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Dans l’accompagnement social, quel sens donner à la question de l’hygiène corporelle pour motiver l’usager à réacquérir les règles de vie sociales ?

Thème : Parler de l’hygiène corporelle dans l’accompagnement social

 

Problématique : Dans l’accompagnement social, quel sens donner à la question de l’hygiène corporelle pour motiver l’usager à réacquérir les règles de vie sociales ?

 

Plan

 

Introduction

LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE

Partie 1.       CADRE THEORIQUE

Chapitre I. L’hygiène corporelle

  1. Définitions conceptuelles
  2. Evolution de la notion d’hygiène dans l’histoire
  3. L’hygiène : une question sanitaire, sociale et économique

Chapitre II. L’accompagnement social

  1. Définition de l’accompagnement social
  2. Les modalités et objectifs de l’accompagnement social
  3. Aborder la question de l’hygiène corporelle : le sens de la parole dans la communication en travail social

Partie 2.       PHASE EMPIRIQUE

La problématisation

  1. De la problématique à la question de recherche
  2. Formulation des hypothèses
  3. Outils de vérification des hypothèses

Chapitre I. L’hygiène corporelle comme indicateur dans l’accompagnement social

  1. Analyse
  2. Synthèse et recommandations

Chapitre II. Observation des règles d’hygiène corporelle proposées et renforcement du processus d’accompagnement social

  1. Analyse
  2. Synthèse et recommandations

Chapitre III. Aborder la question de l’hygiène corporelle et professionnalisation du discours

  1. Analyse
  2. Synthèse et recommandations

Conclusion

Bibliographie

 

 

Introduction

 

Depuis la prime enfance, l’être humain vit dans l’acquisition des gestes d’hygiène et leur application dans l’environnement privé et public. Cette notion d’hygiène est appréhendée selon les différentes éducations reçues et cultures qui définissent la personne tout au long de sa vie, en véhiculant une  image de bien-être, pour une meilleure estime de soi. Ce qui devrait alors constituer un facteur facilitateur pour l’insertion socio-professionnelle.

 

Par ailleurs, une bonne hygiène est la base de la santé. Cette dernière est déterminée par des paramètres individuels, collectifs et psychosociaux relatifs à l’histoire de vie de la personne, qui en somme, permettent d’appréhender l’être humain dans sa dimension globale. C’est ainsi que le travailleur social est appelé à prendre en compte cette globalité, en même temps que la singularité de la personne et de sa situation, dans le cadre de l’accompagnement social. La visée de cet accompagnement est de favoriser l’autonomie et l’insertion de l’usager, en travaillant sur les freins et les leviers au développement de celui-ci, quel qu’il soit y compris la problématique liée à l’hygiène.

 

Cela amène alors à se questionner sur les points de vue l’assistante de service sociale, investie d’une mission de protection et de prévention. L’assistante de service social travaille ainsi en concertation avec la personne accompagnée à lever les freins, y compris ceux liés à une problématique d’hygiène, qui pourraient faire obstacle à l’insertion socio-professionnelle. Comment donc comprendre cette problématique d’hygiène, observée chez certains usagers des services sociaux ? La réponse évidente est en abordant le sujet avec la personne concernée.

 

Est-il pour autant facile et légitime de la part des travailleurs sociaux d’aborder la question de l’hygiène corporelle des usagers, sans jugement ? Certaines situations où des problèmes d’hygiène sont observés, interpellent la nécessité d’intervenir sur ce sujet délicat, qui touche à l’intime, au sanitaire, au social, et à l’économique. Dans quelle mesure introduire la question de l’hygiène dans un plan d’action négocié, lorsque la personne concernée est en cour d’insertion professionnelle ? L’exemple de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, pourrait aider à comprendre comment le fait de travailler sur la problématique de l’hygiène, peut constituer un objectif à atteindre, à l’inscrire dans le contrat d’engagements réciproques. En outre, pendant les visites à domicile, les travailleurs sociaux sont, dans certaines circonstances, confrontés à des logements peu entretenus, avec des enfants risquant un danger. A travers les missions de protection et de prévention, dans le cadre de la protection de l’enfance, une évaluation sociale menée légitimement par les travailleurs sociaux, permettra alors de caractériser ou non, le danger ou la maltraitance des enfants. De ce fait, quel est le discours à adopter, et comment l’adapter lorsqu’on est amené à aborder le sujet avec les familles lors d’un entretien ?

 

Mes expériences de stage en polyvalence de secteur, en centre socio-culturel, et en CCAS ont constitué un terrain de constat et d’observations qui ont suscités plusieurs interrogations ; j’ai été interpellée par le fait que les travailleurs sociaux exprimaient de manière récurrente, lors de différentes analyses de la pratique, leur embarras face à l’hygiène de certains usagers. Ils s’interrogeaient sur la manière d’accueillir, d’accompagner les usagers concernés, et d’amener le sujet. Il est également légitime de se demander à partir de quel moment l’hygiène devient un problème, mais alors pour qui et pourquoi ? A partir de là, comment l’exprimer ? L’expression appelant la communication, cette dernière est verbale, mais aussi non verbale. Le non-verbal, inconscient, non contrôlé, involontaire peut laisser échapper des mimiques, des attitudes, des postures qui pourraient renvoyer une image de répulsion à la personne concernée. A quel niveau mettre le curseur pour évaluer l’hygiène corporelle d’une personne ? De quelle méthode les travailleurs sociaux peuvent-ils faire usage pour intervenir par rapport à la question de l’hygiène corporelle ?

 

En effet, j’ai été emmenée à m’interroger dans ce sens en deuxième année de formation, pendant un stage en centre socio-culturel auprès d’une CESF[1], référente familles ; j’ai collaboré à la mise en place d’un atelier socio-esthétique et estime de soi dans le cadre des activités du secteur familles. Le projet approuvé en réunion d’équipe soulevait néanmoins des questionnements : comment inviter les personnes à y participer sans indexer chez elles une problématique liée à l’hygiène ? Qu’est-ce qu’un atelier sur l’estime de soi pouvait leur renvoyer comme message ?  Comment leur présenter le projet sans susciter de malaise de la part des destinataires ?

 

Ces différents questionnements relatifs au savoir, au savoir-faire, et au savoir-être, amènent à ajuster et à adapter le positionnement professionnel, en fonction du cadre institutionnel et des politiques sociales en vigueur. Ce qui permet, selon le travailleur social Didier Dubasque, de « savoir où l’on est, ce que l’on fait, pourquoi on le fait, poser sans cesse la question du sens et agir en conséquence ».

 

Aujourd’hui ces préoccupations portent sur la question de l’hygiène, mais peuvent aussi être transposées à d’autres sujets tels que l’éducation, ou la laïcité, face à des cultures et des modes de vie différents. Dans tous les cas, la question de fond demeure : comment accueillir l’autre dans sa singularité ?

 

Dans ce mémoire je cherche à comprendre quels sont les outils dont pourrait faire usage un travailleur social pour adapter son discours devant une situation à analyser, en prenant conscience  que certaines situations peuvent faire résonnance en lui, à travers ses valeurs et sa culture professionnelle. C’est dans ce sens que je formule ma question de départ de la manière suivante : « Comment aborder la question de l’hygiène dans le cadre de l’accompagnement social ? ».

 

LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE

 

La présente recherche a été réalisée suivant deux grandes étapes :

 

  • Dans un premier temps, une recherche documentaire qui se base sur les principaux concepts de l’étude, à savoir celui de l’hygiène corporelle d’une part, et celui de l’accompagnement social d’autre part. La littérature ayant permis cette recherche conceptuelle ne se focalise pas seulement sur celle relative au domaine du travail social puisque celui-ci interpelle même l’interdisciplinarité. Ainsi, ont par exemple été appréhendés des éléments théoriques des domaines de la santé, de la communication, de la sociologie, de la psychologie, etc.

 

  • Dans un deuxième temps, une recherche empirique, afin de répondre à la problématique de cette étude à travers des informations recueillies sur le terrain. Sans entrer dans le détail de la méthodologie suivie dans cette recherche, il y a lieu de préciser que l’entretien individuel semi-directif a été choisi comme méthode de collecte des informations. Cela se justifie sur la nature qualitative (il est question d’identifier des éléments dont on ne connait pas encore les différentes modalités) de ces informations. La population interviewée est constitué des deux principaux types d’acteurs dans l’accompagnement social, à savoir : des travailleurs sociaux et des personnes accompagnées.

 

La subdivision de ce document (en parties) suit aussi cette logique d’étapes.

 

Partie 1.        CADRE THEORIQUE

 

Cette première partie se focalise sur les éléments théoriques, conceptuels de la recherche. Ce qui conduit, dans un premier temps, à s’intéresser au concept d’hygiène corporelle puis, dans un deuxième temps, à appréhender les implications et enjeux de ce concept dans celui de l’accompagnement social.

 

Chapitre I. L’hygiène corporelle

 

Ce premier chapitre traite du premier concept central « d’hygiène corporelle » (l’autre concept étant l’accompagnement social). Il convient alors, dans un premier temps, de définir ce concept, puis d’appréhender son évolution dans le temps, et enfin d’analyser quelques domaines qui interagissent fortement avec l’hygiène corporelle, révélant ainsi certaines difficultés dans la résolution des problèmes des individus ne respectant pas les règles de bonne conduite en la matière.

 

A. Définitions conceptuelles

 

Dans un premier temps, il convient de définir le concept central de la présente étude (l’hygiène corporelle), ainsi que quelques autres concepts connexes qui se rattachent à celle-ci.

 

a) L’hygiène

 

Avant de parler de « l’hygiène corporelle » plus particulièrement, il importe d’abord de s’intéresser à ce que la notion « d’hygiène » implique dans le cadre individuel et/ou collectif. Désormais, l’hygiène peut être définie comme « l’ensemble des principes et des pratiques tendant à préserver et à améliorer la santé. Elle regroupe le fait de se laver, de manger sainement et de vivre dans un environnement sain »[2]. De son côté, le dictionnaire Larousse (édition 2014) propose les définitions suivantes[3] :

 

  • « Ensemble des principes, des pratiques individuelles ou collectives visant à la conservation de la santé, au fonctionnement normal de l’organisme : Avoir une bonne hygiène de vie ; Hygiène alimentaire ». Ici, la notion de santé est mise en avant comme cadre motivationnel de ces principes et pratiques hygiéniques.

 

  • « Ensemble des soins apportés au corps pour le maintenir en état de propreté : Hygiène du cuir chevelu». La notion de santé disparait au bénéfice d’une autre notion : la propreté corporelle (sans évoquer les raisons de viser cette propreté), pouvant être relative à une partie spécifique du corps.

 

  • « Qualité de quelqu’un qui respecte les principes visant à conserver la santé et la propreté : N’avoir aucune hygiène». Les deux notions (santé et propreté) sont placées comme objectifs conjoints du respect de ces principes[4], une définition qui met aussi l’accent sur une certaine individualité de l’hygiène, mais ce choix de vie est apprécié par autrui, par la collectivité.

 

  • « Ensemble des conditions sanitaires des lieux publics et des lieux de travail». Enfin, cette dernière définition se détache du strict être humain pour se focaliser sur l’environnement, essentiellement dans le cadre d’une communauté (« lieux publics », « lieux de travail »).

 

Ainsi, sans vouloir proposer une autre définition formalisée de ce qu’il est entendu par hygiène, il faut admettre que ce concept englobe au moins les composantes élémentaires suivantes : il s’agit de règles observées (pratiques et/ou principes), par un sujet (un individu et/ou une collectivité), soumises ou non à l’appréciation d’un observateur (un autre individu et/ou la collectivité), en vue de préserver et d’améliorer la santé et/ou la propreté (les deux principaux objectifs ou éléments de motivation), dont l’objet est l’homme et/ou de son environnement. Dans ce sens, « l’hygiène corporelle » peut être comprise comme la focalisation de l’objet de l’hygiène sur le corps (physique) de l’homme.

 

b) L’hygiène corporelle

 

Il est possible de parler de l’hygiène corporelle comme une forme particulière de l’hygiène. « Elle relève de l’hygiène du corps humain, c’est-à-dire le physique et toutes les parties extérieures auxquelles l’individu peut accéder »[5]. L’objet de l’hygiène est, ici, limité à ce qui est accessible par l’individu sur son propre corps, ce qui présuppose que l’hygiène corporelle est avant tout un ensemble de principes et/ou de pratiques individuels, relative à l’individu.

 

Certaines définitions de l’hygiène corporelle se limitent à parler de la « propreté » comme seule objectif à atteindre (comme celle du dictionnaire Le nouveau petit Robert, édition 2009 : c’est « l’ensemble des soins visant à la propreté du corps »), tandis que d’autres insistent sur la motivation en termes de santé et de bien-être des actions se rapportant à l’hygiène corporelle (« L’hygiène corporelle au sens large c’est le minimum pour préserver sa santé au quotidien »[6]).

 

Il faut alors admettre que le concept d’hygiène corporelle se comprend mieux en analysant également deux autres notions qui lui sont connexes, à savoir : la propreté d’une part, et la santé d’autre part.

 

c) Notions connexes

 

Deux notions connexes (au moins) pourraient alors influencer sur la définition conceptuelle de l’hygiène corporelle :

 

  • D’un côté, insister sur la notion de « santé » comme finalité de l’hygiène corporelle implique de tenir compte de la définition de cette notion par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Désormais, l’OMS souligne que « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité»[7]. Cette définition a pour conséquence de prendre en considération que les actions relatives à l’hygiène corporelle devraient viser aussi le bien-être mental et social de l’individu sujet de ces actions et non seulement la santé strictement physique de ce dernier. En d’autres termes, il existe une relation quelque peu fonctionnelle entre, d’une part, les principes et pratiques de vie d’un individu vis-à-vis de son corps et, d’autre part, les comportements psychiques de cet individu et sa place dans la société au sein de laquelle il vit.

 

  • D’un autre côté, mettre en avant la notion de « propreté » comme idéale à atteindre dans l’hygiène corporelle implique une confrontation de cette dernière avec la complexité et la subjectivité de cette notion connexe. Hélène Marche[8] explique que l’appréciation du propre (et donc du sale) relève d’une activité à la fois cognitive et émotionnelle, donnant lieu une hiérarchisation des saletés (par « degré de saleté »), ce qui a pour conséquence la subjectivité de la notion de propreté elle-même. Néanmoins, cette hiérarchisation se base sur les significations sociales de ces saletés, c’est-à-dire avec une forte imprégnation de la « culture » (une sorte d’objectivisation de la propreté). Cela induit que la perception et la gestion de la saleté varie essentiellement au fil des époques, des sociétés, mais aussi suivant les classes sociales et les sexes (les femmes seraient plus exigeantes en matière de propreté que les hommes)[9]. Par ailleurs, la gestion de la saleté (pour faire place à la propreté) est encouragée par une « motivation hygiénique » (soit une bonne santé et une sensation du bien-être) ainsi qu’une « motivation morale » sous-tendue par le souci de soi (dans le but d’« obtenir l’attitude sociale désirée par une sorte d’automatisme, d’autocontrainte, qui fait apparaître à l’individu telle manière d’agir comme sa propre initiative, prise […] pour sauvegarder sa propre dignité»[10].

 

En somme, le concept d’hygiène corporelle tient sa complexité dans la forte subjectivité de son appréhension tout en étant une notion largement influencée par les représentations sociales de ce qui est hygiénique. Mais, la difficulté d’attribuer une description précise des composantes et modalités de ce concept s’explique aussi par l’évolution que celui-ci a connue à travers l’histoire.

 

B. Evolution de la notion d’hygiène dans l’histoire

 

En fait, l’hygiène est un concept évolutif sous la forte influence des représentations sociales (de ce qui est « propre », « sain », etc.) et les apports des progrès techniques qui ont modifié les composantes et modalités caractérisant ce concept : « l’hygiène est fortement liée aux évolutions sociales, médicales et techniques »[11].

