comment laisser ou donner une place à la relation individualisée dans un collectif ou dans un groupe
Sommaire
Première partie : Cadre général de l’étude. 6
1.1. L’ITEP : une histoire d’évolution et de réforme. 6
1.5. Partenaires et réseau. 10
1.6. Les missions de l’éducateur 10
2.1. Le cas d’Houcine : un appel illégal 12
2.2. Les visions d’Houcine : un refuge psychologique. 16
2.3. Le problème de Mathieu : recherche d’attention ou histoire vraie ?. 21
Partie 2 : Analyse théorique et réflexion sur les faits rencontrés. 24
2.1. La loi du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico sociale. 32
2.2. La loi de 2005 sur le handicap. 36
Partie 3 : Le projet Café Jeune. 46
1.1. Présentation du projet 46
2.1. Faisabilité temporelle. 52
2.2. Faisabilité par rapport à l’accord de la direction. 52
2.3. Faisabilité par rapport à l’accord des équipes. 53
Annexe 2 : Pyramide des besoins de Maslow.. 62
Liste des abréviations
ITEP : Institut thérapeutique éducatif et pédagogique
IMP : Institut médico-pédagogique
IR : Institut de rééducation
MECS : Maison d’enfants à caractère social
MDPH : Maison départementale des personnes handicapées
CASF : Code de l’action sociale et des familles
PPA : Projet personnalisé d’accompagnement
ESAT : Etablissement et service d’aide par le travail
EA : Entreprise adaptée
CATTP : Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel
ASE : Aide sociale à l’enfance
SAFREN : Service d’accompagnement familial renforcé
CAP : Certificat d’aptitude professionnelle
EREA : Etablissement régional d’enseignement adapté
PPA/PPS : Projet personnalisé d’accompagnement / Projet personnalisé scolaire
MECS : Maison d’enfant à caractère social
Introduction
Tous les êtres humains naissent libres et égaux, telle est la première phase de la déclaration universelle des droits de l’homme. Cette liberté et cette égalité sont à l’origine de plusieurs droits et prérogatives reconnus à tout être humain : le droit à l’éducation, le droit à une vie de famille, le droit à une vie professionnelle et bien d’autres encore. Ces différents droits sont garants d’une bonne socialisation. Cette dernière n’est pourtant pas aboutie pour les jeunes admis en Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP) qui présentent un handicap les empêchant de s’insérer correctement dans la société.
L’ITEP est une école spécialisée qui œuvre dans le handicap et accueille des adolescents en situation de handicap. Son but consiste à fournir un accompagnement éducatif, professionnel et psychologique à ces enfants qui présentent des difficultés à vivre normalement en société.
L’ITEP mise sur l’interdisciplinarité et la collaboration. C’est la raison pour laquelle l’établissement emploie à la fois des travailleurs sociaux, des éducateurs, des médecins, des psychologues et des psychiatres. Dans cette approche systémique primée par cet établissement, l’accompagnement du jeune s’effectue de la manière la plus complète possible.
Etant donné que l’ITEP est une école spécialisée, nombreux sont les jeunes enfants qui y sont admis et qui s’y côtoient. Ainsi, ces derniers y vivent en collectivité et reçoivent une éducation conforme à leur situation. Cette situation différant d’un enfant à un autre, j’ai choisi d’axer ma problématique sur la notion de relation individualisée dans un collectif. Plus précisément, je souhaite traiter de la place de la relation individuelle dans un groupe. La question se pose alors de savoir comment laisser ou donner une place à la relation individualisée dans un collectif ou dans un groupe. Cette question me semble pertinente dans la mesure où le succès d’une thérapie ou d’une éducation en groupe dépend essentiellement de l’accompagnement individualisé que l’on prodigue à chacun de ses membres. Il faut donc tenir compte de l’individualité de chacun et surtout de cette différence entre les cas, ce qui nécessite parfois un suivi plus individualisé, voire même personnel adapté à chaque cas.
Cette problématique part du constat que l’accompagnement individualisé n’est pas concrètement formalisé au sein de l’ITEP. Pourtant, il pourrait s’avérer bénéfique pour ces adolescents si on lui accordait la valeur qu’il mérite.
Je tenterai de résoudre cette problématique à travers les trois parties que ce mémoire abordera. La première partie de ce travail portera sur le contexte institutionnel de l’ITEP et sur les trois situations illustrant la problématique. Ensuite, je continuerai avec une partie plus théorique sera axée sur une analyse théorique et une réflexion sur les faits rencontrés. J’y aborderai les problématiques des jeunes accueillis en ITEP, les politiques sociales qui font mention de la relation individuelle, les caractéristiques et bienfaits du groupe ainsi que les bienfaits de la relation individuelle. A la fin de ce mémoire, je proposerai le projet « Café jeune », une initiative visant l’instauration de la relation individuelle au sein de l’ITEP. Il s’agira de temps individuels durant lesquels les jeunes pourront échanger librement avec les éducateurs.
PremiEre partie : Cadre général de l’étude
Cette première partie relatera le contexte institutionnel de l’ITEP ainsi que les situations illustrant la problématique.
1. Contexte institutionnel
1.1.L’ITEP : une histoire d’évolution et de réforme
L’histoire de cette institution remonte vers la fin du XIXe siècle. En effet, l’ITEP[1] était à l’origine un orphelinat, une institution caritative sous l’égide des prêtres, créé en 1860. Au début, l’institution fonctionnait essentiellement grâce au soutien d’une congrégation de religieuses. Les enfants y effectuaient divers travaux manuels et bénéficiaient d’une instruction. En 1970, l’orphelinat est devenu un IMP[2] dans le but d’accueillir les enfants atteints de troubles du comportement avec des déficits intellectuels. A l’époque, la structure affichait déjà une capacité d’accueil de 32 garçons. En 1984, l’IMP est devenu un IR[3] suite aux annexes 24, à la réorganisation et à la redéfinition du secteur de l’enfance handicapée. En 2007, l’IR sera soumis au décret concernant la création des ITEP.
1.2.Fonctionnement
L’ITEP est géré par une association à vocation sociale. Celle-ci assure également la gestion de 3 MECS[4] et d’un service SAFREN[5] composé de 3 antennes. L’établissement est agréé pour accueillir 32 jeunes garçons âgés entre 12 et 18 ans qui souffrent de troubles de conduite et de comportement, de problèmes psychoaffectifs ou de difficultés relationnelles sérieuses ayant entraîné des difficultés scolaires ne permettant plus leur maintien dans le circuit scolaire ordinaire. Les adolescents sont accueillis en internat, en semi-internat, en externat voire en séquentiel.
L’ITEP se subdivise en 3 groupes de vie composés de 11 jeunes en moyenne. Ces groupes sont gérés par des équipes de 3 éducateurs qui accompagnent les jeunes sur différents temps : le matin avant l’école, le midi et le soir après la fin des temps de classe. Les adolescents sont également accueillis lors des temps de « prise en charge éducative » qui correspondent à quelques semaines durant les vacances scolaires.
1.3.Législation
Trois textes légaux régissent le statut, le fonctionnement général et les activités des ITEP. Dans un premier temps, il s’agit d’un établissement médico-social qui, par conséquent, se révèle soumis à la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Dans un second temps, tous les jeunes scolarisés en ITEP justifient d’une notification MDPH[6]. L’établissement relève ainsi du champ du handicap et est donc soumis à la loi du 11 février 2005. Enfin, cette institution est régie par la circulaire du 14 mai 2007 relative aux ITEP et à la prise en charge des enfants accueillis. Cette circulaire stipule dans ses dispositions la fin des IR et précise les caractéristiques des ITEP et du public qu’ils sont en droit d’accueillir. Ainsi, « les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques accueillent les enfants, adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. Ces enfants, adolescents et jeunes adultes se trouvent, malgré des potentialités intellectuelles préservées, engagés dans un processus handicapant qui nécessite le recours à des actions conjuguées et à un accompagnement personnalisé tels que définis au II de l’article D. 312-59-2 du CASF[7] ».
De plus, cette circulaire précise également que « la mission centrale de l’ITEP est d’amener le jeune concerné à un travail d’élaboration psychique, en accompagnant son développement singulier au moyen d’une intervention interdisciplinaire, qui prenne en compte la nature des troubles psychiques et leur dynamique évolutive« . En d’autres termes, l’éducation des élèves ne se limite pas à un travail psycho-psychique mais touche également les domaines des instructions intellectuelles dans le but de fournir des outils utiles pour le développement et l’épanouissement personnel des jeunes.
1.4.Prise en charge
L’ITEP propose une prise en charge spécifique et pluridisciplinaire : de l’éducatif, du pédagogique et du thérapeutique. Un contrat de séjour est établi. Il décline :
a. La prise en charge éducative
L’objectif est de permettre à l’enfant d’améliorer ses capacités relationnelles avec les autres, de prendre ou de reprendre confiance en lui, d’accepter et de vivre avec ses difficultés. En d’autres termes, le travail portera essentiellement sur l’apprentissage des conduites et des comportements à adopter pour une meilleure intégration dans la vie sociale. Le secteur éducatif se compose de 3 groupes de vie. En principe et en temps normal, chacun de ces groupes est encadré par trois éducateurs spécialisés. Un surveillant de nuit est rattaché à ce service, il est le garant de la sécurité et de la surveillance des biens et des personnes. Deux maîtresses de maison assurent également la mission d’entretien des locaux et d’accompagnement à la vie quotidienne pour les adolescents.
A leur arrivée et en fonction des indications des 3 journées d’admission, les jeunes sont répartis sur les 3 groupes éducatifs. Il est choisi de ne pas réunir sur un même groupe de vie des jeunes ayant de grands écarts d’âge comme le préconise l’article D312-59-17 du décret 2005-1 du 06/01/2005 : « […] des sections séparées doivent être prévues pour les enfants, les adolescents et si nécessaire les jeunes adultes« .
b. La prise en charge pédagogique et une formation préprofessionnelle
Trois enseignants assurent la pédagogie dans chacune des classes. Un quatrième enseignant est chargé de la coordination du pôle et assure également les prises en charge individuelles des élèves pendant « des temps de crise » ou dans le cadre du projet de re-scolarisation nécessitant un accompagnement individuel.
Les élèves sont répartis dans les 3 classes après un diagnostic rapide de leur niveau scolaire et de leur « aptitude à être élèves » pendant les 3 journées de préadmission. En début d’année, des évaluations plus complètes précisent le niveau scolaire de chacun dans les matières fondamentales. C’est à partir de ces acquis et « restes à acquérir » que le programme singulier de chaque élève est décliné en objectifs.
Dans un premier temps, la fonction de l’école à l’ITEP est d’aider le jeune à se poser. Pour lui, l’école a été vécue comme un lieu d’échec, de rejet, voire d’exclusion. Il est nécessaire de reprendre goût aux apprentissages, de réapprendre les valeurs sociales et le goût de la vie communautaire. Pour ce faire, l’effectif de 10 élèves est propice pour un accompagnement plus personnalisé de chaque enfant. Cependant, autant que possible, il convient également de considérer un à un les adolescents.
c. La prise en charge thérapeutique
Il est important de noter qu’il n’existe aucun médecin psychiatre au sein de l’ITEP. Une organisation par défaut s’est mise en place et les fonctions des personnels de ce service ont été redistribuées. C’est auprès des CMP du département que l’on trouve les réponses médicales au suivi des jeunes et c’est auprès de la psychologue institutionnelle que l’approche clinique autour des problématiques psychiques des adolescents est élaborée. Ces deux services assurent l’accompagnement psychologique des adolescents.
La psychologue institutionnelle s’acquitte également de la mission de coordination du pôle thérapeutique. Celui-ci est composé d’une psychothérapeute, d’une orthophoniste, d’une psychomotricienne, de deux art-thérapeutes et d’une infirmière. Tous ces personnels travaillent à temps partiels.
d. Accompagnement des jeunes
Comme il est stipulé par la loi du 2 janvier 2002, la personnalisation de l’accompagnement est le principe fondateur du parcours du jeune. Les modalités de prise en charge sont stipulées dès l’admission, à travers le contrat de séjour : rythme de l’internat, continuité des soins, régime alimentaire, …
Lors du premier PPA[8] (dans un délai maximum de 3 mois après l’admission), les objectifs initiaux sont énoncés au jeune et à sa famille. Ceux-ci prennent en compte les problématiques de l’usager, mais surtout ses capacités et ses souhaits. L’éducateur référent, garant du projet et de ses déclinaisons, se soucie, tout au long de sa mission, de la mise en œuvre des objectifs. Il est le trait d’union entre la vie institutionnelle du jeune et son environnement familial.
Lorsqu’un projet professionnel aura émergé, l’éducateur référent – et l’éducateur technique, si besoin – accompagnera le jeune et sa famille pour trouver une école de formation en apprentissage, un employeur, un ESAT[9], une E.A.[10] ou une autre structure similaire.
1.5.Partenaires et réseau
De par son implantation géographique, l’ITEP possède la chance de pouvoir solliciter et utiliser les structures de droit commun du territoire. Elles sont constituées de nombreuses structures ou associations qui entretiennent des liens avec l’ITEP de façon pérenne ou ponctuelle. Elles constituent le réseau de l’établissement.
Certains jeunes vivent dans des situations compliquées qui nécessitent l’aide de tiers (travailleur social pour accompagner la famille, placement en MECS ou en Famille d’Accueil). Les référents éducatifs, de par leur fonction de coordonnateur de projet, assurent et font vivre la dimension partenariale singulière sous couvert du Chef de Service. L’absence de médecin psychiatre au sein de l’établissement nécessite également un travail de partenariat avec le Centre Médico-Psychologique. En d’autres termes, l’ITEP travaille en étroite collaboration avec des employés dans d’autres disciplines pour un meilleur accompagnement des adolescents.
Les familles sont également considérées comme des partenaires majeurs de l’établissement et sont impliquées dans le processus. De ce fait, en plus des différents contacts téléphoniques ou des visites lors des arrivées et départs de certains jeunes, nous les rencontrons de manière formelle plusieurs fois dans l’année. Ainsi, une réunion de prérentrée, le PPA et trois réunions trimestrielles sont prévus avec les parents pour les tenir informés des dispositions et de l’avancée de leurs enfants. De plus, formaliser les modalités de rencontres n’exclut en rien les rencontres ponctuelles qu’elles soient à l’initiative des parents ou des professionnels.
1.6.Les missions de l’éducateur
La Circulaire interministérielle DGAS/DGS/SD3C/SD6C n° 2007-194 du 14 mai 2007 portant sur « Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques
et la prise en charge des enfants accueillis » délimite l’intervention du pôle éducatif au sein de l’ITEP. Selon cette dernière, les éducateurs interviennent quotidiennement afin d’« ouvrir à chaque enfant ou adolescent considéré dans sa singularité, un espace relationnel qui le sollicite[11] » Ainsi, l’éducateur vise avant tout un développement individuel de l’enfant dans un cadre collectif puisqu’il cherche à le faire renouer avec le social en considérant sa subjectivité et son individualité en premier lieu.
Ses actions se résument à ces quelques points :
- « la socialisation et les relations à autrui dans le cadre d’un collectif d’enfants, adolescents ou jeunes adultes dont les âges et les centres d’intérêt sont proches ;
- l’apprentissage et la prise en charge de soi-même ;
- l’ouverture au monde par le biais d’activités sportives, culturelles, de découverte, de travaux manuels, de jeux… ;
- le soutien des potentialités intellectuelles et la réconciliation avec les savoirs par l’éveil à la culture, l’accompagnement à la scolarité ;
- l’accès à la découverte du milieu professionnel dans la perspective d’élaboration d’un projet de formation ;
- le soutien à la scolarité ;
- le soutien à la dimension thérapeutique.[12]»
Étant en contrat d’apprentissage au sein de l’ITEP, je m’occupe d’un groupe composé de douze jeunes pris en charge quotidiennement de manière collective et individuelle en même temps. Le pôle éducatif composé de trois éducateurs tient à privilégier la singularité de chaque enfant et adopte une posture ferme et bienveillante à la fois face aux problématiques contrastées de ces derniers. Mon équipe s’efforce de prendre en compte la problématique de chaque jeune et d’orienter son intervention éducative en fonction de celle-ci. Ainsi, il arrive que nous ne tenions pas compte du temps imparti à notre intervention et que nous soyons sollicités tant au-dedans qu’en dehors de ces horaires, mais également de l’établissement.
