne pas s’il s’agit d’un fantasme ou d’une habitude. Le client vient comme celui qui veut du sexe sans savoir ce qu’il demande exactement. Pour le conduire à la satisfaction de cette demande, parfois mal formulée, il faut lutter. Il faut le guider à partir de son propre cheminement dans le registre d’une sexualité fantasmatique vers d’autres images que celles qu’on veut voir. Ce n’est pas seulement une éducation sexuelle mais une réévaluation de la sexualité.
La satisfaction de la pulsion est paradoxale : la pulsion se satisfait toujours et ne se satisfait jamais. Elle se satisfait toujours au travers des formations de l’inconscient (symptômes du névrosé, rêves, actes manqués, lapsus etc.) ainsi que d’autres plaisirs (le sexe ou l’art au travers de l’action de la sublimation). Mais toutes les formations sont substitutives, toutes les sublimations ne suffisent pas à supprimer la tension pulsionnelle persistante. La pulsion refoulée ne cesse jamais de tendre vers sa satisfaction complète qui consiste en la répétition d’une expérience de satisfaction primaire. Par ailleurs, elle ne se satisfait jamais car elle implique l’abolition du désir, la jouissance totale, la mort.
Un autre paradoxe de la satisfaction trouve son fondement, en 1920, avec l’apparition du concept de pulsion de mort. Les pulsions sexuelles refoulées arrivent à se frayer à une satisfaction directe substitutive, par des chemins détournés. Ce qui aurait pu procurer du plaisir est ressenti par le moi comme déplaisir. Le plaisir névrotique est un plaisir non éprouvé comme tel. Freud met en lien le déplaisir dans la névrose avec le plaisir que l’enfant ait à répéter un jeu désagréable et la jouissance du spectateur de tragédie. Pour Freud, le vrai dualisme pulsionnel est celui de la pulsion de vie, Éros, et son association avec la pulsion de mort (ou de destruction), Thanatos.
L’adolescent doit se confronter à la différence des sexes. Si la sexualité est ce qui rapproche les individus et les unit, elle est aussi ce qui les sépare. Consentir au manque, à ne pas être le tout de l’autre, consentir à ne pas avoir le tout de l’autre, voilà la condition nécessaire à la relance du désir et de son intime blessure.
La sexualité déborde la génitalité, c’est ainsi que Freud parle de la sexualité infantile pour tout ce qui concerne les activités de la première enfance en quête de jouissance locale que tel ou tel organe est susceptible de procurer. C’est une notion à replacer dans le cadre de la théorie des pulsions.
Par l’observation, le garçon se différencie d’un autre groupe. À ce stade, il valorise sa qualité de mâle. En se développant, il va y avoir une phase où le pénis est le centre d’intenses sensations érotiques. L’excitation et le besoin de satisfaction se trouvent liés à son premier objet d’amour dont la mère, de sorte qu’il désirera prendre la place du père. Comme il est petit et vulnérable, il ne peut pas y parvenir car son père est puissant. Le désir de possession maternelle se heurte à la menace de castration (et à sa conséquence directe : l’angoisse). Il lui fallut des années pour maîtriser ses désirs œdipiens et réussir à comprend que ses désirs à l’égard de sa mère doivent être différés et orientés vers d’autres femmes. Le père devenant alors un allié en servant de modèle à sa masculinité.
Pour la fille c’est différent. Elle découvrira plus tard que certains individus ont un attribut sexuel différent. Elle va regretter de ne pas être un garçon et rejeter la faute sur sa mère. En effet, elle va penser qu’elle avait un pénis mais qu’on lui en a dépossédé. Pour accéder à la féminité, la fille doit abandonner l’espoir d’être garçon. Elle doit transformer son premier objet d’amour au père qui doit lui fournir un substitut idéal au pénis : un enfant. Elle doit aussi abandonner toute fixation au clitoris (le petit pénis) et devenir vaginalement active.
La perversion infantile est une dispersion sexuelle initiale qu’anime toute la vie psychique, qui ne s’étend pas et qui a des destinés fondus dans la sexualité normale. Une tâche impérieuse de Freud a été d’indiquer les manifestations de la sexualité infantile en s’appuyant sur les perversions tangibles. L’infinité des perversions infantiles trouve son assurance dans l’infinité de la sexualité normale pour les perversions qui s’avèrent contagieuses. L’enfant est le héros de la pulsion, tout d’abord, au regard de l’exercice de la sexualité. Et comparé à la sexualité perverse infantile, l’adulte civilisé semble impuissant, soumis à la tyrannie de la fonction de reproduction. L’adulte pervers, lui non plus, n’est pas un héros du fait de sa soumission à la tyrannie d’une pulsion exclusive. Il représente cependant l’idéal de la pulsion. L’enfant paraît héroïque aussi dans sa façon d’être traversé par la réalité. Il utilise tous ses intérêts pour ses propres excitations afin d’explorer le monde extérieur. L’excitation d’une zone érogène crée une théorie de la naissance par exemple (origine anale).
Jusqu’à six ans, il va y avoir un développement des différentes pulsions partielles. Freud parle alors de pervers polymorphe. Si la curiosité naturelle devient pathologique, il peut devenir voyeur. Si la tendance à montrer fièrement ses organes génitaux persiste surtout avant le développement de la pudeur, il deviendra probablement exhibitionniste. Si le développement des pulsions agressives se poursuive, au-delà de l’établissement de la cruauté, il peut finir sadomasochiste.
Chapitre V. La morale sexuelle civilisée du XXIe siècle
La morale sexuelle civilisée qui nous domine est le transfert d’exigences féminines à la vie sexuelle de l’homme et la réprobation de toutes relations sexuelles sauf celles qui sont conjugales et monogames. La prise en considération de la différence naturelle entre les sexes oblige à punir moins fort les écarts de l’homme et à admettre pour lui une double morale. La morale sexuelle civilisée est néfaste dans le sens où elle paralyse la « sélection virile » par sa justification de la monogamie. Elle se trouve même responsable de l’accroissement de la maladie nerveuse moderne (neurasthénie). Par rapport à la répression nocive de la vie sexuelle par la morale sexuelle civilisée, Freud effectue un lien direct entre maladie et vie moderne. Dans la neurasthénie, « les nerfs sont à plat » ce qui amène à rechercher la détente par la course effrénée aux stimulations, aux plaisirs « qui ne font que fatiguer davantage ».
D’une façon générale, la civilisation est construite sur la répression des pulsions. En dehors de l’urgence de la vie, entre autre la nécessité du regroupement collectif, ce sont les sentiments familiaux qui découlent de l’érotisme (héritiers du courant tendre) et qui ont poussé les individus à ce renoncement. Celui qui ne peut prendre part à cette répression de la pulsion s’oppose à la société. La pulsion sexuelle a triomphé presque totalement de la périodicité à laquelle elle semble liée chez les animaux. La pulsion sexuelle ou plutôt les pulsions sexuelles puisqu’elle correspond à l’assemblage de nombreux composants (pulsions partielles) est plus énergiquement façonnée chez l’être humain. Une certaine dose de satisfaction sexuelle directe paraît indispensable car lorsqu’il y a frustration, le châtiment en est des manifestations rangées en nombre des états de maladie. Si l’on considère que la pulsion sexuelle ne vise pas originairement à servir la reproduction mais qu’elle a plutôt pour but d’obtenir de certaines façons du plaisir – c’est ainsi qu’elle se manifeste dans l’enfance où elle atteint son but dans la satisfaction du plaisir non seulement sur les organes génitaux mais encore sur d’autres endroits du corps appelés zones érogènes.
La psychanalyse ne combat pas pour promouvoir des changements dans la morale. La morale s’adapte aux différents régimes. Elle n’est pas neutre. La psychanalyse s’occupe de la pulsion et de ses destins. La civilisation assume la renonciation sexuelle qu’elle impose et qui aboutit à ce malaise dans la civilisation. Nous allons discuter dans les sections subséquentes la maladie nerveuse du temps moderne avant de passer à l’examen du malaise de la sexualité.
5.1. La maladie nerveuse du temps moderne
Lorsque la pulsion sexuelle est plus intense, il y a deux issues possibles : (i) les gens restent pervers ; et (ii) il y a répression des pulsions sous l’influence de l’éducation et des exigences sociales.
