Exemple de partie théorique de mémoire cafdes portant sur l’association Simon de Cyrène
PARTIE I —Les maisons partagées de l’association Simon de Cyrène : une colocation organisée entre personnes handicapées et assistants de vie
« Depuis que je suis handicapé, ma plus grande souffrance, plus que le handicap, c’est la solitude. » Sophie — Membre du GEM
À la fin des années 90, en région parisienne, des familles touchées par le handicap constituent un groupe d’amis. Ensemble, ils partagent le même désir « d’arrêter de regarder le handicap pour regarder les capacités » et particulièrement celles qu’ils ont en commun : tisser des liens d’amitié et d’entraide.
Ils créent l’association « Loisirs et Progrès » qui réunit une centaine de personnes, dont 50 en situation de handicap et 50 amis et bénévoles valides. Devenu le premier GEM (Groupe d’Entraide Mutuel) pour adultes cérébrolésés en Île-de-France, cette expérience de partage favorise l’épanouissement de chacun. Chaque jour, ils sont plusieurs à se retrouver pour préparer et partager un repas, participer à des activités de loisirs : « un lieu où on rit ensemble, un lieu qui nous fait du bien, où on est reconnu au sein du groupe »1.
« Depuis qu’on a créé notre groupe d’amis, on s’entend bien ! Avec notre handicap, on ne peut plus avoir notre propre famille… Ensemble, on pourrait créer une famille d’amis ! »
En formant des groupes de discussion, ils continuent à réfléchir sur leurs préférences en matière d’habitat : ils expriment le souhait de ne pas vivre seuls ou dans un établissement médico-social, mais plutôt dans un logement adapté et accompagné. Ils aimeraient des lieux de vie à taille humaine, où chacun serait acteur de sa vie et pourrait s’épanouir au gré de ses propres projets et de ceux de la vie partagée. Ils imaginent les futures maisons partagées Simon de Cyrène répondant au souhait d’un état d’esprit communautaire, « qui, par principe ou par idéalisme, se déploie en communauté » (CNRTL, s. d.) : « ne plus être seul, créer ensemble une famille d’amis et une vie citoyenne ».
« C’est une bonne idée d’avoir une maison et un jardin, mais en centre-ville… »
Afin de soutenir leurs aspirations d’innover un habitat partagé entre personnes avec un handicap et personnes valides, Philippe Pozzo di Borgo2 et Laurent de Chérisey 3 conjuguent leurs expériences personnelles, professionnelles et associatives. Tous deux sont touchés de près par le handicap.
Laurent de Chérisey, ancien chef d’entreprise, est affecté par le handicap lorsque sa sœur est victime d’un grave accident de la route à l’âge de 17 ans. Toute la vie familiale est impactée et après de longues années de réapprentissage, son isolement social et relationnel reste pour elle une souffrance de tous les jours. Sa participation au GEM « loisirs pluriels » est un début pour une remise en vie et en relation.
Philippe Pozzo di Borgo4, quant à lui, est victime d’un accident de parapente à l’âge de 40 ans qui le laisse tétraplégique. Alors qu’il était au sommet de sa vie professionnelle comme chef d’entreprise d’une société jouissant d’une réussite exceptionnelle, il voit sa vie basculée. Après de longs mois de rééducation, il organise son retour à domicile en mettant en place toutes les aides nécessaires, tant humaines que matérielles, avec la particularité de demander à ses aidants de vivre chez lui, comme dans une colocation.