2. Les situations qui justifient la problématique
Dans cette partie, j’avancerai trois exemples de situations vécues en tant qu’éducateur au sein d’un ITEP qui justifie le choix des questionnements que je me suis posés.
2.1.Le cas d’Houcine : un appel illégal
Lors de mon arrivée à l’ITEP en août 2014, j’ai commencé à travailler sur le groupe des adolescents les plus âgés. Pour ma part, je souhaitais me focaliser particulièrement sur l’apprentissage de l’autorité, l’accompagnement vers l’autonomie et un projet professionnel. Mes collègues ont grandement contribué à ma bonne intégration en préparant à l’avance mon arrivée auprès des jeunes, en étant disponibles et à l’écoute de mes besoins professionnels et matériels ainsi que de mes questions. La création des liens privilégiés avec les jeunes adolescents s’est faite très rapidement grâce à l’intervention de mes collègues, à ma persévérance et à l’organisation de plusieurs activités et discussions.
Le courant est plus particulièrement passé avec un jeune que je nommerai Houcine pour respecter l’anonymat. Il s’agit d’un jeune avec qui je discute beaucoup et que j’aide dans l’écriture de textes musicaux. Houcine est arrivé à l’ITEP en 2012, il a passé deux ans avec le groupe des plus jeunes et vient d’effectuer sa première année chez les plus grands au moment de mon arrivée. Parallèlement à l’ITEP, il fait également l’objet d’une mesure de placement au sein d’une MECS[13] depuis l’âge de 9 ans. Cette mesure a été prise suite à une situation familiale à caractère compliqué. En effet, son dossier stipule que son père est en situation d’incarcération pour des faits de violence et des problèmes de drogue. Le seul contact entre le père et l’enfant est limité aux séances d’audiences chez le Juge des enfants. Quant à la mère d’Houcine, elle ne pouvait pas s’occuper seule de la fratrie, étant elle aussi en proie à des problèmes d’addiction et de prostitution. Houcine a deux petites sœurs placées en famille d’accueil. Il rentre au domicile familial un weekend sur deux et quelques jours pendant les vacances scolaires.
A son arrivée à l’ITEP, il a commis plusieurs actes violents à l’égard des autres jeunes et de l’équipe éducative. Pendant ses crises, il était difficilement contrôlable. Il en est même arrivé à user d’un couteau à pain pour agresser un autre jeune. Ce fait classé comme extrêmement grave a obligé l’équipe à le conduire et à le faire interner au Centre d’Accueil Permanent (CAP) du Centre Psychothérapique du département où il a été hospitalisé pendant plusieurs semaines. Depuis, il suit un traitement médical pour l’aider à s’apaiser et à trouver un bon équilibre psychologique. En guise de suivi et de contrôle de son état de santé mentale, il doit atteindre le CATTP[14] à raison de deux fois par semaine.
Depuis mon arrivée, Houcine s’est montré très calme et a fait preuve d’un énorme respect envers le cadre de l’ITEP. En outre, il a su tisser des relations privilégiées avec tous les membres du groupe où il est très apprécié. J’ai pu constater qu’il parle peu de son histoire, mais qu’il écrit beaucoup à ce sujet. D’ailleurs, j’ai travaillé avec lui sur l’écriture de ses textes.
Un mardi midi, après le repas, alors que je travaillais seul avec le groupe d’adolescents en faible effectif, Houcine a reçu un appel téléphonique sur son portable. Il a répondu, marqué un temps de silence et m’a fait signe de la main pour demander s’il pouvait poursuivre sa conversation dehors. Je lui ai signalé que c’était permis et l’ai ensuite observé sortir pour continuer sa conversation dans les toilettes extérieures. Au bout d’un quart d’heure, Houcine est revenu en arborant une mine différente, un air à la fois content et déstabilisé. Bien que l’envie ne m’ait pas manqué, je me suis abstenu de lui demander la raison de sa brève absence dans les toilettes. En effet, j’ai tenu compte du fait que l’intrusion peut être mal perçue par les adolescents qui, de nature, préfèrent avoir une petite bulle personnelle.
Dix minutes avant de retourner en classe, il demande à me parler dans le bureau des éducateurs en formulant clairement qu’il souhaite discuter seul à seul avec moi et que la porte soit fermée. Il est important de signaler qu’au moment où Houcine m’aborde, les chuchotements commencent à monter du côté des autres adolescents présents. Des regards inquiets et curieux se lèvent, les questionnements et les préjugés commencent à fuser. Il faut dire que l’organisation de la vie collective au sein du groupe n’invite pas réellement à la relation individuelle.
En effet, le bureau des éducateurs dans lequel Houcine souhaite s’entretenir « en privé » avec moi est fait de baies vitrées, ce qui est pratique pour travailler et surveiller ce qui se passe dans le groupe en même temps, mais est peu propice à la relation individuelle. De plus, étant donné que les jeunes peuvent nous voir à l’intérieur, ils s’amassent pour la plupart non loin du bureau ou même devant la porte. Ils font du bruit, observent avec intérêt ce qui s’y passe, prêtent l’oreille et certains osent même frapper à la porte, emportés par leurs préjugés et leur curiosité. Celle-ci est d’autant plus grande car la porte fermée signifie pour eux que quelque chose de grave ou de sérieux se passe à l’intérieur, qu’ils ne sont pas invités à le savoir, que c’est une discussion à caractère exclusif, et que c’est négatif. Les jeunes n’y étant pas habitués, ils ont tendance à penser que le jeune en tête-à-tête avec l’éducateur a commis une faute ou fait une bêtise qui lui vaut cet entretien. Ils se disent qu’il sera puni, que la discussion en privé sert à recadrer et à réprimander le jeune présumé fautif. Ils n’ont pas l’habitude de l’individualité et l’assimilent toujours à un fait négatif. En même temps, ils ignorent souvent que c’est le jeune lui-même qui a demandé à parler seul à seul avec l’éducateur, d’où les préjugés. Toutefois, le fait de le savoir pourrait également les conduire à penser que ce dernier a un problème grave ou qu’il dénonce ses amis en cas de délit, selon la situation.
Dans tous les cas, mon entretien avec Houcine a été marqué par une double attention : celle portée à Houcine et celle portée aux jeunes qui font du bruit autour du bureau. En s’agitant et en s’amusant, ils nous dérangent et manifestent clairement leur intérêt pour la situation, leur envie de savoir ce qui se passe. Je dois m’occuper d’eux et de Houcine à la fois. Et comme à chaque fois qu’un éducateur se retrouve seul avec un jeune dans le bureau, je retrouve les autres collés à la porte, attendant impatiemment son ouverture. Dès qu’elle s’ouvre, ils assaillent ce dernier de questions du type « de quoi avez-vous parlé ? » ou chuchotent entre eux en se demandant s’il a fait une bêtise, s’il va être puni, etc. Ces préjugés empêchent l’épanouissement de la relation individuelle au sein de l’établissement. Les jeunes qui en sont conscients se rétractent et craignent d’échanger individuellement avec les éducateurs.
Pour en revenir à ma discussion avec Houcine, je me doute bien qu’il allait évoquer l’appel téléphonique qu’il a reçu plus tôt, mais je ne dis toujours rien et reste à son écoute pour lui laisser le temps et l’occasion de s’exprimer. Comme je l’imaginais, notre conversation porte essentiellement sur cet appel. Il me dit, avec un grand sourire, qu’il vient de parler à son père. Un silence s’installe, car pris de court, je ne sais que répondre à cette révélation. Je sais bien que son père est en prison et qu’Houcine n’a aucun contact avec lui, si ce n’est lors des audiences chez le juge des Enfants dans le cadre de son placement. Par ailleurs, je me suis demandé s’ils ont le droit d’être en contact, une information que j’ignorais.
« Tu ne veux pas savoir ce qu’il m’a dit ? » me demande Houcine. Je lui réponds que s’il souhaite en parler, je veux bien l’écouter. Il me dit simplement que son père a essayé de lui parler en français, qu’il va bien et qu’il sera présent à la prochaine audience qui a lieu dans trois semaines. Il s’agit d’une question que se posait Houcine depuis un mois car il souhaitait réellement savoir s’il reverrait son père à l’audience. En me livrant le contenu de sa conversation téléphonique avec lui, Houcine a arboré un grand sourire. Il a semblé vraiment heureux d’avoir pu parler à son père. Personnellement, je ne savais pas quoi lui dire, je ne faisais qu’écouter sans savoir s’il attendait autre chose de moi.
Ensuite, Houcine prend un air plus sérieux, voire même inquiet. « Il faut que je te dise autre chose » me dit-il. Un nouveau temps de silence s’installe, je lui dis de poursuivre assez rapidement car c’était bientôt l’heure d’aller en classe. A cet instant, il m’explique que son père l’a appelé d’un téléphone portable que son codétenu s’est procuré. Je prends quelques secondes de réflexion avant de lui faire remarquer qu’il s’agit d’un acte illégal. Houcine le sait, mais banalise ce fait-là. « Il n’a pas tué quelqu’un non plus, c’est juste un téléphone » me précise-t-il. Puis il me demande de ne surtout pas en parler à quiconque. Il souhaite que la discussion reste entre lui et moi. Pris au dépourvu, je ne m’attendais pas du tout à cette confidence. De plus, c’est la première fois qu’un jeune se confie à moi en me demandant de ne rien répéter à personne. « Très bien » fut ma seule réponse à sa demande. La sonnerie retentit, Houcine sort du bureau et va en classe. Comme je m’en doutais, les autres jeunes s’amassent autour de lui et le bombardent de questions, anxieux de savoir ce qui se passe. Certains me regardent même avec l’air de demander s’il a commis une faute grave étant donné que notre entretien a quand même duré plusieurs minutes.
J’accompagne les jeunes jusqu’à la salle de classe avant de revenir dans le bureau. Je suis déstabilisé par la confidence que m’a faite Houcine. Beaucoup de questions me traversent l’esprit, notamment en ce qui concerne la posture que j’ai adoptée et les mots utilisés. Ma première volonté a été d’écrire tout cela dans le cahier de liaison pour que mes collègues puissent avoir l’information ce soir. Je me ravise rapidement en me rappelant la demande d’Houcine sur la discrétion. Je suis tiraillé entre deux positionnements différents. D’un côté, je peux partager cette confidence avec mes collègues, mais je risque de fragiliser la relation de confiance avec Houcine. De l’autre côté, je peux garder le « secret » et cela risque de poser un problème de confiance et de communication avec mes collègues. Au final, je décide d’y réfléchir et de ne prendre une décision que le lendemain.
Me sentant vraiment dans une position inconfortable, tiraillé entre l’envie et le besoin d’en parler à mes collègues et la demande de ne pas le faire de Houcine, je décide finalement de l’évoquer le jeudi matin lors de la réunion d’équipe, étant donné que je ne travaillais pas le mercredi. Cette confidence m’a énormément déstabilisé, je ne me suis pas senti capable d’apporter de réponses à Houcine au moment où il m’en a parlé et surtout je n’ai pas su quoi en faire. J’ai été soulagé de la tournure de la situation et du fait qu’Houcine en ai parlé à une de mes collègues. En effet, le caractère exclusif me mettait d’avantage en difficulté et a été la principale source de mon questionnement sur ma place et le partage d’informations.
Le fait que Houcine ait demandé à s’entretenir avec moi dans le bureau des éducateurs m’a fait réaliser le manque de relation individuelle dans l’ITEP. Etant donné que les jeunes qui y sont admis souffrent d’un handicap, ils recherchent un appui, quelqu’un de plus avisé et de plus expérimenté qu’eux pour se confier. Mais comme nous ne disposons pas d’un dispositif permettant des échanges individuels spontanés suscités par les enfants, le fait de les voir s’entretenir seul à seul avec un éducateur est sujet aux préjugés. J’ai ainsi pris conscience du fait que la relation individuelle tient une place de choix dans la vie collective et qu’elle doit être prônée au sein d’un établissement comme celui-ci. Elle peut s’avérer bénéfique et représenter une aide pour ces jeunes désorientés et en proie à un mal être, à une socialisation décadente. A cet instant, l’idée commence à germer en moi de réaliser un projet en ce sens, de me focaliser sur la place de la relation individuelle.
2.2.Les visions d’Houcine : un refuge psychologique
Cette seconde situation illustre également ma problématique. Je vais encore recevoir une confidence de la part du même jeune, Houcine. Trois semaines se sont écoulées depuis le coup de téléphone de son père et nous sommes à la veille de l’audience chez le juge des enfants. Je travaille ce matin-là et m’occupe donc du réveil des jeunes. Lorsque je monte au dortoir, Houcine est déjà réveillé alors qu’il a l’habitude de s’attarder au lit. Je ne suis qu’à moitié surpris, étant donné que la date de l’audience approche à grands pas, je me dis que cela doit le préoccuper.
Après le petit-déjeuner qu’il a terminé avant tous les autres jeunes, Houcine vient dans le bureau pour discuter avec moi. Mais bien qu’il ait quitté la table avant les autres, certains jeunes le voient quand même entrer dans mon bureau. Cette fois-ci, l’intérêt est à son comble, et je peux sentir, de l’autre côté de la porte, que les préjugés sont de plus en plus négatifs. Certains jeunes demandent à voix haute ce qui se passe tandis que d’autres, qui étaient présents lors de notre premier entretien il y a trois semaines, accentuent leurs préjugés et voient cet entretien comme une continuité. Je les entends parler entre eux, dire « qu’il a sûrement recommencé sa bêtise », que « cette fois-ci, il va se faire sanctionner», etc. D’autres se demandent s’il a un problème grave. Les bruits qu’ils font sont plus audibles que ceux de la dernière fois, ils deviennent agaçants et perturbateurs. Aucun ne semble comprendre ni imaginer qu’il pourrait simplement s’agir d’une simple entrevue, que Houcine ne fait que se confier à moi ou me demander des conseils. Cela leur échappe étant donné leur manque de familiarité avec le concept de relation individuelle.
Donc, Houcine entre et me demande ce que je suis en train de faire, je lui réponds que je consulte les mails. Puis, mine de rien, il me parle de la journée d’hier. Je ne travaillais pas et comme tous les mercredis, les jeunes ont fait des activités. Houcine me précise ensuite qu’il n’a pas dormi de la nuit, car il était préoccupé par son audience et qu’il craint la décision de la juge. Ma première hypothèse s’est avérée justifiée : le jeune est vraiment anxieux par rapport à cette échéance au tribunal. J’essaie de le rassurer et de le conseiller sur son attitude lors de l’audience car je sais qu’il éprouve une certaine rancœur envers la juge. Il écoute et m’assure qu’il fera des efforts, même s’il a du mal à rester optimiste concernant la décision sur la poursuite ou pas de son placement. Il souhaite vivement que la juge arrête cette mesure.
Houcine poursuit en me disant qu’il est excité à l’idée de revoir son père. Depuis la dernière fois où il m’a parlé de sa conversation avec son père, je me suis constamment demandé si cela s’était reproduit ou s’il s’agissait d’un phénomène isolé. Je saisis cette occasion pour le lui demander. « Qu’une seule fois », me répond-il. Il poursuit : « Mais cette fois, c’était à partir de la cabine téléphonique de la prison, parce que le portable de son codétenu a été confisqué » Je lui réponds que c’est une bonne chose que cela se fasse dans le respect des règles. A cet instant, je me lève pour aller reprendre deux jeunes qui s’amusent à se balancer des céréales en déjeunant. Le ton monte légèrement puis les jeunes se calment. Je note également que les chahuts des autres jeunes trahissent une envie constante d’exprimer leur manque d’attention. En même temps, ils manifestent leur envie de nous déranger, comme si interrompre notre conversation leur permettrait d’en connaitre la nature. Les jeunes étant calmés, je reviens dans le bureau pour finir de lire les mails. Houcine est toujours là, assis sur la chaise en fixant le plafond.
