Du corps vécu au corps malade UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles
Institut de Formation en Soins Infirmiers
Clermont-Ferrand
Du corps vécu au corps malade
UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles
Mémoire de fin d’études
SICURO-SAINTIGNAN Sandra
Promotion 2012-2015
Année 2015
Remerciements
Je voudrais remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’élaboration de ce projet de fin d’études :
- Thierry CHAPUT, mon formateur référent et guidant, pour les conseils apportés au cours de l’évolution de mon travail
- L’ensemble de l’équipe du service d’oncologie pédiatrique du CRCTCP ainsi que le service d’hospitalisation de jour du CHU d’ESTAING, avec qui j’ai effectué mon stage, pour sa gentillesse, sa patience, son humanité, pour tout ce qu’elle m’a appris et apporté humainement et professionnellement
- Les cadres de santé, infirmiers et tous les professionnels qui ont accepté de répondre à mes questions, pour le temps consacré et l’aide apportée.
- Mes proches pour leur présence et leur soutien tout au long de l’élaboration de ce travail
- Mes collègues de promotion pour ces trois années à leurs côtés
Ce travail ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de l’auteur et de l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de Clermont-Ferrand.
Table des matières
- PREMIERE PARTIE : PHASE THEORIQUE.. 5
- De la Situation d’appel à la question de départ 5
- Situation d’appel 5
- Analyse de la situation d’appel 7
- Formulation de la question de départ 10
- Problématisation. 12
- Cadre conceptuel 12
- Entretiens exploratoires. 22
- Choix de la problématique. 24
- Question de recherche et hypothèse. 25
- DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE.. 26
- Modèle d’analyse. 26
- Choix de la population. 26
- Choix de l’outil d’enquête. 27
- Type d’enquête et guide d’entretien. 27
- Objectif de l’enquête. 28
- RESULTATS. 29
- Recueil des données. 29
- Synthèse des données. 29
Ces trois années d’études m’ont permis d’avoir une vision d’ensemble du métier d’infirmière et subséquemment une meilleure appréhension de son champ d’action.
Les différentes expériences vécues lors de mes stages m’ont permises, d’une part, de mettre en pratique les différents savoirs théoriques et de me confronter à la réalité du terrain : charge de travail, situations difficiles, violence, souffrance des patients…. une représentation plus fine du métier d’infirmière, d’autre part. Et, s’il y a un aspect du métier qui m’attire tout particulièrement et qui répond à une vraie demande chez les patients: c’est l’aspect relationnel du métier et donc la dimension de « soins relationnels ».
Au cours de mes différents stages, j’ai pu observer l’importance des soins relationnels pour une prise en charge de qualité dans lesquels j’ai pu relever que cette dimension relationnelle prenait un relief encore plus important chez les personnes étant considérées comme plus fragiles et vulnérables sur le plan physiologique et psychologique , comme par exemple la population des enfants, la population des personnes âgées, ou bien encore les personnes atteintes d’une pathologie chronique ou les personnes en situation de handicap.
Les expériences vécues lors de mes stages m’ont également permis de constater qu’un accompagnement infirmier auprès de patients en situation de vulnérabilité, dans une grande souffrance psychologique, était capital. J’ai pu le constater lorsque j’ai été en immersion dans un service de psychiatrie, ou bien encore dans un service de cardiologie, mais c’est surtout dans le service d’oncologie pédiatrique que la relation soignant-soigné a pris une dimension encore plus différente et importante de même que la notion d’accompagnement qui s’avère capitale. C’est pour cela que j’ai voulu centrer le sujet de mon mémoire sur cette population, dans cette unité de soins et sur cette thématique qu’est l’accompagnement de l’enfant en situation de souffrance psychologique.
En partant d’une situation d’appel qui aboutit à la question de départ, la première partie de ce travail développe les concepts clefs qui lui sont inhérents et qui m’ont permis, suite à des entretiens exploratoires, d’étayer mes connaissances et de formuler une question de recherche. Une hypothèse a ensuite été émise afin d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation.
La deuxième partie porte sur la méthodologie employée dans le cadre de ce travail, notamment l’argumentation du choix de la population cible et de l’outil d’enquête adapté.
La troisième partie correspond à la phase empirique qui se compose d’une analyse des résultats obtenus après la phase d’enquête et d’une discussion autour de ces derniers avant de terminer avec la conclusion qui va permettre de mettre en avant les éléments de réponse à la question de recherche tout en envisageant de nouvelles pistes de réflexion.
I. PREMIERE PARTIE : PHASE THEORIQUE
A. De la Situation d’appel à la question de départ
1. Situation d’appel
Diverses situations m’ont interpellées lors de mon stage en oncologie-hématologie pédiatrique qui accueille des enfants de 0 à 20 ans, avec une capacité totale de 25 lits comprenant : un secteur classique de 7 lits, un secteur protégé avec 1 bulle pédiatrique, 2 flux bulle, 4 chambres en Iso 5 (avec traitement de l’air), l’hôpital de jour (7 lits) et le service d’aphérèse (4 lits).
Ce service prend en charge les pathologies suivantes :
- Hématologie : Leucémies aigues lymphoblastiques, myéloblastiques, lymphomes de Hodgkin, Lymphomes non hodgkinien, déficits immunitaire, PTI…
- Oncologie :
- Tumeurs abdominales, cérébrales, osseuses, neuroblastomes, néphroblastome…
- Réalisation d’auto et d’allogreffes de moelle osseuse, de greffes de sang de cordon, de réinjection de cellules souches périphériques.
Tout d’abord, le cas d’une jeune fille de 12 ans, atteinte d’une leucémie aigue lymphoblastique, diagnostiquée en Septembre 2014 et hospitalisée en février 2015 pour une aplasie fébrile subséquente à une chimiothérapie intensive m’a interpellée. Suite à sa dernière cure de chimiothérapie, Marie (prénom fictif que j’ai choisi pour garantir l’anonymat de cette patiente) souffre d’une mucite anale et buccale ainsi-que de myalgies au niveau des membres inférieurs. Marie mesure 143,6 cm et pèse 32,6 kg à son arrivée, son IMC est donc égal à 15,8. Elle est fille unique. Elle vit chez ses parents. Son père est Informaticien et sa mère exerce la profession de Maître de conférences.
Bien que très entourée par ses parents dont au moins l’un est toujours présent auprès d’elle dans la chambre, la petite fille a émit à l’infirmière puéricultrice, lors d’un soin, le fait de ne plus vouloir manger par peur de prendre du poids, de grossir. Les préoccupations de cette jeune fille en lien avec son corps avaient déjà été relatées dans son dossier de soin par les infirmières qui avaient ciblé cette problématique corporelle chez Marie. Tout d’abord au début de la prise en charge dès l’annonce du diagnostic, ce qui est souvent le cas mais aussi un peu plus tard en Novembre 2014, suite à sa cure de chimiothérapie, Marie ne s’alimentait plus beaucoup et perdait du poids, un traitement avait donc été prescrit, dont une réhydratation et une réalimentation par sonde nasogastrique.
En lui demandant les raisons de ses préoccupations, elle répond que les corticoïdes la font grossir, qu’elle a pris des joues de hamster, que ses jambes sont grosses et qu’elle ne se reconnait plus, d’autant plus que la chimiothérapie lui a fait perdre tous ses cheveux. L’infirmière essaie alors de la rassurer en lui expliquant que les traitements qu’elle prend ont effectivement des effets secondaires (alopécie, perte ou prise de poids..) sur l’image corporelle qui sont réversibles, que cela fait partie du processus du traitement. Elle l’écoute et la réassure en lui expliquant que la façon dont elle se percevait était en décalage avec la réalité, qu’elle n’avait effectivement plus le même physique puisqu’elle avait perdu ses cheveux et ses sourcils, que sa peau était un peu plus sensible mais qu’elle restait la même jeune fille, âgée de 12 ans maintenant alors qu’elle en avait 11 lorsque la maladie a été diagnostiquée, aussi charmante et jolie que lorsqu’elle a été hospitalisée en Septembre. La petite fille semblait un peu plus rassurée mais apparemment pas complètement convaincue par la réponse de l’infirmière.
L’ayant prise en charge durant son hospitalisation, j’ai pris la décision d’essayer de l’aider à résoudre sa problématique corporelle. Un soir, je lui ai apporte son plateau repas et le dépose dans sa chambre. Ses parents étaient tous deux présents. Lorsque je suis allée ramasser le plateau, je me suis rendue compte qu’elle n’avait quasiment rien mangé à part une pomme cuite. Je lui ai alors demandé pourquoi elle n’avait presque pas mangé. Elle évoquait alors, très souvent ne pas avoir faim ou avoir des allergies (betteraves par exemple ou d’autres aliments). Je lui ai alors dit qu’il ne fallait pas qu’elle se force si elle n’avait pas faim et cherchais dans le même temps à comprendre pourquoi elle refusait de manger. Etait-ce en raison de sa mucite buccale, pas particulièrement douloureuse ce jour là d’autant plus qu’elle faisait régulièrement ses soins de bouche, qu’elle suivait un traitement antifongique ainsi qu’un traitement antalgique de pallier deux ? Etait-ce un effet secondaire des traitements qu’elle prenait, sachant qu’elle prenait principalement des antibiotiques par rapport à son aplasie et des antalgiques par rapport à la douleur de la mucite ? Ou bien était ce tout simplement en lien avec la préoccupation de son image corporelle, et plus particulièrement avec le fait qu’elle ait peur de grossir ? Ce même jour, elle a participé à un atelier cuisine avec l’éducatrice de jeunes enfants, durant lequel elle a fait des crêpes pour tous les enfants du service alors qu’elle n’a pas voulu en manger. Je lui ai alors demandé pourquoi, elle m’a dit qu’elle n’avait pas faim. J’ai donc repensé à cette situation où elle a furtivement évoqué ce problème d’image corporelle.
Le lendemain, alors-que les globules blancs et les polynucléaires neutrophiles commençaient à bien remonter, Marie avait une permission autorisée par le médecin de 3h. Ce jour là, il faisait très beau, grand soleil. Avec une infirmière, nous sommes allées débrancher ses perfusions pour qu’elle puisse sortir. Sa mère qui était présente ce jour là, était entrain de manger dans une salle dédiée aux parents sachant-que dans le service les parents ne peuvent pas manger dans les chambres ni apporter de la nourriture à leur enfant. Avant de quitter la chambre alors-que je me trouvais seule avec elle, je lui ai dit qu’elle était très jolie avec sa perruque. Elle sourit et dit « merci mais moi je préférais mes vrais cheveux ». Je la rassure alors en lui disant que ces vrais cheveux allaient repousser et qu’ils seraient encore plus beaux qu’avant. En partant avec ses parents, je fis un signe d’au revoir à Marie, m’approche d’elle et lui dit « Profites bien de ton après-midi Marie, il fait très beau tu vas pouvoir profiter du soleil en te protégeant bien sûr (je lui signifie par là même qu’il est important qu’elle mette ses lunettes de soleil et qu’elle ne reste pas exposée au soleil en raison de la fragilité de sa peau) et faire une petite promenade » .Lorsqu’elle est revenu de sa sortie à 17h, je vais dans sa chambre pour la rebrancher avec l’infirmière. Ses deux parents étaient présents. Je lui demande alors si elle a bien profité de son après-midi. Elle me répond brièvement par l’affirmative. Pensant qu’elle avait profité du beau temps, je lui demande alors où elle était allée se promener ? Elle me répond alors qu’elle était rentrée chez elle et qu’elle était restée sur l’ordinateur toute l’après-midi, et qu’elle était allée sur Facebook. Très surprise, je lui dis alors « Tu n’as pas voulu aller te promener » ce à quoi elle me répond « Non, je préfère rester seule chez moi »
Ensuite, le cas d’une jeune fille de 11 ans, atteinte d’une leucémie aigue myéloblastique de type 5 avec envahissement du système nerveux central, qui a été hospitalisée un long moment dans le service, suite à une allogreffe de moelle osseuse. Cette jeune fille, confrontée à une perturbation réelle de son image corporelle, m’a également interpellé. Lors d’une discussion avec une infirmière du service, elle m’avait expliqué que cette jeune fille, suite à l’alopécie acceptait très mal la situation et avait refusé de prendre sa douche sans sa perruque. De même, elle m’avait expliqué, qu’elle acceptait très mal le port de sa sonde nasogastrique, et que de plus elle se cachait très souvent sous ses draps lorsqu’on rentrait dans sa chambre.
