La Gestion des Prix de Transfert dans les Groupes Internationaux et le Rôle de l’Expert-Comptable
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Chapitre 1 : Présentation du contexte économique, juridique et fiscal 13
Section 1 : Qu’est-ce qu’un groupe ?. 14
Section 2 : Le « quartier général ». 16
Section 3 : Généralités relatives aux prix de transfert. 19
- .1 Les textes applicables. 20
- .2 Les différentes étapes de l’analyse. 21
- .3 Les accords préalables sur les prix de transfert. 22
- .4 Les litiges fiscaux et l’élimination des doubles impositions. 24
Section 4 : Les différentes méthodes de détermination du prix de transfert. 25
- .1 Prix comparable sur le marché libre. 25
- .2 Prix de revente. 26
- .3 Coût majoré. 27
- .4 Méthodes transactionnelles. 28
Chapitre 2 : Démarche de l’expert-comptable dans le choix d’une méthode adaptée. 29
Section 1 : Le rôle de l’Expert-comptable. 29
Section 2 : Analyse du contrat conclu au sein du Groupe. 32
Section 4 : Le choix du prix de revient majoré. 38
Chapitre 3 : Mise en place de la documentation et responsabilité de l’expert-comptable. 42
Section 1 : Choix des informations à communiquer. 42
Section 2 : Etapes de la documentation. 45
- .1 Diagnostic des opérations intra-groupe. 45
- .2 Analyse fonctionnelle. 46
- .3 Recherche de comparables. 48
Section 3 : La responsabilité de l’Expert-comptable. 50
- .1 Cas pour lesquels la responsabilité du professionnel peut être mise en cause. 50
- .2 Outils de prévention à la disposition de l’expert-comptable. 52
Partie 2 : Principales zones de risque et propositions de solutions. 55
Section 1 : Le rôle d’un cabinet d’avocats spécialisés. 55
Section 2 : Le cadre légal et les moyens de mise en œuvre d’un travail en commun. 56
- .1 Activité de facturation pour le compte d’une société du groupe. 60
- .2 Modalités d’imposition à l’impôt sur les sociétés. 61
- .3 Garantie donnée par l’Administration. 62
Section 2 : La spécificité des transactions libellées en devises. 63
Section 3 : Proposition de solutions. 67
Section 4 : Moyens de contrôle a posteriori 74
- .1 Les contrôles à opérer en cours d’exercice. 74
- .2 Les contrôles effectués au moment de la clôture des comptes. 75
- .3 Les ajustements à réaliser. 77
Chapitre 3 : Contrôle fiscal et position de l’Administration fiscale. 77
Section 1 : Déroulement du contrôle. 77
Section 2 : Les principales zones de risque. 81
- .1 Contestation du niveau de marge et remise en cause des comparables utilisés. 81
- .2 Contestation de la réalité économique de la transaction. 84
Section 3 : Position de l’Administration fiscale et sa justification : jurisprudences. 86
Section 4 : Conséquences sur la politique mise en place. 92
AGO Assemblée Générale Ordinaire
CA Chiffre d’affaire
CET Contribution Economique Territoriale
CGI Code Général des Impôts
COGS Cost of Goods Sold
CVAE Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises
FCPT Forum Conjoint sur les Prix de Transfert
IAS International Accounting Standards
IS Impôt sur les Sociétés
LPF Livre des procédures fiscales
MTMN Méthode transactionnelle sur la marge nette
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
OEC Ordre des Experts-Comptables
PCG Plan Comptable Général
QG Quartier Général
SEL Sociétés d’Exercice Libéral
SPFPL Société de Participation Financière de Professions Libérales
TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée
Les entreprises membres d’un groupe réalisent entre elles des opérations financières directes ou indirectes et sont liées par des relations organisationnelles et économiques. Selon la définition fourni par le BOI n°21, un quartier général peut être défini comme une société dont le siège est en France ou un établissement stable situé en France d’une société dont le siège est à l’étranger, qui dépend d’un groupe international contrôlé depuis la France ou l’étranger, et qui exerce au seul profit de ce groupe des fonctions de direction, de gestion, de coordination, et de contrôle.
Les prix de transfert sont définis comme des prix auxquels une entreprise transfère des biens ou des services à des entreprises associées. L’expert-comptable peut proposer une mission de définition d’une méthode de prix de transfert à un quartier général. Il doit réaliser les étapes ci-après pour définir cette méthode : (i) définir un périmètre et réaliser une analyse fonctionnelle approfondie. Cette analyse consiste à définir les caractéristiques de l’entreprise, les types de transactions réalisées, les autres sociétés du groupe qui bénéficient des services, les fonctions exercées et les risques assumés ; (ii) définir la méthode appropriée aux spécificités de l’entreprise. L’expert-comptable peut choisir entre cinq méthodes existantes qui présentent chacune des avantages et des limites.
L’analyse fonctionnelle à réaliser par l’expert-comptable consisterait à : (i) recenser et étudier les conventions intra-groupe qui concernent directement le quartier général ; (ii) recenser et étudier les services fournis ; (iii) rapprocher les conventions et la liste des services fournis ; (iii) étudier les modalités de refacturation et de rémunération du QG. Les services fournis par un quartier général incluent l’administration générale, l’assistance juridique et fiscale, l’assistance comptable et administrative, l’assistance commerciale, et diverses assistances dans le domaine technique. Cette analyse permet à l’expert de disposer des éléments nécessaires à la définition d’une méthode de prix de transfert.
Pour respecter le principe de concurrence, l’expert-comptable doit également réaliser des comparables avec des entreprises similaires au quartier général afin de définir le taux de marge bénéficiaire appliqué par ces dernières. Il a ainsi besoin des éléments fournis par la prise de connaissance approfondie de l’entreprise et de l’analyse fonctionnelle pour identifier les entreprises qui feront l’objet de comparables. Deux approches de recherche de comparables sont présentées dans le mémoire.
Le mémoire présente également les principales zones de risques auxquelles un quartier général s’expose. Le premier risque concerne le risque de pollution du cost-plus (calculé suivant la méthode de prix de transfert définie par l’expert-comptable) par les écarts de change causés par la conversion des devises au niveau de la comptabilité. Les dispositifs de cash-pooling et de sauvegarde sont proposés aux experts-comptables afin de neutraliser leurs effets. Le second risque concerne le redressement à l’issu d’un contrôle fiscal. En effet, en termes de prix de transfert, l’administration fiscale peut estimer qu’une transaction est intra-groupe fait l’objet d’un transfert indirect de bénéfices, et peut réintégrer le bénéfice y afférent dans le résultat imposable, ce qui créera une double imposition au niveau du groupe. L’expert-comptable doit ainsi veiller à ce que les transactions intra-groupes ne soient pas définies comme des actes anormaux de gestion. L’examen des cas de jurisprudence en matière de prix de transfert fournit des points d’attention à prendre en considération par l’expert lors de la réalisation de sa missin.
L’expert-comptable doit par ailleurs documenter la définition des prix de transfert pour remplir les obligations légales en termes de documentation et pour pouvoir faire face à un possible contrôle fiscal.
Dans le paysage économique et commercial mondial, deux chiffres sont frappants : 70% des flux commerciaux mondiaux proviennent des sociétés multinationales, et 60% des échanges commerciaux sont des transactions intra-groupes. Cet état des lieux est à mettre au compte de la mondialisation des échanges commerciaux, à l’origine d’une internationalisation des groupes. En effet, alors que dans les années 80, on comptait 7 000 multinationales, elles étaient 64 000[1] en 2002, et 82 000 en 2008[2]. Aujourd’hui, cette transnationalisation ne concerne plus uniquement les grandes firmes : elle tend à s’élargir vers des PME de plus en plus nombreuses, souhaitant s’implanter sur un marché multinational. Aussi, dans les années à venir, il faudra compter sur un développement accru de ce phénomène.
Deux entreprises appartiennent au même groupe « lorsque l’une d’entre elles participe, directement ou indirectement, au contrôle ou au capital de l’autre, ou lorsque les deux entreprises sont détenues ou sont sous l’influence d’une même entreprise ou d’un même groupe». [3]Lorsque les entités qui composent ce groupe sont implantées dans des pays différents, on parle alors de groupe international, ou d’une multinationale.
Des transactions s’opèrent au sein de ces groupes, et elles prennent une place de plus en plus importante. Il s’agit principalement de transactions sur des marchandises, des transactions financières ou des prestations se services. Les filiales de ces entreprises peuvent se partager des frais communs tels que les frais généraux ; la mise en disposition d’un personnel, d’une marque ou d’un savoir-faire, d’une redevance de concession ou de brevets, ….
Les pays membres de l’OCDE ont instauré un principe de pleine concurrence pour les transactions intra-groupes. Avec ce principe, ces pays veulent s’assurer que les bases d’imposition des impôts sont justes ; réduire les risques de conflits entre les administrations fiscales, et réduire les risques de distorsion de marché entre les entreprises concurrentes. Afin de respecter ce principe, les groupes concernés sont dans l’obligation de soumettre leurs transactions internes à rémunération, appelée « prix de transfert ». Ces derniers sont définis par l’OCDE comme « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées ».
Lorsque les entreprises multinationales fixent leurs prix de transfert, elles impactent directement sur l’assiette fiscale des pays concernés par les transactions : pour le cas par exemple de la vente de produits en provenance d’une société américaine vers une filiale française pour revente auprès des clients français, les assiettes fiscales des administrations fiscales française et américaine sont impactées. C’est pour cette raison que les administrations vérifient que les entreprises localisées sur leur territoire réalisant des opérations avec d’autres entreprises liées situées à l’étranger sont correctement rémunérées et qu’elles déclarent fiscalement des résultats prenant en considération ce principe de pleine concurrence. Les prix de transfert représentent ainsi un enjeu de taille pour les Etats expliquant ainsi que lors d’un contrôle fiscal, la politique de prix de transfert des entreprises multinationales est systématiquement contrôlée.
Les prix de transfert représentent également un enjeu majeur pour les groupes et leurs filiales puisque ces derniers s’exposent à une présomption de transfert indirect de bénéfices. En effet, selon l’article 57 du CGI, « Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une entreprise ou d’un groupe possédant également le contrôle d’entreprises situées hors de France ». La réintégration de ces bénéfices dans la base imposable expose l’entreprise multinationale à une double imposition : la filiale locale est redressée par l’administration fiscale pour les bénéfices réintégrés alors que ces bénéfices ont été déjà imposés dans le pays étranger.
Les entreprises multinationales sont également soumises à des obligations documentaires. La loi de finances rectification pour 2009 exige des entreprises qu’elles mettent à disposition de l’administration fiscale une documentation permettant d’établir une justification de leurs politiques de prix de transfert. La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière du 6 décembre 2013 a renforcé cette obligation documentaire puisque les entreprises multinationales doivent désormais communiquer annuellement à l’administration fiscale les principaux éléments de la documentation de leurs prix de transfert.
Lors des contrôles fiscaux, la preuve d’un lien de dépendance entre les entreprises liées, membres d’un groupe et le constat d’un transfert indirect de bénéfices relèvent de la responsabilité de l’administration fiscale. Les entreprises peuvent argumenter contre l’administration fiscale en apportant des explications et des justifications. Les risques de présomption de transfert indirect de bénéfices sont élevés lors des contrôles fiscaux car l’administration fiscale a parfois des difficultés à appréhender la structure et l’organisation du groupe et de la filiale contrôlée, la nature des relations et des transactions entre les entreprises liées. Les entreprises peuvent recourir aux services d’un expert-comptable pour constituer un dossier solide et une documentation permettant de justifier leurs prix de transfert.
Le rôle de l’expert-comptable est différent selon le contexte dans lequel il intervient :
- s’agissant des entreprises intégrées à des groupes de taille conséquente (chiffre d’affaires consolidé de plusieurs milliard d’euros), la politique de prix de transfert ne génère pas, pour le cabinet d’expertise-comptable, de problématique spécifique ; ces entreprises disposent habituellement de toutes les ressources nécessaires à la mise en place d’une telle politique, et sont sensibilisées aux problématiques qui en découlent. Ici, le rôle de l’Expert-comptable réside en la juste application et traduction de cette politique dans les états financiers.
- s’agissant d’entreprises de taille plus modeste, pour lesquelles rien n’a été mis en place en matière de prix de transfert, l’intervention de l’expert-comptable est primordiale. Ces entreprises ont besoin d’aide, tout d’abord pour choisir une méthode de détermination de leur prix de transfert, mais aussi pour la documenter. Dans le cas d’un contrôle fiscal portant sur leur politique de prix de transfert, l’accompagnement par le cabinet d’expertise-comptable est primordiale, voire vital, tant les redressements peuvent être lourds de conséquence.
Le présent mémoire a pour objectif d’être un outil à destination des professionnels de la comptabilité évoluant dans un environnement international, et confrontés à cette problématique de prix de transfert. Il s’intéresse plus précisément aux entreprises, et plus précisément aux quartiers généraux, qui sont amenée à libeller leurs transactions dans une monnaie autre que l’Euro. La conversion obligatoire des montants des transactions en devises en euros occasionne des différences de change qui peuvent influer sur les résultats des entreprises liées. Elle peut remettre en cause le principe de pleine concurrence des prix de transfert.
Le mémoire s’interroge sur la problématique ci-après: «Comment est-ce qu’un quartier général doit traiter les transactions intra-groupes libellées en devises afin que les différences de change ne viennent pas polluer les prix de transfert ? » Il se subdivise en deux parties :
- la première partie concerne la mise en place d’une politique de prix de transfert dans un contexte de quartier général. Le premier chapitre de cette partie inclut une présentation de la notion de groupe, de quartier général et du prix de transfert ainsi qu’une présentation des différentes méthodes de détermination du prix de transfert. Ce chapitre permettra au lecteur de mieux comprendre le prix de transfert. Le second chapitre aborde le rôle de l’expert-comptable ainsi que les démarches à appliquer de ce dernier dans le choix d’une méthode adaptée à la situation de l’entreprise. Le troisième chapitre se réfère aux obligations documentaires de l’entreprise en termes de prix de transfert.
- la deuxième partie se focalise sur les principales zones de risque lors de la mise en œuvre d’une politique de prix de transfert ainsi que les solutions qu’il est possible d’adopter. Elle aborde en deuxième chapitre la problématique des transactions effectuées en devises dans le cadre des prix de transfert, les solutions potentielles ainsi que les moyens de contrôle à priori. Le troisième chapitre permet au lecteur de comprendre les risques auxquels une entreprise liée ou un quartier général s’exposent durant les contrôles fiscaux. Ces zones de risques seront considérées par l’expert-comptable dans l’élaboration du prix de transfert, dans la documentation et dans la réorganisation comptable et organisationnelle de l’entreprise.
Partie 1 : Mise en place d’une politique de prix de transfert dans un contexte de « quartier général »
Cette première partie se focalise sur la présentation des différentes notions traitées dans ce mémoire, incluant celle du groupe, des quartiers généraux et des prix de transfert. Elle devrait permettre au lecteur de comprendre les particularités économiques, juridiques et fiscales rattachées à chacune de ces notions. Elle s’accompagne par la suite d’une explication de la démarche à suivre par un expert-comptable pour réaliser une mission d’élaboration et de justification des prix de transfert d’un quartier général. Elle aborde ainsi les rôles de l’expert-comptable au titre de son devoir de conseil et au titre du développement de sa mission ; ainsi que les différentes contraintes (juridiques, fiscales, organisationnelles, liées à l’activité) qui peuvent impacter sur sa mission et sur la démarche même de mise en place d’un prix de transfert.
Cette partie met en exergue la nécessité pour l’expert-compte d’adopter une démarche bien définie pour analyser les conventions intra-groupes puisque leurs contenus conditionnent la sélection de la méthode la plus appropriée pour définir un prix de transfert. Elle traite par ailleurs des obligations importantes de documentation de ces prix. Une entreprise doit être capable de justifier le respect de pleine concurrence par le biais de sa documentation, base de travail de l’administration fiscale lors des contrôles fiscaux. Celle-ci doit être complète, concise, claire que ce soit dans la forme ou dans le fond. L’expert-comptable doit ainsi documenter chaque étape de la démarche de définition des prix de transfert.
La partie se subdivise en trois principaux chapitres.
Chapitre 1 : Présentation du contexte économique, juridique et fiscal
Ce premier chapitre constitue une introduction à la notion de groupe d’entreprises au sens économique, juridique et fiscale et à la notion de quartier général et à ses particularités. Il fournit par ailleurs des éléments de base pour mieux appréhender la notion de prix de transfert, ces éléments incluent les réglementations en vigueur et les textes applicables, les différentes étapes de la définition d’un prix de transfert ainsi que les méthodes de calcul applicables, les dispositions fiscales existantes pour assister les entreprises multinationales dans la gestion de ces prix de transfert.
Section 1 : Qu’est-ce qu’un groupe ?
Les entreprises membres d’un groupe sont liées par des relations financières directes ou indirectes (participation ou contrôle), des liens organisationnels (stratégies, direction, …), des relations économiques (allocation centralisée des ressources) ou des relations commerciales qui se traduisent par l’achat et la vente de biens ou services entre les entreprises du même groupe. Les relations entre les entreprises d’un même groupe diffèrent des relations qui existent entre une entreprise et ses succursales ou ses établissements. Un groupe est dirigé/contrôlé par une entreprise qui n’est pas contrôlée de manière directe ou indirecte par une autre entreprise, et qui possède au moins une filiale[4].
La notion de groupe au sens économique se caractérise par deux principaux facteurs : la mise en commun des ressources et la décentralisation de la gestion et des décisions.
Un groupe peut être public (propriété de l’Etat ou d’une entité publique) ; coopératif (composé de plusieurs coopératives contrôlées par une Union de coopératives) ; mixte (associant des entreprises privées, une entité publique ou une coopérative) ; ou capitaliste (contrôlé par une société mère qui est un holding financier et de ses filiales).
Le groupe considéré dans le contexte du présent mémoire revête la forme d’une entreprise multinationale qui contrôle et gère des filiales dans deux ou plusieurs pays. La maison mère achète des participations majoritaires dans des entreprises étrangères pour les contrôler, ou créent de nouveaux établissement dans des pays étrangers.
