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CALCUL DU TAUX DE CHANGE D’EQUILIBRE POUR LES PAYS EXPORTATEURS DE PETROLE

CALCUL DU TAUX DE CHANGE D’EQUILIBRE POUR LES PAYS EXPORTATEURS DE PETROLE

PLAN

Introduction

Chapitre 1 : L’approche BEER

  • Descriptif de l’approche BEER
  • Les points faibles de l’approche
  • La mauvaise vérification de la PTNC
  • Le mélange des trois termes dans l’équation
  • L’anticipation du taux de change réel : une variable fourre-tout
  • L’insuffisance de la vérification empirique des relations de cointégration

Chapitre 2 : L’approche FEER

  • Descriptif de l’approche FEER
  • Les caractéristiques du modèle
  • Le mécanisme du modèle
  • Les difficultés rencontrées par le modèle FEER
  • Le choix du niveau soutenable des comptes courants
  • L’insuffisance de la restriction de la notion de déficit à un seul pays
  • Un déficit soutenable conditionné par l’équilibre interne
  • Le modèle FEER : une approche au calcul incertain

Chapitre 3 : L’approche NATREX

  • Le descriptif du modèle
  • Les traits caractéristiques de l’approche

 

Chapitre 4 : Aspects méthodologiques

Conclusion

Bibliographie

 

 

INTRODUCTION

L’étude du comportement des taux de change a connu un rebondissement important à la suite de l’abandon du système monétaire international de Bretton Woods. C’est en effet durant cette période que de nombreux travaux, tant théoriques qu’empiriques, ont commencé à être massivement diffusés dans la littérature internationale sur le calcul des taux de change de référence. Les champs de cette recherche ont par la suite évolué, pour progressivement passer d’une étude des taux de change nominaux à une analyse des taux de change réels. Dans les années soixante-dix, le Fonds monétaire international initie des travaux sur l’économie de change, à la suite desquels John Williamson fournit une définition du concept de taux de change d’équilibre fondamental. Dans ses propos, il affirme que le taux de change d’équilibre fondamental est le taux de change effectif réel qui assure à moyen terme qu’une économie réalise simultanément son équilibre interne et externe.

A partir de 1999, la montée des déséquilibres financiers internationaux a constitué la principale conséquence de la forte croissance mondiale en même temps que sa principale source de vulnérabilité. Les exportateurs de matières premières et particulièrement de pétrole ont été, de 1999 à 2007, parmi les pays qui ont accumulé des excédents courants considérables. Les termes de l’échange des pays exportateurs de matières premières, notamment de pétrole, c’est-à-dire les prix de leurs exportations rapportés à ceux de leurs importations, connaissent des fluctuations importantes qui se retrouvent dans l’évolution moyenne de leurs taux de change effectifs réels. Ainsi, la tendance à la baisse des termes de l’échange observée durant les décennies 1980 et 1990 s’est-elle traduite par une dépréciation continue des taux de change réels des pays exportateurs. Cependant, la remontée des termes de l’échange qui s’est opérée au début des années 2000 a simplement arrêté ce processus de dépréciation, sans l’inverser.

Si l’on parle spécifiquement du pétrole en tant que matière première, on remarque que les fluctuations des prix de l’or noir ont également des effets majeurs sur la richesse des nations et peuvent engendrer d’importants déséquilibres de soldes courants. Ainsi, suite à l’envolée du prix du brut au début des années 2000, les pays exportateurs de pétrole ont enregistré des excédents courants record et ont accumulé une richesse par habitant sans équivalent dans le monde. Or, l’accumulation d’excédents ou de dettes est aussi un déterminant connu des taux de change réels.