Lors de mon stage, j’ai eu l’occasion de croiser cette jeune fille à l’hôpital de jour. Lorsque je me suis occupée d’elle avec l’infirmière, je lui ai demandé de bien vouloir ôter ses habits pour se peser. L’infirmière lui précisant alors de bien vider sa vessie, la jeune fille sourit et monta sur la balance tout en annonçant son poids, toute fière d’avoir pris du poids. En effet elle pesait 44kgs, elle mesure 1,67 m et pèse ce jour là 44 kilos, son IMC est alors de 15,82. Cette jeune fille que j’appellerai Charlotte pour garder son anonymat, a pris alors 4 kilos depuis plusieurs semaines. Elle dit alors : « c’est bon, je suis dans les normes, vous allez pouvoir m’enlever ma sonde ». Je lui demandais alors discrètement si sa sonde lui procurait une quelconque gêne, telle qu’une gêne à la déglutition par exemple. Elle me répondit alors, qu’elle ne supportait plus se voir dans la glace avec cette sonde. Sa réponse m’a alors interpellée. A ce moment même, le médecin du service rentre dans la chambre de Charlotte et la salue. Elle lui explique les soins que nous devions lui faire : réfection du pansement du cathéter central (KT de Broviac), prélèvement sanguin pour voir l’évolution de la maladie, et prise du poids ce qui est fait pour chaque enfant qui entre en hôpital de jour, de manière à avoir un suivi du poids. Le médecin interroge Charlotte sur son poids. Celle-ci lui annonce avec beaucoup de fierté son poids et lui demande « Combien de temps vais-je encore garder cette sonde ? » Le médecin, paraissant plutôt content du fait qu’elle ait pris du poids et ce, grâce en partie à l’alimentation via la sonde nasogastrique, lui signifie alors qu’elle allait pouvoir lui retirer bientôt si tout continuait à évoluer dans le bon sens, mentionnant par là même qu’il s’agissait de l’histoire de 2 à 3 semaines dans le meilleur des cas tout de même. La jeune fille esquissa un grand sourire. Je compris alors que la problématique de l’image corporelle était bien présente également chez cette jeune fille.
2. Analyse de la situation d’appel
Les cas de ces jeunes filles, outre mes différentes lectures m’ont fait prendre conscience que les effets secondaires touchaient grandement l’image corporelle, surtout l’alopécie, et sont souvent mal vécus. D’autant plus qu’ils apparaissent très rapidement, après le début de la mise en place des thérapeutiques et juste après l’annonce du diagnostic, sans aucun temps de préparation. Et cette perturbation a, de mon point de vue, un impact sur le psychisme des enfants.
Dans le cas de Charlotte : il m’est un peu plus difficile d’en faire l’analyse du fait que je ne l’ai vu qu’une seule journée, en hôpital de jour, que je n’ai que très peu d’éléments sur son dossier (situation familiale, loisirs, vie sociale.) et que la préoccupation de son image corporelle m’a été relatée par les infirmières du service. Néanmoins, je pense que cette jeune fille s’inscrit totalement dans ce type de problématique corporelle. J’ai trouvé qu’il était intéressant d’en faire le récit, car elle met en avant les risques que peuvent engendrés une non prise en compte de ces souffrances chez ces jeunes par les soignants et l’équipe médicale : un risque de non adhésion au projet thérapeutique, un risque de repli sur soi et de glissement progressif vers la dépression ou bien encore parfois un risque de conduite à risque (anorexie et refus de s’alimenter, refus des traitements, prises de substances toxiques…)
Dans le cas de Marie : elle est arrivée dans le service dans un contexte un peu délicat. C’est lors de sa visite en hôpital de jour, où il est apparu qu’elle était en aplasie fébrile (38.6° de fièvre), que les parents de Marie ainsi-que la jeune fille ont compris qu’elle devait être hospitalisée au motif de cette aplasie fébrile. Entre les cures de chimiothérapie, les enfants peuvent généralement rentrer chez eux. Ils sont alors suivis en hôpital de jour pour recevoir les examens et traitements nécessaires (prélèvements sanguins qui permettent de réaliser un hémogramme ou une numération de formule sanguine (NFS) dans le but de surveiller l’aplasie. L’aplasie est une diminution du nombre des cellules du sang qui sont : les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes, toutes ces cellules étant fabriquées dans la moelle osseuse. L’aplasie se manifeste très souvent après les cures de chimiothérapie ou radiothérapie ou pendant la maladie. Dans le cas de Marie, elle fait suite à sa cure intensive de chimiothérapie. L’aplasie est plus ou moins importante selon la phase ou la période du protocole. Un enfant est considéré en aplasie lorsqu’il a moins de 500 polynucléaires par mm3. A la visite de Marie en hôpital de jour, voici les résultats du prélèvement sanguin.
- PNN : 0,441
- Hb : 8 g/dl
- Plaquettes : 72
- La CRP de Marie est de 20,6
Marie a donc été hospitalisée dans le secteur classique et mise en isolement simple. Dans ce secteur classique, l’un des parents peut dormir auprès de son enfant. L’isolement simple signifie qu’il faut obligatoirement pour les soignants comme pour les visiteurs (sachant qu’il ne faut pas plus de deux personnes par chambre), procéder au port d’un masque et à un lavage des mains avec une solution hydro-alcoolique dans le sas avant d’entrer dans la chambre. L’enfant en aplasie n’est pas autorisé à sortir de sa chambre. Les parents ne sont pas autorisés à s’asseoir dans le lit. De même, ils ne peuvent manger dans la chambre de leur enfant et ne doivent amener aucun aliment extérieur. Les plats préparés sont protégés et conditionnés. Les aliments proposés tiennent généralement compte d’un régime particulier à suivre car certains aliments peuvent être contaminés par des germes (régime valable pour tous les enfants pendant toute la durée du traitement pour prévenir les infections). L’eau du robinet est par exemple proscrite. Les enfants ont toujours de l’eau minérale plate ou gazeuse en petit conditionnement. Cet isolement est parfois mal vécu surtout lorsque l’enfant, lors d’une simple visite, apprend qu’il doit être hospitalisé du fait qu’il est en aplasie fébrile.
Après avoir échangé avec les infirmières, elles m’expliquaient que les parents de Marie étaient très anxieux et qu’il arrivait régulièrement que Marie soit hospitalisée pour de petites aplasies, me signifiant ainsi que cela pouvait rassurer et sécuriser les parents mais aussi au final l’enfant. Cela m’a fait prendre conscience à quel point la découverte d’une pathologie grave d’un enfant dont le pronostic vital peut à un moment donné être engagé peut être traumatisant pour la famille. Depuis 6 mois, la famille de Marie semble bouleversée. Leur quotidien semble être centré sur leur fille. Les parents de Marie, complètement accaparés par leur fille et son traitement, ont tout deux aménagé leur temps de travail pour être le plus possible auprès de leur seule et unique fille. Toute la vie du couple est alors centrée sur celle de leur fille. L’entourage familial proche et soutenant de Marie est très réduit : sa tante qui est médecin pédiatre est très présente et les soutient énormément. Les parents de Marie semblent à la fois très proches de leur fille puisque très présents et disponibles mais paradoxalement un peu éloignés d’elle, comme s’ils voulaient éviter de lui faire part de ce qu’ils ressentent réellement. Par exemple, quatre jours après son hospitalisation, le père de Marie sortit de la chambre et demanda au médecin qui lui avait annoncé que Marie commençait à sortir d’aplasie, s’il pouvait la prendre dans ses bras. Le médecin avait alors répondu que même en aplasie il n’était pas proscrit de faire des câlins aux enfants.
Tout ceci m’a donc questionné sur le retentissement psychique que peut induire le changement de l’image corporelle chez un jeune adolescent. Comment Marie perçoit- t’elle le fait que ses parents conservent une certaine forme de distance malgré la proximité que semble avoir leur relation ? N’a-t-elle pas un impact sur son image corporelle ? Si nous supposons que les parents ne lui avaient pas véritablement expliqué pourquoi ils ont cette retenue et pourquoi ils ne la prennent plus dans leur bras, est-ce que Marie pourrait dans ce cas être amenée à penser que cela puisse être en raison du fait qu’elle est malade et que son image corporelle est perturbée ? Ne peut-il pas y avoir de lien de cause à effet dans cette situation ? Cette forme de distance, de pudeur ou encore de retenue des parents, qui revêt une caractéristique protectrice vis-à-vis de leur fille, à t’elle toujours été présente ou bien est-elle le fait de la maladie de leur fille ?
En discutant avec les infirmières, j’ai appris que les parents de Marie avaient une vision que certains peuvent considérer comme « rigide », que je considère comme étant une vision très personnelle. Par exemple, la mère de Marie est végétarienne. Est-ce que cela n’aurait pas indirectement un impact sur la vision que Marie a de son corps ?
De plus, en discutant avec Marie en présence de ses parents, j’ai appris que Marie poursuivait sa scolarité à domicile comme de nombreux enfants atteints de pathologie chronique, qui nécessite de fréquentes hospitalisations. Marie poursuit des cours avec un organisme le SAPAD, qui s’est mis en relation avec son établissement scolaire afin-que les professeurs de son collège se relaient pour donner des cours au domicile de Marie. Cela signifie donc que Marie suit le même programme que ses copains et copines. Lorsqu’elle m’expliquait cela, j’en profite alors pour lui souligner que c’était très bien et que c’était également un très bon moyen pour rester en contact avec ses professeurs mais aussi avec ses copains et copines. C’est alors, au vu de sa réponse « je ne vois quasiment plus personne à part une copine qui vient de temps en temps me voir » que je compris que Marie n’avait plus beaucoup de relations sociales. Le sujet me semblait un peu délicat à aborder, tout d’abord du fait de ma position d’étudiante, car je n’avais pas alors assez de recul ni assez de connaissances sur son dossier et sur sa pathologie mais aussi du fait de la présence quasi-permanente des parents dans la chambre. J’ai juste rétorqué à Marie que j’étais sûre et certaine que ses copains et copines de collège pensaient bien à elle et que même si elle n’avait plus qu’une seule copine qui venait la voir, cela était déjà précieux, que ses camarades de classe ne l’avaient pas oubliée et qu’elle avait la chance d’être entourée par sa famille. A cet instant même, je vis ses parents esquisser un grand sourire.
J’ai donc pris conscience que, bien-que les raisons qu’invoquent Marie concernant sa peur de grossir soient rationnelles, puisqu’elle fait directement le lien avec les corticoïdes qui n’ont été arrêtés juste au début de son hospitalisation, il y avait très certainement des liens intrinsèques à son éducation, à son parcours de vie ou bien même à son entrée dans l’adolescence.
3. Formulation de la question de départ
Concernant l’adolescent, je me suis alors fait la remarque qu’il était aussi intéressant de considérer la souffrance psychologique de l’enfant induit par ces changements corporels que de s’intéresser à son éducation, au rôle de la famille et donc à la triade familiale (mère+père+enfant). De même, nous ne pouvons traiter cette problématique corporelle sans comprendre le fonctionnement d’un jeune adolescent ? Entrer dans l’adolescence que cela signifie t’il précisément ? Quels sont les principaux changements auxquels les adolescents sont confrontés ? Besoin d’autonomie vis-à-vis des parents, entrée dans la puberté induisant donc des changements corporels, quête d’identité…
Ensuite, par rapport à la pathologie de l’adolescent et à l’hospitalisation, il est intéressant de se pencher rapidement sur l’aspect législatif : que dit la loi sur la prise en charge des adolescents atteints de pathologies lourdes ? Je me suis dit également que nous ne pouvions faire l’économie de comprendre la pathologie cancéreuse tout en restant concentré sur la leucémie, les traitements ainsi-que les effets indésirables qu’ils engendrent, la particularité de la prise en charge de cette pathologie (soins de support par exemple).
De plus, il est important de comprendre les modifications qui sont de l’ordre de la maladie et celles qui sont de l’ordre de l’adolescence ? Cette sorte de dichotomie n’est elle pas perturbatrice chez ces enfants adolescents ? Qu’est ce que l’adolescent peut découvrir derrière cette partie du corps modifiée ou atteinte ? Comment peut-il réagir face à cette situation et pourquoi réagit-il ainsi ? Et donc, quels mécanismes de défense et stratégies d’adaptation va-t-il mettre en place pour affronter la situation ? Dans le cas de Marie, sa stratégie d’adaptation pour contrer la problématique de perturbation corporelle est de réduire drastiquement son alimentation, de mettre sa perruque à chaque fois qu’elle sort de l’hôpital (conformément à la demande de ses parents selon les infirmières) et donc qu’elle rentre à nouveau en contact avec le monde extérieur, ou bien encore de limiter les contacts sociaux (copains, copines) de peur de les choquer ou d’induire un sentiment de pitié. Quelle place la famille joue t’elle dans cette situation ? Est-elle réellement préparée à ces changements chez leur enfant ? Comment est elle accompagnée ?
Enfin, du côté des soignants, plusieurs questions ont également émergés. Tout d’abord, des questions par rapport à l’adolescent face à son corps. Il est connu et reconnu que les effets secondaires, impactant l’image corporelle sont très significatifs chez les jeunes adolescents en pleine construction identitaire, qui se retrouvent confrontés à la fois au changement corporel qu’induit l’adolescence mais aussi aux changements corporels induits par la maladie et les traitements. Comment ces jeunes et leur famille sont-ils accompagnés ? Que doit-on savoir, faire de la souffrance psychique de l’adolescent et de sa maladie, de la construction psychologique qu’il se fait ? Comment identifier ses besoins ? L’entrée dans l’adolescence ou l’adolescence complique t- elle la prise en charge des soignants ? Si oui, en quoi la complique t’elle ? Comment s’octroyer la confiance d’un adolescent ? Quelle doit être la distance professionnelle à adopter vis-à-vis d’un adolescent ?