Les entreprises multinationales bénéficient d’avantages économiques significatifs incluant entre autres :
- elles disposent d’actifs spécifiques (technologie brevetée, réputation technique ou commerciale, compétitivité-coût) qui leur fournissent un avantage technique, stratégique, ou commercial sur les marchés étrangers. La concurrence dans ces marchés ne possède généralement pas ses avantages.
- grâce à leurs filiales, les entreprises multinationales peuvent exploiter efficacement leurs actifs spécifiques, réduire leurs coûts de production, commercialiser leurs produits et services dans les pays d’implantation et dans les pays environnants. Lorsque la production d’un bien est complexe (automobile, aéronautique, électroménager, etc…) , les opérations requièrent différentes technologies et d’équipements, différents niveaux de qualification de la main d’œuvre, …. Pour réduire les coûts de production et bénéficier d’économies d’échelle, les entreprises optimisent leurs productions en confiant la production partielle de leurs biens auprès d’autres entreprises.
- elles dégagent une rentabilité supérieure à celle qu’elles auraient obtenue en intégrant l’ensemble des fonctions, en sous-traitant une partie des fonctions ou en recourant à des prestataires externes. Ces groupes choisissent en effet de fragmenter la production, la commercialisation ou la distribution dans des pays où chaque fonction s’avère la plus rentable.
- elles gagnent en avantage comparatif par rapport à leurs concurrents puisque la technologie utilisée (surtout si elle est innovatrice) est maîtrisée en interne.
- elles peuvent par ailleurs bénéficier d’avantages fiscaux dans certains des pays d’implantation.
Il n’existe aucune définition juridique officielle de la notion de groupe de sociétés. L’existence d’un groupe est conditionnée par l’existence d’un lien de dépendance entre les sociétés. Ce lien se mesure par la part détenue par une société en AGO. Lorsqu’une société A détient plus de 50% du capital d’une autre société B, la société A est considérée contrôlée juridiquement et formellement la société B. La société mère A est ainsi majoritaire en vote.
Le groupe ne constitue pas une structure juridique autonome au sens du droit fiscal, et n’est pas ainsi considéré comme une seule unité. Les entreprises composant un groupe étant des personnes morales distinctes, elles sont assujetties au principe de la personnalité de l’impôt. Chaque société du groupe dispose d’une personnalité et d’une autonomie fiscale propre : chacune d’entre elles doit s’acquitter des impôts pour lesquels elles sont assujetties. Elles doivent ainsi payer la TVA sur leurs propres chiffres d’affaires, et l’IS sur leurs résultats fiscaux.
Le groupe ne disposant pas d’une personnalité fiscale, les opérations financières et commerciales réalisées entre les sociétés d’un même groupe sont ainsi imposées dans le strict intérêt de chaque société. L’intérêt du groupe n’est pas pris en considération. En raison de l’importance des flux pouvant exister entre les sociétés d’un même groupe, de leur complexité et des risques de doublons dans l’imposition des sociétés, deux régimes fiscaux ont été créés afin de tenir compte des caractéristiques d’un groupe :
- le régime mère/filiales: la principale caractéristique de ce régime consiste à exonérer la société mère des impôts sur les dividendes versés par ses filiales. Il permet ainsi d’éviter une double imposition des bénéfices réalisés par les filiales. Pour bénéficier de ce régime, la société mère doit détenir au moins 5% du capital de sa filiale, et ce depuis au moins deux ans.
- le régime de l’intégration fiscale: La société « tête de groupe » est autorisée à être la seule redevable de l’IS sur le résultat du groupe. Ce régime s’applique aux sociétés mères et filiales qui sont assujetties à l’IS en France. La société mère ne peut pas être détenue à plus de 95% par une autre société : elle doit cependant détenir directement ou indirectement au moins 95% du capital de ses filiales.
Section 2 : Le « quartier général »
Un « quartier général » peut être défini comme une société dont le siège est en France, ou un établissement stable situé en France d’une société dont le siège est à l’étranger, qui dépend d’un groupe international contrôlé depuis la France ou l’étranger, et qui exerce au seul profit de ce groupe des fonctions de direction, de gestion, de coordination ou de contrôle.[5] La mission d’un quartier général n’inclut pas des fonctions opérationnelles telles que la recherche, la production ou la commercialisation. Ainsi, un quartier général dans le secteur de la publicité peut établir un schéma directeur pour le marketing du groupe mais ne peut pas concevoir lui-même un message publicitaire.
Il doit constituer obligatoirement un démembrement du siège social du groupe et ne dispose d’aucun pouvoir de gestion ou de décision sur les sociétés regroupées au sein du groupe. Selon les compétences du quartier général, celui-ci peut fournir des services et activités pour l’ensemble des sociétés du groupe quelque soit leur localisation géographique. Les services rendus par un quartier général aux sociétés étrangères du groupe doivent être prépondérants afin de respecter la vocation internationale de ce dernier. Ils doivent représenter plus de 50% des services rendus par le quartier général. Ce rapport se calcule comme suit :
Montant total des charges d’exploitation courante (y compris les frais de sous-traitance et les débours) correspondant aux prestations rendues par le quartier général aux sociétés du groupe qui ont leur siège hors de France ou aux établissements situés hors de France des sociétés du groupe x 100)
/
Montant total des charges d’exploitation courante (y compris les frais de sous-traitance et les débours)
Les fonctions éligibles au sein d’un quartier général ont généralement une valeur marchande difficile à évaluer. Elles incluent :
- des activités stratégiques qui consistent par exemple à définir les politiques du groupe (politique marketing et commerciale, politique des approvisionnements,…).
- des activités de gestion des ressources humaines (gestion de la paie, gestion du personnel, formation,…).
- des activités de communication ou de relations publiques.
- des activités administratives et informatiques qui concourent à la gestion interne du groupe.
- des activités de veille informationnelle.
D’un point de vue juridique, un quartier général peut être une société de droit français ; un établissement d’une société étrangère non dotée d’une personnalité juridique ; une division ou un département d’une entreprise industrielle ou commerciale ou d’une société holding.
Etant donné qu’un quartier général fournit des services et des activités aux sociétés du groupe quelque soit leur localisation géographique : le QG peut par exemple être localisé en France, la maison mère aux Etats-Unis (US$), et les sociétés du groupe au Canada (CAD), en France (€), en Allemagne (€) et au Japon (JPY). Compte-tenu du nombre important d’opérations réalisées par le QG pour ces sociétés étrangères, les communications stratégiques, financières, commerciales se font en langue étrangère ainsi que les documents y afférents sont libellés en conséquence en langue étrangère également. Un quartier général peut ainsi maintenir une comptabilité en multidevises.
Tout quartier général bénéficie d’un régime de groupe tel que stipulé dans l’article 223A du CGI pour les fonctions réalisées exclusivement en faveur des sociétés du groupe. Cet article stipule qu’« une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés ou d’établissements stables membres du groupe».
Chaque filiale d’un groupe doit déterminer son propre résultat à partir de ses données comptables. Les résultats de chaque filiale sont par la suite consolidés au niveau du groupe. Les déficits de certaines sociétés sont ainsi imputés sur les bénéfices réalisés par d’autres sociétés. Seule la tête de groupe ou la société mère est assujettie à l’IS sur la base du résultat global consolidé. Pour bénéficier du régime de groupe, la société mère adresse une demande d’option au service des impôts, cette demande doit inclure les noms des entreprises membres du groupe qui souhaitent bénéficier de ce régime et une note attestant leurs accords. Les filiales du groupe doivent en outre : être assujetties à l’IS et être imposables en France ; être contrôlées à raison de 95% par la société mère de manière directe ou indirecte ; avoir les mêmes dates d’ouverture et de clôture des exercices. La société mère ne peut pas par ailleurs être possédée à plus de 95% de manière directe ou indirecte par une entreprise ou plusieurs entreprises du groupe. Le régime de groupe est octroyé pour une période de 5 ans renouvelable.
Les entreprises étrangères ne peuvent pas accéder au régime d’intégration fiscale. Par contre, celles qui possèdent une société mère française peuvent demander une option sur ce régime si ses filiales sont expressément d’accord.
L’avantage du régime de groupe réside dans la possibilité pour une entreprise multinationale d’augmenter sa capacité de réinvestissement en raison des économies d’impôt qu’elle peut dégager puisque les déficits de certaines filiales sont compensés par les bénéfices des autres filiales. Celles-ci peuvent exercer des opérations financières et commerciales sans être redevables d’impôts.
Le régime de droit commun s’applique par contre pour les fonctions fournies en faveur des sociétés étrangères au groupe.
Les bénéfices du quartier général sont assujettis au taux normal à l’impôt sur les sociétés. Il est également redevable des autres impôts tels que la TVA, la taxe d’apprentissage, la CET ou la CVAE selon les dispositions du droit commun. Il peut bénéficier des exonérations liées à ces impôts s’il remplit les conditions requises.
Section 3 : Généralités relatives aux prix de transfert
Les prix de transfert sont définis comme : « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées”.[6] Ils désignent ainsi les prix des transactions entre les sociétés d’un même groupe. Ces transactions peuvent concerner des transferts de biens ou de services intragroupes, des concessions de brevets ou de marques, des octrois de garantie.
Source française
Les prix de transfert sont principalement encadrés en France par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et le CGI. En effet, en vertu de l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009, les grandes entreprises doivent obligatoirement documenter leur prix de transfert. Les sanctions prévues en cas de manquement à cette obligation sont stipulées dans l’article 1735 ter du CGI. La législation française sur les prix de transfert s’est durcie en Décembre 2013 avec l’adoption par l’Assemblée Nationale de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. L’article 45 de cette loi oblige les entreprises à communiquer à l’administration les éléments de documentation des prix de transfert dans un délai de six mois à compter de la date limite de déclaration de résultat de l’exercice. Cette loi habilite par ailleurs les agents fiscalistes à réaliser des copies des documents comptables des entreprises contrôlées.
Cette réglementation est traduite dans les articles L 13 AA et L 13 B du LPF qui précisent les documentations à fournir par les entreprises multinationales.
Source internationale
Les Principes directeurs de l’OCDE en matière de prix de transfert, publiés initialement en 1979 puis révisés en 1995, 2010 et 2011[7], constituent des références pour les législations nationales de plusieurs pays incluant la France. Les travaux de l’OCDE sur ce sujet visent à homogénéiser les obligations des entreprises d’un pays tout en reconnaissant que les règles et les modalités internes soient adaptées à chaque pays. La législation française s’est également alignée sur les dispositions du code de conduite en matière de documentation du prix de transfert[8].
Un groupe d’experts appelé FCPT ou forum conjoint sur les prix de transfert a été crée en 2002 par la Commission européenne. Les travaux réalisés à ce jour par ce groupe incluent : une prise en compte plus uniforme des règles de prix de transfert applicables aux petites et moyennes entreprises ; une analyse des accords intragroupes de répartition des coûts vs prix de transfert. Des discussions sont actuellement menées par ce groupe sur l’évaluation des risques en matière de prix de transfert ; les problèmes liés à la double imposition résultant d’ajustements.
La présente sous-section permet de comprendre brièvement les différentes étapes à réaliser par une entreprise pour déterminer ses prix de transfert. Chacune de ses étapes est associée à une obligation de documentation, et est plus expliquée en détail dans le troisième chapitre de cette partie.
Ainsi, pour définir ses prix de transfert, une entreprise doit :
- définir un périmètre et réaliser une analyse fonctionnelle : cette étape implique pour l’entreprise d’analyser en premier lieu son rôle économique et sa position au sein du groupe. Elle doit :
- recenser les objets des transactions intergroupes (conception, R&D, prestations de services, achats de marchandises et ou de biens, sous-traitance, assemblage, production,…). Un même groupe peut par exemple inclure une entreprise qui fabrique les éléments d’un produit, une entreprise qui effectue l’assemblage, et une entreprise qui se charge de la distribution du même produit. Chaque entreprise du groupe exerce des fonctions distinctes (à recenser) et assume des risques propres (risques de marché[9], risques financiers[10] et risques industriels[11]).
- recenser les actifs incorporels, corporels et les autres moyens utilisés par l’entreprise pour réaliser les fonctions identifiées précédemment. Ils peuvent inclure des locaux (usines,…), des équipements, des brevets et des marques, du personnel mis à disposition et peuvent également inclure le recours à des spécialistes. Les caractéristiques de ces actifs et moyens sont également recensés (localisation, valeur marchande, utilité économique ou utilité stratégique,…).
- au cas où une entreprise cumule plusieurs activités (producteur et distributeur), elle doit définir les actifs et les ressources utilisés par activité. Elle doit par ailleurs dégager les recettes, les dépenses et les résultats dégagés par chaque activité.
- déterminer la méthode la plus adaptée pour rémunérer les activités intragroupes en veillant à respecter un principe de pleine concurrence. L’entreprise doit procéder à une recherche de comparables qui consiste à définir les marges dégagées par des entreprises indépendantes sur une même transaction et évoluant dans un même contexte économique.
- justifier la méthode de détermination du prix de transfert sélectionnée.
Au vu de ces étapes, l’expert-comptable en charge d’élaborer et de justifier les prix de transfert d’une entreprise est confronté à la nécessité de bien appréhender la structure et l’organisation du groupe, au respect de pleine concurrence et à la nécessité de justifier les méthodes utilisées et les choix opérés.
Lorsque les groupes fixent des prix de transfert pour leurs transactions internes, ils affectent directement ou indirectement la base taxable de l’Etat, d’où l’attention particulière portée par ce dernier sur ces prix. Les risques de désaccord entre l’administration fiscale et les entreprises en termes de valorisation du prix sont ainsi élevés.
L’administration a mis en place l’accord préalable sur les prix de transfert qui constitue un outil de sécurité juridique proposé aux entreprises. Il présente de nombreux avantages:
- il permet d’éviter les risques de litiges fiscaux puisqu’au sens de l’article L80A du livre des procédures fiscales, l’accord préalable représente une « prise de position formelle de l’administration ». Les entreprises s’en trouvent sécuriser par rapport à leur politique de prix.
- les entreprises peuvent obtenir un accord sur la méthode de calcul des futurs prix de transfert.
- les entreprises reçoivent une garantie que les prix de transfert pratiqués ne constituent pas un transfert de bénéfices. En effet, selon la disposition de l’article 57 du CGI visant une lutte contre l’évasion fiscale, les bénéfices qui sont indirectement transférés à des sociétés françaises qui sont sous la dépendance ou qui ont le contrôle d’entreprises situées hors de France, par le biais de l’augmentation des prix d’achat, ou de la diminution des prix de vente, ou par tout autre moyen, sont incorporés au résultat de l’entreprise basée en France.
- il permet en outre d’éviter une double imposition des entreprises en cas de contrôles fiscaux. En effet, ces derniers sont suivis d’une longue période d’enquête qui favorise l’insécurité des entreprises. En cas d’augmentation de la base taxable de l’entreprise résidant en France à l’issu du contrôle, celle-ci subira une double imposition puisque le montant pour lequel la base a été révisée a été déjà imposée à l’étranger.
L’accord préalable définit un ensemble de critères à prendre en considération avant la réalisation des transactions intragroupes afin de définir les prix de transfert. Ces critères incluent la méthode de valorisation à utiliser, les éléments à prendre en considération pour la comparaison des méthodes, les hypothèses à considérer pour l’évaluation des perspectives d’évolution.
Le traitement de la demande d’accord préalable et sa conclusion sont pris en charge par la MEJEI du service juridique de la fiscalité. Il analyse le projet de politique de prix de transfert soumis par l’entreprise et vérifie sa conformité avec les principes directeurs de l’OCDE et les règles fiscales. L’entreprise et l’administration fiscale procèdent par la suite à une négociation. Un accord généralement valide pour une durée de 5 ans est conclu entre les deux parties mentionnant les transactions visées, les méthodes de valorisation du prix de transfert convenues.
Comme évoqué précédemment, le contrôle des prix de transfert par l’administration fiscale peut entraîner une révision de la base taxable entraînant de ce fait une double imposition pour l’entreprise. C’est le cas par exemple d’une entreprise française qui vend un produit informatique à sa filiale allemande à 200 euros. Celle-ci vend le produit au consommateur pour 250 euros. Lors d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale allemande a estimé le prix d’achat à 180 euros et la marge de l’entreprise allemande à 70 euros, soit une majoration de 20 euros. Or, la société française a été déjà imposée pour cet écart de prix : le redressement fiscal donne alors lieu à une double imposition en France et en Allemagne pour deux entreprises appartenant à un même groupe.
La société qui estime avoir subi une double imposition peut demander une procédure amiable d’élimination des doubles impositions prévues dans les conventions fiscales. Les administrations fiscales des pays concernés vont essayer de chercher un accord sans pour autant être obligé de fournir un résultat. En cas de conclusion d’un accord entre les deux administrations, la demande a généralement abouti à une révision qui élimine la double imposition: l’écart de prix vient en déduction du résultat d’une entreprise pour contrebalancer la hausse de la base imposable dans l’autre société.
Outre cette procédure bilatérale, l’Union européenne a également instauré une procédure amiable spécifique[12] aux prix de transfert assortie d’une obligation de résultat. L’entreprise dispose d’un délai de 3 ans à partir de la réception de la proposition de révision de la base taxable pour ouvrir les dites procédures.
Section 4 : Les différentes méthodes de détermination du prix de transfert
Cinq méthodes de détermination du prix de transfert sont recommandées par l’OCDE. Elles se répartissent en deux catégories : les méthodes traditionnelles et les méthodes transactionnelles. Les méthodes traditionnelles se basent sur les transactions et incluent le prix comparable sur le marché libre, le prix de revente moins ainsi que le prix de revient majoré. Les méthodes transactionnelles, quant à elles, sont basées sur les bénéfices et comprennent la méthode du partage des bénéfices et la méthode transactionnelle de la marge nette.
Chacune de ces méthodes est considérée comme satisfaisante par l’administration fiscale si elle est cohérente avec les fonctions exercées par l’entreprise et les risques qu’elle assume. Elle doit cependant être justifiée et respecter le principe de pleine concurrence. Ce principe consiste à appliquer sur une opération intragroupe un prix de transfert similaire au prix du marché pratiqué sur la même opération entre deux entreprises indépendantes.