Plusieurs tentatives ont été entreprises pour calculer le taux de change d’équilibre pour les pays exportateurs de pétrole. C’est vers le début des années 1990 que l’approche des taux de change  connaît de nouveaux systèmes de calcul. Les estimations des taux de change d’équilibre dépendent en effet des choix méthodologiques effectués. Il convient donc de présenter la méthode employée ainsi que la structure théorique du modèle retenu. Un examen des approches les plus couramment utilisées fait apparaître deux modalités d’estimation : le modèle FEER ou Fundamental Equilibrium Exchange Rate de Williamson et le modèle BEER ou Behavioural Equilibrium Exchange Rate de MacDonald. Ces modèles ont pour objectif de déterminer le taux de change réel effectif compatible avec un équilibre macroéconomique interne et externe. Ils se situent dans la continuité des travaux de Nurkse[1]  en 1945 et Artus[2] en 1977. Le BEER est une approche économétrique qui permet de calculer un taux de change de moyen et long terme quant au FEER, c’es plutôt une méthode de calcul de taux de change de moyen terme. A côté de ces deux approches, il existe cependant une autre étape de calcul des taux de change. C’est le NATREX ou Natural Real Exchange Rate. C’est un modèle qui reprend la théorie de la parité du pouvoir d’achat ou PPA mais n’obéit pas aux contraintes de considérer comme les taux de change réel et de  voir la balance des paiements équilibrée à chaque période.

Notre travail se fixe comme objectif de définir les différents procédés de calcul du taux de change d’équilibre pour les pays exportateurs de pétrole. Nous verrons ainsi successivement trois approches. L’étude s’articulera donc autour de quatre parties. Dans un premier temps nous nous concentrerons sur l’approche BEER en faisant ressortir ses forces et ses faiblesses. Puis un second chapitre sera destiné à l’étude de sa voisine, l’approche FEER. Dans un troisième temps, nous nous focaliserons sur l’approche NATREX et enfin une quatrième partie sera dédiée aux aspects méthodologiques.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 1 : L’APPROCHE BEER

 

La relation généralement appliquée pour calculer les taux de change d’équilibre est la PPA qui implique que le taux de change réel est constant dans le temps. D’un point de vue empirique, il était en effet difficile de procéder à la vérification des hypothèses de la PPA et à l’observation des mouvements de taux de change réels. Dans un tel contexte, plusieurs formules et approches théoriques ont été proposées pour pouvoir expliquer les mouvements de long terme des cours de change. Le modèle BEER fait partie de ces approches. Il utilise des méthodes d’estimation avancées pour calculer les cours de change d’équilibre.

  • Descriptif de l’approche BEER

L’approche BEER, de son nom anglais, Behavioural Equilibrium Exchange Rate, a été dans sa toute première version, élaborée et proposée par Mac Donald en 1997, pour être ensuite affinée par Clark et Mac Donald en 1999. L’approche BEER est en quelque sorte une réponse donnée en réaction au modèle normatif de Williamson, que nous verrons dans le chapitre suivant. Le modèle BEER repose sur une approche volontairement positive du taux de change d’équilibre. La méthode économétrique utilisée par l’approche BEER s’inspire largement de la méthode de cointégration proposée par Johansen, une méthode qui part d’un modèle à correction d’erreur.

  • La construction de base

 

Dans le cadre des pays émergents, les études empiriques s’appuient généralement sur l’approche BEER. Elles reposent sur l’estimation d’une équation réduite ou le taux de change réel est régresse sur un certain nombre de fondamentaux censés affecter les équilibres interne et externe.

Clark et MacDonald (1997) proposent une modélisation générale de l’approche BEER : Behavioural Equilibrium Exchange Rate. Elle consiste à retenir un ensemble de variables fondamentales pouvant influencer le taux de change réel de long terme (terme de l’échange, productivité du travail, prix du pétrole, stock d’actifs étrangers nets, taux de chômage…) puis de chercher des relations de cointegration entre le taux de change  qt et ces variables.

L’approche BEER est fondée sur une série de fondamentaux économiques. L’équation du modèle BEER s’écrit comme suit :

qt 01(zt )t

Avec ;

 

zt : le vecteur des fondamentaux économiques qui affectent le taux de change réel sur des horizons de long et de court terme ;

qt : taux de change réel.

Il faut savoir que toute déviation par rapport à l’équilibre englobe aussi bien les influences à court terme que les erreurs aléatoires. Cette déviation est exprimée par εt. Le taux réel de change d’équilibre est ainsi défini comme suit :

qt =δ0+δ1Zt

Dans ce modèle, les composantes systématiques déterminant les cours de change est le différentiel de productivité entre le pays domestique et l’étranger (PROD), La position des actifs extérieurs nets (NFA) et les facteurs de demande, mais puisque ces facteurs sont difficiles à mesurer, ils sont communément ignorés dans les études empiriques. Ainsi, nous avons l’équation suivante :

qt = f(prod,NFA)

 

Le modèle BEER conduit ainsi à une forme simple qui se prête facilement à une estimation du taux de change réel d’équilibre. Pris de ce point de vue, il semble alors fort pratique. Cette simplicité fait d’ailleurs sa popularité et explique l’engouement que plusieurs manifestent à l’égard de cette approche et la profusion des travaux qui utilisent une forme plus ou moins apparentée à celle-ci.

