ALTERATION DU MICROBIOTE INTESTINAL ET TRANSPLANTATION FECALE
ALTERATION DU MICROBIOTE INTESTINAL ET TRANSPLANTATION FECALE
Sommaire
- Introduction. 2
- Revue de littérature. 3
- Le microbiote intestinal 3
- Définition et généralités. 3
- Les altérations du microbiote intestinal associées à certaines pathologies. 18
- La transplantation fécale. 21
- Historique. 21
- Définition et technique de la transplantation fécale. 21
- Indications de la transplantation fécale. 22
- Cadre législatif et règlementation. 24
- Protocole hospitalier 25
- Choix du patient 25
- Choix du donneur 25
- Voie d’administration. 28
- Préparation du patient 29
- Préparation des selles. 29
- Autres applications de la transplantation fécale. 31
- Patients atteints de diarrhées à Clostridium difficile. 32
- Rectocolite hémorragique. 32
- Composition des selles après transplantation. 33
- Discussion. 34
- Conclusion. 36
- Bibliographie. 37
I. Introduction
A la naissance, des bactéries et micro-organismes colonisent le corps humain tant à l’extérieur sur la peau et les muqueuses qu’à l’intérieur, notamment dans le tube digestif qui vont assurer rôle bénéfique à l’organisme. D’ailleurs, selon Jean de la Fontaine dans « Le Lion et le Rat » : « On a souvent besoin de plus petit que soi ».
Par ailleurs, l’essor technique de la science a permit d’identifier la population bactérienne que constitue le microbiote intestinal qui suscite beaucoup l’intérêt actuellement. Notamment dans son implication, à travers ses variations pathologiques encore connues sous le nom de dysbiose dans les diverses maladies intestinales ou extra-intestinales a fortement augmenté.
Compte tenu des multiples récidives ou d’échecs de traitements conventionnels provenant de l’altération du microbiote fécal, la transplantation fécale offre-t-elle une perspective de traitement ?
De prime abord, une revue de littérature portant sur le microbiote intestinal et la transplantation fécale sera effectuée. Ensuite, les résultats cliniques relatifs aux études effectuées seront abordés, principalement dans des cas particuliers de pathologies, avant de conclure sur la relation entre l’altération du microbiote intestinal et la transplantation fécale.
II. Revue de littérature
A. Le microbiote intestinal
1. Définition et généralités
a) Définition
Le microbiote essentiellement composé de bactéries qui se répartissent le long du tractus intestinal est un écosystème complexe dont le fonctionnement se fait en étroite symbiose avec l’organisme.
Sa composition est fonction de sa localisation, spécifique à chaque individu particulièrement de son âge et de ses périodes de vie.
En général, le microbiote équivaut à 1014 bactéries regroupant plus de 3000 espèces et représente 3.3 millions de gènes bactériens identifiés pour une cohorte de 124 individus.
Le microbiote intestinal humain ou encore la flore intestinale ou flore bactérienne est formé d’environ 1014 bactéries, auxquelles s’ajoutent des virus et des champignons pour représenter une masse approximative de 01 kilogramme.
b) Composition du microbiote intestinal
(1) Selon l’anatomie du tractus intestinal
Actuellement reconnu comme étant le microbiote, le tractus digestif humain se compose de près d’une centaine d’espèces bactériennes dont la densité de population microbienne est maximale au niveau du colon avec 1011 bactéries par gramme de contenu.
Cependant, il n’y a aucune description approfondie de toutes les bactéries intestinales compte tenu du fait que :
- se basant sur la réalisation de cultures, environ 30% au maximum des microorganismes peuvent être observés et énumérés, au microscope, par la caractérisation traditionnelle[1] [2] [3]
- les espèces de bactéries intestinales commensales présentant une grande diversité, environ 80% des espèces dominantes dans le microbiote est spécifique à l’individu [4] [5] [6].
Les espèces bactériennes dominantes étant spécifiques de l’individu telle une empreinte fécale, la composition des taxons c’est-à-dire les genres et/ou grands groupes phylogénétiques traduit une certaine constance retrouvée chez tous les individus.
Le phylum le plus représenté (14% à 31% de la totalité des bactéries) est celui des Firmicutes qui comprend notamment les Eubacterium rectale et Clostridium coccoides [7] [8] [9].
Il est par ailleurs constitué des espèces des genres Eubacterium, Clostridium, Ruminococcus, et Butyrivibrio.
Le groupe Clostridium leptum (dominant : 16% à 22% en moyenne) appartient également au phylum des Firmicutes avec les espèces Faecalibacterium prausnitzii, Ruminococcus albus et R. flavefaciens[10] [11].
Les genres rattachés à Bacteroides représentent les Bacteroidetes avec un pourcentage de 9% à 42 % des bactéries totales, en moyenne.
Le phylum des Actinobacteria comprend les bifidobactéries avec 0.7% à 10% des bactéries totales et le groupe des Collinsella-Atopobium qui représente 0,3 à 3,7 % en moyenne de l’ensemble des bactéries[12] [13].
Rares, les entérobactéries représentent 0,4% à 1 % de la population du microbiote fécal contre 2% pour les lactobacilles et les streptocoques[14].
Occasionnellement, sont retrouvées dans le microbiote des espèces liées à Clostridium ramosum, Eubacterium cylindroides, Phascolarctobacterium, Verrucomicrobium, Sporomusa, Selenomonas ou Veillonella.
Ainsi, le long du tractus intestinal [15] [16] :
- de nombreuses, les bactéries localisées dans la cavité buccale appartiennent à différentes espèces comme Streptococcus spp, Neisseria spp, Veillonella, Prevotella, et Fusobacterium
- la présence d’Helicobacter pylori est spécifique à l’estomac
- dans l’intestin proximal (jéjunum, duodénum et iléon) sont retrouvés les trois (03) principaux phylums de bactéries, à savoir : Firmicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria complémentairement à des bactéries buccales et des entérobactéries
- la flore bactérienne au niveau du colon est pratiquement identique à celle retrouvée dans les selles avec majoritairement les (03) principaux phylums (Firmicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria) de même qu’un pourcentage certes faible de plus de 1000 espèces différentes de bactéries.
Figure 01 : Phylums majeurs tout le long du tractus gastro-intestinal d’après Marchesi, 2011
(2) A partir des selles
Une étude effectuée sur les selles de 22 sujets européens, 13 japonais et 02 américains a permis d’identifier les principaux phylums dénommés majoritaires pays et continents indépendants[17].
Majoritairement, des séquences appartenant aux bactéries sont retrouvées à 92.76%, s’en suit celles des virus avec 5.8%, puis les Archea à 0.8%, ensuite les eucaryotes avec 0.5% avant le dernier 0,14% des séquences qui sont dites : contamination humaine.