« Je peux fermer la porte du bureau ? » me demande Houcine. J’imagine alors qu’il souhaite continuer à parler de son audience ou de son père en toute confidentialité. Je l’autorise donc à fermer la porte et attends qu’il me parle de nouveau. Il faut noter qu’avant que je ne réprimande les jeunes chahuteurs, la porte est restée ouverte. Cela marque le caractère moins confidentiel du début de notre entretien et empêche la relation individuelle dans la mesure où les chahuts des autres jeunes nous parviennent de manière plus audible. Une fois la porte fermée, l’attention des jeunes est attirée par ce fait, ils se taisent et l’observent un moment avant de poursuivre leurs discussions tout en restant à proximité du bureau.
A peine assis, Houcine me dit qu’il souhaite me parler d’autre chose. Il poursuit en me parlant de sa peur d’un retour des crises. Mes premières pensées se rapportent à ses moments de violence dont on me parlait très souvent. Je tiens tout de même à m’assurer qu’il s’agit bien de ces crises-là et décide de lui poser la question. A mon soulagement, sa réponse est négative, lesdites crises étant de la « spasmophilie », un terme qui ne m’évoque rien à cet instant. C’est la toute première fois que j’entends ce terme dont j’ignore complètement le sens. Confus, je lui réponds seulement que je suis d’accord. Je ne souhaite pas laisser paraître mon ignorance à ce sujet, aussi je ne lui ai pas posé de questions là-dessus.
Houcine continue de se livrer et ajoute qu’il est également très inquiet de ne plus avoir ses « visions ». Ce simple mot me fait me redresser sur ma chaise bien que ces propos ne me surprennent pas vraiment. Je décide de lui demander de mieux expliciter ses paroles, l’air étonné. Il s’exécute en racontant que depuis son enfance, il a toujours eu des « visions » qui lui prédisaient à l’avance ce qui allait se passer dans sa vie. Je commence à m’inquiéter dans la mesure où malgré toutes les discussions que nous avons eues ensemble sur son passé, il s’agit de la toute première fois qu’Houcine évoque ses « visions ».
Cela m’interpelle et me fait prendre conscience que dans une certaine mesure, l’entretien individuel que nous avons eu trois semaines plus tôt a déclenché une envie de se confier plus en profondeur chez lui. La relation individuelle permet donc au jeune de se soulager des poids qu’il porte. En discutant librement avec moi, il a ressenti qu’en tant qu’éducateur, je lui porte de l’attention et de l’intérêt. L’échange individuel qu’il a avec moi a évolué dans le sens où nous avons déjà discuté à maintes reprises de son passé mais que c’est la première fois qu’il me confie ses « visions ». J’en déduis qu’il s’agit d’un sujet « tabou », qu’il ne veut pas être jugé par rapport à cela, et qu’il me fait confiance en tant que professionnel pour réussir à m’en parler. Ici, je note une évolution positive due à la relation individuelle que nous avons. Elle a conduit Houcine à se livrer encore plus afin d’être soulagé face à ses inquiétudes, d’être plus rassuré, de savoir ce qu’il faut faire, etc.
Après l’avoir écouté, je lui signifie que le fait de ne plus avoir de visions constituerait éventuellement une bonne chose et que cela témoigne sûrement de l’amélioration de son état de santé mentale et psychique. « Pas du tout justement », me rétorque Houcine. Il insiste sur le fait que ses « visions » se sont toujours révélées vraies et justifiées. Par conséquent, le fait de ne pas savoir ce qui va se passer au tribunal pendant l’audience du lendemain l’inquiète au plus haut point. Avec beaucoup de prudence et de recul, et aussi parce que je ne sais encore une fois que répondre, je lui demande ses attentes vis-à-vis de ma personne par rapport à toutes ces confidences. « Rien de spécial », me répond-il. Un temps de silence s’installe, un phénomène qui rend la situation encore plus embarrassante et déstabilisante. Pour moi, il a besoin de se confier à quelqu’un qu’il juge apte à le comprendre, dans un cadre plus privé et plus intime. Le fait de fermer la porte du bureau marque le besoin de se confier en toute sérénité sans craindre que ses propos ne soient ébruités. Etant donné qu’il me confie un sujet tout aussi délicat que le premier, je prends conscience qu’il a besoin de cette relation individuelle, qu’elle lui manque. Et puisque tous les jeunes admis au sein de l’ITEP font face à des problèmes aussi graves les uns que les autres, j’en déduis qu’eux aussi, ils pourraient en avoir fortement besoin. Le tout est de les amener à oser échanger individuellement avec les éducateurs, sans les forcer. Il faut qu’ils viennent à nous spontanément, et nous devons agir en tant que professionnels avant tout – sans délaisser le côté humain – afin qu’ils aient envie de recommencer à échanger individuellement et qu’une relation de confiance s’installe entre nous. Ce type d’échange nous permet également de les accompagner au mieux.
Je me trouve dans l’incapacité de fournir de l’aide à Houcine concernant ses crises de spasmophilie ou ses visions. Cela me place dans une position inconfortable dans la mesure où je ne trouve pas les mots pour lui expliquer ma position. Par ailleurs, je ne souhaite pas vraiment lui faire part de mon ignorance par rapport à la spasmophilie car je considère cela comme un fait qui nuira indubitablement à ma crédibilité. Finalement, je conseille à Houcine d’aller en parler à la psychologue de l’ITEP qui sera plus compétente que moi à ce sujet. Vif comme l’éclair, il bondit presque de sa chaise en me manifestant clairement son souhait de garder la confidence entre lui et moi. Il dit qu’il ne souhaite surtout pas que la psychologue ou qui que ce soit dans l’équipe éducative connaisse ses crises et ses visions. Comme pour la conversation téléphonique avec son père, Houcine me demande de garder le secret sur la discussion. Il invoque le fait que la révélation de ses problèmes pourrait entrainer une reconsidération de son retour au Centre. J’en déduis qu’il se réfère au Centre Psychothérapique et qu’il craint une nouvelle hospitalisation. Avant de sortir du bureau, Houcine me redemande de garder cette confidence pour moi et j’acquiesce de la tête pour toute réponse.
Une fois de plus, les propos d’Houcine m’ont réellement déstabilisé. Ce qui m’incommodait le plus et me mettait vraiment en situation difficile, c’est le caractère à nouveau exclusif de cette confidence. Je me suis de nouveau retrouvé dans une situation où je tenais une information capitale dont je ne devais pas parler sous peine de perdre la confiance d’Houcine. Au final, j’ai décidé d’en parler à la psychologue de l’ITEP. En effet, l’état de santé d’Houcine m’a beaucoup inquiété et je ne souhaitais pas avoir à regretter plus tard de n’avoir rien dit à ce sujet. Etant donné qu’il s’agit d’un domaine qui dépasse mes compétences, cela m’a semblé la meilleure des solutions.
Ce second entretien avec Houcine a accentué ma volonté de creuser du côté de la relation individuelle. Nombreuses sont les conclusions qui m’ont conduit à penser que les échanges individuels que nous avons eus lui ont fait du bien et peuvent en faire autant aux autres. D’abord, je dois préciser la spontanéité de son acte : il est venu me parler de son plein gré et de manière individuelle deux fois. La première fois, bien que j’aie été intrigué par son appel téléphonique, je ne l’ai pas incité à venir vers moi pour en parler. Il a choisi de venir de lui-même, preuve qu’il avait besoin de se livrer, de parler d’un fait privé qu’il ne pouvait confier que lors d’un entretien individuel (le fait qu’il a demandé à fermer la porte en est la preuve).
Le second entretien s’est également fait de manière spontanée. Bien que le temps ait passé, je ne lui ai pas demandé de nouvelles par rapport à sa conversation téléphonique avec son père. Le fait de m’en avoir parlé le premier l’a peut-être fait prendre conscience des bienfaits de l’échange individuel. Je ne l’ai pas abordé dans l’école pour lui demander des nouvelles ou pour connaître l’impact que notre conversation a eu sur lui. C’est Houcine qui est venu se confier à nouveau à moi de son plein gré. Mon projet commence alors à prendre forme dans ma tête. La liberté est une chose précieuse au sein de l’établissement, surtout pour les jeunes. Le projet doit donc permettre un échange individuel avec ces derniers sans qu’ils y soient forcés. Ils sont libres de venir nous voir ou non, il ne ‘agit pas d’un programme imposé. En d’autres termes, l’échange doit être une initiative de leur part, et le projet doit le leur faire comprendre. Il doit donc prendre en compte les enjeux de la relation individuelle dans un environnement collectif tout en gardant une nature spontanée et voulue.
2.3.Le problème de Mathieu : recherche d’attention ou histoire vraie ?
La dernière situation s’est passée aux environs de la fin de l’année scolaire. Mathieu, un jeune admis à l’ITEP, y passait ses deux dernières semaines. Il y était scolarisé depuis quatre ans. Mathieu a été intégré en ITEP depuis l’âge de cinq ans, puis il a été placé en famille d’accueil. Il ne connaît pas son père tandis que sa mère présente quelques difficultés qui ne lui permettent pas de prendre son fils en charge. Mathieu ne parle d’elle que très rarement et se montre des plus virulents envers elle lorsqu’il le fait. Il a l’habitude d’appeler ses « parents » le couple qui l’accueille. Mathieu a effectué sa deuxième année avec le groupe des grands adolescents quand la situation s’est produite. L’année a été décisive pour lui puisque son projet professionnel s’est dessiné et a rapidement abouti. En effet, il va finalement intégrer un CAP[15] de maçonnerie dès la rentrée prochaine au sein d’un Etablissement Régional d’Enseignement Adapté (EREA).
Pour sa dernière année, j’ai été co-référent de Mathieu dans le groupe. En effet, compte tenu de ma formation, il s’est avéré que nous avons des références communes avec mon collègue, lui aussi en apprentissage. J’ai participé à la synthèse mais également au PPA/PPS[16] de Mathieu. Parallèlement, j’ai pris part aux nombreuses rencontres avec son institutrice, notre chef de service, la famille d’accueil de Mathieu et sa référente ASE. Cette année a été assez compliquée pour lui en termes de comportement. Mathieu a manifesté des actes de violence, s’est mis en danger et a souvent été insolent, voire agressif, avec les adultes. Plus d’une fois, il a régulièrement exprimé son « ras-le-bol » de l’ITEP. Pour reprendre ses propres termes, il y est depuis « trop longtemps » et il « n’en peut plus ». Le rappel de son projet et l’importance de son comportement dans la suite de sa scolarisation ont permis à chaque fois une amélioration momentanée de son attitude.
Au final, lorsque son départ de l’ITEP à la fin de l’année fut acté, Mathieu s’est à nouveau laissé aller à un comportement inadapté. La parole des éducateurs n’avait que peu d’importance pour lui, il s’autorisait des dérogations aux règles du groupe et les sanctions ne le préoccupaient plus. J’ai plusieurs fois essayé de le raisonner par le dialogue et, sur le coup, il semblait être attentif et compréhensif. Cependant, dès qu’il sortait du bureau, tout se déconstruisait.
Quatre jours avant la fin de l’année scolaire, Mathieu a demandé à me voir en privé dans mon bureau. Etant donné que le groupe est relativement calme et que ma collègue Elodie travaillait avec moi, j’ai accédé à sa demande. Nous nous sommes installés dans le bureau et je lui ai dit que je l’écoutais. Le buste en avant, les mains entrelacées et l’air quelque peu tendu, Mathieu a commencé à me parler. « Elle me saoule, je n’en peux plus » ont été ses premiers mots. Lorsque je lui ai demandé de qui il s’agissait, il m’a clairement indiqué qu’il parlait de ma collègue Elodie. Je n’imaginais pas un seul instant qu’il souhaitait me parler d’elle. Pourtant, il a continué et m’a dit que cela faisait déjà quelques temps que « ça dure ».
D’après lui, ma collègue est toujours sur son dos. Elle lui ferait sans cesse des reproches, parfois même sur un ton moqueur. Je lui ai expliqué que je n’avais rien remarqué de particulier ces derniers temps concernant le comportement de ma collègue à son égard, en pensant que la discussion s’arrêterait là. Cependant, Mathieu a souhaité m’en dire davantage. Il m’a parlé de ses émotions intérieures dirigées vers ma collègue à chaque fois qu’elle lui faisait des remarques désobligeantes. Je sentais dans ses propos, dans son attitude et même dans son regard, une profonde colère que je reconnaissais aussitôt, car j’ai déjà vu ces signes à maintes reprises. Les poings serrés, il me disait qu’il sentait que « ça peut exploser » à tout moment. A cet instant, je me suis rendu compte de l’importance de cette discussion et des enjeux liés à la sécurité de ma collègue. Mathieu avait l’air réellement en colère et il était en train de m’en expliquer la raison. Cependant, le fait qu’il parlait de ma collègue de travail me mettait dans une position délicate. Je me suis senti vraiment mal à l’aise et gêné d’entendre de tels propos. Je lui ai tout de même demandé s’il était absolument certain de ce qu’il avançait et si cela n’était pas dû à une récente remarque qui lui aurait fortement déplu. « J’en étais sûr, tu ne me crois pas ! » me répondait-il.
De mon côté, je devais tenir compte du fait qu’il y a déjà eu des antécédents entre Mathieu et Elodie. En effet, cette année notamment, Mathieu a tenu des propos plus que virulents envers ma collègue. Cela lui a valu une rencontre avec la chef de service et une lettre d’excuse, des évènements très difficiles à vivre pour ce jeune. De plus, n’ayant rien remarqué de spécial dernièrement, j’ai eu quelques doutes quant à la véracité des dires de Mathieu. J’essayais alors de paraître le moins dubitatif possible en tentant de dédramatiser la situation. Raté. Mathieu commençait à utiliser le terme de maltraitance. Il me disait que si cela continuait, il en parlerait à sa famille d’accueil et que cette dernière demanderait sûrement un rendez-vous avec le directeur de l’ITEP. « Et puis de toute façon, pourquoi je te mentirai sachant que je pars dans deux semaines ? » m’a-t-il demandé ; une question qui m’a beaucoup intrigué. Intérieurement, je me disais qu’effectivement, il n’avait aucune raison de mentir.
J’ai commencé à avoir des doutes. Cependant, je me sentais toujours mal à l’aise et dérangé par ce que Mathieu me révélait. Comme avec Houcine, encore une fois, je me demandais pourquoi il me parlait de cela. Quelle réponse attendait-il de moi à cet instant ? D’une manière très simple, je lui expliquais que je ferai davantage attention dorénavant. Pourtant, cela ne semblait pas suffisant pour Mathieu qui en attendait beaucoup plus de ma part. « Je veux que tu lui en parles » me disait-il. Il insistait surtout sur le fait qu’il ne voulait pas que ma collègue sache que cela venait de lui. En plus, il ne souhaitait en aucune façon que je parle à qui que ce soit de notre discussion, car il ne souhaitait pas être « vu comme une balance ».
De nouveau, j’ai reçu une confidence. Sauf que cette fois-ci, cela se portait sur une collègue de travail. Je me sentais tiraillé entre la relation de confiance que j’avais avec le jeune Mathieu et la relation de travail avec Elodie. J’ai fini par expliquer à Mathieu que je n’étais pas disposé à faire ce qu’il attendait de moi, que je souhaitais garder pour moi cette discussion et que je n’irai pas en parler avec ma collègue à sa place. Pour le rassurer, je lui ai signifié que j’avais fermement l’intention de devenir davantage attentif à ce genre de scène dans le futur. Je lui ai également conseillé de prendre du recul vis-à-vis de ma collègue si la situation devait éventuellement se reproduire. « Vraiment, je ferai plus attention à ce que te dit Elodie » furent mes derniers mots dans cette discussion. Mathieu est sorti du bureau en me remerciant.