 

Les travaux de ce type se placent dans une perspective purement économétrique : il s’agit d’introduire des variables fondamentales susceptibles de rendre compte des mouvements de taux de change, sans expliciter la théorie économique sous-jacente, en ce sens la démarche est ad hoc. Selon la parité non couverte des taux d’intérêt, le différentiel des taux d’intérêt nominaux entre deux devises doit être égal à la variation anticipée du taux de change.

 

 

  • Les étapes d’estimation du modèle BEER

 

L’estimation du BEER repose sur cinq étapes:

– Estimer tout d’abord la relation entre le taux de change reel, les fondamentaux et les variables a court terme.

– Calculer le mésalignement courant en supposant que les variables a court terme sont nulles et que les valeurs des fondamentaux correspondent aux valeurs observées. Le mesalignement réel correspond alors a la différence entre la valeur effective du taux de change réel et sa valeur d’équilibre.

– Identifier la valeur soutenable des fondamentaux a long terme. Celle-ci est généralement obtenue en décomposant la série en composantes permanentes et transitoires (par exemple, en utilisant un filtre HP ou une décomposition Beveridge-Nelson).

– Calculer le mésalignement total, en supposant que les variables a court terme sont nulles et que les valeurs des fondamentaux ont atteint leur niveau soutenable de long terme. Le mésalignement total correspond a la différence entre la valeur effective du taux de change réel et sa valeur soutenable de long terme.

– A partir des valeurs du taux de change réel d’équilibre, il est possible de déduire également les valeurs du taux de change nominal d’équilibre.

 

  • Les points faibles de l’approche

Bien qu’attirante de par son caractère simple et pratique, l’approche BEER est sujette à plusieurs interrogations qui laissent cependant les économistes sceptiques. Les auteurs s’accordent à dire en effet que le modèle BEER est susceptible de dériver quant à la détermination et l’interprétation du taux de change réel d’équilibre. Trois raisons précises viennent appuyer cette affirmation. Tout d’abord, le modèle repose sur une approche réductrice pour arriver à une équation réduite, ensuite l’analyse s’y traduit par une action réduite empilant une série de variables explicatives sans pour autant y remarquer un lien implicite ou explicite avec le taux de change réel. Enfin le modèle se concentre essentiellement sur les variables explicatives et ignore par la même occasion la variable à expliquer, en l’occurrence le taux de change réel dont la définition constitue l’élément de base de toute approche d’équilibre.

Nous allons ainsi voir successivement les quatre points qui font de l’ombre au tableau de l’approche BEER.

  • La mauvaise vérification de la PTINC

En premier lieu, la parité des taux d’intérêt non couverte ou PTINC est plutôt mal vérifiée dans les faits. D’une part l’hypothèse d’anticipations rationnelles pose toujours problème et le taux de change anticipé a tendance à dévier fortement de la valeur donnée par le taux de change à terme, ce qui implique ainsi un rejet de l’hypothèse d’efficience; d’autre part l’existence d’une prime de risque est aujourd’hui largement admise et sa modélisation reste sujette à caution. Dans le cadre de ce modèle, certains auteurs ont suggéré que cette prime soit rajoutée comme déterminant du taux de change réel13, et mesurée par le rapport des dettes externes domestique et étrangère exprimées en pourcentages du PIB de chacun des pays.

  • Le mélange des trois termes dans l’équation

 

En deuxième lieu, l’équation est un mixte de déterminants de court, moyen et long terme du taux de change. MacDonald[3] , lorsqu’il rédige une perspectives sur le BEER est d’ailleurs conscient de ce problème et affirme dans ses mots que “the variables included in our measure of the real exchange rate likely have different periodic influences on the real exchange rate”. Généralement, on considère que le différentiel d’intérêt ne subsiste pas au-delà du court terme, c’est-à-dire de la parité des taux d’intérêts réels, tandis que la position extérieure nette constitue un déterminant de moyen terme. Ils restent ainsi deux déterminants de long terme que sont les productivités et les termes de l’échange qui sont pourtant laissés de côté. Dans ce modèle, le concept d’équilibre n’est donc pas spécifié de manière satisfaisante.