Figure 02 : Profil phylogénétique du microbiome humain d’après Arumugam, 2011
c) Spécificité anatomique du microbiote intestinal
La distribution du microbiote suit deux axes au niveau du tractus intestinal humain :
- L’axe longitudinal qui part de la cavité orale pour arriver au rectum
- L’axe radial qui va de la lumière intestinale pour atteindre la couche de la muqueuse qui est en relation, en contact avec les cellules épithéliales.
(1) Axe longitudinal
A part la cavité orale, la densité de bactéries augmente au fur et à mesure de l’axe longitudinal du tractus intestinal humain.
La densité bactérienne est de 102-3 cellules/ml dans l’estomac, elle reste assez faible jusqu’au tractus intestinal proximal avec 103-4 cellules/mL dans le duodénum, 104-5 cellules/ml dans le jéjunum et 106-8 cellules/ml dans l’iléon. Alors qu’inversement, la densité bactérienne peut être supérieure à 1011 cellules/mL au niveau du tractus intestinal distal[18].
Figure 03 : Microbiote intestinal spécifique à l’anatomie[19]
(2) Axe radial
La distribution des espèces résidentes est fonction de la structure et de l’organisation radiale observées de la couche du mucus jusqu’aux cellules épithéliales intestinales alors que les espèces transitoires qui sont rencontrées dans la lumière intestinale se retrouvent dans les selles.
D’ailleurs, anatomiquement, le petit intestin et le colon proximal humain renferment des plicae circularis ou plicae semilunaris, autrement dit des plis circulaires ou semi-circulaires qui, se projetant dans la lumière intestinales, sont situés perpendiculairement au courant fécal et regorgent par conséquent de niches bactériennes écologiques[20].
d) Homéostasie du microbiote
Physiologiquement, aucune variation significative n’apparaît chez l’individu au cours du temps. D’ailleurs, les principaux phylums sont principalement majoritaires, seules les proportions sont variables selon les personnes, toutefois une certaine constance dans les équivalents logarithmiques est observée.
Alors que la stabilité des phylums qui sont faiblement représentés, comme pour les Lactobacillus, fluctue au cours du temps.
Par rapport à la localisation, la stabilité du microbiote est largement supérieur au niveau du qu’à celui de l’iléon.
Pour les souches, cette stabilité serait dépendante du sujet.
Ainsi, une bactérie qui est présente et colonise depuis la naissance, une niche, ne requiert pas de réinoculation.
Les modifications du microbiote chez un individu peuvent survenir d’une part suite à une colonisation par des microorganismes provenant de l’extérieur : microorganismes exogènes, ou après modulation de la population des bactéries commensales d’autre part. Généralement, les modifications sont subséquentes au relais de dominance en présence de facteurs qui peuvent moduler les niches écologiques.
Il est à noter que des altérations durables des populations bactériennes majoritaires ne sont pas certaines. Effectivement, le microbiote est capable de résister aux modifications, physiologiquement. Le retour rapide à l’équilibre (2 jours à 3 jours) du microbiote est en effet observé après administration de souche allochtone en tant que probiotique, substrat, prébiotique ou encore antibiotique qui vont modifier épisodiquement la flore microbienne. Cette fonction du microbiote à revenir rapidement à son équilibre constitutionnel est dénommé résilience. D’ailleurs c’est cette résilience qui permet l’adaptation du microbiote au génotype de l’hôte d’hébergement.
e) Fonctions du microbiote
(1) Fonctions métaboliques
- Dégradation et fermentation des polysaccharides
Les polysaccharides issus de la digestion d’aliments comme les céréales, légumes et fruits et sont formés d’hydrates de carbone qui sont principalement composés de polysaccharides végétaux, d’amidon résistant et d’oligosaccharides ainsi que de sucres tels : inuline, gommes, fructoologosaccharides et mucilages[21].
En moyenne, 10g à 40 g de polysaccharides alimentaires arrivent au niveau du côlon[22].
La dégradation des polysaccharides suit un processus anaérobie dans lequel intervient un grand nombre de groupes fonctionnels de micro-organismes (Fig. 04). La conversion des macromolécules des polysaccharides en gaz et en AGCC est réalisée par ces micro-organismes par la formation d’une chaîne trophique qui débute par l’hydrolyse des polysaccharides par les bactéries hydrolytiques. Les métabolites obtenus dénommés métabolites intermédiaires sont composés de format, éthanol, succinate, hydrogène et lactate avant d’être catabolisés en métabolites finaux par d’autres espèces bactériennes.
La fonction d’hydrolyse des polysaccharides assurée par les enzymes d’hydrolyse exogènes comme les polysaccharidases, les glucosidases produit du carbone et de l’énergie nécessaires aux bactéries.
L’activité hydrolytique a été démontrée pour les bactéries du genre Bacteroides, Bifidobacterium, Ruminococcus et Roseburia ainsi qu’à certaines espèces de Clostridium, Eubacterium et Enterococcus. D’ailleurs, les échantillons fécaux ont permis de démontrer l’implication de ces bactéries notamment dans la dégradation des polysaccharides insolubles : cellulose, hémicelluloses[23] [24].
Une variation des phylums de bactéries, qui colonisent les substrats insolubles, entre les individus ont également été mis en évidence dans des études récentes[25] [26].
La bactérie responsable de la dégradation de l’amidon a été identifiée comme étant Bacteroide ssp. Toutefois, un grand nombre de bactéries Gram positif comme Bifidobacterium, Ruminococcus et Roseburia interviennent également dans l’hydrolyse de l’amidon[27] [28] [29].
La dégradation des polymères formant la paroi cellulaire des végétaux qui se compose principalement de cellulose est dégradée majoritairement par les espèces Bacteroides, Ruminococcus et Enterococcus[30]. Toutefois, une différence est observée en termes de prévalence des différentes espèces qui interviennent dans la dégradation de la cellulose selon le statut et la production de méthane de chaque individu[31].
Cela, bien que tous les individus abritent une grande proportion de la population de bactéries xylanasique, de l’ordre de 109/g fèces, qui sont constitués essentiellement d’espèces bactériennes du genre Bacteroides et Roseburia[32].
Figure 04 : Interactions nutritionnelles (cross-feeding) au cours de la dégradation et de la fermentation des polysaccharides par le microbiote intestinal humain[33].
- Fermentation des glucides
Afin de produire du pyruvate à partir des hydrates de carbone, la plupart des espèces bactériennes ont recours à la glycolyse, encore connue comme la voie d’Embden-Meyerhof-Parnas.
