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En quoi les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution modifient le rôle du vendeur en point de vente ?

Thème : L’impact des stratégies cross canal et de digitalisation des enseignes de distribution sur le rôle du vendeur en point de vente.

 

Problématique : En quoi les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution modifient le rôle du vendeur en point de vente ?

 

Plan

 

Introduction

  1. I) Revue de la littérature
  2. Cross-canal et parcours d’achat cross-canal

1.1. La stratégie multicanal et cross-canal

1.2. Le comportement et la satisfaction client

1.3. La relation et l’expérience client

1.3.1. La relation client

1.3.2. L’expérience client

  1. Digitalisation des points de vente

2.1. Définition de la digitalisation en point de vente

2.2. L’intégration des technologies digitales

  1. Acceptation et comportement du vendeur

3.1. Définition du champ d’intervention du vendeur

3.2. L’acceptation et adhésion du multicanal par le vendeur

3.3. Le comportement et le rôle du vendeur face au client

  1. II) Le cadre d’analyse
  2. Problématique et hypothèse
  3. Conceptualisation : les variables, les dimensions et les indicateurs
  4. Le cadre méthodologique

3.1. Choix de la méthodologie

3.2. Le guide d’entretien

3.3. Choix du terrain et de l’enseigne

3.4. Composition et taille de l’échantillon

3.5. L’analyse des données

3.6. Calendrier prévisionnel

III) Analyse des résultats et enseignements (ou recommandations) managériaux

  1. Analyse des résultats

1.1. Variable 1 : Stratégies cross-canal et digitalisation

1.1.1. Dimension 1 : Perception de l’utilisation des outils

1.1.2. Dimension 2 : Comportement client/vendeur

1.2. Variable 2 : Relation renforcée entre le vendeur et le client

1.2.1. Dimension 4 : Perception du rôle de vendeur

1.2.2. Dimension 3 : Les composantes de l’acte commercial

  1. Enseignements managériaux

2.1. Continuité cognitive vs dissonance cognitive

2.2. Rôles du vendeur en magasin et l’expérience cross-canal du client

2.3. Relation client et relation humaine

2.4. Utilisation et maîtrise des outils

2.5. Echange vendeur-client et acte commercial

2.6. Des outils en magasin

Conclusion

Bibliographie

 

 

Introduction

 

Le développement au rythme exponentiel de l’e-commerce démontre combien les consommateurs adoptent de plus en plus les canaux relatifs à internet dans leur habitude d’achat. A titre d’exemple pour illustrer ce fait, le chiffre d’affaires de l’Europe sur ce domaine de l’e-commerce connaissait un accroissement de 19% entre 2011 et 2012 pour atteindre 312 milliards d’euros, soit environ 5% du commerce physique. La France qui ne se trouvait qu’à la neuvième place en 2010 s’est hissée au sixième rang deux années plus tard, au niveau mondial. Il a été estimé que 70% des Français utilisent l’achat à distance en 2013. De plus, le nombre de canaux d’informations et d’achat qui s’offrent aux consommateurs (et ainsi aux entreprises) ne cesse de croitre proportionnellement à l’évolution des technologies de l’information et de la communication (TIC).

 

Dans cet engouement de l’utilisation simultanée de plusieurs canaux dans un même parcours d’achat (appelée « cross-canal ») et de l’usage des technologies numériques sur le domaine commercial (« digitalisation »), la place du vendeur au sein de l’entreprise constitue un enjeu de taille. En fait, le vendeur en magasin voit dans ce changement dans l’habitude du client une menace pour son métier du fait que les autres canaux de l’entreprise sont considérés comme des concurrents. En effet, avec un système de rémunération mettant un accent sur la compétitivité des salariés de l’entreprise, il existe une sorte de cannibalisation dans le sens où le vendeur voit ses propres clients emparés par les autres canaux de l’entreprise. Il en résulte une méfiance du vendeur vis-à-vis notamment des canaux online et par conséquent, une baisse significative de la qualité de la prise en charge que le vendeur accorde aux clients connectés.

 

Ainsi, le vendeur en magasin se demande de l’intérêt de dépenser du temps avec un client « internet » alors qu’il (ayant été commissionné) n’est rémunéré que sur la base des ventes réalisées en magasin. Dès fois, c’est l’entreprise elle-même (à travers les opinions des managers qui n’apprécient pas toujours le changement) qui dicte ce qu’il doit faire et ce qui lui est interdit d’entreprendre. En conséquence, le vendeur ne trouve plus le repère véritable quant à son rôle dans ce contexte de cross-canal et de digitalisation.

 

Tout cela insiste sur la pertinence de la problématique suivante : En quoi les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution modifient le rôle du vendeur en point de vente ? En d’autres mots, la présente étude cherche à déterminer les impacts éventuels du cross-canal et de la digitalisation dans le rôle du vendeur en magasin.

 

Pour répondre à cette question centrale, la présente étude est réalisée à travers trois grandes étapes correspondant à trois parties dans ce mémoire :

 

  • Dans un premier temps, il faut définir le cadre de l’étude par une revue de la littérature sur le sujet de la recherche, en se focalisant sur les concepts-clés tels que le cross-canal, la digitalisation.

 

  • Ensuite, il convient de présenter le cadre d’analyse de l’étude, ce qui conduit à décrire la problématique et l’hypothèse pour la recherche empirique, les composantes de la conceptualisation pour tester l’hypothèse ainsi formulée (variables, dimension et indicateurs), et le cadre méthodologique.

 

  • Enfin, la dernière partie est consacrée à l’analyse des informations issues des interviews réalisées auprès de quelques vendeurs en magasin. Cette analyse sera suivie d’une section relative aux enseignements managériaux pour théoriser les leçons tirées de cette étude empirique, et en guise de recommandations pour les entreprises employant des vendeurs dans des points de vente physiques.

 

 

I) Revue de la littérature

 

De manière générale, la présente étude cherche à déterminer les champs d’actions et d’applications dans lesquels le vendeur en magasin joue son rôle face au client multicanal. Ainsi, il convient de se concentrer d’abord sur le parcours d’achat « cross-canal » vécu par le client au cours de son expérience d’achat, un parcours initié généralement par le canal internet. Dans cette expérience achat, la digitalisation des points de vente influe également sur le comportement du client et implique de la part du vendeur une adhésion au concept et à l’utilisation des outils mis à sa disposition pour entrer en contact avec le client multicanal et adapter son discours en conséquence.

 

1. Cross-canal et parcours d’achat cross-canal

 

La stratégie « cross canal » est une composante de la stratégie marketing d’une entreprise ; cette composante s’inscrit dans la stratégie de distribution mise en place pour vendre les produits ou services. L’intérêt essentiel d’une stratégie cross-canal est de multiplier les opportunités de vente et les points de contact, en accompagnant le consommateur tout au long des différentes étapes du cycle d’achat appelé le « parcours cross-canal » du client.

 

1.1. La stratégie multicanal et cross-canal

 

La stratégie cross-canal, mise en place au sein des enseignes de distribution, répond à un besoin de cohérence au sein des organisations. L’utilisation de tous les canaux de distribution et de communication (internet, réseaux sociaux, téléphone portable, …) est destinée à développer un univers de consommation unique et devient la norme de commercialisation des produits et services.

 

Le terme « cross canal » est apparu dans la littérature du fait que le terme « multicanal » ne suffisait plus pour les chercheurs et praticiens afin d’expliquer les relations entre les différents canaux de distribution existants. Le terme « multicanal » désigne l’utilisation de plusieurs canaux sans lien particulier entre eux, alors que le terme « cross » propose des liens plus étroits et une interaction entre ces canaux.

 

Vanheems (2010) définit la distribution cross-canal comme « une stratégie qui consiste à éliminer les ruptures, quelle que soit leur nature (physique, émotionnelle, économique, cognitive…) lors des changements de canal par un client tout au long d’une expérience avec une enseigne » (p. 3). Alors que Frazier (1999, cité par Poirel & Bonnet Fernandez, 2008) notait que « la stratégie des canaux multiples devenait plus la règle que l’exception » (p. 156), l’avènement du commerce électronique et de l’internet a permis une réelle opportunité de développement des entreprises disposant de point de ventes physiques. Les magasins sont ainsi devenus des entreprises click & mortar[1] cherchant à intégrer et à fluidifier les synergies entre les canaux de consommation, cherchant à se différencier des entreprises pure players[2].

 

Le client va développer un parcours d’achat cross-canal multipliant les actions sur les différents canaux et souhaitant vivre une expérience globale d’achat la plus satisfaisante. Il passe d’un canal à l’autre (catalogue, site marchand, magasin…) en fonction de la valeur perçue de chaque canal et à chaque étape de transaction. La stratégie des enseignes consiste bien à exploiter chaque canal avec ses forces et atouts tout en simplifiant le parcours d’achat du client (cf. Figure 1 – Différents canaux d’une stratégie cross-canal).

 

Figure 1 – Différents canaux d’une stratégie cross-canal

Source : Mkenmogne, septembre 2012, « Stratégie Cross Canal : Qu’est-ce que c’est ? » (http://blog.economie-numerique.net/2012/09/04/strategie-cross-canal-quest-ce-que-cest/)

 

1.2. Le comportement et la satisfaction client

 

L’appréhension des nouveaux comportements clients dans ce nouveau cadre occasionné par le « cross canal » conduit à comprendre le processus d’achat du client multicanal. Une question se pose sur ce point : Quelles sont les raisons pour lesquelles les clients choisissent un canal plutôt qu’un autre dans leur processus d’achat ou décision ?

 

Balasubramian, Raghunathan et Mahajan (2005, cités par Hitz-Spahn, 2009) proposent un cadre de référence permettant d’identifier le comportement de choix d’un client dans une approche multicanal (cf. Figure 2 – Les déterminants du choix d’une formule à chaque étape d’achat). Ces auteurs identifient cinq buts dans le processus d’achat qui influence le choix d’achat : des buts économiques, l’affirmation de soi, la quête d’une signification symbolique, la recherche « d’interactions » sociales et de stimulations « expérientielles », le schéma et les habitudes d’achat. Ce modèle distingue également l’utilité retirée du produit de celle retirée par le processus d’achat. La notion d’utilité va déterminer l’utilisation d’un canal plus qu’un autre par le client cross-canal et conduire celui-ci à une utilité globale supérieure à celle d’un comportement monocanal.

 

Figure 2 – Les déterminants du choix d’une formule à chaque étape d’achat

Source : Balasubramian, Raghunathan et Mahajan (2005, cités par Hitz-Spahn, 2009)

 

Tauber (1972) parle des bénéfices procurés au client par la fréquentation du point de vente. Parmi ces bénéfices, il distingue les bénéfices personnels (gratifications hédonistes) et les bénéfices interpersonnels (rencontrer les autres, par exemple) que génère la fréquentation d’un point de vente. Son analyse, malgré les changements apportés par l’avènement d’internet, reste toujours d’actualité dans la satisfaction qu’éprouve le client à se déplacer vers le point de vente traditionnel.