Au cas où il y a manque de répression, les pulsions s’extériorisent d’une autre manière comme pour le névrosé est le phénomène substitutif qui constitue la maladie nerveuse ou psychonévrose. Les névrosés ne parviennent qu’à réprimer en apparence leur pulsion, avec sans cesse des échecs, un grand déploiement de force et un grand appauvrissement intérieur, ou bien, ils sont obligés de s’arrêter parce qu’ils sont malades. La névrose est décrite comme le négatif de la perversion parce que, après refoulement, elle contient à l’état refoulé les mêmes penchants que les pervers positif, c’est le premier stade de civilisation.
Dans le deuxième stade de civilisation, toute activité sexuelle soi-disant perverse est réprouvée mais le commerce sexuel normal reste libre. Même dans cette répartition de la liberté et de restrictions sexuelles, de nombreux individus sont écartés comme pervers, et d’autres, qui s’efforcent de ne pas être pervers, sont poussés dans la maladie nerveuse.
L’exigence culturelle du troisième stade impose à l’individu l’abstinence sexuelle jusqu’au mariage. Le commerce sexuel dans le mariage légitime peut-il offrir un dédommagement total à la restriction avant le mariage ? Il faut rappeler que la morale sexuelle civilisée restreint aussi le commerce sexuel à l’intérieur du mariage même puisqu’elle impose la contrainte de se contenter d’un nombre de procréations souvent réduit. Désillusion et privations physiques deviennent le destin de la plupart des mariages. Le remède à la maladie nerveuse issue du mariage serait bien plutôt l’infidélité conjugale mais plus une fille est soumise aux exigences de la civilisation, plus l’effraye cette solution dans le conflit entre ses désirs et son sens du devoir, elle se réfugie une fois de plus dans la névrose. « La double morale sexuelle » qui s’adresse aux les hommes est le meilleur aveu que la société qui a décrété ces prescriptions ne croit pas elle-même à la possibilité de les suivre.
La masturbation ne correspond pas aux exigences idéales de la morale sexuelle civilisée. Elle putréfie le caractère par de mauvaises habitudes (à atteindre des buts sans se fatiguer au lieu d’y parvenir par une vigoureuse tension d’énergie) c’est-à-dire en suivant le principe du prototype sexuel. Ensuite, dans les fantasmes qui accompagnent la satisfaction, en élevant l’objet sexuel à un degré d’excellence qu’il n’est pas facile de retrouver dans la réalité (Freud cite un écrivain qui renverse cet argument : « le coït n’est qu’une imitation insuffisante de la masturbation »).
Supposons que le résultat de la sexualité « civilisée », comme dit Freud, serait une maladie collective. Ce remède consisterait à faciliter l’accès au plaisir sexuel faisant ainsi sauter les entraves de la civilisation. La civilisation prétend apprivoiser le sexe en le canalisant vers la sexualité. Elle vise à le civiliser. Mais la pulsion, à la différence de la sexualité, n’est ni naturelle ni civilisée.
On observe un grand changement dans le paysage de la vie sexuelle : dissociation entre sexualité et procréation. Il n’est même plus nécessaire d’être deux pour se reproduire. L’érotisme se répand en masse et la sexualité, banalisée, s’enseigne dans les écoles. L’accès aux plaisirs peut entraîner une dévaluation de la sexualité (quand la fonction génitale a perdu son sens). Parmi les nouvelles réalités, il y a celle de la place qu’occupe la femme dans la civilisation. Un changement qui est loin d’avoir abouti à sa conclusion.
Un changement est intervenu dans la normativité. Les patients de Freud atteints de psychonévroses se raréfient, on a enregistré moins de demande de soins pour frigidité et impuissance sexuelle. Ce qui était condamné à l’époque de Freud (1900), puis toléré à l’poque de Lacan (1950) se vit à présent comme imposé: jouis ! (2000). On est passé du refoulement à la jonction de jouir, de la censure de la sexualité à une exhibition. La sexualité est parvenue à saturer l’espace virtuel. L’abolition de l’écran s’interposait entre l’organe de la vision et le sexe (cf. Courbet et le fait de cacher son tableau « l’origine du monde »). Ce qui ne se montre pas est plus suggestif à l’imagination. L’imagerie sexuelle de nos jours n’est pas réelle, elle est virtuelle. Celui qui se voit arnaqué dans l’affaire est le désir qui se meut en promesse de satisfaction toujours renouvelée. Le sujet, bourré d’images s’adressant à sa sexualité, réagit par une anorexie sexuelle. Les sujets sont plus bourrés que satisfaits. L’écran de la télévision va remplacer l’écran du rêve.
Qu’il s’agisse de la publicité ou de la pornographie qu’on ne parvient à censurer ou qu’on ne parvient pas à endiguer tous les membres d’une famille, quel que soit leur âge ou leur sexe, ce qui est dommageable aux yeux d’un psychanalyste n’est pas que la « théorie sexuelle du coït sadique » soit devenue la plus généralement imposée, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir dans la guerre des sexes qui ne peut que résulter, mais que le fantasme même de « scène primitive » soit désormais rendu inopérant voir dépossédé, l’enfant étant directement exposé au spectacle des relations sexuelles ce qui empêchera en lui le développement de fécondes interrogations du fantasme fondamental de scène primitive.
L’infantilisation par la généralisation du voyeurisme est une évolution concomitante de celle soulignée par Braustein dans la variation 42 ayant trait à « la place qu’occupe la femme dans la civilisation » d’aujourd’hui. Nos sociétés évoluent doucement mais sûrement vers le matriarcat. La sublimation ne concerne que les pulsions et en ce qu’elle peut avoir de partiel ou de pervers. Elle ne fait pas bon ménage avec l’abstinence préconisée par la morale en ce qui concerne tout ce qui est génital. Tout le monde a besoin d’être aimé et de pouvoir désirer l’objet de son amour.
Par ailleurs, l’homme est différent des animaux. De la puberté jusqu’à l’âge de 60 ans (au moins), il peut être sujet à l’excitation. Mais il a appris à se contrôler. Que se passerait-il s’il ne savait pas se contrôler ? Il négligerait ses devoirs envers la société et il laisserait tout de côté. La société doit s’arranger pour que les gens ne soient pas trop excités. Tout ce qui est vraiment excitant est banni : la nudité totale, les scènes de sexe réelles non-autorisées sur scène ou à l’écran, la pornographie et les images et romans érotiques sont interdits. Ensuite, les gens doivent apprendre à se contrôler. L’éducation consiste en un entraînement en vue de garder le contrôle. Au fait, c’est le principe de l’éducation. Mais quelque chose en nous s’y oppose. C’est l’existence d’une instance à l’intérieur de notre propre psychisme en tant que voix de la conscience qui cause des remords et qui nous fait détester les choses interdites. La psychanalyse l’a nommé « surmoi ».
L’éducation aboutit à l’instauration d’une nouvelle autorité interne : le surmoi. Dès l’instant où celui-ci apparaît, notre esprit est divisé en deux parties, l’une est caractérisée par le désir de la chair, les pulsions et l’autre déterminée par le contrôle de soi, les valeurs morales. Pour le reste de notre vie, tous nos actes externes ou internes seront un compromis entre ces deux instances en opposition. Alors que la sexualité génitale constitue une union exclusive entre deux personnes, il existe une autre forme d’amour ; il s’agit de la forme tendre. Il serait facile de démontrer que le degré de civilisation, les contraintes sexuelles et le développement des formes tendres de l’amour connaissent des trajectoires parallèles. Comme si les énergies, qui lient hommes et femmes pour former une société, dépendaient du refoulement de la sensualité génitale. Mais que faire des contraintes sexuelles ?
La conservation de la nourriture fut un immense progrès pour les sociétés, elle marqua un changement radical du rapport sujet/objet. L’objet perdu de son pouvoir, le fait de résister à l’attrait de l’objet est une manière de renforcer l’homme. Une autre consiste à développer sa capacité à remplacer l’objet originel par un autre. Et encore une autre, pratiquement impossible dans le domaine de l’instinct de conservation, capitale dans le champ des pulsions sexuelles, est de substituer une forme de satisfaction à une autre.