Avec le pyruvate, l’acétate, le propionate et le butyrate sont les principaux métabolites issus de la glycolyse. Il est à noter que des métabolites intermédiaires sont également produits par certaines bactéries tels le succinate, le lactate, l’acrylate, l’éthanol, le formate ou encore H2 et CO2 qui sont rapidement métabolisés in situ par d’autres espèces bactériennes en métabolites principaux[34] [35].
De surcroît, un grand nombre d’espèces bactériennes localisées au niveau du côlon sont spécifiques d’une fermentation de type acide mixte in vitro, fermentation dont le substrat est composé de différents métabolites[36].
La production d’acétate à travers la décarboxylation oxydative du pyruvate avec synthèse d’ATP (Fig.05) est effectuée majoritairement par les espèces bactériennes dominantes du côlon, à savoir : Bacteroides, Clostridium, Bifidobacterium, Ruminococcus et Eubacterium. La formation de butyrate ayant recours à une fraction de l’acétate utilisée[37].
La synthèse du propionate se fait principalement via l’espèce majoritaire Bacteroides, ainsi que par Propionibacterium et Veillonella par décarboxylation du succinate qui constitue la principale voie de sa production qui est spécifique du genre Bacteroides. La voie de production de l’acrylate à partir du lactate étant caractéristique des bactéries du cluster IX des clostridiacaca[38] [39].
Le butyrate étant produit par les espèces bactériennes appartenant aux groupes Eubacterium et Coprococcus ainsi que de nouvelles espèces nouvellement identifiées des groupes E. rectale–Roseburia et Faecalibacterium[40]. Il est à noter que ces espèces récemment identifiées représentent actuellement les principaux producteurs prédominants de butyrate dans l’intestin[41] [42] [43].
La production de lactate subséquemment à l’oxydation du pyruvate par le lactate déshydrogénase est assurée par les bactéries lactiques des genres Bifidobacterium et Lactobacillus de même que Streptococcus et Enterococcus qui sont localisées dans le côlon.
Récemment, les espèces Eubacterium hallii et Anaerostipes caccae ont été identifiées comme responsables de la conversion du lactate en butyrate[44]. Alors que le métabolisme du lactate en propionate in vitro par le biais de la décarboxylation du succinate est effectué par les espèces bactériennes des genres Veillonella et Propionibacterium.
Toutefois, il est intéressant de préciser que la production de propionate à partir du lactate dans la voie de l’acrylate est assurée par certaines espèces de Clostridium et de Megasphaera elsdenii qui colonisent principalement le tube digestif des herbivores[45].
En outre, l’espèce BSR Desulfovibrio piger semble être mieux efficace dans la production de butyrate par utilisation de lactate que l’espèce dominante dans la production de ce dernier : E. hallii[46].
Figure 05 : Principales voies métaboliques de la fermentation des polysaccharides par le microbiote intestinal humain[47].
- Protéolyse et métabolisme des peptides et des acides aminés
Principales sources d’azote au niveau du côlon, les protéines et les peptides sont hydrolysées par les bactéries intestinales afin de produire du carbone et de l’azote qui font partie intégrante de leur composition. Ainsi, la protéolyse est indispensable dans le côlon[48].
Les espèces bactériennes du côlon possédant une activité protéolytique étant les Bacteroides, Clostridium, Propionibacterium, Fusobacterium, Streptococcus et Lactobacillus[49].
Le recours aux aminoacides en tant que source principale d’énergie étant effectué majoritairement par certaines espèces de Veillonella, Clostridium et Eubacterium., alors qu’un grand nombre d’espèces saccharolytiques ont en recours comme source d’azote[50].
Les diverses réactions d’oxydoréductions interviennent dans la fermentation des acides aminés notamment par la mobilisation d’accepteurs finaux d’électrons comme les acides gras insaturés, les autres acides aminés, H2… D’ailleurs la formation d’AGCC et d’ammoniac qui est issue de la désamination des acides aminés est la principale voie utilisée par les espèces bactériennes du côlon[51].
Les espèces Clostridium, Lactobacillus et Bifidobacterium sont à l’origine de la décomposition des acides aminés aromatique, notamment l’indole et le phénol qui vont être absorbés et détoxifiés par la muqueuse colique avant d’être éliminés par voie urinaire. Une augmentation de la quantité de phénol et d’indole est ainsi caractéristique de pathologies, en particulier le cancer du côlon[52].
Figure 06 : Métabolisme des protéines par le microbiote intestinal humain AGCC : acides gras à chaîne courte[53].
(2) Fonction de prévention contre la colonisation d’agents infectieux
La fonction de prévention ou encore de résistance à la colonisation par des agents pathogènes est assurée par le microbiote intestinal. Indéniablement, les bactéries commensales agissent selon deux mécanismes :
- Une mal-adaptation des bactéries pathogènes par compétition, envers les nutriments, avec les bactéries commensales : leur pouvoir de colonisation de la lumière intestinale s’en trouve ainsi réduit
- Une stimulation du système immunitaire par certains organismes symbiotiques[54] comme le cas d’infection à Salmonella enterica enterica serovar typhymurium qui va stimuler les Toll-like receptor (TLRs) des cellules épithéliales[55]
(3) Maintien de l’intégrité et développement de la structure intestinale
Assuré par le butyrate, le maintien de l’intégrité de la structure intestinale est primordial dans l’homéostasie du microbiote. Effectivement, le butyrate renforce la barrière du mucus intestinal par induction de la sécrétion de peptides antimicrobiens et de mucines. D’ailleurs, le butyrate agit complémentairement avec les bactéries localisées au niveau des « tights jonctions » afin de former une barrière entre la lamina propria et la lumière intestinale.
De plus, le butyrate contrôle la croissance de même que le développement des cellules et des tissus.
(4) Immunomodulation
La lamina propria, localisée sous la couche de cellules épithéliales est constituée principalement (70% à 80%) par des cellules immunitaires T qui expriment la glycoprotéine CD4. De plus, la majorité des lymphocytes helper : Th1, Th2 et Th17 se retrouvent dans cette lamina propria. Une coexistence dynamique, au niveau du tractus gastro-intestinal est ainsi requise sans qu’il y ait réponse immunitaire tant localement que systématiquement, particulièrement avec les cellules régulatrices T CD4[56].
Le système immunitaire intestinal peut être stimulé par des bactéries commensales du genre Bifidobacterium infantis et Faecalibacterium prausnitzii qui agissent sur la production de lymphocytes Treg Foxp3+ et d’interleukine 10 (IL10) au niveau de l’intestin[57] [58]. Toutefois, la principale bactérie étudiée, à ce niveau reste le Bacteroides fragilis.