Ceci m’amène donc à des questions concernant plus particulièrement le soignant et la prise en charge de ce type de patient. Je pense qu’il est important, en tant que soignant, de comprendre dans quelle phase de deuil se situe l’adolescent (deuil de la vie d’avant, deuil de l’ancien corps…) pour accompagner au mieux ces jeunes à l’acceptation de leur maladie, de la prise en charge hospitalière dans un premier temps, celle-ci intervenant juste après l’annonce du diagnostic, puis à l’acceptation extrahospitalière (hôpital de jour, domicile qui induit des règles de vie souvent assez strictes).
De même, je pense qu’il est important de comprendre du point de vue des soignants la relation au sens large qu’ils tissent avec ces jeunes adolescents (relation soignant-soigné), les particularités de cette relation.
Par ailleurs, il est important de comprendre les difficultés auxquelles les soignants peuvent être confrontés dans ce type de prise en charge, de comprendre les éléments qui permettent de favoriser ou de perturber une relation de confiance et donc de comprendre comment cette relation de confiance se crée et par quel biais ? Quid de l’alliance thérapeutique ?
Tous ces paramètres sont donc à considérer dans une prise en charge de qualité car de cela dépend la bonne adhésion aux soins et donc la prise en charge dans sa globalité. De toute cette analyse, j’en déduis donc ma question de départ suivante :
En quoi l’infirmière, en Unité d’Oncologie Pédiatrique, peut-elle accompagner le jeune adolescent touché par une pathologie cancéreuse dans un cheminement personnel face à la maladie et aux conséquences de la prise en charge?
B. Problématisation
Au regard de cette question de départ, je vais d’abord développer différents concepts qui constitueront le cadre de référence de mon travail de fin d’études.
Il s’agit tout d’abord d’expliciter la pathologie cancéreuse tout en se concentrant sur la leucémie aigue (leucémie aigue lymphoblastique et leucémies aigues myéloblastique) qui est la pathologie la plus courante, les traitements ainsi-que leurs principaux effets secondaires, notamment ceux ayant un retentissement sur l’image corporelle. Je développerai ensuite la prise en charge de l’adolescent en phase aigue c’est à dire dès l’annonce du diagnostic et tout au long de la maladie (mais d’une manière moins étayée).
Je développerai ensuite le concept de l’accompagnement et donc la relation de soins dans laquelle s’inscrivent les infirmiers et tous les soignants pour accompagner et donc aider ces jeunes à accepter leur maladie et donc d’une certaine manière à faire le deuil d’une vie d’avant et d’un corps d’avant.
Je relaterai les entretiens exploratoires effectués auprès des professionnels m’ayant permis de valider cette question de départ.
1. Cadre conceptuel
Le cancer, devenue maladie fréquente, met en jeu le pronostic vital du patient malgré les progrès réalisés ces derniers temps. De ce fait, le retentissement psychologique est non négligeable, et figure parmi les priorités dans le traitement de la maladie, d’autant plus que les traitements, ne garantissant pas forcément la guérison, induisent des effets secondaires, des séquelles compte tenu de leur toxicité apparente.
Il importe de prendre charge du patient afin de lui assurer une amélioration de sa qualité et sa quantité de vie, outre l’espoir de la guérison. D’ailleurs, selon le professeur Jean Bernard : « Il faut ajouter de la vie aux jours lorsque qu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie »[1].
a) Le cancer chez l’enfant
Maladie rare qui est toutefois la seconde cause de mortalité pour les enfants, le cancer chez l’enfant représente 1 à 2 % de l’ensemble des cancers dans les pays développés. 2000 cas de cancer sont recensés chaque année en France, dont 400 chez les adolescents âgés entre 15 ans et 18 ans. Il est à noter que la forme des cancers diffère chez les adultes et les jeunes, notamment les enfants.
L’essentiel pour le soignant repose donc et sur la prise en charge de la maladie, et la considération du patient enfant dans toute sa dimension humaine.
Le cancer résulte de la multiplication anormale et incontrôlée de cellules devenues pathologiques subséquemment à des anomalies génétiques qui sont à l’origine de mutations successives. D’ailleurs, ces cellules, dites cancéreuses ne peuvent se différencier et les mécanismes physiologiques de division ainsi que de l’apoptose y sont inhibés.
De plus, le cancer «se caractérise par l’apparition de tumeurs malignes constituées par la prolifération anarchique et indéfinie des cellules d’un tissu. Les cellules tumorales sont des cellules transformées suite à des anomalies génétiques. Ces cellules peuvent migrer dans des tissus voisins et y former des métastases»[2].
Chez l’enfant, la moitié des cancers surviennent avant l’âge de 5 ans, dès fois à la naissance. Les principaux cancers rencontrés chez les enfants sont récapitulés dans le tableau suivant :
Tableau 01 : Principaux cancers rencontrés chez l’enfant
Type de cancer | Organe ou tissu d’origine |
Leucémie | Moelle osseuse et sang |
Lymphome | Ganglions et système lymphatique |
Néphroblastome | Reins |
Neuroblastome | Glandes surrénales et système nerveux sympathique |
Ostéosarcome, tumeur d’Ewing | Os |
Rhabdomyosarcomes et autres sarcomes des parties molles | Muscles et tissus de soutien |
Rétinoblastome | Rétine |
Tumeur cérébrale | Cerveau et moelle épinière |
Autres tumeurs | Ovaires, testicules, système nerveux central, thorax, abdomen |
Il n’y a pas de symptômes spécifiques au cancer, les signes d’appel étant souvent trompeurs, et sont également rencontrés dans des maladies à la fois bénignes et fréquentes chez l’enfant. Le diagnostic du cancer repose donc sur la pratique d’examens biologiques et radiologiques conjointement à la persistance de symptômes qui peuvent se traduite par :
- une pâleur
- fatigue
- Fièvre
- perte d’appétit
- douleurs osseuses ou articulaires
- hématomes
- douleurs abdominales
- maux de tête
- déficit visuel
- troubles de la marche
- chutes
- torticolis
- vomissements répétés…
Le délai entre l’émission de diagnostic et l’apparition des symptômes est selon le type de cancer qui dépend de l’organe ou du tissu d’origine du cancer. Effectivement, cela peut varier de quelques jours à des mois.
b) Les leucémies aiguës
Forme de cancer fréquemment rencontrée chez l’enfant, les leucémies aiguës représentent environ 30% des cancers de l’enfant et se répartissent en leucémies aiguës dans la plupart des cas, environ 95% à 97%, et en leucémies chroniques dans 3% à 5% des cas.
Par un mécanisme de proliférations malignes du tissu hématopoïétique, les leucémies aiguës touchent la moelle osseuse et se traduisent par l’accumulation de cellules immatures bloquées à un stade précoce du processus de l’hématopoïèse.
Deux principaux types de leucémies peuvent se rencontrer :
- les leucémies aiguës lymphoblastiques
- les leucémies aiguës myéloblastiques
(1) Les leucémies aiguës lymphoblastiques
Les leucémies aiguës lymphoblastiques se caractérisent par une affection hématologique maligne qui se traduit par une prolifération au niveau de la moelle de clones de précurseurs lymphoïdes malins qui ont mués affectant ainsi la lignée des lymphocytes qui sont des cellules du système immunitaire.
(2) Les leucémies aiguës myéloblastiques
Les leucémies aiguës myéloblastiques affectent les cellules de la moelle osseuse responsables de la formation des globules rouges, des plaquettes et des polynucléaires suite à la prolifération anarchique sans différenciation des progéniteurs des polynucléaires ou des monocytes. Les leucémies aiguës myéloblastiques se caractérisent de ce fait par : une anémie, une neutropénie ou encore une thrombocytopénie.
c) Adolescence
Tiré du latin « adolescere » qui traduit l’être en pleine croissance qui grandit, l’adolescence s’avère être une période marquante de transition dans le développement de l’enfant vers l’âge adulte qui se caractérise par des transformations fondamentales tant au niveau physique, que social ou encore culturel.
D’après Emmanueli M : « L’adolescence est une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, débutant à la puberté et se terminant vers18-20 ans. Ce terme recouvre une situation complexe dont rend compte le champ sémantique qui y est associé : puberté, jeunesse mettant en jeu des données d’ordre physiologique, psychologique, culturel et social qui interagissent diversement en fonction des époques et des sociétés »[3].
Selon l’OMS, l’adolescence est « la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans. Elle représente une période de transition critique dans la vie et se caractérise par un rythme important de croissance et de changements qui n’est supérieur que pendant la petite enfance. Les processus biologiques conditionnent de nombreux aspects de cette croissance et de ce développement, l’apparition de la puberté marquant le passage de l’enfance à l’adolescence. »[4].
Psychologiquement, Store & Church définissent l’adolescence comme : « Un état d’esprit, une manière d’être qui débute à peu près à la puberté et se termine lorsque l’individu a acquis son indépendance d’action. C’est à dire lorsqu’il est socialement et émotionnellement mûr et qu’il possède l’expérience et la motivation nécessaire à la réalisation du rôle d’adulte »[5]. De plus, Bee de cadrer l’adolescence comme une « période de transition durant laquelle, l’enfant change physiquement, mentalement et cognitivement pour devenir adulte »[6].
L’adolescence se définit alors par une période de transition entre l’enfant et l’adulte qui est marquée par divers changements notamment biologiques, sociaux et culturels. De plus, les changements s’opérant durant cette période déterminent et influent grandement sur le domaine sociocognitif de l’adolescent qui voit notamment son corps se transformer, prendre forme.
De ce fait, son identité, de même que son estime et concept de soi dépendent donc fortement de l’adolescence. En effet, il devient plus autonome, voire indépendant par rapport à ses parents, il s’affirme et s’engage dans ses choix sociaux, sexuels … ce qui n’est pas chose facile, d’où la naissance de certains conflits.
L’adolescence est ainsi une période de vulnérabilité durant laquelle l’adolescent bien que cheminant vers l’âge adulte est sans défense, il bat de ses propres ailes et peut se sentir déstabilisé. A l’adolescence, l’enjeu identitaire est important, enjeu subséquent aux divers changements qui ont surtout modifié son image corporelle. Indéniablement, l’adolescent doit faire le « deuil » de son corps d’enfant pour pouvoir endosser et accepter son corps d’adulte, ce qui rend vulnérable, fragile l’adolescent. D’ailleurs Françoise Dolto de dire : « L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même »[7].
Durant cette période, l’adolescent est ainsi en quête de son concept du soi, de son estime de soi en cherchant à se construire.
d) Psycho Oncologie : approche psychologique du jeune cancéreux : Annonce du diagnostic
Pénibles, l’annonce du diagnostic de même que celui du déroulement de la maladie et des traitements affectent fortement et l’enfant et sa famille, surtout que le pronostic vital est en jeu. Le moment de l’annonce du diagnostic, moment fort important et essentiel, se doit alors d’être accompagné. D’ailleurs, de profonds retentissements émotionnels émergent souvent à l’annonce du diagnostic complémentairement au manque de compréhension de la famille, surtout des parents qui s’en trouvent désemparés. La période de la vie, lors de l’annonce du diagnostic s’avère être un facteur capital de la maladie. Effectivement, le développement personnel du patient dépend fortement de certains moments de la vie qui sont marquants, voire cruciaux comme l’entrée dans la vie adulte ou encore le passage à l’adolescence : «C’est lors des crises liées au déroulement du cycle de vie que la maladie cancéreuse et ses conséquences sont les plus difficiles à gérer»[8].
Les conséquences psychologiques de la maladie, ainsi que son évolution, en dépendent donc fortement. Il est ainsi essentiel de tenir compte de l’annonce du diagnostic aux parents, qui peuvent avoir des réactions de révolte, d’incompréhension et de désespoir, avant l’annonce à l’enfant. Incontestablement, il faut donner du temps aux parents afin qu’ils prennent conscience des risques mais aussi de l’espoir de survie, selon l’avancée de la maladie et sa spécificité. Il est en effet requis de fonder cette alliance dite thérapeutique avec les parents de l’enfant cancéreux étant donné que ce sont ses derniers qui accompagneront principalement et psychologiquement l’enfant durant toute sa maladie, et peut-être en fin de vie. L’annonce à l’enfant est donc fonction du temps et du niveau de compréhension des parents, surtout de leur consentement à informer l’enfant bien qu’il y ait une Convention Internationale des droits de l’enfant du 20 Novembre 1989, la Charte européenne de l’enfant hospitalisé, circulaire DHOS/O n° 2004-161 du 29/03/2004 relative à l’organisation des soins en cancérologie.