 

Filser (2011) distingue deux étapes dans le processus d’achat : d’abord, la phase de recherche d’information post-achat, et ensuite la phase d’achat proprement dit. Il propose un modèle de comportement multicanal du client se découpant en quatre phases qui s’imbriquent avec l’utilisation des deux canaux principaux, à savoir la sphère réelle (magasins physiques) d’un côté, et la sphère virtuelle (commerce électronique) d’un autre côté (cf. Tableau 1 – Un modèle de comportement d’achat multicanal).

 

Tableau 1 – Un modèle de comportement d’achat multicanal

Phase du processus d’achat Sphère réelle (Magasin) Sphère virtuelle (commerce en ligne)
Recherche d’information

Prise de décision

Information sur le lieu de vente Information en ligne
Achat effectif Achat en magasin Achat en ligne

Source : Filser (2011)

 

Le client devient « gagnant » quand il devient un utilisateur averti. Se basant sur la prospective, Badot (2005, cité par Poirel & Bonnet Fernandez, 2008) démontre un consommateur de plus en plus aguerri à « l’analyse de la valeur » (p. 160) de ses actes d’achat qui le conduise à optimiser les différentes formules de distribution et à renforcer la mixité des canaux de distribution. 63% des internautes ont acheté sur internet au cours du 4ème trimestre 2014 et pour une fréquence de 18 achats en moyenne par acheteur en 2013 (FEVAD, 2014). Ces chiffres traduisent l’importance qu’a prise le canal internet dans la consommation et l’enjeu que représente la stratégie « multicanal » des enseignes pour ramener le client en point de vente.

 

Les consommateurs clicks & mortars utilisent les différents canaux pour effectuer leurs transactions, en morcelant leur processus d’achat et de décision selon le canal de distribution utilisé. Pour Belveaux (2005), les consommateurs bénéficient et profitent ainsi d’une source d’information incomparable par rapport à ce que procure la visite d’un point de vente. L’achat est préparé et planifié et l’acheteur n’est plus un « acheteur profane » face au vendeur mais devient un réel « expert » qui devrait faire évoluer le rôle de ce dernier.

 

On parle d’ailleurs de client « éclairé » (Bergadaà & Coraux, 2008) pour le désigner, un client qui saurait parfaitement utiliser l’internet, qui est capable de comparer les offres et les produits sur le site et sur le magasin, qui connaît l’offre élargie et qui fait des aller/retour entre le site et le magasin notamment lors d’achat de produits à forte implication. Ce comportement modifie forcément les attentes du client envers le vendeur et entraine parfois un comportement de défiance et agressif, démontrant un faible sentiment d’appartenance (Munoz, 2003). Il évalue le magasin encore plus sur des critères hédonistes (ambiance magasin) et utilitaires (besoin d’aide) que le client classique.

 

1.3. La relation et l’expérience client

 

Le marketing cross-canal ou omni-canal (incluant les réseaux sociaux, notamment) permet de rester en contact avec le client à travers les différents canaux et de lui proposer une offre et des services cohérents et en interactivité avec lui.

 

1.3.1. La relation client

 

Dans le cadre du cross-canal, il n’est plus question d’une relation client linéaire, c’est-à-dire continue et exclusive d’un canal. Ainsi, le parcours client devient de plus en plus fluide, de temps en temps interruptible, pouvant changer à volonté et selon l’humeur, les besoins, l’équipement, le contexte du consommateur et ses besoins.

 

Désormais, le client peut passer d’un canal à un autre avec aisance durant le processus menant à l’achat. Il a la possibilité de faire une comparaison sur internet, puis aller voir les produits en magasin, pour ensuite les acheter en ligne et se faire livrer ces produits à domicile. La distinction entre les différents canaux de distribution s’estompe aux yeux d’un tel client « éclairé », de sorte que ces canaux doivent vite s’adapter à cette situation et deviennent incontestablement interdépendants les uns des autres. Les sociétés traditionnelles, n’ayant auparavant que des magasins physiques, se transforment en brick & mortar tandis que les pures players cherchent une implantation dans des boutiques physiques ; tout cela pour répondre à ce profond changement dans le parcours client.

 

Le client devenant davantage surinformé dans le contact avec le vendeur, ce dernier doit être en mesure de répondre à des requêtes plus rigoureuses. En d’autres termes, le niveau de connaissance (voire d’expertise) du vendeur doit être à la hauteur de celui de ses interlocuteurs, sinon, le risque d’attrition est extrêmement élevé. Dans plusieurs entreprises, les dispositifs d’appui aux conseillers clientèles et aux vendeurs sont renforcés, autant sur le plan humain qu’au niveau matériel (amélioration des logiciels utilisés, par exemple). En effet, les compétences des vendeurs doivent être en mesure de satisfaire à toute demande d’information car le cycle de décision avant l’acte d’achat est extrêmement réduit.

 

Il n’est plus question de choisir un canal particulier à privilégier dans la relation client, mais plutôt de chercher à les allier, les travailler en synergie, de manière à unifier l’expérience client. Cela devrait aider le vendeur dans l’accompagnement du client à nouer un rapport pérenne avec la marque par une forte cohérence des informations diffusées dans divers support. L’unification de l’expérience client devrait aussi permettre l’optimisation du degré de fidélisation du client par le biais d’une synergie des canaux de distribution (online et offline) et de communication. Le vendeur devrait également avoir une meilleure connaissance du client (sur le profil et le comportement de celui-ci) pour accroitre la conversion (en achat).

 

« Cette expérience multicanal uniforme et continue, est susceptible d’entraîner un niveau de satisfaction [du client] plus grand, favorisant une relation à long terme basée sur la confiance » (SQLI Group, 2014, p. 10).

 

1.3.2. L’expérience client

 

L’approche expérientielle (Holbrook & Hirschman, 1982) cherche à comprendre les mécanismes développés chez le consommateur tout au long de son processus de consommation. Cette vision enrichie permet de considérer le consommateur comme un être rationnel mais également en quête de plaisir et de sens à donner à son achat.

 

Dans la présente recherche et dans le cas d’un parcours cross-canal, il est probable que chacune des étapes soit impactée : l’avant, le pendant et l’après expérience. L’expérience cross-canal peut ainsi être analysée par le concept de la valeur perçue (cf. Tableau 2 – Typologie des sources de valeur) au sens d’Holbrook (1999).

 

Tableau 2 – Typologie des sources de valeur

    Orientation extrinsèque Orientation intrinsèque
Orientation individuelle Actif Efficience (Rapport qualité/prix) Jeu (plaisir)
Réactif Excellence (qualité) Esthétique (beau)
Orientation sociale Actif Statut social (gestion des impressions) Ethique (justice)
Réactif Estime (possession) Spiritualité (sacré, magique)

Source : Holbrook (1999)

 

La typologie issue de l’expérience de consommation se fonde ainsi sur trois dimensions :

 

  • L’orientation intrinsèque ou extrinsèque de la consommation : Le canal de distribution est-il valorisé pour lui-même ou pour ce qu’il permet d’atteindre ?

 

  • L’orientation de la consommation vers soi ou vers les autres.

 

  • L’orientation active ou réactive de la consommation : le consommateur est actif s’il utilise le canal de distribution et réactif si l’utilisation résulte d’une exposition passive.

 

Cette approche de l’expérience de consommation permet ainsi d’intégrer huit formes de valeur de consommation telles que le plaisir, l’esthétique ou l’efficience. Cette valorisation et identification des sources perçues par le client permet aux enseignes de distribution de mieux percevoir les attentes et réactions que l’offre multicanale peut apporter.

 

Il existe également dans la littérature une classification plus synthétique et à caractère plus opérationnelle (cf. Tableau 3 – Typologie des valeurs composantes) : c’est la classification d’Aurier et al. (2004).

 

Tableau 3 – Typologie des valeurs composantes

  Extrinsèque Intrinsèque
Orienté vers soi Valeur instrumentale (utilitaire, connaissance) Valeur hédonique (plaisir-amusement, stimulation expérientielle)
Orienté vers les autres Communication (expression de soi, lien social) Valeur spirituelle, pratique sociale

 

Source : Aurier et al. (2004)

 

Cette approche est bidimensionnelle : caractère extrinsèque ou intrinsèque de la consommation d’une part, et orientation vers soi ou vers les autres d’autre part. Les auteurs distinguent ainsi quatre composantes de la valeur perçue :

 

  • La valeur instrumentale : Utilitaire ou connaissance.

 

  • La valeur hédonique : Plaisir, stimulation expérientielle.

 

  • La valeur communication : Expression de soi, lien social.

 

  • La valeur spirituelle : Pratique sociale et conviction.

 

L’expérience client vécue à travers un parcours cross-canal démontre que celle-ci s’enrichie au contact des différents canaux que l’enseigne met à disposition du client. Le client identifie des sources supplémentaires de son vécu ou expérience ce qui intensifie et enrichie sa valeur globale perçue.

 

La conjugaison des spécificités du web avec celles des points de vente physiques propose des expériences inédites au client et influe sur son comportement tout au long de son parcours d’achat. Les clients se sont réappropriés les canaux et y ont trouvés des solutions à leur problème de consommation, il devient possible d’identifier les nouveaux leviers de création de valeur dans un contexte multicanal et d’agir sur ces leviers. Les enseignes s’adaptent au comportement cross-canal des clients et l’un des enjeux majeurs est l’imbrication entre la sphère virtuelle et la sphère physique, notamment avec la notion de « digitalisation » des points de vente.

 

2. Digitalisation des points de vente

 

Si le commerce électronique (e-commerce et m-commerce) progresse fortement, le taux de transformation – c’est-à-dire, lorsqu’une visite se transforme en achat – y est cependant beaucoup moins élevé  que dans les magasins physiques : il reste inférieur à 2,5 % en moyenne pour l’e-commerce, tandis qu’il atteint 30% en moyenne dans les magasins physiques. De nombreux consommateurs restent très attachés à l’expérience réelle vécue.

 

2.1. Définition de la digitalisation en point de vente

 

Le magasin physique (par opposition au magasin virtuel à travers l’utilisation de supports numériques) reste le premier lieu de réalisation des achats (cf. Figure 3 – Magasin connecté). Les défis sont cependant considérables et exigent des changements profonds pour que des difficultés majeures soient évitées. Le consommateur, potentiellement toujours connecté à un téléphone intelligent (smartphone), à une tablette numérique ou à un ordinateur, peut aujourd’hui acheter n’importe quel type de produit, n’importe où et à n’importe quel moment. Une réflexion s’impose pour « re-conceptualiser » le magasin physique et trouver de nouvelles voies de développement permettant d’enrichir l’expérience vécue. Les termes « marketing digital » peuvent être défini comme suit : c’est « l’ensemble des actions faites par les entreprises pour toucher leurs prospects ou clients à travers tous supports digitaux ; ordinateurs, téléphone mobile, lecteur de podcast, jeux vidéo, affichage dynamique, panneau publicitaire extérieur et télévision ; en point de vente » (Ramarques, 2013).