La manière dont Mathieu se tient devant moi pour faire sa confidence confirme ma réflexion : les jeunes au sein de l’ITEP, du moins la plupart d’entre eux, n’ont pas l’habitude de la relation individuelle. Cependant, ils semblent en saisir petit à petit la portée et les bienfaits étant donné qu’ils osent progressivement venir vers les éducateurs pour leur confier leurs tracas. Notre entretien, comme ceux avec Houcine, est marqué par des chahuts et de la curiosité manifestés par les autres jeunes. Les préjugés sont plus forts dans le cas de Mathieu car tout le monde au sein de l’ITEP connaît son fort caractère. Si certains se demandent ce qu’il a « encore fait », d’autres se posent quand même la question si notre entrevue n’a pas un lien avec son départ prochain. Ainsi, il en existe quand même certains qui assimilent cette entrevue avec un fait positif : ils pensent que nous faisons un bilan de son passage au sein de l’ITEP. Et les questions qu’ils posent à Mathieu à sa sortie de mon bureau vont dans tous ces sens-là.
Une fois de plus, le caractère spontané de cet échange individuel m’a amené à me rendre compte que les jeunes au sein de l’ITEP manifestent un besoin d’échange individuel. Et parce qu’Houcine est revenu me voir deux fois et que Mathieu est venu me voir bien après lui, j’en déduis que d’autres doivent également ressentir ce besoin au fond d’eux, mais n’osent sûrement pas l’exprimer. Le projet que je compte fonder pourrait rendre cet échange plus formel et les inciter à nous approcher, à faire tomber les préjugés et à comprendre les bienfaits de la relation individuelle.
Ainsi, ces trois situations justifient la nécessité de mettre en place un dispositif de relation individuelle au sein de l’ITEP. Cette section sur les situations qui justifient ma problématique fait ressortir un fait important : au vu de chacune d’entre elles, il est clairement établi que chaque jeune a sa propre problématique, et qu’en tenir compte pourrait lui garantir une meilleure insertion sociale. Mais qu’en est-il des problématiques proprement dites des jeunes accueillis en ITEP ? Et que peut leur apporter la vie en collectivité comme la relation individuelle ? J’aborderai ces faits dans la seconde partie de ce travail.
Partie 2 : Analyse théorique et réflexion sur les faits rencontrés
Dans cette seconde partie, je me focaliserai principalement sur la compréhension des situations observées qui justifient la problématique. Pour ce faire, j’utiliserai les théories comme outils de lecture et d’analyse de ces situations.
1. Problématiques des jeunes accueillis en ITEP
Pour comprendre les problématiques des jeunes accueillis en ITEP, il faut d’abord se référer à la circulaire 2007-194 relative aux ITEP et à la prise en charge des enfants accueillis qui stipule que « les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques accueillent les enfants, adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. Ces enfants, adolescents et jeunes adultes se trouvent, malgré des potentialités intellectuelles préservées, engagés dans un processus handicapant qui nécessite le recours à des actions conjuguées et à un accompagnement personnalisé[17] »
Ainsi, les enfants accueillis en ITEP ont donc des troubles psychologiques et manifestent des troubles du comportement qui nuisent à leur socialisation et à leur apprentissage. Toutefois, leurs problématiques et troubles sont diversifiés et peuvent être soit intériorisés, soit extériorisés, cela dépend du jeune en question. Nombreuses peuvent être les causes et les explications à ces troubles qui peuvent même aller au-delà de ceux susmentionnés.
Heuzé et al. (2011) évoquent l’adolescence comme étant en partie responsable de ces derniers. D’après ces auteurs, l’adolescence constitue un « passage de l’enfance à l’âge adulte, a toujours été une période tumultueuse qui a suscité – et qui suscite toujours – beaucoup d’inquiétude et d’intérêt, en particulier pour les personnes directement intéressées par l’éducation[18]». Il s’agit de cette période de la vie durant laquelle les questions existentielles, l’ouverture au monde ainsi que la compréhension de celui-ci commencent à prendre plus de place. Elle peut donc s’avérer compliquée.
L’adolescence est également marquée par l’évolution de l’enfant en phase de devenir une personne civique capable d’exercer ses droits et ses devoirs dans une communauté sociale. Cette période de transition permet de quitter un monde encore en formation pour passer à un autre plus concret. Les auteurs susmentionnés précisent que les adolescents à problèmes aux yeux des éducateurs sont les mineurs post-pubères qui font face à une gestion tumultueuse du pulsionnel.
On observe, chez certains adolescents, une résistance face à la socialisation, une résistance souvent assimilée à une insuffisance du cadre dans lequel ils peuvent s’approprier les bases culturelles nécessaires à la vie sociale ou à une inaptitude manifestée par ces jeunes à supporter ledit cadre, cette dernière pouvant être passagère ou définitive. Quoi qu’il en soit, ces auteurs poursuivent en affirmant que ces jeunes opposés au processus de socialisation bénéficient actuellement de moyens spécifiques pour leur prise en compte :
- Ceux dont la résistance s’apparente à des manques au niveau du cadre d’éducation global bénéficient de la mise en œuvre d’actions politiques se traduisant par une focalisation sur les questions relatives à la pédagogie ou à l’organisation de la scolarité,
- Ceux dont la résistance est imputée à l’environnement familial bénéficient d’une aide ou d’une protection mise en place par l’organisation sociale,
- Ceux dont la résistance est liée à une difficulté spécifique font l’objet de dispositions sociétales relatives au registre de santé ou à celui du handicap.
Les troubles des adolescents sont donc assimilés à leur environnement familial, à l’éducation ou à des troubles spécifiques qu’ils développent en eux. Les troubles psychologiques font partie de ces derniers, et les ITEP sont chargés de les prendre en compte lorsque ceux-ci les engagent dans un processus handicapant. Autrement dit, ces troubles empêchent ces adolescents de se socialiser, d’intégrer normalement la vie sociale. Les jeunes admis dans ces établissements sont sujets à des problématiques spécifiques que nous allons étudier dans cette partie.
L’intervention de l’ITEP se situe dans la psychothérapie institutionnelle. Cette école spécialisée représente un dispositif de soin octroyé aux jeunes dont les problématiques nécessitent des interventions médico-sociales précises. C’est la commission des droits et de l’autonomie des maisons départementales des personnes handicapées qui décide d’orienter un jeune vers l’ITEP lorsque ses troubles psychopathologiques entravent sa participation sociale et l’entrainent dans un processus handicapant. Les troubles psychologiques dont les jeunes accueillis dans cet établissement font l’objet ne sont assimilables ni à des troubles réactionnels ni à des psychoses affirmées. La nature de ces derniers conduit pourtant ces jeunes à être intégrés dans des institutions telles que l’ITEP dans lesquelles ils seront aidés par le biais de thérapies, d’éducation et de pédagogie.
D’après Heuzé et al. (2011), les problématiques des jeunes accueillis en ITEP font partie du registre des « pathologies limites narcissiques ». Ils soulignent que ces jeunes ne sont aucunement sujets aux troubles mentaux tels que « l’autisme, les psychoses affirmées, les déficiences fixées et les organisations déficitaires[19] ». Les troubles du comportement sont fréquents chez les jeunes que je rencontre au sein de l’ITEP, à l’instar de Mathieu qui peut parfois devenir violent.
Heuzé et al. (2011) affirment également que les problématiques de ces jeunes les conduisent à des positions paradoxales : « ne pas pouvoir se passer de la présence de l’autre pour pouvoir exister, tout en considérant autrui comme un objet de jouissance ou un ennemi.[20] » Ces jeunes manquent donc, en quelque sorte, d’indépendance puisqu’ils ne savent pas exister sans les autres. D’où leur besoin en accompagnement, et c’est ce que l’ITEP leur propose. Pour ma part, mon expérience au sein de cet établissement m’a montré que la plupart des jeunes peuvent être introvertis et qu’ils sont gênés par leur handicap. Ainsi, ils ont besoin qu’on se focalise particulièrement sur leur cas, de manière individuelle, pour les aider à surmonter leurs troubles. C’est là l’intérêt de la relation individuelle. Je pense que sa mise en place de manière officielle au sein de l’école fera tomber la barrière de la gêne et pourrait conduire à une amélioration de leur état.
Les causes des troubles de ces jeunes sont multiples et ne pourraient pas être uniquement assimilées à une lacune au niveau des capacités éducatives des parents ou à des maltraitances. Autrement dit, ces troubles ne sont pas forcément d’origine familiale. Cependant, Heuzé et al. (2011) soulignent que « certains jeunes en ITEP ont vécu des parcours de vie très perturbants ou traumatisants.[21] » C’est le cas d’Houcine qui a expérimenté la violence au sein de sa famille et qui a déjà été placé en MECS.
Parmi les jeunes admis en ITEP, on observe une moindre proportion de filles (environ un quart ou un tiers) par rapport aux garçons. En ce qui concerne le type de troubles, ceux à tendance dépressifs sont cinq fois plus nombreux chez les filles que chez les garçons. Ils sont catégorisés dans les troubles « intériorisés », les filles étant moins enclines à les exprimer. C’est au niveau physique que ces troubles se manifestent le plus (boulimie ou anorexie) et ils n’entravent pas leur scolarité, contrairement aux troubles « extériorisés » qui se manifestent plus chez les garçons.
Les professionnels d’ITEP notent une diversification et une différenciation au niveau des problématiques des jeunes qu’ils accueillent. Heuzé et al. (2011) relèvent trois grandes catégories d’expressions pathologiques que ces jeunes manifestent aujourd’hui au sein de l’ITEP :
- « Des enfants et des adolescents se présentent sur un mode relationnel offensif affirmé. Si leur attitude générale est semblable à beaucoup d’enfants dits autrefois « caractériels », le changement notable se repère sur le plan de leur difficulté à accéder, malgré les soins, à des modalités relationnelles plus socialisées.
- Il y a aussi des enfants et adolescents qui se présentent avec des résistances « à bas bruit », sans manifestation tonitruante, mais plutôt dans des attitudes de retrait, de passivité à l’égard des sollicitations sociales. Ce sont des épisodes clastiques, déclenchés généralement peu après l’entrée au collège, qui vont amener des interruptions de scolarité et une demande d’orientation. Observons que ces adolescents sont en général connus de la psychiatrie de secteur, leurs difficultés sont corrélables le plus souvent au registre psychotique.
- Il y a encore, des jeunes perturbants et perturbés, qui tirent bien profit d’interventions structurantes, basées sur des attitudes fermes et bienveillantes. Ceux-là, dans un contexte distancé comme il convient, le moins possible mais autant que nécessaire de l’environnement habituel, qu’il soit familial ou scolaire, vont pouvoir investir rapidement les propositions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques, intra-muros et/ou extra-muros.[22]
Depuis mon entrée à l’ITEP, je côtoie des jeunes issus de ces trois catégories. La première regroupe ceux qui manifestent une certaine violence envers l’institution et la socialisation, qui refusent d’y adhérer. Ils sont beaucoup plus expressifs, n’hésitent pas à affirmer leur position quitte à s’opposer aux éducateurs, comme c’est le cas de Mathieu. Leurs troubles sont classés parmi les « états limites » (pathologies limites narcissiques), et leur nombre augmente sensiblement aujourd’hui. La seconde catégorie regroupe les plus passifs, ceux qui ne participent pas mais ne manifestent pas non plus leur opinion. Pour eux, le silence prime. Ils sont atteints de « troubles psychotiques » et leur nombre augmente moindrement. La dernière catégorie regroupe ceux qui trouvent dans leur soin une escapade à la réalité, qui aiment le recevoir et sont plus enclins à le suivre. Ils sont atteints de troubles névrotiques et leur effectif au sein de l’ITEP est en diminution.
Les adolescents atteints de pathologies limites narcissiques sont donc les plus rencontrés en ITEP. Le professeur Roger Misès précise que bien que les jeunes sujets à la pathologie limite font face aux angoisses dépressives, à l’insécurité intérieure et aux menaces d’intrusion et de perte d’objet, ils ne sont pas pour autant fermés à la communication. Ils manifestent un désir de communiquer que l’on peut ressentir et sont dotés de capacités relationnelles et d’adaptation, bien que celles-ci ne soient qu’en secteur et de manière discontinue.
Ce constat du professeur Misès constitue une de mes hypothèses et la base même de ma problématique, renforcée par les trois situations précédemment présentées. En effet, les échanges individuels que j’ai eus avec Houcine et Mathieu représentent déjà une forme de communication, bien qu’elle soit restreinte. Je déduis du fait qu’ils m’aient approché pour faire leurs confidences qu’ils ont une volonté de communiquer et de se socialiser, mais qu’ils ont besoin d’interlocuteurs en qui ils peuvent avoir confiance pour le faire. Ma posture en tant qu’éducateur et en tant qu’adulte représente sûrement une sécurité et a sûrement participé à leur confidence.
De par son cas, Mathieu représente le jeune atteint de pathologie limite, et son « ras-le-bol » envers l’établissement le prouve. Il fait partie des jeunes de la première catégorie qui manifestent ouvertement, par le biais de la violence verbale et de l’insolence envers le personnel de l’ITEP, leur manque de volonté de se socialiser. Il figure parmi ces jeunes qui refusent l’institution, et qui ont comme « particularité de ne pouvoir supporter ce dont ils ont le plus besoin, un étayage structurant[23] ». (Heuzé et al., 2011) Malgré cette opposition, je pressens dans sa démarche qu’il a une envie d’évoluer, un besoin de dire ce qui le tracasse, dans le but d’éviter de commettre une bêtise. Je me demande juste, dans son cas, si son élan a été poussé par sa volonté de bien se conduire pour que son départ de l’ITEP se fasse sans encombre et ne soit pas sujet à un obstacle, ou s’il est venu me voir justement parce qu’il allait bientôt partir et que, de ce fait, il a surmonté sa gêne.
Pour en revenir à la pathologie limite, le professeur Misès poursuit que pour se protéger de ces angoisses primaires auxquelles ces enfants sont confrontés, ils développent des mécanismes de défense qui les préservent contre la psychose. Ces derniers, développés trop tôt et urgemment, ne font que colmater le problème et en nt un plus grand : la difficulté – voire même l’impossibilité – d’intégration. La genèse de tels troubles, selon Heuzé et al. (2011), se situe loin, avant la naissance[24]. La relation prénatale mère-enfant conditionne la socialisation. En communiquant avec l’enfant dans son ventre et en lui présentant le monde, la mère lui donne accès à ce dernier. Si cette interaction fait défaut, l’enfant aura du mal à se socialiser.
Le rôle des parents ne s’arrête pas là. La vie de famille permet à l’enfant une première socialisation. Il y forge son identité, impose ses marques et commence à découvrir le monde. Si la vie familiale est stable et que les parents sont attentifs à l’enfant, il construira plus aisément des liens sociaux et vaincra les premières épreuves imposées par le monde extérieur. Le cas de Houcine et de Mathieu en sont représentatifs : les parcours perturbants au sein de leur famille ont contribué à leur désocialisation. Mathieu en est même venu à manifester une sorte de rejet envers sa mère du fait de cette situation familiale instable.