Lors de l’annonce, l’information donnée par le médecin se doit de s’adapter à l’âge de l’enfant tout en étant claire et concise, notamment sur le traitement et l’évolution de soins en fonction de la maladie. Il est en effet fondamental de savoir que l’enfant peut sentir, percevoir la gravité de son état par la détresse, le comportement reflété par ses parents, il ne faut donc rien lui cacher. D’ailleurs, le manque d’information, considéré comme un silence entraîne chez lui une crise d’angoisse et de frayeur par rapport à la réalité qu’est sa maladie.
e) Réactions face au cancer : perturbation de l’image corporelle
D’une manière générale, les modifications corporelles qui entraînent des perturbations de son image corporelle, sont les conséquences des traitements contraignants du cancer qui engendrent fréquemment l’alopécie (chimiothérapie) ou encore une prise de poids marquée (corticoïdes) et au pire l’amputation (chirurgie). Outre ces impacts sur le physique, les traitements s’avèrent également fatigants : nausées, vomissements, asthénie, douleurs …
Les atteintes tant physiques que morales de l’enfant sont à l’origine de déficit d’identité qui peut conduire à une perte de son concept de soi, de son estime de soi et de pis en pis vers la dépression, voire même le désespoir. Les conflits dont l’apparition se traduit par des comportements typiques émergent :
- L’enfant est dans le déni et refuse de parler de sa maladie, voulant se convaincre qu’il a le contrôle, il peut encourir des risques insensés, juste pour son estime.
- La dépression accompagnée de réels troubles inquiétants ralliant angoisse, troubles du sommeil, problèmes sociocognitif qui fragilisent grandement le psychique de l’enfant.
- Un mécanisme de défense, d’angoisse qui se manifeste par la violence, la tyrannie envers son entourage. Défense qui traduit une réelle souffrance, inquiétude et détresse de l’enfant malade, cancéreux.
En termes d’image corporelle :
« La métamorphose dont l’adolescent va être l’objet lui est imposé. Il n’en choisit ni le temps, ni le lieu, ni les composantes. L’adolescent est l’objet de multiples transformations physiques, psychologiques, affectives et sociales. Au cœur de la métamorphose, la rencontre avec le cœur sexué. Renoncer à son corps d’enfant n’est pas une mince affaire, celui-ci étant le garant d’une sécurité acquise au cours des années.
(…) Le processus global qui organise l’ensemble de ces transformations engage l’adolescent dans un triple remaniement quant à la relation avec son corps sexué, son identité psychique et son environnement.
Le corps est ce par quoi le changement va advenir. C’est le corps du sujet qui est au cœur de l’adolescence, un corps en transformation, un corps en identification, un corps en cours de sexualisation. Il existe des pubertés paisibles, mais il arrive aussi qu’elles soient vécues comme de véritables traumatismes qui affectent spécifiquement le corps ».[9]
« Toutes ces transformations qui sont imposées, obligatoires, subies par l’adolescent lui confèrent une nouvelle morphologie, réalisant une véritable métamorphose pouvant le rendre méconnaissable à des personnes proches dont il est séparé depuis quelques temps. Il n’est pas rare qu’elles le rendent méconnaissables à lui-même. Tous ces processus imposent une rupture avec l’enfance. Il n’y a pas d’autre choix que d’en faire le deuil. En quelques mois, l’adolescent vit une transformation profonde de l’image de son corps dans une triple dimension : statique, dynamique, interactive [10]»
L’image corporelle est selon Paul Schilder (2001), « l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont notre corps nous apparaît à nous même ». L’image corporelle est donc la résultante à la fois consciente et inconsciente de l’image projetée vis-à-vis du corps qui englobe toutes les perceptions passées et présentes.
D’après Bob Price (1998), le corps se définit par l’ensemble du corps réel, du corps idéal et de l’apparence qui reflète l’image du corps aux autres.
Le corps réel comme son nom l’indique est le corps comme il est, à l’instant réel, tel qu’il existe, assujetti par l’hérédité et modulé par le temps, le milieu. Le cancer impact fondamentalement le corps réel de par les effets secondaires des traitements, ce qui amène un regard réaliste et une prise de conscience assez dure des limites du corps, perturbant gravement l’image corporelle.
Le corps idéal que renvoie la perception de l’image corporelle peut également être lésé par l’altération du corps réel et par conséquent affecter l’équilibre tant physique que mental de la personne lors de cancer.
Les affections cancéreuses par les modifications de l’image corporelle subséquentes aux traitements, notamment l’alopécie engendrent ainsi un grave conflit entre le corps réel dont le cancer s’est approprié et le corps idéal qui est celui des jeunes du même âge. Troubles et conflits internes notamment qui se traduisent par des comportements de type évitement, habillage et déshabillage dans le noir pour ne pas avoir à regarder, à voir le corps réel.
De plus, durant l’adolescence, il n’y a pas encore de stabilité affective ni sexuelle, ce qui défavorise, rend impuissant, diminue l’estime de soi des adolescents qui sont dans l’obligation de se confronter à une image qui ne renvoie pas le corps idéal de leur corps réel. A tel point qu’ils ne supportent plus la vision de leur corps réel, ce qui traduit une destruction de l’image corporelle et essayent de fuir autant que possible ce reflet, cette image qui n’est pas la leur mais qui pourtant est la leur et ne peut s’effacer.
Le défaut d’identité ainsi que les problèmes d’estime de soi résultent principalement de ces mutilations, ces transformations inacceptables que subit le corps à cause du cancer.
f) Définition générale et principe de l’accompagnement
Depuis la mise place du premier Plan Cancer 2003-2007, véritable plan de mobilisation nationale dont les principaux objectifs visent à « prévenir,, dépister, soigner, accompagner, enseigner et comprendre la maladie »[11] une mesure phare (mesure 40) concernant le dispositif d’annonce a été formalisée afin de permettre aux patients de bénéficier de meilleures conditions d’annonce de leur pathologie ainsi qu’une prise en charge personnalisée (mesure 42 encourageant l’accès aux soins de support, à la prise en compte de la douleur et au soutien psychologique et social). Pour les enfants, la consultation d’annonce est faite à l’enfant et aux parents. Parfois, selon le contexte et l’âge de l’enfant, elle peut être faite dans un premier temps aux parents puis à l’enfant.
L’Institut National contre le Cancer et La Ligue contre le Cancer qui participent à ce programme, indiquent dans leur brochure ce que prévoit ce dispositif d’annonce :
– « un temps médical comprenant l’annonce du diagnostic et la proposition de traitement
– un temps d’accompagnement soignant (non imposé) permettant au malade ainsi qu’à ses proches de compléter les informations médicales reçues, de l’informer sur ses droits et sur les associations pouvant lui venir en aide.
– un temps de soutien proposant un accompagnement social et l’accès à différents soins dits de support constituant l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades, parallèlement aux traitements spécifiques (psychologue, kinésithérapeute, prise en charge de la douleur, etc.).
– un temps d’articulation avec la médecine de ville pour optimiser la bonne coordination entre l’établissement de soins et le médecin traitant ».[12]
De même, la Circulaire DHOS/O n° 2004-161 du 29 mars 2004 relative à l’organisation des soins en cancérologie pédiatrique confirme bien la structuration des soins de support. « Les soins de support associent le soutien psychologique, le soulagement de la douleur liée à la maladie cancéreuse, les soins palliatifs et le traitement des autres symptômes non spécifiques, incluant la dimension nutritionnelle, la rééducation et les effets secondaires des médicaments. »[13]
D’une part, il est ainsi essentiel dans l’accompagnement de tenir compte de l’annonce du diagnostic aux parents, qui peuvent avoir des réactions de révolte, d’incompréhension et de désespoir, avant l’annonce à l’enfant. Incontestablement, il faut donner du temps aux parents afin qu’ils prennent conscience des risques mais aussi de l’espoir de survie, selon l’avancée de la maladie et sa spécificité. Il est en effet requis de fonder cette alliance dite thérapeutique avec les parents de l’enfant cancéreux étant donné que ce sont ces derniers qui accompagneront principalement et psychologiquement l’enfant durant toute sa maladie, et peut-être en fin de vie. L’annonce à l’enfant est donc fonction du temps et du niveau de compréhension des parents, de leur consentement à informer l’enfant. Comme le stipule la Convention Internationale des droits de l’enfant du 20 Novembre 1989, l’enfant a le droit de s’exprimer librement. De même, la Charte européenne de l’enfant hospitalisé précise bien que « les enfants et leurs parents ont le droit de recevoir une information sur la maladie et les soins, adaptée à leur âge et leur compréhension, afin de participer aux décisions le concernant ». Lors de l’annonce, l’information donnée par le médecin doit être adaptée à l’âge de l’enfant tout en étant claire et concise, notamment sur le traitement et l’évolution de soins en fonction de la maladie. Il est en effet fondamental de savoir que l’enfant peut sentir, percevoir la gravité de son état, il ne faut donc rien lui cacher. D’ailleurs, le manque d’information, considéré comme un silence peut entraîner chez lui une crise d’angoisse et de frayeur par rapport à la réalité qu’est sa maladie. A noter également que l’infirmière assiste à la consultation d’annonce. « Le temps d’accompagnement soignant doit être fait par une infirmière maîtrisant la spécialité de la pathologie concernée, recrutée sur la base du volontariat. Elles bénéficient en retour d’une formation au dispositif d’annonce. ».[14]
D’autre part, l’accompagnement de l’enfant et des parents se fait au travers du temps d’accompagnement soignant. L’infirmière intervient et joue un rôle clé lors de ce temps. En effet, après la consultation d’annonce, une consultation infirmière est programmée avec le patient. Lors de ce temps, l’infirmière a pour principale mission d’expliquer au patient l’organisation du service, le parcours de soins, les effets secondaires des traitements. Elle a donc un rôle d’écoute et de reformulation pour s’assurer que le patient a bien compris, ainsi qu’un rôle d’information et d’orientation. En effet, l’objectif premier étant de permettre au patient d’exprimer ses craintes et ses angoisses par rapport à la maladie et/ou à la prise en charge thérapeutique et à ses effets secondaires, l’infirmière peut à tout moment, si elle le juge nécessaire, orienter le patient vers des soins de support tels-que la psychologue, la socio-esthéticienne, le kinésithérapeute, la diététicienne, ou encore des réseaux (association de parents par exemple). Concernant par exemple la problématique corporelle chez l’adolescent atteint d’un cancer, l’infirmière peut l’orienter vers une socio-esthéticienne intégrée dans l’équipe pluridisciplinaire, « afin de créer les conditions favorables à la restauration de l’image corporelle de la personne malade, ainsi qu’à sa revalorisation et sa préservation identitaire, autant d’éléments indispensables pour mieux accepter les traitements et trouver l’énergie pour traverser l’épreuve de la maladie »[15]. Par ailleurs, ce temps d’accompagnement peut prévoir la mise en place « d’ objectifs de soins multiples : expression des émotions, aide pour retrouver une image de soi même satisfaisante , pour s’adapter au changement d’image de son corps…..Par exemple, si une jeune femme subit une chimiothérapie qui provoque la chute de ses cheveux, le professionnel doit savoir écouter et entendre ses préoccupations »[16] .
Le concept d’accompagnement tel que l’illustre P. VESPIEREN se définit ainsi « Accompagner quelqu’un ce n’est pas le précéder, lui indiquer la route, lui imposer un itinéraire, c’est marcher à ses côtés en le laissant libre de choisir son chemin et le rythme de son pas »[17]. Depuis les années 1960-1970, le concept d’accompagnement ne s’appliquait que dans la prise en charge des patients en fin de vie, notamment ceux en phase terminale d’un cancer. Actuellement, il désigne un « projet de soin ». En effet, selon le décret relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, Décret du 29 Juillet 2004, l’article R.4311-2 stipule bien que – « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles…. De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que besoin, leur entourage. « . De même, l’article R.4311-5 stipule également que » Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage : (…); Aide et soutien psychologique ; Observation et surveillance des troubles du comportement; » « L’accompagnement est ainsi une notion centrale du métier d’infirmier, c’est un acte au même titre qu’un acte technique »[18]. Le soutien psychologique figure ainsi dans l’accompagnement du patient et de ses proches. Un accompagnement est qualifié de relationnel : « accompagnement relationnel » lorsqu’un soignant, particulièrement un psychologue ou un bénévole dénommé « bénévole d’accompagnement » apportent au patient un soutien psychologique ou spirituel. Le temps d’accompagnement soignant n’est pas défini au préalable, il est adapté au contexte du patient ce qui signifie qu’il peut être mis en place tout au long de la prise en charge. L’accompagnement fait partie des soins relationnels pratiqués par l’infirmière. Dans les services de prise en charge de pathologies chroniques, comme l’oncologie pédiatrique, il fait partie des soins relationnels et s’appuie très souvent sur la relation d’aide.