 

Figure 3 – Magasin connecté

 

L’enquête Ipsos mené pour l’agence 360 digital Extrême Sensio (Guillaume, 2014) met en évidence les attentes des consommateurs français en point de vente connecté. L’intérêt est fort pour 62% des clients mais le niveau d’utilisation et de connaissance reste encore assez faible, d’où l’utilité d’investir dans la communication et l’accompagnement du client sur le digital en magasin.

 

Le rôle du magasin est en constante évolution et doit s’adapter en permanence. Pour Picot-Coupey (2013) il est important d’imaginer et de mettre en œuvre de nouveaux cadres d’expériences pertinents qui en exploitent les atouts et répondent aux défis qu’entraîne l’articulation du magasin physique avec d’autres points de contact.

 

Les atouts que présente un magasin se répartissent ainsi :

 

  • Voir, toucher et tester le produit : le magasin devient un lieu de pédagogie et d’inspiration en mettant en ambiance les produits et services de l’enseigne. Il développe une stimulation pluri-sensorielle que les autres canaux ne peuvent mobiliser en totalité.

 

  • Disponibilité immédiate du produit : l’immédiateté de la disponibilité du produit va renforcer l’achat d’impulsion et il renforce l’attrait hédoniste du client.

 

  • Interagir dans la relation client : renforcer la confiance du client en créant une relation plus riche de la part du vendeur et créer du lien social dans la relation de service à travers la fidélisation.

 

  • Lieu de rencontre et socialisation : permet aux clients de se rencontrer (cours de bricolage, soirée à thème…) et de créer un attachement au magasin physique ainsi que de se retrouver sous forme de communauté.

 

  • Le magasin physique est un canal essentiel : il représente toujours 90% des achats selon l’Observatoire du Research Online, Purchase Offline et le taux de transformation est encore 20 fois plus que le commerce digital, selon une étude de Xerfi réalisée en 2013(Massicot, 2013). Il faut pourtant que le magasin s’adapte aux nouveaux besoins des consommateurs. La synergie entre les forces du digital et celles des points de vente physiques, et donne naissance aux magasins connectés et développe ce que l’on appelle la stratégie omni-canal.

 

2.2. L’intégration des technologies digitales

 

Pour Carteron (2013), les entreprises doivent déployer des solutions qui tirent parti des avantages complémentaires du monde digital et du monde physique.

 

L’unification des données clients récoltées est essentielle car elle permet aux enseignes de récolter des informations primordiales sur l’historique du client (achat antérieur, par exemple), son comportement d’achat (on-line, par exemple) mais aussi de lui proposer des offres promotionnelles, d’accéder à son historique d’achat ou de navigation à n’importe quel moment. Selon un sondage IFOP de janvier 2013, 64% des consommateurs souhaiteraient que leurs achats et leurs gouts soient mieux pris en compte quand ils en font la demande.

 

La géolocalisation et l’utilisation du portable en magasin permet au client d’accéder à des offres personnalisées, un guidage dans les rayons et même la récupération de sa liste d’achats effectués chez lui, le portable du client présent en magasin devient alors un véritable canal interactif. Le développement de l’offre est l’une des perspectives offertes par le digital, par le biais d’un catalogue numérique, permettant de la croissance organique au magasin sans extension de sa surface de vente ou un alourdissement de son stock.

 

Les outils connectés en magasin permettent une connexion internet en direct depuis un point de vente afin de mettre en place un parcours d’achat fluide et de s’adapter aux consommateurs qui utilisent déjà des outils cross-canaux. Internet est un des leviers de trafic pour les magasins et l’utilisation des outils digitaux pour renvoyer le client en magasin est l’une des stratégies utilisées par les enseignes ; on parlera alors de stratégie « Web-to-Store » et/ou « effet ROPO » (Research On-line, Purchase Off-line). Parmi les exemples sur ce point, on peut citer la livraison de la commande internet en magasin, le retrait rapide d’un produit disponible en stock magasin. Le Web-to-store permet d’améliorer et de faciliter le parcours client, le site devant un facilitateur d’expérience en magasin (cf. Figure 3 – Magasin connecté).

 

L’expérience vécue en magasin par le client doit être un élément de différenciation et de fidélisation. Cette expérience va au-delà du service rendu et doit être en cohérence avec la stratégie de l’entreprise et la perception du client avec la marque ou l’enseigne. Le cas d’Apple est une parfaite illustration de cette interaction. Dans ses magasins, Apple Store, la stratégie d’Apple est de parler au client à travers son système limbique, en apportant du sens et en répondant à la question « pourquoi ? » tourné autour de la formation et de l’amusement : il créé une expérience sensorielle autour du produit et un parcours rythmé entre technologie et relation vendeur.

 

Dans le baromètre Ipsos pour Extrême Sensio (Guillaume, 2014), il apparaît que les clients attendent avant tout des objets connectés en magasin un service rendu comme la localisation en magasin pour 78% ou la réservation d’articles ou prise de rendez-vous avec le vendeur pour 64% des clients possédant un smartphone et/ou une tablette. En outre, les services digitaux améliorent l’image des enseignes et sont assimilés à de la modernité (83%), de l’animation (80%) et de l’utilité (79%).

 

Les impacts de comportement du client multicanal et l’utilisation des outils digitaux en magasin contribuent à une nouvelle donne dans le rapport client/vendeur. La compréhension du parcours cross-canal du client et son comportement en magasin digitalisé amène le vendeur à modifier sa posture de vente pour s’adapter à ce client multicanal.

 

3. Acceptation et comportement du vendeur

 

La stratégie cross-canal des enseignes de distribution s’impose désormais comme le modèle de gestion. Véritable source de différenciation, elle s’est banalisée et impose aux enseignes à trouver de nouveaux leviers de satisfaction client. En point de vente, la digitalisation ouvre des perspectives de renforcement entre les canaux offrant au client la sensation d’un « libre-service élargi » imbriquant la sphère virtuelle et réelle.

 

Vanheems (2013), dans une étude menée auprès de 35 vendeurs, montre l’impact que le concept multicanal exerce dans le quotidien du vendeur. L’auteur démontre le rôle du vendeur en tant que lien social entre l’enseigne et le client mais aussi son rôle pivot dans le lien entre les différents canaux.

 

3.1. Définition du champ d’intervention du vendeur

 

L’arrivée progressive du client multicanal a modifié le champ d’application du vendeur et son domaine d’intervention. Le vendeur est un lien essentiel entre le point de vente et son site internet (Fournier, 2009). Le client multicanal, ayant préparé sa visite en magasin sur internet, passe moins de temps à choisir son produit (Belveaux, 2005). Ses actions sont plus effectuées rapidement en magasin et il va tout de suite à l’essentiel. Ce client, déjà conditionné dans sa décision, réduit l’influence que peut exercer le vendeur sur son achat en magasin. L’impact ressenti par le vendeur sur son influence peut être source de démotivation ou de dévalorisation de son métier. Le sentiment de moindre appartenance chez le client multicanal (Munoz, 2003) ne favorise pas la qualité ou l’intensité de la relation entre le vendeur et le client multicanal.

 

Le vendeur n’est plus le seul détenteur de la connaissance, le client s’étant formé et informé sur internet, il est en capacité de lui démontrer son savoir et de remettre en cause le savoir-faire et l’expertise du vendeur.

 

Le décalage existant entre le client et le vendeur sur la connaissance du site de l’enseigne est également un phénomène observé qui n’est pas sans inquiéter ce dernier. Cette « myopie du vendeur » (Vanheems, 2009), ce dernier étant exclusivement préoccupé par son lieu d’action (le magasin), risque de le décrédibiliser aux yeux d’un « client éclairé » (Bergadaà & Coraux, 2008), remettant sa compétence en cause.

 

Dans un système monocanal, le vendeur doit être sensibilisé à la simplification de l’acte commercial et à « l’avalisation » de leur intervention auprès des clients mixtes (multicanaux) pour renforcer leur pouvoir et leurs compétences « à un moment où leur position est très inconfortable » (Vanheems, 2013). Le multi –canal modifie le champ d’intervention du vendeur dans sa relation et son rapport au client mais élargi également celui-ci notamment dans la production de tache répétitive et distributive sans réelle apport pour sa fonction et sans valorisation (des taches logistiques notamment).

 

Les conditions de multi-canalisation des enseignes sont parfois mal vécues par les vendeurs qui cherchent à jongler entre relation et organisation. L’évolution des comportements clients engendre une montée en compétence des vendeurs accompagnés par un management qui doit aussi s’adapter à son environnement en mouvement.

 

3.2. L’acceptation et adhésion du multicanal par le vendeur

 

L’adhésion du vendeur en point de vente au multicanal est constituée de deux composantes : « d’un côté, l’acceptation du client multicanal et, d’un autre côté, l’adhésion aux actions marketing multicanal » (Vanheems, 2013). Considérant que le degré d’acceptation des clients multicanal est un facteur clé de succès d’une stratégie multicanal, il importe de développer le thème de l’acceptation et d’adhésion du client multicanal par le vendeur.

 

Un modèle d’acceptation de la relation client (cf. Figure 4 – Modèle développé d’adhésion du personnel du magasin au multicanal) a été développé par Zablah, Bellenger et Johnston, (2004, cités par Jeanpert & Salerno, 2013). Ce modèle synthétisé et développé (Jeanpert & Salerno, 2013) présente les facteurs pouvant affecter l’adhésion d’un membre du personnel au multicanal.

 

3.3. Le comportement et le rôle du vendeur face au client

 

Figure 4 – Modèle développé d’adhésion du personnel du magasin au multicanal

 

Orientation marché coopétitive du magasin perçue :

 

Ce facteur est considéré comme la mise en œuvre du concept marketing. Il se définit en quelques dimensions :

 

  • L’orientation vers les clients : consommateurs cibles/offres produits.

 

  • L’orientation vers la concurrence : Capacité à répondre à la concurrence.

 

  • La coopération entre les canaux : Interaction et entraide entre les canaux.

 

  • La coopétition entre les canaux : Tensions et conflits créés entre les canaux.

 

Ce facteur cherche à développer les attitudes proactives et de service du vendeur vers le client.

 

Mécanismes de coordination multicanal perçus :

 

Ce facteur est lien entre la perception d’un avantage que retire le vendeur à l’adhésion du multicanal. Elle souligne les postulats susceptibles d’influer sur l’adhésion du vendeur tels que la centralisation et les règles de procédures formalisées ou la relation entre la rémunération et le multicanal. Ce comportement correspond à une motivation issue de « l’association entre comportements et buts à atteindre (prime, reconnaissance, promotion) ».