La section ci-après explique les différentes méthodes de détermination du prix de transfert.
Pour définir le prix de transfert de ces opérations intragroupes, la méthode du prix comparable sur le marché libre consiste pour l’entreprise à déterminer le prix d’un bien, d’une marchandise ou d’un service sur le marché entre un vendeur et un acheteur qui n’ont aucun lien de dépendance. Cette méthode présente l’avantage d’être simple à utiliser et fiable puisque le prix ainsi défini est facilement justifiable.
La limite de cette méthode est qu’elle ne prend pas en considération les caractéristiques des transactions et celles des entreprises (indépendantes) concernées : celles-ci incluent par exemple la localisation géographique des marchés (le prix du marché identifié peut inclure ou non des coûts de transport et des coûts de dédouanement) ; le volume acheté (le prix d’achat peut diminuer en fonction du volume acheté) ; les délais de règlement. L’entreprise peut effectuer des ajustements sur les prix de marché si elle peut définir avec fiabilité les caractéristiques à prendre en compte.
Cette méthode est appropriée pour les entreprises dont les échanges portent sur des produits couramment vendus sur le marché. Elle n’est pas adéquate pour les opérations concernant les biens incorporels.
Cas des services intragroupes:
Les services communs aux filiales, qu’ils soient techniques, commerciaux, financiers ou administratifs sont généralement centralisés auprès de la société mère. Celle-ci doit les refacturer à ses filiales bénéficiaires pour le même prix facturé par une entreprise indépendante sur le marché. Les services facturés doivent constituer une réponse à un besoin réel de l’entreprise et ne représenter aucun doublon avec les services existants dans la société.
Pour facturer la mise à disposition d’un actif incorporel (savoir-faire), la société mère facture une redevance qui équivaut à un pourcentage du chiffre d’affaires. Les services non associés à un actif incorporel sont facturés suivant la méthode d’un coût de revient majoré ou par l’application d’une clé de répartition (basée sur le chiffre d’affaires par exemple) qui doit prendre en considération la représentativité de la valeur des services fournis. Des clés de répartition individualisées peuvent être utilisées si elles permettent d’obtenir les coûts réels pour chaque entreprise. Les coûts des services achats peuvent par exemple être répartis selon le pourcentage des achats de chaque entreprise par rapport aux achats totaux.
La méthode de prix de revente consiste pour l’entreprise à :
- déterminer le prix de vente d’un produit acheté auprès d’une entreprise du groupe à un client indépendant.
- et à déduire la marge brute qui permet à l’entreprise chargée de la distribution de faire face aux frais commerciaux et de dégager un bénéfice compte tenu des fonctions exercées et des risques assumés. Ce calcul permet d’obtenir le prix de vente du produit au distributeur qui sera considéré comme un prix de transfert.
Cette méthode permet de dégager un prix de transfert fiable lorsque la comparaison entre le prix appliqué par une entreprise/un client indépendant et celui appliqué pour les opérations intragroupes est basée sur des produits, des fonctions, des transactions, des structures de coûts et des risques encourus similaires ou comparables. Elle est appropriée pour déterminer le prix de transfert des opérations de commercialisation lorsque l’entreprise chargée de la distribution n’est pas l’entrepreneur principal[13].
Elle présente cependant d’importantes limites lorsque les transactions intragroupes intègrent des actifs incorporels considérables tels que des brevets, des marques ou du savoir-faire technologique.
La méthode du coût majoré consiste pour l’entreprise « vendeur » à :
- définir le coût de revient du bien, du produit ou du service qui fait l’objet d’une transaction intergroupe. Les coûts d’achat des matières premières, les coûts de production, et les autres coûts d’exploitation sont ainsi déterminés.
- ajouter une marge brute à ce coût de revient pour couvrir les autres charges d’exploitation, et pour dégager un bénéfice raisonnable. L’entreprise peut se référencer à la marge appliquée par l’entreprise distributeur du groupe pour les produits similaires à ceux pour lesquels un prix de transfert doit être évalué. Elle peut par ailleurs se baser sur les marges appliquées entre un vendeur et un acheteur indépendant.
Cette méthode est préconisée pour les sous-traitants et les prestataires de service qui exercent des fonctions et qui assument des risques plutôt limités. Elle est particulièrement adaptée pour la valorisation des ventes de produits semi-finis entre des entreprises appartenant à un même groupe.
Les méthodes transactionnelles sont utilisées lorsque : (i) l’entreprise connaît des difficultés dans la recherche des informations sur les prix ou les marges appliqués sur le marché ; (ii) elle utilise des actifs incorporels considérables (brevets, marques, savoir-faire,..) ; (iii) les fonctions exercées par l’entreprise sont relativement complexes ou lorsque les risques assumés sont considérables.
La méthode du partage des bénéfices
Cette méthode consiste à :
- calculer le résultat consolidé pour l’ensemble du groupe (incluant toutes les entreprises).
- répartir le résultat sur chacune des entreprises sur la base d’une clé de répartition définie suivant des critères pertinents (fonctions exercées, actifs et moyens utilisés, risques assumés,…). Le taux de contribution de chaque entreprise aux charges d’exploitation du groupe peut par exemple constituer une clé de répartition utilisable. L’objectif de cette démarche est d’obtenir une répartition des bénéfices qui serait similaire à celle obtenue dans un contexte de pleine concurrence.
La méthode du partage des bénéfices est recommandée lorsque les opérations au sein du groupe sont tellement imbriquées que les entreprises connaissent des difficultés pour valoriser chaque opération. Cette forte imbrication est par exemple constatée lorsqu’un produit est fabriqué par plusieurs entreprises du même groupe et qu’il est vendu à un client indépendant.
La méthode transactionnelle de la marge nette
Cette méthode consiste à comparer la marge nette réalisée avec une entreprise dans le cadre d’une transaction intragroupe avec celle dégagée par une entreprise indépendante pour une opération similaire. A la différence des autres méthodes, l’entreprise raisonne en termes de ratios (exemples: ratio bénéfice d’exploitation/CA, ou rendement des actifs …). S’il s’avère que le ratio de marge nette de l’entreprise (liée à un groupe) est similaire à celle d’une entreprise indépendante, le prix de transfert appliqué respecte le principe de pleine concurrence.
Cette méthode s’adapte à tous les types de transactions, elle requiert un même niveau de comparabilité entre l’entreprise du groupe et l’entreprise indépendante (structure de coût, fonction, risque, localisation,…).
Chapitre 2 : Démarche de l’expert-comptable dans le choix d’une méthode adaptée
Ce second chapitre aborde le rôle de l’expert-comptable dans cette mission de définition du prix de transfert d’un quartier général. Il mentionne les missions possibles de l’expert-comptable selon la taille des entreprises et en cas de contrôle fiscal, et présente également la possibilité de développer cette mission.
Il mentionne par ailleurs la démarche à entreprendre par l’expert-comptable dans le choix d’une méthode adaptée à l’entreprise : elle se focalise sur l’analyse des contrats conclus au sein du groupe, premiers éléments primordiaux pour appréhender le principe de pleine concurrence. Il aborde également les contraintes déterminantes que l’expert-comptable doit prendre en considération dans la réalisation de sa mission.
Section 1 : Le rôle de l’Expert-comptable
Le rôle de l’expert-comptable en termes d’accompagnement d’une entreprise ou d’un groupe dans le domaine du prix de transfert est différent selon le contexte dans lequel il intervient :
- s’agissant des entreprises intégrées à des groupes de taille conséquente (chiffre d’affaires consolidé de plusieurs milliard d’euros), la politique de prix de transfert ne génère pas de problématique spécifique. Ces entreprises disposent habituellement de toutes les ressources nécessaires à la mise en place d’une telle politique, et sont sensibilisées aux problématiques qui en découlent. Ici, le rôle de l’expert-comptable réside en la juste application et traduction de cette politique dans les états financiers.
- s’agissant d’entreprises de taille plus modeste pour lesquelles rien n’a été mis en place en matière de prix de transfert, l’intervention de l’expert-comptable est primordiale. Ces entreprises ont besoin d’aide, tout d’abord pour choisir une méthode de détermination de leur prix de transfert, mais aussi pour la documenter.
- dans le cas d’un contrôle fiscal portant sur leur politique de prix de transfert, l’accompagnement d’une entreprise ou d’un groupe par un cabinet d’expertise-comptable est primordial, voire vital, tant les redressements peuvent être lourds de conséquence.
Les résultats attendus de la mission de l’expert-comptable sont précisés par écrit dans la lettre de mission conclue entre l’expert-comptable et son client.
Le devoir de conseil de l’expert-comptable s’applique à toutes les missions de l’expert-comptable, il est limité au cadre normal de sa mission à savoir : l’application des prix de transfert et leur traduction dans les états financiers, ou le choix/la justification et la documentation des méthodes de valorisation des prix de transfert, ou l’accompagnement de l’entreprise lors d’un contrôle fiscal orienté sur les prix de transfert. La limitation de cette obligation aux travaux prévus dans la lettre de mission ne dispense pas le cabinet d’expertise comptable d’un devoir général de conseil envers son client.
Devoir d’information : le devoir de conseil de l’expert-comptable inclut un devoir d’information du client. Il doit ainsi informer les responsables de l’entreprise ou ceux du groupe sur les obligations légales et réglementaires du prix de transfert, les jurisprudences publiées par la Cour de cassation sur ce sujet, les nouvelles réglementations. Ainsi, un expert-comptable doit informer son client sur l’obligation de documenter les prix de transfert et la nouvelle obligation de communiquer leurs éléments déterminants à l’administration fiscale.
Devoir de mise en garde : l’expert-comptable doit alerter son client (les dirigeants du groupe ou de l’entreprise) sur les actions ou les omissions de ce dernier pouvant porter préjudice à sa situation financière ou à la continuité de l’exploitation. Il informe le client sur les omissions, les négligences, les manquements aux réglementations qu’il aurait constatées. Il lui fait prendre conscience des conséquences possibles de ces manquements (redressement fiscal).
Droit d’exiger : Après avoir constaté les manquements et informé le client, l’expert-comptable doit s’assurer que l’entreprise ou le groupe a pris les actions nécessaires pour redresser la situation. Il doit user de son positionnement privilégié auprès du dirigeant de l’entreprise et de sa compétence pour l’inciter à mettre en œuvre des mesures correctives.
Refus de toute complaisance : dans le cadre de son devoir de conseil, l’expert-comptable doit refuser toute bienveillance en faveur de son client en cas de manquements aux obligations. Il doit matérialiser ce refus par une suspension des travaux, une rupture de la lettre de mission afin de ne pas engager sa responsabilité en cas de mise en cause.
Pour le développement économique de son cabinet, l’expert-comptable peut saisir les opportunités de missions qui s’inscrivent dans sa mission initiale de justification ou de valorisation du prix de transfert d’un groupe de sociétés ou d’une entreprise afin de proposer des missions additionnelles à son client. Cette démarche stratégique permet à l’expert-comptable d’assurer la croissance de son chiffre d’affaires et donc la pérennité de son cabinet. Il fidélise par ailleurs le client qui se voit proposer des missions additionnelles qui répondent particulièrement à ses besoins.
Les transactions intragroupes peuvent s’inscrire dans le cadre d’exportation de biens ou de marchandises auprès d’une entreprise liée à un groupe, ou d’exportation de biens ou marchandises achetés intégralement ou en partie auprès d’une filiale auprès d’un client indépendant. L’examen de la conformité des prix de transfert par l’expert-comptable peut le conduire à identifier des missions d’accompagnement de l’entreprise dans sa démarche d’export.
La réalisation de la mission de valorisation ou de justification du prix de transfert peut impliquer pour l’expert-comptable de vérifier la conformité des écritures comptables et leur traduction correcte dans les états financiers. Si la mission concerne la justification des prix de transfert utilisés par un groupe d’entreprises, l’expert-comptable pourrait par exemple proposer une mission de mise en place ou d’amélioration de la comptabilité analytique en vue d’une meilleure évaluation des éléments déterminants du prix de transfert. Ce type de mission serait par exemple vital pour un groupe dans lequel les activités des entreprises sont fortement imbriquées.
Section 2 : Analyse du contrat conclu au sein du Groupe
Des conventions intragroupes sont généralement conclues entre les sociétés d’un groupe : elles visent à formaliser les obligations entre les sociétés (les prestations ou activités à fournir, la durée de l’accord, les modalités de rémunération).
L’expert-comptable doit en premier lieu :
- recenser les conventions intragroupes signées par le quartier général.
- recenser en détail toutes les prestations fournies par le quartier général aux sociétés qui bénéficient de chacune des prestations.
- vérifier que les conventions conclues avec chaque société contiennent l’intégralité des prestations fournies et qu’elles sont bien détaillées. Ces prestations constituent la contrepartie du contrat et justifient ainsi l’existence juridique de la convention. Des prestations non exprimées de manière claire (floues ou non précises) peuvent causer l’annulation d’une convention en justice, entraînant de ce fait une qualification en acte anormal de gestion sur le plan fiscal.
- le quartier général doit refacturer l’ensemble de ses coûts aux sociétés bénéficiaires de ses services en recourant à une clé de répartition. L’expert-comptable doit ainsi vérifier la pertinence ou définir les modalités de répartition des coûts encourus par le quartier général en fonction de la nature de l’activité de chaque entreprise.
Les prestations fournies par le quartier général devant être recensées par l’expert-comptable peuvent inclure les domaines ci-après :
- l’administration générale : les prestations peuvent par exemple inclure la coordination des activités opérationnelles, la définition et le suivi d’une stratégie financière. Le quartier général se rémunère en facturant des « management fees » aux sociétés en optant par exemple pour une des modalités suivantes : (i) répartition des coûts en fonction du chiffre d’affaires de la société par rapport à celui du groupe, ou (ii) prise en compte du temps passé enregistré dans les feuilles de temps.
- une assistance juridique et fiscale : les prestations fournies par le quartier général peuvent consister en assistance dans la conclusion de contrats avec des tiers (négociation, rédaction, conseil) ; dans la gestion des marques (droits d’auteur, dépôts) ; dans l’optimisation fiscale ; dans les déclarations fiscales (suivi des contrôles fiscaux) ; dans le traitement des contentieux. Les modalités de rémunération peuvent être les mêmes que celles mentionnées précédemment.
- une assistance comptable et financière : la planification financière, la budgétisation et le contrôle budgétaire, la mise en place d’une comptabilité analytique, la comptabilisation ou la vérification des comptes, l’affacturage, la gestion des risques des taux d’intérêt et des taux de change, font partie des prestations qu’un quartier général peut fournir. Les coûts peuvent être répartis entre les sociétés en se basant par exemple sur le volume des écritures comptabilisées pour refacturer les coûts engagées pour l’activité de comptabilisation.
- une assistance commerciale: le quartier général peut fournir les prestations suivantes (élaboration d’une stratégie marketing et commerciale ; assistance en marketing, en publicité ou en distribution ; assistance dans les opérations promotionnelles ; optimisation de la logistique et du transport). Les coûts des prestations sont répartis en fonction du chiffre d’affaire de chaque société par rapport à celui du groupe.
- le domaine technique: les prestations peuvent inclure l’assistance en matière de normes, de contrôle qualité, de sécurité, de conditionnement, d’agencement des installations, de sélection des machines et équipements, de maîtrise des processus de production. Les coûts de ces prestations peuvent être répartis en fonction du temps passé par le personnel du quartier général ; du volume ou de la valeur de la production de chaque société en fonction de celui ou celle du groupe ou de l’ensemble des sociétés concernées ; ou du chiffre d’affaires de chaque société par rapport à celui de l’ensemble du groupe.
- les achats : le quartier général peut assister les sociétés du groupe à référencer les fournisseurs, les produits ou les services ; à négocier avec les fournisseurs ; à mettre en place des outils de suivi. La clé de répartition des coûts d’assistance aux achats peut se baser sur le volume ou la valeur des achats de chaque société par rapport à celui ou celle du groupe.
- les ressources humaines: les prestations fournies peuvent inclure le recrutement du personnel de la direction ; le développement des compétences du personnel ; le traitement de la paie ; la définition de la politique et des procédures de personnel (bilan de compétences, gestion de carrière, éthique, …). La refacturation des coûts se fait sur la base du nombre d’effectifs ou de la masse salariale de chaque société par rapport à celui ou celle du groupe.
Les « management fees » constituent des chiffres d’affaires taxables pour le quartier général et des charges déductibles pour les sociétés du groupe. Pour s’assurer que les réglementations relatives au prix de transfert soient bien appliquées, pour que les conventions intragroupes ne soient pas annulées par la justice, et pour que le quartier général et les sociétés du groupe ne soient pas exposés au risque d’acte anormal de gestion, l’expert-comptable doit :
- vérifier que la société bénéficiaire du service aurait été disposée à payer une autre entreprise indépendante (si nécessaire) pour les mêmes services obtenus. Cette vérification a pour objectif de s’assurer de la réalité des services rendus suivant la préconisation de l’OCDE.
- vérifier que toutes les prestations de services facturées correspondent à des services effectivement rendus et qu’elles sont justifiées par une documentation adéquate. L’utilisation de feuilles de temps permet par exemple de justifier la répartition des honoraires des juristes employés par le quartier général entre les sociétés du groupe.
- vérifier que les prix de transfert mentionnés dans les conventions sont en adéquation avec les prestations fournies et qu’ils sont cohérents par rapport au bénéfice perçu par les sociétés.
- s’assurer que le quartier général dispose des ressources et des moyens nécessaires pour fournir les prestations mentionnées dans les conventions intragroupes.
Section 3 : Contraintes déterminantes dans la mise en place d’une méthode adaptée aux prestations de services intragroupes
Les prix de transfert affectent le résultat taxable du quartier général et celui de chaque entreprise concernée. Ils impactent sur l’assiette de la TVA à payer par ces entités pour les transactions locales et internationales. Les conventions intragroupes et la détermination des prix de transfert incluent un facteur risque que l’expert-comptable doit maîtriser. En effet, les opérations du quartier général risquent d’être qualifiées d’acte anormal de gestion si elles sont refacturées à leur coût de revient sans marge auprès des sociétés bénéficiaires. Lorsque la marge appliquée par le quartier général est considérée comme excessive par l’administration fiscale, les factures émises sont considérées comme des actes anormaux de gestion, et les conventions peuvent être remis en cause. Les résultats taxables des entreprises pour lesquelles des prestations de services ont été fournies, vont être augmentés des charges non déductibles ou des charges non justifiées.