 

a) Historique de l’hygiène en France

 

Bien que le terme « hygiène » n’avait pas encore été connu dans l’antiquité, « l’hygiène du corps est très présente puisque les bains sont à la mode et que le lavage du corps et ses vertus sur la santé sont bien connues des grecs »[12]. Ainsi, de nombreux produits ont été utilisés pour le corps (et les bains), des actes qui s’inscrivent essentiellement dans le cadre religieuse, mais souvent aussi réalisés dans la recherche de plaisir. Cette appréciation vraisemblablement positive des actes hygiéniques perdure aussi pendant le Moyen-Age : se laver et se baigner sont ancrés dans l’habitude des villes médiévales où l’eau avait été appréciée pour ses caractères bienfaisant et purificateur. Seuls les riches avaient eu le luxe de s’offrir un bain chaud privé, les moins fortunés se baignaient dans les ruisseaux, les fontaines, ou encore dans les bains publics qui étaient une pratique courante à l’époque : ces derniers se faisaient en commun jusqu’au début du XVème siècle avec l’instauration de la séparation des sexes[13]. « Les établissements de bains constituaient, au Moyen Âge, une véritable institution reconnue »[14].

 

Par ailleurs, d’autres pratiques (autres que le lavage du corps avec de l’eau) rendent compte de la préoccupation des gens du Moyen-Age concernant l’hygiène. A citer par exemple l’usage des graines de fenouil ou de cardamone que les gens mâchaient pour parfumer l’haleine, l’utilisation du savon (mélange de graisse animale et de cendre) et de la saponaire (plante odorante), l’application de divers produits pour le lavage des cheveux (eau de rose, eau de myrte, ladanum, jus de bette antipelliculaire, etc.), la pratique de l’épouillage (il y avait même des épouilleuses professionnelles[15].

 

Mais la perception de l’eau avait complètement changé durant la renaissance (plus précisément, à partir de la moitié du XVème siècle) à cause de la peste : les étuves furent fermées car constatées comme lieu de propagation de l’épidémie, et l’eau est considérée comme en étant une grande responsable. Le bain avait été abandonné et les gens se lavaient avec des linges propres sur seulement les parties visibles du corps. « L’hygiène corporelle est alors peu présente tandis que l’hygiène urbaine se développe, tout comme l’hygiène vestimentaire »[16]. Dès lors, les pratiques d’hygiène étaient sensiblement influencées par les croyances populaires, jusqu’au XIXème siècle avec les découvertes scientifiques et médicales qui expliquent que l’hygiène permet de préserver l’état de santé et de lutter contre les maladies : les pratiques de lavage du corps avaient alors été encouragées et cela s’intègre progressivement dans les habitudes de vie des individus. Cette situation se renforce surtout à partir du siècle suivant, faisant place à des mesures (drastiques) d’hygiène au niveau collectif, et un approfondissement de la culture du propre et du sain au niveau individuel.

 

Il y a lieu de conclure que les modalités et les composantes de l’hygiène ont sensiblement varié au fil de l’histoire, et cela a alors impacté sur le concept d’hygiène corporelle.

 

b) Evolution du concept

 

Ainsi, le concept d’hygiène corporelle évolue considérablement, du moins en faisant la différence entre le mode de vie au cours des époques différentes.

 

  • Au Moyen-Age, le bain était à la fois une question de santé et une affaire religieuse, tandis que la toilette quotidienne (telle qu’elle est comprise au XXIème siècle) ne faisait pas partie des habitudes des gens de cette époque (bien que le lavage des mains constituait une pratique de bonne conduite)[17]. L’hygiène s’apparentait même à un geste de beauté (plus particulièrement pour les femmes) : lavage avec du savon, du pain d’amandes, l’application de diverses mixtures sur le visage, la toilette des dents pour les rendre éclatantes, etc. « Ainsi, le Moyen Âge semble être une période qui accorde une certaine importance à l’hygiène, mais surtout à travers la beauté et l’image renvoyées à autrui»[18].

 

  • Le temps modernes du XVIème au XVIIIème siècle donne lieu à une situation tout à fait différente, une sorte de paradoxe manifeste entre l’essor de la vie médicale et culturelle de l’époque et les pratiques qui vont à reculer par rapport au Moyen-Age concernant l’hygiène corporelle. En effet, les pratiques de la propreté étaient lourdement affectées par les épidémies (dont la peste) : avec une mauvaise représentation de l’eau (comme vecteur de maladie)[19], ce sont les habits mêmes qui jouaient le rôle qu’avait pris l’eau auparavant[20] (c’est l’époque du « nettoyage par simple essuiement»[21]. Cependant, le XVIème siècle est assez prospère dans l’apparition de plusieurs ouvrages écrits sur le savoir-vivre, démontrant que les codes de bonne conduite existaient effectivement à cette période.

 

  • A l’époque contemporaine (jusqu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale), la situation s’améliore et l’hygiène corporelle converge peu à peu vers la conception actuelle de cette notion. Au début, l’hygiène corporelle n’apparait pas une préoccupation première par rapport à l’hygiène publique (pour les habitations et les lieux publics. La notion d’hygiène se fonde essentiellement sur une préoccupation médicale (notamment dans le but d’éradiquer des maladies telles que le choléra). Mais, progressivement, les « normes sociales » et les règles morales ont édifié les pratiques en matière d’hygiène : le manque d’hygiène a même été un synonyme de mal-être, voire de maladie, « l’indice d’un trouble à la fois physique et spirituel» [22]. Parallèlement, il apparait une problématique majeure à propos du tabou du corps (en relation avec le tabou sexuel), rendant très gênant de parler de l’hygiène corporelle (notamment concernant les parties intimes du corps) publiquement, même dans les manuels destinés à cet effet. En tout cas, la propreté du corps est devenue un objet de la sensibilisation publique (avec une promotion des salles de bain, par exemple[23]), et cela a même affecté d’une certaine manière la sphère individuelle (inspection faite par l’instituteur de différentes parties du corps de chaque élève, même « la chemise des garçons » et « la culotte des filles », par exemple[24]).

 

  • Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, il apparait une tendance généralisée en matière d’hygiène corporelle : tout ce qui est susceptible d’impacter plus ou moins directement sur la santé de la collectivité fait l’objet d’une régularisation par les pouvoirs publics (concernant l’hygiène hospitalière, par exemple), tandis que les autres cas relève de la simple sensibilisation et éducation à l’endroit du public (donc, cela ne donne pas lieu à des obligations de la part de l’individu, au sens d’une réglementation formalisée, à l’exception du domaine professionnel – les règlements intérieurs qui imposent aux salariés d’une entreprise un certain nombre de principes d’hygiène à respecter, par exemple). En tout cas, l’hygiène corporelle tend vers une sorte d’institutionnalisation puisqu’elle est au moins intégrée progressivement dans les normes et valeurs des sociétés modernes.

 

En somme, le concept d’hygiène corporelle a évolué, et continue d’évoluer, une dynamique considérée même comme nécessaire suivant notamment les « manières d’intervenir en éducation à la santé »[25]. Il faut dire que cette évolution est en grande partie attribuée à la notion de propreté, un élément qui peut être considéré (avec d’autres) comme un critère de mesure dans l’évaluation de l’hygiène corporelle (d’un individu ou d’un groupe d’individus), bien que cette dernière soit une notion très subjective.

 

c) Evaluation de l’hygiène : bonne ou mauvaise ?

 

Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de s’attendre que les composantes de l’évaluation de l’hygiène évoluent également avec les modèles en vogue tout au long de l’histoire. Néanmoins, il est possible de constater une tendance qui converge vers une sorte de formalisation et d’officialisation des pratiques considérées comme d’hygiène, au fil du temps. Les problèmes sanitaires majeurs, dont principalement les épidémies, ont quelque peu servi de ligne directrice dans l’établissement de plusieurs règles émanant directement des pouvoirs publics à l’endroit de la population. Il faut reconnaitre que ces règlementations, même si elles concernent généralement l’hygiène du point de vue social, n’ont pas été sans conséquences sur les pratiques individuelles.

 

Ainsi, au Moyen-Âge, certaines règles d’hygiène étaient élaborées à travers les institutions religieuses, dont concernant les ablutions, avec notamment comme objectif premier la préservation d’un certain état de santé pour les chrétiens. Mais, étant donné que ces pratiques ont pratiquement toujours une connotation religieuse, s’inscrivant principalement dans les fêtes religieuses, leur observation ne s’invite pas automatiquement dans les habitudes des pratiquants[26]. Ainsi, ces règles ne constituent pas nécessairement un modèle d’évaluation de l’hygiène pour cette époque. Tout au plus, de telle évaluation se réalise à travers certaines normes et valeurs sociales, mais la différenciation vis-à-vis des classes sociales limites la portée de cette évaluation. A considérer, par exemple, les préoccupations des femmes à propos de leur parure et leur propreté, jusqu’à laisser croire que l’hygiène se confond presque à l’esthétique et la beauté[27].

 

Les temps modernes vont ensuite prouver que l’existence d’une norme sociale non soutenue par des mesures règlementaires prises au niveau des pouvoirs politiques ne constitue pas un cadre propice à l’hygiène. Il est difficile, voire impossible, alors de parler d’évaluation de l’hygiène, dans le sens d’un modèle reconnu par une communauté comme étant un standard de mesure. Force est donc de reconnaitre que les pratiques d’hygiène de cette époque (nettoyage par simple essuiement) diffèrent considérablement de la représentation que font les contemporains de celles-ci au XXIème siècle.

 

En fait, les premières grandes préoccupations des pouvoirs publics concernant l’hygiène portent principalement sur l’éradication recherchée des épidémies dans les débuts de l’époque contemporaine, dont concernant la salubrité des logements plutôt que l’hygiène corporelle individuellement. Néanmoins, à cette période, les populations ont été sensibilisées à des pratiques d’hygiène corporelle (bien que des règles formalisées sur ce domaine n’existaient pratiquement pas encore), dont l’encouragement à l’utilisation de l’eau pour se laver. Cela constitue alors un minimum de composantes pour l’évaluation de l’hygiène corporelle. Toutefois, les codes sociaux n’étaient pas toujours en accord avec ces sensibilisations. Certains auteurs racontent même que l’on conseillait aux gens d’éviter « l’excès » d’hygiène corporelle, sans pour autant la négliger, ce qui constitue une certaine ambiguïté dans l’évaluation de l’hygiène corporelle durant cette période. Aussi, il ne faut pas oublier l’effet du tabou lié au corps qui obscurcissait davantage l’opportunité d’évaluer les pratiques d’hygiène à cette époque[28].

 

Progressivement, les sensibilisations se renforcent et se matérialisent à travers des infrastructures et dispositifs d’hygiène implantés d’abord dans les lieux publics, puis dans les lieux de travail, avant de se généraliser dans les lieux d’habitation. Des standards s’établissaient de manière implicite (sans forcément via des règles formalisées émanant du législateur) concernant ces infrastructures et dispositifs, qui influencent grandement (et certainement) les pratiques d’hygiène corporelle de la population. Tout cela renforce la convergence des normes et valeurs sociales relatives à l’hygiène corporelle, et il est plus facile (sans toutefois parler d’une unicité des pratiques, ni d’absence totale d’ambiguïté) de reconnaitre les personnes respectant un « minimum » d’hygiène corporelle, marginalisant alors tous ceux qui sont en dehors de ces normes et valeurs sociales. Il faut aussi parler du rôle de l’éducation publique (non seulement dans les établissements scolaires mais également par divers autres institutions et canaux de communication) en la matière qui facilite donc l’établissement d’un standard d’évaluation à travers ce « minimum » d’hygiène corporelle.

 

Néanmoins, le tabou du corps et la forte subjectivité à l’égard des pratiques individuelles subsistent encore. Il en résulte que les critères d’évaluation pris en compte à propos de l’hygiène corporelle sont très limités à ce qui est plus facilement observable, c’est-à-dire à ce qui est visible et reconnaissable par l’odorat. Dans une grille d’observation de l’hygiène personnelle d’un individu d’une unité de réhabilitation, par exemple, le Médecin chef reconnait ainsi : « Les éléments qui guident l’évaluation sont d’une part une apparence extérieure qui permet de déduire la qualité des soins et de l’hygiène, d’autre part la présence de maladies ou de problèmes directement imputables à un manque d’hygiène (p. ex. caries nombreuses ; problèmes de peau qui s’aggravent) »[29]. Parmi les critères de mesure employés dans cette grille d’observation figurent : « Fréquence des bains/douches (minimum requis = 1x/semaine), Conscience actuelle de la nécessité et des normes sociales concernant l’hygiène corporelle globale, Automatisme des bains / douches (minimum requis = absence de stimulation + absence de difficultés), Fréquence des shampoings (minimum requis = 1x/semaine), Propreté du visage (tous les soins du visages selon le sexe et les particularités propres; minimum requis = 1x/jour), etc. »[30]. Il est possible de remarquer que, bien que probablement s’appuyant sur des idées scientifiques, du moins de manière tautologique, ces différents critères contiennent certaines composantes quelque peu ambiguë et difficilement évaluable (comme concernant les « normes sociales », par exemple).

 

En somme, il faut reconnaitre que l’hygiène corporelle est un concept très imprégné par l’individualisme et l’intimité bien que les acteurs la promouvant (surtout publics) tentent bien d’établir des normes et standards en la matière, au moins à échelle réduite (au niveau d’une petite communauté, par exemple). Tout ceci laisse déjà entrevoir que l’hygiène corporelle est en relation plus ou moins directe avec certains domaines, dont la santé publique, le social et l’économique.

 

C. L’hygiène : une question sanitaire, sociale et économique

 

La notion d’hygiène concerne vraisemblablement trois domaines de la vie des individus : le sanitaire, le social et l’économique.

 

a) Une question de santé publique

 

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »[31].Quant à la notion de « santé publique », cette même organisation la définit ainsi : c’est « la science et 1’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé et la vitalité mentales et physiques des individus par le moyen d’une action collective concertée visant à assainir le milieu, à lutter contre les maladies qui présentent une importance sociale, à enseigner à l’individu les règles de l’hygiène personnelle, à organiser des services médicaux et infirmiers en vue du diagnostic précoce et du traitement préventif des maladies, ainsi qu’à mettre en œuvre des mesures sociales propres à assurer à chaque membre de la collectivité un niveau de vie compatible avec, le maintien de la santé, l’objet final étant de permettre à chaque individu de jouir de son droit inné à la santé et à la longévité »[32]. Cette définition découlant de celle de Winslow[33] illustre déjà que l’hygiène est une composante majeure de la santé publique. A l’inverse, la définition (plus traditionnelle) de la « promotion de l’hygiène » a une orientation évidente sanitaire : c’est « la tentative planifiée et systématique de permettre à la population d’agir pour prévenir les maladies d’origine hydrique et oro-fécale et de maximiser les bénéfices de la fourniture d’eau et d’installations sanitaires »[34]

 

Outre le fait que la santé est souvent désignée comme un objectif principal de l’hygiène[35] (le mot grec « hygienos » signifiant « ce qui est sain »), il faut alors comprendre que cette dernière est une mesure de santé publique. En fait, la santé publique semble être en bon accord avec le concept d’hygiène par le fait qu’elle constitue une approche collective des actions relative à la santé, tout en reconnaissant les besoins individuels de la population sur ce domaine, c’est-à-dire englobant à la fois les sphères publique et privé de chaque individu[36]. En tout cas, l’hygiène s’associe à la santé (individuelle et collective) à titre de prévention. D’ailleurs, les « habitudes de vie » et les « comportements », dont fait partie l’hygiène, sont considérés comme des déterminants principaux de la santé[37]. En parlant ainsi d’habitude et de comportement lorsqu’il s’agit d’une question d’hygiène corporelle, il en découle une des premières difficultés dans les actions de ceux qui sont responsabilisés pour éduquer, sensibiliser, ou juste informer au sujet des pratiques d’hygiène à un individu ou un groupe d’individus, s’agissant d’influencer ou d’inciter ceux-ci à changer de comportements ou d’habitudes. Ainsi, malgré des efforts très médiatisés pour sensibiliser le public aux règles d’hygiène, près de 90% des Français n’ont pas toujours l’habitude de se laver les mains avant le repas, 25% ne se laveraient même pas les mains avec de l’eau claire[38].