 

Caractéristiques individuelles :

 

Les caractéristiques individuelles sont susceptibles de jouer sur l’adhésion du vendeur au multicanal : l’ancienneté et « l’innovativité » (capacité à innover, à utiliser les technologies) sont des facteurs déterminants mais d’autres facteurs comme l’âge, la personnalité, le sexe, le niveau d’études, l’expérience individuelle d’achat en e-commerce sont susceptibles également d’agir sur les facteurs d’adhésion.

 

A travers leur étude qualitative exploratoire, Jeanpert et Salerno (2013) mettent en évidence «… les situations conflictuelles liées au système multicanal et la présence d’une   orientation stratégique perçue comme comprenant de la coopetition[3] interne, c’est à dire une coexistence de relations compétitives et collaboratives entre canaux ».

 

Parmi les sources de conflits potentiels identifiés, la gestion indépendante de la relation client et l’absence de gestion globale des clients ainsi que son manque de cohérence est une véritable source d’insatisfactions pour les clients. La concurrence inter-canaux est également une source de conflits, par son risque de cannibalisation de l’un ou l’autre des canaux perdant la notion de nouvelles cibles à atteindre pour chacun des canaux. Le système de rémunération distinct entre le magasin et le commerce en ligne est également source de conflit au sein de l’organisation. La satisfaction client ne devient plus une priorité pour le vendeur mais un moyen d’atteindre ses objectifs.

 

A travers leur étude exploratoire, Jeanpert et Salerno (2013) identifient quatre groupes distincts de vendeur dans un contexte multicanal en point de vente (cf. Figure 5 – Adhésion au muliticanal pour chacun des groupes des répondants) : les convaincus, les conservateurs, les soumis, et les réticents.

 

Figure 5 – Adhésion au muliticanal pour chacun des groupes des répondants (graphique des moyennes)

Source : Jeanpert et Salerno (2013)

 

Parmi les résultats identiques aux quatre groupes, l’orientation client et concurrence est plutôt perçue sans influence significative sur l’acceptation du client cross-canal et les actions marketing multicanal. La compétition inter-canaux a plutôt tendance à réduire l’acceptation du vendeur quel que soit son groupe. L’indépendance des rémunérations ne défavorise pas l‘acceptation du client multicanal alors que la centralisation et la faible autonomie sont des freins à l’adhésion au concept de client multicanal.

 

 

II) Le cadre d’analyse

 

Cette partie donne les principaux composants de l’étude empirique du présent travail de recherche. Ainsi, sont présentés successivement la problématique de l’étude avec l’hypothèse de travail qui lui est associée, ainsi que les variables à analyser, les dimensions correspondantes et les différents indicateurs relatifs à celles-ci. Il y a lieu également de présenter la méthodologie suivie dans cette recherche afin de répondre à la problématique de l’étude.

 

1. Problématique et hypothèse

 

Avec l’ère de la globalisation numérique, les entreprises ne peuvent plus ignorer les différents canaux d’information et de distribution offerts par les technologies digitales. D’ailleurs, il ne s’agit pas de se focaliser seulement sur chaque canal dans le cadre d’une stratégie multicanal, mais plutôt d’essayer de profiter au maximum de la synergie dans l’utilisation de différents canaux à la fois. En effet, la pertinence d’une étude focalisée sur le « cross-canal » n’est plus à démontrée dès qu’il est compris que l’existence même de ces différents canaux permettent au client d’emprunter un parcours non linéaire, essayant d’obtenir plus d’information pour optimiser son achat. Le développement des technologies numériques accroit davantage la fluidité de ce passage d’un canal à un autre dans le parcours du client le menant à l’acte ultime d’achat.

 

Plus simplement, le cross-canal transforme presque radicalement l’expérience d’achat du client. Le vendeur doit s’attendre à rencontrer un client « éclairé », c’est-à-dire disposant d’information largement plus riche (du point de vue quantitatif et qualitatif) que le client classique (des canaux traditionnels, nécessairement non-numériques).

 

Ce contexte ne cesse d’évoluer dans le sens d’une multiplication du nombre des canaux (d’information et de distribution). Théoriquement, cela devrait modifier profondément la relation que le vendeur devrait entretenir avec ce type de client. Désormais, le degré de connaissance du client se rapproche sensiblement de celui du vendeur. Ainsi, le niveau d’exigence du client surinformé se voit incontestablement augmenté.

 

Il est alors logique de penser que le rôle du vendeur dans les points de vente physique soit affecté par cette situation de cross-canal, comparativement à ce qui devrait être dans le cadre d’une autre stratégie (monocanal ou simplement multicanal). C’est ainsi que se pose la problématique suivante : En quoi les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution modifient le rôle du vendeur en point de vente ?

 

En fait, il est possible de conclure dans un premier temps que la fonction du vendeur soit relativement restreinte par le cross-canal. Cette thèse est appuyée par le fait que le client « éclairé », disposant déjà des informations quasi-suffisantes pour décider dans son processus d’achat, ne demanderait que peu de service au vendeur avant l’acte ultime d’achat. Mais, il ne faut pas oublier que le parcours du client n’est plus linéaire, en principe ; c’est-à-dire qu’il est susceptible de côtoyer le vendeur à n’importe quelle étape de son processus d’achat (au début, par exemple). Aussi, au regard d’une stratégie d’unification de l’expérience client afin de créer une synergie entre l’utilisation des divers canaux disponibles, les tâches attribuées au vendeur pourraient même être beaucoup plus importantes que dans une stratégie monocanal.

 

En effet, il est demandé au vendeur davantage de compétences pour être en mesure de répondre favorablement à une demande plus importante de conseil, de technicité et d’assistance. Sur le plan théorique, le vendeur ne devrait pas seulement se contenter d’orienter le client vers le canal où ce dernier pourrait trouver les informations qu’il cherche, mais ce vendeur devrait à même de fournir ces informations. La réduction du cycle de décision avant l’achat du client ne devrait pas ainsi diminuer l’importance du rôle tenu par le vendeur, mais au contraire, cela est susceptible d’élargir sa compétence pour accroitre le taux de conversion.

 

Il est alors possible d’émettre l’hypothèse suivante, à vérifier pour répondre à la problématique énoncée ci-dessus : « Les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution favorisent une relation élargie entre le vendeur et le client ».

 

2. Conceptualisation : les variables, les dimensions et les indicateurs

 

Dans le cadre de la présente étude, en vue tester empiriquement l’hypothèse formulée ci-dessus, il faut prendre en compte deux variables :

 

  • D’un côté, il faut apprécier (en termes de première variable) les « stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes » participant à la présente étude.

 

En fait, ce sont les enseignes ayant adopté à la fois une stratégie de cross-canal et une stratégie de digitalisation qui intéressent cette étude. Pour rappel, il s’agit alors des enseignes qui offrent au consommateur l’opportunité d’utilisation de plusieurs canaux au sein d’une même trajectoire d’achat : le consommateur a alors la possibilité de fréquenter plusieurs canaux dans un seul processus d’achat.

 

Les enseignes participantes à cette étude devraient également adopter, au niveau de leurs points de vente physiques, d’applications digitales permettant d’accroitre l’efficacité commerciale et d’optimiser l’expérience client. La forme de digitalisation la plus connue est l’utilisation de bornes interactives connectées permettant éventuellement d’élargir l’offre proposée par le point de vente. Cela peut alors consister à mettre à disposition du vendeur des tablettes connectées, ou encore de faire figurer sur d’autres supports digitaux des avis de consommateur internet relatifs aux produits exposés.

 

Afin de mieux apprécier l’adoption par les enseignes de ces stratégies de cross-canal et de digitalisation, il importe de prendre en compte deux dimensions. D’une part, « la perception et l’utilisation des canaux achats » par ces enseignes, une dimension qui devrait être appréhendée à travers deux indicateurs :

 

  • L’utilisation des canaux achats : il s’agit d’identifier les canaux d’achats utilisés les plus utilisés par les clients pour entrer au contact avec le vendeur.

 

  • Les technologies (digitales) et outils utilisés : Quels sont les supports utilisés dans le cadre de la relation entre vendeur et client ? Quels en sont les motivations et les freins éventuellement constatés par le vendeur ?

 

D’autre part, la seconde dimension pour apprécier l’adoption de ces stratégies (cross-canal et digitalisation) est le « comportement client-vendeur », avec deux principaux indicateurs pour se rendre compte des éventuels impacts de ces stratégies dans les comportements et la relation entre ces deux acteurs :

 

  • La relation vendeur-client : quelle évolution le vendeur perçoit-il dans cette relation ? Et cela pour quel type de relation ?

 

  • Expérience et comportement client : Quel comportement adopte le client dans les points de vente physique ?

 

  • D’un autre côté, il faut tenir compte (en termes de seconde variable) « l’étendue de la relation entre le vendeur et le client ».

 

Ainsi, il faut appréhender l’ensemble des actions visant à développer le chiffre d’affaires des enseignes concernées par la création et le suivi de la clientèle. L’appréciation de l’élargissement éventuel (sous l’influence de l’adoption des stratégies cross-canal et de digitalisation) de la relation client concerne l’avant, le pendant et l’après achat.

 

Deux autres dimensions interviennent dans l’analyse de cette seconde variable. D’une part, il faut considérer les influences du cross-canal et de la digitalisation sur les « composantes de l’acte commercial ». Pour mettre en évidence l’évolution de ces composantes, il convient de s’intéresser à deux indicateurs :

 

  • L’accompagnement dans le parcours client : Quelles ressources disposent le vendeur pour accompagner le client ?

 

  • L’acte commercial et l’après achat : Comment se matérialise et se concrétise la vente en magasin ? L’après-vente est-il abordé et/ou développé ?

 

D’autre part, il est très important d’avoir une « perception du rôle de vendeur » en magasin, dans le cadre du cross-canal et de digitalisation, à travers deux autres indicateurs :

 

  • Les outils mobiles utilisés dans les enseignes concernés : Quelle est la part d’utilisation des outils digitaux dans la relation client ?

 

  • L’adhésion du vendeur au cross-canal : Quelle est la perception du vendeur vis-à-vis de l’évolution de son métier ? Quels en sont ses besoins ?

 

La figure suivante résume ces deux variables, les deux dimensions et les indicateurs qui leur sont associés respectivement.

 

Figure 6 – Variables, dimensions et indicateurs de l’étude

 

3. Le cadre méthodologique

 

Il importe d’abord de justifier le choix de la méthodologie avant de présenter le(s) outil(s) à utiliser pour la collecte des données.