Depuis les années 60-70, le concept d’accompagnement ne s’appliquait que dans la prise en charge des patients en fin de vie, notamment ceux en phase terminale d’un cancer. Actuellement, il désigne un « projet de soin ». En effet, selon le décret relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, l’accompagnement relève de :
Art.2. – « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles :
1° De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans le cadre de vie familiale ou sociale ;
2° De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ;
3° De participer à l’évaluation du degré de dépendance des personnes ;
4° De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l’application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l’initiative du ou des médecins prescripteurs ;
5° De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que besoin, leur entourage. «
Art. 5. – » Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage : (…); Aide et soutient psychologique ; Observation et surveillance des troubles du comportement; «
Le soutien psychologique figure dans l’accompagnement du patient et de ses proches. Un accompagnement est qualifié de relationnel : « accompagnement relationnel » lorsqu’un soignant, particulièrement un psychologue ou un bénévole dénommé « bénévole d’accompagnement » apportent au patient un soutien psychologique ou spirituel.
g) Les soins relationnels
Selon le Robert, « Une relation est une activité ou une situation dans laquelle plusieurs personnes sont susceptibles d’agir mutuellement les unes sur les autres ».
D’après Jacques Salomé, un soin relationnel est « un ensemble de gestes, de paroles, d’attitudes, d’actes et de propositions relationnelles tant dans le domaine du réel, que de l’imaginaire ou du symbolique pour lui permettre de se relier :
- à sa maladie ou à ses dysfonctionnements
- à son traitement
- à son entourage
- à lui-même
- à vous-même ou à l’accompagnant ».
Ainsi, le concept de soin relationnel ramène à l’expression « relation soignant-soigné » dont la relation (soignant-soigné) ou les interactions interpersonnelles[19] favoriserait la guérison rapide du patient. D’ailleurs, cinq (05) actes relevant du soin infirmier et du traitement médical sont retrouvés dans cette notion relationnelle du soin :
- «L’entretien d’accueil privilégiant l’écoute de la personne avec orientation si nécessaire » (Art. R4311-5-40°)
- «Aide et soutien psychologique» (Art. R4311-5-41°)
- «L’entretien d’accueil du patient et de son entourage » (Art. R4311-6-1°)
- «Activités à visée socio thérapeutique individuelle ou de groupe » (Art. R4311-6-2)
- «L’entretien individuel et utilisation au sein d’une équipe pluridisciplinaire de technique de médiation à visée thérapeutique ou psychothérapeutique »(Art. R4311-7-42°)
h) La relation d’aide
C’est un mode de communication thérapeutique : un échange verbal et non verbal qui permet, grâce à un climat de confiance, de mettre l’individu face à ses responsabilités.
Elle repose sur le postulat de Carl Rogers selon lequel « tout individu possède un potentiel suffisant pour gérer tous les aspects de sa vie » et que la relation d’aide « est une situation dans laquelle l’un des participants cherche à favoriser chez l’un ou l’autre ou les deux, une appréciation plus grande des ressources latentes de l’individu ainsi qu’une plus grande possibilité d’expression et un meilleur usage fonctionnel de ces ressources»[20].
Le rôle du soignant est d’aider le patient à trouver ses propres capacités. L’aide est centrée sur le potentiel de la personne dans le but de lui permettre de trouver sa solution au problème auquel elle est confrontée.
Elle passe par une écoute attentive de la part du soignant et par une attitude empathique c’est à dire compréhensive et sans jugement.
Il est nécessaire d’inclure le patient au centre du projet et de l’aider sans faire et/ou décider à sa place Elle ne peut débuter sans relation de confiance qui permet au patient d’exprimer ses affects (craintes, difficultés, émotions…). Cette relation fait partie du rôle propre de l’infirmier.
(1) Les éléments favorisant la relation d’aide
L’extrait du nouveau décret n°2002-194 du 11 février 2002 (en remplacement de celui du 15 mars 1993) paru dans le journal officiel de la république française, le 16 février 2002 stipule que le terme « accompagnement » peut être traduit par le terme « relation d’aide » conventionnelle dont les caractéristiques sont :
- le recueil du consentement de la personne
- l’engagement et l’assurance du respect de la confidentialité
- l’engagement et l’implication de la personne
- la possibilité d’interruption
- l’intentionnalité clarifiée
- l’assurance du respect du cheminement et de l’objectif de la personne
- l’assurance de non abandon
Pour Carl Rogers, la relation d’aide serait favorisée par les attitudes non directives que sont :
(a) L’empathie:
« …être empathique consiste à percevoir avec justesse le cadre de référence interne de son interlocuteur ainsi que les raisonnements et émotions qui en résultent… C’est-à-dire capter la souffrance ou le plaisir tels qu’ils sont vécus par l’interlocuteur, en percevoir les causes de la même façon que lui… »[21]. L’ empathie est donc une attitude dont le but est de permettre à l’ infirmier de comprendre réellement ce que vit le patient , de lui faire comprendre qu’ on s’ intéresse à lui, et de l’ encourager à se livrer davantage par rapport à ce qui lui arrive.
(b) L’écoute active ou écoute bienveillante
A été développée par le psychologue américain Carl ROGER. C’est une méthode qui consiste à mettre les émotions et les sentiments de manière tacite ou implicite par l’interlocuteur. L’écoute active consiste à saisir ce que le message veut dire, le reformuler pour en vérifier éventuellement la compréhension.
(c) Le non jugement
Repose sur l’acceptation inconditionnelle du patient, sur le respect de sa dignité et sur une compréhension profonde de ce qu’il est et de ce qu’il vit. C’est accepter l’individu tel qu’il est, sans préjugé.
(d) Le non verbal
Rassemble l’attitude et les gestes que le soignant peut faire envers la personne soignée. Avoir une bonne attitude s’est se mettre à la hauteur de son patient et être centré sur lui. On sait que le non verbal est souvent plus que le verbal. C’est par l’observation que l’on peut parfois détecter les émotions qui se dégagent du corps.
2. Entretiens exploratoires
Mon cadre conceptuel étant défini, j’ai décidé de confronter mon thème à l’avis de professionnels de terrain afin de vérifier s’il était cohérent et logique.
J’ai réalisé mes entretiens auprès de trois personnes : une infirmière du service d’oncologie pédiatrique du CRCTCP où j’ai effectué mon stage ayant une expérience dans la prise en charge soignante des enfants atteints de pathologies cancéreuses ; une psychologue de ce même service ayant une vision plus experte en ce qui concerne la problématique de la souffrance psychologique des enfants ainsi qu’un un psychologue de la Ligue contre le cancer qu’il m’a parut intéressant de rencontrer du fait que cette association propose de l’écoute et du soutien psychologique.
J’ai élaboré trois questions en lien avec ma question de départ :
- « Comment définiriez-vous la relation soignant-soigné en Unité d’Oncologie Pédiatrique ? Quelle place occupe t’elle ? »
Pour l’infirmière du service, la relation est une relation de professionnel à soignant, une relation de soins non maternante qui peut prendre selon le contexte plusieurs formes : relation d’aide, relation éducative… Selon elle, il est important de nouer une relation de confiance non seulement avec l’enfant mais aussi avec les parents, la relation est donc de nature triangulaire surtout chez les jeunes enfants mais cela est aussi vrai pour les adolescents. Cette relation de confiance faisant partie de la relation soignant-soigné occupe une place centrale dans la prise en soin des enfants.
Pour la psychologue du service, la relation prend en compte l’enfant mais aussi la famille. La notion de relation de confiance est également soulignée, plus l’enfant et ses parents vont se sentir en confiance, plus facilement ils auront envie de se dévoiler.
- « Selon vous, la prise en charge des enfants et des adolescents diffère t’elle ? Si oui, en quoi diffère t’elle ? »
Pour l’infirmière, l’approche du soin diffère en fonction de l’âge de l’enfant. L’abord de l’enfant se fait plutôt par le jeu alors-que chez les adolescents il se fait surtout par le dialogue. Les soignants ont un rôle éducatif très important auprès de ces enfants. Les traitements de chimiothérapie induisent de nombreux effets secondaires auxquels l’enfant doit être préparé et éduqué comme par exemple les soins de bouche pour traiter la mucite, l’éducation alimentaire pour les enfants sous corticothérapie qui ont des restrictions en sucre et en sel ou bien encore les règles d’hygiène corporelle et les règles d’hygiène au sens large pour les enfant immunodéprimés. Pour les petits enfants, ce sont plutôt les parents qui sont impliqués dans l’éducation sachant que l’éducation est également faite aux enfants avec des mots simples, alors que pour l’adolescent elle leur est faite directement. Les effets secondaires des traitements sont souvent moins bien vécus par les adolescents surtout ceux qui touchent l’image corporelle (alopécie, perte ou prise de poids..) alors que chez les petits enfants, la préoccupation de l’image corporelle est moins prégnante, ce sont plutôt les parents qui s’en soucient.
Pour les deux psychologues, la prise en charge des adolescents est souvent un peu plus délicate que chez les jeunes enfants. Tout d’abord, l’annonce du diagnostic est souvent plus difficiles car ils ont plus de connaissances sur la maladie et ont une conscience réelle de la mort. De plus, chez l’adolescent, ce qui est complexe, c’est qu’il passe dans une période de transformation corporelle inhérente à la puberté et qu’en parallèle il se trouve confronté à des problématiques corporelles dues à la maladie mais surtout aux traitements lourds de chimiothérapie induisant une alopécie, une perte de poids, une fatigue, une perte des poils…ce qui fait que la maladie enkyste cette problématique corporelle.
- « Quels sont selon vous les effets secondaires des traitements qui sont le plus dur à vivre chez les enfants ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la prise en charge ? »
A l’unanimité sur cette question, les effets secondaires les plus durs à vivre chez l’enfant sont : les nausées/vomissements, les douleurs (abdominales, mucite..), la fatigue, l’alopécie. Chez l’adolescent, l’alopécie intervient en priorité, ainsi-que tout ce qui altère l’image corporelle. Ensuite, ce sont les mêmes effets indésirables qui sont cités : nausées/vomissements qui peuvent aussi altérer l’image corporelle chez ces jeunes adolescents, la douleur, la fatigue.
Les conséquences sur la prise en charge peuvent parfois représenter des difficultés pour le personnel soignant : refus de soins, conduites à risque (prise de substances toxiques, anorexie…) replis sur soi et risque de dépression. Un accompagnement tout au long de la prise en charge est nécessaire.
3. Choix de la problématique
Un accompagnement tout au long de la prise en charge est donc nécessaire entre les soignants (et notamment l’infirmier) et les enfants. Cet accompagnement semble encore plus important auprès de la population adolescente souvent plongée souvent dans une certaine forme de vulnérabilité. C’est en partie grâce à une écoute attentive, un soutien psychologique et une relation d’aide que la confiance arrive à s’instaurer. Ce lien de confiance se noue au fil du temps et des attitudes du soignant. Le positionnement de ce dernier influence le ressenti de la personne soignée et sa volonté d’instaurer un lien de confiance avec le soignant qu’il a face à lui. Une fois qu’il est établi, il n’est pas acquis car il évolue au gré du contexte, de l’humeur des protagonistes et de l’évolution de la pathologie.
Bien qu’il soit capital en phase aigue de la maladie, dès l’annonce du diagnostic. , il est primordial que l’accompagnement soignant s’inscrive donc tout le long de la prise en charge. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le temps d’accompagnement soignant en partie dispensé par un infirmier référent dans le service d’oncologie ou j’étais en immersion, s’inscrit. Ce temps comme évoqué dans mon cadre théorique a pour objectif d’informer, de soutenir et d’éduquer les enfants ainsi-que leur parents : sur la pathologie elle-même, sur la prise en charge (soins de support par exemple) et aussi sur les effets secondaires des traitements (alopécie, mucite, nausées/vomissements..). J’ai le sentiment, selon les dires des patients et des soignants que j’ai rencontrés, que cet accompagnement permet de leur faire accepter plus facilement les aléas de la maladie. Les jeunes adolescents que j’ai pu observer lors de mon stage faisaient tous preuve d’un grand courage, et paraissaient assez sereins par rapport à leur pathologie et aux retentissements de celle-ci sur leur corps et donc sur leur psychisme. Cela m’avait d’ailleurs étonnée. Beaucoup m’ont parlé de l’importance de l’équipe soignante du service, de la qualité de leur prise en charge qui allait au-delà des soins techniques et relationnels « classiques ».
L’angle qui me parait donc le plus intéressant à aborder est celui qui lie la relation soignant-soigné et l’acceptation de la pathologie cancéreuse, et plus particulièrement l’acceptation chez des jeunes adolescents d’une image corporelle transitoirement perturbée par la maladie et les traitements. Les situations décrites ainsi-que les jeunes adolescents que j’ai pu rencontrer me conduisent à penser que cette acceptation, et d’une certaine manière, cette forme de résilience, sont liées directement à l’accompagnement de l’équipe soignante. Il me semble donc important d’explorer ce lien entre les deux.
De plus, les diverses recherches que j’ai pu mener m’orientent vers cet aspect découlant de ma question de départ. En effet, beaucoup d’ouvrages mettent en avant l’importance de la relation soignant-soigné dans les soins. Or les soins relationnels font partie intégrante de la prise en charge globale des patients.