 

b) Une question sociale : en milieu urbain et en milieu rural agricole par exemple

 

Il faut dire que l’hygiène concerne d’abord des pratiques privées, notamment l’hygiène corporelle qui met en relief « une règle de soi-même et de son corps, […] une source d’informations personnelles », la salle de bain étant « un espace privé, intime, dans lequel on pénètre seul, en enfermant la porte derrière soi et en s’assurant ainsi d’être à l’abri des regards d’autrui »[39]. Mais, un balayage du regard de cet endroit suffit à se convaincre que les représentations sociales du propre et du sale y ont des apports considérables, notamment à travers la standardisation des appareils sanitaires, reflétant entre autres l’uniformisation des besoins en matière d’hygiène. Désormais, les pratiques d’hygiène sont socialement très  chargées, découlant d’une longue éducation et d’imitation rendant l’hygiène corporelle comme une notion culturellement relative. Elias argumente ainsi : « le besoin de nettoyer son corps et de le tenir en état de propreté ne découle pas d’abord de motivations hygiéniques ou, comme nous disons aujourd’hui, rationnelles : il ne se fonde pas sur l’idée que la saleté puisse présenter un danger pour la santé ; en réalité, le besoin de se laver naît avec la transformation des relations humaines : la motivation est donc d’essence sociale, elle obéit surtout à des contraintes extérieures »[40]. Le respect des règles d’hygiène est alors encouragé (entre autres) par la peur d’une marginalisation par la société, non seulement face au risque de rejet d’autrui, mais aussi avec le souci de « déranger » ou gêner autrui en transgressant les normes et valeurs de la société en matière d’hygiène[41].

 

Cependant, cette dimension sociale de l’hygiène corporelle tient surtout sa racine dans les habitudes et pratiques individuelles, l’influence de la société et de la culture agit seulement comme une ligne directrice à suivre. En effet, une des caractéristiques de l’hygiène « contemporaine » est l’intégration des « autocontraintes » en tant que composante principale. Ce qui fait qu’une personne n’a pas besoin d’être surveillée ou contrôlée par la société dans ses pratiques pour suivre les règles d’hygiène, l’important pour cet individu est de se sentir propre, que les actions qu’il entreprend prend soin les zones cachées ou les zones visibles extérieurement de son corps. Ainsi, les règles d’hygiène sont « acquises » par cette personne, devenant ses propres normes et valeurs (issues de la société)[42]. C’est lorsque ce n’est pas le cas que les problèmes d’en parler s’amplifient avec le caractère tabou de l’hygiène corporelle. Il est facile aussi d’évoquer, pour complexifier davantage la discussion, les caractères « non clair » et parfois « arbitraire » des normes sociales en matière d’hygiène, ce qui renforce la subjectivisme et l’individualisme rendant encore plus difficile d’en parler[43]. Cette difficulté s’accroit vite proportionnellement à l’éloignement entre celui qui veut éduquer, informer, réclamer, etc. et son interlocuteur.

 

c) Une question économique

 

Enfin, il ne faut pas nier les interactions qu’ont les questions d’hygiène (dont corporelle) avec les contraintes économiques des individus. Désormais, ces contraintes pourraient constituer un frein majeur au respect de certaines règles d’hygiène pour une partie de la population vivant dans la précarité. Certes, cette situation pourrait être qualifiée d’exceptionnel, mais son existence incontestable risque d’aggraver le positionnement des personnes se trouvant dans ce cas, amplifiant la marginalisation qu’elles devraient déjà subir. Pour se convaincre de la réalité de ce cas, il suffit d’imaginer un individu « sans domicile fixe » (SDF) qui ne dispose pas donc les moyens (plutôt banals pour les autres familles) adéquates pour prendre une douche chaude pendant l’hiver. Les familles de la classe en dessous de la moyenne peuvent généralement être amenées à délaisser toutes les questions relatives à l’hygiène pour d’autres préoccupations prioritaires, en tenant compte de la contrainte budgétaire (par exemple : réduire la consommation d’eau et d’électricité, réduisant en même temps la fréquence de prise de douche).

 

Les comportements des acteurs de l’offre des produits d’hygiène pourraient aussi venir en aggravation de la situation : ces produits font généralement l’objet de campagnes publicitaires, jusqu’à en faire des produits de distinction, ce qui augmente parfois leurs prix[44].

 

Dès fois, ce problème financier peut se révéler tel un cercle vicieux pour ces personnes vivant dans la précarité. En effet, leur manque d’hygiène (découlant au moins en partie de leur faible pouvoir d’achat) pourrait rendre davantage difficile leur pleine intégration dans la vie active (certaines de ces personnes peuvent même se demander de la raison de respecter les règles d’hygiène alors qu’elles sont déjà en marge de la société).

 

 

En conclusion de ce premier chapitre, il faut admettre que les problèmes de manque d’hygiène corporelle (puisque de cela qu’il s’agit de débattre et non pas de son existence) sont délicats à aborder avec les personnes qui en sont concernées. L’essence des difficultés sur ce point réside dans la subjectivité même de la notion d’hygiène corporelle (la non-universalité des règles d’hygiène), très (trop ?) enfoncée dans la sphère intime des sujets. Il y a lieu ainsi de se demander sur la place de l’hygiène dans l’accompagnement social, et les manières avec lesquelles les travailleurs sociaux abordent ces problèmes (relatifs au manque d’hygiène corporelle) vis-à-vis des bénéficiaires de leur accompagnement.

 

Chapitre II. L’accompagnement social

 

Ce second chapitre se focalise sur le concept d’accompagnement social et son implication dans le travail des intervenants sur ce domaine. Il s’agit, par la suite, d’appréhender les enjeux du fait d’aborder avec l’usager la question sur l’hygiène corporelle. Cela insiste alors sur l’importance de la professionnalisation de la communication, et plus particulièrement de la parole, des travailleurs sociaux dans la relation d’accompagnement.

 

A. Définition de l’accompagnement social

 

Pour mieux appréhender la conception d’accompagnement social, il convient de s’intéresser d’abord sur les implications de l’accompagnement de manière général avant de se pencher sur le domaine du travail social. Il importe aussi d’apprécier l’évolution de ce concept au fil du temps.

 

a) L’accompagnement

 

Etymologiquement, le terme accompagnement est issu du mot « compagnon » dont l’origine est du latin « companio », signifiant « manger son pain avec », d’où vient également le mot français « copain ». Cela laisse déjà entrevoir que l’accompagnement intègre de nombreuses notions connexes dont, au moins, celles d’altérité, de social, de relationnel, d’aide.

 

Maela Paul, un professionnel de l’Institut de formation et de recherche aux métiers de l’éducation spécialisée, évoque la polysémie du terme « accompagnement », même dans la littérature scientifique. Ainsi, quatre grands secteurs sont familiers de ce terme, sans pour autant qu’il se rapporte à un même sens, à savoir les secteurs du travail social, de la santé, de l’éducation et formation, et de la gestion des emplois et des compétences. Désormais, sur un ensemble de plus de 2 000 ouvrages parlant principalement d’accompagnement, seuls douze se démarquent des notions dérivées telles que « le guide », « recettes d’accompagnement », « méthode d’accompagnement », etc. Par contre, certaines notions connexes (telles que « tutorat », « coaching », ou encore « conseil ») sont très présentes dans la plupart de ces milliers d’ouvrage[45]. De son côté, le guide de l’Accompagnement personnalisé parle d’un « mot à la mode, un mot passe-partout, un mot à tiroir qui peut prendre plusieurs formes » [46].

 

En tout cas, toute forme d’accompagnement doit se comprend à la fois comme fonction, démarche, posture et relation, c’est-à-dire un concept philosophique entre « l’être » et « l’agir ». De plus tout accompagnement se fonde sur au moins les dimensions du relationnel et de l’opérationnel[47]. L’accompagnement dans le domaine du travail social n’échappe donc pas à ce principe.

 

b) L’accompagnement social

 

Le concept « d’accompagnement » dans le secteur du travail social peut être définit à travers trois dimensions qui compose ce concept :

 

  • D’abord, d’une dimension relationnelle indiquant alors qu’accompagner, c’est « être avec ». La réussite d’une action particulière s’inscrivant dans l’accompagnement social dépend ainsi de la qualité de la relation qui en découle, et plus précisément de la connaissance et du respect mutuel entre les parties prenantes (essentiellement, entre l’accompagnant et l’accompagné).

 

  • Ensuite, il y a une dimension de déplacement, de changement, allant d’un état vers un autre, une situation nouvelle qualifiée de meilleure. Dans cette perspective, vis-à-vis de celui qu’il accompagne, l’accompagnateur est à la fois

 

  • Devant pour impulser (de manière adéquatement modérée pour ne pas forcer ceux qui sont derrière lui à « courir »),

 

  • A côté pour co-construire, partager et négocier, et

 

  • Derrière, pour accorder à la personne accompagnée une liberté de choix du chemin à suivre, mais également pour « soutenir », « ramasser », voire « pousser » en cas de besoin.

 

  • Une dimension temporelle car il faut comprendre que l’accompagnement social est relativement « temporaire », comportant un début et une fin à déterminer avec l’accord de l’accompagné. En d’autres mots, le temps de l’accompagnement social est fixé à la fois par la durée (préalablement définie) pour le programme de soutien et par le rythme déterminé par le bénéficiaire. Du fait que l’accompagnement implique une certaine interdépendance entre l’intervenant et la personne aidée, cette durée ne doit pas être trop longue.

 

Par ailleurs, il est question d’accompagnement à la fois individuel et collectif dans le domaine du travail social. L’intérêt de l’accompagnement collectif réside, non pas dans une volonté de standardisation des pratiques d’accompagnement, mais plutôt de favoriser et d’améliorer le partage d’expériences et de bonne pratique pour une thématique donnée (logement, santé, handicap, emploi, etc.). Cela s’inscrit alors dans le cadre de la spécialisation des travailleurs sociaux à cette thématique, de manière à être davantage en mesure d’apporter plus d’aide aux bénéficiaires concernés par cette thématique. Un autre intérêt majeur de l’accompagnement collectif est aussi la socialisation, l’intégration sociale, la « démarginalisation » de ces bénéficiaires qui voient par exemple, à travers l’accompagnement, que leur cas n’est pas unique, désespéré ou incurable. Enfin (sans être exhaustif dans l’énumération), « l’accompagnement collectif permet d’aborder les sujets potentiellement problématiques et susceptibles de représenter des points de blocage dans le cadre d’un entretien en face à face »[48].

 

C’est par exemple dans le cadre collectif que la question d’hygiène (parmi d’autre) a été abordée par le Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) de Colmar, depuis janvier 2013, vis-à-vis des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et des personnes isolées. Plus précisément, dans un ensemble d’objectifs sanitaires (y compris concernant l’hygiène), la pratique d’une activité physique régulière est proposée à ces personnes cibles en complément de l’accompagnement social offert, c’est-à-dire que cette action est utilisée comme passerelle pour aller vers l’autre, autant du côté des travailleurs sociaux que de celui des bénéficiaires d’aide. C’est ainsi que la sensibilisation à la santé (concernant l’hygiène de vie, l’alimentation et le sommeil) est intégrée dans les séances d’activités physiques, et le bilan est plutôt positif, non seulement en matière de santé : plaisir de venir aux séances (qui sont des moments d’évasion par rapport aux difficultés personnelles, par exemple), création de liens sociaux et de solidarité, amélioration des capacités à produire davantage d’efforts, développement de l’échange, de la coopération, de respect des consignes et d’autrui, etc.[49]

 

Néanmoins, la tendance est également à la « personnalisation » de l’accompagnement social, d’où la définition de « l’accompagnement social personnalisé » du Conseil Supérieur de Travail Social :

 

« L’accompagnement social personnalisé peut se définir comme une démarche volontaire et interactive qui met en œuvre des méthodes participatives avec la personne qui demande ou accepte une aide, dans l’objectif d’améliorer sa situation, ses rapports avec l’environnement, voire de les transformer. ( … ) L’accompagnement social auprès d’une personne s’appuie sur le respect et la valeur intrinsèque de chaque individu, en tant qu’acteur et sujet de droits et de devoirs. »[50]

 

A titre d’illustration, c’est ainsi que le Guide d’élaboration du Contrat d’Engagement Réciproque (CER) propose (et non impose) aux travailleurs sociaux qui œuvrent dans le cadre de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA (orientation sociale et socioprofessionnelle) certaines composantes à intégrer dans le CER. En abordant dans l’entretien avec le bénéficiaire les questions d’hygiène, par exemple, intégrées dans la thématique santé, le guide préconise au travailleur social d’aborder avec prudence la problématique santé « en mesurant l’acceptation de la personne des symptômes repérés »[51].

 

Tout cela révèle que l’accompagnement dans le cadre du travail social est relativement délicat et demande aux travailleurs sociaux des savoirs et savoir-faire dans des domaines non nécessairement liés directement avec son métier.

 

c) Evolution historique de l’accompagnement social

 

Les démarches relatives à l’aide aux personnes dans le besoin existent déjà dès le Moyen-Age par le biais des valeurs mises en vigueur par l’Eglise. Ces démarches insistent alors sur la notion « d’assistance », et les mendiants, les malades, les pauvres, etc. « sont les principaux récipiendaires de l’assistance dispensées par les hospices »[52]. Plus tard, apparaissait une forme évoluée de cette assistance sous la forme des « Dames patronnesses » qui est désormais considérées comme les pionnières du travail social aux environs des XIXème et XXème siècles : « Le plus souvent bénévole, sans formation spécifique, bourgeoise ou aristocrate, elle se consacre volontiers aux œuvres de bienfaisance. Il importe alors (…) de cadrer ou de recadrer les classes populaires : de les remettre dans le droit chemin de la vertu, de l’hygiène, de la norme, dès lors qu’il importe de répondre aux dégâts de l’industrialisation capitaliste par des remèdes individualisés »[53]. Puis, dans les années 1920 émergeait également la fonction « d’infirmière visiteuse » qui, ayant reçu une formation spécifique pour intervenir « au domicile des malades pour lutter plus efficacement contre la contamination, par une éducation sanitaire et prophylactique adaptée »[54]. On constate alors que l’accompagnement social a pratiquement toujours existé, mais le fondement de celui-ci a considérablement évolué au fil des siècles.

 

Ainsi, trois grandes époques peuvent être identifiées dans cette évolution voyant la construction conjointe des champs sanitaire et social[55] :

 

  • La période de la « charité » caractérisée par l’action des confréries religieuses avec la création de nombreuses institutions hospitalières ;

 

  • L’ère de « l’assistance » plus ou moins formalisée à partir de la Renaissance, s’intensifiant avec son institutionnalisation après la Révolution française, notamment au regard de l’égalité promue des hommes et le devoir attribué à la société d’aider ceux qui ne sont pas aptes à travailler ;

 

  • Le temps de la « solidarité » depuis l’époque de l’après-guerre, s’inscrivant dans le développement des dispositifs assurantiels.