 

3.1. Choix de la méthodologie

 

Quelques éléments de l’étude devraient être considérés pour décider de la méthodologie à suivre, à savoir :

 

  • Répondre à la problématique, et vérifier l’hypothèse formulée en conséquence, implique la collecte d’un certain nombre d’informations correspondant aux différents indicateurs évoqués ci-dessus. Cela veut dire qu’il ne s’agit pas tellement de chercher à confirmer (ou à infirmer) des connaissances théoriques sur le sujet, mais plutôt de recueillir des informations nécessaires pour répondre à la question centrale.

 

  • La collecte de ces informations nécessite une démarche exploratoire, puisque ces informations viennent de l’expérience vécue des participants face au phénomène étudié. Désormais, les méthodes utilisées pour la collecte des données impliquent « l’identification » du comportement et du rôle du vendeur en point de vente vis-à-vis des clients de l’enseigne considérée, d’une part, et la « compréhension » de ce rôle pour mieux apprécier son éventuelle évolution dans le cadre des stratégies cross-canal et de digitalisation, d’autre part.

 

  • Une conséquence découlant également des points précédents est que les informations qu’il faut obtenir pour répondre à la problématique sont incontestablement d’ordre qualitatif (par opposition à quantitatif). En effet, ces informations concernent l’identification des canaux achats utilisés par les clients, l’évolution de la relation client suivant le type de cette relation, les ressources dont disposent les vendeurs dans l’accompagnement des clients, …

 

  • Finalement, l’investigation nécessaire pour obtenir ces informations s’apparente à une enquête de motivation, c’est-à-dire mettant en avant les points de vue, la manière de percevoir des enquêtés. Ainsi, les informations recueillies de cette manière sont nécessairement soumises à une certaine subjectivité de ceux qui participent à cette investigation.

 

En somme, la méthode d’investigation qualitative via des entretiens individuels semi-directifs apparait le moyen optimal permettant d’obtenir des informations devant permettre de répondre à la problématique de la présente étude. Au terme de cette dernière, il est important de comprendre et d’analyser le comportement des vendeurs et ainsi, proposer des recommandations générales et plus précises concernant le rôle des vendeurs.

 

3.2. Le guide d’entretien

 

Le guide d’entretien (cf. Annexe) a été élaboré suivant huit thèmes correspondant aux indicateurs associés aux deux variables pris en compte. Certes, il est suggéré de ne pas formuler des questions précises pour chacun des thèmes à aborder dans un guide d’entretien, de sorte à rendre modulable les questions à poser aux interviewés suivant les circonstances. Cependant, pour le cas particulier de la présente étude, il apparait plus intéressant de formuler des questions précises pour chaque thème puisque les natures et les types d’informations à recueillir sont pratiquement tous connus d’avance. Par exemple, les informations à recueillir concernent l’utilisation ou non du canal internet dans le parcours d’achat, l’évolution (à l’amélioration ou à la dégradation) de la relation du vendeur avec les clients, la ou les modifications apportées par le cross-canal et la digitalisation sur la relation client, …

 

Il en résulte alors que le guide d’entretien prend la forme d’un questionnaire, se rapprochant donc d’un questionnaire pour une enquête quantitative. La principale différence est que le questionnaire élaboré pour la présente étude comporte essentiellement des questions semi-ouvertes (alors que celui d’une enquête quantitative ne comporte généralement que des questions fermées).

 

3.3. Choix du terrain et de l’enseigne

 

Dans le présent travail de recherche, une étude de cas a été retenue : le terrain d’investigation concerne les deux magasins de l’enseigne Leroy Merlin France du groupe ADEO situés à Tours, c’est-à-dire Tours Sud (Chambray-les-Tours) et Tours Nord. Ce choix a été motivé par au moins les raisons suivantes :

 

  • Il s’agit d’abord d’un choix professionnel, par opportunité professionnelle. En effet, le chercheur travaillant chez Leroy Merlin, il lui a semblé intéressant d’étudier le phénomène au sein de son entreprise. Cela devrait par la suite motiver le chercheur à éventuellement continuer et à approfondir son étude sur la base du présent travail.

 

  • Leroy Merlin est une très importante société de distribution de bricolage, leader sur le marché de l’amélioration de l’habitat et du cadre de vie. Sur l’ensemble du territoire français, l’enseigne dispose d’environ 23 000 collaborateurs répartis dans 127 magasins implantés à proximité des grandes agglomérations. Ces magasins sont des grandes surfaces de 6 500 m² à 14 000 m²) animés par 100 à 250 salariés gérant 13 rayons (la menuiserie, le jardin, la peinture, la décoration, …). Il est alors logique de supposé que les comportements de cette grande enseigne servent de modèle pour les autres entreprises du secteur (Benchmarking). Dès lors, les résultats d’une étude réalisée sur une partie de cette entreprise ne devraient pas trop s’écarter des résultats obtenus en effectuant l’étude sur l’ensemble du secteur.

 

  • L’évolution du métier de vendeur chez Leroy est intéressante, surtout pour la problématique à résoudre dans la présente étude. Les vendeurs, appelés « Conseillers de vente », représentent en moyenne 40% de la population d’un magasin. La mission qui leur est confiée est définie par une fiche de mission et donne lieu à un entretien annuel d’évaluation avec le chef de secteur. L’autonomie et la responsabilisation dans le métier sont deux des principes managériaux appliqués dans l’entreprise. Leroy Merlin connaît depuis quelques années une révolution culturelle et managériale au sein de son organisation liée à l’évolution des exigences des clients et l’émergence d’internet : c’est la transformation cross-canal du modèle économique. Par ailleurs, les conseillers de vente sont accompagnés et formés régulièrement sur les nouveaux outils (de vente) et bénéficient de formation à l’interne (en magasin) appelée « les Ecoles de la Vente ». En outre sur la période 2015-2016, un plan de formation a été déployé sur les magasins autour de la sensibilisation et la posture de vente face aux évolutions du métier : La formation du vendeur 3.0.

 

3.4. Composition et taille de l’échantillon

 

Comme il s’agit d’étude qualitative, le nombre des interviewés est sensiblement réduit au nécessaire. En effet, ce nombre a surtout été fixé selon le principe de saturation sémantique, c’est-à-dire que lorsque les nouveaux entretiens n’apportent plus de modalités ou de descriptions significativement différentes de ce qui a déjà été obtenu jusqu’alors, ce nombre a été arrêté. Finalement, l’échantillon (de convenance) est composé au total de sept personnes interviewées en face à face.

 

Le choix des vendeurs à interviewer s’est effectué en collaboration avec les chefs de secteur. Ce choix a été réalisé dans un souci de représentativité au regard des différents types de vendeurs existants (dans les magasins concernés) : vendeur libre-service ou vendeur projet, vendeur débutant ou vendeur expérimenté, homme ou femme, …

 

3.5. L’analyse des données

 

Chaque entretien, d’une durée moyenne de 45 minutes, a été enregistré (avec l’accord de l’interviewé) avec un dictaphone. L’enregistrement audio est ensuite retranscrit intégralement, donnant ainsi lieu à un fichier texte qui est ainsi soumis à une analyse de contenu thématique. Cette méthode est adaptée à la présente recherche dont l’objectif est d’explorer la perception et le ressenti des répondants, elle permettra de délimiter les thèmes grâce à un procédé de réduction des données.

 

Une grille d’analyse est alors élaborée à l’issue des interviews, mettant en valeur les différentes variables et indicateurs qui devraient permettre de vérifier l’hypothèse de travail formulée.

 

3.6. Calendrier prévisionnel

 

Les grandes étapes de la présente étude devrait suivre l’échéancier ci-après :

 

  • 25 janvier – 25 février : Phase des entretiens qualitatifs au sein de l’enseigne (2 en pré-tests).

 

  • 25 février – 15 Mars : Retranscription et codage des entretiens.

 

  • 16 mars – 30 avril : Analyses et recommandations managériales de la problématique.

 

  • 1er mai – 9 mai : Rédaction et relecture du mémoire final.

 

III) Analyse des résultats et enseignements (ou recommandations) managériaux

 

Cette dernière partie est consacrée à l’analyse des résultats des entretiens afin de tester l’hypothèse formulée dans la partie précédente, et ainsi de répondre à la problématique de la présente étude. A titre de rappel, la problématique est la suivante : En quoi les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution modifient le rôle du vendeur en point de vente ? L’hypothèse correspondante est : « Les stratégies cross-canal et de digitalisation des enseignes de distribution favorisent une relation renforcée entre le vendeur et le client ». Cette analyse des résultats devraient également permettre d’établir des enseignements managériaux, c’est-à-dire de théoriser les leçons pouvant être tirées de cette étude au service des entreprises.

 

1. Analyse des résultats

 

Afin de mieux organiser les différents éléments de cette analyse, il convient de la faire pour chacun des variables, selon l’importance des dimensions et des indicateurs pris en compte dans l’étude..

 

1.1. Variable 1 : Stratégies cross-canal et digitalisation

 

Il est d’abord nécessaire d’apprécier l’adoption de ces stratégies par les établissements dans lesquels travaillent les vendeurs interviewés, c’est-à-dire pour vérifier et caractériser l’utilisation des outils connectés par ces vendeurs (dimension 1). Vient ensuite l’analyse des comportements des vendeurs et des clients dans ce contexte de cross-canal et de digitalisation.

 

1.1.1. Dimension 1 : Perception de l’utilisation des outils

 

Dans cette dimension, il est question surtout d’appréhender les avis des vendeurs quant à la nécessité d’utilisation et l’effectivité de cette utilisation des outils connectés (relatifs au cross-canal et à la digitalisation) par les clients d’abord, et (surtout) par le vendeur lui-même. Sur les deux indicateurs relatifs à l’appréciation de l’évolution de cette première variable sur cette première dimension, le premier indicateur (« utilisation des canaux d’achat ») apparait de premier ordre car il permet de ne s’intéresser qu’à des vendeurs qui utilisent vraiment ces outils connectés face à des clients qui usent également ces mêmes outils. Néanmoins, le second indicateur (« les technologies et les outils connectés »), pouvant être qualifié de deuxième niveau, donne plus de précision sur l’utilisation de ces outils : lesquels, dans quelles circonstances dans le cadre de la relation entre le client et le vendeur, et avec quel(s) impact(s) sur ce dernier ?

 

Selon les vendeurs interviewés, Internet et les technologies numériques les aident effectivement dans leur métier (de vendeur). Outre le gain de temps que ces outils accorderaient au vendeur, ils lui mettent également à disposition des informations importantes. Ainsi, grâce à ces outils, il règne une certaine cohérence entre le discours du vendeur et les requêtes du client. Cela améliorerait la prise en charge de ce dernier en magasin.