« Il y a tant de choses que le handicap m’a appris. Il a été souffrance bien sûr, mais il m’a permis aussi de découvrir l’infinie richesse de la fragilité, de la beauté qu’elle apporte au monde et de la responsabilité qu’elle exige de chacun. »
Philippe Pozzo di Borgo
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Le contexte de vie des personnes cérébrolésées
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Des vies sauvées
Grâce aux avancées de la médecine d’urgence, chaque année, 40 000 personnes sont maintenues en vie après des traumatismes crâniens, AVC, ou IMC. Lorsqu’elles se réveillent avec des handicaps acquis après de longs mois de coma, elles soulèvent des questions complexes pour notre société : « Dans une société dont les critères de réussite sont l’efficacité, la performance, la rentabilité, le savoir, quel sens donné à ma vie lorsque je ne peux plus répondre à ces critères ? ». C’est le cœur du projet Simon de Cyrène : lutter contre l’exclusion et l’isolement par le partage de moments conviviaux, entre personnes avec un handicap et personnes valides. Lors d’une enquête mené en 2019, les personnes cérébrolésées interrogées expriment clairement ce besoin de recréer du lien social (GREUS & TransFormation Associés, 2020 : p. 48). Qu’elles aient vécu dans un domicile privé ou dans un établissement collectif, 51 % d’entre elles ont une histoire marquée par une solitude douloureuse. Leur venue à Simon de Cyrène est motivée dans l’espoir d’y mettre un terme. Elles peuvent alors s’intégrer à la vie communautaire à leur rythme et petit à petit reprendre confiance dans les relations.
En France, environ 6,8 millions de personnes âgées de 15 ans ou plus vivant à leur domicile déclarent avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive, soit 13 % de la population (Drees, 2023). Parmi elles, 3,3 millions, soit 6 %, déclarent être fortement restreintes dans leurs activités habituelles en raison d’un problème de santé. Sur les personnes âgées de 15 à 59 ans, le nombre varie de 0,9 à 3,3 millions. Parmi ces personnes, 8,7 % vivent à domicile, et 6 % reçoivent une aide quotidienne : 1 % par un professionnel et 5 % par une personne de leur entourage. En 2018, 311 700 personnes étaient accompagnées dans des établissements et services médico-sociaux dédiés aux adultes handicapés, soit 0,6 % de la population de 20 ans ou plus en France (Drees, 2023).
Les AVC représentent une cause importante de lésions cérébrales, affectant 140 000 personnes chaque année, dont 30 % restent avec des handicaps sévères (Agence Régionale de Santé, 2024). Les tumeurs cérébrales, les anoxies cérébrales (manque d’oxygène au cerveau), ainsi que les infections telles que la méningite ou l’encéphalite, sont également reconnues comme des causes de lésions cérébrales.
La prise de conscience de l’importance des traumatismes crâniens et des lésions cérébrales a commencé à croître, dans les années 80, notamment avec le développement de nouvelles techniques de neuro-imagerie (IRM, scanner) et de réanimation. En 2010, les progrès en matière de sécurité routière et de conditions de travail ont contribué à une stabilisation, voire une légère diminution de l’incidence des traumatismes crâniens. Les AVC, en revanche, sont restés une préoccupation majeure de santé publique avec une incidence stable, mais avec un taux de survie amélioré. Le développement des centres de réhabilitation spécialisés a permis une meilleure prise en charge des séquelles de lésions cérébrales.
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Le Logement : l’évolution des lieux de vie
L’évolution des propositions de logement a suivi les progrès de la médecine et des politiques sociales. Historiquement, entre les années 1950 et 1980, les personnes cérébrolésées étaient souvent « placées » dans des institutions médicales ou des hôpitaux psychiatriques, en raison du manque de structures spécialisées. À partir de 1980, le développement des centres de rééducation et de réadaptation spécialisés a permis une meilleure prise en charge grâce à des programmes intensifs de rééducation physique et cognitive (Brégeon, 2009). Désormais, les soins spécialisés incluent la rééducation neurologique, la thérapie occupationnelle, ainsi que l’évaluation des compensations matérielles ou d’appareillages à mettre en place.
Ces centres ont également développé leur réseau associatif pour promouvoir la réadaptation et la réinsertion sociale, notamment en facilitant l’accès à un lieu de vie adapté après l’hospitalisation. Les premières initiatives pour créer des lieux de vie ont émergé vers 1990, souvent sous forme de foyers d’accueil médicalisés (FAM) ou de maisons d’accueil spécialisées (MAS), offrant un cadre de vie moins sanitaire et institutionnel que l’hôpital.