 

  • L’anticipation du taux de change réel : une variable fourre-tout

 

En troisième lieu, quand on observe la littérature qui fait référence au modèle BEER, on se rend compte que la variable anticipations du taux de change réel, c’est-à-dire la composante systématique, devient vite une variable fourre-tout qui permet d’inclure dans l’équation du taux de change réel des variables ad hoc sans un retour pourtant nécessaire sur les équations structurelles du modèle.

  • L’insuffisance de la vérification empirique des relations de cointégration

 

Enfin, la vérification empirique de relations de cointégration entre d’un côté le taux de change réel, et de l’autre un ensemble de fondamentaux non stationnaires, bien qu’ils soient plus ou moins bien choisis, n’est pas à dire vrai un argument décisif pour retenir ce type de modèle. D’autant plus que lorsqu’on procède à des estimations de relations de cointégration sur des périodes longues, la présence de ruptures ou breaks peut conduire à des relations erronées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 2 : L’APPROCHE FEER

 

Dès le début des années 1980, Williamson inverse la problématique des taux de change et considère que la variable pertinente est le taux de change effectif réel qui est multilatéral et non le taux de change nominal. Ceci paraît logique dés lors que le taux de change réel, qui n’est rien d’autre qu’un prix relatif, est censé permette la réalisation d’un équilibre simultané interne et externe. Bien que critiquée pour ses aspects normatifs, la théorie qu’il développe et qui l’amène à définir un taux de change d’équilibre fondamental est une référence dans le champ de la finance internationale. FEER

 

  • Descriptif de l’approche FEER

 

Dans une première section, nous déterminerons d’abord les caractéristiques du modèle FEER, pour ensuite nous attacher dans une seconde section à son mécanisme.

 

  • Les caractéristiques du modèle FEER

 

La PPA affiche très vite des difficultés opérationnelles au niveau du choix du bon indice de coût ou de prix ou encore au niveau du choix d’une période de base d’équilibre. Confrontés à ces obstacles, Williamson en 1983[4] propose de rechercher un taux de change réel d’équilibre fondamental. C’est l’approche connue sous le nom de FEER. Le modèle FEER ou Fundamental Equilibrium Exchange Rate  garantirait, selon lui, l’égalité entre la balance courante et les flux de capitaux sous-jacents, ou transactions sur les actifs à long terme.

Williamson estimait que les variations du taux de change réel effectif doivent conduire à l’égalité entre la balance courante sous-jacente et la balance courante « cible » qui résulte de l’équilibre de moyen terme entre épargne et investissement. Le FEER est ainsi un excellent outil qui permet d’assurer les conditions idéales et désirées d’un équilibre interne et d’un équilibre externe. Ces deux équilibres comportent donc un caractère normatif. En effet, d’une part ce taux réel devra garantir que la balance courante soit à son niveau soutenable et désirable. D’autre part, on pourra considérer que l’équilibre interne répond également à un jugement de valeur lorsqu’on cherche à atteindre un certain niveau d’output ou un niveau d’inflation désirée.

 

  • Le mécanisme du modèle FEER

 

La trajectoire suivie par le taux de change effectif réel compatible avec cet équilibre macroéconomique provient d’un mécanisme qui se déroule en trois étapes:

  • Tout d’abord il faut prendre en compte le fait que plus la croissance sera forte, plus l’écart de productivité entre secteurs des biens échangés et non échangés. Cette situation conduit inéluctablement à une appréciation réelle du change.
  • Ensuite il faut également prendre en considération la réalité que plus un pays accumulera des déficits de sa balance courante, plus ces engagements vis-à-vis du reste du monde seront élevés. On parle ici de position extérieure nette débitrice. Or cette situation nécessitera une dépréciation réelle de sa monnaie pour dégager des excédents commerciaux suffisants pour assurer le service de la dette.
  • Enfin, Williamson dans sa théorie a repris à son compte les arguments de Johnson[5] ainsi que ceux de Houthakker et Magee[6] et rappelle que si le produit entre l’élasticité-revenu des importations et le taux de croissance domestique excède le produit entre l’élasticité-revenu de la demande d’exportations et le taux de croissance étranger, la balance courante aura tendance à se détériorer, ce qui conduira à une dépréciation réelle du change.