4. Question de recherche et hypothèse
« En quoi la compétence relationnelle de l’infirmier(e) permet-elle de favoriser, chez l’adolescent traité pour une pathologie cancéreuse, un travail d’acceptation des perturbations de son image corporelle ? »
Afin d’apporter un début de réponse à cette question, j’ai formulé l’hypothèse suivante :
« Chez le jeune adolescent, traité pour une pathologie cancéreuse, la mise en place d’entretiens réguliers soutenus par une écoute attentive et donc plus généralement d’une relation d’aide tout au long de la prise en charge, contribuent à une meilleure acceptation des perturbations de l’image corporelle ».
II. DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE
A. Modèle d’analyse
La question de recherche choisie a permis de mettre en avant deux variables principales : « la relation d’aide » qui va conduire à l’acceptation « des perturbations de l’image corporelle. »
Pour caractériser « les perturbations de l’image corporelle », je l’ai traduite en critères, lesquels sont pour moi les éléments qui la composent : atteinte narcissique et altération de l’estime de soi, perturbation possible de la vie relationnelle et sociale, atteinte de l’intégrité corporelle. Les indicateurs de ce critère étant : l’alopécie, l’atteinte du système pileux (cils, sourcils, pilosité pubienne et axillaire), la perte ou prise de poids, sensations nauséeuses, fatigue, troubles cognitifs si atteinte cérébrale, atrophie des muqueuses, une sécheresse des organes sexuels si atteinte gynécologique.
Pour caractériser « la relation d’aide » je l’ai traduite en critères, lesquels sont pour moi les éléments qui la composent. On retrouve notamment les concepts développés précédemment dans ce travail, tels que l’empathie, la sympathie, l’attachement, le non jugement, la bienveillance des soignants et le suivi régulier des patients sur de longues périodes. J’ai également choisi comme critère le lien de confiance qui unit les deux protagonistes de la relation dans le soin. Afin de les mesurer de la manière la plus objective possible, j’ai pensé que l’indicateur de ces différentes dimensions serait le fait que les IDE les nomment au cours de mon investigation.
B. Choix de la population
Ma question de recherche m’a permis de cibler une population composée de professionnels infirmiers : le personnel infirmier responsable de l’accompagnement de jeunes patients, adolescents ayant une pathologie cancéreuse constitue la population étudiée dans cette enquête par entretien semi-directif.
Il m’a ensuite fallu définir les caractéristiques sociodémographiques et le nombre de personnes qui composeraient mon échantillon.
En ce qui concerne les caractéristiques de l’échantillon, en fonction des termes de ma question de recherche, j’ai décidé de cibler une typologie de service « Unité d’Oncologie pédiatrique » puisque prenant en charge les adolescents.
J’ai choisi d’interroger sept professionnels de santé : quatre professionnels du service d’hospitalisation du CRCTCP (Centre Régional de Cancérologie et de Thérapie Cellulaire Pédiatrique) dont : une infirmière référente, une infirmière puéricultrice, une éducatrice de jeunes enfants et une infirmière ; ainsi-que trois professionnels de l’HDJ (Hôpital de jour) dont un infirmier référent qui est aussi puériculteur et deux infirmières. En effet, je souhaitais avoir un échantillon représentatif de la population infirmière de ces services. Et ce, afin de confronter mon hypothèse à l’avis d’un panel hétérogène. L’âge, l’ancienneté dans le service, etc., n’ont donc pas été des critères de sélection pour interroger les IDE.
C. Choix de l’outil d’enquête
Ma démarche étant plutôt qualitative, et cherchant à mettre en exergue un possible lien entre relation d’aide et acceptation de l’image corporelle, il fallait que je recueille l’avis des professionnels de santé et que je puisse échanger avec eux. J’avais besoin de collecter des informations et leur ressenti sur leur expérience. J’ai donc choisi de partir sur l’entretien semi-directif.
1. Type d’enquête et guide d’entretien
a) Entretien semi-directif
L’entretien peut être défini comme étant une situation d’interaction basée notamment sur la communication verbale entre au moins deux personnes et portant sur un sujet ou thème donné.
L’entretien semi-directif permet à celui questionné de répondre librement aux questions ouvertes qui sont consignées dans un guide d’entretien, il s’agit de recueil de données plutôt qualitatives que quantitatives. Effectivement, l’entretien offre à l’interviewé la liberté d’exprimer à sa manière la façon dont il voit les choses relativement aux questions posées.
L’entretien semi-directif a été choisi étant donné la richesse et la précision des informations qu’il apporte et surtout parce qu’il est le plus adapté à la recherche. En l’occurrence, il est indispensable de comprendre et de cerner le vécu, le ressenti et le point de vue des infirmières par rapport à ce prendre en soin de patient, d’adolescents présentant une pathologie cancéreuse, tout en gardant un contrôle sur le déroulement de l’entretien à travers le guide d’entretien de manière à ne pas dévier du sujet initial.
b) Guide d’entretien
Le guide d’entretien est composé des dix-sept (17) questions suivantes :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômée ?
- Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce service ? Aviez-vous déjà travaillé en oncologie avant ?
- Avez-vous suivi une formation spécifique à la prise en charge d’enfants cancéreux ?
- D’après vous, la prise en charge d’adolescents cancéreux est-elle différente de celle d’un enfant? Pourquoi ?
- Avez-vous rencontré des difficultés lors de la prise en charge d’adolescents cancéreux ? Si oui, lesquelles ?
- Quels sont les principaux effets secondaires des traitements ayant un impact sur l’image corporelle qui sont les plus durs à vivre chez l’adolescent cancéreux ?
- Ces perturbations sont-elles plus importantes au début de la maladie ou tout au long de la prise en charge ?
- Comment arrivez-vous à les percevoir lorsqu’elles ne sont pas verbalisées ?
- Comment réagissent ces adolescents face à ces perturbations ?
- Comment les accompagnez-vous et quelles ressources mettez-vous en place dans le service pour faire face à ces perturbations de l’image corporelle chez l’adolescent ?
- Pensez-vous que cet accompagnement nécessite une certaine expérience professionnelle ?
- Percevez-vous des limites (individuelles ou collectives) à la mise en place de cet accompagnement ? Si oui, lesquelles ?
- Qu’est ce qui selon vous pourrait être mis en place (de plus) afin que ces adolescents puissent mieux accepter les effets de la maladie et des traitements sur leur corps ?
- Selon vous quel rôle joue la famille dans la prise en charge des adolescents atteints de cancer ?
- Comment définiriez-vous la relation soignant-soigné en Oncologie pédiatrique ?
- Pensez-vous que la relation d’aide basée sur une écoute attentive, un suivi régulier et sur une relation de confiance puissent impacter favorablement la prise en charge d’adolescents cancéreux souffrant d’une altération de l’image corporelle?
- Avez-vous quelque chose à ajouter ?
2. Objectif de l’enquête
L’objectif de cette enquête consiste à cerner les moyens, les outils spécifiques adaptés à l’accompagnement d’adolescents cancéreux vers l’acceptation de sa maladie, notamment en termes de perturbation de leur image corporelle.
Objectifs généraux :
– Mettre en évidence le fait que la relation d’aide par un suivi régulier puisse faciliter l’acceptation de l’altération de l’image corporelle chez l’adolescent
– Recueillir des données qualitatives : on cherche à étudier l’usage d’une technique, d’un comportement professionnel. Pour cela, on cherche à recueillir le point de vue des personnes.
Objectifs opératoires :
– Connaitre l’expérience des soignants, leur formation, pour apprécier l’incidence de leur expérience sur l’acceptation des perturbations de l’image corporelle
– Vérifier la réalité de l’altération de l’image corporelle chez les adolescents
– Apprécier la perception des IDE au sujet du lien entre la relation d’aide et l’acceptation des effets de la pathologie et des traitements sur l’image corporelle
– Connaitre les attitudes utilisées par les IDE pour favoriser cette acceptation
– Connaître l’impact de celles-ci face aux difficultés de soins et de prise en charge des adolescents
– Identifier d’autres ressources et moyens mis à disposition ou qui pourraient être mis à disposition dans le but de pallier cette problématique corporelle et donc envisager d’autres approches possibles
D. RESULTATS
1. Recueil des données
Les données ont été retranscrites exhaustivement.
2. Synthèse des données (Annexe I)
III. DISCUSSION
Les professionnels de santé qui ont bien voulu répondre aux questions sont tous expérimentés d’au moins trois (03 ans et demi, ce qui traduit une certaine notoriété des rôles infirmiers bien que la majeure partie ne travaillent en service d’oncologie que depuis deux (02) à six (06)ans.
En termes de prise en charge, aucun n’a reçu ni suivi de formation spécifique d’enfants cancéreux. Toutefois, des formations relatives à la psychiatrie de l’adolescent, typiques aux enfants en crèche, notamment la formation Emmi Pikler, portant sur les troubles du langage, l’autisme et les troubles psychomoteurs, concernant l’accompagnement au deuil ainsi qu’une formation s’axant sur la relation d’aide et hypo-analgésique ont été reçues par les professionnels de santé.
Il apparaît ici un éventail de principales bases de l’accompagnement de l’enfant cancéreux malgré le fait qu’aucune relation spécifique à sa prise en charge n’a été mentionnée. En effet, selon Daniel Oppenheim « le cancer, la durée de l’hospitalisation, les multiples remaniements provoqués, bouleversent ou mettent à l’épreuve leur choix affectif, la quête de leur identité sociale, parfois sexuelle, leurs divers projets. Ils sont écartelés entre une régression vers la petite enfance et la fierté de la maturité déjà acquise. Ils perçoivent la maladie comme un échec, une sanction contre l’audace de leurs projets, une épreuve de vérité, ou une prise de risques acceptée »[22]. Ce qui manifeste une nécessité de la compréhension de la psychiatrie de l’enfant, de l’adolescent le long de son accompagnement, de sa relation d’aide car bien qu’il soit encore question d’enfant, à l’adolescence, le côté adulte à la fois autonome et indépendant priment dans la qualité de la prise en charge du cancer outre le traitement de la douleur relative à la pathologie. La majorité des formations suivies par ces professionnels de santé reflètent ainsi tant le professionnalisme que la considération du côté humain, fragile du patient qu’est l’adolescent surtout que le cancer impose et inflige outre les douleurs physiques, un réel traumatisme psychique dont il faut tenir compte.
De ce fait, la prise en charge d’adolescents cancéreux est différente de celle d’un enfant étant donné que « l’adolescence est un passage difficile et les parents comme l’adolescent peuvent être tentés d’éviter les conflits et les turbulences qui l’accompagnent : l’adolescent renonce alors à ses exigences d’autonomie et d’évolution, préfère régresser à la situation antérieure de l’enfance, les parents acceptent sans réagir se comportements inadéquats qui expriment en fait ses questions et ses demandes auxquelles, ce faisant ils s’interdisent de répondre et l’adolescent traverse artificiellement son adolescence et risque de devenir un adulte qui garde les traits de son immaturité infantile »[23]. Puisque chaque prise en charge est unique et singulière et adaptée aux besoins du patient, il est essentiel de tenir compte outre les besoins, de l’importance de la quête identitaire chez l’adolescent qui est tellement spécifique à cette période et qui requiert une relation basée sur le dialogue et l’écoute.
De plus, la prise en charge du jeune adolescent est un peu plus délicate compte tenu des répercussions et effets de cette pathologie sur l’adolescence qui peuvent altérer l’estime, la confiance et l’image de soi de l’adolescent.
Les difficultés rencontrées dans la prise en charge d’adolescents cancéreux semblent résider principalement avec leur comportement subséquent aux effets de la maladie et des traitements. Effectivement, le contexte socio-familial prime outre le stade de la maladie, rendant la communication avec les adolescents difficile et délicate surtout qu’il peut y avoir mutisme, rejet d’autorité, renfermement sur soi, comportement heurtant les représentations, comportement violent, agressif, dépression suite à l’altération de l’image corporelle qui se manifeste généralement après un court délai entre le moment de l’annonce de la maladie et le début des traitements.
De plus, les changements physiques comme : perte des cheveux, amaigrissement, perte musculaire… entraînent et favorisent l’apparition d’un sentiment de régression dans l’autonomie complémentairement à une certaine passivité et laxisme tant au niveau des soins que de l’hygiène traduisant la « perte de leur corps » et pouvant même aboutir à un refus de soin.
Par ailleurs, « la survenue d’un cancer à cette période de grands changements corporels et psychologiques est un évènement très difficile à assumer : expérience de la maladie et de la douleur, confrontation à la mort, contraintes d’un traitement possible, bouleversements de la famille, de la scolarité, de la vie sociale. C’est en fonction de la manière dont l’adolescent aura traversé l’expérience de la maladie et de l’adolescence qu’il sera disponible pour assurer son avenir social et sexuel. Il est indispensable que l’adolescent puisse trouver les soutiens psychologiques qui lui permettront d’affronter les difficultés de sa maladie et les contraintes liées aux traitements, mais aussi de préserver son identité et sa propre image de soi. Le service hospitalier constitue souvent le lieu social où se joue le va et vient entre famille et société, enfance et âge adulte, images identitaires multiples»[24].