C’est Freud qui a pointé ces différences fondamentales. Si l’on est affamé, même le vin le plus délicieux ne nous tente guère et si l’on a soif, les mets les plus appétissants pourraient même nous sembler dégoûtants. Cependant, dans le domaine des pulsions sexuelles, le baiser ou toute autre pratique procurant du plaisir, peut-être toléré pendant un temps considérable en lieu et place de l’union sexuelle complète désirée. Il convient d’évoquer ici la pratique de la masturbation, celle qui se laisse accompagner d’une abondance de fantasmes. C’est encore Freud qui a découvert que dans la civilisation occidentale, la pratique de la masturbation constituait durant les années tumultueuses de la puberté et de l’adolescence à phénomène normal, et plus tard dans la vie, un recours toujours disponible lors des périodes de frustration.
Pour le dire autrement, une éducation ayant pour objet à former un homme qui ne souffre pas dans sa recherche du bonheur, devra veiller :
(i) à l’entraîner à résister à l’attrait de ses objets ;
(ii) à le rendre capable de trouver de nouveaux objets de satisfaction si l’objet premier lui est refusé ; et
(iii) à lui permettre de jouir d’une grande variété de satisfaction.
5.2. Le malaise dans la sexualité
Aujourd’hui, le sexe se trouve déconnecté de ses potentialités procréatrices. Entre refoulement et clivage, on s’aperçoit d’une suite logique du refoulement qui a dominé pendant les 2 derniers siècles (exigence, secret du sexe= réprimer, cacher, ne rien dire) et tel cas a provoqué une grande frustration. Sous l’influence en partie de la psychanalyse, il y a eu un véritable défoulement qui aboutit au clivage aujourd’hui observé : Sexualité contraignante = sexualité clandestine et Sexualité ouverte = exhibition du sexe. On a observé une coupure entre le sexuellement correct (la morale) et le sexuellement éclaté (production de plus en plus obscène).
La sexualité s’épanouit différemment d’une culture à une autre, elle n’a pas la même place dans toutes les civilisations, et elle dépend des valeurs culturelles de la famille et de la société. La sexualité génitale ne peut être pensée indépendamment des règles morales héritées.
Au XXIe siècle, la sexualité s’exprime de plus en plus librement dans nos sociétés. Une libération des mœurs sexuelles due notamment au relâchement de l’emprise religieuse, à la découverte des méthodes contraceptives et à l’émancipation des femmes.
À peu près toutes les pratiques sexuelles entre adultes consentants sont permises. Plus que jamais, Éros devient une valeur marchande, on l’introduit dans la publicité, le cinéma, etc. Les promoteurs de sites pornographiques sur Internet font d’énormes profits financiers. Le sexe est partout. Les individus sont sur-stimulés érotiquement, ce qui crée une surcharge mentale et un état de frustration en raison des contingences du réel. D’un côté, on donne l’illusion que les désirs sont sans limite. De l’autre, la réalité rappelle que seul un nombre réduit des désirs pourront être satisfaits.
En ce qui concerne la notion de « pornographisation » de la culture, les images sexuellement explicites sont largement répandues. Un individu quelconque doit se singulariser pour se révéler en tant qu’individu dans une société où la consommation de masse uniformise tout. De nos jours, on s’acharne à tout montrer, à exposer le privé dans le moindre détail. Le sexe, auparavant confiné dans le privé et caché, s’affiche aujourd’hui publiquement.
Il y a un paradoxe contemporain entre l’apologie de la liberté individuelle et la glorification de nouveaux conformismes. Apparemment, chacun peut « coucher » quand il le décide et avec qui le veut. Apparemment, chacun peut choisir toutes sortes de pratiques sexuelles. Apparemment, donc, tout le monde est libre. Ceux qui valorisent la consommation des images pornographiques comme s’il s’agissait d’un progrès ou d’une nouvelle avancée des mœurs, ne veulent pas voir que, derrière la production croissante de ces images de plus en plus violentes, se cachent la frustration et la peur. Comme l’écrivait Freud dans « malaise dans la civilisation » : « la liberté individuelle n’est pas un bien de culture. C’est avant toute culture qualité la plus grande. Du fait du développement de la culture, elle connaît des restrictions ».
Comment ont évolué les rapports entre hommes et femmes le développement de la culture? La femme arrive-t-elle à être un tout, mère et amante, épouse épanouie et femme en carrière en même temps? L’homme est-il capable de trouver sa place devant cette nouvelle femme qui n’accepte plus de jouer un seul rôle ? Sommes-nous sûrs que la solution n’a pas créé de nouveaux problèmes ?
Libres, car égales aux hommes, nombreuses ont fait des études et ont connu plusieurs histoires d’amour ou de sexe. Libres, celles qui ont eu des enfants n’ont pas joué aux mères poules et ont demandé à leur mari de participer autant qu’elles à l’éducation de leurs enfants. Libres, lorsqu’elles en ont eu l’envie ou la possibilité, elles ont aussi trompé leurs partenaires. Libres, elles se retrouvent aujourd’hui… plus seules que jamais, avec des hommes à nouveau clivés, qui ne peuvent plus les satisfaire sexuellement car ils les estiment trop ; qui ont besoin de bander devant la soumission de filles faciles ; qui vont sur Internet et qui se masturbent devant des femmes qu’ils peuvent traiter de salopes. Sans trop vouloir simplifier les choses, on peut croire que nous nous trouvons aujourd’hui face à une véritable crise de la masculinité et de la féminité, hommes et femmes n’arrivant plus à comprendre quelle place ils peuvent occuper auprès de l’autre.
La pornographie n’est pas comme elle le prétend, une simple opération de libération de la sexualité. Elle s’inscrit dans une logique de l’offre et de la demande, une logique marchande qui donne aux images X une valeur monétaire, et qui par-là, peut faire abstraction des êtres humains, de la représentation et de leurs sentiments. En fait, elle formate la sexualité. Les patients sont domestiqués et représentés selon les lois du genre. La liberté, elle, est effacée par la compulsion de répétition.
Le discours médiatique encourage les individus à suivre leurs envies, à rechercher le plaisir et à promouvoir une satisfaction personnelle immédiate. A partir des images publicitaires au dossier de la presse magazine en passant par les écrans télévisés, l’individu se trouve confronté à des représentations qui renvoient toutes, d’une façon ou d’une autre, à l’idée d’une jouissance sans entraves. Les magazines féminins représentent un véritable parcours initiatique pour toutes les femmes désireuses d’exprimer leurs désirs et leurs fantasmes : « masturbez-vous sans complexe, exhibez-vous si ça vous chante, réclamez votre droit à l’orgasme quotidien ». Un autre magazine, cette fois destiné aux adolescentes, propose un test pour ensuite les classer dans trois catégories : (i) la super extra salope (« c’est bien, tu es allé peut-être un peu loin, mais tu as de l’humour ») ; (ii) la salope normale (« tu es une fille de ton temps, c’est bien. Tu as des aventures et un peu le sentiment ») ; et (iii) la ringarde (« le dinosaure prêt soixante-huitard comme il en existe encore »). Bien qu’elles visent à susciter, à provoquer le désir, ces méthodes sont au fond assez proche de celles qui caractérisaient l’ancienne morale. Elles mettent en place un surmoi terrifiant qui se colle à la peau des individus et lui répète sans cesse : « tu dois désirer, tu dois être désirable… ». Ainsi, la foi en Dieu a été remplacée par une foi en l’idéologie des droits de l’homme.
La nouvelle soumission : bien sûr, ces exemples sont des cas limites. Tous les journaux féminins n’imposent pas à leurs lecteurs de jouir à longueur de colonnes, ni de se forcer à une sexualité à l’extrême. Mais ils témoignent d’une évolution des valeurs dominantes. L’accès aux informations et aux plaisirs est de plus en plus revendiqué comme un droit : le droit de savoir, le droit de choisir, le droit de jouir. Tout est possible, rien n’est interdit. Mais si tout est envisageable, tout n’est pas pour autant réalisable. Si tout est possible en imagination et en fantasmes, tout ne l’est pas en réalité. Si rien n’est interdit d’un point de vue de la morale, il ne reste pas moins qu’il n’est pas acceptable d’un point de vue éthique de ne pas respecter l’autre.