La prise en charge d’enfants atteints de pathologie limite n’est pas semblable à celle octroyée aux sujets névrosés :
« […] le traitement des enfants entrant dans le cadre des pathologies limites, ne saurait reposer sur des mesures ponctuelles à visée symptomatique, son orientation est nécessairement psychothérapique, mais la question se pose de la prise d’appui sur des supports éducatifs et pédagogiques et du recours à des dispositifs institutionnels… […] Ces sujets exigent des temps d’expériences vécues, répétées, sur une période suffisamment longue dans un cadre institutionnel capable d’apporter à l’enfant, des limites, un soutien, des incitations et à l’équipe les moyens d’un étayage mutuel entre ses membres, ceci sans que soient perdus de vue les repères propres à toute approche d’orientation dynamique et structurale »[25] (Misès, 1994)
Le professeur Misès poursuit en affirmant que « si la cure reste orientée vers des recherches de mutations structurales, elle n’exclut pas le recours à des thérapies individualisées, qui peuvent trouver leur place au moment opportun.[26] » Cette affirmation constitue ma seconde hypothèse dans la mesure où la relation individuelle/l’échange individuel constitue une forme de thérapie individualisée. Elle constitue une réponse à la première hypothèse, à savoir au fait que le jeune atteint de pathologie limite exprime sensiblement une volonté de communiquer. Ainsi, je pose comme hypothèse que la relation individuelle a une place dans le soin des enfants sujets à la pathologie limite accueillis en ITEP. Dans le cas des trois situations que j’ai exposées, le « moment opportun » évoqué par Misès (1994) a été déterminé par les adolescents eux-mêmes. Certes, nous pourrions identifier ce type de moment en effectuant un suivi individualisé de chaque jeune, mais cela exclurait le caractère non imposé de mon projet. En effet, au vu des handicaps de ces jeunes, je préconise leur liberté, raison pour laquelle mon projet ne sera pas basé sur l’obligation mais plutôt sur la volonté et l’envie de parler, d’échanger.
Les problématiques des jeunes accueillis en ITEP ne sont pas uniquement d’ordre psychologique mais peuvent également être de cause sociologique, notamment à l’évolution de la société postmoderne. La société actuelle voit ses valeurs brouillées, et l’enfant a du mal à s’orienter en fonction de ces dernières. En tant qu’éducateur au sein d’un établissement qui accueille et aide de tels jeunes, j’adhère aux préconisations de Heuzé et al. (2011), à savoir de considérer les problématiques de ces derniers en plus de considérer leurs comportements.
L’apport des intervenants dans le secteur éducatif et pédagogique peut être bénéfique pour ces enfants. Ces auteurs affirment qu’« en dehors des thérapeutes dont la formation est spécifiquement dédiée à la prise en compte des psychopathologies, ce qui peut caractériser la spécialisation des intervenants dans les secteurs éducatifs et pédagogiques, c’est leur aptitude à prendre en compte des problématiques, autrement dit à ajuster leurs interventions aux besoins et aux ressources, notamment psychiques des enfants ou des adolescents auxquels ils s’adressent[27] » (Heuzé et al., 2011)
Mon projet s’inscrit dans cette faculté d’ajustement aux besoins et aux ressources psychiques des adolescents accueillis dans l’ITEP. Je pense que la relation individuelle peut être un plus, qu’elle peut contribuer au soin de ces derniers. Je pense que notre intervention peut être améliorée via la mise en place et la considération de celle-ci. Mais la prise en compte de l’individu n’est pas seulement dépendante des intervenants au sein de l’ITEP, mais aussi des jeunes.
Heuzé et al. (2011) notent que les jeunes en ITEP présentent des difficultés avec les exigences de la rencontre avec autrui. Autrement dit, le relationnel ne leur est pas facile de par leur très grande insécurité interne qui les conduit à rester constamment sur la défensive. Ils ont tendance à chercher à se protéger en adoptant des mécanismes offensifs à caractère défensif – Mathieu en est un exemple concret -. Il faut savoir que ces enfants craignent l’autre : « l’existence même de l’autre les atteint, affecte et menace leur existence psychique…[28] » L’autre ici se matérialise par les éducateurs et intervenants de l’ITEP et par les autres enfants.
Je suis conscient que cette peur de l’autre représente un obstacle à mon projet. Cependant, je reste persuadé que si certains peuvent le surmonter ne serait-ce qu’un moment – cas de Houcine et de Mathieu qui ont fait abstraction de cette crainte -, alors les autres peuvent aussi le faire, il suffirait donc qu’il y ait des enfants qui donnent l’exemple. Heuzé et al. (2011) reconnaissent que la considération de la singularité de chaque enfant peur jouer dans le soin des jeunes en ITEP[29]. Et ma démarche de relation individuelle prend justement en compte cette singularité, le projet permettant de se focaliser sur le cas individuel de chaque jeune et peut-être d’améliorer l’orientation de notre accompagnement.
2. Politiques sociales
2.1.La loi du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico sociale
La loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico sociale a été instituée dans le but de réformer la loi n°75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales jugée lacunaire.[30] Le secteur du handicap représente un poids conséquent dans le secteur social et médico-social avec un pourcentage de 43,7% en 2001.
Elle régule l’intervention sociale et médico-sociale conformément à l’article 5 de la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 (Chapitre Ier : Principes fondamentaux, section 1 : Des fondements de l’action sociale et médico-sociale) :
« Art. L. 311-1. – L’action sociale et médico-sociale, au sens du présent code, s’inscrit dans les missions d’intérêt général et d’utilité sociale suivantes :
« 2° Protection administrative ou judiciaire de l’enfance et de la famille, de la jeunesse, des personnes handicapées, des personnes âgées ou en difficulté ;
« 3° Actions éducatives, médico-éducatives, médicales, thérapeutiques, pédagogiques et de formation adaptées aux besoins de la personne, à son niveau de développement, à ses potentialités, à l’évolution de son état ainsi qu’à son âge ;
« 4° Actions d’intégration scolaire, d’adaptation, de réadaptation, d’insertion, de réinsertion sociales et professionnelles, d’aide à la vie active, d’information et de conseil sur les aides techniques ainsi que d’aide au travail »
Parmi les quatre principaux déterminants de l’amélioration de la qualité que cette loi présente, l’on retrouve le projet de vie et d’animation et les prestations individualisées qui entrent dans le cadre de mon projet.
La première orientation de cette loi concerne les droits fondamentaux des usagers qui incluent « la participation de l’usager et de son entourage à la conception et à la mise en œuvre de sa prise en charge ». La relation individuelle entre dans le cadre de cette participation de l’usager à la mise en œuvre de sa prise en charge étant donné qu’elle permet de mieux comprendre ses troubles et ainsi de mettre en place une prise en charge plus centrée sur ces derniers. Le troisième point de cette première orientation stipule clairement la prise en charge ou l’accompagnement individualisé et de qualité, respectant un consentement éclairé, comme faisant partie des droits fondamentaux des usagers de l’action sociale et médico-sociale :
L’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-3. – L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :
« 3° Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ;
7° La participation directe ou avec l’aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne.[31] »
Il est donc stipulé ici que la relation individuelle qui constitue un accompagnement individualisé figure parmi les droits fondamentaux des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux, et des ITEP dans le cas présent.
Le projet personnalisé d’accompagnement
Le projet personnalisé d’accompagnement est un outil qui découle de la loi n°2002-2 du 02 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico-sociale. Cette dernière « fait obligation aux professionnels d’établir un projet d’accueil et d’accompagnement, mais elle n’en détaille pas le contenu ni ne précise s’il doit être écrit [32]»
Le projet personnalisé d’accompagnement part du principe de satisfaction des besoins et attentes des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux. Il a son propre rythme et diffère d’un usager à un autre. Il s’agit d’une « co-construction » dans le sens où il tente de satisfaire diverses parties prenantes dont les personnes accompagnées, leur entourage et les professionnels. Ces derniers n’ayant pas toujours les mêmes attentes, les mêmes besoins ou les mêmes objectifs, l’établissement du PPA se fait dans un esprit de consensus et commence par une phase de concertation.
Le PPA entraine la participation de divers intervenants dont l’usager en premier lieu, toutes les personnes qui travaillent autour de sa situation et ses proches ou son représentant légal dans le cas d’un mineur, les médecins, les équipes pluridisciplinaires, etc. La participation de la personne accompagnée dans son projet personnalisé d’accompagnement est primordiale et plus que recommandée. Il faut savoir que les personnes faisant l’objet d’une telle démarche sont souvent vulnérables, ce qui conduit les professionnels à les écouter et à les accompagner au mieux afin de susciter leur participation.[33]
Mais la co-construction dont je fais mention plus haut existe avant tout entre l’usager et son accompagnant. Il est primordial de prendre en compte les attentes de l’usager dans la démarche de projet personnalisé. D’ailleurs, le PPA s’inscrit dans le renforcement de ses droits.[34] Le PPA est basé sur la prise en compte de l’individualisation de l’usager et consiste en des activités individuelles ou collectives.
Concernant la participation de la personne accompagnée à son projet, l’ANESM rappelle qu’elle ne constitue en aucun cas une obligation, mais un simple droit. Cette participation est fortement sollicitée par les professionnels du fait qu’elle est garante du succès du projet : plus la personne s’implique, plus le PPA est orienté vers ses attentes et lui satisfait.
Afin de respecter au mieux les attentes de la personne accompagnée, le PPA doit suivre les phases suivantes :
- « premiers contacts et premier recueil des attentes de la personne ;
- analyse de la situation avec objectivation des éléments d’analyse ;
- co-construction du projet personnalisé avec les différentes parties prenantes;
- décision : fixation d’objectifs et d’une programmation d’activités et de prestations, moyens alloués au projet ;
- mise en œuvre, bilan(s)intermédiaire(s)et ajustements pour répondre aux évolutions;
- évaluation pour procéder à une réactualisation du projet personnalisé. [35]»−
La phase des premiers contacts est nécessaire, elle permet de collecter les avis des usagers sur leurs attentes et ainsi d’aboutir à l’analyse de laquelle la co-construction du PPA découlera. L’établissement ou les professionnels doivent également informer la personne accompagnée sur le projet, notamment sur « le cadre institutionnel de l’aide proposée, l’offre de prestation et le type d’accompagnement.[36] » Le PPA étant l’œuvre d’une collaboration entre les parties prenantes, chacune d’entre elles est concernée par son suivi et vérifie l’avancée des objectifs ainsi que la cohérence de l’accompagnement et des prestations avec l’évolution de la situation. Bien qu’aucune mention ne soit faite là-dessus dans la loi du 02 janvier 2002, l’ANESM recommande aux professionnels de rédiger ledit projet et de garder la trace des différentes phases de la co-construction.
2.2.La loi de 2005 sur le handicap
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées réforme la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Elle donne également une définition du handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.[37] ». Elle est basée sur les principes généraux de non-discrimination et, outre l’égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées, elle prône également la possibilité pour chacun d’entre eux de choisir son projet de vie.[38] Parmi les cinq grands objectifs qu’elle met en avant (le droit à compensation, la scolarité, l’emploi, l’accessibilité et les Maisons départementales des personnes handicapées), cette loi renferme des dispositions relatives à l’individu et à son projet de vie.
La place de l’individu est prônée par la loi de 2005 sur le handicap, en termes de scolarité. Ainsi, les enfants handicapés ayant des besoins ont, de par la présente loi, le droit de bénéficier d’un accompagnement adapté prodigué dans les établissements et services du secteur médico-social – du type ITEP- qui complètent le dispositif scolaire ordinaire.
L’article 19 de la loi de 2005 sur le handicap instaure également « un suivi personnalisé pour garantir la cohérence et la continuité du parcours scolaire : le projet personnalisé de scolarisation. [39]»Le projet personnalisé de scolarisation agit en coordonnant le déroulement de la scolarité ainsi que l’intégralité des actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales – comme celles prodiguées par l’ITEP- qui servent de complément à la formation scolaire des enfants handicapées et lui permettent de poursuivre son parcours scolaire[40] :
« Art. L. 112-2. – Afin que lui soit assuré un parcours de formation adapté, chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé a droit à une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de ce parcours, selon une périodicité adaptée à sa situation. Cette évaluation est réalisée par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles. Les parents ou le représentant légal de l’enfant sont obligatoirement invités à s’exprimer à cette occasion. »
« En fonction des résultats de l’évaluation, il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu’à sa famille, un parcours de formation qui fait l’objet d’un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. Le projet personnalisé de scolarisation constitue un élément du plan de compensation visé à l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles. Il propose des modalités de déroulement de la scolarité coordonnées avec les mesures permettant l’accompagnement de celle-ci figurant dans le plan de compensation. »
La place de l’individu n’est donc pas un fait récent dans le soin et la prise en charge des personnes handicapées et dans l’action sociale et médico-sociale. Les deux lois présentées dans cette section dédiée aux dispositions sociales le prouvent et démontrent l’importance de la relation individuelle dans une prise en charge orientée vers le collectif. Le projet personnalisé d’accompagnement constitue un outil phare de la relation individuelle, son institution et son importance sont clairement démontrées dans les articles que nous venons de voir.
A présent, je vais me focaliser sur les caractéristiques et bienfaits du groupe avant d’étayer ceux de la relation individuelle.
3. Caractéristiques et bienfaits du groupe
La définition du terme groupe, quel que soit le contexte, ramène toujours à la notion d’ensemble :
« · Partie homogène d’un ensemble dans une classification : Division en groupes et en sous-groupes.
- Ensemble de choses, d’animaux ou de personnes, formant un tout et définis par une caractéristique commune : Groupe ethnique. Le groupe des moyens et le groupe des forts.
- Ensemble formé par des choses ou des êtres de même nature et, en particulier, ensemble défini par le nombre ou la quantité qui le constitue (par opposition à un) : Un groupe d’arbres dans le jardin. Marcher par petits groupes.[41]»
Un groupe suppose une interaction, une vie commune qu’elle soit momentanée ou permanente, et parfois même une cohabitation entre plusieurs individus. Chacun de ces individus a ses caractéristiques, raison pour laquelle la vie en groupe ou le travail en groupe ou le groupe lui-même doivent être régis par des règles spécifiques pour son bon fonctionnement.
Le groupe permet un développement et un épanouissement individuels. Un groupe est dépendant des interactions de ses membres. Celui dans lequel je travaille est composé de douze jeunes aux problématiques diversifiées mais qui doivent interagir et communiquer dans le cadre de ce collectif.
Nombreuses sont les théories exposant les bienfaits du groupe sur des enfants atteints de troubles divers. Rogers (1961) reconnait la possibilité d’une relation d’aide par le groupe : « pourvu que le climat du groupe soit raisonnablement favorable, facilitateur, je laisse en toute confiance le groupe développer son potentiel et celui de ses membres.[42] » Capul (1969), dans son ouvrage intitulé Les groupes rééducatifs, propose l’usage des fonctions du groupe en rééducation des enfants et des adolescents atteints de troubles du comportement. Ces derniers sont semblables à ceux accueillis en ITEP puisqu’ils sont considérés comme « difficiles, à problèmes, inadaptés socialement et placés en institution ».
Le groupe permet donc une thérapie qui semble être indispensable aux enfants et adolescents présentant divers troubles.
Aujourd’hui à l’ITEP, je constate que le groupe est un moyen de vivre en société pour les enfants et adolescents atteints des problématiques citées précédemment, de découvrir la vie en communauté, les règles qui la régissent et les effets qu’elle apporte sur leur rapport social. Opposés à la socialisation, de tels jeunes peuvent s’ouvrir et devenir plus sociables, plus enclins à la vie sociale, via la vie en groupe. Ils peuvent mieux se reconnaître, côtoyer des jeunes aux mêmes problématiques qu’eux, et certains osent même échanger et participer plus activement en voyant que leur cas n’est pas isolé et qu’ils peuvent obtenir de l’aide via le groupe.
A titre d’exemple, une Assemblée Générale des jeunes existe à l’ITEP. Elle a lieu une fois par mois et durant 20 minutes, tous les adolescents de l’établissement sont réunis et font part de leurs remarques, de leurs demandes qui concernent le collectif. Ainsi, les différents professionnels conviés à cette Assemblée sont là pour écouter, répondre et parfois s’engager par rapport aux « doléances » des jeunes. A son instauration, la parole ne circulait pas beaucoup mais cela s’est amélioré au fil du temps. En effet, les jeunes ont, au fur et à mesure, osé prendre la parole et aujourd’hui, cet espace collectif est très bien investi par tous.