 

Parallèlement, quelques grandes tendances ont aussi façonné l’accompagnement. D’abord par une « laïcisation » dans la mesure où la situation des malades et des personnes défavorisées n’est plus substantiellement associée à un jugement divin. Ensuite, par une « rationalisation » approfondie avec une déconnexion vis-à-vis de la pensée magique pour accorder davantage de place aux approches scientifiques. Puis, par la « spécialisation » à travers, par exemple, une distinction faite entre, d’une part, les missions des institutions hospitalières qui se consacrent à résoudre exclusivement les problèmes sanitaires et, d’autre part, les hospices qui se focalisent sur l’accueil des publics relevant de l’action sociale. Enfin, par « l’institutionnalisation » et la « professionnalisation » avec l’émergence de plus en plus d’établissements spécialisés dans l’action sociale, ainsi que la création de plusieurs métiers spécifiques dans ce domaine[56].

 

En guise de conclusion, Maela Paul décrit l’évolution du terme « accompagnement » dans le travail social en trois points, selon trois auteurs décrivant cette évolution[57] :

 

  • Dans les années 1970-1980, ce terme désignait les tâches relatives à la vie quotidienne des résidents en institution, distinctes des tâches d’experts (en médecine, en psychologie, en kinésithérapie, etc.). Les acteurs de l’accompagnement ne sont donc pas nécessairement les détenteurs du savoir[58];

 

  • Ensuite, l’éducateur spécialisé est passé du statut d’observateur scientifique (années 1950), puis de spécialiste de la relation à vocation thérapeutique (années 1960), pour, enfin, aboutir à la fonction actuelle de l’accompagnement social[59];

 

  • Enfin, même si le fondement de l’accompagnement est l’action visant à soutenir une personne (ou un groupe de personne), les termes pour le décrire a évolué de « l’assistance » dans le XIXème siècle, de « l’aide à la protection » de 1904 à 1930, de « suivi » jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, de « prise en charge » jusqu’en 1970, « d’approche globale » et « d’intervention » jusqu’en 1985, et finalement « d’accompagnement » à compter de cette année[60].

 

Selon Maela Paul, l’usage de ces divers termes n’a pas été sans conséquence sur l’essence du travail d’accompagnement social, car elle a sensiblement influencé le positionnement tenu par le travailleur social face au bénéficiaire de son service. Ainsi, si « prise en charge » implique une « gestion en extériorité des besoins de la personne conçue comme objet », « suivi » connote un « maintien dans la subordination d’un lien contrôlant / émancipant, toujours en extériorité », tandis que « accompagnement » souligne que, « impliqué dans la relation, l’accompagnant incite l’accompagné à passer d’une position de prise en charge à celle de sujet-acteur »[61].

 

B. Les modalités et objectifs de l’accompagnement social

 

Le Tableau 1 donne un aperçu des spécificités de l’accompagnement social (par rapport aux trois autres secteurs majeurs analysés par Maela Paul. Ce tableau synthétique montre, entre autres, que le relationnel et la notion d’autonomie sont deux grandes composantes caractérisant l’accompagnement social.

 

Tableau 1 – L’Accompagnement dans les domaines du travail social (et médico-social), de l’éducation et de la formation, de la santé, et de la gestion des emplois et des compétences

Source : Maela Paul (2009)

 

a) Les modalités de l’accompagnement social

 

Il faut d’abord comprendre que l’accompagnement sous-tend le principe d’adhésion en tant que condition principale de la relation d’aide, même là où l’obligation et l’injonction abondent. Cela pourrait alors remettre en question certains éléments constitutifs du « contrat » relatif à cette relation, afin que la personne bénéficiaire puisse investir librement le sens de telle relation. On voit ici la primauté qu’il faut accorder à l’individu qui insiste sur le fait que la personne accompagnée est effectivement une partie prenante de la relation qui s’intéresse à un projet qui joue sur sa propre insertion sociale et économique.

 

L’accompagnant doit donc prendre la personne comme un sujet apte à atteindre l’objectif en termes d’autonomisation, et le projet d’accompagnement constitue l’outil principal pour cela. De là découle des forts enjeux entre, d’une part, le besoin de socialisation de la personne (qui pourrait apparaitre comme une standardisation car visant cet objectif d’autonomisation) et, d’autre part, la nécessité d’individualisation de son projet (personnalisation). Aussi, il y a un grand enjeu éthique de la relation d’accompagnement qui se trouve entre une asymétrie pourtant nécessaire dans la mission du professionnel (celui-ci devant toujours se distinguer du sujet qu’il est amené à intervenir, se plaçant comme accompagnateur véritable) et une reconnaissance à accorder au sujet en tant que principal acteur de son projet de vie[62].

 

D’ailleurs, le travailleur social fait en sorte que la relation d’aide soit un cadre propice à l’aide à la relation. En effet, dans l’accompagnement, « il ne s’agit plus d’exercer une pression, émancipatrice ou contrôlante, mais d’inciter à agir: selon l’auteur, c’est cela accompagner »[63]. L’on parle alors « d’activation douce » car l’intervention dans l’accompagnement devrait aider l’usager à être capable d’infléchir le cours de sa vie[64]. L’important est alors de restaurer la confiance en soi de la personne bénéficiaire, de son respect et son estime de soi, c’est-à-dire que le but de l’intervention est d’impliquer et de responsabiliser pleinement autant que possible cette personne. « Ainsi le passage de l’individu à la personne correspond au passage du travail sur autrui au travail avec autrui sous-tendu par une logique d’individualisation qui confèrerait ce pouvoir de « rendre chacun responsable de sa vie »[65].

 

En somme, « l’accompagnement social est considéré comme différent des formes anciennes de suivi, puisqu’il n’est pas uniquement centré sur la personne mais inclut le travail d’articulation avec l’offre, la recherche de réponses ainsi que leur adaptation à la situation de chaque usager, puis la préparation d’une disponibilité à les recevoir »[66]. Ainsi, l’accompagnement dans le travail social considère toutes les composantes de l’être et du social de l’usager comme principaux paramètres sur lesquels dépendent toutes les actions à entreprendre.

 

b) Les objectifs et les fonctions de l’accompagnement social

 

Explicitement, l’objectif premier de l’accompagnement social, qui intègre dans l’intervention le parcours de vie du sujet d’intervention, est l’encouragement à l’autonomisation de cet individu, en lui aidant d’exprimer et d’organiser au mieux l’analyse et la réalisation de son propre projet. Le niveau de cette autonomie recherchée devrait être appréciable à travers la capacité de ce sujet dans la résolution de ses problèmes, sa capacité à construire et à mettre en œuvre des projets, ainsi que sa capacité à venir également en aide aux autres[67]. Plus en détail, l’accompagnement social devrait permettre à la personne bénéficiaire d’approfondir ses champs d’intérêt, de définir ses propres besoins, de construire-maintenir-développer des capacités-attitudes-comportements qui sont susceptibles de lui être utiles, et de trouver les moyens de surmonter les obstacles dans son parcours personnel, professionnel et social.

 

Dans cette perspective, l’accompagnement social a une triple finalité. D’abord, il contribue substantiellement à l’insertion sociale de l’usager à travers une approche globale, mais aussi personnalisée de la situation de celui-ci. Ensuite, il développe la participation de cet individu à son propre changement via une meilleure gestion de l’interaction avec son environnement, tout en encourageant l’auto-détermination et l’autonomisation de cette personne. Enfin, l’accompagnement aide cette dernière à construire une meilleure image d’elle-même par un renforcement de la confiance en soi et la prise de conscience de ses capacités[68].

 

Pour ce faire, l’accompagnement social analyse les transversalités ainsi que les complémentarités des éléments qui sont à intégrer dans l’insertion sociale de la personne bénéficiaire. De ce fait, l’accompagnement social doit être à mesure de participer à une mise en cohérence des différents projets et dispositifs territoriaux. De même, il doit interagir avec les divers systèmes en présence (sociaux, médicaux, économiques, professionnels, etc.). Il faut reconnaitre alors l’importance du travail de groupe et de réseau, ainsi que le renforcement de la pluridisciplinarité. Parmi les principaux outils et méthodes de l’accompagnement social, il importe de citer, d’une part, l’écoute, l’empathie, et la valorisation et, d’autre part, une démarche positive, c’est-à-dire de mettre toujours en avant la potentialité et non l’impuissance. Les travailleurs sociaux doivent alors connaitre parfaitement leurs missions, les moyens à leur disposition, les composantes qu’il convient d’intégrer dans leurs actions, leur marge de manœuvre, etc.

 

c) Le travail social et les travailleurs sociaux

 

Selon l’Organisation des Nations Unies, en 1959, « le travail social est une activité visant à aider à l’adaptation réciproque des individus et de leur milieu social, cet objectif est atteint par l’utilisation de techniques et de méthodes destinées à permettre aux individus, aux groupes, aux collectivités de faire face à leurs besoins, de résoudre les problèmes que pose leur adaptation à une société en évolution, grâce à une action coopérative, d’améliorer les conditions économiques et sociales »[69]. Dès lors, Élisabeth Maurel classe la profession du travail social en trois grandes familles : les métiers de la présence sociale (concerne notamment l’accueil relatif à des équipements sociaux), ceux d’intervention directe (en contact direct avec l’usager avec comme vocation le changement de la situation et de résolution des problèmes), et ceux de l’organisation sociale (tout ce qui ne relèvent pas des deux autres classes précédentes)[70].

 

En fait, l’accompagnement social est une méthode d’intervention supposant la triangulation entre l’usager, l’intervenant (le travailleur social), et un dispositif d’action (un service ou un projet). Dans cet accompagnement, l’accompagnateur est d’abord un facilitateur ou passeur qui soutient le bénéficiaire pour que ce dernier puisse trouver lui-même les solutions les plus pertinentes et adaptées à son cas, c’est-à-dire, le travailleur social aurait au plus à proposer des alternatives et non pas les imposer (par exemple, une pratique d’hygiène conforme au contexte d’un sujet pourrait ne pas convenir à celui d’un autre sujet). Cet accompagnateur devrait alors marcher à côté de la personne bénéficiaire, sans toutefois décider à sa place.

 

Aussi, l’intervenant social écoute et tient compte des émotions et sentiments de cette personne de manière à ouvrir un imaginaire sur l’environnement du possible pour elle (le problème d’hygiène corporelle d’une personne pourrait, par exemple, résulter d’un choc émotionnel qui l’enferme dans un monde où elle n’est plus en mesure de se soucier de sa santé et de l’entretien de son corps). De plus, l’accompagnateur doit s’assurer que les besoins élémentaires de cette personne soient satisfaits (quel pourrait être l’intérêt pour elle de se laver, d’être propre, avec le ventre vide). Par ailleurs, le travailleur social doit se référer à d’autres professionnels et ne doit pas travailler seul, en ayant toujours conscience de l’importance de la complémentarité des intervenants de tous ces acteurs. De manière analogue, l’entourage de la personne est aussi un facteur à ne point négliger, puisqu’il peut constituer à la fois un obstacle et un atout pour le changement recherché (l’acceptation de la famille de la personne à adopter un certain nombre de principe d’hygiène pourrait, par exemple, motiver cette personne à aller de l’avant dans ce sens également). C’est aussi le rôle de l’accompagnateur « d’assembler le puzzle », c’est-à-dire d’accompagner la personne à redonner du sens à la vie de celle-ci autour d’un projet. L’agent d’insertion doit ainsi mettre au premier plan le potentiel de la personne plutôt que ses problèmes.

 

C. Aborder la question de l’hygiène corporelle : le sens de la parole dans la communication en travail social

 

Deux perspectives un peu transversales sont à considérer quant aux enjeux d’aborder la question de l’hygiène corporelle dans le cadre de l’accompagnement social. En effet, il faut, d’un côté, admettre que parler de l’hygiène aux bénéficiaires des services d’accompagnement n’est pas une opération aisée. D’un autre côté, cette action pourrait, en revanche, constituer un outil intéressant pour le travailleur social, car pourrait aider ces bénéficiaires à atteindre les objectifs de l’accompagnement.

 

Désormais, la subjectivité qu’implique la notion d’hygiène pourrait rendre difficile d’en parler avec un usager, une subjectivité venant même des composantes de l’hygiène, telles que la propreté et la saleté. « Les notions de propre et de sale sont délicates parce qu’elles renvoient à des représentations personnelles, ce qui tend à mettre en évidence que l’hygiène corporelle est une pratique sur laquelle il est difficile d’intervenir parce qu’elle est en lien avec des notions subjectives soumises à des représentations, à une histoire de vie et à d’autres facteurs »[71]. Ainsi, la représentation de ce qui est « propre » de l’usager peut être sensiblement différente de celle du travailleur social, étant donné le contraste dans l’environnement et le parcours de vie de chacun de ces deux individus. Même en tenant compte de la culture qui influence substantiellement ces représentations, cette culture est également relative (la notion d’hygiène d’une communauté de sans-abris peut être toute particulière, par exemple).

 

De plus, il se pose le problème de la légitimité du fait d’aborder un sujet concernant l’intimité d’une personne, tel que c’est le cas en parlant d’hygiène corporelle. En fait, cela pourrait être, suivant le bénéficiaire, une tentative de remettre en cause une de ses pratiques privées et ainsi de chercher à lui faire changer de comportement. Désormais, « la normativité inhérente à toute intervention visant la prescription de saines habitudes de vie et la proscription de comportements à risque constitue le cadre conceptuel dans lequel s’immiscent les enjeux éthiques »[72]. Il faut dire que ces enjeux ne sont pas les mêmes pour différents types de publics. Ainsi, si la difficulté de parler d’hygiène corporelle est largement atténuée pour les enfants (par rapport aux adultes), force est de constater que ceux-ci pourraient ne pas être neutres face à une remise en question de certaines pratiques apprises au sein de leurs familles, portant alors atteinte à l’image de ces dernières. En revanche, pour les adolescents, c’est leur attitude même, avec une volonté de remettre en question les normes et valeurs de leurs sociétés, qui peut se mettre à travers la voie vers le changement de comportement. Pour les adultes, la difficulté d’aborder un sujet sur l’hygiène est encore plus importante, car souvent, la marginalisation de ceux-ci vis-à-vis de leurs sociétés est profonde, surtout lorsqu’ils sont en situation de précarité[73].

 

Néanmoins, aborder la question d’hygiène corporelle avec l’usager pourrait aussi alimenter une source d’énergie chez celui-ci pour l’aider à réaliser les changements nécessaires à l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixé dans le cadre de l’accompagnement. Ce potentiel peut, dans un plan, dépendre de la relation entre cette question (d’hygiène corporelle) et ces objectifs. En effet, des comportements et pratiques non conformes à un minimum de règles d’hygiène de vie pourraient constituer un « risque » plus ou moins important à l’intégration sociale et professionnelle d’un individu. En d’autres termes, c’est en conformant à ces règles que cet individu avance dans cette perspective d’intégration. Cela dit, il apparait qu’il pourrait être plus facile pour certains corps de métiers que d’autres d’appréhender la question d’hygiène. En effet, les éducateurs sociaux ont même vocation de pratiquer un accompagnement en matière d’hygiène (rappeler aux bénéficiaires certaines règles d’hygiène, en l’occurrence), tandis que pour les assistants sociaux, bien que cela pourrait bien s’intégrer à leurs moyens d’intervention, il semble être « moins commode de demander à un client de faire davantage attention à son hygiène »[74]. Cela accorde ainsi une importance à souligner de travailler dans l’interdisciplinarité, pour profiter de la complémentarité nécessaire des actions des divers corps de métiers. En fait, le cursus de formation de certains corps de métiers dans le domaine du travail social intègre davantage des branches relatives à l’hygiène (dont corporelle) plus que d’autres corps de métiers.

 

Au regard de cette question d’intégration de l’hygiène dans la formation des travailleurs sociaux, Mélanie Magnin évoque la grande importance de cette liaison lorsqu’il se questionne sur les raisons ayant conduit à la suppression de l’enseignement de l’hygiène dans le programme de formation de ces travailleurs dans le contexte suisse. Du coup, l’auteur émet quelques hypothèses à titre d’explication, à savoir : l’entrée de la question d’hygiène dans le domaine de la sphère intime, l’évolution de la profession et de son intervention conduisant à ne plus mettre cet élément dans les priorités du métier, et la disparition des grandes épidémies amenant l’Etat à laisser de côté les problèmes d’hygiène. A l’auteur alors de statuer que, « quand bien même l’hygiène n’est plus inscrite au plan d’études des assistants sociaux en formation actuellement, cette dimension n’a pas pour autant disparu du quotidien de ces professionnels »[75].