 

  • Les difficultés rencontrées par le modèle

 

Il faut d’emblée garder à l’esprit que l’objectif n’est pas d’obtenir une balance courante équilibrée mais un solde des comptes courants qualifié de soutenable qui soit financé par des flux de capitaux longs. Il reste à définir de manière plus opérationnelle ce concept de balance courante soutenable. Dans la pratique, il est possible de déterminer un FEER ex-post ou ex-ante. Le FEER ex-post est celui qui aurait permis la réalisation des équilibres interne et externe sur une période passée. Le FEER ex-ante est celui qui permettra d’atteindre simultanément les objectifs d’équilibre interne et externe dans un futur de moyen terme.Or cette situation expose le modèle FEER à des difficultés relevant de quatre points majeurs qui découlent de ce caractère soutenable du déficit :

 

  • Le choix du niveau soutenable des comptes courants

 

Williamson lui-même en 1994[7], admet qu’à chaque niveau des comptes courants désirés ou soutenables correspond un taux de change d’équilibre fondamental. Or le principal blocage de ce principe réside justement dans le choix qu’il va falloir faire de ce niveau de soutenabilité des comptes courants. La niveau soutenable dépend pourtant de plusieurs facteurs, à savoir le niveau de la dette externe, le degré d’ouverture de l’économie ainsi que la situation budgétaire interne. Williamson ne fait cependant allusion à aucun niveau de dette optimale lorsqu’il discute du niveau de la dette externe. Or plusieurs niveaux de dette externe coïncident avec l’hypothèse de stabilité à long terme, et donc plusieurs comptes courants soutenables sont possibles.

 

  • L’insuffisance de la restriction du déficit à un seul pays

 

Il ne suffit pas en effet de définir un déficit soutenable, sans se préoccuper du reste du monde. Ce déficit doit en fait être cohérent avec un excédent soutenable des pays partenaires qui jouent eux-aussi un rôle non négligeable dans le mécanisme. La véritable question qui se pose est donc de trouver comment alors exiger de certains pays qu’ils réduisent leurs excédents.

 

  • Un déficit soutenable conditionné par l’équilibre interne

 

Il est incontestable que le déficit soutenable dépendra des conditions de l’équilibre interne. Ceci nécessitera d’estimer les taux de croissance potentiels dans le pays domestique et dans les pays partenaires, afin de déterminer à quelle vitesse devront croître les PIB réels pour que cet équilibre interne soit réalisé. Ce sont les politiques budgétaires de chacun des pays qui seront ici décisives.

 

  • Le modèle FEER : une approche au calcul incertain

 

La détermination de niveaux désirés ou soutenables pour les principales variables macroéconomiques rend le calcul du FEER très incertain, incertitude accrue par la difficulté d’obtenir des estimations satisfaisantes des élasticités prix/revenus du commerce. Dans ces conditions différentes valeurs du taux de change d’équilibre seront possibles et seront associées à différentes dynamiques du taux de change réel.

 

Le modèle FEER constitue indéniablement une avancée théorique considérable, mais il est clair que le modèle élaboré par Williamson souffre de blocages qui ont conduit de nombreux auteurs à lui préférer une approche plus empirique du taux de change réel d’équilibre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 3 : LE MODELE NATREX

 

  • Descriptif du modèle

 

Le NATREX, Natural Real Exchange Rate ou taux de change réel naturel a été développé par Stein et Allen en 1997. Celui-ci est défini comme le taux de change réel qui assure l’équilibre de la balance des paiements en l’absence de facteurs cycliques (production à son potentiel), de flux de capitaux spéculatifs et de variation de réserves de change. Leur schéma distingue trois horizons de taux de change : le court, le moyen et le long terme.