Actuellement, l’offre de logements adaptés se développe avec des concepts comme les résidences services, les habitats inclusifs ou partagés. Parallèlement, le maintien à domicile connaît une forte croissance. Avant les années 2000, cette option était souvent limitée par le manque de services à domicile, les soins étant principalement assurés par les familles avec peu de soutien externe. Selon le rapport Laroque5, le « placement » en hébergement devait demeurer exceptionnel, et « l’accent devait être mis sur la nécessité d’intégrer les personnes âgées dans la société, afin de respecter leur besoin de conserver leur place dans une société normale » (Ennuyer, 2018). Conserver cette place passe, dans l’esprit du rapport Laroque, par le maintien à domicile, avec la création des premiers services d’aide à domicile.
Les évolutions sociétales et politiques encouragent aujourd’hui le développement de ces services pour garantir une vie sécurisée à domicile : services d’aide à la vie quotidienne, soins infirmiers, technologies d’assistance telles que la télémédecine ou les dispositifs de surveillance à distance. Des aides financières et techniques sont également disponibles pour adapter le domicile, en aménageant l’accessibilité ou les équipements de sécurité.
Selon l’étude DRESS de 2023, au 31 décembre 2018, 294 000 adultes vivaient dans l’une des 6790 structures d’hébergement, et 64 000 personnes étaient accompagnées par l’un des 1460 services (SAVS, SAMSAH). L’étude constate une progression entre 2006 et 2018, avec une augmentation de +49 % en MAS, +30 % en FAM, et +138 % pour les services (Drees, 2023: p. 47).
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Des réponses partiellement satisfaisantes
Comme nous l’avons montré précédemment, il y a encore 10 ans en arrière, les offres d’habitat destinées aux personnes avec un handicap sont essentiellement structurées autour de 2 grands axes : le maintien à domicile et les établissements médico-sociaux.
Or, ces 2 propositions ne donnent pas entièrement satisfaction aux personnes avec un handicap dont les personnes cérébrolésées particulièrement exposées au risque d’isolement, qui apparaît plus fortement au fur et à mesure de la diminution des capacités motrices et cognitives, de l’éloignement géographique des proches, ou encore de l’absence de vie professionnelle. Kylian6 me partage son expérience de retour chez sa mère après son passage par des établissements médico-sociaux spécialisés (IEM), refusant de vivre dans un foyer pour personnes adultes qui ne lui permettait pas une autonomie suffisante.
En parallèle, la transition démographique en France, observée depuis 2020, est marquée par un vieillissement de la population. Selon une étude de la Drees, l’espérance de vie en France continue de s’allonger malgré l’impact de la pandémie du Covid-19, se situant parmi les plus élevées au monde avec environ 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Toutefois, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans était de 11,8 ans pour les femmes et de 10,2 ans pour les hommes en 2022, avec des fluctuations notables ces dernières années (Deroyon & DREES, 2023).
Cette population rencontre quotidiennement des difficultés liées à leurs capacités et à leur indépendance, entravant leur souhait de maintenir une autonomie en matière de logement, tout en ayant la possibilité d’être accompagnée et incluse7 dans la société. Or, les différentes études montrent qu’en moyenne, 85 % des Français souhaitent vieillir chez eux, mettant en lumière des enjeux majeurs tels que l’autonomie et le maintien à domicile. Bien que les foyers ou établissements puissent répondre aux défis de la solitude et de la dépendance, ils sont souvent associés à un rythme de vie contraignant, à une vie collective imposée et à la perte du sentiment de « chez soi ». Ces aspects soulèvent des questions sur une forme de disempowerment8 des individus.
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Habitat inclusif : un enjeu des politiques publiques en faveur des personnes vulnérables
Quelques associations initient des alternatives plus inclusives, personnalisées et adaptées. Les politiques publiques favorisent de plus en plus la désinstitutionnalisation, encourageant le développement de solutions de vie plus intégrées, réfléchissent à développer une nouvelle forme d’habitat, qui serait une alternative au domicile et à l’hébergement institutionnel.
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Pour une société inclusive
Avant de définir plus précisément les habitas inclusifs, il m’apparaît indispensable de resituer le contexte sociétal qui prône depuis plusieurs années une société inclusive. Ce terme est apparu dans un contexte de réflexion et de réformes sociales visant à promouvoir l’inclusion de tous les individus, lié à une évolution des idées et des politiques concernant les droits de l’homme, l’égalité, et la diversité.