Lors de la mise en place d’une méthode de prix de transfert, l’expert-comptable doit s’assurer que les prix de transfert appliqués n’induisent pas une qualification en acte anormal de gestion :
- il doit vérifier que les conditions de validité des services qui seront refacturés sont remplies. Les services fournis par le quartier général doivent être réellement utiles pour la société bénéficiaire et qu’ils sont réalisés dans le cadre d’une bonne gestion de l’exploitation.
- les conditions de rémunération doivent également être remplies (refacturation, respect du principe de pleine concurrence).
Pour les relations entre les filiales d’un groupe, les prix de transfert peuvent impacter la politique commerciale ainsi que la politique de financement du groupe. En effet, les prix de transfert peuvent permettre de renflouer ou de renforcer la trésorerie d’une filiale en difficulté. Ils affectent également la politique du groupe en matière de risque de change.
- .2 Contraintes relatives à l’activité
L’expert-comptable doit obligatoirement prendre en compte les caractéristiques des activités des entreprises pour lesquelles des prix de transfert doivent être définis. Ces caractéristiques incluent :
- les caractéristiques des marchés dans lesquels les transactions sont réalisées: localisation géographique, envergure du marché, potentiel du marché, niveau de concurrence, type de clientèle (catégorie, niveau de vie,…), existence de produits ou de services de substitution, réglementations locales, ….
- la stratégie décidée au sein du groupe (priorité à l’innovation, lancement de nouveaux produits, ciblage de nouveaux marchés, augmentation de la part de marché du groupe,…)
L’exemple ci-après illustre bien ces contraintes : un quartier général fournit une assistance à deux entreprises A et B dans le marketing, la distribution, la communication et la publicité de leurs produits. L’entreprise A lance un nouveau produit sur un marché très peu concurrentiel ciblant une clientèle de luxe: l’enjeu commercial consiste à faire connaître le produit à une clientèle limitée et à inciter aux achats. L’entreprise B commercialise un produit déjà existant qui se positionne dans un marché fortement concurrentiel : l’enjeu commercial consiste à faire parler de la marque, à raviver le produit dans l’esprit des consommateurs. Les ressources et les moyens mis en œuvre par le quartier général pour l’entreprise A et B ne sont pas les mêmes. Le prix unitaire de vente du produit de l’entreprise A au client final est élevé, celui de l’entreprise B est peu élevé. Le lancement d’un nouveau produit et de surcroît dans le secteur du luxe nécessite des coûts supplémentaires sur une période bien définie (frais de constitution d’un réseau de distribution et plus de relations publiques par exemple). La mise en place d’opérations promotionnelles pour le produit de B engendre des coûts additionnels pour la coordination avec les distributeurs, la gestion de la logistique et des transports et impacte également sur les chiffres d’affaires. Répartir les coûts d’assistance commerciale sur la seule base du chiffre d’affaire de chaque entreprise n’est pas ainsi forcément pertinent. D’où l’importance de prendre en compte ces caractéristiques pour définir la méthode de prix de transfert.
- les fonctions exercées par l’entreprise et les risques qu’elle assume. Un quartier général assiste le groupe dans la commercialisation d’un produit. L’entreprise C est en charge de la production et supporte les risques liés au lancement du produit. L’entreprise D assure la fonction de distributeur sans en assumer les risques. La majeure partie des coûts du quartier général en termes de commercialisation de ce produit (élaboration de stratégie marketing et commerciale par exemple) est ainsi refacturée à l’entreprise C.
Une entreprise productrice d’imprimantes A basée au Japon a confié la distribution exclusive de ses produits à sa filiale B localisée en France et lui a demandé de cibler un nouveau type de clientèle. Un quartier général assiste les deux entreprises dans la formulation d’une stratégie de développement. Les coûts de cette assistance pourraient être répartis entre l’entreprise A et l’entreprise B puisque c’est A qui a décidé de changer de stratégie pour augmenter ses ventes.
L’expert-comptable s’expose par ailleurs à un certain nombre de contraintes qui pourraient rendre difficiles la mise en œuvre de la démarche de choix d’une méthode de fixation des prix de transfert. Ces contraintes incluent :
- l’absence ou l’insuffisance de coordination et de synergie entre les entreprises d’un même groupe et entre les départements concernés. Cette situation rend difficile la collecte des éléments, la définition des fonctions exercées et des risques assumés par chaque entreprise.
- le faible pouvoir décisionnel de certains managers dans les organisations matricielles. Les décisions sont centralisées, ce qui ne facilite pas les échanges entre les entreprises et la prise en compte des caractéristiques des activités et des transactions. A cette faiblesse s’ajoutent les situations de conflits qui peuvent exister entre les filiales à cause de la politique générale du groupe (exemple : les entreprises du groupe se livrent une compétition principalement basée sur l’atteinte d’un chiffre d’affaire prédéfini et non sur le résultat dégagé).
- le risque de travailler sur des informations incomplètes surtout si le groupe ou les entreprises concernées ne disposent pas d’un système d’information commun mis à jour qui facilite la collecte et le suivi des données. Le quartier général doit également disposer d’un système qui lui permette de connaître les caractéristiques et l’évolution de chaque entreprise (la politique générale, la politique commerciale, la politique sociale, la croissance ou la baisse du chiffre d’affaires, …), de tenir une comptabilité analytique des coûts qu’il a engagés.
- l’augmentation des tâches administratives puisque la communication des flux entre les entreprises d’un même groupe doivent être bien documentées. Un contrôle interne et régulier doit par ailleurs être mis en place.
Section 4 : Le choix du prix de revient majoré
La méthode du prix de revient majoré consiste à :
- définir le coût de revient du produit vendu ou du service fourni par le quartier général aux entreprises liées. Il peut se baser également sur la rémunération brute qu’une entreprise indépendante aurait facturée pour fournir le produit ou le service similaire en prenant en compte les fonctions exercées et les risques assumés.
- ajouter une marge bénéficiaire équivalente à celle appliquée par une entreprise du groupe ou une entreprise externe indépendante en situation de pleine concurrence. La marge est ainsi ajoutée au coût de production (pour les produits) ou à la masse salariale (pour les services).
- effectuer les ajustements nécessaires justifiés par les différences constatées lors de la comparaison entre marges pratiquées par les entreprises indépendantes et celles d’un même groupe.
L’expert-comptable peut rencontrer les difficultés ci-après lors de la mise en œuvre de la méthode du prix de revient majoré :
- la détermination de la marge bénéficiaire appliquée par les entreprises indépendantes peut être biaisée par le fait que celles-ci peuvent ne pas appliquer la démarche classique de détermination du prix de vente pour faire face à la concurrence, pour lancer ou relancer un produit ou un service sur le marché. En effet, une entreprise peut choisir de baisser son prix et de réduire ainsi sa marge. Dans certains cas, les prix appliqués par les entreprises indépendantes n’ont aucun lien avec leurs prix de revient puisqu’elles appliquent un prix de marché. L’expert-comptable doit ainsi choisir soigneusement les entreprises qui font l’objet de comparabilité et connaître leurs stratégies.
- les coûts supportés par l’entreprise concernée par la définition du prix de transfert et les entreprises externes peuvent par ailleurs diverger sur certains postes. L’entreprise du groupe peut par exemple louer des locaux industriels ou commerciaux tandis que l’entreprise externe utilise ses propres biens immobiliers. Des ajustements sont à réaliser dans le calcul de marge en intégrant dans le prix de revient de l’entreprise externe les coûts de location.
- des écarts peuvent également être constatés dans les fonctions exercées et les risques assumés par les deux types d’entreprises. Si une des entreprises encourt par exemple des dépenses supplémentaires en raison d’une fonction additionnelle, une révision doit être apportée à la marge sur coûts. A cette fonction peut également correspondre une rémunération bien distincte à ne pas intégrer dans le calcul de la marge puisqu’elle peut ne pas être essentielle à la production du produit ou du service. L’exemple ci-après illustre la nécessité de tenir compte des fonctions exercées et des risques assumés.
La société A sise au Vietnam est une filiale à 100 % de la société B localisée en France. Les salaires au Vietnam sont bas par rapport à ceux payés en France. La société A réalise l’assemblage de téléviseurs aux frais et risques de la société B qui fournit toutes les pièces et le savoir-faire nécessaire, et qui prend également en charge les frais et les risques afférents au transport des produits vers les centres de distribution. La société A est donc purement une entreprise productrice, elle n’assume que les risques liés à une mauvaise qualité et à une différence dans la quantité livrée. La méthode du coût majoré se base sur l’ensemble des coûts afférents à la fonction d’assemblage.
- la prise en considération des structures de capital des deux entreprises interne au groupe et externe est également nécessaire puisqu’elles peuvent impacter sur les marges appliqués. Elles ne correspondent pas à des mécanismes de pleine concurrence et doivent donc faire l’objet d’un ajustement.
- le prix de revient peut varier d’une entreprise à l’autre en fonction également de sa capacité à optimiser ses coûts (frais généraux, dépenses administratives, dépenses de contrôle,…).
L’expert-comptable doit pouvoir justifier la marge bénéficiaire ajoutée à son prix de revient. Elle doit ainsi pouvoir réaliser des comparaisons sur les marges bénéficiaires appliquées par les entreprises internes au groupe (par le biais des données analytiques) ou des comparaisons externes en se basant sur le poste comptable COGS[14] dans les entreprises indépendantes qui utilisent les référentiels anglo-saxons de type US GAAP. L’entreprise doit disposer d’une ou de plusieurs personnes ressources externes ou internes qui puissent réaliser périodiquement l’analyse des informations disponibles sur les entreprises indépendantes (analyse du traitement des coûts, analyse des lignes de dépenses, analyse des fonctions et des risques,…).
- .3 Impacts comptables
Ajustements comptables :
L’hétérogénéité des règles comptables appliquées par les entreprises implique pour l’entreprise et l’expert-comptable de mesurer les marges brutes d’une manière cohérente, et ainsi de vérifier le traitement des coûts par l’entreprise interne au groupe et l’entreprise indépendante. L’exemple ci-après illustre la nécessité de réaliser des ajustements comptables :
L’entreprise A fabrique des pièces pour des montres produites en grande série. Elle vend ses pièces à sa filiale B localisée à l’étranger : elle réalise une marge brute sur coûts de 5 %. Après une analyse comparable, elle a identifié deux entreprises locales indépendantes X et Y qui produisent les mêmes pièces d’horlogerie dans les mêmes conditions de marché. Celles-ci réalisent une marge brute entre 3 à 5%. Lors de l’analyse du traitement des coûts, A a constaté que X et Y incorporent les frais généraux et les dépenses administratives dans les coûts des marchandises vendues alors qu’elle les comptabilise en charges d’exploitation. L’entreprise A doit ainsi ajuster les marges brutes de X et Y en déduisant les frais généraux et les frais administratifs.
Des coûts historiques sont généralement rattachés à chaque unité de production : les coûts d’acquisition des matières premières, le coût de la main d’œuvre, les frais de transport… (pour les produits) ou plus spécifiquement le coût de la main d’œuvre (pour les services). Ces coûts peuvent varier d’un mois à l’autre ou d’une année à l’autre, selon le volume d’achat effectué/ou le volume de production réalisé, l’expert-comptable ou l’entreprise doit établir une moyenne pour les différents produits ou par la ligne de produits concernée.
Mise en place d’une comptabilité analytique :
La méthode du prix de revient majoré implique pour l’entreprise, qui fournit les produits ou les services, de déterminer un coût de revient. La simple utilisation des normes comptables PCG ne permet cependant pas à l’entreprise de disposer immédiatement de cette information. Pour déterminer les coûts directs, les coûts indirects et les charges d’exploitation correspondants à chaque produit ou service fourni, l’entreprise doit disposer d’une comptabilité analytique.
Cette comptabilité analytique permettra à l’entreprise de réaliser des analyses poussées pour une meilleure estimation de la marge appliquée. Elle pourra calculer de manière plus précise le coût des actifs fixes lorsque divers produits sont fabriqués simultanément sur ces mêmes actifs et que le volume de production fluctue. Elle permettra également d’évaluer les coûts de remplacement et les coûts marginaux. Elle permettra par ailleurs de mettre en exergue les coûts qui sont supportés par la maison mère et qui ne sont pas imputés auprès des entreprises liées.
La mise en place de la comptabilité analytique nécessitera des investissements additionnels en équipements ; le recrutement de personnel additionnel ; la mise en place de procédures bien définies dans les différentes unités concernées par la production d’un bien ou d’un service.
Chapitre 3 : Mise en place de la documentation et responsabilité de l’expert-comptable
Section 1 : Choix des informations à communiquer
L’obligation de documenter le prix de transfert a été instaurée par la loi de finances rectificatives de 2009, et celle-ci a été appliquée pour les transactions réalisées à partir du 1er Janvier 2010. L’article L 13AA du Livre des procédures fiscales stipule que les entreprises assujetties à cette obligation doivent disposer une documentation complète sur sa politique de transfert et de la tenir à la disposition de l’administration.
L’obligation prévue dans l’article L 13 AA du LPF « vise toutes les personnes morales établies en France qui répondent à l’une des conditions suivantes :
- avoir un chiffre d’affaires annuel hors taxe ou un actif brut figurant au bilan supérieur ou égal à 400.000.000 € ;
- détenir, directement ou indirectement, à la clôture de l’exercice, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique établie ou constituée en France ou hors de France satisfaisant à la première condition ;
- avoir plus de la moitié du capital ou des droits de vote détenue, à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à la première condition ;
- bénéficier de l’agrément prévu pour le régime du bénéfice consolidé (CGI art.209 quinquies), toutes les entités imposables en France faisant partie du périmètre de consolidation étant soumises à l’obligation ;
- appartenir à un groupe intégré (CGI art. 223 A) lorsque celui-ci comprend au moins une personne morale mentionnée à l’un des points précédents ».
L’article L 13AA du LPF précise le contenu de la documentation à élaborer par l’entreprise et à mettre à la disposition de l’administration :
- une documentation générale qui s’intéresse à l’environnement du groupe et à celui de l’entreprise (environnement économique, juridique, financier et fiscal).
- une description générale du groupe concerné avec mention des différents changements survenus au cours de l’année ;
- une liste des actifs incorporels du groupe ayant un rapport avec l’entreprise liée étudiée (brevets, marques, savoir-faire, …) ;
- une description de la politique de transfert du groupe ainsi que les changements opérés au cours de l’année.
- une documentation spécifique plus focalisée sur l’entreprise contrôlée et qui permet à l’administration de vérifier le principe de pleine concurrence des prix de transfert. concernant l’entreprise faisant l’objet d’une vérification qui porte sur les éléments. Les informations à documenter incluent :
- une description de l’activité et de l’organisation de l’entreprise contrôlée ainsi que des ses participations, avec mention des changements survenus au cours de l’année;
- une description du marché de l’entreprise, de sa situation concurrentielle, des stratégies appliquées par celle-ci pour faire face à son marché.
- une liste des transactions réalisées avec les autres entreprises du groupe avec précision de la nature et du montant de chaque transaction. L’entreprise doit également préciser le volume et les conditions de réalisation des transactions. Cette liste doit être accompagnée de la présentation des fonctions exercées par l’entreprise étudiée et des risques qu’elle assume.
- la présentation et la justification des méthodes utilisées par l’entreprise pour déterminer ses prix de transfert et les changements effectués en cours d’année : cette documentation doit permettre d’apprécier dans quelle mesure le prix de transfert satisfait le principe de pleine concurrence.
- les conventions intragroupes qui concernent l’entreprise étudiée ou autres documents internes au groupe et à l’entreprise qui précisent les clés de répartition utilisés.
- les accords préalables conclus avec l’administration fiscale (en France ou à l’étranger) et les procédures de règlements amiables engagés (si applicable).
L’article L 13 AB du LPF précise la documentation additionnelle à fournir par l’entreprise lorsqu’elle réalise des transactions avec des entreprises résidant dans des Etats non coopératifs tels que définis par l’article 238-0 A du CGI. Elle inclut l’ensemble des documents qui sont exigés des sociétés assujetties à l’IS incluant le bilan et le compte de résultat.
L’article 45 de la loi du 6 Décembre 2013 a instauré une nouvelle obligation documentaire pour les grand groupes : ceux-ci doivent fournir chaque année à l’administration une documentation dite allégée sur leurs prix de transfert.
Les tableaux ci-après fournissent une liste des documentations dont l’entreprise doit disposer pour remplir les deux obligations documentaires mentionnées ci-dessus.
Tableau 1 : Contenu de la documentation du prix de transfert à fournir par une entreprise
Informations générales sur les groupes d’entreprises associées | Documentation complète | Documentation allégée |
Description générale de l’activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de l’exercice | Oui | Oui |
Description générale des structures juridiques et opérationnelles du groupe d’entreprises associées, avec une identification des entreprises associées du groupe engagées dans des transactions contrôlées | Oui | Non |
Description générale des fonctions exercées et des risques assumés par les entreprises associées dès lors qu’ils affectent l’entreprise | Oui | Non |
Liste des principaux actifs incorporels détenus (brevets, marques, noms commerciaux et savoir-faire) en relation avec l’entreprise | Oui | Oui |
Description générale de la politique de prix de transfert du groupe et des changements intervenus au cours de l’exercice | Oui | Oui |
Informations spécifiques sur l’entreprise étudiée | Documentation complète | Documentation
allégée |
Description de l’activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de l’exercice | Oui | Oui |
Description des opérations réalisées avec d’autres entreprises associées, incluant la nature et le montant des flux, y compris les redevances | Oui | Oui, sous forme d’état récapitulatif, mais seulement lorsque le montant agrégé par nature des transactions excède 100.000 € |
Liste des accords de répartition de coûts, copie des accords préalables en matière de prix de transfert et des rescrits relatifs à la détermination des prix de transfert, affectant les résultats de l’entreprise | Oui | Non |
Présentation de la ou des méthodes de détermination des prix de transfert utilisées dans le respect du principe de pleine concurrence | Oui, avec une analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés, des risques encourus, avec une explication de la ou des méthodes sélectionnées | Oui, mais limitée à l’indication de la principale méthode utilisée et des changements intervenus au cours de l’exercice |
Analyse des éléments de comparaison considérés pertinents par l’entreprise, lorsque la méthode choisie le requiert | Oui | Non |
Source : Camille Jacquet, article dans Le Petit Juriste, Avril 2014
Section 2 : Etapes de la documentation
L’expert-comptable doit au préalable documenter l’identification des entreprises liées avec l’entreprise étudiée. Cette étape lui permet d’apprécier l’importance de l’imbrication des relations entre les entreprises du groupe. Il peut utiliser les outils ci-après pour documenter cette étape : (i) l’organigramme du groupe qui permet de prendre connaissance de toutes les entreprises et entités qui composent le groupe ; et (ii) la chaîne de création de valeur du groupe qui permet de déterminer les entreprises avec qui l’entreprise étudiée a des flux directs (biens, produits ou services).