Pourquoi s’intéresser à cet essai sur la crise de la sexualité par ce discours de la presse magazine avant d’aborder les représentations porno supposées produites pour exciter uniquement un public adulte et consentant ? Tout simplement parce qu’entre le discours contemporain sur la sexualité et la pornographie il n’y a qu’un pas à franchir. Une fois qu’une femme moderne est libérée et définie comme celle qui consomme les hommes ou qui se laisse consommer, elle ne semble plus se distinguer de la femme mise en scène dans les films porno. La pornographie devient le nouveau manuel de la sexualité. Face à un discours qui promeut explicitement la performance, la pornographie ne fait que poursuivre cette logique. « Aucune image n’est plus forte qu’une image pornographique. De toute éternité, une bite dans la chatte sera le terminus ad quem de la représentation, sa fin et son mystère. De ce point de vue, les films porno sont indépassables ».
On déplore l’action répressive du corps social, l’attitude moralisante de la société pour laquelle les aberrations sexuelles sont contraires à la nature. C’est le prix à payer par la société de cet effort de suppression de comportements sexuels aberrants sans victime.
Alors que sa virilité était accusée de dominatrice, les femmes exigent de l’homme virilité, séduction, plaisir sexuel, orgasme,… Plus les femmes sont autonomes, responsables et assument leur féminité, plus elles apprécient la virilité chez leurs partenaires. « Les hommes aujourd’hui sont incapables de soutenir un rapport de force. Ce sont des hommes indécis, diminués dans leur sexualité qui se trouvent soit émasculés soit misogynes. C’est pourquoi il est temps de revenir au bon vieux temps des hommes virils ». La revendication de la différenciation sexuelle est en effet impitoyable, n’hésitant pas à utiliser les termes même du cinéma pornographique pour décrire l’homme idéal : c’est un homme qui assure. « Au lit, nous n’avons plus de temps à perdre avec des hommes qui ne savent pas faire l’amour ». Si les hommes sont invités à satisfaire l’exigence de plaisir sexuel des femmes, celles-ci doivent en retour, selon les nouveaux termes de l’échange du commerce sexuel, accepter de réaliser les folies de leurs partenaires, de satisfaire les fantasmes de leur mari sous peine de favoriser la recherche de plaisir, ailleurs… Ce sont de véritable mode d’emploi du sexe que les médias véhiculent. Les thèmes les plus fréquemment abordés dans le courrier des lecteurs sont ceux des fantasmes, de la masturbation, de l’échangisme, de la fessée et enfin de l’homosexualité.
La notion même de sexualité suscite une ré-interrogation. Depuis le temps de Freud, nous constatons une évidente évolution des comportements et des représentations touchant à la sexualité. Par exemple, les modifications frappantes du comportement sexuel, de ses formes admises ou réprouvées. On peut penser que tout ceci relève du fantasme, de l’épiphénomène et ne touche pas à l’essentiel de ce qui touche la psychanalyse : les normes sexuelles changent mais l’angoisse de castration demeure
Freud énonce une conception, une théorie de la sexualité par rapport au mode culturel de gestion de la sexualité à son époque où les interdits et les prescriptions culturelles viennent directement alimenter la formation du surmoi. Freud a prédit que les formes de symptômes névrotiques allaient certainement évoluer avec les modifications de l’attitude sociale envers la sexualité et qu’une société qui nie l’existence de la sexualité favorise l’éclosion des grandes hystéries. Il est vrai qu’on ne trouve plus les grandes hystéries mais les interdits inconscients ne disparaissent pas, le surmoi a toujours de quoi s’alimenter.
La jeune fille d’aujourd’hui n’associe pas automatiquement la vie sexuelle et la possibilité d’être enceinte. Mais la toute petite fille, au niveau imaginaire, a une vision de son corps et de son désir d’avoir un enfant. Évidemment la contraception permet de scinder son érotisme de femmes de son désir d’être mère.
La femme est tantôt considérée comme non-concernée par le plaisir, tantôt au contraire dangereusement assoiffée de jouissance. La prétention de la vouer strictement à la reproduction ont conduit à l’utilisation du clitoris. La liberté sexuelle heurte violemment les sociétés traditionnelles où le poids de la religion reste fort. La sexualité n’est jamais départie du regard de la société qui en tolérerait ou en dicterait les formes. Mais l’interdit ne fait qu’anticiper un désir qu’il excite souvent en prétendant l’étouffer. La transgression suppose une ligne symbolique qu’il est interdit de franchir. Cette limite suppose, à son tour, un autre côté, objets d’interrogation, de curiosité et bientôt de désir. Elle est, en soi, la provocation à la franchir.
Les sociétés occidentales qui ne savent plus où sont les limites vont de pair avec la perte des repères. Dans une société qui ne reconnaît plus de loi ni autorité, le nom du père est oublié. Il est vrai que les changements de la vie sociale et les progrès technologiques ont été des facteurs de bouleversements des représentations, des comportements et des rôles. Les liens sociaux et familiaux se sont relâchés, les repères traditionnels, les valeurs morales se sont effacées au profit de l’individualisme.
Dans ce contexte de manque de références morales, les interdits deviennent indiscernables, et paradoxalement la jouissance s’use, faute de rencontrer une résistance. Cette jouissance s’éparpille dans une multitude d’expériences. Elle se noie dans le flot de ses propres images sur les écrans puisqu’on voit tout, on montre tout, on fait tout. L’insatisfaction momentanée de pulsions partielles est favorisée par l’exposition permanente d’objets désirables. Mais les modèles offerts ne sont que des apparitions. Jouir par tous les bouts et tous les trous, explorer et exaucer tous les fantasmes, rechercher des états modifiés de conscience (drogue, alcool, stimulant). À travers l’exhibitionnisme et le voyeurisme, la curiosité cherche à s’assouvir.
Le libertinage illustre un comportement sexuel jouant sur la transgression. Les codes de bonnes mœurs et de morale en matière de sexe y sont jovialement bafoués. Le fait de les contourner donne le plus de plaisir. Encore faut-il qu’il y en ait dans une société où les repères ont été perdus dans le brouillard, le libertinage ne représente plus la transgression (et semble d’un autre âge).
La société de consommation s’est emparée de la sexualité pour en diversifier les objets possibles à la mesure de tous les fantasmes. Elle fabrique le désir, elle matérialise le fantasme, elle vend les situations. On consomme de la pseudo-jouissance numérisé, visualisée sur les écrans. Les jeunes et même les très jeunes sont encollés aux écrans. Une enquête sur les rapports que les jeunes entretiennent avec la sexualité à travers les films porno regardés en ligne, a permis de révéler que certains reconnaissent s’en servir comme modèle pour réussir des figures compliquées. Ils avouaient que la sexualité était devenue pour eux une activité ou la compétition venait conforter le narcissisme et la performance l’emporte largement sur la jouissance. Ce qui les poussaient à expérimenter par imitation de nouvelles figures érotiques, sans aucun sentiment, sans se prêter à aucune relation est parfois sans plaisir ni désir, dans une simple rage de performance.
Ce n’est pas la jouissance en soi qui est condamnable, mais c’est plutôt la relation imposée dans le rapport sexuel comme tout autre rapport. Si l’autre m’impose son désir, et pire, sa jouissance, je n’ai plus l’espace de mon propre désir. La jouissance était le comble de l’individualisme, le règne du sujet égoïste ?
L’interdiction ne supprime pas le désir. La sexualité humaine est de plus en plus disjointe des mécanismes de reproduction biologique car la sexualité marche à la représentation intérieure, aux stimulations internes autant sinon plus aux stimulations externes. Par l’action des représentations internes, la sexualité a la capacité de s’auto-stimuler, de s’autoalimenter. L’enfant, au moment où sa sexualité s’éveille et se développe, ne dispose pas en lui de mécanismes lui interdisant de tourner son désir vers tel ou tel objet. Dès lors, pour orienter les pulsions sexuelles qui se manifestent spontanément, le travail d’apprivoisement de la sexualité va commencer afin de l’orienter vers des objets et des modalités d’expressions convenables. Interdire, c’est associer à certains désirs la peur et susciter le refoulement (rejet hors de la conscience) où ils glisseront dans l’ombre sans disparaître et sans cesser d’agir, réapparaissant de temps en temps sous des formes et à travers des actes ne permettant plus de les reconnaître socialement. Toute société repose sur des normes et des prescriptions, mais aussi des interdictions qui organisent et ordonnent la société. Tout ordre social est en même temps un ordre moral et ordre sexuel.