Dans la seconde moitié du 20e siècle, des mouvements pour les droits civiques et les droits de l’homme ont émergé dans de nombreux pays, revendiquant l’égalité et la non-discrimination pour tous les citoyens (Martin et al., 2007). Ces mouvements ont attiré l’attention sur les droits des groupes marginalisés, tels que les personnes handicapées, les minorités ethniques. L’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en 2006 a marqué un tournant majeur. Ce traité international a mis en avant le droit des personnes handicapées à participer pleinement et équitablement à la société (Chiriacescu et al., 2015). Il a également popularisé l’idée de l’inclusion sociale comme un droit fondamental, en insistant sur la nécessité de supprimer les barrières physiques, sociales et culturelles qui empêchent la pleine participation.
Les politiques sociales et éducatives ont progressivement intégré des principes d’inclusion, cherchant à intégrer les enfants et les adultes handicapés dans les systèmes éducatifs et sociaux ordinaires. Cela a marqué un déplacement des modèles de séparation (par exemple, les écoles et institutions spécialisées) vers des modèles inclusifs, où les personnes peuvent participer à la vie sociale dans des environnements de droit commun.
Ces avancées sont le résultat de diverses lois promulguées en faveur des personnes en situation de handicap, notamment :
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La loi du 30 juin 1975 qui a été l’une des premières en France à aborder le handicap de manière systématique, introduisant des mesures pour l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées ;
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La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances : Un tournant majeur dans la reconnaissance des droits des personnes handicapées. Cette loi a introduit le principe de l’accessibilité universelle et a renforcé les obligations pour les entreprises et les institutions publiques en matière d’emploi et d’accessibilité ;
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Loi du 28 Décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement promeut, entre autres, les initiatives d’habitat inclusif, visant à offrir des solutions de logement adaptées aux personnes qui souhaitent vivre de manière autonome tout en bénéficiant de services de soutien.
Le développement de la société inclusive en France est donc le fruit d’un processus complexe et progressif, marqué par des avancées législatives, des initiatives éducatives, des efforts de sensibilisation et une évolution culturelle.
Ce terme n’est cependant pas insignifiant et mérite une attention particulière. Comme nous le rappelle Charles Gardou (Gardou, 2012) le qualificatif « inclusif » s’oppose à « exclusif » signifiant « qui n’appartient qu’à certains et n’admet pas le partage ». Le mot « société », quant à lui, signifie étymologiquement « communauté, solidarité, alliance, coopération entre compagnons ». Par conséquent l’expression « société inclusive » est un pléonasme ; le qualificatif, « inclusif », serait alors une sorte d’exhausteur de sens comme le sel est un exhausteur de goût pour un plat. Il renforce le sens du mot « société » et pourtant, les personnes en situation de handicap ne relèvent pas d’un type humain à part ; « L’idée de société inclusive implique une intelligence collective de la vulnérabilité, conçue comme un défi humain et social à relever solidairement. Il n’y a ni vie minuscule, ni vie majuscule » (Barry, 2013 : p. 19).
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Définitions et références législatives
Selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), l’habitat inclusif est « destiné aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes. Ce mode d’habitat regroupé est assorti d’un projet de vie sociale et partagée » (CNSA, s. d.).
Complémentaire aux logements ordinaires et à l’accueil en établissement, l’habitat inclusif complète l’éventail des solutions de logement et d’hébergement, par des offres alternatives variées : solidaires, partagées, intergénérationnelles, coopératives ou encore participatives.
« L’habitat inclusif constitue une réponse prometteuse pour sortir du dilemme vécu par les personnes, lorsque la vie comme avant n’est plus possible, et que la vie collective en établissement n’est ni souhaitée ni nécessaire […] »(Piveteau & Wolfrom, 2020 : p. 9).
Le rapport Piveteau Wolfrom précise qu’un habitat inclusif répond aux enjeux sociaux sur le domaine de l’accompagnement adapté et sécurisé des personnes, sans compromettre son droit à déterminer lui-même son mode de vie et de choisir ses propres activités. L’accès à un habitat inclusif n’est pas conditionné à l’attribution d’un droit. Le futur occupant choisit le fait d’accéder à un habitat inclusif en fonction de son projet de vie et de sa volonté de s’inscrire dans un projet de vie sociale et partagée. Ce projet doit faciliter la participation sociale et citoyenne de ses habitants avec la mise en place d’une charte élaborée par l’ensemble des habitants. Cet accord commun permet de formaliser d’un acte de confiance plusieurs enjeux de cohabitations, tels « l’autonomie », « la convivialité », « la sécurité de vie à domicile » ou encore « l’entraide » créant un sentiment d’appartenance.