Le genre Clostridium peut également induire la production de lymphocytes T régulateurs. Indéniablement, une étude réalisée chez des souris axéniques, dont le nombre de cellules T régulatrices Foxp3+ est significativement réduite au niveau de la lamina propria, a montré la colonisation par 46 espèces de Clostridium qui a permit de restaurer le nombre de lymphocytes T régulateurs Foxp3+. D’ailleurs, cette colonisation s’effectue spatialement le long de l’intestin par rapport à la distribution des Treg et celle des Clostridium, notamment au niveau du côlon proximal[59]. Effectivement, les Clostridium peuvent prévenir et protéger l’inflammation colique par induction du développement des Tregs qui font partie des clusters IV et XIV a des Clostridium.
L’expression de Foxp3 peut être également induite par Bacteroides fragilis et Clostridium spp. :
- Bacteroides fragilis active directement les cellules T CD4+, via le PSA, par stimulation de la production de TGF-β2, entraînant de ce fait la différenciation des Treg[60].
- Clostridium agit directement sur la différenciation à travers la production de TGF-β1 par les cellules épithéliales[61].
(5) Interconnections des fonctions
Le microbiote possède ainsi différentes fonctions qui sont inter reliées.
Figure 07 : Interconnections des fonctions du microbiote intestinal
2. Les altérations du microbiote intestinal associées à certaines pathologies
La dysbiose se définit comme l’altération soutenue de l’homéostasie du microbiote, autrement dit l’équilibre normal.
Deux états peuvent se rencontrer:
- « Etat stable alternatif » sans conséquence pathologique
- « Etat pathologique » qui est caractéristique d’un microbiote pathogène
a) Généralités sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)
Divers facteurs interviennent dans l’apparition des MICI, que ce soit d’ordre environnemental, génétique ou encore immunologique. De manière générale, chez des sujets génétiquement spécifiques[62], les MICI proviennent d’une réponse immunitaire anormale localisée au niveau d’une partie ou toute la flore intestinale, entraînant subséquemment des lésions intestinales. D’ailleurs, un lien a été établit entre des mutations géniques au niveau des récepteurs de la bactérie (Nod2/CARD15, et Nod1/CARD4) et la maladie de Crohn[63].
Effectivement, les voies du mécanisme inflammatoire de même qu’une surexpression de facteurs pro inflammatoires sont activées à la suite de la rupture de tolérance du microbiote intestinal.
Toutefois, il est essentiel de distinguer la différence entre une MICI clinique et une MICI physiopathologique. Un fait concret porte sur le moindre rôle des bactéries dans la rectocolite hémorragique à cause d’une prévalence assez faible des anticorps microbiens et de l’inefficacité de l’antibiothérapie, alors que les probiotiques semblent présenter une probable efficacité[64].
De plus, l’atteinte transmuable qui s’observe durant la maladie de Crohn est différente en cas de rectocolite hémorragique qui se caractérise par une atteinte superficielle de l’épithélium et de la muqueuse.
Immunologiquement, le dysfonctionnement de la barrière épithéliale et la toxicité épithéliale sont subséquents à une réponse de type Th2 avec une présence majoritaire de cellules T natural killer qui induisent l’interleukine 13[65].
De ce fait, la cellule épithéliale colique est fortement impliquée dans l’apparition de rectocolite hémorragique, de même que dans l’entretien de l’inflammation subséquente. D’ailleurs, le rôle de la muqueuse a été démontré dans le déficit de l’expression du récepteur nucléaire PPARγ, spécifique aux proliférateurs de peroxysomes gamma (PPARγ) typique à la rectocolite hémorragique, qui est étroitement lié avec le mécanisme d’action anti-inflammatoire.
La flore intestinale des patients atteints de MICI est donc caractérisée par la présence d’altérations tant quantitative que qualitative. Des études ayant également démontré une réduction des phylums dominants, notamment : Bacteroidetes et Firmicutes, concomitamment à une augmentation d’Actinobacteries et de Proteobactéries[66] [67].
b) Diarrhées à Clostridium difficile[68]
La contamination s’effectue lors d’ingestion de spores de C. difficile qui sont résistantes à l’acidité gastrique et se transforment par le biais des sels biliaires en formes végétatives.
La colonisation digestive engendre ainsi un déséquilibre du microbiote intestinal complémentairement à la rupture de l’effet de barrière de ce dernier, favorisant ainsi la multiplication de la bactérie. La colonisation s’effectuant par adhésion de C. difficile aux entérocytes de la muqueuse digestives à l’aide de protéines de surface comme : protéine de la couche S, Cwp66 (cell wall protein), Fbp68 (fibronectin binding protein), GroEL (heat shock protein), FliC (flagelline) et FliD (cap flagellaire)[69].
Les deux principales toxines, en cas de souche toxinogène, responsables de la forte virulence des diarrhées à C. difficile étant TcdA et TcdB : elles agissent en détruisant les jonctions serrées des entérocytes par dépolymérisation des filaments d’actine du cytosquelette[70] [71] [72].
De ce fait, 10% à 25% des diarrhées post-antibiotiques de même que plus de 95% des cas de colite pseudomembraneuse sont causées par des souches toxinogènes de C. difficile. De surcroît, C. difficile serait en cause dans presque 10% des diarrhées associées aux soins chez l’adulte[73].
Une infection à Clostridium difficile (ICD) se définit alors par, soit :
- un tableau clinique associable avec une ICD (diarrhée, iléus) avec une présence d’un C. difficile toxinogène dans les selles, sans autres cause apparente de diarrhée
- une colite pseudomembraneuse constatée et diagnostiquée durant une endoscopie
Il est à rappeler que la diarrhée équivaut à l’émission de trois (03) selles molles ou encore liquides, au minimum, par jour. C’est-à-dire des selles d’aspect de type 5, 6 et 7 sur l’échelle de Bristol sur une période d’au moins 48 heures.
c) Rectocolite hémorragique (RCH)
Durant une rectocolite hémorragique, l’atteinte digestive se limite au niveau du côlon, de plus les lésions muqueuses sont rétrogrades complémentairement à une atteinte systématique du rectum, avec ou sans le reste du côlon, d’où les trois (03) formes cliniques de la rectocolite hémorragique que sont (Tab. )[74] :
- La rectite
- La colite gauche
- La pancolite
La localisation de l’atteinte ne se limite pas à ses trois (03) niveaux, elle peut effectivement évoluer et s’étendre différemment avec, à 10 ans[75] [76] [77] :
- Une variation de 12% à 49% de l’extension colique gauche
- Une atteinte pancolite dans 6% à 34% des cas.