 

En tout cas, tout cela démontre combien important, pour l’accompagnant, est de travailler les méthodes d’approche lorsqu’il est question d’aborder le sujet de l’hygiène corporel aux bénéficiaires d’aide. Autrement dit, au moins la difficulté de parler de ce sujet avec l’usager indique la nécessité pour les travailleurs sociaux de maitriser l’art de la communication, aussi bien interpersonnelle que de groupe.

 

a) Qu’est-ce que communiquer veut dire ?

 

Pour répondre à cette question, le domaine du travail social est encore obligé de recourrir aux savoirs théoriques d’autres disciplines. En effet, comme le font entendre Nathalie Guillot et Stéphane Amato dans leur article « Les travailleurs sociaux : des chercheurs entre communication et action », « il n’existe pas de théorie propre aux travailleurs sociaux, ces derniers les empruntent à d’autres disciplines déjà constituées »[76]. De plus, ces deux auteurs soulignent ici l’importance de l’interdisciplinarité qu’ils qualifie d’une « nécessité », non seulement à cause de la collaboration au sein d’équipes pluridisciplinaires que le travailleur social doit opter dans ses interventions, mais également du fait de la singularité même des situations qu’il rencontre tel qu’il n’est pas en mesure d’appréhender au seul prisme du champ spécialisé du travail social.

 

Ainsi, la définition conceptuelle de Philippe Zarifian apparait riche en ce qui concerne c’est la communication sur dans le monde professionnel, et plus particulièrement dans la sphère de la relation publique. Désormais, si l’on admet que « communiquer, c’est se parler à propos de quelque chose », ce « se parler » peut se faire (en co-présence ou bien à distance) suivant différents modes[77] :

 

  • D’abord, avec l’usage de la parole, en formulant des énoncés empruntés aux ressources d’une langue compréhensibles par ceux qui se communiquent ;

 

  • Ensuite, à travers le geste, notamment lorsque l’usage de la parole est inefficace (en présence de bruits, par exemple) et/ou inefficient (trop lent, par exemple) pour se communiquer. Faut-il toujours préciser que ceux qui se communiquent par des gestes sont préalablement formés/informés sur la signification de ces derniers ;

 

  • Egalement, l’emploi des expressions du visage, un moyen très important surtout lorsqu’il est question de partage social des émotions.

 

Il faut souligner que « communiquer » se distingue « d’informer » au regard de deux caractéristiques majeures de ce « se parler » en communication. D’un côté, il y a une certaine « réciprocité » (« se parler » et non seulement « parler »), c’est-à-dire l’engagement des parties en présence dans l’échange langagier (ou le dialogue, sur un plan plus rigoureux). D’un autre côté, se communiquer implique aussi une certaine « compréhension » d’autrui : non seulement la compréhension de la signification de se qui est échangé, mais également la compréhension de l’autre, sa culture de référence, son adhésion/rejet de se qui est échangé, sa manière de réagir, etc. La communication abordée ici se détache donc du pôle de la communication dite « instrumentale », qui ne se préoccupe pas des réelles attentes des interlocuteurs, pour privilégier le pôle de la « compréhension », s’intéressant même jusqu’aux besoins de ceux-ci.

 

Plus particulièrement dans le domaine de la « relation clients » ou « relation publics », qui concerne alors également le travail social, la communication est une essence même du travail. Cela dit, la communication et sa réussite se trouvent au centre du travail des accompagnants sociaux, et ils ont intérêt à ce que cela se fait de manière professionnelle. Dans ce contexte spécifique, il faut dire que les rôles des deux parties prenantes (de la relation d’accompagnement) dans la communication ne sont pas symétriques, et ce type de communication n’est pas le même que celui utilisé en interne à l’entreprise (car l’univers de référence n’est pas identique). Cette communication ne relève pas de manière principale, ni du « faire société » (découlant d’un besoin de créer ou de recréer de la société), ni de la coopération (dans un partage d’enjeux communs), mais plutôt de la prestation de service. L’attitude compréhensive dans cette communication va alors dans le sens du prestataire de service (le travailleur social) vers son client (l’usager).

 

A Zarifian ainsi de définir que la communication, dans ce cadre precis de la prestation de service, « réside dans la rencontre entre deux univers hétérogènes et la communication réussit lorsque le point de rencontre pertinent est cerné et lorsque le service (ou le potentiel de service) qui va entrer dans l’univers du client s’avérera utile, « donnant satisfaction », selon la formule consacrée »[78]. Puis, à propos de la signification de ce qu’est communiquer dans le travail, Zarifian précise que « c’est se mettre d’accord sur quelque chose à faire en commun et agir avec d’autant plus de force que cet accord est profond, […] et pour se mettre d’accord, […] il faut instaurer un véritable dialogue, argumenté, instauré une compréhension réciproque »[79].

 

Dans ce dialogue pour se mettre d’accord dans la communication au travail, un cadre de développement de la relation d’accompagnement, il y a lieu de distinguer trois registres d’instauration de cet accord (au sens d’Habermas, cité toujours par Zarifian) :

 

  • Il y a le registre de la vérité propositionnelle : la recherche de cette vérité se réalise par analyse de la situation et discussion, du fait que les parties prenantes pourraient toujours ne pas partager le même avis sur un point. C’est ensuite, après échange d’expériences, de preuves et d’arguments (confrontation d’intelligences) qu’émerge l’accord, et la communication peut alors réussir.

 

  • Il y a aussi le registre des normes morales : « la communication joue pleinement son rôle lorsqu’il y a débat et choix collectif, raisonné, de telle ou telle norme morale»[80]. Une norme non moins imposée autoritairement, génère de la discussion, puis de la reconnaissance et du respect. Plutôt que de viser un succès pratique, l’important ici est une cohésion sociale, un ordre collectif.

 

  • Enfin, il y a le registre de l’expressivité personnelle et de l’éthique dans un cadre social : ici encore, le but n’est pas de se mettre d’accord (avec l’éthique qui est personnelle d’un individu). Cela consiste plutôt à procéder par recoupement, de manière à dégager une éthique commune, une conception unifiée de ce qui est bon et des vertus qui le sous-tend, sans nécessairement sacrifier les éthiques personnelles des parties prenantes. Cela nécessite alors, de la part de ces dernières, de la « liberté » et de la « tolérance ». « La condition absolue pour que ce troisième registre puisse s’établir et produire ses effets, c’est que chacun puisse exprimer ses propres valeurs de vie et être écouté»[81].

 

En somme, le travailleur social ne doit en aucun cas négliger toutes ces informations théoriques dans le cadre de la relation d’accompagnement qu’il est amené à nouer avec chaque personne bénéficiaire de ses services. Dans ce sens, ce professionnel peut se positionner en tant que prestataire de service, dans le domaine social.

 

b) La communication, un outil du travail social

 

La profession même de travailleur social est indissociable à la communication, et cette dernière constitue même une base pour ce métier. A titre d’exemple, « le métier d’éducateur (dans la plupart des professionnels sociales et médicosociales) a comme base de travail la communication. L’éducateur communique avec l’usager pour établir une relation et un accompagnement social »[82]. Le mémorand, Sabrina Veangeant, témoigne ainsi de ce fait incontestable :

 

« Dans le quotidien de mon travail, la communication est un facteur important dans la qualité de la relation avec autrui. Mon rôle d’éducateur est d’entrer en relation. Il s’agit d’être en contact, d’instaurer une relation de confiance : ce sera le point de départ de l’élaboration de la démarche d’accompagnement des enfants accueillis en foyer d’accueil d’urgence. La relation humaine constitue le fondement sur lequel repose le processus de développement de l’usager, la découverte de l’autre »[83].

 

Plus généralement, le manuel Communication professionnelle en travail social affirme que, dans ce domaine, « toute situation est interrelationnelle »[84], une situation en interaction. Cela veut donc dire que le travail de l’accompagnant est constamment constitué d’interprétation par chacune des parties en présence des messages de l’autre, ce qui implique l’existence d’une intersubjectivité dans les échanges. Dès lors, cela conduit à une « non-maîtrise » de la communication et de ses impacts sur l’autre, d’autant plus qu’aucun des protagonistes ne peut prétendre connaitre le processus ayant conduit cet autre dans son agir et son propos car cela relève à l’inconscient et aux affects. « Or, non seulement il faut souligner ces incertitudes, mais il faut relever aussi que les messages envoyés, au-delà de leur plus ou moins grande compréhension par l’autre, sont susceptibles de produire des effets de distorsion non prévus parce qu’ils vont éveiller chez l’autre des réactions par définition non prévisibles »[85].

 

Aussi, il ne faut pas oublier que les actions de l’accompagnateur s’inscrit dans une logique de changement, c’est-à-dire l’accompagnement de ce changement sans toutefois s’immiscer dans les désirs et besoins des usagers. Dans ce sens, il y a lieu, pour le travailleur social, de faire très attention sur les principes adoptés dans la communication avec l’usager. Ainsi, il a été démontré les faiblesses du recours à « l’argumentation » dans cette communication : « des stratégies d’intervention basées sur l’argumentation persuasive ou bien la motivation modifient les attitudes des publics concernés mais qu’elles n’entraînent que très marginalement les effets escomptés sur un plan comportemental »[86]. Au lieu de cela, il est conseillé de recourir à la « communication engageante » qui « vise à mettre en relation les logiques socio-sémiotiques, argumentatives et discursives, avec les logiques psychosociales de l’engagement »[87], une des bases de la théorie de l’engagement étant la liberté dans la prise de décision. D’ailleurs, un autre objectif de la communication engageante est de former, de renforcer ou de modifier des actions personnelles et sociales, mais également des cognitions et des représentations sociales des sujets qui sont amenés à suivre une voie à travers des « mini-actes » psychomoteurs non substantiellement couteux en relation avec ces actions, cognitions et/ou représentations[88]. Cela explique, en l’occurrence, pourquoi ce type de communication est particulièrement efficace pour « agir durablement sur les contenus idéels mais aussi sur le plan conatif, notamment lors de recherches-actions visant la réinsertion professionnelle de publics en grande difficulté, la socialisation des personnes âgées en maison de retraite »[89].

 

En somme, la communication est un des principaux outils du travail social, et les intervenants dans l’accompagnement social ne doivent pas négliger la professionnalisation de leur discours dans cette communication engageante, sous peine d’inefficacité dans les actions qu’ils sont amenés à réaliser pour les usagers.

 

c) La parole, un outil de la communication : l’entretien, la professionnalisation du discours

 

Certes, le travailleur social use de divers moyens de communication dans sa relation d’accompagnement avec l’usager, mais, il faut reconnaitre que la « parole » en est le principal, le plus utilisé, le plus aisé à employer car parmi les moins coûteux, entre les deux parties : « l’essentiel de la communication se passe par l’oral »[90]. Désormais, la parole est bien plus qu’une suite de mots ou d’expressions prononcés, car c’est aussi une pensée formulée, exprimée de manière mémorable ou sentencieuse[91]. Elle sert, pour le travailleur social, non seulement pour entrer en contact avec l’usager, mais aussi pour connaitre, comprendre, répondre, reconnaitre, etc. celui-ci, c’est-à-dire que la parole se trouve au cœur même de la relation d’accompagnement. Par ailleurs, il faut insister sur la cohérence et la complémentarité qu’il faut trouver entre la parole et tous les autres moyens de communication que l’intervenant social utilise.

 

Dans ce contexte, Portal met en garde les professionnels du travail social sur l’usage des mots, non seulement entre les travailleurs sociaux, mais également, et surtout avec les usagers. Force est de constater que les mots employés par les intervenants sociaux sont essentiels : « si le langage est potentiellement créateur de possibles, il est souvent source d’impossible ou d’impasse, que ce soit dans la communication ou dans l’action »[92]. Désormais, l’accompagnant ne doit pas oublier que tous les mots qu’il emploie habituellement, même en l’absence de l’usager (voire dans la vie en dehors de son travail) influence considérablement ses représentations et ses points de vue. Ainsi, par exemple, l’auteur préconise autant que possible l’utilisation, à l’endroit de l’usager, de « personne » qui renvoie à la complexité, l’unicité, et la particularité, marquant à la fois la ressemblance et la différence avec soi, plutôt que « individu » qui est trop anonyme et trop général. En abordant, par exemple, des questions sur l’hygiène, « personne » illustre mieux l’usager dans son identité, son intimité et sa culture.

 

De plus, certains mots ou propos du travailleur social peuvent venir en contradiction avec les principes et les actions qu’il réalise dans le cadre de l’accompagnement. « Nous contribuons à imposer une identité à l’autre chaque fois que nous le désignons par un aspect qui le caractérise. La désignation de l’autre par une catégorie tend à l’enfermer dans une position figée (exemple récent : le Rmiste). La personne est réduite à une caractéristique administrative qui lui confère un statut reconnu mais sans reconnaissance. Cette caractéristique insiste sur les carences ». Ainsi, désigner l’usager par « SDF » (explicitement ou non), par exemple, peut enfermer celui-ci dans cette communauté, et affecter considérablement ses représentations, ses motivations, les efforts qu’il est prêt à consentir face au changement à faire dans le cadre de l’accompagnement.

 

Une autre mise en garde évoqué par Portal dans son article est l’usage par les professionnels de la langue administrative devant l’usager, semant alors la confusion (voire le découragement) chez ce dernier. A l’inverse, ils utilisent trop souvent la « langue du terrain » dans des contextes non-appropriés à cela, influençant par exemple les étudiants qui suivent la formation dans le domaine du travail social.

 

Il faut alors dire que la parole n’est pas neutre dans le domaine du travail social, dans la relation d’accompagnement. Un exercice quotidien à faire par les intervenants consiste donc à bien penser à leur relation d’accompagnement, à la communication qui en découle, et à tous les mots qu’ils ont utilisé, et vont utiliser dans ce cadre, notamment en parlant de sujet assez délicat à aborder tel que celui de l’hygiène corporelle, du moment que cela pourrait constituer une motivation ou bien un frein à l’avancement dans l’accompagnement.

 

Partie 2.        PHASE EMPIRIQUE

 

Cette seconde partie cherche à répondre de manière empirique à la problématique du présent travail de recherche. Pour cela, il y a lieu de présenter la méthodologie à suivre en partant de cette problématique. C’est ensuite que les résultats des informations recueillies à travers cette méthodologie seront analysés et donneront lieu à la formulation de quelques recommandations conséquentes.

 

La problématisation

 

Il s’agit ici de faire un rappel de la problématique de la recherche ainsi que la question de recherche qui en découle. Cela, par la suite, conduit à la formulation de quelques hypothèses de recherche dont la vérification devrait permettre de répondre à cette problématique. Enfin, il est question de justifier le choix des outils (méthodes) utilisés pour permettre cette vérification.

 

A. De la problématique à la question de recherche

 

La question de l’hygiène corporelle est, il faut l’admettre, une notion très subjective car très attachée à l’univers intime de l’individu, fortement conditionnée par les propres représentations que celui-ci se fait de cette notion et des notions connexes qui sont liées avec cette dernière. Néanmoins, la société au sein duquel cet individu vit ne cesse aussi d’influencer ces représentations, notamment en établissant des règles, normes et valeurs à considérer en matière d’hygiène, sous peine de subir une marginalisation.

 

Il faut aussi admettre que les personnes dans le besoin, auprès desquelles est appelé à intervenir le travailleur social, sont souvent confrontées à des problèmes relatifs à l’hygiène corporelle. Dans ce cadre, le travailleur social ne devrait pas être indifférent de ces problèmes, surtout lorsqu’ils sont en lien direct avec les objectifs spécifiques de l’accompagnement (des objectifs professionnels, par exemple). Cela devrait alors l’amener à aborder cette question assez délicate (étant donnée la subjectivité de cette notion clé) de l’hygiène corporelle avec l’usager.