Les habitats inclusifs sont issus de la Loi ELAN parue en 2018 qui prévoit les dispositions relatives aux personnes en situation de vulnérabilité vivant dans un habitat inclusif. et ne sont pas soumis à une orientation par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (MDPH).
L’article L.281.1 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF) dispose qu’un habitat inclusif doit être « accompagné d’un projet de vie sociale et partagée. » Ainsi, les gestionnaires de ces dispositifs de logement doivent désigner une personne responsable de l’élaboration et de l’évaluation de ce projet avec les habitants. Ce projet définit comment les habitants souhaitent vivre ensemble, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de leur logement, et précise les activités prévues. En respectant ces critères, le financement de l’Allocation Vie Partagée (AVP) peut être accordé par le département sur appel à projet. Dans le modèle de Simon de Cyrène, les animateurs de la vie partagée, appelés responsables de maison, sont chargés de :
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Favoriser l’autonomie en coordonnant les interventions des prestataires extérieurs pour aider les habitants dans les tâches quotidiennes ;
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Promouvoir la vie collective et la convivialité au sein de l’habitat pour encourager le vivre-ensemble et réduire le risque d’isolement ;
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Faciliter l’intégration des habitants dans la vie locale, que ce soit dans le quartier ou la commune, afin de renforcer ou maintenir les liens sociaux.
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Simon de Cyrène : une réponse innovante au défi inclusif
Laurent de Cherisey, soutenu par un groupe de personnes cérébrolésées, a fondé la Fédération Simon de Cyrène, créant ainsi des habitats partagés pour les personnes handicapées. En 2011, Denis Piveteau, ancien directeur de la CNSA, est devenu président de la fédération. Ses mots sont les suivants :
« En moins d’un an, l’habitat dit « inclusif » a fait une incroyable percée dans les discours officiels. La puissance de l’habitat partagé — et sa vulnérabilité — c’est d’articuler une vie commune ordinaire avec l’accompagnement requis par le handicap. Les maisons partagées sont une alternative à l’institution parce qu’elles inversent la logique du projet. Le succès repose sur ceux qui le portent : les personnes handicapées elles-mêmes et ceux qui les accompagnent. J’ai personnellement à cœur d’accompagner le développement des projets Simon de Cyrène car c’est également soutenir une démarche qui, parce qu’elle veut accompagner le « droit commun, s’adresse en réalité à la société toute entière. »
Denis Piveteau — extrait de son discours de prise de mandat
Les valeurs de la fédération Simon de Cyrène, centrées sur la dignité humaine et l’importance des relations, guident le développement des projets locaux. Les associations affiliées partagent la conviction que la société se renforce en prenant soin de ses membres vulnérables. L’expérience de la première communauté à Vanves en 2009 a conduit à la création de nouvelles maisons partagées à travers la France. Aujourd’hui, près de 300 personnes cohabitent dans 28 maisons partagées dans différentes villes.
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La reconnaissance des pouvoirs publics
L’association Simon de Cyrène est pionnière dans les nouvelles formes d’habitat inclusif. Leur développement s’inscrit dans une volonté politique de désinstitutionnalisation des établissements sociaux et médico-sociaux, dans le cadre de la transformation de l’offre sociale et médico-sociale. Ces maisons, par l’expérimentation de la vie partagée, jouent un rôle essentiel dans les réflexions des pouvoirs publics pour encourager ces nouveaux modes de logement.
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L’ouverture d’un habitat partagé en Loire-Atlantique (44)
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L’engagement du département de Loire-Atlantique pour l’inclusion
Au 31 décembre 2023, la Loire-Atlantique comptait plus de 106 603 personnes en situation de handicap, soit 7,4 % de la population (Loire-atlantique.fr, 2023). Parmi elles, 9600 reçoivent une PCH, et 4768 bénéficient d’un logement adapté. Le département, engagé depuis 2015 dans une politique d’inclusion, a créé une centaine de logements inclusifs entre 2017 et début 2022, et prévoit 39 projets supplémentaires pour 2026, touchant 310 personnes en situation de handicap. Bien que l’offre en MAS et FAM soit inférieure à la moyenne nationale, le département compense par un engagement fort dans les services d’accompagnement et le développement de logements inclusifs.