Tableau 01 : Classification de Montréal (extension de la RCH)
Extension de la maladie selon la classification de Montréal | ||
Extension | Anatomie | |
E1 | Rectite | Atteinte limitée au rectum en aval de la jonction rectosigmoidienne |
E2 | Colite gauche | Atteinte rectocolite en aval de l’angle colique gauche |
E3 | Pancolite | Atteinte rectocolite avec atteinte débutant en amont de l’angle colique gauche |
B. La transplantation fécale
1. Historique
La transplantation fécale a été décrite pour la première fois en 1958 par Eiseman et al. , particulièrement son recours pour traiter des entérocolites pseudomembraneuses fulminantes[78].
De surcroît, elle a été utilisée chez les patients ayant une perte de diversité de la flore intestinale et qui souffrent de récidives multiples d’infection à C. difficile[79].
2. Définition et technique de la transplantation fécale
La technique de la transplantation de microbiote fécal, encore appelée transfert de flore, réside dans l’administration de filtrat de suspension de selles d’un donneur sain à un patient malade, cela afin de reconstituer la flore intestinale de ce dernier, notamment le rôle de barrière du microbiote.
Autrement dit, la transplantation de microbiote fécal équivaut à l’introduction de selles d’un donneur sain dans le tube digestif d’un patient dit receveur dans le but de rééquilibrer la flore intestinale qui a été altérée.
Une rigueur dans la traçabilité doit être instaurée dans et par les centres investigateurs de la technique afin de pouvoir suivre :
- Les étapes en partant du prélèvement pour dépistage, du don et finalement au transplant
- Le(s) donneur(s) sain(s) et le(s) patient(s) receveur(s)
La réalisation d’une coprothèque ou encore fécothèque est ainsi requise pour recevoir les selles brutes du donneur respectivement lors du premier bilan de dépistage et le jour du don ainsi qu’une coprothèque spécifique au transplant, en d’autres termes les selles ou don préparé(es). Effectivement, la conservation de ses échantillons doit être au minimum deux (02) ans à la température de -80°C.
Lorsque la congélation de selles est prévue, il faut tenir compte des données relatives au temps s’écoulant entre la décongélation et la transplantation.
La surveillance de patients recevant de transplantation fécale s’effectue :
– durant les heures qui suivent la procédure
– à long terme sur une période minimale de deux (02) ans
Figure 08 : Chronologie (versant « donneur ») de la transplantation fécale (en l’absence de congélation)
3. Indications de la transplantation fécale
Les infections à Clostridium difficile, notamment les infections réfractaires à un traitement normal d’antibiotiques figurent parmi les pathologies nécessitant la transplantation fécale compte tenu de l’altération écologique, par des agents iatrogènes comme les antibiotiques, du microbiote.
D’ailleurs, la transplantation fécale vient récemment d’être recommandée pour traiter les récidives d’infections à Clostridium difficile de grade A1.
La transplantation fécale offre également une alternative pour traiter les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), les maladies métaboliques et auto-immunes ainsi que les troubles fonctionnels intestinaux, l’obésité, et les désordres neuropsychiatriques.
De plus, elle pourrait s’avérer nécessaire dans des cas non pathologiques comme le portage sain de bactéries importuns.
Bien qu’il n’existe pas de nette contre indication à la transplantation fécale, il est requis que la technique doit se limiter à des situations rares et graves ou encore lors d’échec de traitement conventionnel et sans aucune autre alternative thérapeutique adéquate disponible.
Il est donc essentiel de tenir compte du bénéfice et du risque en fonction de la situation clinique du patient, particulièrement pour les patients receveurs immunodéprimés. Cela surtout de l’état encore expérimental de la technique. De ce fait, un consentement éclairé quant aux risques probables et connus est obligatoire.
Figure 09 : Représentation simplifiée des recommandations de l’European Society of Clinical Microbiology and Infection (ESCMID) pour le traitement des infections à C. difficile (ICD) * On peut envisager une augmentation des posologies de vancomycine à 500 mg ×4 pendant dix jours (B-III). Cette posologie est recommandée par l’Infectious Diseases Society of America (IDSA). ** Il n’y a pas de preuve qui supporte l’utilisation de la fidaxomicine dans les formes d’ICD menaçant le pronostic vital (D-III)
4. Cadre législatif et règlementation
Actuellement, aucun statut particulier du Code de la Santé publique n’est appliqué pour le microbiote fécal. Cependant, compte tenu de son application curative vis-à-vis des maladies humaines, le microbiote fécal est considéré comme un médicament comme le stipule l’article L. 5111-1 du Code de la Santé publique si l’on se réfère à la définition d’un médicament qui est « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. […] ».
Sans AMM, ce protocole peut, étant donné son stade de développement être utilisé selon le cadre législatif et règlementaire qui s’applique aux préparations magistrales et hospitalières (article L. 5121-1 du Code de la Santé publique), ou encore aux médicaments expérimentaux destinés à un essai clinique (article L. 5121-1-1 du même code).
Il existe encore une certaine divergence entre les pays en ce qui concerne le statut du microbiote fécal. Effectivement, le microbiote fécal est considéré comme un médicament aux Etats-Unis contrairement à certains pays comme le Royaume-Uni, Danemark et Pays-Bas.
C. Protocole hospitalier
1. Choix du patient
Généralement, les patients qui subissent une transplantation fécale sont des patients, en échec thérapeutique, atteints de diarrhée à Clostridium difficile. Des cas de patients constipés ou encore présentant le syndrome de l’intestin irritable, de maladie de Crohn ainsi que de rectocolite hémorragique ont également été rapportés[80].
Figure 10 : Le receveur
2. Choix du donneur
Paramètre important, le potentiel risque de transmission de bactéries, de parasites ou encore de virus doit être évalué avant ce type de traitement. Toutefois, il n’y a encore de « guideline » disponible pour pouvoir réaliser un screening des donneurs.
A la place, un interrogatoire, portant sur les antécédents médicaux, notamment les pathologies intestinales, est instauré comme protocole de substitution au screening.
Ainsi, pour être donneur, il est requis[81] :
- un interrogatoire sur l’historique de pathologies intestinales (douleurs, cancers, polypes)
- une non-utilisation des antibiotiques durant au moins 6 semaines avant la transplantation fécale
- un bilan sérologique avec une numération formule plaquette
- un bilan hépatique
- sérologies contre les hépatites A, B et C, les HIV 1 et 2, les HTLV I et II, le CMV, l’EBV et la syphilis
- analyses de selles pour la prospection microscopique d’œufs et de parasites
- une coproculture pour rechercher des bactéries pathogènes classiques ainsi que la détection de la toxine A et B de Clostridium difficile
L’interrogatoire à l’aide de questionnaire existant[82] [83] pour le don de sang s’avère être un pilier au risque infectieux, mais, il importe d’ajuster ce questionnaire au don de selles et de la technique utilisée lors de la transplantation du microbiote fécal, notamment pour les informations suivantes (Tab.02) :
Tableau 02 : Questionnaire de présélection (items spécifiques au don de selles)
La mise en place d’un second questionnaire complémentairement à un entretien médical est également requis avant le don afin de pouvoir accompagner l’entretien médical, notamment la possibilité de contamination entre le jour de la préselection et celui du don.