 

D’un autre plan, du moins du point de vue théorique, aborder cette question pourrait également être un facteur positif pour le processus d’accompagnement social, car, entre autres, renforçant l’idée d’atteindre les objectifs spécifiques de cet accompagnement. Il faut, toutefois, que le discours du travailleur social dans ce sens respecte un certain nombre de principes communicationnels qui restent à identifier pour que cette notion d’hygiène corporelle n’engendre pas des effets contraires à l’atteinte de ces objectifs.

 

Tout cela donne lieu à la pertinence de la problématique de la présente recherche qui s’énonce ainsi : « Dans l’accompagnement social, quel sens donner à la question de l’hygiène corporelle pour motiver l’usager à réacquérir les règles de vie sociales ? ». Plus particulièrement, on en tire une question de recherche : Comment aborder la question de l’hygiène dans le cadre de l’accompagnement social ?

 

B. Formulation des hypothèses

 

Trois hypothèses de recherche peuvent être formulées en tenant compte de cette problématique (et de cette question de recherche associée à cette problématique) :

 

  • Hypothèse H1 : Du côté du travailleur social, l’hygiène corporelle (de l’usager) constitue un indicateur lui permettant d’identifier les points d’intervention dans le processus d’accompagnement.

 

En effet, l’aspect physique (visuel et olfactif, en l’occurrence) de la personne bénéficiaire de l’aide d’accompagnement pourrait donner des idées au travailleur social sur les besoins (estimés de la manière la plus objective possible) de cette personne. Mais, l’appréciation de cet aspect physique ne devrait pas se détacher du parcours de vie de cette personne (donc en tenant compte de ses besoins subjectifs les plus profonds).

 

  • Hypothèse H2 : Du côté de l’usager, une acceptation de la part de celui-ci des règles d’hygiène corporelle proposées (par le travailleur social) pourrait renforcer sa motivation d’aller de l’avant dans le processus d’accompagnement social (atteindre les objectifs de cet accompagnement).

 

Désormais, l’atteinte de certains objectifs dans l’accompagnement social implique, pour l’usager, l’acceptation de certaines conditions du changement attendu qui devraient lever des freins à son insertion sociale (et notamment professionnelle). De plus, il est supposé que c’est l’acceptation même par l’usager d’observer des règles d’hygiène qui renforcerait le processus d’accompagnement social (c’est, par exemple, le fait de prendre soin de son corps qui développe son estime de soi et qui lui motiverait à procéder au changement nécessaire à l’amélioration de sa situation).

 

  • Hypothèse H3 : En tenant compte notamment des deux hypothèses précédemment formulées, le travailleur social a intérêt à professionnaliser son discours auprès de l’usager en abordant la question de l’hygiène professionnelle.

 

Déjà, il faut tenir compte de la subjectivité fortement associée à la notion d’hygiène corporelle. Mais également, il y a lieu de tenir compte de la fragilité de la relation d’accompagnement d’une part, et de la sensibilité psychologique et émotionnelle de l’usager suivant son histoire de vie d’autre part.

 

C. Outils de vérification des hypothèses

 

Ici, il s’agit nécessairement de recueillir des informations dont les modalités sont encore à identifier. Il s’agit, par exemple pour la première hypothèse, non seulement de savoir si les travailleurs sociaux interviewés utilisent l’hygiène corporelle des usagers comme indicateur des points d’intervention pour l’accompagnement de ces derniers, mais également de déterminer de quelle manière cela se fait. Aussi, pour la deuxième hypothèse, il est question, non seulement de connaitre si le fait d’accepter d’observer des règles d’hygiène corporelle pourrait améliorer le processus d’accompagnement social chez l’usager, mais également d’appréhender comment cette acceptation se manifesterait le cas échéant. Enfin, pour la troisième hypothèse, il y a lieu, non seulement de vérifier la pertinence de la professionnalisation du discours du travailleur social auprès de l’usager, mais également d’identifier les éléments permettant cette professionnalisation.

 

De ce fait, la méthode de recueil des données qui convient à cette étude empirique est l’entretien individuel semi-directif. En fait, cela devrait permettre aux interviewés d’exprimer plus librement leurs points de vue, ce qui enrichit les informations qui en découlent. Dans ce sens, deux types d’acteurs concernés par l’objet de l’étude ont été considérés :

 

  • D’une part, les travailleurs sociaux dont les expériences professionnelles devraient aider à appréhender l’implication de la notion d’hygiène corporelle dans leurs interventions auprès des usagers. Quelques professionnels ont alors accepté de participé à cette étude, dont trois assistantes sociales (nommées respectivement ASS 1, 2 et 3 dans toute la suite), une conseillère en économie sociale et familiale (nommé CESF), une responsable pôle hébergement superviseur du CHRS (nommée Responsable CHRS), et une éducatrice de rue au sein d’une équipe de prévention (nommée Educatrice).

 

  • D’autre part, les usagers eux-mêmes : l’entretien auprès de ces acteurs devrait compléter les informations issues de ceux réalisés avec les travailleurs sociaux. Trois personnes ont répondu à l’enquête, dont un homme et une femme « sans domicile fixe » (SDF) nommés « Gérard » (54 ans) et « Mistinguett » (39 ans), et une jeune femme nommée Emilie (27 ans), mère d’un enfant de 2 ans ; les trois interviewés sont bénéficiaires du RSA.

 

Chapitre I. L’hygiène corporelle comme indicateur dans l’accompagnement social

 

Ainsi, dans un premier temps (relativement à la première hypothèse de recherche H1), il y a lieu d’analyser les propos des travailleurs sociaux interviewés sur la potentialité de la notion d’hygiène corporelle de constituer un indicateur leur permettant d’améliorer leurs interventions auprès de l’usager.

 

A. Analyse

 

D’abord, les travailleurs sociaux interviewés ont conscience de la subjectivité de la notion d’hygiène corporelle que certains ont d’ailleurs définie comme « prendre soin de soi », et qui est reliée à la notion de bien-être physique. Ainsi, pratiquement tous ces interviewés ont refusé de faire un « jugement de valeur » entre « bonne » et « mauvaise » hygiène, une question qu’ils qualifient de « relatif ». Par exemple, la première assistante sociale a expliqué que « les mauvaises odeurs ne sont pas mauvaises pour tout le monde. Par exemple en campagne, nous avons l’odeur de la bouse de vache qui nous rappelle les vacances. Les odeurs peuvent renvoyer à des souvenirs plus profonds heureux ou malheureux » [ASS 1].

 

En tout cas, ces travailleurs sociaux sont en accord au principe que c’est le « paraitre » d’une personne qui permet d’apprécier le « degré » de sa conformité aux règles relatives à l’hygiène corporelle. Cela se fait alors par l’aspect visuel et olfactif : « On ne peut évaluer l’hygiène de manière objective.  Mais c’est la présentation de la personne, de ce qu’elle donne à voir et à sentir, qui détermine l’axe d’intervention. On se conforte à la subjectivité de la norme d’hygiène » [ASS 2].

 

En fait, les travailleurs sociaux comprennent également l’hygiène corporelle dans un sens « moral », en tant que déclinaison des normes et des représentations sociales, d’où la forte implication sociale de cette notion (d’hygiène corporelle). Cette dernière s’apprécie donc (à côté de sa subjectivité) à travers des règles que la société a établies, formellement ou non : il ne s’agit pas seulement de « règles » d’entretien de soi, mais également une manière de s’intégrer dans la société, ce qui veut dire que les problèmes d’hygiène constituent un frein à lever pour nuancer les difficultés d’insertion sociale.

 

C’est ainsi que les différents interviewés considèrent l’hygiène corporelle de l’usager comme « un indicateur de la situation de la personne concernée » [CESF].

 

  • Prendre soin de soi n’est pas dissociable à prendre soin de son environnement, c’est-à-dire que l’hygiène corporelle d’une personne reflète d’une certaine manière l’ensemble des composantes de sa vie.

 

  • Des problèmes manifestes d’hygiène corporelle chez l’usager interpellent chez le travailleur social (qui est en face de celui-ci) un questionnement central sur les éléments qui ont conduit à ces problèmes : « qu’est ce qui fait que la personne se présente dans cet état ?» [ASS 2].

 

  • Il faut préciser que l’hygiène n’est pas la priorité, l’axe primordial des interventions du travailleur social auprès de la personne bénéficiaire de ses services : « Ce qui est intéressant à comprendre c’est pourquoi elle est dans cet état. On ne fera pas semblant de ne pas remarquer. On intervient par rapport à ce que la personne apporte dans sa demande initiale. Est-ce que la personne est en déconfiture, dépression, problèmes d’estime de soi ? […] La personne peut si elle le décide, donner des éléments qui permettent de rebondir sur sa situation» [ASS 2]. En effet, les entretiens effectués auprès des trois usagers ont révélé qu’ils ne se soucient pratiquement pas de façon prioritaire de cette question d’hygiène corporelle car l’important pour eux est l’obtention du RSA pour vivre (ou survivre) : « ça sert à rien tout ça, me laver pourquoi faire » [Gérard] ; « j’ai aussi envie d’être belle, […] sauf que dans la rue c’est un peu compliqué, c’est pas facile tous les jours, et puis il y’a d’autres urgences comme manger, boire, survivre quoi, vous comprenez ? » [Mistinguett].

 

  • Les problèmes d’hygiène corporelle de l’usager permettent au travailleur social d’identifier certains besoins de cet usager : « l’odeur de l’alcool, la cigarette, d’urine, les vêtements sales sont très parlants, l’accumulation de crasse, les cheveux gras. Oui je peux le dire, vous sentez de l’alcool et je propose une douche. Quand je sens une odeur d’urine (cela peut inclure une incontinence urinaire au lit), je propose des protections, une douche le matin, de changer les draps et de les laver les sales en machine, et oriente vers un médecin pour suivi médicalisé » [Responsable CHRS].

 

  • Ces problèmes indiquent aussi les précautions à prendre par les intervenants : « repères olfactifs, l’aspect physique, cela dépend des représentations, il faut être vigilent pour une plaie, faire attention à une infection» [Educatrice].

 

  • Enfin, il faut dire que l’hygiène constitue même un élément du contrat d’accompagnement social dans certains cas. Ainsi, par exemple, « la précarité pour les gens de la rue accueillis au CHRS, est caractérisée par le manque d’électricité, pas d’eau chaude pour se laver, ou laver ses vêtements, ce qui complique le soin de soi» [Responsable CHRS]. Cela détermine alors certaines modalités d’intervention, « un baromètre d’intervention » [CESF], comme dans le cas de l’accompagnement social lié au logement par exemple.

 

Il faut tout de même préciser que, en considération de l’objectivité très limitée de l’observation (et donc de la mesure faite) sur l’hygiène corporelle de l’usager, cela ne donne qu’une indication probable et non absolue de la situation de celui-ci. Même si cela offre un indice sur les axes d’intervention, il faut faire très attention quant à l’objectivation de cet indice : « C’est un élément d’observation qui fait dire que la personne ne va pas bien. L’accompagnement ici rejoint les missions des assistantes sociales, portant sur la prévention, la protection, prendre la personne dans sa globalité. C’est un paramètre à inclure dans le recueil de données. La question majeure ici serait comment le comprendre, quel sens y trouver ? Par exemple une personne couverte d’une odeur de friture ; elle vit peut-être dans un T1 ou un T2 » (ASS 1). En d’autres termes, ce n’est un élément à prendre en compte parmi d’autres, et ne devrait pas être pris isolément pour expliquer les réalités de l’usager.

 

B. Synthèse et recommandations

 

Ainsi, il faut conclure que la première hypothèse est vérifiée, c’est-à-dire que l’hygiène corporelle de l’usager constitue un indicateur à tenir compte par le travailleur social dans l’identification des points d’intervention dans le processus d’accompagnement. En effet, cet indicateur pourrait (ici, il faut relativiser) renseigner sur les besoins et l’histoire de vie de l’usager, et ainsi les différentes composantes qu’il convient d’intégrer dans ce processus pour rendre efficients les outils d’intervention dans l’accompagnement social.

 

Le partage d’expérience entre travailleurs sociaux de différents corps de métier devrait enrichir la capacité de ceux-ci à l’utilisation de l’hygiène corporelle comme indicateur. En effet, il faudrait toujours reconnaitre que chaque cas, chaque personne bénéficiaire d’aide, chaque circonstance d’accompagnement est unique, malgré les ressemblances. Cela implique la prise en compte de toutes les composantes de l’accompagnement (y compris celles sur l’hygiène corporelle) de manière holistique. En d’autres termes, d’une part, les travailleurs sociaux ne devraient pas négliger les informations qu’ils pourraient tirer de cet indicateur et, d’autre part, il y a lieu d’admettre que celui-ci n’est qu’un indicateur parmi d’autres.

 

Ce partage d’expérience devrait révéler des éléments contradictoires qui mettront en garde les travailleurs sociaux dans le traitement de ces informations. Ainsi, par exemple, il n’y a pas nécessairement de lien fonctionnel entre la précarité dans laquelle vit un usager et ses pratiques en matière d’hygiène corporelle, bien que ce lien potentiel n’est pas à écarter dans la réflexion (car l’accès à l’hygiène pourrait être logiquement difficile pour les personnes vivant dans la précarité : « la définition de l’hygiène se fait par rapport aux conditions de vie » [Educatrice]). En effet, les problèmes d’hygiènes pourraient venir d’autres origines que le niveau de vie de l’usager en question (il en est par exemple le cas d’une jeune fille qui a été victime de viol par son père, et qui disait ne plus aimer son corps, et depuis, ne prenait plus soin d’elle [ASS 1]). De plus, la majorité des personnes bénéficiaires d’aide sont dans le besoin, d’autant plus que les problèmes d’hygiène ne constituent pas un critère d’entrée dans les appartements de dépannage [CESF]. Désormais, « les problèmes d’hygiène se retrouvent dans tous les milieux sociaux » [Educatrice]. Des contre-exemples concernent des personnes qui tentent de dissimuler derrière l’observation des règles d’hygiène corporelle leur misère : pour une personne, « une manière de rester en lien avec la vie » [Responsable CHRS], et pour une autre, « c’est quand même important de se laver, c’est la santé, puis faut quand même cacher un peu la misère » [Mistinguett].

 

Tout cela renforce l’idée que la prise en compte de l’hygiène comme indicateur ne devrait se faire que dans le cadre global, en considérant l’ensemble des éléments de la vie de la personne à accompagner.

 

Chapitre II. Observation des règles d’hygiène corporelle proposées et renforcement du processus d’accompagnement social

 

La deuxième hypothèse à vérifier concerne les impacts possibles sur le processus d’accompagnement social du fait, pour l’usager, de suivre des principes d’hygiène corporelle proposés notamment par le travailleur social.

 

A. Analyse

 

Deux niveaux de considération sont à prendre en compte pour appréhender les éventuels impacts de l’observation des règles d’hygiène corporelle sur le processus d’accompagnement social :

 

  • Lorsque les pratiques d’hygiène conformes aux normes et valeurs de la société constituent elles-mêmes des conditions (explicites ou implicites) de l’atteinte des objectifs de l’accompagnement. C’est notamment le cas :

 

  • Dans le cadre « collectif » : certes, au CHRS par exemple, la question d’hygiène n’est pas primordiale, mais les personnes accueillies passent par un réapprentissage des gestes d’hygiène (celles-ci venant de la rue, n’ayant pas les matériels nécessaires ni l’habitude pour effectuer systématiquement ces gestes). Ici, même s’il n’est pas juridiquement correct de parler d’obligation de réapprendre ces gestes pour les usagers, c’est en quelque sorte le cas mais de manière plus implicite. « Etant dans une collectif, il faut être bien lavé, bien habillé, propre pour manger» [Responsable CHRS].