J’ai pu voir que les jeunes en ITEP s’épanouissaient en groupe car une certaine cohésion et une harmonie subsistent entre eux, bien que certains soient introvertis et restent dans leur coin. Le groupe que j’accompagne est composé de jeunes qui s’y intègrent parfaitement et bénéficient des apports de la vie en groupe, de jeunes qui s’y sentent mal à l’aise et qui participent peu et de jeunes qui veulent toujours asseoir leur dominance, qui ont peur de perdre leur personnalité, celle qui les distingue des autres.
Au fil du temps, j’ai pu constater qu’étant en contact les uns avec les autres, certains enfants ont évolué. Ils ont commencé à manifester de l’intérêt pour le groupe, cela ne leur a pas été facile mais le temps leur a permis de comprendre qu’ils y avaient une place et un rôle à jouer. Le groupe leur a permis de mieux s’exprimer, d’oser s’exprimer et de comprendre qu’ils n’étaient pas seuls. Il y a eu un transfert, je les ai vus échanger entre eux, et ils ont fini par échanger avec moi.
Mais bien que le groupe soit bénéfique, surtout pour des jeunes aux mêmes problématiques que ceux admis en ITEP, il dispose quand même de nombreuses failles et limites, des inconvénients qui limitent ses effets. En premier lieu, on note une domination de l’angoisse chez certains enfants mis en groupe, et même chez certains adultes. Ainsi, le groupe peut également constituer un lieu d’angoisse et de peur au début car il est vécu comme source de dangers inconnus. Les premières AG m’ont permis de constater ce fait. J’ai vu les jeunes vivre ce moment en groupe comme une contrainte, au début de son institution. Il leur a fallu du temps pour comprendre qu’il s’agit d’un dispositif conçu pour améliorer encore plus leur séjour en ITEP et leur prise en charge.
Le groupe, gage de sûreté sur le plan collectif, peut être vu comme un lieu qui empêche l’individuation dans le sens où l’individu lui-même peut perdre ce qui fait son individuation. Il peut avoir du mal à asseoir son identité. Ce dilemme est courant chez les jeunes à l’ITEP, notamment chez Mathieu qui semble avoir du mal avec la vie en groupe. Etant caractéristique du jeune atteint de pathologie limite narcissique, il a tendance à vouloir asseoir sa domination sur les autres, il extériorise son mal-être via la violence, par peur de perdre son identité, sa particularité narcissique. Cependant, celle-ci n’est qu’une façade, un refuge qui lui permet d’échapper à ses angoisses intérieures. Son trouble le protège en quelque sorte, mais l’empêche de se socialiser.
Les enfants à problèmes ou à différents troubles, lorsqu’ils sont mis en groupe, doivent s’abandonner à diverses contraintes qui ne leur conviennent pas, et qui peuvent parfois faire échouer la thérapie de groupe, causer un dysfonctionnement du collectif ou les inciter à se murer dans le silence.
Ainsi, la constitution d’un groupe nécessite la prise en compte de différents paramètres dont la connaissance individuelle de chaque enfant, de ses besoins, de ses ressources, de ses limites, etc. En tant qu’éducateur, il est également important pour moi d’user du groupe comme d’un outil et non d’une fin, et de savoir quand il doit s’arrêter, car son prolongement alors que sa réussite a déjà été attestée, est déconseillé et peut devenir nocif pour les enfants. Le travail individuel peut donc être menacé par le groupe.
Le groupe prend une place prépondérante dans les activités au sein de l’ITEP. L’école propose différentes activités collectives durant lesquelles éducateurs, psychologues et intervenants compétents apprennent aux jeunes la vie en groupe, l’acceptation des règles et des lois, l’individualisation, etc. Les Assemblées Générales mensuelles font partie de ces activités. D’autres temps d’activités collectives sont également organisés : les activités sportives, les activités ludiques ou éducatives telles que les ateliers, les animations, etc.
Leur mise en place est bénéfique pour les jeunes car ils y apprennent à partager, à vivre en commun, à se socialiser dans un cadre restreint avant de se socialiser à l’extérieur, dans un cadre plus vaste. Pour ma part, je sens que le groupe a un effet positif sur eux, seulement, il ne laisse pas vraiment place à l’individuation. Je trouve que certains jeunes se cachent et se réfugient dans le groupe. Le temps de parole n’étant pas obligatoire, ils profitent du groupe pour s’effacer et n’ont finalement qu’une présence physique. D’autres jeunes semblent se servir du groupe et essaient de tirer profit de ses avantages. Ainsi, ils profitent pleinement des activités organisées au sein de l’établissement et ont un bon taux de participation à ces dernières. Ils les ressentent moins comme des contraintes mais en perçoivent le potentiel et n’hésitent pas à le montrer. Certains s’intègrent difficilement dans le groupe par peur de perdre leur « réputation, leur personnalité ou leur individualité ». Ils perçoivent le groupe comme une menace, certains y jouent le rôle de « trouble-fêtes », d’autres de dominateurs.
Dans le groupe, la relation individuelle semble mise à l’écart, et pourtant, celle-ci peut être bénéfique pour les jeunes à l’ITEP. Quels bienfaits leur apporte-t-elle ?
4. Les bienfaits de la relation individuelle
La relation individuelle, quant à elle, consiste en une approche basée sur l’individu lui-même. Par relation individuelle, on entend les échanges et les rapports entre deux personnes dans un cadre privé et intime. Il s’agit de temps de discussion et de partage propices aux confidences, au partage des sentiments et émotions les plus refoulés ou les plus cachés. La relation individuelle est basée sur la confiance. Pour qu’une personne ose se confier en toute intimité à une autre, il faut que l’autre soit digne de sa confiance, qu’elle ait accompli un acte méritant sa confiance et son respect ou qu’elle ait une posture ou une fonction qui véhicule cette image de confiance. Dans le cas des éducateurs, comme c’est le cas des thérapeutes, la confidentialité est une des bases de cette confiance. Les jeunes osent se confier à nous car nous véhiculons cette image de confidentialité, car ils peuvent avoir confiance au fait que nous ne divulguerons pas leur secret, du moins, dans la limite du possible.
Le travail individuel ou la relation individuelle a des avantages indéniables, surtout pour des jeunes accueillis dans des établissements tels que l’ITEP. Sa mise en place suit une logique d’adaptation de l’accompagnement, en fonction de sa problématique, de ses attentes ou de ses besoins. Prendre en charge individuellement une personne revient à considérer son cas dans sa singularité, sans l’associer à celui des autres, mais de manière personnelle. Son unicité, sa personnalité, son vécu, ses troubles sont personnellement étudiés, et la relation individuelle est établie en fonction de ces derniers.
Lors des entretiens entre Houcine et moi ou entre moi et Mathieu, j’ai pu ressentir un apport indéniable de la relation individuelle sur ces jeunes : loin de les influencer, les conseils que je leur ai donnés les ont guidés. J’ai pu voir qu’ils se sont sentis plus légers après avoir discuté avec moi. J’ai constaté que ces jeunes avaient besoin d’écoute et d’attention, ce qui n’est pas toujours possible lors d’activités collectives. Le temps individuel que nous avons passé ensemble leur a permis de se confier en toute discrétion et de réfléchir aux choses dont nous avons parlé. Les temps en groupe ne permettent pas de se focaliser sur le cas de chacun d’eux, contrairement aux temps individuels.
Duval-Heraudet (2001) cite Pierre Privat en affirmant que « l’idéologie actuelle est la prise en charge individuelle.[43] » En effet, si le groupe ou la thérapie en groupe prend souvent le dessus sur la relation individuelle, cette dernière s’avère pourtant primordiale – surtout au regard du groupe – pour de nombreuses raisons :
- Avant de pouvoir constituer un groupe aidant pour des jeunes aux problématiques spécifiques ou diversifiées, la mise en place d’un temps individuel est cruciale dans le sens où il permet de connaître les jeunes individuellement, leurs ressources et leurs besoins. Ainsi, avant l’institution d’un groupe, il est donc primordial d’organiser un temps de rencontre individuelle préalable avec chaque jeune. Le succès du groupe dépend donc d’une relation individuelle préalable.
- Un projet individualisé est nécessaire afin de réaliser le suivi de chaque jeune au sein du groupe pour renforcer les acquis que ce dernier lui apporte
- Avant de pouvoir s’exprimer en groupe, les jeunes ont besoin de réaliser un travail individuel en amont, surtout si ce qu’ils souhaitent exprimer concerne des questions spécifiques ou des affects qui les dérangent
- Privat (2003) confirme la nécessité du temps individuel préalable avant la constitution d’un groupe, pour une bonne mise en place et une bonne préparation de celui-ci.[44]
- Duval-Heraudet (2007) appuie Privat en précisant qu’avant de choisir la médiation du groupe pour un enfant, une observation en individuel et en petit groupe est nécessaire.
La relation individuelle joue donc un rôle crucial dans le groupe. Elle permet une valorisation de chaque jeune. Elle constitue un témoignage de considération et d’intérêt pour lui et pour son cas. Contrairement aux préjugés que j’ai observés de la part des autres jeunes de l’ITEP durant les temps individuels passés avec Houcine et Mathieu, la relation individuelle ne représente pas toujours un moment de sanction mais plutôt d’aide, de conseil, de « redressement sur le droit chemin » de manière bienveillante.
Dans ce sens, que ce soit dans un groupe ou dans le cadre d’une relation individuelle, l’éducateur est souvent associé à une figure maternelle et paternelle à la fois. J’ai moi-même expérimenté ce fait. Durant les entretiens individuels que j’ai eus avec Houcine et Mathieu, j’ai été considéré comme une mère à qui l’on fait des confidences, à qui ils ont confié des faits qui pouvaient pourtant leur porter préjudice s’ils parvenaient aux oreilles de personnes mal avisées. Ma position maternelle s’est également manifestée par le fait d’être demandé de garder ces confidences pour moi, un peu comme quand l’enfant demande à sa mère de tenir un secret auquel il tient. Ma position paternelle, quant à elle, s’est manifestée par la sollicitude que ces jeunes ont eu à mon égard, par le fait qu’ils m’aient demandé conseil, qu’ils ne se sont pas uniquement adressés à moi pour se confier, mais pour que je les oriente de manière impartiale. Ainsi, en tant qu’éducateur, j’ai eu à adopter une posture professionnelle (neutre, conciliante, à l’écoute, contenante, etc.), de figure maternelle et de figure paternelle à la fois avec ces jeunes. C’est dans la relation individuelle que ce genre de fait est le plus propice.
Le groupe et la relation individuelle semblent indissociables et ont des effets réciproques l’un sur l’autre. Roche-Parent (2002) évoque, pour des patients atteints de pathologie limite de type narcissique, la possibilité d’alterner et en même temps de concilier thérapie de groupe et thérapie individuelle et confirme cette association entre groupe et relation individuelle : « dans un rapport qui enrichit deux lieux simultanément, la psychothérapie individuelle « classique » trouve dans l’interaction groupale et la rencontre avec un autre thérapeute une activation des processus de changement. En retour, l’analyse individuelle permet au patient de ré-élaborer les prises de conscience inévitablement rapides, incisives, fortes, que lui aura procurées la participation au groupe, et en permettre la métabolisation.[45] »
Cette psychologue clinicienne poursuit en affirmant que certains moments privilégiés de la vie de groupe permettent d’approfondir une problématique individuelle. Ainsi, un travail individuel peut être réalisé au sein du groupe. Cependant, Duval-Heraudet (2007 : 11) précise que ce travail individuel peut être entravé si l’éducateur laisse perdurer le groupe plus longtemps que nécessaire, alors que sa réussite a déjà été attestée.
Malgré ces avantages, la relation individuelle possède également ses propres limites et inconvénients :
- Privat (2003) s’exprime comme suit : « Nous nous sommes rendus compte que la situation individuelle n’était pas satisfaisante pour tous les enfants, mais au contraire aggravait parfois la situation. En revanche, nous avons constaté que l’espace intermédiaire du petit groupe (…) peut venir au secours de l’enfant qui essaie tant bien que mal de mettre en place sa latence et de se dégager de la relation trop érotisée à l’adulte. Il permet, grâce à l’étayage sur les pairs, une prise de distance par rapport aux parents, au milieu familial. Il aide au mouvement de désexualisation du fonctionnement de l’enfant.[46] » Cela signifie que la relation individuelle n’est pas préconisée pour tous les enfants, ou les jeunes. Elle ne correspond pas à toutes les problématiques, ce qui est également le cas du groupe
- A titre d’exemple, la situation individuelle est fortement déconseillée pour des enfants ayant subi des maltraitances ou des abus d’ordre sexuel. La relation individuelle avec un adulte peut leur être source d’angoisse, ils pourraient l’interpréter comme « séductrice et mobiliser ses défenses[47]» (Duval-Heraudet, 2007)
- Privat (2003) soutient également qu’en situation individuelle, le cadre, les interdits et les limites peuvent être vécus par les jeunes comme une pression, une menace ou une agression qui atteint leur personne. A contrario, ces interdits représenteraient plutôt une protection
- La relation individuelle n’est pas forcément bien perçue par les parents : certains d’entre eux peuvent ne pas supporter qu’un adulte s’occupe de leurs enfants individuellement. Cela pourrait réveiller des sentiments de peur ou de jalousie de leur part
- Certains enfants abandonniques ne sont pas habilités à être pris en charge par une thérapie individuelle car celle-ci n’a aucun résultat sur eux. En effet, ces derniers ne sont pas capables de transférer, ce qui est important pour le succès de la relation La relation individuelle, dans leur cas, pourrait décupler leur traumatisme. Pour de tels enfants, le groupe est préconisé.
- De même, certains enfants inhibés ne sont pas non plus faits pour la relation individuelle. cette dernière ne leur permet pas d’adopter une posture de retrait ou de repli, contrairement à une situation de groupe. Ces derniers n’arrivent pas à communiquer avec les autres, ce qui fait qu’ils nécessitent plutôt une intervention de groupe dans laquelle ils pourront se défaire progressivement de cette habitude
- La relation individuelle est également inefficace pour des enfants agressifs ou violents car elle peut conduire à un rapport de force entre l’éducateur et ces derniers, ce qui n’est pas le cas pour une situation de groupe
Si la relation individuelle est fonction de la problématique des jeunes, elle n’est pas pour autant inefficace. En effet, comme le montrent les trois situations qui illustrent ma problématique, la relation individuelle est l’occasion de discuter de faits dérangeants, honteux ou pesants qu’on ne peut pas aborder en public ou en groupe.
En termes de relation individuelle au sein de l’ITEP, l’on retrouve le projet personnalisé d’accompagnement (PPA) auquel chaque jeune participe et où les professionnels discutent avec lui de son évolution, de son projet ou des choses qu’il faut travailler. Le PPA est un moment privilégié durant lequel les éducateurs discutent avec les jeunes et leur représentant légal ou leurs parents. C’est durant ces temps que les jeunes à l’ITEP osent exprimer leurs ressentis. Ils sentent qu’on s’intéresse à eux, alors ils parlent plus et mieux qu’en groupe, du moins, pour la plupart d’entre eux. Les plus introvertis profitent de ces PPA pour s’exprimer en sachant que ce qu’ils disent ne sera pas su par les autres jeunes. Ils osent émettre des plaintes et exprimer des choses qu’ils ne diraient pas durant les temps en groupe, comme c’est le cas de Mathieu. Mon projet s’inscrira dans la continuité de ces PPA.
Cependant, force est de constater que l’accompagnement individuel dans l’établissement ne bénéficie pas réellement d’une formalisation. Mon projet pourrait peut-être apporter des changements là-dessus.