Tableau 03 : Questionnaire de sélection / Evènements depuis la visite de présélection
Ainsi ; le profil idéal du donneur après interrogatoire et screening est :
- Age : 18-65 ans
- IMC<30
- Absence de pathologies chroniques
- Absence de traitement curatif au long cours
- Absence de prise d’antibiotiques dans les 3 mois précédant le don
- Absence de séjour à l’étranger dans les 3 mois précédant le don
- Absence de résidence de plusieurs années en zone intertropicale
- Absence d’hospitalisation à l’étranger dans les 12 mois précédant le don
- Absence de troubles digestifs à type de diarrhée aigüe ou chronique dans les 3 mois précédant le don
- Absence d’antécédents de fièvre typhoïde
- Aspect macroscopique normal des selles
- Dépistage négatif d’agents infectieux (cf. liste proposée en annexe II )
3. Voie d’administration
Jusqu’en 2008, l’administration par le biais de lavement fécaux a été adoptée selon le premier rapport d’Eiseman et al[84].
Depuis, la réalisation de transplantation consiste en l’instillation au niveau du colon du microbiote fécal soit par colonoscopie, tubage nasogastrique, nasoduodénal ou encore nasojéjunal[85].
4. Préparation du patient
La préparation du patient est fonction de la méthodologie utilisée pour la transplantation et la voie d’administration du microbiote fécal.
Dans le cas de techniques d’administration par lavements, la préparation du patient consiste en un lavage intestinal par du polyéthylène glycol (PEG), complémentairement ou non à des traitements antibiotiques variables.
Lorsque la voie d’administration est la colonoscopie, la préparation consiste en un traitement par la vancomycine sur une durée de quatre (04) jours avant la transplantation. La veille ainsi que le jour de la transplantation, l’oméprazole est administrée.
5. Préparation des selles
Le temps écoulé entre l’obtention des selles du donneur et son administration ne doit aucunement dépassé les 24 heures.
Par ailleurs, les selles sont diluées dans du sérum physiologique stérile avec instillation dans un volume de 50 et de 500 ml.
Il est essentiel que le protocole de fabrication certifie du maintien de la qualité du don ainsi que de l’absence de contamination depuis son don jusqu’à son administration.
Figure 11 : Protocole de la transplantation fécale chez CHU- Clermont-Ferrand
D. Autres applications de la transplantation fécale
Il a été constaté suite à l’étude du métagénome intestinal que la majorité des pathologies intestinales ou extra-intestinales sont provoquées par d’importantes transformations du microbiote comme la réduction de la diversité bactérienne et la diminution numérique des gènes bactériens qui sont caractéristiques de la dysbiose[86].
En effet, des altérations du microbiote ont été mises en exergue dans le cas de malades présentant des allergies ou encore dans des pathologies intestinales comme les maladies intestinales chroniques inflammatoires(MICI) ou encore le syndrome de l’intestin irritable. D’autres cas, indépendant de l’expression intestinale de pathologie ont également été recensés comme l’obésité, le diabète de type 1 ou 2, l’autisme…[87]
C’est ainsi que Brandt a listé ces pathologies en se basant sur les cas ayant déjà été expérimenté et ceux qui pouvaient l’être, ainsi[88]:
- la transplantation a également été appliquée dans des cas de pathologies intestinales liées à une dysbiose comme le syndrome de l’intestin, les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) et la constipation idiopathique
- une perspective d’application de la transplantation est envisagée pour traiter le cancer colorectal, l’encéphalopathie hépatique, la fièvre familiale méditerranéenne, le carcinome gastrique et le lymphome.
- des essais ont été réalisés dans des pathologies extra-intestinales liées à une dysbiose comme dans le cas de : autisme, syndrome de fatiguechronique, diabète et résistance à l’insuline, fibromyalgie, purpura chronique idiopathique, syndrome métabolique, sclérose multiple, dystonie myoclonale, et maladie de Parkinson.
- les pathologies sur lesquelles la transplantation n’a pas encore été expérimentée et qui serait envisageable figure : arthrite, asthme, atopie, maladies auto-immunes, eczéma, rhume des foins, hypercholestérolémie, ischémie cardiaque, trouble de l’humeur, obésité, et lithiase rénaleoxalique.
III. Résultats cliniques
A. Patients atteints de diarrhées à Clostridium difficile
Chez les patients atteints de diarrhées à Clostridium difficile, un arrêt des symptômes de la diarrhée a été observé après la transplantation fécale chez 145 patients sur 166 (87%).
En 2013, le taux de succès de la transplantation s’est élevé à 87% sur un total de 239 transplantations fécales réalisées dans le cadre de patients résistants aux traitements conventionnels[89].
Une revue de la littérature a également souligné le succès de la transplantation fécale avec un succès thérapeutique de 92% chez 317 patients. Il est cependant essentiel de noter que la sélection de donneur, de préparation des selles ainsi que de la technique d’administration étaient différentes dans cette revue[90].
Récemment, une étude randomisée portant sur l’efficacité de la transplantation fécale chez des patients ayant des récidives multiples d’infection à C. difficile a été réalisée : le traitement se faisait soit par VA orale à fortes doses (500 mg 4×/j pendant 14 jours), soit par VA orale associée à un lavement, soit par quatre jours de VA 500 mg ×4/j suivis d’un lavement puis d’une ou plusieurs transplantations fécales[91] par sonde nasoduodénale. Les résultats obtenus étaient significatifs par rapport à ceux obtenu par VA seule (30,8 %) ou associé à un lavement (23,1 %). En effet, un taux de guérison a été observé à dix semaines de suivi après une (81,3 %) ou deux transplantations fécales (93,8 %).
Un suivi de dix (10) patients sur une durée de 24 semaines a également mis en évidence des modifications de microbiotes subséquemment à la transplantation fécale. De plus, la stabilité de la population bactérienne à 24 semaines, donc particulièrement constituée du microbiote du donneur[92] est significative.
Des résultats encourageants ont également été répertoriés lors de traitement par transplantation du microbiote fécal chez des patients présentant des formes sévères d’infection à C. difficile [93] [94].