L’expert-comptable doit également identifier les entités extérieures au groupe avec qui l’entreprise réalise des opérations significatives. En effet, l’administration peut considérer une forte relation économique comme une relation de dépendance soumise aux dispositions de l’article 57 du CGI. Elle peut ainsi réintégrer dans la base taxable de l’entreprise française qui se trouve sous la dépendance ou qui contrôle des entreprises à l’étranger, les bénéfices indirectement transférés aux entreprises étrangères par augmentation ou par diminution des prix de vente ou par tout autre moyen. Cette possibilité de redressement peut s’appliquer à une entreprise française qui réalise des opérations avec une entreprise étrangère lorsque les deux entreprises ont un lieu de dépendance au sein d’un même groupe, ou avec une entreprise tierce, ou avec un consortium.
Une fois que les entreprises en lien direct avec l’entreprise étudiée ont été identifiées, l’expert-comptable doit définir les flux intra-groupes existants entre ces sociétés liées. Cette démarche peut être matérialisée avec un tableau des flux intra-groupes qui synthétise les éléments ci-après : les noms des entreprises liées ; la nature des transactions échangées (biens, financiers, services, échanges intellectuelles…) ; la description de la transaction entre l’entreprise étudiée et les autres entreprises ; le montant de chaque transaction.
L’expert-comptable peut se baser sur les contrats intragroupes, les données de la comptabilité, les données financières ou les données du stock pour recenser les flux financiers et les flux de matières. Il doit prêter une attention particulière à la possible existence d’un transfert de savoir-faire au sein du groupe. Des visites dans les entreprises liées permettront à l’expert-comptable d’appréhender la nature des flux existants entre elles.
En connaissance de l’activité du groupe, de l’entreprise étudiée ainsi que de son environnement général, le recours à l’organigramme et à la chaîne de création de valeur du groupe permet par ailleurs à l’expert-comptable d’identifier les flux potentiellement manquants non abordés par les directeurs de l’entreprise lors de la phase de prise de connaissance du groupe ou non précisés dans les conventions intragroupes. Ces flux manquants peuvent par exemple concerner la question de la mise à disposition des actifs incorporels par la société mère. La connaissance de ces éléments permet de s’assurer qu’aucun lien n’a été omis dans le calcul du prix de transfert.
Suite à la réalisation du diagnostic des opérations intragroupes, l’expert-comptable doit procéder à une analyse fonctionnelle qui consiste à définir les fonctions et les risques assumés par les entreprises concernées par chaque transaction.
Cette démarche remplit trois objectifs spécifiques :
- la connaissance des fonctions et des risques assumés par les entreprises en lien direct dans une transaction constitue un des critères permettant de définir la méthode de détermination du prix de transfert la plus appropriée pour l’entreprise.
- elle sert de base également à la recherche de comparables.
- elle permet de répartir de manière équitable les profits et les pertes réalisés par le groupe.
Cette analyse consiste à définir :
- qui fait quoi, quand, où, pourquoi, comment, combien en ce qui concerne les services opérationnels ou administratifs. L’expert-comptable doit ainsi identifier les fonctions assurées par chaque entreprise liée qui peuvent inclure la conception, la R&D, la production, l’assemblage, les achats, la commercialisation, la distribution, la publicité, les transports, la gestion selon les activités de l’entreprise. Une entreprise qui assure un nombre important de fonctions n’est pas forcément celle qui assume les fonctions. L’expert-comptable doit prendre en considération la nature des fonctions, leur fréquence ainsi que leur valeur pour chacune des parties concernées. Il doit vérifier à quel titre l’entreprise réalise ces fonctions.
- les coûts, la rentabilité dégagée par chaque entreprise pour les services financiers.
- les actifs corporels ou incorporels engagés par chaque entreprise pour réaliser les fonctions identifiées ainsi que leur contexte d’utilisation. Dans son analyse, l’expert-comptable doit tenir compte du type d’actif (brevet, savoir-faire-marque, équipement, usine,…) ; des caractéristiques de l’actif (localisation, âge, importance stratégique ou économique ; ainsi que des autres moyens ou ressources utilisées par chaque entreprise (appel à des experts ou sous-traitance…). Ce travail permet de définir les revenus et les coûts des actifs et moyens utilisées
- les risques supportés par l’entreprise qui peuvent par exemple inclure les risques de marché, les risques de stock, les risques financiers, les services après-vente, les risques de production…
L’expert-comptable peut utiliser un tableau d’analyse fonctionnelle qui permet de documenter la répartition des fonctions et des risques entre les entreprises liées.
Pour réaliser une recherche de comparables, l’expert-comptable peut recourir aux démarches ci-après :
- définir le nombre d’années à considérer pour l’analyse et la comparaison.
- déduire les facteurs de comparabilité à considérer après avoir : (i) identifié et appréhendé les transactions qui feront l’objet de la détermination d’un prix de transfert à partir d’une analyse fonctionnelle des transactions et selon ; et (ii) choisi une méthode de prix de transfert selon la nature et les caractéristiques des transactions. Le bénéfice net sera par exemple considéré comme un facteur de comparabilité en cas de choix de la méthode transactionnelle de la marge nette.
- examiner l’existence de possibles comparables internes dans le groupe.
- identifier les sources d’informations disponibles et fiables pour réaliser des comparables externes.
- sélectionner les groupes, les entreprises ainsi que les transactions effectuées sur le marché libre qui constitueraient des comparables potentiels.
- réaliser des ajustements sur les données collectées durant l’analyse des comparables pour prendre en considération les points de divergence entre la situation de l’entreprise étudiée et celles des comparables.
- interpréter les données ainsi finalisées et définir les prix qui respecteraient le principe de pleine concurrence.
Lorsque l’expert-comptable n’a pas pu identifier des sources d’information fiables sur la base des facteurs de comparabilité présélectionnés ; ou n’a pas pu trouver des comparables pour lesquels des données fiables sont disponibles ; ou n’a pas pu ajuster les informations disponibles, il doit opter pour une autre méthode de prix de transfert potentiellement appropriée et doit reprendre les démarches mentionnées ci-dessus.
Dans la pratique, il est recommandé à l’expert-comptable de choisir la méthode la plus facile pour trouver des informations sur des comparables pour les transactions simples réalisées dans un environnement stable. Une analyse de comparabilité détaillée combinée à une analyse fonctionnelle est réalisée chaque année afin de tenir compte des changements dans le contexte de l’environnement économique, du marché, des nouvelles orientations stratégiques de l’entreprise étudiée ou celles des comparables.
L’expert peut recourir à deux principales approches pour identifier des potentiels comparables :
- il établit une liste d’entreprises indépendantes qui réalisent des transactions similaires à celles de l’entreprise étudiée. Les responsables de cette dernière connaissent généralement bien ces entreprises par le biais des études de marché ou de la veille concurrentielle. Il regroupe par la suite des informations sur ces entreprises et transactions afin de confirmer leur comparabilité. Ce processus doit être documenté : l’expert doit ainsi présenter la liste des entreprises étudiées, les informations collectées, les résultats de la confrontation de ces informations avec les facteurs de comparabilité.
- l’expert se réfère à une base de données d’entreprises qui travaillent dans le même secteur d’activité que celle étudiée. Il applique par la suite des critères pour affiner la liste en vue de ne considérer qu’un échantillon d’entreprises qui présentent les mêmes caractéristiques que l’entreprise concernée. Ces critères incluent par exemple :
- taille de l’entreprise (effectif et CA) ;
- valeur nette des éléments d’actifs incorporels par rapport à la valeur nette totale ;
- volume et vente des exportations.
Il peut collecter des informations pour remplir les critères en recourant aux sites web des entreprises sur internet ou sur des rapports d’activités.
Cette deuxième approche constitue une méthode plus transparente puisque l’ensemble des entreprises est considéré. La contrainte de l’expert réside dans le fait qu’il doit s’assurer que la base de données utilisée est fiable.
- .4 Justification de la méthode choisie
L’expert-comptable doit également documenter les ajustements réalisés dans le cadre des prix de transfert. C’est le cas par exemple lorsque la détermination de ces prix repose sur des données prévisionnelles qui peuvent introduire une incohérence dans les résultats obtenus. Un groupe qui a recours à la méthode MTMN pour déterminer le prix de transfert de sa filiale de distribution, doit déduire un coefficient à partir des résultats obtenus. Ce coefficient sera appliqué aux ventes de la filiale pour obtenir un prix intra-groupe. Le groupe ne peut pas appliquer le même coefficient chaque année car les résultats d’une entreprise peuvent varier d’une année à l’autre. Par conséquent, le taux de marge nette doit également varier, d’où la nécessité de procéder à des ajustements.
Section 3 : La responsabilité de l’Expert-comptable
La responsabilité de l’expert-comptable peut être mise en cause par son client pour les erreurs ou les négligences qu’il commet dans le cadre de ses travaux telles que prévues dans la lettre de mission (responsabilité civile contractuelle) ou par un tiers pour les conséquences de ces mêmes erreurs et négligences (responsabilité civile délictuelle).
Les erreurs et les négligences de l’expert-comptable dans le cadre de la mise en place d’une politique de prix de transfert peuvent exposer le groupe ou l’entreprise étudiée à de sérieux préjudices financiers, d’où la nécessite pour l’expert-comptable d’acquérir une certitude suffisante sur chaque question analysée avant de formuler une proposition et de mentionner les réserves nécessaires sur son rôle dans l’élaboration de la politique de transfert.
- l’insuffisance de la documentation produite pour justifier le prix de transfert ou la production d’une documentation partielle ou la production d’une documentation générale ne permettant pas à l’administration d’évaluer la politique de prix de transfert dans son ensemble, peuvent constituer des cas de remise en cause de la responsabilité de l’expert-comptable surtout s’ils ont donné lieu à des sanctions financières. En cas de documentation incomplète ou partielle, l’administration adresse une mise en demeure à l’entreprise pour que celle-ci présente les documents demandés dans un délai de 30 jours sous peine de sanctions. L’entreprise est passible d’une amende pouvant aller de 10. 000€ à 5% du bénéfice ayant fait l’objet d’un transfert indirect selon l’administration.
- dans le cadre de son devoir de conseil, l’expert-comptable n’a pas avisé son client par exemple : (i) sur l’existence d’opérations en son sein ne relevant pas d’une gestion normale entre les entreprises du groupe, et pouvant être qualifiées de sources de transfert indirect de bénéfices ; ou (ii) sur des éléments non pertinents dans la comptabilité analytique de l’entreprise pour calculer le taux de marge.
- les erreurs techniques commis par l’expert-comptable lors de l’élaboration de la politique du prix de transfert peuvent également constituer des cas possibles de mise en cause de leur responsabilité. Ces erreurs peuvent entre autre inclure les faits ci-après :
- l’expert-comptable n’a pas remarqué que l’entreprise applique différents tarifs non justifiés pour un même produit vendu à des tiers et à des entreprises liées. Cette situation peut être causée par l’absence d’une politique de prix claire appliquée pour les produits vendus à des tiers au sein de l’entreprise (octroi de RRR sans critères précis, prix promotionnel, prix pour liquidation de stock durant certaines périodes,…) et l’expert-comptable n’a pris en considération que le prix « normal » du produit pour réaliser son analyse de comparabilité alors qu’au vu des journaux de vente, les prix pratiqués varient fortement durant l’année.
- l’application des prix de transfert définis ne permet pas de refléter les résultats réels de l’entreprise et du groupe : en effet, si le groupe présente un résultat bénéficiaire, il n’est pas logique que ses entreprises liées dégagent des pertes régulières. Cette erreur peut être due à une absence d’appréciation du quote-part du résultat consolidé de l’entreprise étudiée et de ceux des autres entreprises liées ainsi que des risques assumés par chaque entreprise.
- l’expert-comptable n’a pas suffisamment mis en exergue : (i) l’avantage particulier que la société française obtient en contrepartie du paiement de redevances, commissions ou de ristournes qui lui sont facturées par une société liée étrangère ; (ii) que ces montants constituent une rémunération normale des services fournis par la société étrangère, (iii) que ces montants ne sont pas excessifs au vu des services fournis. Sans la justification de cet avantage particulier, les commissions, ristournes et autres montants payés seront considérés comme des bénéfices transférés indirectement à l’étranger. Cette situation peut par exemple inclure : le versement de redevances excessives par rapport au service réellement obtenu ; l’octroi de prêt par la société française à une entreprise étrangère liée sans intérêt ou à un taux réduit ; les remises de dettes effectuées par la société française tout en renonçant à ses intérêts.
- l’expert-comptable n’a pas vérifié l’existence de doublons dans les paiements effectués par la société française : c’est le cas par exemple d’une société filiale française qui contribue aux dépenses de recherche, et qui verse également un prix d’achat des produits auprès de son fournisseur (la société mère) qui couvre déjà une quote-part des frais de recherche et développement du groupe. Ce cas peut être interprété comme une majoration du prix, soit un transfert indirect des bénéfices.
Ces erreurs et négligences peuvent conduire à une remise en cause de la politique de transfert de l’entreprise contrôlée par l’administration et à un redressement fiscal : le montant concerné est ainsi réintégré dans la base imposable de l’impôt sur les sociétés.
L’expert-comptable peut recourir à un « check list » pour s’assurer que tous les éléments nécessaires ont été abordés durant la phase de préparation en amont de l’élaboration de la politique de transfert. Ce « check-list » se base sur les principes préconisés par l’OCDE en matière de prix de transfert, sur des études des cas des causes de redressements de plusieurs multinationales ainsi que sur les réglementations légales.
Cet outil détaille les intitulés des différents travaux à réaliser par l’expert-comptable. Ce dernier indique ainsi au fur et à mesure que les travaux prévus ont été réalisés, que des pièces justificatives écrites relatives à chacun des travaux ont été collectées et sont disponibles. Il comporte six principales rubriques à savoir :
- la connaissance générale du groupe et de l’entreprise contrôlée : le contexte macroéconomique, la situation du groupe et de la société dans ce contexte, l’organisation générale du groupe et son implantation géographique, le fonctionnement de l’entreprise dans ses relations intragroupes.
- l’analyse fonctionnelle : la cartographie des transactions intragroupe, l’analyse des fonctions exercées et des risques encourus pour chaque entité intervenant dans une transaction, les actifs incorporels/ corporels mis en œuvre pour la réalisation de la transaction, les clauses contractuelles sur l’utilisation des actifs, la répartition des coûts engagés par chaque société, les caractéristiques des biens et services concernés par la transaction.
- l’analyse de comparabilité.
- les points spécifiques à relever : les discordances entre les fonctions et les risques, l’existence de fonctions ou risques inhabituels, la normalité ou non de la rémunération de transaction étudiée (marge dégagée par l’entreprise contrôlée), la cohérence entre les prix de transfert avec les fonctions et les risques assumés, l’appréciation des résultats du groupe et des entreprises liées, l’appréciation des normes comptables utilisés, le traitement des actifs incorporels, l’existence d’abandon de créances, de prêts sans intérêts ou avec des intérêts à taux réduit, le transfert d’actifs incorporels non rémunérés, les cautions non rémunérées.
- l’analyse financière : la traduction chiffrée de la politique tarifaire appliquée par le groupe, les conséquences de cette politique sur l’entreprise étudiée, l’analyse de la répartition des profits entre les intervenants dans une transaction (chiffre d’affaires, marges dégagées), l’étude des procédures internes de fixation de prix, la vérification de l’éligibilité des dépenses intragroupes supportées par l’entreprise,
- l’existence de facteurs de risque : la réalisation de pertes récurrentes par l’entreprise contrôlée, un changement non justifié des prix de transfert appliqués, une forte variation de la profitabilité, la répartition des management fees avec une société étrangère, les opérations de restructuration.
Partie 2 : Principales zones de risque et propositions de solutions
Cette deuxième partie se concentre principalement sur les principales zones de risque relatives aux prix de transfert d’un quartier général : le risque de pollution du cost-plus par les écarts de change lors de la conversion des transactions en comptabilité ainsi que les risques potentiels lors d’un contrôle fiscal. La prise en compte de ces risques permet à l’expert-comptable de : (i) définir les dispositifs à mettre en œuvre pour neutraliser les impacts des écarts de change ; (ii) affiner les éléments à considérer lors de la définition et de la sécurisation des prix de transfert.
Chapitre 1 : De l’importance de la mise en commun des compétences de l’Expert-comptable et de l’Avocat fiscaliste
Ce chapitre aborde l’importance de la mise en commun des compétences de l’expert-comptable et de l’avocat fiscaliste. En effet, la définition du prix de transfert réunit plusieurs disciplines (économie, droit des contrats, finance, management, économie) et il est nécessaire de maîtriser la fiscalité française et celle du pays où la société bénéficiaire des services d’un quartier général est localisée. Puisque ces deux métiers sont appelés à travailler ensemble, il présente le cadre légal ainsi que la mise en œuvre de cette inter-professionnalité
Section 1 : Le rôle d’un cabinet d’avocats spécialisés
La définition, la gestion et la justification d’une politique de prix de transfert réunissent plusieurs disciplines : l’économie, la finance, la gestion, le management, l’économie, le droit des contrats, et la fiscalité internationale. Plusieurs compétences sont ainsi mobilisées : un ou des experts-comptables, un ou des avocats spécialisés en fiscalité internationale, en droit des contrats ou en droit de la propriété intellectuelle. Chaque avocat dans le cabinet spécialisé a ses propres rôles.