 

L’approche du NATREX est dynamique et repose explicitement sur les déterminants de long terme du taux de change réel d’équilibre. Contrairement au FEER, le NATREX incorpore des effets de stock à travers la dynamique de la position extérieure nette et du stock de capital. Il permet de calculer une trajectoire d’équilibre du moyen terme au long terme. Néanmoins le NATREX souffre comme le FEER des hypothèses faites sur l’équilibre interne. Comme le FEER et le BEER et le NATREX se présentent comme une théorie du taux de change réel d’équilibre ; elle ne devient une théorie du taux de change nominal qu’en évacuant les mécanismes de formation des prix. Le NATREX peut être considéré comme la forme réduite de l’équation de taux de change d’un modèle macroéconométrique.

 

Dans l’approche NATREX, il suffit que les mouvements de capitaux aient une évolution compatible avec un  endettement international soutenable à long terme. Le modèle du NATREX est donc plutôt normatif. De ce point de vue, il recherche en définitive le taux de change qui assure des flux de capitaux optimaux : ce taux de change doit permettre tout à la fois, globalement, d’avoir une allocation internationale optimale de l’épargne et, à chaque économie nationale, de trouver son sentier de croissance potentielle. Mais le NATREX est également un modèle opérationnel en ce sens qu’il permet d’établir les estimations du taux de change courant, en sachant que le taux de change courant doit converger vers le NATREX, et d’autant plus rapidement que son flottement est libre.

 

 

 

 

 

II – Les traits caractéristiques de l’approche NATREX

 

Nous avons précédemment vu que les modèles les plus classiques témoignent d’une insuffisance, si bien que l’approche du NATREX se fixe comme ambitions de répondre aux exigences suivantes :

  • Déterminer les taux de change réels d’équilibre, ou NATREX, qui satisfont les conditions d’équilibre de moyen terme et de long terme.
  • Expliquer la dynamique du taux de change réel et notamment le passage d’une situation d’équilibre de moyen terme à un état stationnaire de long terme.
  • S’appuyer sur une construction théorique rigoureuse qui fait appel au principe d’optimisation

intertemporel en situation d’incertitude, pour décrire le comportement des différents agents.

 

Le NATREX est le taux de change réel qui prévaut lorsque les facteurs cycliques/spéculatifs n’ont plus d’influence et que le taux de chômage est à son niveau naturel. L’approche originelle du NATREX développé par Stein relie le taux de change réel entre deux grandes économies à un ensemble de variables fondamentales, endogènes et exogènes à moyen terme, exogènes à long terme, variables qui expliquent l’épargne, l’investissement et la balance courante. Les variations du taux de change réel vont ainsi garantir qu’à l’équilibre de moyen terme la balance courante évaluée aux conditions de l’équilibre interne (output à son niveau potentiel, taux de chômage naturel, inflation stabilisée) sera égale à l’épargne sociale désirée moins l’investissement désiré.

 

L’approche NATREX n’exige pas que le taux de change effectif réel et le taux de change d’équilibre soient stationnaires. En effet, le NATREX varie dans le temps et dépend des variations des fondamentaux. Le modèle NATREX traite le taux de change réel comme variable endogène. Les équations structurelles de bases du modèle NATREX sont représentées comme suit :

 

S(K,F;Z,μ)I(K,Y,R,r;Z,μ)=CA(R,Y,F,r;Z,μ);μ =0

 

r +?(t)=r*;?(t)=E{?(t)R*[Z(t)]}

 

dF/dt=−A(R,Y,F,r;Z,μt ) ; L=IS

 

dK/dt=I

 

Avec :

R= Taux de change réel(TCR) ;

r = Taux d’intérêt réel (TIR) domestique ;

r*= Taux d’intérêt réel étranger ;

S=Epargne ;

I = Investissement ;

K= Stock de capital ;

F=Dette extérieure ;

CA= Compte courant ;

?(t)=Prime de risque ;

Z=Le vecteur des variables fondamentales

 

Le modèle NATREX s’étudie gnéralement par l’équation du modèle économétrique suivante :

natrex= f(z)

Pour la plupart des applications du modèle NATREX, le vecteur Z incluant les variables suivantes : Les termes de l’échange (tot), la productivité (prd) , le taux d’intérêt réel mondial (r*) et les dépenses publiques réels(g)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 4 : LES ASPECTS METHODOLOGIQUES

 

Les relations fondamentales de détermination de change sont principalement la parité de pouvoir d’achat (PPA) et la parité de taux d’intérêt (PTI). C’est Cassel  en 1994 qui fut le premier à fournir un exposé systématique de la relation entre les pouvoirs d’achat et le change, dans son ouvrage « la monnaie et le change après 1914 ». Le cours de change réel peut s’exprimer par rapport à la relation de la PPA. En s’en tenant au cours effectif réel, on considèrera que le cours réel bilatérale mesure le pouvoir d’achat relatif des deux monnaies considérées.