 

  • « [Ces outils sont] un gain temps énorme pour le vendeur. On a aujourd’hui des logiciels qui permettent de répondre à des questions très techniques. Le client se sent pris en charge et dans les mains d’un expert» (Colin).
  • « Le client arrive en magasin déjà bien informé. Nous parlons assez rapidement le même langage et cela nous aide à aller rapidement à l’essentiel» (Hatim).
  • « Oui ça aide beaucoup, même si les avis internet ne sont pas toujours gratifiants. Nous pouvons retrouver les stocks plus facilement, savoir qui en a ou pas. Il nous donne une aisance et une assurance» (Eric).

 

D’ailleurs, cette utilisation effective de ces outils connectés, que les vendeurs perçoivent comme bénéfique, résulte de leur usage presque « systématique » par le client dans un contexte de cross-canal : Généralement, et cela se reflète sur l’habitude des interviewés en tant que consommateurs, eux aussi, le client utilise internet avant de venir acheter en magasin surtout pour des produits moins standards (notamment pour les produits techniques, à forte valeur, biens ciblées). C’est surtout pour comparer les prix, voir la disponibilité, voir les caractéristiques, avoir une « inspiration » sur les produits, sans faire de déplacement.

 

  • « Ça dépend du produit, mais oui, en règle générale, je fais des recherches Internet avant de venir en magasin. Notamment sur les produits techniques. Je me renseigne surtout sur les prix et la disponibilité» (Colin).
  • « Oui, j’y vais systématiquement [sur internet], notamment pour les achats à forte valeur. J’aime comparer et m’inspirer» (Noémie).
  • « L’Internet est très utilisé à la maison. En magasin, j’en vois beaucoup se promener avec leur smartphone » (Noémie).

 

A travers ce premier indicateur majeur, il peut être conclu que le vendeur comprend l’enjeu de la digitalisation et du cross-canal, autant dans son métier que dans l’expérience d’achat du client. La digitalisation et le cross-canal sont une réalité et vécus plutôt positivement par le vendeur, trouvant dans ces éléments des outils favorables à son métier.

 

En complément à ce constat, le deuxième indicateur apporte certains détails assez intéressants :

 

  • D’abord, sur la catégorisation des outils connectés en question, explicitant bien le caractère cross-canal et la place de la digitalisation dans le parcours d’achat du client : L’ordinateur et la tablette servent surtout à préparer les achats nécessitant des analyses détaillées, tandis que le smartphone est généralement utilisé lors des déplacements en magasin.

 

  • Aussi, les outils connectés sont intégrés dans la relation du vendeur avec le client. En effet, ces outils conférant une aisance et une assurance au vendeur dans son métier, ils permettent aussi à (mieux) communiquer au client : « […] le client est souvent avec son smartphone pour nous faire voir ce qu’ils veulent» (Olivier).

 

  • Enfin, le vendeur reconnait qu’il devrait avoir un minimum de connaissance et de maîtrise sur les technologies et outils connectés pour être en mesure de répondre positivement aux demandes et questions du client éclairé. L’image et la crédibilité du vendeur, et ainsi de l’entreprise, en dépendent. « Pour renseigner le client il faut que l’on soit « à la page ». Pour moi c’est indispensable de connaître le parcours de préachat de clients» (Colin). « On doit savoir comment ça marche pour connaître les attentes du client et gagner en fiabilité auprès de celui-ci » (Maxime).

 

En somme, la nécessité de l’utilisation des technologies et outils connectés par le vendeur, et ainsi d’une certaine maîtrise de cette utilisation, n’est plus discutable pour communiquer efficacement et avoir de l’influence positive sur le client.

 

  Dimension 1 : Perception de l’utilisation de l’outil
  Indicateur 1 :

Utilisation des canaux achats

Indicateur 2 :

Les technologies et outils connectés.

Mots clés aisance, comparaison, gain de temps, systématique communiquer, fiabilité
Synthèse Reconnaissance du vendeur de l’intérêt des outils dans l’expérience achat du client et pour le vendeur Le vendeur doit avoir une maitrise des outils intégrés dans sa relation avec le client

 

1.1.2. Dimension 2 : Comportement client/vendeur

 

Cette deuxième dimension met en évidence l’évolution du relationnel entre le vendeur et le client, mais surtout de l’expérience d’achat du client. En fait, le quatrième indicateur (« expérience et comportements clients »), pouvant également être qualifié de majeur, permet d’apprécier les impacts des stratégies cross-canal et de digitalisation sur les comportements du client en magasin, lors de son parcours d’achat.

 

En effet, les vendeurs enquêtés distinguent deux types de clients connectés : d’un côté, il y a ceux qui sont « affirmatifs », ne voulant qu’un minimum d’accompagnement de la part du vendeur ; et de l’autre côté, il y a ceux qui sont plus prudents. En fait, même si ces derniers disposent déjà des informations avant de venir en magasin, ils sont toujours en quête d’assurance quant à la fiabilité des informations (celles qu’ils détiennent préalablement par internet et celles que le vendeur leur donne en magasin). En tout cas, le client éclairé cherche une plus grande réactivité, de la fiabilité, et de l’honnêteté de la part du vendeur.

 

  • « Il y a plusieurs types de comportements clients. Le premier est celui qui sait déjà ce qu’il veut il vient chercher son produit et n’a besoin de personne. Il y a celui qui a repéré et qu’il a réellement besoin de conseils» (Hatim).
  • « Les clients sont très demandeurs, Il pose des questions pour vérifier notre niveau de connaissance. Il cherche à savoir s’il a affaire à quelqu’un de fiable ou pas» (Noémie).
  • « Ils sont pressés et ne veulent pas perdre de temps» (Léo).

 

D’ailleurs, ces comportements particuliers du client connecté se répercutent sur la relation entre les deux parties, des impacts mis en lumière par le troisième indicateur (« l’échange vendeur-client »). Dès l’entame de l’échange, le questionnement a un enjeu important : le client connecté pose plus de questions techniques et ciblées que le client lambda ; le vendeur pourrait aussi appréhender par questionnement ce type de client et les besoins que celui-ci exprime. Bien qu’il soit difficile de statuer sur le sens de l’évolution de cette relation (certains vendeurs évoquent même le peu d’évolution, voire le statu quo) cette évolution existe au moins sur trois axes : une personnalisation accrue (de la relation), une recherche de confiance plus importante, et une complémentarité des savoirs (ceux du vendeur et ceux du client). En tout cas, le cross-canal et la digitalisation a modifié le parcours client et impose au vendeur d’adapter en conséquence les moyens et le discours de celui-ci dans la communication avec le client.

 

  • « C’est assez compliqué quand même. Car rien ne le [le client connecté] différencie au début. Mais on voit si rapidement avec les questions qu’il pose s’il est allé sur Internet faire des recherches. Il sait où il va et a déjà une idée de ce qu’il veut. Il nous posent plus de questions qu’un client lambda» (Colin). « J’arrive par le questionnement à savoir rapidement si le client a été sur internet, le client lâche rapidement l’information » (Léo).
  • « Le mail a créé un échange plus personnalisé avec le client que l’appel au standard» (Noémie) ; « le client et le vendeur sont obligés de « s’y mettre » à l’internet donc ils se complètent et s’aident » (Olivier).
  • « J’adapte mon discours de mon approche client selon le fait qu’ils soient réceptifs ou pas aux cross-canal et aux technologies. Je vais tenter d’en faire un allié par notre connaissance commune de l’Internet» (Noémie).

 

En somme, le client connecté est très demandeur surtout pour vérifier la fiabilité des informations fournies par le vendeur. Mais, il cherche également le contact et la reconnaissance de la part du vendeur. La relation entre ces deux protagonistes se transforme nécessairement avec l’évolution de l’attente du client, une évolution en fonction du parcours client, guidé par le cross-canal et la digitalisation. Du coup, cela exige du vendeur une mise à jour de son approche client dans cette relation en évolution.

 

  Dimension 2 : Comportement client-vendeur
  Indicateur 3 :

L’échange vendeur-client

Indicateur 4 :

Expérience et comportements client

Mots clés questionnement, personnalisé, adaptation vérifier, personnalisé, contact
Synthèse Les modifications de l’attente du client connecté font évoluer sa relation avec le vendeur Les outils connectés ont fait du client plus sensible à la relation humaine et la qualité des informations

 

1.2. Variable 2 : Relation renforcée entre le vendeur et le client

 

Du fait que la dimension 4 (« Perception du rôle de vendeur ») devrait donner des informations en relation directes avec cette deuxième variable (ce qui n’est pas nécessairement le cas de la dimension 3 concernant « les composantes de l’acte commercial » qui apparait comme une dimension complémentaire, de précision), cette dimension est abordée avant la dimension 3.

 

1.2.1. Dimension 4 : Perception du rôle de vendeur

 

Le huitième indicateur (« l’adhésion du vendeur ») devrait appréhender explicitement la question d’évolution éventuelle du rôle de vendeur en magasin dans le cadre du cross-canal et de la digitalisation. En fait, à travers cet indicateur-clé, il a été constaté que le vendeur conserve une influence importante sur l’achat du client à condition d’avoir la confiance de celui-ci suivant l’expertise manifeste du vendeur et la qualité de la relation établie entre les deux parties. Cela semble établir que le vendeur conserve au moins ce rôle important d’influencer le client dans la décision d’achat. Outre le maintien (la mise en valeur) de ses rôles traditionnels (vendre et satisfaire le client, entre autres), le vendeur devrait également entretenir une relation personnaliser avec le client, avoir une connaissance meilleure de celui-ci, être un point d’intersection entre le magasin physique et internet, et maîtriser les outils connectés.

 

  • « Il [le client] nous écoute et nous questionne .Et la plupart du temps nous fait confiance» (Hatim). « Le client qui se déplace en magasin a aussi besoin de conseils. S’il vient nous voir, c’est qu’il a forcément besoin [de nous] » (Noémie). « Si on est sur un bon feeling, le client est capable de changer d’avis » (Léo).
  • « Le rôle du vendeur, à mon avis, a changé. On doit personnaliser notre accueil et notre relation, avoir une meilleure connaissance de nos clients et des outils qui sont mis à notre disposition pour mieux vendre» (Colin). « Nous devons nous adapter à tous les changements et très rapidement. Nous sommes devenus plus des vendeurs de solution que de produits. Notre rôle est d’être le représentant de l’entreprise entre l’Internet et le magasin » (Noémie).

 

Sur ce point, la question de formation pour s’adapter au changement reste un point perfectible : les formations existantes sont jugées « trop généralistes », « pas assez poussées », « trop formatées ». D’ailleurs, les vendeurs en magasins admettent le fait que le Cross-canal et la digitalisation ont bouleversé le client, ses attentes et son expérience d’achat, ce qui a fait également évolué le métier de vendeur (il est devenu un « accompagnateur de projet », par exemple). Cette évolution dépend surtout de deux éléments majeurs : d’un côté, les attentes du client, et d’autre côté, les innovations qui s’opèrent en permanence au niveau des technologies de l’information et de la communication (TIC).