La nécessité de la relation individuelle pour accompagner les jeunes en ITEP étant établie, je vais passer à la présentation de mon projet intitulé « projet Café Jeune » dans le cadre de cette dernière.
Partie 3 : Le projet Café Jeune
Dans cette dernière partie du mémoire, je propose le projet Café jeune, une sphère de discussion individuelle pour les jeunes admis en ITEP.
1. Terme général du projet
1.1. Présentation du projet
1.1.1. Contexte
- La genèse de l’idée
Pour justifier la pertinence de mon projet, je reprends les termes de la circulaire 2007-194 qui résume les problématiques des jeunes admis en ITEP comme suit : «Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques accueillent les enfants, adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. Ces enfants, adolescents et jeunes adultes se trouvent, malgré des potentialités intellectuelles préservées, engagés dans un processus handicapant qui nécessite le recours à des actions conjuguées et à un accompagnement personnalisé[48] »
Les actions conjuguées en question renvoient au cadre collectif alors que l’accompagnement personnalisé se réfère à la relation individuelle que mon projet souhaite mettre en œuvre au sein de l’ITEP. Si cette circulaire met déjà l’accent sur la nécessité de l’accompagnement personnalisé, et donc de la relation individuelle dans un certain sens, les situations que j’ai présentées dans la première partie de ce mémoire la justifient et l’accentuent.
Mon contrat d’apprentissage au sein de l’ITEP est une occasion de découvrir la réalité, parfois difficile, de jeunes adolescents qui, avec l’aide des éducateurs et des psychologues, essayent tant bien que mal d’apprendre, voire de réapprendre les règles de la société, pour leur assurer une meilleure insertion une fois leur temps dans l’établissement achevé. Au vu des situations que j’ai présentées et du vécu quotidien au sein de l’ITEP, je me suis rendu compte qu’au-delà d’une prise en charge collective, une relation individuelle avec ces jeunes pourrait les aider à renouer avec la socialisation.
Des trois situations présentées ressortent des constats qui me font croire à la nécessité de mettre en place une relation individuelle conjuguée avec le cadre en groupe ou collectif :
- Les jeunes en ITEP manquent de relation individuelle, les échanges en privé que Houcine et Mathieu ont eu avec moi ont été l’occasion, pour eux, de faire des confidences, de livrer leurs ressentis à l’abri des préjugés et en toute intimité, de se libérer d’un poids qui les ronge, de se socialiser un peu plus
- Ces deux adolescents ont besoin de la relation individuelle, cela se confirme par le fait qu’ils aient osé m’approcher et me confier des sujets qui leur tiennent à cœur et qu’ils n’évoqueraient jamais en groupe par peur des jugements, par honte, par gêne ou tout simplement par manque d’envie
- Le fait de ne pas connaître les tenants et aboutissants de la relation individuelle conduit les jeunes en ITEP à émettre des préjugés qui dévient très souvent de la réalité…
Je pense donc que formaliser la relation individuelle dans l’établissement aidera à abolir ces préjugés et à établir une relation de confiance entre l’éducateur et les jeunes en vue de les aider à surmonter leurs troubles. Cette formalisation se fera via mon projet qui consistera en des séances de discussion individuelle durant lesquelles les jeunes pourront échanger librement, sans contraintes et sans préjugés. Pendant ces séances, le principal rôle de l’éducateur sera d’être à l’écoute des jeunes et de soutenir leurs propos pour renforcer le lien de confiance qui est à la base de la réussite de ce projet.
- Le concept :
Le projet Café Jeune propose des temps individualisés entre les jeunes et les éducateurs. Son but est de favoriser et de renforcer les dialogues, les échanges, et donc la relation individuelle. Le projet mettra à la disposition des jeunes et des adolescents de l’ITEP des moments d’intimité avec les éducateurs durant lesquels ils auront chacun un laps de temps (qui reste encore à définir) pour discuter librement de leurs problèmes, de leurs émotions ou de toute autre chose qu’ils aimeraient aborder avec nous. Il sera matérialisé par la mise en place d’un tableau hebdomadaire sur lequel les jeunes pourront s’inscrire afin d’échanger individuellement avec les éducateurs. Leur inscription se fera au moins une fois par mois ou quatre fois au maximum, plus si l’analyse montre que leur cas requiert plus de temps individuels.
L’ITEP étant une école spécialisée, les temps éducatifs sont répartis comme suit :
- Le matin entre 7h et 9h,
- Le midi entre 12h et 14h
- Le soir entre 17h et 22h,
- Le mercredi de 12h à 22h,
- Le vendredi, les jeunes partent à midi ou à 14 h
Il est donc nécessaire d’inscrire le projet durant ces temps-là, mais également en fonction du nombre de jeunes (en moyenne 12 par groupe).
Etant donné les nombreux obstacles à la relation individuelle qui ont été mis en évidence dans les situations présentées dans la première partie, surtout en termes d’environnement, de nombreuses dispositions sont à prévoir. Le tableau que je propose pourra informer les jeunes de la mise en place de la relation individuelle au sein de l’ITEP et de la possibilité, pour eux, d’y participer durant les heures indiquées. En voyant qu’un tel système est mis en place, ils pourraient arrêter d’émettre des préjugés, le projet visant à formaliser les temps de discussion avec les éducateurs et à en faire bénéficier chaque adolescent sans exception.
L’organisation du projet consistera en l’établissement d’un tableau hebdomadaire avec des plages où les jeunes pourraient s’inscrire afin de parler avec l’éducateur de leur choix. Vu les nombreuses tâches incombant à ce dernier, le nombre d’éducateurs disponibles sera de 1 par semaine, un roulement hebdomadaire est prévu afin que tous les éducateurs puissent participer au projet. Une participation mensuelle au minimum à ce projet est attendue des jeunes qui décideront de ce dont ils voudront parler. La relation de confiance qui sera à établir devra passer par ce point crucial : le jeune mène la discussion et décide de ce qu’il veut aborder, et non l’éducateur. Les jeunes peuvent également venir aux séances pour dire qu’ils n’ont pas envie de parler, l’essentiel est d’être à leur écoute, qu’importe ce qu’ils manifestent. Cela permettra de favoriser la relation de confiance entre ces derniers et les éducateurs. Si possible, l’usage d’outils supports qui favorisent la discussion pourrait être envisagé, je pense notamment à des jeux de société ou toute autre activité possible au sein de l’établissement.
Le tableau en question pourrait prendre la forme suivante :
Heures | Lundi | Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi |
Matin :
8h |
Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible |
Nom de l’éducateur disponible |
Soir :
17h |
Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible |
18h | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible | Nom de l’éducateur disponible |
Les inscriptions à ce tableau seront libres. Les éducateurs concernés par le projet étant au nombre de trois et nos emplois du temps changeant toutes les semaines, le tableau est donc conçu de manière hebdomadaire. Deux créneaux s’offrent aux jeunes : un le matin à 8 h et deux le soir à 17h et à 18h. Ils pourront choisir le nom de l’éducateur en cochant une croix en face du prénom de ce dernier. Ce projet n’aura pas de salle attitrée, les discussions pourront donc se passer tant dans les bureaux qu’en dehors, par exemple dans la cour, en se promenant. Le mieux est de laisser le jeune choisir car certains pourraient chercher le calme d’un bureau pour discuter individuellement tandis que d’autres pourraient préférer les discussions en plein air durant lesquelles ils se sentent plus à l’aise.
1.1.2. Les fondateurs
Le projet Café Jeune est une aspiration personnelle dont l’initiative me concerne tout particulièrement. Toutefois, mes collègues de l’ITEP participeront activement à la mise en œuvre et à l’élaboration de chaque étape du projet. Il est rappeler qu’une fois mis en place, ce projet n’engagera que les éducateurs de l’ITEP et non les autres intervenants.
1.2. Objectifs
Globalement, le projet Jeune Café a pour but de contribuer à l’amélioration des chances de réinsertion sociale des enfants et des jeunes encadrés dans l’ITEP. Intrinsèquement, l’objectif principal de mon projet est de formaliser une pratique qui permet de favoriser la relation individuelle dans la gestion du collectif. En effet, une telle formalisation n’existe pas concrètement dans l’ITEP. Les jeunes ont donc tendance à laisser libre cours à leurs préjugés dès que l’un d’entre eux se retrouve à discuter seul à seul avec un ou plusieurs éducateurs dans un bureau. Comme je l’ai déjà précisé dans les trois situations présentées plus tôt, ils croient que de tels temps de discussion se réfèrent à une bêtise que le jeune aurait commise, et qu’il sera donc puni pour son acte.
Avec le projet Café jeune, ces temps de discussion individuelle seront formalisés, ce qui permettra d’abolir les préjugés des jeunes. Cette formalisation les conduira également à oser nous approcher de manière individuelle car les activités de groupe ne donnent pas vraiment l’occasion d’échanger librement et en privé, alors que les trois situations que j’ai exposées prouvent que les jeunes en ont besoin. Le projet les aidera dans ce sens et sera consacré à chaque jeune de l’établissement. Il pourra venir de son plein gré, sans être forcé. Il sera libre de parler de ce qu’il veut, et même ne pas parler, le projet étant un espace de discussion libre.
En même temps, le projet Café jeune aura également pour but de renforcer le lien positif avec l’éducateur, voire de l’accélérer. Cela constituera une étape primordiale vers la réinsertion sociale et améliorera les interactions entre jeunes et éducateurs, en sachant que les éducateurs font partie des premiers interlocuteurs de ces derniers dans l’ITEP. Ils pourraient profiter de cette relation individuelle pour réviser/améliorer leurs pratiques et créer une relation de confiance pérenne et efficace entre eux et les jeunes. Les séances d’échange et d’interaction libres constitueront une meilleure compréhension de la situation et des problèmes des jeunes qui pourront conduire à une amélioration des compétences des éducateurs. Au final, le projet bénéficiera avant tout aux jeunes qui pourront s’exprimer librement et de manière confidentielle et être pris en charge de manière plus individualisée, conformément à leur problématique.
1.3. Etapes du projet
Le projet est une co-construction qui tourne autour des attentes et du bien-être de l’usager. Dans ce sens, sa mise en place dépend de plusieurs étapes impliquant diverses parties dont la direction de l’ITEP, les collègues et les jeunes.
La première étape du projet s’apparente à la phase de premier contact du PPA et consistera en une présentation du projet à la direction. J’exposerai les raisons qui m’ont conduit à l’élaboration de ce projet, les bienfaits qu’il peut apporter aux jeunes en premier, puis à l’équipe éducative et peut-être même à l’établissement en second ; ainsi que son but : la formalisation de la relation individuelle en ITEP. Mon but est d’obtenir l’aval de la direction et de lui faire connaître les bienfaits de la relation individuelle au sein de l’ITEP.
Une fois la direction avisée, je présenterai le projet à mes collègues, dont les deux autres éducateurs qui composent le pôle éducatif avec moi. Je leur exposerai également les bienfaits et le but de mon projet ainsi que les raisons qui m’ont poussé à le concevoir et à aller jusqu’à le mettre en place. Dans chacune de ces présentations, je recueillerai les avis de la direction et de mes collègues sur le projet. Ces derniers pourraient contribuer à son amélioration.
La dernière présentation se fera auprès des jeunes, les premiers concernés par mon projet. Une fois que la direction et mes collègues seront mis au courant de celui-ci et y adhèreront, je parlerai du projet aux jeunes. Je leur en expliquerai la raison, à savoir la prise de conscience qu’ils ont besoin de la relation individuelle en ITEP confirmée par les trois situations qui illustrent la problématique et la volonté d’améliorer leur prise en charge par une individualisation ; les bienfaits (prise en charge plus individualisée de leur problématique, une meilleure prise de considération de leur cas, une réinsertion plus assurée ou du moins plus facile dans la société, etc.) et le but qui est la formalisation du temps individuel au sein de l’ITEP pour faire tomber les barrières des préjugés. L’adhésion des jeunes à mon projet signera la mise en place concrète de celui-ci.
Cette dernière se fera par la proposition du tableau hebdomadaire. Je me concerterai avec mes collègues éducateurs afin de savoir lequel d’entre nous est disponible au créneau horaire indiqué. Ils pourront également m’indiquer quel créneau est le plus adapté, le projet se fera surtout sur la base de concertations afin d’aboutir à un consensus qui convienne à tout le monde. Une fois le tableau sous forme d’« emploi du temps » établi, je procèderai à l’annonce officielle du début du projet et afficherai le tableau sur lequel les jeunes pourront s’inscrire et qui changera chaque semaine.
2. Etude de faisabilité du projet
2.1. Faisabilité temporelle
Le projet Café Jeune se fera principalement dans une période d’une année. Pour être précis, les jeunes du centre y intègreront durant leur dernière année à l’ITEP. Ainsi, ils pourront participer pleinement au projet pendant cette période.
La tenue d’une sphère de discussion individuelle étant le principal objectif du projet, il facilitera les échanges et les confidences entre jeunes et éducateurs qui ne sont pas encore formalisés dans l’établissement. Comme je l’ai mentionné plus tôt, les tâches dont les éducateurs doivent s’acquitter quotidiennement limitent le temps consacré au projet à environ une heure par jour. Cela peut sembler insuffisant mais nous essayerons d’en tirer profit au maximum.
La direction sera la première à être mise au courant du projet Café jeune. Je le présenterai de sorte qu’elle comprenne la nécessité de formaliser le temps individuel en ITEP et les bienfaits que cela pourrait apporter tant aux jeunes qu’aux éducateurs, voire-même à l’ITEP. Une fois que la direction est d’accord pour que le projet soit mis en place, je parlerai aux éducateurs concernés par ce dernier.
2.3.Faisabilité par rapport à l’accord des équipes
L’obtention de l’accord des équipes, dont les éducateurs, est primordiale. En effet, ce sont les intervenants privilégiés de ce projet. Ce dernier a besoin d’eux pour pouvoir exister et être pérennisé. Il sera jugé faisable lorsque la totalité des éducateurs dans l’établissement seront d’accord pour qu’elle soit mise en place et consentiront à y participer. Comme c’est le cas des jeunes, ces éducateurs ne sont pas obligés d’y adhérer ni d’y participer. Cependant, leur pleine collaboration est requise pour sa mise en place.
2.4. Faisabilité par rapport à l’adhésion des jeunes
Les jeunes sont les premiers visés et concernés par le projet. De ce fait, leur avis compte énormément dans sa mise en place. Pour qu’il soit faisable, il faut que tous les jeunes y adhèrent, ou, à défaut, que la majorité d’entre eux y adhèrent. Si le projet ne recueille que très peu de voix de la part de ces derniers, son poids pourrait en être lésé et sa nécessité ainsi que sa mise en place pourraient être remises en question (surtout par la direction ou mes collègues), d’où l’utilité de bien le présenter aux jeunes en insistant sur son caractère libre et non imposé et sur ses innombrables bienfaits et visées.
3. Critères d’évaluation du projet
Un projet a besoin d’être évalué pour pouvoir juger de manière concrète et construite de sa réussite ou non. Pour ce faire, des indicateurs de satisfaction sont nécessaires pour une évaluation adéquate de ce dernier. Ces indicateurs de satisfaction seront fonction des jeunes et des éducateurs en même temps. En mesurant leur satisfaction, je pourrai évaluer le projet et juger de sa réussite ou non. Ces indicateurs peuvent être nombreux :
- Le nombre de jeunes ou d’éducateurs adhérant au projet (taux d’adhésion et de participation) : je m’attends à ce que les jeunes et éducateurs intéressés par le projet et qui y adhèrent soient nombreux. Si leur taux de participation est important, je saurai que le projet est en bonne voie, que mes attentes seront assouvies et que le projet pourrait avoir un impact positif sur la place de la relation individuelle dans un groupe, dans l’ITEP.