La vision de la sexualité dans la pornographie est à la fois profonde et dangereuse. Profonde parce qu’elle exprime quelque chose de notre nature et la possibilité qui nous est offerte de satisfaire nos instincts sexuels d’une manière totale. Dangereuse et terrifiante parce qu’elle montre en quoi cette possibilité est en conflit avec toute autre forme d’activité, en particulier toute forme d’activité sociale.
La condamnation de la débauche à l’œuvre dans le porno au nom de la protection de la jeunesse se traduit concrètement par des discours contre le porno, qui serait un archaïsme responsable de certaines perversions de la jeunesse (violences sexuelles ou verbales envers les femmes, viols collectifs rebaptisés tournantes, etc.). Certains voient dans cette chasse à l’obscène le retour à un nouvel ordre moral qui s’accompagne paradoxalement d’une plus grande tolérance concernant les mœurs. L’érotisme est-il plus moral que le porno ? L’érotisme serait bon (respectueux de la personne), la pornographie serait mauvaise (réifiant et considérant une personne comme une chose – et promouvant la violence). La libération pornographique arrache l’homme de l’hypocrisie morale ou religieuse.
La prostitution répond en principe au désir irrépressible des hommes. Dans nos sociétés où la libération sexuelle a transformé non seulement l’imaginaire mais aussi la réalité de la femme, la prostitution est loin d’avoir disparu. Les individus se sont toujours accommodés de prescriptions et de législation, comme des interdits et des tabous, pour révéler leur conception particulière de la sexualité, du désir et de l’amour. Le terme masturbation vient de « manu-strupatio » c’est-à-dire un acte de souillure avec la main. On observe une condamnation par la société encore plus forte dans le mot « auto pollution », il est pratiquement impossible de l’évoquer en société. Les hommes peuvent au mieux en parler plus ou moins sur le mode de « celui qu’il reconnaît avoir dépassé ce stade, celui qui nie de s’y adonner encore ». La société est bien décidée à bannir la masturbation par tous les moyens. Elle adopta à son égard la même attitude qu’envers les perversions, à la seule différence que, étant très répandue, la masturbation est prise beaucoup plus au sérieux. Cette activité plaisante de la puberté est peut-être le phénomène le plus remarquable de la sexualité civilisée. Elle est au plus haut point source de plaisir toujours possible car elle ne requiert aucune aide extérieure.
On observe de grandes similitudes entre la pornographie et la masturbation. Premièrement, il faut savoir que le porno est pratiquement toujours accompagné de la masturbation. De plus, c’est une activité qui cesse tôt ou tard lorsque les rapports « normaux » la rendent superflu. Le monde extérieur aussi bien qu’une voix intérieure condamne ce plaisir mais la tentation est trop forte. Ainsi, un conflit interne se déclare. Peut-on dire que c’est le malaise dans la sexualité, et que dira-t-on si le sexe devient une dépendance ? C’est l’objet du chapitre suivant où l’on va discuter une nouvelle addiction à réverbérer, où l’on va examiner des recommandations pour la domination des pulsions.
Chapitre VI. Quand le sexe devient une dépendance
6.1. Une nouvelle addiction à répercuter
Qu’est-ce que la répétition ? Freud en fera mention au sujet de l’hystérie où il observe la répétition dans les symptômes de souvenirs et expériences vécues dont le sujet n’a plus conscience. Pour Lacan, la répétition est « un effet qui se produit d’une tâche inachevée ». A partir de 1904, Freud parlera de répétition dans le cas où le sujet n’a aucun souvenir et ne fait que traduire en actes ce qu’il a oublié ou refoulé (et qui constitue le moteur du transfert). La troisième phase de l’approche freudienne de la répétition correspond à la parution de son ouvrage « Au-delà du principe de plaisir » en 1920. Il ne s’agit plus d’une mise en acte mais une contrainte de répétition. Ce que les gens nomment « instinct » n’est en fait qu’une poussée irrésistible à la répétition. Freud va dire que cette poussée à répéter conduirait à la mort si les autres sujets ne venaient pas nous obliger à en sortir. Un virage à 180°, de la répétition comme invention bénéfique à une invention primaire mortifère, cherche à assurer notre jouissance à tout prix et qui conduirait à la mort si on se laissait faire. Dans l’inconscient, il y a une préférence pour la répétition infinie de la même chose (quitte à en mourir) au lieu de répéter dans la nouveauté, une préférence à répéter le pire, c’est-à-dire une répétition au service du traumatisme et non plus un moyen. Lacan a beaucoup travaillé cette acceptation de la répétition pour distinguer le plaisir de la jouissance. La jouissance, au-delà du principe de plaisir, est un fruit espéré de la répétition du pire. Un processus destructeur est mortifère lorsqu’il est laissé à lui-même c’est-à-dire en s’accrochant à des images et des objets chargés d’excitations excessives. La répétition relève de la sexualité inconsciente dont elle est l’expression la plus perceptible. Dans ce cas, notre jouissance est basée en grande partie sur elle. Dans cette partie la plus refoulée, au point d’être inaccessible, ça jouit de la répétition comme on peut le voir dans la psychose ou le trauma. La répétition est un moyen privilégié de notre sexualité afin d’assouvir sa jouissance.
Quand un jeune prend un plaisir fou à toujours jouir des mêmes images ou des mêmes postures, il se met sous la direction de cette sexualité « fondamentale » : la répétition. On comprend mieux le risque d’addiction. Le jeune adulte qui a connu les sirènes de la répétition, s’y est complu sans réserves, qui est parvenu à s’en libérer, va dorénavant la fuir comme la peste dès lors qu’il voudra nouer des relations sexuelles affectives. Or, il n’y a pas de sexualité sans répétition. C’est pour cela qu’il existe, depuis l’antiquité, des enseignements pour varier les plaisirs, entre autres les positions. Aujourd’hui, les sexologues ont repris le flambeau tout comme les magazines spécialisés, pour renouveler le plaisir.
Quoi que l’on fasse, on fait le même constat : rencontre entre les sexes. On peut comprendre pourquoi la répétition trouve dans l’image sexuelle une complice. Dans le trauma, les images trop fortes, trop directes se répètent sans cesse. On retrouve un peu de cela lorsqu’on trouve confronté de manière brutale et par surprise à des images et qu’on a du mal par la suite à effacer de notre esprit. Et si cette image entre en résonnance avec une autre image refoulée, le choc premier peut se transformer en obsession. « Passages » : Il fait le tri parmi les scènes proposées. Il n’est pas seulement passif et mais aussi il sait ce qu’il veut voir. Il ne redoute pas la répétition et on peut même dire qu’il la cherche. Dans l’inconscient, toutes les modalités s’échangent. L’exigence de la jouissance y est telle que tout est mis sur le même plan (faire l’amour, se shooter, s’éclater dans des célébrations collectives, frôler la mort, faire un rêve). Tant que ce n’est qu’un passage à la façon des rites d’initiation, ce qui est le cas pour la moitié des ados.
Ces ados se lassent relativement vite de ces représentations car ils bénéficient de fantasmes fondés sur la rencontre devenant ainsi plus exigeant où vivent déjà en relation avec des personnes fournissant une satisfaction possiblement plus riche et plus variée. D’autres, ne peuvent pas « décrocher » du fait qu’ils n’accèdent pas à la génitalité et sont pris dans la sexualité d’un Autre, un modèle imaginaire à qui ils ont remis les clés de leur accès au plaisir.
Dépendance qui ressemble à la toxicomanie et qui amène à une consommation de drogues de plus en plus dures.
L’adolescent porno-dépendant succombe facilement à ce type d’aliénation et finit par se faire plaisir avec n’importe quoi y compris des scénarios où la violence sexuelle est cultivée (avec une évolution aux conséquences néfastes possibles comme des agressions sexuelles de toutes sortes afin d’assurer son plaisir à tout prix). « J’ai tout mon temps pour regarder, je peux me repasser les scènes qui m’excitent le plus, je fais souvent des arrêts sur certaines images surtout celles qui montrent les organes en gros plans ou certaines poses qui me plaisent plus que d’autres ». Ce qui pourrait constituer un paradoxe car souvent on entend que la répétition dans la sexualité est la pire des choses et que beaucoup de couples se lassent au bout de quelques années car les relations deviennent de plus en plus banales et monotones, alors que les jeunes affirment le contraire. La possibilité de répéter les images assure une maîtrise, une possession (d’où la notion d’objectivation du sexe) et au final décuple le plaisir. Alors pourquoi ne trouve-t-on pas le même résultat dans un couple où, même si l’autre n’est pas considéré comme un objet, chaque partenaire lui assure la possibilité de visions et de préliminaires analogues ?