 

  • « La digitalisation nous permet également de nous occuper de plusieurs clients en même temps» (Hatim). « Nous n’apportons plus la même chose auprès du client. Il a plutôt besoin d’être rassurée. Notre rôle est donc de l’accompagner dans la recherche de son besoin » (Noémie). « On est obligé au final d’évoluer avec le cross-canal. L’informatique a modifié le métier car on est souvent sur les outils alors qu’il y a 10 ans on pouvait passer une journée sans informatique » (Olivier). « Les entreprises mettent des moyens pour évoluer sur le marché et donc nous devons nous adapter en permanence » (Eric).

 

Le septième indicateur (« les outils mobiles dans l’entreprise ») donne des détails sur l’utilisation des outils connectés par le vendeur face à cette modification de ses rôles due au cross-canal et à la digitalisation. Les vendeurs interviewés affirment que les outils qui leur sont mis à disposition par l’entreprise les aident effectivement dans leur métier. Certains vendeurs veulent des moyens plus adaptés aux circonstances et à l’évolution des technologies. D’ailleurs, un vendeur utilise « tous les jours » ces outils dans sa relation avec le client (à l’image de la plateforme de relation client, et aussi internet). Le vendeur se forme surtout par autodidactie quant à l’utilisation de ces outils, ainsi que par entraide avec les collègues pour compléter la formation (un peu trop) basique offerte par l’entreprise.

 

  • « Ils sont jamais suffisant. Mais les technologies évoluent très vite et souvent, les outils deviennent rapidement obsolètes» (Colin). « Les outils nous aide à mieux faire notre travail, mais il y en a pas forcément assez. Et ils ne sont pas toujours adaptés à la problématique client et au vendeur » (Hatim).
  • « J’utilise des outils tous les jours. Nous pouvons pas faire notre métier sans informatique. Toutes les informations sont de plus en plus dématérialisées» (Hatim).
  • « Je me forme plutôt par moi-même ou avec mes collègues, on échange les informations et les astuces» (Eric).

 

En somme, pour maintenir (voire accroitre) ses influences sur le client, le vendeur devrait assumer des rôles plus étendus et plus renforcés à certains niveaux dans une évolution portée par les technologies numériques et les comportements du client en conséquence. Le vendeur souligne l’importance cruciale des outils connectés et le canal internet dans son métier, et par l’occasion, celle de la formation pour les maîtriser.

 

  Dimension 4 : Perception du rôle de vendeur
  Indicateur 7 :

Les outils mobiles dans l’entreprise

Indicateur 8 :

L’adhésion du vendeur

Mots clés intuitif, informatique, partage confiance, vendeur de solution, partenaire, accompagnement
Synthèse Les rôles du vendeur sont plus étendus et plus renforcés proportionnellement à l’évolution des comportements du client Le vendeur devrait disposer de formation suffisante pour maîtriser ces outils

 

1.2.2. Dimension 3 : Les composantes de l’acte commercial

 

L’indicateur 5 (« l’accompagnement dans le parcours client ») sur le rôle d’accompagnateur que joue le vendeur dans le cadre du cross-canal et de la digitalisation, notamment vers l’acte ultime d’achat. En fait, le client cherche du contact de la part du vendeur, mais aussi du conseil et de l’assurance : le client veut de l’accompagnement plutôt que de la gestion. Mais, les vendeurs interviewés ont aussi révélé que le cross-canal rend le client plus aguerri, préparé aux achats avec plus d’aisance : les outils contribuent alors largement à l’accompagnement vers l’achat.

 

  • « Oui il [le client] cherche toujours à rentrer en contact. Il cherche à confronter son avis avec celui vendeur. Mais aussi plus autonome car il [le client] a plus de connaissances qu’avant avec Internet. A nous [vendeur] de le fidéliser et de le faire acheter en magasin par notre accueil et notre expertise» (Colin). « Ils [les clients] recherchent toujours pour se rassurer même si on sent que beaucoup sont plutôt autonomes » (Maxime).
  • « Le client a toutes les informations possibles pour accéder au produit, comme le stock, la comparaison de prix, et donc, cela facilite son achat» (Léo).

 

Concernant plus particulièrement l’acte commercial et l’après achat (indicateur 6), il faut dire que le cross-canal et la digitalisation aident le vendeur à mieux servir le client grâce à des informations pertinentes et disponibles rapidement, favorisant ainsi l’aboutissement vers l’acte d’achat. Néanmoins, le temps consacré à l’acte de vente est relativement moins important et se situe généralement en fin de la relation vendeur-client. L’acte commercial passe souvent derrière une relation humaine personnalisée et une reconnaissance du client par le vendeur. Par ailleurs, le temps consacré à l’acte de vente est relativement moins important et se fait généralement en fin de la relation vendeur-client.

 

  • « Les clients repèrent le produit, mais après, c’est au vendeur de faire la vente» (Eric).
  • « La part consacrée à la [acte de] vente est de moins en moins importante, car le client a préparé pour la plupart du temps son achat» (Hatim).
  • « Le client attend avant tout une relation personnalisée, que l’on prenne en compte son avis, et que l’on écoute également ses arguments. La relation et l’échange autour de nos points de vue est aussi importante que la finalisation de l’acte d’achat» (Noémie).

 

En somme, bien que souvent autonome et ayant des idées préconçues sur ses achats à réaliser, le client veut obtenir du vendeur des informations de qualité et d’un accompagnement personnalisé. Aussi, même si l’acte commercial qui est censé être la finalité du rencontre vendeur-client soit facilité par les outils connectés, il ne prend qu’une place moins importante (en termes de durée) en fin de relation entre les deux parties, après le relationnel.

 

  Dimension 3 : Composantes de l’acte commercial
  Indicateur 5 :

L’accompagnement dans le parcours client

Indicateur 6 :

L’acte commercial et l’après achat

Mots clés aguerri, autonome, expert plus juste, plus vite, relationnel
Synthèse Les informations et le relationnel de la part du vendeur sont très importants pour le client éclairé L’acte commercial, bien qu’important, occupe moins de temps dans l’échange vendeur-client, venant après le relationnel

 

En conclusion, l’hypothèse de travail, selon laquelle « les stratégies cross-canal et de digitalisation favorisent une relation renforcée et étendue entre le vendeur et le client », est vérifiée. Le fait que des clients éclairés se montrent plus autonomes et réclament de moins en moins d’accompagnement, cela ne réduit pas les attributions d’un vendeur : au contraire, elles sont renforcées proportionnellement aux attentes des clients, et étendues à cause du besoin de synergie entre les différents canaux de l’entreprise. Il importe alors de capitaliser ces connaissances acquises à travers cette analyse sous forme d’enseignements managériaux au service des entreprises.

 

2. Enseignements managériaux

 

Avant de parler directement des rôles du vendeur en magasin, il importe de considérer d’abord les enjeux du cross-canal et de la digitalisation du point de vue cognitif pour le client et le vendeur. Des leçons peuvent être aussi tirées concernant la relation dans l’échange vendeur-client, et concernant l’utilisation des outils connectés.

 

2.1. Continuité cognitive vs dissonance cognitive

 

Parler de client « éclairé » implique ainsi une préparation préalable de l’achat sur internet, et par conséquent un impact sur le comportement et les attentes du client, notamment au niveau de sa dimension cognitive. Le vendeur devrait alors assurer une certaine continuité cognitive entre les connaissances du client et les informations que celui-ci peuvent découvrir en magasin : le vendeur est en quelque sorte un garant de la cohérence des informations délivrées par les différents canaux utilisés par l’entreprise. Le client apprécie cette continuité, faisant en sorte que la rencontre avec le vendeur apparait comme une simple formalité : toute distorsion risque de mettre à mal le client.

 

La dissonance cognitive résulte d’une contradiction entre le choix du client et le discours du vendeur. Ce fait pourrait être interprété de façon négative par le client, ce dernier étant convaincu de la qualité de son choix. Deux scénarios sont envisageables : soit il abandonne son préjugé et accepte les arguments du vendeur, soit il remet en cause la fiabilité de la nouvelle source d’informations. Même si le vendeur estime que son champ d’influence est réduit par le cross-canal, cela ne signifie aucunement à une baisse de l’importance de son intervention auprès du client éclairé.

 

2.2. Rôles du vendeur en magasin et l’expérience cross-canal du client

 

Il est manifeste que le vendeur est tenu jouer plus que ses rôles « traditionnels » (faisant ainsi référence à ses rôles dans le contexte en dehors du cross-canal et de la digitalisation) en magasin, devenant alors un maillon essentiel pour assurer une certaine synergie entre les différents canaux existant pour son entreprise. Désormais, il se trouve au cœur de la cohabitation entre ces canaux, et le client n’espère avoir affaire qu’à un interlocuteur unique lorsqu’il s’adresse à n’importe lequel de ces canaux. Dans son rôle de fidélisation du client, le vendeur devrait être un « accompagnateur » offrant une expérience agréable (la moins désagréable possible) au client en passant d’un canal à un autre. Sur ce plan, est appréciée une sorte d’extension de ce rôle traditionnel : le vendeur ne devrait plus se limiter à la partie « offline » de l’échange (le canal physique qu’est le magasin), puisqu’il devrait également être opérationnel sur la partie « online » (les canaux virtuels).

 

A l’aune des informations issues des interviews, le vendeur intervient surtout en phase terminale du processus de vente, c’est-à-dire dans un scénario où le client ne se déplace au magasin physique qu’après avoir emprunté d’autres canaux, dont internet. Dans ce modèle, le vendeur doit comprendre son rôle d’avaliseur ou de « valideur » du choix préalablement formulé du client avant de venir en magasin. Admettant que les tâches relatives à ce rôle sont difficiles, au risque de contrarier le client, le vendeur devrait surtout développer son savoir-faire et son savoir-être, bien plus que son « savoir » (connaissance).

 

Face à un client éclairé, il y a une relative simplification de l’acte commercial dans le sens d’un raccourcissement du processus de la négociation commerciale. En effet, il y a une partie « amont » du parcours achat du client à laquelle le vendeur n’a pratiquement plus d’accès, ce dernier se situe souvent dans les dernières étapes de la décision d’achat. La négociation commerciale (c’est-à-dire la découverte du besoin, la présentation de l’offre, l’argumentation, le traitement des objections, et la conclusion de la vente) connait ainsi une modification. Une bonne part de cette négociation n’étant plus du ressort du vendeur, il n’est plus question de « gérer » le client (comme cela devrait être avec un client classique : prendre en compte l’ensemble de la négociation), mais plutôt de « l’accompagner ». Le repérage du type de client est alors très important, dès l’entame de l’échange vendeur-client.

 

2.3. Relation client et relation humaine

 

Certes, la finalité de l’échange vendeur-client est censée être commerciale, mais il apparait que c’est surtout sur le côté relationnel de cet échange que repose la relation client. Dans un monde où la relation humaine se fait de plus en plus rare au bénéfice de la relation électronique, le vendeur devrait avoir la pleine conscience de l’importance grandissante de ce côté humain de l’échange. Il est possible de dire que, sur ce point, le cross-canal et la digitalisation a transformé les attentes du client vis-à-vis du vendeur.