A côté de la PPA, il existe de nos jours, d’autres tentatives intéressantes pour situer les évolutions du change courant par apport à un taux de référence sensé lui-même correspondre à l’équilibre. Le but demeure identique : il s’agit de juger des « désalignements » par rapport au niveau d’équilibre. On peut ainsi citer, outre le taux de change d’équilibre comportemental (Behavioural Equilibrium Exchange Rate ou BEER), le taux de change d’équilibre fondamental (Fundamental Equilibrium Exchange Rate ou FEER) de Williamson et le taux de change naturel réel (Natural Reel Exchange Rate ou NATREX) de Stein.

 

Le FEER de Williamson n’est autre que le taux de change effectif assurant à moyen terme la réalisation simultanée d’équilibre interne et externe. Il correspond au taux qui prévaut quand l’économie se trouve sur son sentier de croissance potentielle et, simultanément, lorsque l’équilibre de la balance courante est » soutenable à long terme. Le calcul du FEER nécessite donc de connaître, d’une part, l’écart entre la production réalisée et la production potentielle et, d’autre part, l’écart entre le compte courant observé et celui qui correspond à l’équilibre «soutenable ». De plus, il implique une estimation des variations du stock désiré d’actifs internationaux sous jacents nécessaires à l’équilibre de la balance courante, dont le niveau est, lui-même, dépendant de la gestion de la demande interne. Le NATREX de Stein est un taux de change réel d’équilibre à long terme. Il traite comme des exogènes non expliqués par le modèle : taux d’intérêt réel mondial de long terme, la préférence des agents (propension à consommer ou, son inverse, la propension à épargner), et la productivité du capital. Les déterminants endogènes qui sont expliqués par le modèle regroupent l’accumulation du capital réel et de la dette étrangère. Le taux de change réel dépend à la fois des arguments exogènes et des fondamentaux endogènes plus les facteurs cycliques et spéculatifs. Avec le NATREX, on est donc en présence d’un taux de change réel qui ajuste à court terme le marché des biens mais dont la dynamique à long terme dépend du stock réel de capital et de la dette extérieure. Son avantage est de permettre de tenir compte à la fois des effets à court et à long terme des chocs sur la productivité et sur les comportements d’épargne. L’importance qu’il accorde aux interactions stock-flux constitue son principal avantage. Même s’il est un référentiel vers lequel tend l’économie mais qui n’est pas observable, il peut être envisagé à un taux d’équilibre par rapport auquel on peut mesurer les désalignements. Plus riche que le concept de la PPA (qui ne fait intervenir que les niveaux de prix), celui du NATREX demeure néanmoins plus difficile à expliquer.

 

Dans ce chapitre, nous tentons de voir les méthodologies et les procédés de calcul relatifs à chaque modèle. En guise de rappel, on peut dire que la première méthode est une application directe de l’approche dite du taux de change d’équilibre fondamental (FEER) de John Williamson. La seconde en est une extension qui repose sur la fixation d’une norme de solde courant correspondant à la stabilité du ratio actif extérieur net / PIB. On peut considérer qu’elle s’inspire des modèles de portefeuille. La troisième est inspirée de l’approche empirique (BEER) à la Clark et McDonald.

 

Les équations sont très classiques. La première et la secondent donnent exportations et importations en volume en fonction du taux de change réel (les termes de revenu ont été omis puisqu’on suppose que les PIB sont à leur niveau d’équilibre). La troisième donne, comptablement, le solde des paiements courants en fonction du solde des biens et services, des revenus du capital et des transferts unilatéraux. La quatrième est une équation de définition de l’actif extérieur net.

La détermination du taux de change d’équilibre fondamental suppose que soit donnée une norme de solde courant d’équilibre. Le taux de change dépend positivement du stock d’actifs extérieurs, des transferts reçus, et négativement de la norme de solde courant.