La perturbation de l’image corporelle conjointement à sa construction identitaire résulte principalement des effets des corticoïdes qui se traduisent par une prise de poids, des œdèmes, une fonte musculaire, un facies cushingoïde ou encore une hyperpilosité outre ceux des traitements qui génèrent principalement l’alopécie, les nausées et vomissements ainsi que la perte d’appétit. La pose du KT central ou de la chambre implantable de même que la pose d’une Sonde Naso-Gastrique semblent également être très handicapant pour l’adolescent car à l’origine de l’altération de sa mobilité. Cette perte de mobilité étant la source de son éviction et rupture de la vie sociétale car éprouvant des difficultés dans le maintien d’activités. Surtout que « Toutes ces transformations qui sont imposées, obligatoires, subies par l’adolescent lui confèrent une nouvelle morphologie, réalisant une véritable métamorphose pouvant le rendre méconnaissable à des personnes proches dont il est séparé depuis quelques temps. Il n’est pas rare qu’elles le rendent méconnaissables à lui-même. Tous ces processus imposent une rupture avec l’enfance. Il n’y a pas d’autre choix que d’en faire le deuil. En quelques mois, l’adolescent vit une transformation profonde de l’image de son corps dans une triple dimension : statique, dynamique, interactive [25]», tous ces effets impactent la construction identitaire de l’adolescent. Le défaut d’identité ainsi que les problèmes d’estime de soi résultent principalement de ces mutilations, ces transformations inacceptables que subit le corps à cause du cancer.
Il est à noter que ces perturbations et grands changements apparaissent généralement au début de la prise en charge, lors de phases difficiles : chimio d’intensification, rechute, fin de vie … ou encore lors de ré-hospitalisation bien que présentent à tous les stades de la maladie.
IV. CONCLUSION
Cette étude a mis en exergue les réels besoins de l’adolescent cancéreux relativement aux changements qui s’effectuent au niveau de son image corporelle impactant sur l’estime de soi de ce dernier qui rendent complexe sa prise en charge.
D’ailleurs, une attention particulière est requise afin d’accompagner au mieux ces adolescents durant cette phase décisive de leur construction identitaire comme le souligne Anne Birraux « c’est un corps en transformation, en identification, en cours de sexualisation. C’est une période où les individus sont fragilisés ».
L’accompagnement infirmier de l’adolescent cancéreux repose ainsi sur l’acceptation de ce dernier de sa maladie tout en l’aidant à reconstruire son image et se réapproprier son corps outre les soins médicaux comme l’hypo analgésie. Or, tout cela ne peut se réaliser que s’il existe une relation de confiance entre l’adolescent cancéreux et le personnel soignant.
Les entretiens font ressortir une certaine limite rencontrée chez les soignants qui requièrent la mise en place et le maintien de socio-esthétique outre l’implication des parents, de la famille de l’adolescent dans sa prise en charge surtout que selon l’IDE B « La guérison du corps se fait avant tout par la guérison de l’esprit ».
V. BIBLIOGRAPHIE
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- Citation du professeur Jean Bernard,médecin et académicien (1907-2006)
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- http://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/adolescence/dev/fr/
- Institut National du Cancer. Plan Cancer 2003-2007. Mission Interministérielle de la Lutte contre le Cancer [format pdf], [consulté le 10 Mars 2015]. Disponible sur le Web : <http://www.e-cancer.fr/component/docman/…/12466-plan–cancer–2003-2007>, p.6.
- JONNIAUX,S ; HOF,F ; DUFOUR, O. L’image corporelle perturbée, quels objectifs et interventions en soins infirmiers ?. Soins, 2013 , n°776, p.16-20
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- Oppenheim D « Grandir avec un cancer », Paris ; DE Boeck 2003.p17
- Oppenheim D « Grandir avec un cancer », Paris ; DE Boeck 2003.p40-41
- Oppenheim D « L’enfant et le cancer : la traversée d’un exil », Paris ; Bayard, 1996 p27
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- RAZAVI (D)-DELVAUX (N). Psycho-oncologie-Le cancer, le malade et sa famille. 2ème édition. Paris, Edition
- Store & Church, 1973, pg 21
- VERSPIEREN, Patrick. Face à celui qui meurt : euthanasie, acharnement thérapeutique, accompagnement, Editions Nouvelle, 1999, 206 p. ISBN 978-2220046594
VI. ANNEXES
Annexe I : Synthèse des résultats
IDE A, HDJ (Hôpital de Jour) | IDE B, HDJ (Hôpital de Jour) | EJE C, CRCTCP | IDE D, CRCTCP | IDE E (Référent) CRCTCP | IDE F (Référent) CRCTCP-HDJ (Hôpital de Jour) | IDE G, CRCTCP | |
Depuis combien de temps êtes-vous diplômée ? | Depuis 15ans | Depuis 22ans | Depuis 37ans dont 10 ans en pédopsychiatrie | Depuis 3ans et demi | Depuis 20ans | Depuis 14 ans | Depuis 21 ans |
Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce service ? | 2 ans | 2 ans | 6 ans | 3 ans | 20 ans | 10 ans | 5 ans |
Avez-vous suivi une formation spécifique à la prise en charge d’enfants cancéreux ? | Non | Non
Formation sur la prise en charge psychiatrique de l’adolescent |
Non
Formation spécifique à la prise en charge d’enfants en crèche : formation Emmi Pikler Formation sur le handicap et la maladie psychiatrique : troubles du langage, autisme, troubles psychomoteurs Formation sur la relation précoce mère-enfant (difficulté relationnelle) |
Non
Formation sur l’hypo-analgésie Demande d’une formation sur le toucher massage dans le cadre de la prise en charge de la douleur. |
Oui
|
|
|
D’après vous, la prise en charge d’adolescents cancéreux est-elle différente de celle d’un enfant? Pourquoi ? | Non
Chaque prise en charge est unique et singulière -besoins – leur vécu – l’importance de la quête identitaire chez l’adolescent |
Oui,
Spécificité de la période de l’adolescence Parler comme à un adulte avec des mots qu’il comprend Relation sur le dialogue et l’écoute |
Non
Singulière à chaque enfant Problématiques adolescentes : rupture sociale |
Non Personnalisation de la prise en charge et la relation avec chaque enfant ses attentes
ses besoins Oui, prise en charge du jeune adolescent est un peu plus délicate : adolescence effets de la maladie traitements sur l’estime, la confiance et l’image de soi. |
Oui
Chaque prise en charge est différente et individualisée spécificité de l’âge : psychologie des adolescents |
Oui
la différence se fait plus dans l’abord de la personne Pour les adolescents : salle de jeux avec les jeux vidéos |
Oui
Adolescents ont déjà une plus grande connaissance de la vie et de la mort : notion du temps
|
Avez-vous rencontré des difficultés lors de la prise en charge d’adolescents cancéreux ? Si oui, lesquelles? | Oui
Contexte socio-familial Stade de la maladie. Délai entre le moment de l’annonce et le début des traitements |
Oui
Communication difficile avec les adolescents. |
Oui
Changement physique (perte des cheveux, amaigrissement, perte musculaire) Sentiment de régression dans l’autonomie Passivité : perte de leur corps |
Oui
Rejet d’autorité Mutisme |
Oui
Mutisme Age de la découverte Frustration |
Oui
Renfermement sur soi Comportement heurtant les représentations Dépression Mutisme Comportement violent, agressif |
Oui
Non observance des soins Laxisme sur l’hygiène corporelle et dentaire Refus de soins. Altération de l’image corporelle. Arrogance Opposition.
|
Quels sont les principaux effets secondaires des traitements ayant un impact sur l’image corporelle qui sont les plus durs à vivre chez l’adolescent cancéreux ? | *les effets de corticoïdes : prise de poids, œdèmes, fonte musculaire, facies cushingoïde, hyperpilosité
*la perte des cheveux *les nausées et vomissements * la pose du KT central ou de la chambre implantable *la pose d’une SNG (sonde nasogastrique) Tous ces effets impactent la construction identitaire de l’adolescent. |
* les effets des corticoïdes : prise de poids, gros ventre, joues de hamster, folle envie de manger, hyperpilosité
*l’alopécie *les effets liés à la PEC : SNG, cathéter central ou CPI Fatigue Nausées Vomissements Altération de la mobilité… |
la perte des cheveux
la maigreur la perte de goût la prise de poids la fatigue les nausées et vomissements, la pose du KT ou de la SNG Prélèvement de sperme ou d’ovule Impact sur l’image corporelle |
la perte de cheveux
la perte de poids la perte musculaire la prise de poids nausées et vomissements la Mucite la SNG ou le KT central Retentissement sur l’image du corps. |
la chute des cheveux isolement social
Impact sur l’image corporelle « de privation de liberté » Rupture sociale Nausées et vomissements Douleur, Amaigrissement Prise de poids
|
Alopécie
Altération de goût avec risque de dénutrition et perte d’appétit Perte d’énergie musculaire Amaigrissement progressif Difficulté de maintiens d’activités.
|
Alopécie
Perte de goût et d’appétit Dénutrition Perte de poids Pâleur Perte de sensibilité au niveau de la peau La SNG Eviction de la collectivité
|
Ces perturbations sont elles plus importantes au début de la maladie ou tout au long de la PEC? | Présence tout au long de la PEC, surtout début des symptômes | Présence tout au long de la PEC :
problématique en phase aigue |
Lors de la deuxième cure | Présence à tous les stades de la maladie, notamment au début et lors des ré-hospitalisations | Au début
Lors de phases difficiles : chimio d’intensification, rechute, fin de vie. |
Dès l’annonce du diagnostic
La perturbation psychique peut se répercuter tout au long de la PEC en fonction de l’évolution de la maladie : stades difficiles |
Au début de la PEC, dès l’annonce du diagnostic Angoisse de l’inconnu Angoisse du vécu |
Comment arrivez-vous à les percevoir lorsqu’elles ne sont pas verbalisées? | Comparaison de leur vie avant et pendant la maladie | Discussion avec
la famille, avec l’équipe soignante et pluridisciplinaire lors des temps d’éducation |
Il y a plusieurs phases. La première phase est celle du bouleversement qui dure les 15 premiers jours et qui quelquefois est très rapide (4-5 jours). La seconde phase est celle où ils commencent à prendre leurs repères à digérer l’annonce, les parents s’organisent pour leur vie personnelle, pour aider leur enfant. | Personnalisation des soins pour créer du lien et percevoir ses sentiments et ses ressentiments. | Discussion avec
la famille, avec l’équipe. |
Observation du comportement du patient, de sa famille
Etre à l’écoute, dans l’échange, dans la réponse et dans l’observation
Echanges avec les collègues et l’équipe pluridisciplinaire
|
Observation Appui sur la famille
« L’adolescent a besoin de sentir qu’on le comprenne » |
Comment réagissent ces adolescents face à ces perturbations ? | repli sur soi
non verbalisation. |
Mal à verbaliser leur mal être
Tendance à se replier sur eux-mêmes. |
Culpabilité vis à vis de leurs parents | Refus de se voir, se prendre en main
Refus de communication Tendance à la tristesse voire même la dépression, ras le bol des contraintes et des traitements |
Repli de soi Déprime
Dépression Refus de soins Prise de risque Contestation Culpabilité vis à vis de leurs parents |
Violence Agressivité, Refus de soins, Refus d’aide
Déni Repli sur soi Isolement social |
Agressivité Repli avec une fermeture complète |
Comment les accompagnez-vous et quelles ressources mettez-vous en place dans le service pour faire face à ces perturbations de l’image corporelle chez l’adolescent ? | Relation d’écoute et d’aide
Relation éducative Appui sur la famille et l’équipe pluridisciplinaire |
Encouragement à la verbalisation
Implication des parents Education à l’alimentation Equipe pluridisciplinaire |
Rencontre entre eux : l’atelier croque monsieur
, faire des choses sans les parents, Garder un lien avec les copains |
Accompagnement lors des soins
Ecoute attentive Dialogue Présence En laissant pleurer l’adolescent |
Relation d’éducation, d’écoute, de réassurance et de soutien
Sensibilisation à l’importance de l’alimentation pour garder un poids stationnaire Rencontre avec le psychologue kinésithérapeute Maintien de la scolarité
|
Travail d’information
Disponibilité, Etre à l’écoute de la demande Echanges en équipe pluridisciplinaire Appui des parents |
Faire connaissance : centre d’intérêt. Dialogue, Valorisation.
Sophrologie Salle multimédia pour garder la relation avec les copains Art thérapie.