- La fréquence des échanges (taux de fréquentation) : je pars du postulat que les jeunes ont besoin de la relation individuelle, cette dernière leur permettant d’échanger librement et discrètement avec les éducateurs et ainsi d’exprimer des choses qui ne peuvent être abordées en groupe. Si les échanges entre un jeune et un éducateur sont fréquents, si le jeune en question participe plusieurs fois au temps individuel, le projet aura confirmé son utilité et atteint son but.
- L’évolution des échanges (taux d’amélioration des échanges) : ce critère d’évaluation concernera principalement les éducateurs. Il faut préciser que les échanges qu’ils effectueront avec les jeunes respecteront une éthique de confidentialité et ne seront donc pas divulgués ni discutés. Cependant, des séances de feedback pourront être mises en place avec les éducateurs afin qu’ils évaluent la qualité des échanges qu’ils ont avec les jeunes. Ces séances serviront uniquement à discuter de la qualité de ces échanges, sans entrer dans les détails des discussions entre jeunes et éducateurs. Si cette dernière s’améliore au fil du temps et si le taux d’amélioration est important, alors le projet sera en bonne voie.
- L’évolution du comportement des jeunes/leur changement au fil des échanges (taux d’évolution du comportement des jeunes) : Houcine et Mathieu m’ont abordé dans le but de se confier à moi, mais également d’obtenir des conseils de ma part face à des situations qui leur échappent ou les mettent mal à l’aise. De ce fait, j’ai été amené à les écouter et à leur répondre de manière professionnelle et personnelle en même temps. Je me dis que le fait qu’ils m’aient demandé des de l’aide ou des conseils trahit leur incapacité face à certaines situations et leur volonté de bien faire : ils ne veulent pas prendre de mauvaises décisions qui pourraient leur nuire, surtout vis-à-vis de leur séjour à l’ITEP, d’où l’idée de confirmer si ce qu’ils veulent faire ou ce qu’ils pensent est correct ou de savoir ce qu’il convient de faire face à tel ou tel cas. Les jeunes participeront donc aux échanges individuels dans une optique d’évolution, de changement de comportement. Si les éducateurs ou les jeunes eux-mêmes notent une évolution positive de celui-ci au fil du temps et que le nombre de ceux qui ressentent cette évolution est conséquent ou croît, les bienfaits du projet sur les jeunes se confirmeront.
- Le ressenti des intervenants : ce critère d’évaluation concerne uniquement les éducateurs. Il sert à connaître leur ressenti par rapport à ce projet : ses objectifs sont-ils atteints, avance-t-il sur la bonne voie, apporte-t-il des améliorations au soin de ces jeunes ainsi qu’à leur comportement, qu’apporte-t-il aux éducateurs, se sentent-ils plus concernés par leur métier, leur vision a-t-elle changé, ressentent-ils la nécessité de formaliser la relation individuelle… ? Si les ressentis positifs sont conséquents, alors le projet sera en bonne voie.
Tout cela prouve que le projet Café jeune ne se fera pas uniquement par ma seule volonté mais sera une véritable co-construction basée sur les attentes des jeunes en ITEP. Mon but est de leur faire savoir que ce projet a été pensé pour leur bien, afin de les aider, et qu’une relation individuelle peut étayer et compléter les bienfaits des activités et de la vie en groupe auxquelles ils sont plus habitués.
Conclusion
Pour conclure, l’ITEP est un institut qui œuvre essentiellement pour l’accompagnement des enfants et des jeunes en difficulté, mal insérés dans notre société. En effet, force est de constater que malgré les symptômes apparents qui submergent souvent le quotidien de ces jeunes, leur entourage a tendance à les ignorer, voire à les dénigrer tout simplement. Par conséquent, ces jeunes en difficulté sont marginalisés. Mal compris, ils sont rejetés et stigmatisés : des comportements qui ne vont nullement les aider. D’où la raison d’être de l’ITEP : étant un établissement thérapeutique, éducatif et pédagogique, il accueille « les enfants, les adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages ». Ainsi, en dépit de leur handicap, ces jeunes peuvent aspirer à une meilleure vie, à un meilleur avenir à travers des actions conjuguées et des accompagnements personnalisés.
L’ITEP fonctionne donc comme un institut interdisciplinaire poursuivant plusieurs objectifs, entre autres l’accompagnement des accès aux soins, la participation sociale, les apprentissages, la mise en œuvre des projets thérapeutiques et des activités éducatives adaptées tout en associant les parents et les proches dans le processus. Il mise également sur la formation et le soutien des professionnels qui travaillent dans ce sens.
Travailler au sein de l’ITEP m’a permis de réaliser plusieurs constats dont un qui a conduit à la problématique de ce mémoire : le temps individuel n’est pas concrètement formalisé au sein de cet établissement. En effet, lorsque Houcine et Mathieu sont venus discuter en privé avec moi dans le bureau des éducateurs, les jeunes ont immédiatement émis plusieurs préjugés et conclu qu’ils avaient commis une faute grave ou une bêtise. De tels préjugés résultent d’un manque de familiarité avec la notion de relation individuelle, mais également d’un manque de formalisation de celle-ci. En effet, si les jeunes savaient que des temps individuels entre jeunes et éducateurs durant lesquels ils peuvent échanger librement existent et sont permis au sein de l’ITEP, ils n’en viendraient pas automatiquement à ce type de conclusion. La formalisation de la relation individuelle permettra donc d’abolir les préjugés. En même temps, elle peut provoquer une prise de conscience chez certains jeunes trop introvertis pour discuter en groupe. Ils pourront parler de ce qui les tracasse, les énerve ou leur plaît particulièrement en toute intimité avec un éducateur qualifié pour cela durant ces temps individuels. Cette formalisation du temps individuel se présente, pour ma part, sous la forme du projet Café Jeune.
Il s’agit d’un projet d’appui et d’accompagnement aux soins et aux suivis psychologiques qui sont déjà prodigués au sein de l’ITEP. Il permettra d’établir formellement la relation individuelle au sein de l’établissement et de lui accorder la place qu’elle mérite dans une prise en charge plus orientée vers le collectif. Il permettra également une meilleure compréhension des jeunes et facilitera considérablement le processus de mise en confiance, une étape primordiale dans leur socialisation.
Ce projet s’avère être promettant dans la mesure où il développera le sens du partage et de la socialisation de ces jeunes. Pendant une période d’une année, ils auront maintes occasions de s’ouvrir au monde et d’accorder leur confiance à d’autres personnes : une condition nécessaire à une bonne intégration sociale. Toutefois, un long chemin reste à faire, surtout en ce qui concerne la pérennisation d’un tel projet.
Bibliographie
- Ouvrages
< DUVAL-HERAUDET Jeannine. Une difficulté si ordinaire : Les écouter pour qu’ils apprennent. Paris, EAP, 2001. P.328-331.
< HEUZE Serge, SOUS-LATOUT Maryse, HERMANN-MOREY Sabine et al. Promouvoir les pratiques professionnelles. Établissements, dispositifs et réseaux sociaux et médico-sociaux. Paris, Dunod, 2011. Chap. 2, Problématiques actuelles des jeunes accueillis en ITEP, p. 1-22.
< MISES Roger. Les Pathologies limites de l’enfance. Paris, PUF, 1994. Coll. « Le fil rouge ».
< ROGERS Carl. Le développement de la personne. Ed. 1985. Paris, Dunod, 1968. 286 p.
- Revues
< DUVAL-HERAUDET Jeannine. Quelques réflexions sur le groupe, et quelques documents, pour échanges et partage d’expérience. Amiens : AREN 80, 2007. p. 14.
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- Textes officiels
< LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. [en ligne]. Journal Officiel n° 2 du 3 janvier 2002. Disponible sur : < http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 20/02/16)
< LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. [en ligne]. JORF n°36 du 12 février 2005. Disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 20/02/16)
< Circulaire interministérielle DGAS/DGS/SD3C/SD6C n° 2007-194 du 14 mai 2007, Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques
et la prise en charge des enfants accueillis, [en ligne], Bulletin officiel n°2007-6. Disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 17/02/16)
- Sites internet
< AGENCE NATIONALE DE L’EVALUATION ET DE LA QUALITE DES ETABLISSEMENTS ET DES SERVICES SOCIAUX ET MEDICO-SOCIAUX (ANESM). Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : Les attentes de la personne et le projet personnalisé [en ligne]. Saint-Denis : Anesm, 2008, p. 14. Disponible sur <www.anesm.sante. gouv.fr> (consulté le 27/02/16)
< Aspects essentiels de la loi du 11 février 2005, dite loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Reliance [en ligne], n° 22, avril 2006, p. 81-85. Disponible sur <www.cairn.info/revue-reliance-2006-4-page-81.htm.> (consulté le 20/02/16)
< Ministère de la Santé et des Solidarités, Ministère délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la famille. Loi handicap : mettons-la en place pour que chacun trouve sa place. Le guide de la loi [en ligne]. Editions SICOM, avril 2006, 16 p. Disponible sur <www.handicap.gouv.fr> (consulté le 22/02/16).
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- Colloques
< PRIVAT Pierre. 3 e Rencontre de St Seine l’Abbaye, Journée d’étude, 23 mai 2003.
< Singulier, Pluriel ! L’individu et/ou le groupe dans la relation d’aide, 1996, Actes du XIIe Congrès de la FNAREN, Auxerre, p. 21.
Table des matières
Première partie : Cadre général de l’étude
1.1. L’ITEP : une histoire d’évolution et de réforme
- La prise en charge éducative
- La prise en charge pédagogique et une formation préprofessionnelle
- La prise en charge thérapeutique
- Accompagnement des jeune
1.6. Les missions de l’éducateur
2.1. Le cas d’Houcine : un appel illégal
2.2. Les visions d’Houcine : un refuge psychologique
2.3. Le problème de Mathieu : recherche d’attention ou histoire vraie ?
Partie 2 : Analyse théorique et réflexion sur les faits rencontrés
2.1. La loi du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico sociale
2.2. La loi de 2005 sur le handicap
Partie 3 : Le projet Café Jeune
2.2. Faisabilité par rapport à l’accord de la direction
2.3. Faisabilité par rapport à l’accord des équipes
Annexe 2 : Pyramide des besoins de Maslow
Annexe 1 : Circulaire
Annexe 2 : Pyramide deS besoins de Maslow
[1] ITEP : Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique
[2] IMP : Institut Médico Pédagogique
[3]IR : Institut de Rééducation
[4] MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social
[5] SAFREN : Service d’Accompagnement Familial Renforcé
[6] MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées
[7] CASF : Code de l’Action Sociale et des Familles
[8] PPA : Projet Personnalisé d’Accompagnement
[9] Etablissement et Service d’Aide par le Travail
[10] Entreprise Adaptée
[11] Circulaire interministérielle DGAS/DGS/SD3C/SD6C n° 2007-194 du 14 mai 2007, Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques
et la prise en charge des enfants accueillis, [en ligne], Bulletin officiel n°2007-6. Disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 17/02/16)
[12] Ibid.
[13] MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social
[14] CATTP : Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel
[15] CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle
[16] PPA/PPS : Projet Personnalisé d’Accompagnement / Projet Personnalisé Scolaire
[17] Circulaire interministérielle DGAS/DGS/SD3C/SD6C n° 2007-194 du 14 mai 2007, Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques
et la prise en charge des enfants accueillis, [en ligne], Bulletin officiel n°2007-6. Disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 17/02/16)
[18] HEUZE Serge, SOUS-LATOUT Maryse, HERMANN-MOREY Sabine et al. Promouvoir les pratiques professionnelles. Établissements, dispositifs et réseaux sociaux et médico-sociaux. Paris, Dunod, 2011. Chap. 2, Problématiques actuelles des jeunes accueillis en ITEP, p. 2.
[19] Ibid, 5.
[20] Ibid, 3.
[21] Ibid, 5.
[22] Ibid, 5-6.
[23] Ibid, 9.
[24] Ibid, 8.
[25] MISES Roger. Les Pathologies limites de l’enfance. Paris, PUF, 1994. Coll. « Le fil rouge ».
[26] Ibid.
[27] HEUZE Serge, SOUS-LATOUT Maryse, HERMANN-MOREY Sabine et al. op. cit., 14
[28] Ibid, 15.
[29] Ibid, 18.
[30] LES QUATRE PRINCIPALES INSUFFISANCES DELA LOI N° 75-535DU 30 JUIN 1975
- Une législation muette sur les droits des personnes
- Une législation trop centrée sur les prises en charge à temps complet
- Des outils peu efficaces pour adapter l’offre aux besoins ¨grandes disparités des taux d’équipements
- Une absence de partenariat organisé :
- Entre l’État et les départements
- Entre établissements et services
- Entre les tarificateurs et les acteurs
[31]LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. [en ligne].
Journal Officiel n° 2 du 3 janvier 2002. Disponible sur : < http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 20/02/16)
[32] AGENCE NATIONALE DE L’EVALUATION ET DE LA QUALITE DES ETABLISSEMENTS ET DES SERVICES SOCIAUX ET MEDICO-SOCIAUX (ANESM). Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : Les attentes de la personne et le projet personnalisé [en ligne]. Saint-Denis : Anesm, 2008, p. 14. Disponible sur <www.anesm.sante. gouv.fr> (consulté le 276/02/16)
[33] Ibid, 1
[34] – Le droit à un accompagnement adapté aux spécificités de la personne, à ses aspirations et à ses besoins (y compris de protection), à l’évolution de sa situation (âge, pathologie, parcours, environnement relationnel…), respectant son consentement éclairé (ou, à défaut, celui de son représentant légal) ;
– Le droit d’exercer un choix dans ces prestations adaptées (dans le respect de l’éventuel cadre judiciaire ;
– le droit de participation directe de l’usager ou de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui le concerne. Ibid, 9.
[35] Ibid, 20.
[36] Ibid, 22.
[37] LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. [en ligne]. JORF n°36 du 12 février 2005. Disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 20/02/16)
[38]Ibid.
[39] Aspects essentiels de la loi du 11 février 2005, dite loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Reliance [en ligne], n° 22, avril 2006, p. 81-85. Disponible sur <www.cairn.info/revue-reliance-2006-4-page-81.htm.> (consulté le 20/02/16)
[40] Ministère de la Santé et des Solidarités, Ministère délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la famille. Loi handicap : mettons-la en place pour que chacun trouve sa place. Le guide de la loi [en ligne]. Editions SICOM, avril 2006, 16 p. Disponible sur <www.handicap.gouv.fr> (consulté le 22/02/16).
[41] DICTIONNAIRES DE FRANÇAIS LAROUSSE. Groupe [en ligne]. <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/groupe/38423> (consulté le 18/02/16)
[42]ROGERS Carl. Le développement de la personne. Ed. 1985. Paris, Dunod, 1968. 286 p.
[43]DUVAL-HERAUDET Jeannine. Une difficulté si ordinaire : Les écouter pour qu’ils apprennent. Paris, EAP, 2001. P.328-331.
[44] PRIVAT Pierre. 3 e Rencontre de St Seine l’Abbaye, Journée d’étude, 23 mai 2003.
[45] ROCHE-PARENT Anne. Thérapie de groupe et thérapie individuelle : une articulation possible. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe [en ligne], n°39, février 2002, p. 197-208. Disponible sur <www.cairn.info/revue-de-psychotherapie-psychanalytique-de-groupe-2002-2-page-197.htm> (consulté le 23/02/16)
[46] Singulier, Pluriel ! L’individu et/ou le groupe dans la relation d’aide, 1996, Actes du XIIe Congrès de la FNAREN, Auxerre, p. 21.
[47] DUVAL-HERAUDET Jeannine. Quelques réflexions sur le groupe, et quelques documents, pour échanges et partage d’expérience. Amiens : AREN 80, 2007. p. 14.
[48] Circulaire interministérielle DGAS/DGS/SD3C/SD6C n° 2007-194 du 14 mai 2007, Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques
et la prise en charge des enfants accueillis, [en ligne], Bulletin officiel n°2007-6. Disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr> (consulté le 17/02/16)
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