Référence : schéma départemental 2023-2028, site Loire-Atlantique
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Un contexte favorable pour l’association Simon de Cyrène — Nantes
Le projet de l’Association Simon de Cyrène d’implanter un habitat partagé à Nantes est alors une initiative qui pourrait bien s’inscrire dans la volonté du département. Celui-ci souhaite « expérimenter, modéliser et développer des solutions d’habitats inclusifs » (Loire-atlantique.fr, 2023 : p. 83) et s’engage à mener cet objectif dans son plan stratégique départemental 2017 — 2022. Le Département met en place un colloque sur l’habitat inclusif, et lance un appel à candidature pour développer l’offre des habitats inclusifs en 2018. LARS se mobilise également à travers son projet 2018-2022 : « Promouvoir collectivement l’autonomie dans une société inclusive » (Pays de la Loire, 2019 : p. 10).
Sur le territoire, dans le centre-ville de Nantes, existe déjà depuis 2013, l’association Simon De Cyrène créée par les membres d’un groupe d’activités et de partages. Après plusieurs années d’amitiés, ils initient le projet des maisons partagées qui sauraient répondre à leur désir de « vivre chez soi sans être seul ». En 2018, un premier directeur a été recruté pour un premier mandat de 5 ans afin de soutenir la fondation de l’habitat partagé à Nantes. Arrivée en 2024, j’ai pris la suite dans le cadre d’un 2d mandat. De ma place, je peux attester que la clé de la réussite de ces habitats réside dans le fait qu’ils sont conçus et initiés par les personnes elles-mêmes. Ce ne sont ni les membres de la fédération ni les directeurs des associations locales qui décident d’ouvrir des maisons pour y « placer » des personnes, mais bien celles — ci qui se mobilisent et qui manifestent leur volonté de vivre ensemble.
Avant de soutenir et de poursuivre le projet de Nantes, j’ai été à la rencontre des autres communautés, vécu des séjours d’immersion pour me sensibiliser au plus près aux valeurs véhiculées. Je suis allée partager des temps conviviaux avec le groupe de compagnons, handicapés et bénévoles, qui se retrouvent depuis 2013, dans un local situé au centre-ville, et dont un certain nombre s’étaient mobilisés pour la construction des maisons.
Pour réaliser ce projet, je suis entourée de collaborateurs comprenant une coordinatrice médico-sociale, un responsable de gestion financière, les trois responsables de maisons et une assistante RH. Ensemble, nous formons le comité de direction (CODIR) qui se réunit chaque semaine. Notre équipe est complétée par des assistants de vie internes et externes pour les maisons, ainsi qu’un responsable de la maintenance et de l’entretien [annexe 2].
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Une réalisation à plusieurs
La réalisation du projet a mobilisé de nombreux acteurs : la municipalité de Nantes, un bailleur social, la MDPH, des professionnels de santé, des associations locales, et des mécènes. Le Conseil Départemental de Loire-Atlantique a soutenu le projet, en reconnaissant la nécessité de répondre aux besoins des personnes cérébrolésées. Grâce à des relations de plus en plus confiantes avec les autorités, nous avons démontré que la vie partagée entre habitants handicapés et valides est au cœur de notre démarche.
Le projet social de l’association est concrétisé par son double statut :
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Les maisons partagées, ouvertes sur la ville, favorisent la socialisation, l’autonomie, et la vie partagée, et sont reconnues comme résidences sociales. Une convention tripartite entre le ministère du logement, une société HLM, et l’association a été signée en 2018, fixant les droits et obligations des parties ;
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Le projet inclut un Service d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD), autorisé par le Conseil Départemental, permettant aux assistants de vie d’être intégrés aux maisons partagées.