Le porno engendre un monde artificiel où les pulsions sont dirigées vers des objets irréels. Le spectateur est soustrait à tout contact réel, l’écran est à la fois un lieu de jonction et une barrière maximale. Et même lors d’une véritable relation sexuelle, l’autre est caché et masqué par les représentations. Certes, la pornographie peut jouer le rôle d’une compensation, autrement dit ce qu’on ne peut pas faire dans la réalité, on le réalise à travers la pornographie. Mais, cette jouissance est le plus souvent solitaire car le rapport n’a lieu qu’au niveau imaginaire. « La pornographie est une incitation directe à la masturbation ».
Ce constat s’applique aussi aux fantasmes. En effet, le fantasme est un scénario imaginaire où le sujet met en scène ses désirs. Il évoque aussi systématiquement l’opposition existant entre l’imagination qui est libre de toute contrainte, et la réalité qui est enchaînée aux lois de la physique et aux limites du temps. Si l’imagination peut toujours satisfaire un individu, la réalité, elle, impose des barrières. D’où l’importance du fantasme dans la sexualité, un lieu où l’imagination et la réalité se mélangent constamment. Le fantasme qui, en général, est d’origine inconsciente, est en lien direct avec l’histoire personnelle d’un individu, avec ses traumatismes, ses blessures narcissiques et sa jouissance. Bien différents sont les fantasmes que la pornographie met en scène et prétend réaliser. D’une part, ils ne sont ni personnels ni inconscients : ils sont livrés tout près et stéréotypés. D’autre part, il prétend incarner des archétypes universaux que l’homme et la femme désirent réaliser, d’où leur caractère normatif. Au lieu de permettre à un individu de jouer avec son imagination et d’apprendre à mélanger ses désirs avec la réalité, ils imposent un certain nombre d’images et de rituels en le privant de toute liberté.
Le discours normatif de la pornographie sur la sexualité a une incidence négative sur leur imaginaire sexuel, puisqu’il masque le registre plus personnel des fantasmes sexuels. Ce discours normatif permet la perpétuation des stéréotypes sexuels et de la pensée machiste. La précocité de l’initiation pornographique risque fort d’avoir des effets permanents, entre autres, par une cristallisation de fantasmes liés à une mise en rapport des sexes ou tout est construit en faveur du plaisir masculin.
6.2. Les recommandations à examiner et la domination des pulsions
Plus le désir est émoussé, plus il va y avoir besoin du porno, dont la vocation première est de provoquer artificiellement le désir (cf. rapport avec l’aphrodisiaque et comparaison avec le Viagra). En scénarisant les fantasmes à l’extrême, elle les vide de leur substance fantasmatique. Le glissement se fait alors vers la satisfaction de pulsions perverses, tel qu’il a été annoncé dans le chapitre IV sur la perversion. Faut-il réintégrer le porno dans l’érotisme pour sauver le désir ? Sûrement pas car il existe une différence structurelle : le spectateur reste un tiers par rapport à ces corps qui se désirent et jouissent entre eux. Un tiers plongé dans la solitude car le désir qu’il éprouve est amputé de sa dimension d’altérité. Ce qui s’offre à lui reste les organes sexuels ainsi que les scènes de sexe.
L’homme fantasme sur ce qu’ils voient et beaucoup plus encore sur ce qu’il ne voie pas. Il devine, il imagine. Chaque histoire renvoie à une autre histoire. « L’homme est celui à qui une image manque » (propos de P. Quignard). Toute sa vie, il cherche à voir, entre toutes les images qui l’entourent, la seule qui manque : celle de son origine, de sa conception. « Comment m’a-t-on fait au monde ? », Il ne pourra jamais le voir (nb : introduction de l’analyse du tableau de G.Courbet « l’origine du monde » ?). Tout juste devine-t-il qu’il est le fruit d’un accouplement animal, violent entre un homme et une femme : c’est le fantasme de la scène primitive.
L’origine du monde : il s’agit d’un tableau peint en 1866 par l’initiateur de la mouvance réaliste, Gustave Courbet, et exposé au musée d’Orsay. Pour certains, il n’est pas obscène car il ne cherche à satisfaire une curiosité obsédante. La femme est approchée sans être violée parce qu’elle est préservée encore d’une intimité à la différence du porno qui exhibe des sexes grands ouverts. Il s’agit de voir plus que l’origine du monde. Pour d’autres, le cadrage, qui limite ce nu à des cuisses ouvertes qui montrent une vulve entourée d’une dense pilosité et une poitrine légèrement voilée, n’est pas une œuvre érotique si l’on entend par là la suggestion d’une intimité d’un sujet. Cette œuvre élude volontairement l’identité du sujet, il dévisage, selon P. Baudry, pour montrer, au mépris de la suggestion, la plus manifeste réalité c’est-à-dire une réalité extrême. L’origine du monde fonctionne exactement sur le mode pornographique c’est-à-dire le cadrage serré par le zoom qui fait la part belle au morcellement du corps, en insistant le plus souvent sur le sexe. Plus qu’un nu, c’est un fragment de nu, depuis qu’on a découvert une autre partie du tableau qui représente le visage de cette femme et donc qui réactualise l’interprétation qu’on a pu y faire. C’est une œuvre privée qui, si elle montre tout, ne se montre à personne ou presque pendant près d’un siècle (même Lacan le cachait).
Dans le porno, il s’agit d’une fantasmatisation onaniste et compulsionnelle qui compense l’incapacité de rêver et d’être relié à l’autre. Le porno entend libérer en permettant aux sujets d’acquérir une connaissance de soi. Pourtant, il parvient à faire l’opposé ! Chez certains, le désir sexuel naît du corps (érection) qui provoque des fantasmes érotiques. Chez d’autres, c’est l’inverse : c’est la scène érotique qui met en marche imagination et provoque les réactions physiques. Le réinvestissement de la pulsion scopique et phallique est un point de passage obligé dans l’accès à l’autre sexe. L’adolescent est sensible à la vision pornographique des sexes qui considèrent la femme comme un être de second rang et l’homme comme une machine à performance. Cela le dispense d’affronter la différence des sexes. L’adolescent doit se confronter à la différence des sexes. Si la sexualité est ce qui rapproche les individus et les unit, elle est aussi ce qui les sépare.
Si l’acte masturbatoire semble identique chez deux individus, pourtant la même action revêt pour chacun d’entre eux une signification différente. Pour en saisir la signification, il nous faut obtenir des informations quant à la signification intime attribuée à cet acte. Le ou les fantasmes associés à la masturbation et qui éclaire les spécificités individuelles sont la plupart du temps recouverts d’un secret bien plus grand que l’acte lui-même. Seuls les scénarios et les images peuvent apporter une explication au sentiment de culpabilité associée à la masturbation. Je ne peux pas trouver cette affirmation que les fantasmes accompagnant la masturbation conservent toujours, sans exception, les objets sexuels de l’enfance (père et mère) sous une forme déguisée. Cette proposition est d’une grande portée pour notre problème. Elle seule rend compréhensible le sentiment de culpabilité si on se réfère au sentiment de culpabilité analysé par Freud dans « Malaise dans la civilisation ». Le sentiment de culpabilité est toujours présent dans la masturbation. L’acte lui-même n’est que partiellement la cause de cette lutte contre notre conscience morale. Plus la menace s’accentue, plus le plaisir s’accroît. L’angoisse de castration est consécutive à tout acte sexuel interdit. Une masturbation perpétuelle renforce le narcissisme secondaire. Pas de place pour leur libido d’objet et retournement sur la libido du moi. Une auto érotisme excessive n’est pas une maladie mais bien un symptôme indiquant que le développement sexuel a été perturbé (la masturbation n’étant qu’une étape du développement sexuel).