 

  • Même dans le cadre « individuel », plusieurs cas impliquent l’adoption de certaines pratiques (minimales) en matière d’hygiène par l’usager, sous peine d’inefficacité du processus d’accompagnement. C’est surtout le cas emblématique de l’intégration professionnelle. Ainsi, les problèmes d’hygiène corporelle constituent un frein à lever, car ceux-ci « peuvent entrainer des difficultés d’insertion socio-professionnelle» [CESF]. C’est par exemple le cas d’une dame ayant de sérieux problèmes d’hygiène et de santé buccale (abcès, dents abimées) qui était en recherche d’emploi dans les métiers de la bouche. « Cela dépend de là où la personne en est, de son objectif ou projet de vie. Si le projet professionnel est en restauration par exemple, donc impossible de faire l’économie de la question d’hygiène » [ASS 2].

 

Dans ces cas, le lien entre l’hygiène corporelle et l’atteinte des objectifs d’accompagnement apparait relativement clair.

 

  • Lorsque c’est le fait même, pour l’usager, d’accepter de suivre un certain nombre de principes et/ou pratiques en matière d’hygiène proposés notamment par le travailleur social qui génère chez cet usager plus de motivation d’atteindre les objectifs de l’accompagnement social.

 

En effet, il y a des cas où la question d’hygiène a généré une sorte de prise de conscience « généralisée » chez l’usager qui, par la suite, agit positivement dans le sens du processus d’accompagnement. Ainsi, des usagers refusent la visite à domicile en disant avoir « honte », ce qui révèle déjà qu’il est quelque peu conscient de l’état dans lequel il se trouve, et la reconnaissance (même implicite) de la nécessité du changement. De temps en temps, la présence seulement du travailleur social suffit à ouvrir à cette prise de conscience. Mais cette prise de conscience n’est pas systématique selon les cas ; et c’est là que le travailleur social intervient pour créer cela.

 

Une assistante en polyvalence témoigne : « Il est possible que les personnes concernées le prennent comme une marque d’intérêt. J’ai suivi un monsieur qui au fur et à mesure de nos rendez-vous et à mesure que notre plan d’intervention se déroulait, il changeait, une fois, il s’est rasé, la fois d’après, il a changé de vêtements, et aussi, il a fini par laisser tomber une vieille pochette toute déchirée qu’il trainait à chaque rendez-vous précédents » [ASS 3].

 

D’ailleurs, les entretiens avec les trois personnes bénéficiaires du RSA rendent compte d’une relative corrélation entre la volonté d’un usager à suivre des règles d’hygiène proposées par le travailleur social et leur motivation à atteindre les objectifs d’insertion socio-professionnelle :

 

  • Pour Gérard, lorsque des affaires pour la toilette et des vêtements lui ont été offerts, et quand on lui demandait s’il désire se changer, il a répondu tout simplement : « Pourquoi faire, personne ne me voit, puis je m’en fous, ça changera rien à ma vie […] Et puis si c’est pour me laver ou me soigner et après retour dans la rue, alors pour quoi faire ? […] Je suis beau, mais mon sourire lui n’est pas beau, je cache, quand je souris pas je suis beau, même que chez l’assistante sociale je sais qu’elle ne me demandera rien, je signe et puis j’ai le RSA, ils sont cool au CCAS. Sauf qu’une fois elle m’a dit que si je voulais trouver un boulot, je devais faire un petit effort, mais moi, ça me fatigue tout ça » [Gérard]. Ainsi, la relative indifférence (puisqu’il ne s’agit pas ici d’une totale indifférence : il arrive à Gérard de se « rafraichir le visage » à la fontaine ; changer ses vêtements « quand ils sont trop sales » est aussi une habitude chez lui) de Gérard reflète ainsi son indifférence vis-à-vis des objectifs d’accompagnement (de l’intégration sociale, en l’occurrence).

 

  • Pour Mistinguett, son indifférence à l’égard des règles d’hygiène corporelle est nettement plus nuancée. En effet, pour elle, cette question d’hygiène n’est pas une priorité, certes, mais apparemment, elle observe un minimum de principes d’hygiène (même si loin de se conformer aux exigences des normes de la société moderne actuelle). Parallèlement, elle semble évoquer une perspective d’évolution, une sorte d’optimisme (bien que très mince et relatif) sur son avenir : « je faisais dans la mode avant vous savez, la classe, sauf que dans la rue, c’est un peu compliqué […] moi, j’aimerais bien un petit logement» [Mistinguett].

 

  • Enfin, pour Emilie, l’indifférence à l’égard des règles d’hygiène corporelle n’apparait pas lui concerner personnellement mais plutôt dans l’état de la question à propos de son fils (et de son environnement d’habitation). En tout cas, ses problèmes d’hygiène corporelle semblent être largement moins prononcés que ceux des deux SDF (Gérard et Mistinguett). De plus, il faut dire que ses conditions de vie sont également meilleures (Emilie et son fils vivent à la maison). En même temps, il est possible aussi de dire que ses soucis en matière d’hygiène corporelle sont nettement plus établis que ceux des deux autres personnes évoquées ci-dessus, du moins selon ses dires, donc elle est très consciente de la nécessité d’observer des règles d’hygiène : « je nettoie, mais souvent c’est une fois ou deux par semaine, […] je balaie, et je passe la serpillère, et je descends les paniers quand ils sont pleins» [Emilie]. Son manque d’hygiène découlerait principalement de ses problèmes économiques, bien plus qu’à une indifférence vis-à-vis des règles d’hygiène qu’elle semble connaitre ; en effet, à une question sur la couche visiblement débordante de son fils, elle a répondu : « oh non, ça va aller, c’est juste que j’économise celle-là, c’est la dernière, le paquet est vide depuis hier, et vous en faites pas, après votre départ, je vais voir la voisine si elle peut me dépanner en attendant que j’aille au petit Leclerc » [Emilie].

 

En tout cas, le travailleur social ne devrait pas se priver de parler de cette question d’hygiène corporelle. « Les travailleurs sociaux ont une mission de protection et de prévention, si aborder cette question est une manière de lever un quelconque frein pour protéger la personne d’un danger ou à titre préventif, alors la mission est remplie, après, selon les personnes, cela peut être un choix de vie, ou une contrainte, la vraie question est de savoir si la personne est prête pour ce changement-là, et comment en est-elle arrivée là, et surtout quel est son projet de vie, la question de l’hygiène peut-elle y être intégrée ? » [ASS 2].

 

B. Synthèse et recommandations

 

Il est également possible de conclure que l’hypothèse H2 est vérifiée, c’est-à-dire que le fait pour l’usager d’accepter de suivre des règles en matière d’hygiène corporelle pourrait influencer positivement le processus de son accompagnement social. Désormais, il est attendu que de telle acceptation de la part de l’usager lui ravive la conscience de la nécessité de respecter les normes et valeurs morales de la société, ce qui est un pas vers la reconnaissance de cette personne également du côté des autres membres de cette société (une reconnaissance mutuelle). On peut alors dire que la question d’hygiène corporelle pourrait être une porte d’entrée vers des questions plus globales en matière d’intégration socio-professionnelle de l’usager.

 

Il faut donc admettre que cette question d’hygiène corporelle est, pour le travailleur social, plus qu’un simple indicateur de l’état de la situation concernant un usager : c’est un élément à exploiter même pour essayer d’éveiller la conscience de la personne bénéficiaire d’aide vers un horizon plus optimiste à vision sociale. Mais, cela implique alors d’aborder cette question avec l’usager de manière plus explicite, notamment à travers un discours oral.

 

Chapitre III. Aborder la question de l’hygiène corporelle et professionnalisation du discours

 

Ce dernier chapitre se focalise sur les actions relatives au discours du travailleur social auprès de l’usager autour de la question de l’hygiène corporelle (Hypothèse H3).

 

A. Analyse

 

Dans un premier temps, les travailleurs sociaux interviewés ont reconnu l’importance, voire la nécessité d’aborder cette question d’hygiène corporelle avec l’usager. Ils en mentionnent alors au moins trois raisons :

 

  • D’abord, en ayant conscience des impacts positifs potentiels du fait d’en parler pour le processus d’accompagnement (comme c’est détaillé dans le chapitre précédent) : « en parler aux personnes concernées pourrait être pris comme un signe de reconnaissance. Cela voudrait alors dire qu’on fait attention à eux» [CESF] ;

 

  • Ensuite, lorsque la personne bénéficiaire d’aide éprouve manifestement (même sans l’évoquer directement) le besoin d’être accompagné plus particulièrement en matière d’hygiène (lorsque le manque d’hygiène porte visiblement atteinte à la santé de l’usager, par exemple). Les travailleurs sociaux reconnaissent désormais qu’en parler pourrait même constituer une de leurs missions : « On est là pour rappeler les règles pour le vivre ensemble» [Educatrice] ;

 

  • Mais, également, dans un but moins altruiste, lorsque le manque ou l’absence d’hygiène dérange sensiblement les interventions du travailleur social : « Je le reçois quand même, les odeurs d’animaux et de pipi de chat, par exemple sont pour moi insupportables. Pour autant, je ne parviens pas à le dire, je l’ai dit une fois; […] on aborde la question parce qu’on n’en peut plus » [ASS 2].

 

Néanmoins, tous ces interviewés ont également souligné la difficulté de cette opération, une difficulté toutefois relative : « Je ne sais pas toujours comment l’aborder, c’est difficile car les personnes ne l’entendent pas toujours ; moi par rapport à l’ASLL je peux l’aborder plus facilement » [CESF]. Certains évoquent même le risque que représente le fait d’aborder cette question délicate d’hygiène corporelle, en insistant entre autres sur le caractère très facultatif de cette mission : « cela peut ne pas être abordé s’il n’y a pas de problèmes d’observation particulière, dans la mesure où le respect de l’hygiène est contractualisé dans le contrat d’engagement ASLL, dans le cadre de l’entretien du logement. Parfois on a peur de casser la relation établie » [CESF].

 

Ainsi, les travailleurs sociaux citent quelques conditions qu’il convient généralement de remplir pour limiter ce risque (à insister que le risque zéro n’existe pas) :

 

  • D’abord, il faut que le travailleur social ait « une attitude aidante» [ASS 2] véritablement envers l’usager, et que celui-ci en soit persuadé. Dans ce sens, il peut être utile d’expliquer ouvertement à la personne en face les raisons qui amènent à en parler, c’est-à-dire les intérêts pour celle-ci du discours qui va venir : « Je peux leur en parler en leur disant que c’est un élément qui peut leur être préjudiciable » [Educatrice].

 

  • Ensuite, il faut que la relation d’accompagnement soit effectivement établie : « Il faut connaître au minimum la personne. On peut aborder la question lorsque la relation est suffisamment nouée, installée» [ASS 1].

 

  • Il est aussi important d’obtenir non seulement le consentement de la personne avant d’entrer véritablement dans le discours, mais également, et surtout, sa confiance : « Il faut un climat de confiance. Nous pouvons nous interroger sur les capacités de la personne à l’entendre, avec la crainte de ce que cela peut déclencher chez la personne en termes de mal-être» [CESF] ; « dans un climat de confiance pour qu’elle ne le prenne pas comme un jugement » [ASS 2] ; « Cela rentre dans l’accompagnement (éducation), dans une relation de confiance » [Responsable CHRS] ; « c’est la confiance qui compte et on peut dire aux personnes pourquoi on en parle et leur demander aussi si elles sont d’accord pour en parler. Une relation d’aide bien ancrée dans la confiance, le secret professionnel peut faciliter la communication » [ASS 3]. Gagner la confiance de l’usager est alors une étape cruciale.

 

Néanmoins, il y a lieu de considérer un certain nombre de principes quant à l’étape suivante, celle d’effectivement « parler » de la question d’hygiène corporelle à l’usager, soulignant alors l’importance de la professionnalisation du discours (en fait, l’objectif ne s’arrête pas à la limitation du risque de rejet de ce discours, car il faut chercher à convaincre la personne d’accepter les suggestions en réalisant les efforts nécessaires à cela[93]). Premièrement, il y a choix entre aborder cette question dans un cadre collectif ou bien le réaliser dans un entretien individuel :

 

  • D’un côté, il faut dire que c’est dans le cadre collectif, « dans une approche plus globale» [ASS 1], que le discours de ce genre apparait le plus sécurisé (moins de risque de rejet). « On peut aborder [la] question de manière collective, telle qu’un groupe de parole par exemple, je pense ici à l’intervention sociale d’intérêt collectif, qui peut aussi être un moyen d’aborder la question de l’hygiène, ou d’apporter des solutions de manières collectives aux problématiques souvent communes à certaines catégories socio-professionnelles » [ASS 2]. Mais, l’efficacité (en incitant la personne à réagir positivement) n’est pas totalement garantie. En effet, les moins convaincus pourraient se cacher derrière les autres lorsque le discours est moins personnalisé.

 

  • D’un autre côté, l’entretien individuel pourrait être un peu « trop » direct, mais la décision de l’usager est mieux connue (voire instantanément) par le travailleur social, qui intervient alors en conséquence : « même si on fait attention en les ménageant par des mots et une posture adaptée les personnes concernées expriment parfois un certain embarras» [ASS 2].

 

Apparemment, la quasi-totalité des interviewés opterait pour cette seconde alternative : « La technique d’entretien, maîtrisée est une bonne base, même si les situations et les personnes ne se ressemblent pas toujours ; […] C’est par l’entretien que nous communiquons, ce qui permet de recueillir les données, c’est intéressant d’entendre parfois les mots que les personnes utilisent pour verbaliser leur mal-être ou pour parler de leur situation, beaucoup d’images parfois » [ASS 3].

 

Ainsi, une bonne connaissance de l’usager invite le travailleur social à y réfléchir attentivement, à s’interroger sur les capacités de la personne à entendre le discours en question [CESF] : « débuter un entretien directement sur les questions d’hygiène serait réducteur et quelque peu jugeant. Alors, nous il faut se caller dans l’histoire de vie de la personne, rappeler que nous intervenons dans le cadre de missions spécifiques et nous sommes responsables aussi, c’est à dire qu’on est un peu le miroir on est là aussi pour renvoyer relever des choses dans un but d’aide, et travailler sur le bien-être et l’estime de soi je pense relève tout aussi bien de nos compétences, pour cadrer avec la globalité de l’accompagnement » [ASS 3].

 

Aussi, il ne faut pas oublier d’adapter le ton et les mots en fonction de la personne : « si la personne est directe dans son attitude je ferais comme elle pour ce sujet-là, parfois l’état de la personne interpelle tellement que je ne peux pas faire l’économie de la question » [ASS 2]. En effet, outre l’observation du code de déontologie relatif aux professions dans le travail social, « nous devons avons avoir le bon ton pour ne pas bousculer les personnes que nous recevons, nous devons à travers notre langage respecter la dignité de la personne et savoir créer un espace propice à la communication, la personne en face, adulte, enfant, jeune ou personne âgée, doit sentir qu’on la respecte » [ASS 3].

 

En tout cas, il apparait nécessaire de professionnaliser, non seulement le discours, mais toutes les actions réalisées par le travailleur social sur ce point (parler de l’hygiène corporelle avec l’usager) : « je crois qu’il faut éviter de dire les choses de manière frontale, il faut « prendre des gants », partir sur l’intérêt professionnel par exemple ou l’intérêt sanitaire » [ASS 3]. Autrement dit, il est important de baser les actions (le discours, en l’occurrence) sur les missions attribuées au travailleur social, sur les composantes formalisées de l’accompagnement. Mais, il ne faut pas oublier que ces actions ne devraient pas revêtir formellement un caractère obligatoire pour l’usager qui doit toujours rester un acteur à part entière des projets qui le concerne : « Parler simplement, car en fait ce n’est pas la demande première explicitement exprimée » [ASS 3].