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Pensez-vous que cet accompagnement nécessite une certaine expérience professionnelle ? | Non, car « personne dépendante »
Minimum de connaissances sur l’adolescent Sensibilité et façon d’être de chacun. |
Non,
« c’est propre à chacun ». « L’accompagnement repose sur l’empathie, l’écoute ce sont des valeurs qui sont propres à chacun. » |
Non
« c’est qu’on y trouve quelque chose qui nous correspond, on ne travaille pas ici par hasard je pense » |
Oui et Non; Non : « ce travail relationnel ne s’apprend pas dans les bouquins, c’est propre à chacun »
Oui : « il m’a fallu près d’un an avant de me détacher complètement du technique pour me consacrer au relationnel donc je pense qu’il faut quand même une petite expérience pour bien appréhender ce côté relationnel ». |
Oui
Avoir un état d’esprit particulier Savoir être Se libérer l’esprit de la technique. |
Pas forcément, « il est fondamental de se concentrer sur son rôle propre et de ne pas rester concentré que sur la technique »
« L’essentiel est la capacité à entrer en relation, la capacité d’aide et d’écoute. »
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Non : propre à chacun
Oui : « , j’ai eu besoin de faire cette formation sur l’accompagnement par rapport à la mort parce-que j’y ai été confrontée et que je n’étais pas à l’aise avec ça non seulement il y a les enfants mais il y aussi l’accompagnement de la famille et je pense qu’il faut quand même quelques outils et que ça n’est pas forcément instinctif. »
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Percevez-vous des limites (individuelles ou collectives) à la mise en place de cet accompagnement ? Si oui, lesquelles? | Oui
limites de chaque soignant : « personne n’est infaillible » : Limites du soigné : un repli sur soi, un mutisme, pas envie d’être aidé : le soignant doit l’accepter, qui dépendent beaucoup du stade de la maladie |
Oui
« les propres limites de soi » « il faut pouvoir arriver à décrypter le versant psychologique » |
Oui
« On a nos propres limites personnelles » « Il faut aussi se mettre des limites et apprendre à garder une bonne distance professionnelle » |
Oui
Limites du soignant « il peut arriver qu’on soit dans une situation où on est bloqué » «il faut savoir faire intervenir le professionnel adapté ou un autre collègue, sans le prendre comme un échec mais comme une suite de la prise en charge » « il faut arriver à prendre du recul, être bien au clair avec soi même, savoir pourquoi on est là, connaitre ses propres limites » |
Oui
« Parfois dans certaines situations on se sent submergé, il faut prendre du recul »
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Oui
Non adhésion de l’enfant dans son projet : « arriver à avoir un projet dans lequel la famille et l’enfant sont parties prenantes » « toujours respecter le « je », l’individualité du soigné et que le projet du soignant soit en adéquation avec le « je » ». |
Oui
Limites au niveau de « nos propres limites face à certaines situations, des situations d’agressivité par exemple. On en parle entre nous et on passe le relais. » « D’un point de vue personnel, ce qui nous manque en tant que soignant, c’est l’analyse de pratiques professionnelles pour débriefer de cas qui nous posent problème. ». |
« les analyses de pratique nous aident dans le service ». | |||||||
Qu’est ce qui selon vous pourrait être mis en place de plus afin que ces adolescents puissent mieux accepter les effets de la maladie et des traitements sur leur corps ? | « ce sont surtout les soignants, la psychologue, le médecin qui sont les mieux placés pour les accompagner ». | « Je ne vois pas ce qui pourrait être mis en place de plus en HDJ. » | Salle de kinésithérapie
« qu’on puisse soit avec la kinésithérapeute du service soit avec la psychologue parler du corps avec ces adolescents Socio-esthétique est un axe intéressant : massage des pieds, soins du visage, maquillage, vernis) |
Socio-esthéticienne : soins de beauté aux jeunes filles (maquillage, vernis, soins du visage, massages) mais aussi aux jeunes garçons (massage, soins du corps et du visage). Sophrologie : lâcher prise, détente, bien-être.
Kinésithérapie |
Tout ce qui est socio-esthétique : soins de bien-être, de détente Organiser des rencontres ados | Socio-esthétique
Projet d’équipe mobile pour le suivi des adolescents sur tous les centres privés ou publics hospitaliers Activités qui peuvent être une ouverture, une découverte : activités motrices pour eux. |
Socio-esthétique
Formation sur la socio-esthétique |
Selon vous, quel rôle joue la famille et l’entourage dans la prise en charge des adolescents touchés par le cancer ? | « Ils connaissent mieux leurs enfants que nous donc ils peuvent nous apporter beaucoup d’informations, se montrer très aidants avec leur enfant (important pour l’enfant et l’estime de soi). »
« Le soignant doit être en mesure de percevoir à quel moment la famille peut être aidante ou pas ». Implication dans La PEC tout en gardant leur rôle de parents. « Le soignant de son côté ne doit pas les déposséder de leur rôle, il faut par contre les décharger quand ils en ont besoin, c’est là que le soin prend tout son sens. » |
Selon la structure et la dynamique familiale
« La famille peut être un bénéfice pour l’enfant et le corps soignant tout comme elle peut être un handicap. » |
«On ne peut pas soigner l’enfant sans la famille » | « Il faut faire attention à la pudeur »
« La place des parents a un sens mais celle de l’enfant aussi » « Les parents doivent aussi rester dans leur rôle de parents et non de soignants, les limites sont parfois fragiles et inversement » |
« Travaille avec la famille et l’enfant, sauf s’il y a une demande particulière de l’adolescent » « il y a des choses qui se jouent à l’adolescence qui ne se jouent pas chez les tout petits. » | « La famille n’intervient pas tout le temps pendant les soins, il y a une notion de pudeur aussi. »
« Il faut toujours faire en sorte que les parents restent dans leur rôle aussi ». |
Inclusion systématique de la famille dans la PEC.
« Il est important d’impliquer la famille pour gagner sa confiance et donc celle de l’enfant qui s’identifie encore beaucoup à eux même à l’adolescence. »
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Comment définiriez-vous la relation soignant-soigné en Oncologie pédiatrique ? | Relation a multiples facettes:
relation triangulaire (parents/enfant/soignant) relation de professionnelle relation se soins « qui s’appuie sur l’écoute, le soutien, l’aide, l’éducation et qui repose sur la confiance » |
Relation qui repose sur l’empathie, un peu « maternante », « plutôt bienveillante »
être à l’écoute non jugement créer la confiance « Pour faciliter le contact avec les jeunes adolescents, il faut leur montrer qu’on s’intéresse à eux, à leur vécu. » |
Relation triangulaire : parents-enfants-soignants.
« il faut essayer d’être à la bonne place, de garder la bonne distance ce qui est rassurant pour les parents et de créer une relation de confiance » |
Relation de soignant à soigné avec la triade enfants-parents-soignant
Relation unique « puisque chaque être est unique » qui repose sur la confiance et se construit sur le temps. |
Relation triangulaire, basée sur l’écoute, le soutien et la connaissance de l’autre dans sa globalité (l’autre c’est l’enfant, sa famille, sa fratrie).
Adopter la bonne attitude face à des enfants, des familles, Obtenir leur adhésion aux soins tout en respectant leurs choix et décisions, Construire un lien de confiance. |
« On essaie d’avoir une PEC professionnelle, qui englobe l’enfant et les parents »
« je crois qu’il faudrait réfléchir à quelle forme on pourrait travailler avec la fratrie, en plus des réunions fratrie qui sont déjà organisées dans le service. » « Parfois on a un rôle qui dépasse un peu notre fonction on n’a pas à être trop maternant, c’est aussi une limite à ne pas dépasser. Il faut penser à l’autonomie. » |
Relation de professionnel à soigné
Travail d’équipe avec l’enfant et la famille. « C’est donc une relation professionnelle où le copinage pour moi n’a pas sa place. Il est important de garder une bonne distance pour avoir la prise de recul nécessaire » |
Pensez-vous que la relation d’aide basée sur une écoute attentive, un suivi régulier et donc sur une relation de confiance puissent impacter favorablement la prise en charge d’adolescents cancéreux souffrant d’une altération de l’image corporelle? | Oui absolument
«l’importance de la relation d’aide et de la mise en place de la relation de confiance c’est essentiel! »
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Oui
« la relation avec la tête et le corps c’est primordial ». |
Oui
« il faut établir la confiance, un lieu sécurisant». |
Oui
« l’accompagnement sous toutes les formes auxquelles on peut le décliner aura forcément un impact sur l’acceptation de la maladie et donc l’acceptation de l’image de soi »
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Oui
« ça y contribue largement mais pas à 100% » équipe et aux soins de support pour mieux les accompagner, « Relation d’aide et de soutien pour améliorer le vécu et les faire cheminer pour qu’ils acceptent la maladie et ses conséquences » |
Oui
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Oui
« c’est en s’intéressant à eux, à leurs habitudes de vie qu’on va pouvoir les intéresser et les encourager à nous parler, c’est un support de discussion. »
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Avez-vous quelque chose à ajouter ? | « il faut d’abord lever la symptomatologie (traiter l’aspect somatique) avant d’entreprendre un travail sur l’image corporelle
car si nous améliorons la qualité de vie, l’accompagnement sera plus facile » |
« La guérison du corps se fait avant tout par la guérison de l’esprit » | Relation de confiance qui leur est propre
et non imposée |
Accompagnement sur du long terme
« il faut bien les connaître, s’intéresser à eux, à leur vécu, à leurs besoins, prendre en compte la famille » |
« La relation soignant-soigné en oncologie pédiatrique est avant tout basée sur la relation d’aide et cette relation d’aide »
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Faire un suivi de ces adolescents | Groupe de parole |
[1] Citation du professeur Jean Bernard,médecin et académicien (1907-2006)
[2] Disponible en ligne sur : http://www.futura-sciences.com/comprendre/g/definition-cancer_108.php
[3] Emmanuelli M. « L’adolescence ». Paris : Puf, 2009.p3
[4] http://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/adolescence/dev/fr/
[5] Store & Church, 1973, pg 21
[6] Bee, 1989 pg 248
[7] DOLTO F., DOLTO TOLITCH C., Paroles pour adolescents : Le complexe du homard, Librairie générale française, Paris, 1992
[8] RAZAVI (D)-DELVAUX (N). Psycho-oncologie-Le cancer, le malade et sa famille. 2ème édition. Paris, Edition
Masson, 2002. p71
[9] « Adolescences », Fondation de France, 1993.p.9-10
[10] Op citp.12-13
[11] Institut National du Cancer. Plan Cancer 2003-2007. Mission Interministérielle de la Lutte contre le Cancer [format pdf], [consulté le 10 Mars 2015]. Disponible sur le Web :
<http://www.e-cancer.fr/component/docman/…/12466-plan–cancer–2003-2007>, p.6.
[12] La Ligue contre le Cancer. Le Dispositif d’Annonce [format pdf], [consulté le 10 Mars 2015]. Disponible sur le Web : <http://www.ligue-cancer.net/shared/brochures/dispositif-annonce.pdf>, p.4.
[13] FRANCE . MINISTÈRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES. Circulaire DHOS/O n° 2004-161 du 29 mars 2004 relative à l’organisation des soins en cancérologie pédiatrique , Plan cancer 2003-2007 (mesure n° 37), paragraphe 4.3 « La structuration des soins de support »
[14] Cours IFSI 2014, Le Temps d’Accompagnement Soignant dans le Dispositif d’Annonce, CHU de CLERMONT-FERRAND, Service d’Oncologie-Thoracique, 2013, 36p, p.14.
[15] CALTAGIRONE, A. Préserver son image personnelle malgré le cancer. Soins, 2014, n°783 , p.45-47
[16] JONNIAUX,S ; HOF,F ; DUFOUR, O. L’image corporelle perturbée, quels objectifs et interventions en soins infirmiers ?. Soins, 2013 , n°776, p.16-20
[17] VERSPIEREN, Patrick. Face à celui qui meurt : euthanasie, acharnement thérapeutique, accompagnement, Editions Nouvelle, 1999, 206 p. ISBN 978-2220046594
[18] Cours IFSI 2014, Le Temps d’Accompagnement Soignant dans le Dispositif d’Annonce , CHU de CLERMONT-FERRAND, Service d’Oncologie-Thoracique, 2013, 36p, p.7.
[19] PEPLAU, H.E. (1909-1999, américaine, docteur en éducation), Relations interpersonnelles en soins infirmiers, 1952. Paris, InterEditions, 1995, pour la traduction française.
[20] Carl Rogers, (1902-1987) psychopédagogue américain, père fondateur de la psychologie humaniste) «La relation d’aide et la psychothérapie» (1942). Editions Sociales Françaises. 1970
[21] Carl Rogers, (1902-1987) psychopédagogue américain, père fondateur de la psychologie humaniste) «La relation d’aide et la psychothérapie» (1942). Editions Sociales Françaises. 1970.
[22] Oppenheim D « L’enfant et le cancer : la traversée d’un exil », Paris ; Bayard, 1996 p27
[23] Oppenheim D « Grandir avec un cancer », Paris ; DE Boeck 2003.p17
[24] Oppenheim D « Grandir avec un cancer », Paris ; DE Boeck 2003.p40-41
[25] Op citp.12-13
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