B. Rectocolite hémorragique
Sur huit (08) patient ayant eu recours à la transplantation fécale dans le cadre de rectocolite hémorragique, les résultats ont tous été significatifs avec une rémission de 6 mois à 13 ans[95]. D’ailleurs, le temps de réponse, tant clinique qu’endoscopique, à la transplantation fécale est de l’ordre de 1 semaine à 6 semaines après transplantation[96].
C. Composition des selles après transplantation
Peu d’études portent sur l’analyse des selles avant et après la transplantation fécale. Toutefois, une étude a été réalisée en analysant les selles par culture bactérienne avant la transplantation, pendant l’antibiothérapie précédant la transplantation et enfin après la transplantation.
Les résultats ont montré l’absence des Bacteroides durant les deux premières analyses : durant l’antibiothérapie de préparation et avant la transplantation, et la présence des Bacteroides après la transplantation[97].
Une étude ayant eu recours à des techniques moléculaires afin de caractériser l’évolution de la flore. Ainsi, une réduction des Firmicutes et des Bacteroides a été observée dans le cas d’un patient atteint de diarrhées à Clostridium difficile. Après la transplantation, le microbiote du patient semble être devenu similaire à celui du donneur[98].
L’analyse de selles de 10 patients ayant subi une transplantation fécale a également démontré un important changement du microbiote. Effectivement, une grande similarité avec le microbiote du donneur est observée avec une stabilité certaine des microbiotes[99].
IV. Discussion
Le but de la transplantation fécale consiste à la réintroduction de communauté de micro-organismes stable qui permettrait de rééquilibrer, à long terme une flore anormale à partir de celle du donneur, contrairement aux prébiotiques, probiotiques et antibiotiques[100].
Le microbiote joue alors un important rôle afin de maintenir l’organisme en bonne santé, ce qui suppose qu’il faut veiller à l’homéostasie du microbiote dès le plus jeune âge en proscrivant les aliments et produits qui sont responsables de l’altération d’une partie ou de toute la flore intestinale.
Chez les patients présentant des pathologies relatives à la dysbiose, autrement dit un déséquilibre de la flore intestinale révélé par des biopsies intestinales et l’étude des selles, divers mécanismes semblent entrer en jeu, favorisant l’apparition de pathologies conjointement à la dysbiose. Il s’agit notamment de mécanismes métaboliques et inflammatoires ou encore tumoraux. La dysbiose étant définit comme étant l’altération soutenue de l’homéostasie du microbiote.
Les résultats de la transplantation fécale obtenus sont encourageants, notamment pour la rectocolite hémorragique et les diarrhées à Clostridium difficile.
D’ailleurs, récemment à Vienne le 26 Octobre 2014, la transplantation fécale vient d’être recommandée dans le traitement de l’infection à Clostridium difficile par les directives européennes de traitement[101] [102]. D’autant plus qu’elle s’avère également être un traitement révolutionnaire et avantageux non seulement contre cette infection mais aussi efficace contre d’autres maladies reliées au microbiote[103] [104] surtout que les résultats obtenus montrent un haut degré d’efficacité complémentairement à son non toxicité. De plus, le professeur Antonio Gasbarrini du centre hospitalier universitaire Gemelli à Rome de dire que «Chez les patients souffrant d’infections récurrentes à Clostridium difficile étant difficiles à traiter, la transplantation fécale élimine la bactérie dans près de 90 % des cas, avec un bon profil d’innocuité ».
De plus, des études portant sur l’infection à Clostridium difficile précisent l’excellent profil d’innocuité associé à une efficacité élevée du traitement par transplantation fécale chez les patients concernés avec élimination des infections récurrentes chez près de 90 % des patients[105] [106].
Gough et al. ont recensé dans une revue de littérature près de 317 patients qui ont subit une transplantation fécale. Les résultats obtenus via vingt sept (27) publications de tout horizon, soit huit (08) différents pays et sur une période qui va jusqu’au 15 avril 2011 ont montré d’une manière générale une guérison dont le pourcentage atteignait 92% et dont 89% guérisons obtenues après une seule transplantation[107].
Il est à noter que par rapport à la méthode de transplantation, l’administration par coloscopie ou par lavements rapportait un meilleur succès thérapeutique avec respectivement 88,9% et 95,4% de succès contre la gastroscopie à la sonde naso-duodénale avec 76,4% et 84,0% quand le donneur appartenait à l’entourage du receveur contre 93,3% dans le cas d’un donneur anonyme. Par ailleurs un taux de succès thérapeutique de l’ordre de 90% à 92% a été recensé dans une étude dans laquelle la transplantation a été effectuée à partir des selles congelées d’un donneur « universel »[108].
En outre, proposée dans des traitements de première intention dans le cas de colites sévères encore appelés fulminantes à Clostridium difficile, un succès thérapeutique a été obtenu par Neeman et al. dans le traitement de cas sévère d’Infection Clostridium difficile réfractaire par l’usage d’une antibiothérapie conventionnelle chez un patient immunodéprimé (patient allogreffé de moelle)[109]. Toutefois, ce recours à l’antibiothérapie n’a pas encore été validé et l’expérimentation clinique reste encore restreinte[110].
De surcroît, au vu de ses résultats prometteurs, le professeur Gasbarrini rajoute que l’«On peut considérer la transplantation fécale comme une forme très simple de transplantation d’organe, qui ne demande pas de compatibilité immunologique du donneur et du receveur et qui n’exige pas d’immunosuppression après l’intervention».
En ce qui concerne l’application de la technique de la transplantation vis-à-vis du nombre croissant d’études portant sur traitement de certaines pathologies digestives par des transferts de flore fécale, il serait prudent de standardiser les différentes étapes du protocole, notamment la préparation des inoculums, l’innocuité du microbiote de même que le suivi après administration du microbiote fécal.
D’ailleurs, il apparaît, vu le fort potentiel du traitement par transplantation, beaucoup de travaux sont encore nécessaires, surtout pour les probables autres maladies citées par Brandt qui pourraient présenter un réel succès thérapeutique par traitement via la transplantation fécale bien qu’aucun lien entre la dysbiose et la pathologie n’ait pas encore été mis en évidence.
V. Conclusion
La transplantation fécale apparaît ainsi fortement efficace dans le traitement d’altérations du microbiote, notamment lors de multiples récidives de diarrhées à Clostridium difficile.