Pour de nombreux chercheurs, le sexe virtuel est un symptôme du manque d’estime de soi et qui augmente la distance entre les sexes. Aux USA, la sonnette d’alarme a été déclenchée : Internet peut créer une dépendance, une obsession. Si certains comportements liés au net sont transitoires et offrent une excitation supplémentaire, une perversion soft, d’autres habitudes se transforment en véritable dépendant sexuel et doivent être classées parmi les perversions hard, il a été noté par ailleurs que l’addiction est souvent présentée comme une perversion. C’est différent pour celui qui a vu sa curiosité aiguisée et qui reviendra quelque temps plus tard sans que ça devienne une activité préférée. Il n’en ressent pas le besoin comme le drogué de sa dose.
Ce nouveau type de dépendance du sexe sur Internet est en train de se répandre manifestement. Le Cyberespace peut provoquer la perte de contact avec la réalité en sacrifiant affects, travail et contact sociaux. On retrouve parmi les dépendants certains personnes souffrant de problèmes psychologiques ou émotionnels : dans 80 % des cas, la dépendance est un moyen de fuir – insatisfaction conjugale, solitude, dépression, stress, etc. – pour ceux qui manquent de confiance en eux-mêmes.
En ce qui concerne la prison du sexe, pour la psychanalyse, la sexualité ne sert pas seulement à atteindre le plaisir mais aussi à libérer le sujet d’un état de tension angoissant. Comme toute dépendance, l’impulsivité sexuelle a pour fonction de compenser les défaillances du moi, masquées ou comblées grâce à une activité répétitive. La dépendance sexuelle existe-t-elle ? Pour certains, il s’agit d’une étiquette posée sur certains comportements déviants par rapport aux normes sociales. Ce n’est pas forcément une perversion, certains présentent aussi une perversion alors que d’autres ont un comportement normal en dehors de la question de la fréquence.
Si nous insistons un peu sur le terme : Addiction : du latin « addictus » qui renvoie au débiteur esclave de son créancier temps qu’il n’avait pas réglé sa dette. Elle a souvent des racines neurobiologiques précises (centre du plaisir activé par alcool, drogue ou un comportement). L’addiction à la pornographie comporte beaucoup de points communs avec d’autre addiction et notamment en ce qui concerne le « cycle » de la maladie, le scénario classique de l’addiction :
- un manque d’estime de soi et de pouvoir, une incapacité à tolérer l’angoisse. La solution recherchée permet de soulager ou de masquer une douleur ou une angoisse profonde.
- une sensation de plaisir intense (circuit de sérotonine activé) et amélioration de l’humeur.
- Des conséquences négatives sur la vie sociale et relationnelle (qui augmente le manque d’estime de soi).
L’addiction correspond à des comportements compulsifs d’assujettissement ou de dépendance relative à divers objets, substances ou pratiques. On observe un lien étymologique entre l’addiction et porno : « addictus », en latin, que nous avons déjà signalé supra, désigne « un homme libre devenu esclave pour cause de dette » ; « pornè », en grec, signifie « prostituée » ayant souvent le statut d’esclaves à l’époque de l’Antiquité. On cherche à régler une dette en transformant son corps en esclave. Comme dans toute addiction, on souffre du manque. L’addict, le dépendant, est esclave d’un besoin qui exige une satisfaction immédiate.
Le désir s’enfouit tellement qu’il ressemble à un besoin, ce qui démontre le caractère addictif du porno.
La masturbation est la part maudite de l’imagination, dans la mesure où elle convoque la création de fantasmes les plus excitant possibles. Or la création ne connaît aucune limite, elle est par nature vouée à l’excès, à la quête infinie et, par conséquent, d’essence additive. La jouissance n’est jamais qu’un appel à une image plus forte pour remobiliser l’excitation, de sorte que la masturbation s’apparente à une perpétuelle fuite en avant ou le désir n’est jamais définitivement comble et se nourrit de sa propre insatisfaction. Un cercle vicieux où le comportement est impossible à gérer car plus les problèmes augmente et plus la solution est cherchée dans les actes pulsionnels. La sensation de vide est de moins en moins compensée par les comportements dont la fréquence va augmenter. Lorsqu’il y a aggravation, qu’on « touche le fond », il y a une demande d’aide. Cette aide va certainement provoquer le syndrome de sevrage dont ici, c’est l’abstinence sexuelle.
Il faut soigner la dépendance : Il n’y a pas de clinique de désintoxication spécialisée en Europe, le soin s’effectue dans des cliniques spécialisées dans d’autres compulsions. Une psychothérapie individuelle et de groupe peut permettre de prendre conscience des raisons de son obsession, associé à la prescription de produits pharmaceutiques comme les antidépresseurs et ce qui augmente le niveau de sérotonine (Prozac). Une thérapie efficace est constituée de la prise d’antidépresseurs, d’une thérapie de groupe et de techniques cognitivo-comportementales. Cela permet de reprendre le contrôle, de réapprendre des comportements sexuels adaptés.
Conclusion
Certaines représentations de la sexualité comme la pornographie banalisent et même déculpabilisent l’érotisme sexuel. Peut-être y a-t-il un effet d’aplatissement. Les gens n’inventent plus leurs propres fantasmes masturbatoire, ils les achètent. Aujourd’hui, la société pousse à la consommation sexuelle. Mais tout ce qui a été reçu est interprété dans la petite enfance, transmis par les parents, c’est cela qui crée l’enfant, qui influence de façon essentielle sa structure psychique. Le fantasme masturbatoire n’est plus une création interne, il est en vente. S’absorber dans les revues et les films pornographiques est peut-être une solution plus économique du point de vue psychique au lieu de créer des symptômes. Mais les gens ont toujours trouvé du matériel pour leurs rêveries érotiques où ils ont inventé des symptômes névrotiques à la place. Toute cette publicité sur le sexe peut favoriser l’éclosion de nouveaux problèmes. Jadis, il fallait que l’adolescent cache ses activités sexuelles à ses parents. Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a complicité de certains parents.
Le fantasme inconscient n’est en rien influencé par la modification des représentations ou des comportements sociaux. On peut alors aborder la question sur un autre angle : il y a davantage de troubles de l’identité, de la possibilité d’existence d’un espace du fantasme, s’agit-il d’une évolution des problématiques ? Il existe davantage des troubles narcissiques, de la structure de l’identité et de la capacité de créer ou maintenir l’espace du fantasme.
Les pratiques réelles sont les résultantes de la force des pulsions, les interdits, des initiations traumatisantes et surtout des fantasmes qui s’y sont associés. Ces derniers constituent l’histoire intime du sujet des traces de jouissance archaïque. Chacun garde le secret de sa jouissance, il ne les échangera peut-être, partiellement, qu’avec des partenaires privilégiés. Le corps est désirant, mais le désir est aussi dans la tête, inséparable du fantasme.
Si les jeunes accèdent pour la première fois à la pornographie par accident, il n’en reste pas moins que leur curiosité est stimulée. Il la consomme pour savoir comment il faut faire avec l’autre. Néanmoins, le flux constant de représentation sexuelle explicite les plongeons dans un univers de stéréotypes. Les jeux sexuels font partie de la socialisation des enfants, de la découverte du corps et de la sexualité mais ils s’accompagnent pour certains enfants de gestes inappropriés pour leur âge comme ceux qui ont été agressés sexuellement très tôt. Ces comportements problématiques pour leur âge rendent compte du fait qu’ils ont été exposés trop tôt à des modèles sexuels adultes. Les enfants se comportent comme des adolescents, les ados comme des adultes et nombres d’adultes ont des crises d’adolescence. On peut parler de perte des repères intergénérationnels. Confrontés à des images pornographiques, les jeunes ressentent un éventail d’émotions allant de l’excitation à l’agressivité en passant par la curiosité et le désir de ne plus voir ce type d’images.
Pourquoi la pornographie perturbe-t-elle les enfants ? Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une confrontation brutale à des représentations qui les préoccupent. Ce serait une erreur de croire que l’enfant n’imagine rien de la sexualité. Au contraire, il consacre beaucoup de temps et d’énergie à essayer d’avoir une idée de ce que font les adultes en général et les parents en particulier. Il a remarqué que son sexe est un organe sensible dont l’excitation est agréable. Il tente alors de se représenter les jeux secrets de ses parents à travers ce qu’il entend, ce qu’il entrevoit et ce qu’il imagine et il y fera même le lien avec un autre mystère dont l’origine de sa venue au monde. Mais ces représentations seront en même temps terriblement angoissantes. Pour échapper à ses angoisses, il va se débarrasser de ces représentations sexuelles en les enfermant à l’écart de sa conscience, alors il les refoule. Ce qui peut expliquer en retour le choc qu’une vidéo porno peut provoquer en lui. Il va alors se trouver brutalement confronté à des représentations qui prennent à revers les défenses qu’il avait établies. Les images vont faire irruption du dehors.