Dans la deuxième approche, Le solde courant d’équilibre est égal au produit du ratio richesse extérieure désirée /PIB, multiplié par la croissance nominale. De ce fait, un pays qui maintient un endettement extérieur stable peut être en déficit permanent.

En conséquence, le taux de change d’équilibre doit être d’autant plus déprécié que le niveau de richesse désiré est élevé.

Contrairement aux deux premières, la troisième approche ne repose pas sur une norme de solde courant définie a priori, mais sur une démarche purement empirique. Le taux de change d’équilibre résulte d’une estimation sur données de panel, en fonction de variables explicatives représentatives de ses déterminants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

Dans le cadre de l’évaluation du taux de change réel d’équilibre, il existe différents procédés de calculs. La littérature sur la finance internationale en apporte au moins trois. La première méthode est une application directe de l’approche dite du taux de change d’équilibre fondamental de John Williamson. Cette approche est aussi appelée FEER ou Fundamental Equilibrium Exchange Rate. La seconde en est une extension qui repose sur la fixation d’une norme de solde courant correspondant à la stabilité du ratio actif extérieur net / PIB. On peut considérer qu’elle s’inspire des modèles de portefeuille et enfin la troisième est inspirée de l’approche empirique à la Clark et McDonald. C’est le modèle BEER ou Behavioural Equilibrium Exchange Rate.

 

Les équations sont très classiques. La première et la seconde donnent exportations et importations en volume en fonction du taux de change réel, dans ces formules, les termes de revenu ont été omis puisqu’on suppose que les PIB sont à leur niveau d’équilibre). La troisième donne, d’un point de vue comptable le solde des paiements courants en fonction du solde des biens et services, des revenus du capital et des transferts unilatéraux.

 

Le tour d’horizon de modèles couramment utilisés dans la littérature pour déterminer la valeur d’équilibre des taux de change, à savoir le BEER et le FEER a révélé qu’aucune des ces approches ne traite de manière convaincante des points suivants, à savoir l’explication de la dynamique du taux de change réel d’équilibre, qui ne peut être supposé constant, la proposition d’ une théorie qui distingue les différents états d’équilibre, c’est-à-dire à la fois l’équilibre de moyen terme et l’équilibre de long terme, la description de la dynamique du taux de change réel vers sa valeur d’équilibre de moyen terme et ensuite la transition vers l’équilibre de long terme, l’analyse de l’interaction entre le taux de change réel et la dette externe et la proposition d’un modèle qui se prête facilement aux estimations économétriques tout en satisfaisant les conditions d’équilibre. Car il faut savoir qu’au-delà d’une simple relation de cointégration, cela suppose qu’on puisse estimer un ensemble d’équations structurelles.

 

Si pris séparément chacun des modèles précédents peut remplir une ou plusieurs de ces conditions, aucune approche théorique ne répond de manière satisfaisante à l’ensemble de ces exigences. Ceci explique sans doute le recours des économistes à d’autres procédés comme le NATREX qui pourrait peut-être s’avérer plus générale et prendre en compte ces différents aspects.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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[1] NURKSE R., International Currency Experience: Lessons of Interwar the Period, Geneva: League of Nations., 1944

[2] ARTUS J.,  “Methods of Assessing the Long-Run Equilibrium Value of an Exchange Rate”, IMF Working Paper 77/124., 1977

[3] MACDONALD, R. (2002), “Modelling the Real Effective Exchange Rate of the New Zeeland Dollar: A BEER Perspective”, Australian Economic Papers, 41(4), Special Issue on: Exchange Rates in Europe and in Australasia, December.

[4] WILLIAMSON, J., The Exchange Rate System, Institute for International Economics, Washington DC, MIT Press, Cambridge, 1983

[5] JOHNSON, H., “Increasing Productivity, Income-Price Trends, and the Trade Balance”, The Economic Journal, 64, pp. 462-485, 1954

[6] HOUTHAKKER, H. S. and S. P. MAGEE, “Income and Price Elasticities in World Trade”, The Review of Economics and Statistics, 51(2), pp. 111-125, 1969

[7] WILLIAMSON J., “Estimates of FEERs”, in Estimating Equilibrium Exchanges Rates, J.WILLIAMSON ed. Institute for International Economics, Washington, 1994

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