L’avocat fiscaliste a pour mission principale de conseiller le groupe ou ses entreprises liées sur le montage qui présente une meilleure optimisation fiscale compte tenu de l’implantation géographique du groupe. Il doit ainsi proposer différents montages prenant en considération les différentes réglementations fiscales de chaque pays dans lesquelles les entreprises liées sont localisées. Les règles d’imposition de ces entreprises, différentes selon les pays, ne peuvent être considérées isolément, mais doivent être analysées dans un contexte international
plus large. L’avocat fiscaliste tient également compte des impacts fiscaux des risques assumés par chaque entreprise ; des opérations qui peuvent constituer un transfert indirect de bénéfices ; des impacts des prix de transfert sur les assiettes d’imposition et des impôts du groupe ainsi que ceux des sociétés liées dans chaque pays. En tant que fiscaliste, ce dernier présente des simulations des impacts fiscaux des montages proposés pour faciliter le choix du groupe. Il assiste l’expert-comptable dans l’élaboration de schémas destinés à sécuriser le risque fiscal du client.
L’avocat spécialisé dans le droit des contrats a pour mission de rédiger ou de vérifier les conventions intragroupes afin de s’assurer que celles-ci contiennent toutes les clauses permettant par exemple à l’administration fiscale de comprendre les liens de dépendance entre les entreprises, la nature et les prix des transactions intragroupes. Il peut également contribuer à la rédaction d’un accord préalable avec l’administration et à d’autres documentations relatives au prix de transfert.
Les avocats spécialisés sont en charge d’élaborer des argumentaires juridiques et fiscaux sur la politique de prix de transfert du groupe. Ils assistent également les entreprises lors d’un contrôle fiscal et facilitent les négociations avec les administrations fiscales.
Section 2 : Le cadre légal et les moyens de mise en œuvre d’un travail en commun
La collaboration interprofessionnelle entre des avocats et des experts-comptables peut être régie par l’article 18.1 du RIN : « L’avocat qui participe de manière ponctuelle à l’exécution d’une mission faisant appel à des compétences diversifiées en collaborant avec des professionnels n’ayant pas la qualité d’avocat peut à cet effet conclure avec ceux-ci et le client commun une convention tendant à organiser les modalités de cette collaboration. »
Pour travailler ensemble, le ou les experts-comptables et les avocats spécialisés peuvent former un partenariat informel ou un partenariat formel :
- un partenariat informel implique des relations privilégiées entre l’expert-comptable et l’avocat spécialisé qui se sont construites au fil des années. Ils se recommandent auprès de leurs clients respectifs qui recherchent un expert ou un avocat. Ils ont déjà travaillé ensemble et connaissent la qualité des prestations offertes par chacun d’entre eux. Ce partenariat n’est pas basé sur un document écrit et formel, leur relation est fortement basée sur la confiance. Ce partenariat informel est régi par la chartre de la collaboration interprofessionnelle conclue entre le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables, le Conseil Supérieur du Notariat ainsi que le Conseil National des Barreaux en 2006.
Cette chartre détermine les règles à respecter par les deux professionnels lorsqu’ils travaillent en commun sur un même dossier et pour un même client. Ils ne peuvent pas critiquer la qualité des prestations fournies par l’un d’entre eux auprès d’un client ou d’un tiers sans avoir collecté les observations ou les commentaires de ce dernier. Le professionnel ne peut pas travailler dans un domaine pour lequel un autre professionnel a une compétence exclusive. Il peut cependant coordonner la mission en précisant les responsabilités et les travaux de chacun. Chaque collaborateur doit veiller à faciliter le respect des règles déontologiques propres à chaque profession. Chaque professionnel conserve son indépendance : il ne peut pas être contrôlé par un autre professionnel qui ne peut pas non plus s’immiscer dans son organisation. Il doit être seul redevable de ses travaux et diligences. La rémunération des facturations est individualisée et doit correspondre aux prestations réalisées par chaque collaborateur. Tout litige survenant dans le cadre de cette chartre est soumis et traité à l’attention d’une commission d’examen des difficultés.
- un partenariat formel se caractérise par une association entre des professionnels qui est formalisée dans un document écrit.
Cette inter-professionnalité peut également revêtir un caractère capitalistique. En effet, la loi n°2011-331 du 28 Mars 2011 portant sur la modernisation des professions judiciaires ou juridiques permet à certaines professions réglementées incluant les experts-comptables et les avocats de constituer une société de participation financière de professions libérales (SPFPL). Il existe deux types de SPFPL:
- les SPFPL mono-professionnelles : un décret du 7 Mai 2012 précise les règles de constitution et de fonctionnement des SPFPL d’experts-comptables dont entre autres les procédures d’inscription au tableau de l’OEC, l’obligation d’information de l’OEC en cas de changement, les règles de contrôle,…Ces SPFPL peuvent détenir des participations dans des sociétés d’exercice libéral ou dans des groupements de droit étranger exerçant la même profession.
- les SPFPL pluridisciplinaires: ces sociétés peuvent détenir des participations dans des sociétés commerciales ou dans des groupements de droit étranger exerçant deux ou plusieurs professions (avocat, expert-comptable, commissaire aux comptes,…). Selon l’article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990, « La majorité du capital et des droits de vote de la SPFPL soit détenue par des professionnels exerçant la même profession que celle constituant l’objet social de la SPFPL. »
Une SPFPL d’experts-comptables ne peut cependant pas détenir la majorité du capital et des droits de vote d’une SEL d’avocats. Et inversement, une SPFPL d’avocats ne peut pas détenir plus de 50% du capital et des droits de vote d’une SEL d’experts-comptables.
Section 3 : Mise en place et déroulement de cette inter-professionnalité dans le cadre d’un contrôle fiscal
En France, un contrôle de prix de transfert est réalisé au sein de l’entreprise contrôlée : l’administration fiscale est représentée par un vérificateur spécialisé et un informaticien compétent en comptabilité informatisée. Le vérificateur travaille sur la base des informations fournies dans la documentation de l’entreprise et des données fournies par les administrations étrangères.
L’assistance de l’expert-comptable et du cabinet d’avocats spécialisés en cas de contrôle fiscal est normalement prévue dans la lettre de mission conclue entre l’expert et le groupe/ou l’entreprise, et dans le contrat de prestations de services conclu entre le cabinet d’avocat et le groupe/ou l’entreprise. Une répartition des tâches et des responsabilités en cas de contrôle fiscal est précisée dans ces documents.
L’expert comptable se charge de justifier et d’apporter des clarifications sur :
- le traitement des charges, les coûts de revient, les marges brutes et les marges nettes dégagées par l’entreprise étudiée sur ses transactions, ces postes financiers constituent les éléments de base pour déterminer un prix de transfert.
- les éléments pris en compte pour analyser les comparables et la méthode utilisée.
- la valorisation des actifs incorporels.
- la prise en compte des différences des normes comptables.
Il est chargé d’apporter des argumentations et des preuves pour contester la conclusion d’un transfert de bénéfices par l’administration fiscale.
Le cabinet d’avocats spécialisés se charge de justifier et d’apporter des clarifications sur les contenus des conventions intragroupes ; d’assister le groupe ou l’entreprise contrôlée dans la conduite des négociations avec l’administration fiscale. En cas de redressement fiscal, le cabinet assiste l’entreprise dans :
- l’exercice d’un recours précontentieux interne qui consiste à saisir l’interlocuteur départemental en cas de décision de redressement fiscal afin de trouver un accord. Cette démarche peut aboutir sur l’ouverture d’une procédure contentieuse en cas de désaccord.
- ou la mise en œuvre d’une procédure amiable et d’un ajustement corrélatif si celle-ci est prévue dans une convention fiscale bilatérale.
- ou le recours à une commission d’arbitrage prévue par la convention européenne d’arbitrage en matière de prix de transfert.
Pour s’assurer de la cohérence des justifications données et de la documentation additionnelle à fournir, l’expert-comptable et les avocats spécialisés se concertent sur les travaux à mener et les informations à présenter à l’administration par le biais des réunions de travail.
Chapitre 2 : La problématique des transactions effectuées en devises : comment éviter la « pollution » du cost-plus par les différences de change ?
Ce chapitre présente les problématiques encourues par les quartiers généraux lors de l’application de la méthode de définition des prix de transfert incluant entre autres la possible pollution du cost-plus par les différences de change occasionnées par les transactions multi-devises. Il fournit des solutions possibles pour neutraliser ces impacts ainsi que les moyens de contrôle à mettre en œuvre pour s’assurer de leur bonne mise en œuvre.
Section 1 : Les problématiques posées par la situation particulière des quartiers généraux dans l’application de la politique choisie
La facturation par le quartier général de ses prestations auprès des entreprises du groupe sur la base du coût majoré de la marge bénéficiaire constitue une condition d’effectivité de la garantie octroyée par l’administration fiscale. Le quartier général doit ainsi s’assurer que le taux de marge retenu reflète bien le bénéfice qu’une entreprise indépendante aurait réalisé en situation de pleine concurrence. La définition de ce taux de marge tient par ailleurs compte de la nature des activités du quartier général et de son mode de fonctionnement.
La constatation d’une surfacturation par le quartier général aura pour conséquence d’augmenter le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés.
La constatation d’une sous-facturation pourrait être considérée par l’administration comme l’attribution d’un avantage occulte qui constituerait de ce fait un revenu distribué, et serait ainsi assujetti à l’impôt de distribution en vertu des articles 111c ou 115 quinquies du CGI.
Outre ces risques fiscaux potentiels qui représentent des enjeux considérables pour le quartier général, l’activité de facturation requiert la tenue d’une comptabilité analytique qui permettrait de répartir les coûts du quartier général :
- entre les entreprises du groupe.
- entre les différentes activités de la société dans laquelle le quartier général est localisé. En effet, une entreprise peut par exemple exercer une activité industrielle, une activité commerciale et une activité de quartier général. Les charges relatives au quartier général doivent être séparées et comptabilisées dans un sous-compte. Les charges communes aux activités de l’entreprise sont réparties suivant des clés de répartition définis afin de dégager celles relevant du quartier général. Les coûts engagés par le QG en faveur des branches d’activités de l’entreprise leur sont imputés. Cet exercice n’a aucun impact sur le résultat imposable de l’entreprise.
Le montant du bénéfice imposable du quartier général est calculé par l’application d’un taux de marge sur le montant des charges d’exploitation encourues par ce dernier pour réaliser ses fonctions de direction, de gestion, de coordination et de contrôle.
Ces charges d’exploitation incluent les diverses dépenses engagées au cours d’un exercice par le quartier général et comptabilisées dans les comptes de charge (classe 6). Elles comprennent les frais de sous-traitance de certaines activités du quartier général, les charges d’intérêt, les amortissements. Elles n’incluent cependant pas les frais qui sont engagés par le quartier général (qui agit comme un intermédiaire) et qui sont remboursés par les entreprises liées. Ces débours sont comptabilisés par le quartier général dans des comptes de passage.
Pour que ces débours ne soient pas réintégrés dans la base imposable du quartier général :
- celui-ci ne doit y recourir qu’à titre ponctuel et accessoire. La fonction d’intermédiaire ne doit être réalisée que pour quelques sociétés du groupe indépendamment des fonctions de quartier général assuré pour l’ensemble des sociétés.
- leur montant ne doit pas dépasser 10% du total des charges d’exploitation hors débours.
Au titre de l’article 38-4 du CGI, le quartier général doit intégrer dans le calcul du résultat imposable les pertes et les profits latents constatés lors de la conversion des dettes/créances en devises à la clôture de l’exercice.
Le montant du bénéfice imposable ainsi obtenu constitue le résultat fiscal du quartier général pour un exercice, il ne fait pas l’objet d’une réintégration des charges non déductibles fiscalement. Il fait l’objet d’une imposition au taux normal de l’impôt sur les sociétés tel que prévu dans l’article 219-I du CGI. La déclaration du résultat imposable ainsi que le paiement de l’impôt pour le quartier général suivent les mêmes règles que ceux des entreprises.
La nature des prestations rendues par le quartier général (fonctions de direction, gestion, coordination, et contrôle) ainsi que les caractéristiques des entités bénéficiaires de ces services rendent difficile la définition d’une valeur marchande qui respecte le principe de pleine concurrence. Le calcul de ce prix de transfert ainsi que la répartition de la valeur marchande des prestations entre les entreprises liées (risque de sous-facturation et de surfacturation) peuvent être remis en cause par l’administration fiscale en cas de contrôle.
Pour se prémunir de ces remises en cause, les quartiers généraux peuvent demander une garantie à priori de l’administration fiscale, celle-ci fournit une assurance que le montant du bénéfice imposable ne sera pas remis en cause s’il est calculé sur la base de l’application du taux de marge retenu sur le montant des charges d’exploitation. La garantie couvre à la fois l’éligibilité des activités et la méthode de calcul du bénéfice imposable. La durée de la garantie est fixée d’un commun accord entre l’entreprise et l’administration, et peut aller de 3 à 5 ans. A l’expiration de cette durée, les deux parties révisent la méthode de détermination du prix de transfert ainsi que le taux de marge retenu selon le contexte existant.
L’entreprise doit aviser l’administration fiscale sur les importants changements relatifs aux fonctions exercées par le QG ou à ses modalités de fonctionnement ou aux risques assumés, pouvant avoir un impact sur la détermination du prix de transfert. Elle doit les signaler dans un délai d’un mois à partir de la date de survenance de ces changements afin que les deux parties puissent revoir le nouveau taux de marge à retenir.
Les dossiers de demandes de garantie à priori de l’administration fiscale doivent être déposées auprès de la Direction des Grandes Entreprises. Ces dossiers incluent les informations ci-après :
- une note de présentation du groupe : la société mère, organigramme, nature de l’activité, localisation géographique du groupe, de ses activités, des ses entreprises liées.
- les états financiers consolidés du groupe.
- les fonctions exercées par le quartier général.
- la liste des entreprises liées bénéficiaires des services du QG.
- les ressources et moyens du quartier général (nombre de salariés et leur répartition en fonction des activités, budget de fonctionnement,…).
- une proposition portant sur les modalités de facturation des services.
- le taux de marge forfaitaire proposé.
Lors du traitement de la demande, l’administration fiscale peut demander des informations additionnelles à l’entreprise pour une meilleure compréhension du dossier et pour pouvoir prendre des décisions sur la base d’éléments complets et fiables. La non communication de ces informations peut motiver un refus d’octroi de la garantie par l’administration. L’entreprise est informée par écrit de la décision dans un délai de trois mois à partir de la date de réception de la demande.
Section 2 : La spécificité des transactions libellées en devises
Une transaction libellée en devises apparaît lorsqu’une entreprise vend ou achète des biens, des produits ou des services dans une monnaie étrangère, ou lorsqu’elle emprunte ou prête de l’argent en monnaie étrangère. Le PCG 1999 et la norme internationale IAS 21 font état de l’utilisation de deux monnaies pour traiter la comptabilité des transactions en devises.
La norme IAS 21 donne des définitions précises sur les deux types de monnaie utilisés pour comptabiliser les transactions en devises dans une entreprise:
- la monnaie fonctionnelle se définit comme « la monnaie de l’environnement économique principal dans lequel opère l’entité». C’est la monnaie principalement utilisée par l’entreprise pour la vente de ses biens et services et pour ses différentes charges (achats, main d’œuvre, fournitures…). Lorsqu’une entreprise réalise des transactions dans un pays étranger, la monnaie fonctionnelle est celle de ce pays.
- et la monnaie de présentation qui représente « la monnaie utilisée pour la présentation des états financiers ». Les transactions réalisées dans la monnaie fonctionnelle doivent être converties dans la monnaie utilisée pour présenter les états financiers. De même que les états financiers des entreprises liées établis selon leur monnaie fonctionnelle doivent également être convertis dans une même monnaie de présentation.
Il n’existe pas de divergence majeure en ce qui concerne les règles de comptabilisation initiale des transactions libellées en devises selon le PCG 1999 ou selon la norme IAS 21. En effet, les transactions en devises doivent être enregistrées dans la monnaie de présentation du quartier général en appliquant au montant en devises le cours de change correspondant à la date de la transaction.
Des divergences existent cependant sur l’évaluation des transactions en devises à la date de clôture de l’exercice.
- Selon la norme IAS21, les créances et les dettes en devises doivent être converties au cours de clôture. Ainsi, une créance en USD sera convertie en EUR en utilisant le cours de change au 31/12. L’écart de change ainsi obtenu sera comptabilisé en produit ou en charge. Il peut ainsi impacter directement sur le prix de transfert.
- Selon le PCG 1999, les créances et les dettes en devises sont converties en monnaie nationale au cours de clôture. Cette conversion peut conduire à une modification des montants initialement comptabilisés, ces écarts de conversion sont enregistrés :
- à l’actif du bilan dans le compte « Différences de conversion-Actif » lorsque la conversion en fin d’exercice fait état d’une perte latente. Le quartier général doit constituer une provision pour risque de perte de change en créditant le compte correspondant et en débitant le compte « Dotations aux provisions financières ». La constatation d’une perte latente impacte directement sur la formation du résultat du quartier général.
- au passif du bilan dans le compte « Différence de conversion – Passif » lorsque la conversion donne lieu à un gain latent. Ce dernier n’impacte pas sur la formation du résultat et n’entre donc pas dans le calcul de la base imposable sur laquelle le taux de marge retenu est appliqué.
Les transactions libellées en devises posent des problèmes dans la sécurisation de la politique du prix de transfert puisque leur conversion impacte directement sur le montant de la marge.
L’exemple ci-après illustre les conséquences de la conversion des transactions en devises sur la marge. Le quartier général X assure des fonctions de support administratif, contrôle interne, ressources humaines et de comptabilité pour plusieurs entreprises liées. Il utilise la méthode du cost plus pour rémunérer ses activités (cette méthode a été validée lors d’un précédent contrôle fiscal). Le taux de marge retenu est de 8%.