 

B. Synthèse et recommandations

 

En somme, la troisième hypothèse de recherche (H3) est aussi vérifiée, c’est-à-dire que, vis-à-vis de l’importance de la prise en compte de la notion d’hygiène corporelle dans le cadre de l’accompagnement social (les deux autres hypothèses, également vérifiées), les travailleurs sociaux devraient opter pour la professionnalisation de leur discours auprès de l’usager en abordant cette notion. Cela implique une démarche, à la fois rigoureuse et adaptée à la particularité de chaque cas, de création d’une relation de confiance dans l’accompagnement, une prise en compte de manière holistique des différents éléments associés à cet accompagnement (dont notamment le parcours de vie de l’usager), un discours adapté, simple (sans contrainte/obligation), et axé sur les intérêts professionnels des interventions du travailleur social.

 

En outre, il faut dire que toutes les actions réalisées par le travailleur social devraient se faire de manière cohérente et complémentaire, tendant vers les objectifs de l’accompagnement. De plus, il est préconisé des mesures d’accompagnement pour renforcer ces actions. A citer, par exemple, la mise à disposition pour l’usager de matériels, infrastructures, et techniques adaptés pour lui permettre de concrétiser au plus vite les décisions prises (le modèle des CHRS qui mettent à disposition des personnes accueillies des douches, 24 heures sur 24). En effet, il ne faut pas oublier que l’accompagnement consiste en quelque sorte en une opération d’incitation de l’usager à changer des comportements nécessitant des efforts parfois considérables de la part de ce dernier.

 

 

Conclusion

 

La question de l’hygiène corporelle revêt à la fois un caractère très subjectif et une dimension sociale forte. En effet, le travailleur social doit comprendre le sens intime, privé, de cette question, mais également les influences des normes et valeurs de la société sur celle-ci. Du coup, la notion d’hygiène corporelle est très relative (au temps et à l’espace), et la représentation de ce qui est « bon » ou « mauvais » du travailleur social peut différer sensiblement de celle de la personne bénéficiaire de ses services d’accompagnement. Il faut reconnaitre alors qu’aborder cette question avec l’usager constitue un exercice non aisé pour le professionnel de l’accompagnement social, mais cet acteur doit aussi admettre de l’importance de cette action.

 

Déjà, les travailleurs sociaux disposent d’un outil qui pourrait leur permettre d’optimiser les interventions auprès de l’usager en utilisant l’hygiène corporelle de ce dernier comme un indicateur. En effet, l’observation de l’aspect physique (visuel et olfactif, notamment) de l’usager pourrait offrir des informations riches sur les besoins, l’histoire de vie, les composantes de l’environnement de cette personne. Cela devrait aider les travailleurs sociaux à combiner au mieux les stratégies et moyens à déployer pour l’accompagnement. Toutefois, il faut qu’ils n’oublient pas que cet indicateur est un élément parmi d’autres à ne point négliger (et ne constitue en aucun cas un instrument qui fonctionne isolément). Il faut toujours appréhender l’usager dans son univers, avec toutes les composantes de l’accompagnement, de manière holistique.

 

Aussi, l’acceptation de l’usager à suivre certaines recommandations (émanant notamment du travailleur social) relatives à l’hygiène corporelle pourrait être bénéfique pour le processus d’accompagnement. Non seulement, cela concerne les projets qui requièrent directement l’observation par l’usager de plusieurs règles d’hygiène de vie, conditionnant l’atteinte des objectifs d’accompagnement (l’intégration socio-professionnelle, par exemple). En fait, le fait même d’accepter d’observer quelques règles à un certain niveau pourrait motiver la personne concernée à en accepter d’autre à un niveau plus global : il est alors attendu que l’usager soit plus enclin à internaliser les normes et valeurs de la société dans laquelle il se trouve, ce qui constitue une étape importante de son insertion sociale. La notion d’hygiène corporelle constitue alors pour le professionnel du travail social plus qu’un simple indicateur.

 

Enfin, étant donné donc l’importance de la considération de la notion d’hygiène corporelle dans l’accompagnement social, les travailleurs sociaux ont intérêt à professionnaliser leur discours lorsqu’il aborde cette notion avec l’usager. Cela requiert un investissement personnel de la part de ces professionnels car ils devraient nouer une relation (d’accompagnement) de confiance avec l’usager, en démontrant leur attitude aidante envers celui-ci. Cela suppose aussi le consentement explicite de cette personne avant d’aborder la question délicate d’hygiène corporelle qui touche sa sphère intime. Bien que le cadre collectif permette de diminuer considérablement le risque de rejet (pur et dur) de ce discours, il apparait que l’entretien (individuel) constitue un cadre d’accompagnement personnalisé plus efficace. En tout cas, les travailleurs sociaux devraient s’assurer de connaitre suffisamment l’usager pour adapter son langage, ses manières de communiquer, aux réalités vécues par celui-ci. Par ailleurs, il y a lieu d’insister sur la simplicité du discours des travailleurs sociaux sur ce point, c’est-à-dire dépourvu d’obligation pour l’usager qui doit toujours rester libre dans ses choix de vie en tant qu’acteur des projets qui le concernent.

 

 

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[1]. Conseillère en économie sociale et familiale

[2] Bibliothèque Municipale de Toulouse. (2016). L’Hygiène au Moyen Age. Dossier pédagogique. Consulté le 2017, sur Bibliothèque Municipale de Toulouse: http://www.bibliotheque.toulouse.fr/Hygiene-au-moyen-age.pdf, p. 2.

[3] Magnin, M. (2015). « C’est du propre ! » Quelle place pour l’hygiène dans l’intervention du curateur, dans le canton de Fribourg ? Travail de Bachelor pour l’obtention du diplôme Bachelor of Arts HES·SO en travail social. Valais – Wallis: Haute École de Travail Social − HES·SO//Valais – Wallis, p. 12.

[4] En fait, étymologiquement, le terme « hygiène » semble provenir de la mythologie grecque, du nom de la déesse de la santé et de la propreté « Hygie », elle-même était la fille d’Asclépios, le dieu de la médecine. Bibliothèque Municipale de Toulouse. (2016). Op.cit.

[5] Morel-Chevillet, L. (2009). La professionnalisation du discours pour intervenir autour du thème délicat de l’hygiène corporelle. Mémoire de master 2 professionnel en Sciences de l’éducation. Rouen: Université de Rouen, p. 11.

[6] Caisse des Français de l’Étranger, C. (2012). Des gestes simples pour une bonne hygiène ! Mag Santé Jeunes, p. 1.

[7] OMS, O. M. (1946). Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé. Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé. 2. New-York: OMS. Récupéré sur http://www.who.int/suggestions/faq/fr/, p. 100.

[8] Marche, H. (2003, mars 1). La saleté corporelle et l' »amour propre » : mémoire sociale et figures de l’intime. Face à face. Récupéré sur https://faceaface.revues.org/420.

[9] Denèfle, S. (1989). Tant qu’il y aura du linge à laver… Terrain(12), 15-26. doi:10.4000/terrain.3329.

[10] Elias, N. (1973). La Civilisation des moeurs. Paris: Calmann-Levy, p. 214.

[11] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit., p. 14.

[12] Ibid.

[13] Bibliothèque Municipale de Toulouse. (2016). Op.cit.

[14] Mikaïloff, N. (1990). Les Manières de propreté : du Moyen âge à nos jours. Paris: Maloine, p. 12.

[15] Ibid.

[16] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit., p. 14.

[17] Mikaïloff, N. (1990). Op.cit.

[18] Magnin, M. (2015). Op.cit., p. 15.

[19] Vigarello, G. (1985). Le Propre et le Sale : L’hygiène du corps depuis le Moyen-Age. Paris: Seuil.

[20] Guerit, C. (2010, avril). L’hygiène corporelle. La lettre trimestrielle des acteurs de prévention dans les Landes(9), pp. 1-4. Récupéré sur http://www.educationsante-aquitaine.fr/pub/publications/176_prventionlandes09.pdf.

[21] Mikaïloff, N. (1990). Op.cit. p. 16.

[22] Csergo, J. (1988). Liberté, égalité, propreté : la morale de l’hygiène au XIXe siècle. Paris: Albin Michel, p. 34.

[23] Heller, G. (1979). « Propre en ordre ». Habitation et vie domestique, 1850-1930 : l’exemple vaudois. Lausanne: Edition d’En-Bas.

[24] Csergo, J. (1988). Op.cit.

[25] Guerit, C. (2010, avril). Op.cit., p. 1.

[26] Elias, N. (1973). Op.cit.

[27] Mikaïloff, N. (1990). Op.cit.

[28] Csergo, J. (1988). Op.cit., Heller, G. (1979). Op.cit.

[29] Grasset, F. (2001, création du fichier). Hygiène personnelle. Grille d’évaluation utilisée par une unité de réhabilitation. Département Universitaire de Psychiatrie Adulte (DUPA). Consulté en 2017.

[30] Ibid.

[31] OMS, O. M. (1946). Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé. n°2. New-York: OMS. Récupéré sur http://www.who.int/suggestions/faq/fr/, p. 100.

[32] OMS. (1952). Premier rapport. Série de rapports techniques. n°55, pp. 7-9. Genève: OMS, p. 6.

[33] Winslow, C.-E. A. (1923). The evolution and significance of the modern public health campaign. New Haven, p. 1.

[34] Larose, L. (2001). Hygiène n’est pas propreté. Pour une nouvelle définition de la promotion de l’hygiène en aide humanitaire d’urgence. Santé Publique, 13, 77-88. doi:10.3917/spub.011.0077, p. 80.

[35] Vigarello, G. (1985). Op.cit.

[36] Strohl, H. (1986). Commission santé publique – rapport n°880 027. Paris: Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

[37] Anctil, H., & al. (2012). La santé et ses déterminants. Mieux comprendre pour mieux agir. Gouvernement du Québec. Québec: Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux. Récupéré sur http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2011/11-202-06.pdf.

[38] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit.

[39] Malysse, S. (1996). Le propre du sale : Mises en scène de l’hygiène corporelle. Paris: Opus Corpus – Anthropologie des Apparences Corporelles, p. 1.

[40] Elias, N. (1973). Op.cit., p. 234.

[41] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit.

[42] Malysse, S. (1996). Op.cit.

[43] Marche, H. (2003, mars 1). Op.cit.

[44] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit.

[45] Paul, M. (2009). L’accompagnement dans le champ professionnel. Savoirs(20), 11-63. doi:10.3917/savo.020.0011.

[46] Relandeau, A., Cherubini, N., & al. (2009). Accompagnement social personnalisé : Réflexions, méthode et outils d’une approche en travail social de proximité. Lyon: Handicap International, p. 16.

[47] Paul, M. (2009). Op.cit.

[48] IFCCAC. (2014). L’accompagnement collectif et ses outils. Dossiers n°6 de l’€conovie. IFCCAC, p. 3.

[49] UNCCAS. (2017). Prendre soin de soi à travers la pratique d’une activité physique régulière. Consulté en mai 2017, sur Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale (UNCCAS): http://www.unccas.org/prendre-soin-de-soi-a-travers-la-pratique-d-une-activite-physique-reguliere.

[50] De Robertis, C. (2014). L’intervention sociale d’aide à la personne. Rapport du Conseil supérieur du travail social. Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, p. 7.

[51] DASI. (2016). Guide d’élaboration du Contrat d’Engagement Réciproque (CER). Direction de l’Action Sociale et de l’Insertion, p. 18.

[52] Head-König, A.-L. (2015). Assistance. Consulté en mai 2017, sur Dictionnaire historique de la Suisse: http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F25809.php.

[53] Pinilla, J. (2003). Les dix péchés de la dame patronnesse dogme, morale, autorité, déficit méthodologique, ainsi que conservatisme politique et institutionnel. De Boeck Supérieur – Pensée plurielle(5), 57-70. Récupéré sur http://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2003-1-page-57.htm, p. 58.

[54] Garcette, C. (2008). Le service social au temps de Madeleine Delbrêl. Vie sociale(3), 29-32. Récupéré sur http://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2008-3-page-29.htm, pp. 29-30.

[55] Lavaud, D. (2010). La place de l’hygiène dans le secteur médico-social – Entre risque et opportunité. Montpelier: Université Paul-Valéry, Montpelier III.

[56] Ibid.

[57] Paul, M. (2009). Op.cit.

[58] Fustier, P. (1993). Les Corridors du Quotidien. Lyon: Presse Universitaire de Lyon.

[59] Nègre, P. (1999). La quête du sens en éducation spécialisée – De l’observation à l’accompagnement. Paris: L’Harmattan.

[60] De Robertis, C. (1994). Méthodologie de l’intervention en travail social. Paris: Bayard.

[61] Paul, M. (2009). Op.cit., p. 17.

[62] Ibid.

[63] Ibid., p. 21.

[64] Astier, I. (2007). Les nouvelles règles du social. Paris: PUF.

[65] Paul, M. (2009). Op.cit., p. 22.

[66] Relandeau, A., Cherubini, N., & al. (2009). Op.cit., p. 16.

[67] Ibid.

[68] Ibid.

[69] Dauphin, S. (2009). Le travail social : de quoi parle-t-on ? Informations sociales(152), 8-10. Récupéré sur https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2009-2-page-8.htm, p. 9.

[70] Maurel, É. (2000). De l’observation à la typologie des emplois sociaux. Dans C. J.-N., Les mutations du travail social (pp. 25-52). Paris: Dunod.

[71] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit., p. 13.

[72] Masse, R. (2003). Ethique et santé publique. Enjeux, valeurs et normativité. Laval: Les Presses de l’Université Laval, p. 43.

[73] Morel-Chevillet, L. (2009). Op.cit.

[74] Magnin, M. (2015). Op.cit., p. 29.

[75] Ibid., p. 34.

[76] Guillot, N., & Amato, S. (2010). Les travailleurs sociaux : des chercheurs entre communication et action. Empan(78), 145-151. doi:10.3917/empa.078.0145, p. 146.

[77] Zarifian, P. (2010). La communication dans le travail. Intervention faite dans le cadre d’une formation de l’AFCI (Association française de communication interne), le 18 mars 2010. Formation de l’AFCI (pp. 135-146). Bordeaux: Presses universitaires de Bordeaux. doi:10.4000/communicationorganisation.1462.

[78] Ibid., p. 141.

[79] Ibid., p. 142.

[80] Ibid., p. 143.

[81] Ibid., p. 144.

[82] Vengeant, S. (2005). « Communication, Interaction, Strategie ». L’observation des concertations locales enfance dans trois communes du sud des hauts de seine. Mémoire de Maîtrise de sciences de l’éducation. Paris: Université Paris XII, p. 13.

[83] Ibid.

[84] Binet, M. (2016). Communication professionnelle en travail social – DEES – DC3 (éd. 5e édition). Paris: Etude (broché), p. 102.

[85] Ibid.

[86] Guillot, N., & Amato, S. (2010). Op.cit., p. 149.

[87] Ibid.

[88] Courbet, D., Fourquet-Courbet, M.-P., & al. (2013). Communication persuasive et communication engageante pour la santé : Favoriser des comportements sains avec les médias, Internet et les serious games. Publicité et Santé: des liaisons dangereuses ? Le point de vue de la psychologie, 21-46.

[89] Ibid., pp. 149-150.

[90] Vengeant, S. (2005). Op.cit., p. 18.

[91] A voir, par exemple, le Dictionnaire Le Robert, dictionnaire d’aujourd’hui (1991), Paris : Le Robert, p. 193.

[92] Portal, B. (2012, janvier). Cause toujours… De la parole dans le travail social. Le Sociographe(37).

[93] L’on se demande, par exemple, si Emilie fera effectivement ce qu’elle a promis de faire (acheter des couches pour son fils), ou si c’est seulement par courtoisie envers les assistantes sociales.

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