Recommandée, tout récemment, cette technique requiert la standardisation de toutes les étapes à suivre dans le protocole compté tenu de la certaine hétérogénéité rencontrée dans les diverses publications s’y rapportant, d’autant plus que son application ne se limite pas seulement aux diarrhées à Clostridium difficile mais aussi la rectocolite hémorragique ou encore dans le traitement des pathologies digestives comme les MICI …
La transplantation fécale, ou encore transfert de flore, est ainsi une excellente perspective face aux multiples échecs des traitements conventionnels de la majorité des pathologies subséquentes à une ou des altérations du microbiote intestinal : la dysbiose.
Même si sa tolérance semble excellente à la vue de données actuelles, la multiplication de ses indications va nécessiter d’établir des recommandations pour encadrer la sélection des donneurs et homogénéiser la technique de préparation et d’administration de ce surprenant traitement.
Afin d’éviter toute contamination vers le patient receveur, quels doivent être les critères de sécurité ?
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VII. Annexes
Annexe I : Composition du microbiote humain selon la localisation, chez un sujet sain[111]
Annexe II : Liste des agents infectieux à dépister chez les donneurs. (Toute dérogation à cette liste devra impérativement être justifiée)
Annexe III : Méthodes de dépistage des bactéries dans les selles de donneurs sains
Les techniques d’identification des bactéries pathogènes ou multi-résistantes aux antibiotiques évoquées ci-dessous doivent prendre en compte la particularité que représente un isolement sur des selles moulées de donneurs asymptomatiques.
Les méthodes de dépistage mentionnées sont réalisées à l’aide de produits commercialisés. Recherches bactériennes sur un prélèvement de selles émis dans la semaine précédant le don.
Annexe IV : Transplantation fécale et perspective
Annexe V : Recommandations relatives au traitement des infections récidivantes à Clostridium difficile–VF 26.11.2014
Considérant que :
- les infections récidivantes à Clostridium difficile constituent un problème de santé publique, du fait d’échecs fréquents des antibiothérapies conventionnelles chez les patients atteints ;
- au cours de ces infections apparait une modification de la composition du microbiote fécal, caractérisée par une diminution du nombre de gènes bactériens et d’espèces microbiennes (dysbiose) ;
- au plan international, la littérature confirme de manière croissante le succès du traitement des infections récidivantes à difficile par le transfert de microbiote fécal (TMF) venant d’un donneur sain ;
- les préparations effectuées en vue du TMF relèvent en France de la qualification de médicament (L. 5111-1 CSP), et, en l’absence de spécialité disponible et adaptée, du cadre des préparations magistrales et hospitalières (art. L. 5121-1 CSP) à titre dérogatoire ;
- le microbiote transféré n’étant ni caractérisable ni évaluable, et ne pouvant donc relever de la catégorie des médicaments biologiques au sens du Code de la Santé Publique (L. 5121-1-14° CSP), le TMF relève de la qualification transitoire de médicament biologique « sui generis » ;
- ce médicament est de composition complexe et variable selon les dons, et comporte un éventuel risque pathogène qui impose de garantir la sécurité du receveur par une procédure contrôlée ;
- sous réserve d’une autorisation par l’Agence Régionale de Santé, les pharmaciens hospitaliers exerçant au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI), sont tenus de préparer le TMF dans des locaux adaptés et en conformité avec des bonnes pratiques nécessitant d’être complétées par des dispositions spécifiques ;
- selon les circonstances, la préparation du TMF par un pharmacien d’une PUI peut faire appel à une sous-traitance formalisée du recueil, contrôle et traitement de la matière première par une autre PUI autorisée ou par des biologistes médicaux ;
- le lot est libéré sous l’autorité du pharmacien, que ce dernier ait intégralement préparé le TMF lui-même, ou qu’il ait utilisé à cette fin une matière première traitée dans les conditions précitées.
L’Académie nationale de Pharmacie recommande :
1 – en ce qui concerne la qualification du don en vue du TMF que :
– un questionnaire, et le cas échéant un examen clinique, soient pratiqués permettant de contribuer à la sécurisation du don ;
– cette procédure soit standardisée au plan national ;
– les contrôles macroscopique, microscopique, biochimique et microbiologique soient déterminés et hiérarchisés en vue de l’élimination des risques pathogènes connus.
2 – en ce qui concerne la préparation à administrer que :
– un guide des bonnes pratiques de préparation spécifiques soit élaboré en prenant en compte notamment : le recueil, le traitement et la formulation de la matière première, ainsi que le contrôle microbiologique du don ;
– l’éventualité d’une sous-traitance du traitement, de la formulation et du contrôle de la matière première soit formalisée par un service de pharmacie hospitalière ou de biologie médicale selon l’organisation hospitalière et les besoins cliniques.
3 – en ce qui concerne l’information du patient que :
– la réflexion sur la sémantique à utiliser, les explications à donner et le consentement à recueillir soient approfondis.
4 – en ce qui concerne l’imputabilité d’effets secondaires éventuels que :
– la traçabilité du don soit assurée au moyen ;
– de fichiers permettant de conserver la mémoire des prélèvements et des dons effectués dans le cadre du TMF (pendant dix ans) ;
– d’échantillothèques assurant la conservation à moins 80°C des fèces et de la préparation utilisée pour le TMF (pendant 3 ans) par les équipes ayant effectué la préparation ou par une bio-banque dédiée ;
– un registre national voire européen des différents TMF réalisés par les équipes médicales, soit mis en place tant dans les cas d’infections récidivantes à C. difficile que pour d’autres applications en recherche biomédicale ;
– un réseau coopératif national, européen et international de retour d’expériences et de surveillance soit structuré en vue d’évaluer les bénéfices et les risques du TMF.
5 -en ce qui concerne la recherche biomédicale que :
– ces recommandations soient préconisées par les Agences de santé à l’occasion d’autorisation du TMF au titre de médicament expérimental (L. 5121-1-1 CSP) pour le traitement de maladies d’expression intestinale ou non ;
– des travaux soient entrepris :
- pour aménager les protocoles, notamment en vue de réduire le délai entre le recueil de la selle du donneur et l’administration au receveur en situation d’urgence clinique ;
- pour la compréhension du mécanisme d’action de tout ou partie de l’écosystème transféré, de façon à déterminer l’activité thérapeutique et les meilleures conditions d’efficacité et de sécurité d’emploi.
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[82] Décision du 28 février 2006 fixant la forme et le contenu du questionnaire que remplit le candidat au don de sang en application de l’article R. 1221-5 du code de la santé publique
[83] http://www.dondusang.net/rewrite/nocache/site/37/etablissement-francais-du-sang.htm?idRubrique=756
[84] EISEMAN, B, W SILEN, G S BASCOM, et A J KAUVAR. « Fecal enema as an adjunct in the treatment of pseudomembranous enterocolitis ». Surgery 44, no. 5 (novembre 1958): 854-859.
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