En cours d’année, une nouvelle activité a été confiée au quartier général : celui d’assurer la distribution de matériels qui sont achetés et vendus en USD. Le processus intragroupe se déroule comme suit :
Figure 1 : Processus intragroupe pour un matériel donné
Il est décidé par souci de simplification que les moteurs seront achetés au groupe par le QG avec un « resale minus » : un discount fixe sur chaque moteur. Le QG ne subit aucun risque nouveau du fait de cette nouvelle activité de distribution, il reste donc fiscalement assimilé à un quartier général et doit rester sur le principe d’un « cost plus » avec un taux de marge de 8%. Le discount est donc calculé sur des montants prévisionnels pour atteindre cette marge de 8%. Lorsque le matériel est vendu au client final, le prix de vente appliqué est un prix « normal ». Le discount représentera donc la marge du quartier général. En fin d’année, la marge réelle sur l’activité « distribution » est calculée. Afin qu’elle soit égale à 8% :
- la maison mère aux USA ajustera en versant au quartier général un montant supplémentaire si la marge est en-deçà des 8%,
- ou le QG remboursera la maison mère si la marge est supérieure à 8%.
Lorsque les transactions d’achats et de ventes sont libellées en USD, il n’y aucun problème avec le résultat de l’entreprise : il sera bien conforme à la marge prédéterminée avec le « cost-plus ».
Lorsque les transactions sont libellées en devises, l’obligation de convertir les devises (USD dans notre cas) en EUR (obligation légale pour la comptabilité) génèrera des variations de change et donc des écarts qu’il faudra enregistrer en gain ou perte de change. Ces gains/pertes vont venir ternir la marge prévue de 8%, et l’entreprise ne sera donc plus en phase avec les règles de « cost-plus » et de prix de transfert. En plus des impacts sur la marge, ces gains/pertes auront également un impact sur le résultat financier (passage de gains ou pertes de changes réels ou latents). Il existe donc un risque de remise en cause de la pleine concurrence.
Le tableau ci-après met en exergue les différences générées par la conversion de l’USD vers l’EUR :
Tableau 2 : Illustration des conséquences de la conversion des transactions en devises sur la marge
Opération | Date | USD | Taux | EUR |
Prix de base de la machine | 05/05/2014 | 100 000 | 1,0000 | 100 000 |
Rabais fixe (« resale minus ») | 05/05/2014 | 10 000 | 1,0000 | 10 000 |
Prix d’achat de la machine | 90 000 | 90 000 | ||
Règlement de la facture fournisseur | 05/06/2014 | 90 000 | 1,1100 | 81 081 |
Prix de vente de la machine | 04/07/2014 | 100 000 | 1,1200 | 89 286 |
Marge dégagée sur la vente | 10 000 | -714 | ||
Impact des var. de change sur la marge | 0 | -10 714 | ||
Encaissement de la facture client | 05/08/2014 | 100 000 | 1,1300 | 88 496 |
Charges liées à l’activité de facturation : | ||||
Achat du moteur | 05/05/2014 | 90 000 | 1,0000 | 90 000 |
Ecart de change sur le paiement fournisseur | 05/06/2014 | 0 | -8 919 | |
Ecart de change sur le paiement client | 05/08/2014 | 0 | 790 | |
Autres achats et charges externes | Mai à Août 2014 | 36 000 | 36 000 | |
Total à refacturer hors cost-plus | 126 000 | 117 871 | ||
Cost-plus à dégager sur l’activité | 10 080 | 9 430 | ||
Complément de marge à recevoir | 80 | 10 144 | ||
Résultat d’exploitation : | ||||
Chiffre d’affaires | 100 000 | 89 286 | ||
Autres produits d’exploitation | 136 080 | 127 301 | ||
Achats de marchandises | -90 000 | -90 000 | ||
Autres achats et charges externes | -36 000 | -36 000 | ||
Total résultat d’exploitation | 110 080 | 90 587 | ||
Résultat financier : | ||||
Ecart de change sur le paiement fournisseur | 0 | 8 919 | ||
Ecart de change sur le paiement client | 0 | -790 | ||
Provision pour perte de change | 0 | -10 000 | ||
Total résultat financier | 0 | -1 871 |
Section 3 : Proposition de solutions
Pour que les différences de change occasionnées par les transactions en devises ne viennent pas polluer le cost-plus, le quartier général peut recourir à trois solutions :
- procéder à des paiements au comptant pour éviter les impacts de la conversion à la date de clôture. Cette option est difficile dans la pratique puisqu’elle exige des sociétés du groupe de disposer de trésorerie immédiate. Un grand volume de transactions impliquerait ainsi un important flux financier, ce qui serait difficile dans la pratique.
- faire appel à des couvertures de change externes. Cette option s’avèrerait cependant coûteuse et difficile à mettre en place compte tenu du volume des transactions ainsi que les délais de paiement des clients qui sont assez fluctuants.
- ou recourir au cash-pooling telle qu’expliquée ci-dessous.
Le QG peut payer la société du groupe à laquelle elle achète les moteurs, grâce à un emprunt que lui fera une autre société du groupe. Le groupe dispose d’une trésorerie centralisatrice (appelée également cash-pooling). Le QG contracte un emprunt en USD via cette banque interne le jour même de l’achat et effectue le paiement en USD. Il remboursera par la suite son emprunt le jour où il recevra le paiement du client final. Il enregistrera donc le même jour un remboursement d’emprunt en USD et un encaissement en USD.
Le QG et la société qui détient la trésorerie centralisatrice contracte une convention de trésorerie groupe à des conditions du marché pour formaliser la relation emprunt-prêt entre eux. La société qui a octroyé l’emprunt est rémunérée et le quartier général paie des intérêts d’emprunt dans la même devise que la transaction d’achat ou de vente (donc en USD).
Ce dispositif permettra d’obtenir, si toutes les opérations se font sur un même exercice comptable, un impact de change totalement nul, même s’il existe un décalage temporel entre le moment de la facturation (reçue ou émise) et le moment du paiement (décaissé ou encaissé).
Le cash-pooling ne permet pas d’éviter la pollution du cost-plus lorsque toutes les opérations relatives à un moteur ne se dénouent pas sur le même exercice. La note de débit ou la note de crédit annuelle est le système de sauvegarde proposé pour pallier aux limites de la solution cash-pooling. Les deux fonctionneront ensemble. Il consiste à compenser le Rex et le RFin (gain ou perte) par le biais des notes de débit/crédit.
Le schéma ci-après explique comment le système de cash-pooling n’est plus efficace lorsque les opérations relatives à une machine sont dénouées sur deux exercices différents.
Tableau x : Exemple de dénouement sur deux exercices
Prix du matériel en USD | 100 000 | |||
ACTION | DATE | TAUX | MONTANT EN EURO | |
Achat du matériel auprès de Seller LLC | 06/11/2018 | 1,3235 | 75 557 | A |
Transfert de trésorerie reçu de Loan | 07/12/2018 | 1,3567 | 73 708 | B |
Paiement du moteur à Seller LLC | C | |||
Ecritures de fin d’exercice | ||||
Vente du matériel à Plane | 07/01/2019 | 1,333 | 75 030 | D |
Réception du paiement de Plane | 07/02/2019 | 1,337 | 74 794 | E |
Tranfert de trésorerie envoyé à Loanne | 74 794 | F | ||
Impacts comptables en 2014 | ||||
Taux de change au 31/12/2014 | 1,365 | |||
D’où valeur du matériel en EUR au 31/12/2014 | 73 260 | |||
Ecart de change réel sur paiement Seller LLC | 1 849 | |||
Ecart de change latent sur l’emprunt de trésorerie | 448 | |||
Ecart de change latent sur le stock détenu | -448 | |||
Résultat financier | ||||
Ecart de change réel sur paiement Seller LLC | 1 849 | |||
Provision pour perte de change | -448 | |||
Résultat global sur 2014 (gain) | 1 401 | |||
Impacts comptables en 2015 | ||||
1/ Résultat d’exploitation | ||||
Prix d’achat du matériel | 75 557 | |||
Prix de vente du matériel | 75 030 | |||
Résultat d’exploitation en 2015 (gain) | -527 | |||
2/ Résultat financier | ||||
Extourne de la provision pour perte de change | 448 | |||
Ecart de change sur facture client Plane | -236 | |||
Ecart de change sur remboursement de l’emprunt | -1 086 | |||
Résultat financier en 2015 (perte) | -874 | |||
Résultat global sur 2015 (perte) | -1 401 | |||
Impact comptable global (2014 + 2015) | 0 | |||
Si les opérations ne sont pas toutes réalisées sur un même exercice comptable, l’expert-comptable doit respecter la règle qui stipule que les dettes et les créances libellées en devises doivent être valorisées au cours de clôture (disons le 31/12), et qu’un écart de change doit être comptabilisé et imposé à l’IS. Donc :
- Si le QG a acheté le moteur et que ce dernier n’a pas encore été payé au 31/12, l’expert-comptable doit valoriser la dette que le QG a envers le groupe. Il doit également valoriser l’actif que représente le moteur détenu en stock.
- Si le moteur a été payé au groupe ou à l’entreprise fournisseur (membre du groupe) via l’emprunt effectué auprès de la banque centralisatrice mais qu’il n’a pas encore été vendu au client au 31/12, l’expert-comptable doit valoriser la dette que l’on a envers la banque du groupe et valoriser l’actif que représente le moteur détenu en stock
- Si le moteur a été vendu au courant de l’année et le QG n’a pas reçu de paiement de la part du client au 31/12, l’expert-comptable doit valoriser la créance que le QG a envers le client, et valoriser également la dette qu’il a contracté envers l’entreprise fournisseur (membre du groupe).
Puisqu’on retrouve systématiquement la dualité « actif / passif » dans le cas où toutes les opérations relatives à la distribution du moteur (achat, emprunt, paiement, vente, encaissement, remboursement) ne sont pas réalisées dans un même exercice comptable, les valorisations des dettes/ou des créances donneront lieu à des gains latents ou à des pertes latentes à constater à la date de clôture.
Cependant, la règle comptable veut que chaque perte latente fasse l’objet d’une provision pour perte de change, générant ainsi un impact sur le P&L… Et un impact négatif, puisque seules les pertes feront l’objet d’une provision (principe de prudence). C’est ainsi que le QG se retrouve avec un résultat financier négatif. Ces provisions seront bien entendu extournées l’année suivante, lorsque les positions commerciales seront soldées, mais en tout état de cause, en fin d’année, l’impact est là. Les variations de change ont aussi un impact sur le résultat d’exploitation : le prix d’achat de la machine ne sera pas le même que le prix de vente, puisque les deux opérations auront lieu à des moments distincts et que le taux aura donc varié. Si la vente n’a pas lieu durant le même exercice comptable que l’achat, nous aurons ainsi un impact sur le résultat d’exploitation, qui ne sera matérialisé qu’au moment de la vente c’est-à-dire sur l’exercice suivant. De nouveau, la marge de 8% n’est plus respectée du fait de ces transactions en devises.
A noter qu’à l’origine, le contrat de prestation intragroupe ne prévoit qu’une compensation des pertes de change subies par le QG. Les gains de change sont donc conservés par le QG. Cette position unilatérale est justifiée par un souci de simplification, car elle permet de s’assurer que le « cost plus » sera « au moins égal à 8% » (un dépassement du cost plus ne pourra être remis en cause par l’administration fiscal, puisqu’il conduit par définition à payer plus d’impôt). Elle soulève cependant certaines questions :
- Dans la mesure où elle lèse la partie américaine du groupe, est-elle conforme au principe de pleine concurrence ?
- Le risque fiscal aux USA doit lui aussi être considéré : l’administration fiscale américaine ne pourrait-elle pas remettre en cause la notion unilatérale de compensation des pertes de change, au motif qu’il ne peut en résulter pour l’entité américaine qu’un manque à gagner, cela pouvant être considéré comme étant un transfert de bénéfices ?
- Puisque l’entité française est fiscalement assimilable à un QG, il est admis que sa marge s’élève à 8% ni plus ni moins. La compensation des pertes uniquement conduit à une marge supérieure à 8%. Dans une optique d’application de la règle stricto sensus, pourquoi ne pas organiser le système de telle sorte que le cost plus soit tout à fait égal à 8%, tout en limitant à son maximum le risque fiscal ?
Ces questions trouvent une proposition de réponse dans l’idée de l’application d’une compensation du REx [résultat d’exploitation] et du RFin [résultat financier] (gain ou perte) par le biais d’une note de crédit et d’une note de débit annuelle.
Cette solution consiste à stipuler dans le contrat que le résultat d’exploitation [différence entre le prix de revient du moteur vendu cette année, et le prix qu’il avait coûté lors de l’achat l’année précédente] et le résultat financier [écart de change enregistré lors du paiement du moteur acheté si celui-ci n’a pas encore été vendu au client final à la date de clôture, ainsi que la provision pour écart de change enregistrée en clôture dans le cadre de la réévaluation des postes d’actif/passif constaté à la clôture de l’exercice et qui sont directement liés aux variations de change] feront l’objet d’une compensation via l’émission d’une note de débit ou d’une note de crédit qui devra être payée. A la date de clôture, l’impact de change est ainsi totalement neutralisé et le « cost plus » est bien égal à 8%.
En sachant que ces résultats (d’exploitation et financier) rattachés aux variations de change sont soldés d’un exercice à l’autre, il n’y a de conséquences préjudiciables ni pour l’une, ni pour l’autre entité, la note de débit d’une année intégrant logiquement le montant qui avait fait l’objet d’une note de crédit l’année précédente.
Les schémas ci-après montrent les résultats obtenus sans et avec cash-pooling.
Figure 2. Schéma sans cash-pooling
Seller LLC |
SARL HQ |
Client PLANE |
B – Paiement du matériel |
C – Vente du matériel |
D – Paiement du matériel |
A – Achat du matériel |
Prix du matériel en USD | 100 000 | |||
ACTION | DATE | TAUX | MONTANT EN EURO | |
Achat du matériel auprès de Seller LLC | 05/05/2014 | 1,3874 | 72 077 | A |
Paiement du matériel à Seller LLC | 05/06/2014 | 1,3567 | 73 708 | B |
Vente du matériel à Plane | 04/07/2014 | 1,3588 | 73 594 | C |
Réception du paiement de Plane | 05/08/2014 | 1,3382 | 74 727 | D |
Conséquences sur le résultat d’exploitation | ||||
Prix d’achat du matériel | 72 077 | A | ||
Prix de vente du matériel | 73 594 | C | ||
Résultat d’exploitation (gain) | 1 517 | E | ||
Conséquences sur le résultat financier | ||||
Ecart de change sur facture fournisseur Seller LLC | -1 631 | A – B | ||
Ecart de change sur facture client Plane | 1 133 | D – C | ||
Résultat financier (perte) | -498 | F | ||
Impact global de change (exploitation + financier) | 1 019 | E – F | ||
Figure 3. Schéma avec cash-pooling
Les parties prenantes étant :
- Seller LLC : Entreprise liée, fournisseur des moteurs
- Sarl HQ : Quartier général
- Loanne LLC : Banque centralisatrice (cash-pooling)
- Client PLANE : Client final
Prix du matériel en USD | 100 000 | |||
ACTION | DATE | TAUX | MONTANT EN EURO | |
Achat du matériel auprès de Seller LLC | 05/05/2014 | 1,3874 | 72 077 | A |
Emprunt court-terme auprès de Loan | 05/06/2014 | 1,3567 | 73 708 | B |
Paiement du moteur à Seller LLC | 73 708 | C | ||
Vente du matériel à Plane | 04/07/2014 | 1,3588 | 73 594 | D |
Réception du paiement de Plane | 05/08/2014 | 1,3382 | 74 727 | E |
Remboursement de Loan | 74 727 | F | ||
Résultat d’exploitation | ||||
Prix d’achat du matériel | 72 077 | A | ||
Prix de vente du matériel | 73 594 | D | ||
Résultat d’exploitation (gain) | 1 517 | G | ||
Résultat financier | ||||
Ecart de change sur facture fournisseur Seller LLC | -1 631 | A – C | ||
Ecart de change sur facture client Plane | 1 133 | E – D | ||
Ecart de change sur remboursement de l’emprunt | -1 019 | B – F | ||
Résultat financier (perte) | -1 517 | H | ||
Impact global de change (exploitation + financier) | 0 | G + H |
Section 4 : Moyens de contrôle a posteriori
L’expert-comptable doit vérifier en cours d’exercice que :
- les coûts engagés par le quartier général sont correctement comptabilisés, et qu’ils sont ventilés entre les branches d’activités de l’entreprise à laquelle il est rattaché et entre les entreprises liées.
- la répartition des coûts entre les branches d’activités et les entreprises liées a été réalisée correctement sur la base des critères tels que les fonctions exercées et les risques assumés.
- le quartier général refacture de manière périodique (mensuellement) l’ensemble de ces coûts, et que les factures ont bien été émises auprès des bénéficiaires concernés.
Le quartier général facture ses prestations de service (direction, gestion, coordination, contrôle) aux entreprises membres du groupe qui deviennent en quelque sorte ses ‘’clients’’. Il peut également assurer de manière occasionnelle des fonctions intermédiaires pour le compte des entreprises liées.
Pour les transactions relatives aux achats
L’expert-comptable doit :
- vérifier la bonne imputation des charges dans le bon exercice pour valider le principe de la séparation des exercices. Ces charges peuvent inclure la rémunération du personnel du quartier général, les frais de sous-traitance, les divers achats liés directement au QG. Il doit :
- contrôler la comptabilisation des factures enregistrées en N+1 dont les faits générateurs datent de l’exercice N.
- vérifier si des factures ont été enregistrées en N pour des prestations concernant l’exercice suivant.
- vérifier que les dettes en monnaie étrangère ont été correctement évaluées à la clôture de l’exercice. L’expert-comptable se base sur la liste des factures reçues en devises (émises par les entreprises liées) et sur les documents justifiant les cours utilisés (incluant le cours retenu au 31/12). Il vérifie les cours de change utilisés et contrôle les écarts de conversion.
- sélectionner les factures présentant les montants les plus significatifs, vérifier le montant facturé en s’assurant du respect de la méthode de détermination du prix de transfert retenu, ainsi que la comptabilisation effectuée.