 

Une question à laquelle le vendeur devrait faire une longue réflexion est la suivante : pourquoi le client prend-t-il la peine de venir en magasin (avec tous les désagréments que cela peut engendrer : coûts de déplacement, perte de temps, parking, …), juste pour conclure une vente par exemple, alors qu’il a la possibilité de tout faire en ligne ? Une des réponses probables se trouve dans une logique de rencontre, de communication en face à face. Le vendeur devrait répondre positivement à cette attente en offrant au client une expérience agréable.

 

« Plus que jamais, face à une relation digitale froide et dématérialisée, vos clients sont sensibles au contact humain et aux petites attentions en magasin. Plus on achète en ligne, plus on apprécie la disponibilité du vendeur et le sourire de la caissière » (Barba, 2013, p. 24).

 

2.4. Utilisation et maîtrise des outils

 

La relation commerciale de l’entreprise est désormais caractérisée par le triptyque vendeur-outils-client, c’est-à-dire que les outils connectés sont totalement intégrés dans tout échange entre le vendeur et le client. En conséquence, le vendeur devrait avoir un accès facilité aux outils de l’entreprise. Deviennent alors une nécessité pour le vendeur la connaissance et une certaine maitrise des outils, dont fait partie le site internet de l’entreprise qui est un lieu d’échange virtuel et d’informations.

 

Le site internet peut être également conçu comme outil de formation pour le vendeur permettant l’autoformation, l’entraide et le partage d’expériences et de connaissances. Cette question de formation prend toute son importance lorsque le vendeur, mais aussi l’entreprise, comprennent que la méconnaissance et la non-maîtrise des outils connectés par le vendeur peuvent impacter substantiellement dans la confiance du client et la qualité de l’échange avec celui-ci, et surtout sur l’image du vendeur en particulier et de l’entreprise en général.

 

2.5. Echange vendeur-client et acte commercial

 

Le contenu même de l’échange commercial connait une modification substantielle à cause du cross-canal et de la digitalisation. En effet, à la différence d’une situation classique (sans cross-canal et de digitalisation), le vendeur n’est plus considéré comme le détenteur exclusif de la connaissance, du fait que le client dispose d’autres sources d’informations relativement riches. Cela modifie alors le rapport de force entre les deux protagonistes, et le vendeur est défié par le client sur son propre terrain de compétence, remettant parfois en cause l’expertise supposée du vendeur.

 

Ce renversement de situation avec le cross-canal et la digitalisation peut créer chez le vendeur un sentiment d’incompétence. Il peut se considérer désormais comme dépouillé de son savoir et ne dispose plus que d’une légère argumentation face à un client devenant de plus en plus difficile à convaincre. En fait, le site internet de l’entreprise ne constitue pas seulement un outil de formation pour le vendeur puisque le client peut aussi y accéder jusqu’à un certain niveau.

 

Mais, le vendeur peut également avoir un esprit plus optimiste dans cette circonstance assez embarrassante. En effet, il peut trouver un atout dans le fait que le client soit mieux informé (que le client classique) : le vendeur n’est plus obligé de passer par la formation du client pendant l’échange. Désormais, cette formation souvent très technique aurait accaparé des temps précieux, pouvant alors être au détriment du côté relationnel de cet échange. Une opportunité de faire vivre une expérience agréable au client risque alors de disparaitre sans le cross-canal et la digitalisation.

 

Il est possible de dire que le cross-canal et la digitalisation ont un potentiel de simplifier et de faciliter la transaction dans le sens où ils sont censés occasionner plus de sérénité dans l’échange vendeur-client.

 

A entendre les vendeurs interviewés, lors de sa quête d’information sur internet, le client est préparé psychologiquement à rencontrer le vendeur, à entendre son discours en magasin. L’honnêteté des informations mises à disposition par l’entreprise sur son site internet et aussi de celles dans le discours du vendeur, avec une totale cohérence et complémentarité, devrait épargner le client d’une mauvaise surprise. En fait, lorsque ce dernier a une certaine connaissance des produits, de leurs prix et des éventuelles contraintes relatifs à l’achat ou à leur détention (de ces produits) son questionnement est plus ciblé, et il peut aller tout de suite à l’essentiel.

 

Toutefois, il faut reconnaitre que le client éclairé, ayant déjà effectué son pré-choix, est plus difficile à convaincre. C’est ici que le savoir-faire, le savoir-être et le savoir du vendeur vont être valorisés par les résultats de ses actions. La notion de confiance est cruciale puisqu’en dépend la crédibilité du vendeur. En fait, le client risque de croire que son interlocuteur oriente son choix de manière à tirer profit de ce changement (face à un vendeur commissionné, par exemple) au détriment de son propre besoin ?

 

Il peut être une bonne idée de permettre au client de mettre ses appréciations, ses critiques et suggestions sur le site de l’entreprise, avec l’aide du vendeur. A souligner que le client cherche aussi la reconnaissance (du vendeur vis-à-vis) de son choix, de ses connaissances, de son statut, … une reconnaissance pouvant être un facteur positif de confiance.

 

2.6. Des outils en magasin

 

L’utilité des outils connectés dans le métier du vendeur n’est plus à démontré, d’autant plus que le client est très habitué à en utiliser dans son parcours d’achat. Il importe alors d’étoffer les outils, mais surtout de rendre plus aisée leur utilisation en magasin : certains vendeurs trouvent par exemple que l’utilisation des tablettes favorisent mieux leur déplacement, diminuant le va-et-vient derrière le comptoir. Avec plus d’outils facile à maîtriser, le vendeur peut même s’intégrer dans l’expérience d’achat du client jusqu’à ne faire distinguer (entre lui et son client) que son rôle dans la finalisation de la transaction, en fin de l’échange.

 

En d’autres termes, des stratégies cross-canal et de digitalisation plus poussées peuvent aider le vendeur à avoir plus de « poids », plus d’influence dans l’orientation du client dans l’acte ultime d’achat. En effet, les deux protagonistes pourraient utiliser le même outil mis à disposition par l’entreprise dans le point de vente physique, de même que le vendeur devrait comprendre avec aisance et réagir avec agilité lorsque le client lui partage des informations en utilisant son propre outil (celui du client). L’entreprise devrait reconnaitre que le vendeur seul, sans ces outils ou sans les compétences pour les maîtriser ne peut en aucun cas se rivaliser avec un moteur de recherche.

 

 

Conclusion

 

L’intérêt du cross-canal réside dans la multiplication des canaux d’informations et d’achat utilisés par l’entreprise et le caractère aléatoire du parcours suivi par les clients en combinant ces différents canaux dans leur processus d’achat. Désormais, le comportement du client et ainsi son expérience d’achat sont bouleversés par l’adoption des stratégies cross-canal et de digitalisation par l’entreprise. En fait, le client observe une mutation au niveau de ses attentes vis-à-vis du vendeur qui se trouve désormais au carrefour des canaux pouvant être empruntés par les clients de l’entreprise.

 

Le vendeur reconnait l’utilité et l’utilisation effective des outils connectés, d’abord par le client avant de venir en magasin, et ensuite par le vendeur lui-même pour faciliter son intervention dans le cadre de la relation client. Il en résulte une nécessité pour le vendeur d’avoir une certaine maîtrise de ces outils pour améliorer son influence vis-à-vis du client puisque ce dernier cherche surtout la fiabilité des informations. Il apparait alors que le client cross-canal (dit client « éclairé ») devient de plus en plus exigeant, cherchant une meilleure prise en charge et de l’assurance auprès du vendeur. Au niveau de l’échange vendeur-client, l’acte commercial tient une place moindre en termes de temps (se trouvant à la fin de l’échange), au bénéfice du relationnel dans une perspective d’extension du champ d’influence du vendeur sur le client. Tout cela devrait avoir des impacts significatifs sur le métier de vendeur.

 

En fait, le vendeur en magasin est investi d’une extension de ses rôles traditionnels qui tournent autour de « faire vendre » et de « satisfaire le client ». Il peut être commode de dire qu’il ne s’agit pas véritablement de nouveaux rôles, puisque ceux que le vendeur devrait assumer avec le cross-canal et la digitalisation tournent toujours autours de ces rôles traditionnels. En fait, cette thèse découle de la conception que ces deux éléments, le cross-canal et la digitalisation, ne sont qu’eux-mêmes l’extension et l’intensification de phénomènes ayant déjà existés auparavant mais de manière peu formalisée ou faiblement explicitée. Par exemple, il est possible de dire que le cross-canal a toujours existé avant l’avènement d’internet. De même, la digitalisation peut être vue comme le résultat d’une évolution continuelle des technologies. Du coup, les rôles du vendeur ne peuvent qu’évoluer en conséquence en prenant en compte les nouveaux contextes engendrés par cette évolution perpétuelle qui a modifié proportionnellement la culture même du client et ses besoins.

 

Il peut être ainsi évoqué une « extension » des rôles du vendeur et une « intensification » de leur intervention dans certains domaines suivant les attentes du client dans ce contexte de cross-canal et de digitalisation. Principalement, le client attend du vendeur de l’expertise, du conseil et prise en charge personnalisé, et du plaisir dans l’échange. Le vendeur se doit d’être en mesure de répondre favorablement à ces attentes en se considérant comme l’interlocuteur unique d’un client hybride. Cela demande au vendeur d’efforts plus importants en investissement en matière de formation (autoformation). En fait, ce qui devrait véritablement changer, c’est la conception que l’entreprise se fait du vendeur : il ne s’agit plus de cet agent monocanal qui se rivalise avec les autres du même métier, du même ou des autres canaux de l’entreprise. En effet, avec le cross-canal, les métiers des différents collaborateurs de l’entreprise se chevauchent et se complètent : toute forme de compétition entre les différents métiers (offline et online) ne peut que déboucher sur une cannibalisation qui nuirait certainement à l’entreprise. Le vendeur devrait jouer alors un rôle d’intégrateur, un garant de la cohérence et de la synergie entre les différents canaux de l’entreprise.

 

 

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[1] Click & mortar est un modèle dual, issu nécessairement de l’avènement d’internet, « dans lequel l’entreprise développe un site marchand permettant l’achat en ligne, et pas seulement un site institutionnel ou de conseil » (Poirel & Bonnet Fernandez, 2008, p. 156).

[2] A la différence du modèle click & mortar, le pure player exerce son activité commerciale uniquement par le canal internet.

[3] La coopétition interne est une notion abordée depuis quelques années en stratégie. La plupart des travaux traite ce concept au plan inter-organisationnel : les entreprises se concurrencent sur certains points et coopèrent entre elles sur d’autre.

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