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Les Habitants de l’Habitat partagé
Les maisons accueillent 7 personnes en situation de handicap et 4 assistants de vie, qui vivent ensemble en colocation. Chaque habitant est locataire de son propre studio et partage les espaces communs tels que la cuisine, le salon, la buanderie et le jardin. Ces espaces favorisent les rencontres, la convivialité, et les activités quotidiennes comme la préparation des repas ou les soirées maison.
4-a) Les Habitants en situation de handicap
Les habitants choisissent la vie partagée pour éviter l’isolement, bénéficiant d’un accompagnement qui renforce les liens sociaux et la sécurité. Leurs handicaps varient : certains ont des handicaps visibles (hémiplégie, paraplégie), tandis que d’autres souffrent de handicaps invisibles résultant de traumatismes crâniens (troubles du comportement, de la mémoire, fatigabilité). Les niveaux d’autonomie sont également hétérogènes, sans profil type.
La répartition dans les maisons est basée sur la mixité (sexe, âge, type de lésion cérébrale) pour favoriser une harmonie relationnelle. L’âge des habitants varie de 22 à 64 ans, avec une moyenne de 38 ans. Certains ont vécu chez leurs parents, d’autres en établissements médico-sociaux ou en logement autonome. Certains bénéficient de mesures de protection juridique (tutelle, curatelle).
Les besoins exprimés par les habitants incluent ne pas vivre seuls tout en se sentant chez soi, maintenir leur autonomie, être bien soignés, et avoir un accès facile aux services de la ville.
Les critères d’admission prennent en compte le handicap, l’éligibilité à la PCH, et la volonté de s’engager dans la vie partagée. Les candidats doivent accepter de devenir à la fois locataires d’un studio et bénéficiaires du SAAD Simon de Cyrène. Les soins ou accompagnements non compatibles avec les prestations offertes sont exclus, et les modalités de rupture du contrat sont définies dans les contrats de location et de prestations.
4-b) Les cohabitants salariés de l’association
Le recrutement des assistants de Simon de Cyrène repose non seulement sur leurs compétences, mais aussi sur leur adhésion au projet associatif et leur capacité à nouer des relations. Les parcours professionnels des assistants sont divers, avec environ un tiers sans expérience préalable dans le secteur médico-social. Ce double critère de compétences et de valeurs fait de cette fonction un engagement exigeant.
Les assistants, qu’ils soient salariés ou volontaires, doivent avoir un désir profond de vivre une expérience communautaire, en partageant des moments de vie avec des personnes différentes. Ils sont à la fois cohabitants et salariés du SAAD, et sont répartis en équipes identifiées par maison, chacune comprenant un responsable de maison, 4 assistants de vie internes, et 2 externes.
Leur mission principale est d’animer la vie collective de la maison et d’accompagner les habitants dans les gestes de la vie quotidienne. Les responsables de maison, en plus de leurs fonctions d’assistants, veillent à la bonne organisation et au fonctionnement général de la maison.
Le statut des assistants de vie internes a été officialisé en 2022, leur donnant le titre de « salarié cohabitant » en raison de leur résidence sur le lieu de travail, comme précisé dans l’Article L. 433-2 du CASF.
Ces assistants doivent jongler entre trois réalités : vie professionnelle, vie de colocataire, et vie personnelle. Leurs tâches varient en fonction du niveau de handicap des habitants, allant de l’aide au lever et au coucher, à la préparation des repas, aux courses, et à l’organisation des activités sociales. Ils jouent aussi un rôle crucial dans l’accès aux soins, et doivent gérer les défis liés à l’aggravation de l’état de santé des habitants, ce qui peut augmenter la charge physique et émotionnelle.
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Le Service d’Aide et d’Accompagnement à Domicile intégré (SAAD).
L’habitat inclusif de Simon de Cyrène offre une troisième voie entre le domicile et l’établissement, en permettant aux personnes handicapées de vivre dans un logement autonome en milieu ordinaire, tout en bénéficiant de services d’aide à domicile.
Le SAAD de Simon de Cyrène, autorisé par le Conseil Départemental de Loire-Atlantique, accompagne exclusivement les habitants des maisons partagées. Un accord entre la personne, le Département, et l’Association permet de mutualiser les PCH, assurant ainsi une présence continue des assistants. Le SAAD a obtenu une dotation complémentaire grâce à un CPOM signé en 2023, ce qui facilite des actions spécifiques pour les habitants.