Si l’adulte s’imagine dans la posture de l’un ou l’autre des participants, les enfants imaginent d’abord leurs parents. Et comme le porno ne contient ni tendresse ni sentiment amoureux, il va s’imaginer lui-même issu d’un acte purement charnel dans lequel chaque partenaire ne cherche rien d’autre que son plaisir. L’effet du porno sur l’enfant est environ le même à ce que peut produire une scène réellement. Dans les deux cas, l’enfant est envahi par une excitation visuelle qui le submerge. De là, il peut résulter deux états d’esprit différent à la suite de la vision de ces images : (i) refus de regarder à nouveau ces images pour se protéger d’une nouvelle confrontation ; et (ii) recherche d’images proches de celles qui l’ont surpris, en se préparant cette fois à les voir de manière à en maîtriser les effets sur lui. La curiosité sexuelle l’amène à la question de la différence sexuelle, de l’origine des enfants et d’autres énigmes. Pour le savoir, il pose des questions, il veut voir et toucher, notamment les organes génitaux ce qui équivaut à une quête qui va se trouver alimentée par des angoisses très fortes. Pour les dominer, il est essentiel pour lui de se donner des théories explicatives auxquelles il va croire fermement. Le fantasme de la scène primitive renvoie au rapport sexuel entre ses parents, une scène vue ou supposée ou fantasmée, qui est interprétée comme un acte de violence de la part du père. À l’adolescence, on va observer une réactivation œdipienne qui entraînera de nouvelles manifestations de l’angoisse de castration.
Le porno ne témoigne pas d’imagination, d’invention ou d’originalité. Il est incapable de frapper stimuler l’imagination. Le porno aliène ses spectateurs. Il est voleur de rêve puisqu’il n’y a aucun espace pour la rêverie ou la relation d’objet. Il s’agit d’une fantasmatisation onaniste et compulsionnelle. Une compensation de l’incapacité de rêver et d’être relié à l’autre. Le porno prétend libérer l’individu pour lui permettre d’acquérir une connaissance de soi, de sa sexualité, de son désir.
L’exhibitionnisme collectif actuel est une récupération marchande du sexe, une réaction inconsciente à la complexité du monde, à l’anonymat et à la perte de repères. Un remède pire que le mal puisqu’il n’apporte au monde des adultes qu’un soulagement passager, ponctuel, illusoire et surtout qu’il les renvoie sur la génération montante. La sexualité n’a pas qu’une fonction hédonique (avec la recherche de plaisir comme principe de vie), elle est aussi et surtout un lieu privilégié pour combler des besoins psychoaffectifs fondamentaux. À travers l’échange sexuel, une personne peut aimer, être aimée, se rassurer sur sa féminité où sa masculinité. Les personnes qui utilisent la sexualité principalement pour satisfaire des besoins psychoaffectifs sont en meilleure santé que ce dont la sexualité a surtout un caractère défensif.
On a essayé de décrire, avec le plus d’objectivité possible, le phénomène sexuel et d’en comprendre les significations. On a formulé de nombreuses questions tout au long de cet ouvrage. On laisse le soin aux lecteurs d’aller plus loin dans cette réflexion. Plus que jamais, les sociétés modernes acceptent les différences en matière de sexualité, et presque toutes les rapports sexuels entre adultes consentants qui n’empiètent pas sur la liberté des autres sont permises ou, du moins, ne sont pas punies légalement. Si l’affranchissement sexuel ne va pas avec une libération des rôles sexuels traditionnels, il peut s’ensuivre une appréciation des femmes encore plus éminentes. Les phénomènes d’hyper sexualisation et de pornographisation montrent que dans le domaine de la sexualité et des corps, l’oppression des femmes s’est accentuée. La dissociation de la sexualité et de la reproduction a permis de lever ce poids qui a toujours pesé lourdement sur les femmes, entre autres la régression symbolique (retour à la femme objet), la nouvelle prescription sexuelle (performative, perverse qui s’inspire du porno et de ses codes). Le porno est le nouveau manuel de la libération sexuelle. L’invasion des représentations sexuelles pornographiques débouche sur un nouveau conformisme. L’homme s’attend à ce que les filles reproduisent les actes les attitudes consommées dans le porno. La récente morale sexuelle qui s’avère aussi directive que l’ancienne, prescrit un nouvel ordre sexuel absolu, et ce nouvel ordre sexuel se traduit dans les normes corporelles et les rapports sexuels focalisés sur le plaisir masculin et la génitalité. L’histoire de la pornographie ne s’annonce pas au bout de son voyage à traves le monde, quid à ses effets sur la vie de couple, l’avenir des enfants et ados à propos de la sexualité.
ANNEXE 01
Extrait du Dictionnaire de la pornographie
Comme pour toute « graphie », les frontières de la pornographie sont imprécises. L’écriture s’adresse en effet à qui sait lire. Mais « savoir lire » peut avoir plusieurs sens : répéter mécaniquement des sons sans en pénétrer le sens, sans en percevoir les résonances ou y voir du sens partout.
Avec la pornographie, où sommes-nous ? Si, à l’origine, il s’agit selon les Grecs d’un discours s’intéressant aux prostituées (au rapport de l’argent du sexe), il signifie aujourd’hui tout ce qui, dans le discours sur le sexe et la représentation de l’acte sexuel, nous choque (ou effraie les yeux, le regard ou nos oreilles) et que nous interdisons.
La pornographie, c’est donc ce que nous préférons ne pas voir et ne pas s’entendre, ou plutôt que nous préférons que nos enfants ne voient pas et n’entendent pas, ou encore tout ce que nous aimons voir et entendre dans certaines circonstances.
On montre des images d’otages aveuglés, avec leurs assassins cagoulés, mais le geste affreux de dégorgement n’est pas montré sur les chaînes de télévision. Il est obscène, réservé à l’intimité d’Internet.
Voici un exemple de la relativité de la chose pornographique : l’ensemble des organes constituant le sexe masculin s’appelant, en français, les parties nobles ou honteuses.
La pornographie, c’est l’interdit, tout ce qui, dans le sexe, ne relève pas de la procréation pure et simple, tout ce qui procure du plaisir.
Qu’on ait associé, depuis longtemps, le plaisir et le péché, c’est-à-dire à la faute, à ce qui ne se fait pas et ne se montre pas, à de quoi étonner. Il y a donc toute une partie de nous-mêmes qu’il faut soustraire de notre nature.
On pourrait penser que le plaisir est la meilleure chose au monde. Détrompons-nous. Il y a aujourd’hui des plaisirs avouables et d’autres qui ne le sont pas, des plaisirs qui, bien que solitaires, sont interdits. Mais l’interdiction ne supprime pas le désir.
Il n’est pas facile de questionner de prime abord la pornographie : elle semble se dérober à toute définition (équivoque, discutable ou trop morale). On sait visiblement mieux ce qu’elle n’est pas que ce qu’elle est. Nous n’allons pas dévoiler ce que nous nous efforcions de vouloir croire voiler.
La pornographie est susceptible de mouvements, du fait même de son industrialisation (multiplication d’objets, de regards, de présence). La pornographie – pas uniquement ou seulement l’obscène, l’érotisme, la sexualité, le corps ou les films X – est ici considérée, analysée, élevée au rang de pratique culturelle étudiable.
Premier objectif : lorsque l’on tente de caractériser, d’identifier la pornographie, on trouve non pas une mais plusieurs définitions. Le caractère sexuel des représentations apparaît comme une condition nécessaire, mais non suffisante. La pornographie ne se limite ni ne se réduit aux représentations de corps humain pénétrés et pénétrants. Il serait donc plus juste de parler « des pornographies ».
Le lecteur découvrira aussi comment la pornographie devient invention. Nous suivrons son évolution, les énergies qui la traversent et la dynamisent. C’est un effet pris dans l’histoire et la culture, dans le simple fait de se montrer, d’être vu. Alors vient cette question : préférerais-je pas avoir vu ce que je désire voir depuis toujours ? Pourquoi voulais-je voir ce que je sais déjà ?
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