La réforme des services à domicile (SAAD, SSIAD, SPASAD), entrée en vigueur en juillet 2023, redéfinit ces services sous le nom de SAD (Services Autonomie à Domicile). Cette réforme vise à améliorer la coordination entre l’aide et les soins pour répondre plus efficacement aux besoins des personnes, avec une mise en conformité prévue d’ici 2025. Cette évolution nécessitera une réflexion stratégique avec les acteurs impliqués, y compris les habitants, les salariés, et les partenaires de soins à domicile.
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D’autres expériences en France et à l’étranger
Les initiatives d’habitats partagés remontent bien avant l’ère moderne. Les premiers exemples se trouvent en Flandre au XIIe siècle, où des couvents religieux ont créé des domaines comprenant des logements individuels et des espaces de vie collective pour remédier à la solitude des femmes dont les maris étaient partis en croisade (Trochon, 2018). Réservée aux femmes seules, cette tradition s’est perpétuée après les croisades sous le nom de « béguinage ». Par exemple, le Begijnhof d’Amsterdam, encore en activité aujourd’hui, répond aux besoins des veuves et des femmes célibataires en leur offrant un cadre de vie collectif.
En France, les prémices des habitats inclusifs apparaissent dans les années 1980 avec les premiers foyers autogérés, les MARPA, et d’autres établissements qui développent de petites unités pour les personnes accueillies (Chapon et al., 2010). Au début des années 2010, une prolifération d’initiatives d’habitats associatifs et coopératifs a émergé en marge des institutions traditionnelles. Ces formes alternatives d’habitat, telles que l’habitat partagé, intermédiaire, groupé, diffus, inclusif, et solidaire, se sont développées sous diverses appellations. Toutefois, elles sont restées marginales jusqu’à la loi ELAN, qui a officiellement reconnu l’habitat inclusif et proposé un moyen de le financer pour ses occupants.
En Loire-Atlantique, le département a joué un rôle précurseur dans le domaine de l’habitat inclusif. L’UDAF 44, en particulier, a commencé à s’interroger sur l’accompagnement des personnes en situation de handicap et a inauguré en 2015 le premier habitat inclusif au Breil Malville (Nantes), qui a été reconnu par le Département (Camus, 2020).
Le premier domicile partagé en France destiné aux personnes âgées, avec un accompagnement 24/24 h, a ouvert ses portes en janvier 2021 à Thomery (Seine-et-Marne). Cette colocation accueille 10 personnes âgées fragilisées par des troubles cognitifs, comme la maladie d’Alzheimer, ainsi que 2 jeunes adultes. Les aides et accompagnements sont dispensés par des auxiliaires de vie formées, présentes 24/24 h et salariées d’un service d’aide à la personne. Elles assurent un soutien pour tous les gestes de la vie quotidienne, la communication, la poursuite de projets personnels, et le maintien des liens avec le quartier et les habitudes de vie des habitants. L’organisation prévoit la présence quotidienne de 2 auxiliaires de vie, et une auxiliaire de vie est toujours présente la nuit pour répondre aux besoins des habitants.
Ce domicile est un lieu non médicalisé, où les besoins médicaux sont gérés comme dans un domicile classique. Les soins sont assurés par des soignants médicaux et paramédicaux de ville, soit en cabinet soit au domicile partagé, sur prescription médicale pour des besoins en soins infirmiers, consultations médicales, ou bien séances de kinésithérapie.
Références
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1 Initiateurs et co-fondateurs de l’association
2 1951 -2023/ président d’honneur de Simon de Cyrène- 2019- 2023.
4 1951 – 2023 : ancien président d’honneur de l’association, il a fait partie des pionniers de Simon De Cyrène.
5 Le rapport Laroque, intitulé « Politique de la vieillesse » 1962
6 Prénom fictif- 26 ans, habitant depuis 5 ans de la maison bleue
7 Notion développée en page … de ce mémoire
8 Dictionnaire Oxford : « désigne le fait de rendre une personne moins puissante en la privant de son autonomie »
€24.90 Le prix initial était : €24.90.€24.80Le prix actuel est : €24.80.