Pour les transactions relatives aux ventes
L’expert-comptable doit :
- vérifier que les créances en monnaie étrangère ont été correctement valorisées au cours de clôture, que les écarts de conversion ont bien été évalués, que les pertes latentes ont fait l’objet d’une constatation de provision.
- vérifier le mode de comptabilisation des créances en devises en se basant sur la liste de ces créances et sur les documents justifiant les cours utilisés lors de la conversion initiale et en fin d’exercice. Il doit par ailleurs rapprocher la comptabilité avec le détail des comptes de conversion (actif/passif) et vérifier qu’une provision a été comptabilisée pour l’écart de conversion actif.
- vérifier la bonne imputation des « ventes » au bon exercice pour s’assurer du principe de la séparation des exercices. L’expert-comptable peut se baser sur la liste des factures émises et :
- effectuer un rapprochement des montants facturés avec les coûts des prestations auxquels le taux de marge a été appliqué.
- sélectionner les factures présentant des montants significatifs ou les factures relatives à des fonctions complexes (exemple : plusieurs fonctions exercées par le QG pour une entreprise liée), et s’assurer du calcul du montant facturé.
Pour s’assurer que le taux de marge retenu est respecté
L’expert-comptable doit :
- vérifier que le taux de marge appliqué par le quartier général est bien conforme à celui pour lequel l’administration fiscale a octroyé une garantie à priori ou qu’il respecte bien le principe de pleine concurrence, après la prise en compte de toutes les charges rattachées à l’exercice et des effets des écarts de conversion.
- contrôler que des notes de débit ou des notes de crédit ont été émises par le quartier général pour pouvoir réviser le taux de marge.
A l’issu des contrôles effectués par l’expert-comptable, certains ajustements sont à réaliser incluant par exemple :
- l’émission et la comptabilisation de factures pour les prestations non facturées ou l’émission de notes de débit ou de crédit afin de corriger les erreurs de calcul constatés dans les montants facturés.
- l’émission et la comptabilisation des notes de débit ou des notes de crédit pour réviser le taux de marge obtenu en vue de respecter le principe de pleine concurrence.
Chapitre 3 : Contrôle fiscal et position de l’Administration fiscale
Section 1 : Déroulement du contrôle
Etape 1- Demande de renseignements :
L’administration fiscale demande des informations de plus en plus détaillées auprès de l’entreprise contrôlée, et a recours à un questionnaire écrit qui aborde plusieurs éléments tels que les fonctions exercées, les risques assumés, les actifs, les méthodes de détermination du prix de transfert ainsi que les comparables. La démarche de demande de renseignements est prévue pour la vérification des informations internes aux entreprises localisées sur le territoire français (interne) et celles relatives aux autres entreprises liées au groupe implantées à l’étranger (international).
Cette démarche de demande de renseignements en interne est prévue dans l’article L.13B de la LPF. Cependant, elle ne s’applique que dans le cadre d’une vérification de comptabilité. En effet, dans le cas d’un contrôle de la TVA par exemple, l’administration fiscale peut demander d’obtenir des informations complémentaires. Celles-ci peuvent permettre aux vérificateurs de comprendre le fonctionnement du prix de transfert dans l’entreprise contrôlée. Dans le cadre d’une enquête sur la TVA, l’administration fiscale peut demander à obtenir les documents relatifs à une transaction économique afin de s’assurer que l’entreprise a respecté les règles de facturation. Les factures et autres documents officiels reçus peuvent fournir des éléments d’information utiles pour appréhender le prix de transfert appliqué par les entreprises liées intervenant dans une même transaction.
Lors de la vérification de la comptabilité générale, l’administration fiscale envoie un avis de vérification et interroge l’entreprise. Elle ne peut émettre une demande écrite que si l’entreprise n’a pas communiqué les informations requises pour le contrôle des prix de transfert au cours d’un débat oral et contradictoire. Ces informations incluent tous éléments permettant à l’administration de comprendre la structure de l’entreprise, ses activités, ses stratégies économiques et fiscales. Cette procédure ne peut être engagée que si l’administration a réuni des éléments lui permettant de supposer l’existence d’un transfert indirect de bénéfices.
L’administration fiscale française peut également demander des renseignements sur une transaction réalisée par l’entreprise à l’administration fiscale d’un autre pays. Elle doit notifier l’entreprise contrôlée sur l’utilisation des informations obtenues à l’étranger afin de respecter le principe du contradictoire. La démarche internationale de demande de renseignement est possible grâce aux clauses d’accord d’échange d’informations stipulées dans les conventions fiscales internationales. Elle est également prévue dans la convention du conseil de l’Europe et de l’OCDE sur l’assistance administrative en matière fiscale.
Etape 2- Preuve de l’existence d’avantages indus en faveur d’une entreprise du groupe incombant à l’administration fiscale :
L’article 57 du CGI impute à l’administration fiscale la responsabilité de prouver que :
- un avantage particulier a été consenti par une entreprise à une autre entreprise liée membre du groupe.
- un lien de dépendance existe entre l’entreprise française/ou le quartier général et l’entreprise étrangère.
A partir de cette constatation, l’administration peut présumer de l’existence d’un transfert indirect de bénéfices.
Il n’existe pas de règle spécifique pour les preuves à apporter par l’administration fiscale. Elle doit argumenter et expliquer pourquoi elle trouve qu’une opération présente un caractère anormal. L’arrêt CE n°34516 du 14 Novembre 1983 illustre bien cette exigence, il concerne le cas d’une filiale localisée en France qui achetait des matériels informatiques auprès de sa société mère basée en Suisse, et qui les revendait par la suite à des clients finaux. L’achat de la filiale française se faisait par le biais d’avances consenties par la société mère à un taux inférieur à celui du marché. Pour prouver qu’un avantage particulier est fourni dans le cadre de cette transaction, l’administration fiscale doit prouver que les avances ont été obtenues pour un intérêt autre que celui de l’entreprise, et que les intérêts à verser à la société mère sont excessivement bas par rapport aux pratiques du marché.
L’administration fiscale révise alors les résultats de l’entreprise contrôlée selon deux méthodes:
- elle incorpore directement aux résultats imposables les bénéfices considérés comme ayant été transférés de manière indirecte.
- elle recalcule les résultats imposables en comparaison de ceux réalisés par des entreprises similaires et indépendantes si elle ne dispose pas d’éléments précis pour définir les montants transférés de manière indirecte. Cette méthode s’applique généralement en cas de minoration de prix, d’absence d’intérêts sur les prêts/avances consenties, de rémunération sans contrepartie et de redevances excessives. Dans la pratique, l’administration fiscale peut appliquer un coefficient de bénéfice (similaire à celui d’autres entreprises similaires et indépendantes) sur le chiffre d’affaires de l’entreprise contrôlée.
Etape 3- Preuve contraire à apporter par l’entreprise contrôlée :
L’entreprise contrôlée peut prouver qu’elle n’a fourni aucun avantage particulier à d’autres entreprises membres du groupe. Elle doit ainsi démontrer que :
- les transactions réalisées répondent à une nécessité opérationnelle ou une nécessité commerciale réelle.
- les dits « avantages » ont été nécessaires compte tenu du contexte du marché et des conditions de la concurrence.
- les dits « avantages » financiers et commerciaux garantissent la prospérité des filiales à l’étranger.
- ces avantages sont fournis contre une contrepartie suffisante, et qu’ils rentrent dans le cadre d’une gestion normale des intérêts de l’entreprise (cette argumentation est par exemple nécessaire dans le cas de la rémunération d’un cadre détaché auprès d’une filiale française ou étrangère par la société française).
- et qu’elles ne concernent pas un transfert de bénéfices.
L’entreprise contrôlée a apporté la preuve contraire nécessaire lorsqu’elle a démontré que l’avantage qu’elle a consenti est compensé par un avantage fourni par l’entreprise étrangère, que cet avantage concerne directement la transaction étudiée ou une autre. Elle doit ainsi examiner l’ensemble des transactions réalisées entre les deux entreprises.
Etape 5- Désaccord de l’entreprise sur les redressements prévus par l’administration fiscale :
Le désaccord est soumis à d’autres organismes compétents en matière de prix de transfert. Ils incluent la Commission nationale des impôts directs ou la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.
En cas de saisie du tribunal administratif, ce dernier peut faire appel à une expertise pour confirmer si une entreprise française a fourni un avantage particulier à une entreprise étrangère.
Section 2 : Les principales zones de risque
La ligne directrice de la détermination des prix de transfert réside dans le respect du principe de la pleine concurrence. Des directives sont à la disposition des entreprises multinationales pour les définir correctement : il n’existe cependant pas de montants ou de taux de marge bénéficiaire préétablis applicable à chaque transaction et à chaque entreprise. L’entreprise s’expose à un risque de contestation de son niveau de marge par l’administration fiscale : en effet, cette dernière peut juger la marge appliquée par l’entreprise inférieure à celle pratiquée sur le marché. Elle s’expose par ailleurs à un risque de remise en cause des comparables utilisés pour définir ce niveau de marge.
Les risques de contestation du niveau de marge et de remise en cause des comparables peuvent s’expliquer par :
- l’absence de prise en compte par l’administration fiscale des différences économiques que les entreprises prennent en considération avant de fixer leur marge. En effet, celles-ci priorisent toujours les options qui leur sont avantageuses : une entreprise A refusera par exemple de vendre ses produits ou ses services à une entreprise indépendante B à un prix offert par cette dernière si elle sait qu’un autre client est prêt à les payer plus cher. En cas de pénurie des produits sur le marché, une entreprise peut par exemple choisir d’augmenter ses prix de vente. Les différences économiques peuvent concerner le niveau du prix, le niveau de la marge ou les risques assumés. L’entreprise peut prendre en connaissance ces différences économiques lors de son analyse de comparabilité puisqu’elle maîtrise bien son secteur d’activité et ses concurrents. Il peut arriver que l’administration fiscale ne considère que le rendement moyen dans un secteur d’activité dans les conditions normales du marché sans tenir compte de ces différences biaisant ainsi le prix de transfert estimés.
- la difficulté pour l’administration fiscale d’appréhender de manière précise les caractéristiques des transactions de l’entreprise contrôlée ainsi que celles réalisées par des entreprises indépendantes. Ces caractéristiques incluent la nature des biens et des services, les fonctions exercées ainsi que les risques assumés, les clauses contractuelles, les stratégies financières et commerciales des entreprises.
En ce qui concerne la nature des produits ou des services fournis, l’entreprise et l’administration fiscale devraient considérer dans leurs analyses les facteurs suivants : localisation géographique, niveau de concurrence sur les marchés, existence de produits ou de services de substitution, niveau de la demande, les coûts de production, les dates des transactions, … Le fait de ne pas considérer un de ces facteurs peut conduire à une différence significative sur le prix de transfert constaté par l’administration et celui de l’entreprise.
Le prix de transfert appliqué par l’entreprise peut également être remis en cause par l’administration fiscale si cette dernière n’a pas tenu compte des stratégies des entreprises lors de son évaluation : ces stratégies peuvent concerner aussi bien les entreprises liées que les entreprises indépendantes. L’entreprise contrôlée peut par exemple pratiquer temporairement un prix inférieur au prix de marché pour pouvoir pénétrer le marché ou augmenter sa part de marché. Elle peut également accepter de prendre en charge des coûts plus élevés que ceux de ses concurrents pour positionner sa marque et ses produits sur le marché. Ces stratégies ont pour conséquences de diminuer la marge dégagée par l’entreprise. Cette remise en cause peut être justifiée si l’entreprise adopte un comportement contraire aux stratégies définies. Prenons par exemple le cas d’une entreprise manufacturière qui vend ses produits à une entreprise distributrice à un prix inférieur à celui du marché pour augmenter ses ventes ultérieurement. L’administration fiscale ne doit pas constater que : (i) l’entreprise distributrice a facturé la différence concédée par l’entreprise fabricante (RRR) au client final, opération qui a pour résultat une augmentation de son bénéfice ; ou (ii) que l’entreprise distributrice n’a pas engagé des coûts supplémentaires cohérents à la stratégie de pénétration du marché. L’expert-comptable doit ainsi prendre connaissance des stratégies financières et commerciales de l’entreprise et du groupe, comprendre leurs implications sur les coûts, les prix de vente ainsi que les marges. Il doit vérifier que le comportement des entreprises liées n’est pas contradictoire par rapport aux stratégies validées.
Pour le cas spécifique de la méthode du coût majoré, les différences des caractéristiques des services n’ont pas d’impacts significatifs sur la marge brute. L’entreprise et l’administration fiscale doivent néanmoins être d’accord sur la prise en compte des fonctions exercées et des risques assumés. En effet, la marge escomptée est nettement supérieure si une entreprise assume un risque. Une entreprise qui distribue des produis en tant que simple agent perçoit par exemple un revenu limité par rapport à une entreprise distributrice qui prend en charge la commercialisation et la publicité.
- la difficulté pour l’administration fiscale de comprendre la structure et l’organisation du groupe, la place exacte de l’entreprise contrôlée, les changements possibles d’organisation en fonction du contexte économique. Celle-ci doit comprendre les principales fonctions concernées par l’entreprise. Une confusion peut survenir si les fonctions de chaque entreprise du groupe ne sont pas clairement définies ou s’il existe des doublons de fonctions dans les entreprises.
- il existe une contradiction entre les clauses contractuelles mentionnées dans les conventions intra-groupe et le comportement des entreprises liées. C’est le cas par exemple d’une entreprise qui vend ses produits à un distributeur lié. La convention stipule que ce dernier assume les risques de charge. Or, le prix de transfert appliqué tient déjà compte des effets potentiels de variation de change. L’expert-comptable doit ainsi réaliser un rapprochement entre les clauses contractuelles, les fonctions exercées, les risques réellement assumés, ainsi que ce qui a été pris en compte dans la détermination des prix de transfert.
- Les frais généraux peuvent constituer un facteur de remise en cause du prix de transfert par l’administration fiscale surtout si les montants refacturés par les quartiers généraux sont assez significatifs par rapport à la taille des filiales. L’administration fiscale peut se poser des questions sur cette situation. L’expert-comptable doit veiller à examiner la nature des prestations fournies et l’importance des transactions ; justifier la cohérence de la répartition des coûts encourus sur les filiales ; s’assurer que les clés de répartition utilisées sont logiques et bien argumentées.
L’administration fiscale peut contester la réalité économique d’une transaction si elle constate une divergence entre la forme de celle-ci et sa nature économique. Les entreprises ont généralement tendance à mettre en avant la forme de la transaction tandis que l’administration fiscale préfère privilégier sa nature économique.
L’administration fiscale peut ainsi remettre en cause un prêt rémunéré conclu entre deux entreprises liées d’un même groupe si elle peut prouver que cette transaction se réfèrerait plutôt à une souscription au capital dans le cas de deux entreprises indépendantes (avec une entreprise indépendante présentant la même situation économique que l’entreprise associée dans un groupe). La nature de la transaction entre deux entreprises liées est habituellement définie selon la relation qui existe entre elles, et non sur la base des conditions normales du marché. L’expert-comptable doit ainsi vérifier si la transaction concernée par le prix de transfert pourrait revêtir une autre forme si elle est évaluée dans le cas de deux entreprises indépendantes qui agissent dans une logique d’optimisation commerciale et financière.
L’administration fiscale peut avoir du mal à appréhender la réalité économique d’une transaction surtout lorsque les conventions intra-groupes ont été maintes fois révisées, suspendues ou clôturées. Celles-ci sont très flexibles comparé aux accords conclus entre des entreprises indépendantes: en effet, leurs objets peuvent changer rapidement selon la stratégie du groupe; la clôture d’une convention ne nécessite pas de délai de préavis ou une indemnisation particulière. Les accords entre les entreprises liées peuvent poursuivre un objectif d’optimisation fiscale ou juridique ou économique. L’administration peut ainsi chercher la vraie nature ou raison de la transaction faisant l’objet de l’examen du prix de transfert. L’expert-comptable doit ainsi vérifier les divers conventions ou accords intra-groupes existants qui concernent l’entreprise contrôlée et la transaction étudiée.
La remise en cause de la réalité économique d’une transaction peut également être motivée par le fait que l’entreprise liée n’adopte pas le même comportement qu’une entreprise indépendante pour structurer ses transactions. Le cas ci-après illustre cette zone de risque : il est constaté par exemple que pour un secteur d’activité donné et dans le contexte d’une condition normale de marché, une entreprise manufacturière indépendante supporte habituellement les risques de change encourus lors de la vente de ses produits par une entreprise distributeur. Or, en examinant le cas des entreprises liées, c’est l’entreprise distributeur qui assume ces risques de change. Ce comportement différent ne constitue pas à lui seul un motif de contestation du prix de transfert : l’administration fiscale doit normalement analyser la logique économique de cette option, les risques réels assumés par le fabricant et le distributeur pour s’assurer que le prix de transfert est conforme au principe de pleine concurrence. L’expert-comptable doit également vérifier si les modalités de réalisation des transactions dans l’entreprise contrôlée sont contradictoires par rapport à celles pratiquées habituellement sur le marché ; et si cette manière de travailler est justifiée économiquement.
Une entreprise liée qui subit des pertes récurrentes sur plusieurs exercices peut également attirer l’attention de l’administration fiscale. En effet, celle-ci peut déduire à partir de cette situation que l’entreprise n’est pas correctement rémunérée pour les transactions qu’elle fournit. Or, il s’avère que ces résultats déficitaires ne sont pas forcément alarmants pour le groupe puisque les prestations de l’entreprise (bien que mal rémunérées) contribuent significativement à la réalisation de bénéfices par les autres entreprises liées. Ce cas s’illustre par exemple dans le cas d’une entreprise liée qui fabrique à perte une ligne de produits qui constitue des produis d’appel (donc vendus à perte). Cette stratégie est appliquée par le groupe afin de pouvoir proposer sur le marché des produits d’appel pour attirer les consommateurs, et pour positionner des produits plus rentables. Cette situation peut poser problème puisqu’une entreprise indépendante ne peut pas continuer son exploitation tout en étant déficitaire sur une longue période. Pour le calcul du prix de transfert, l’administration fiscale considèrera alors la rémunération perçue par une entreprise indépendante selon le principe de pleine concurrence. L’expert-comptable doit vérifier que dans le cadre du calcul du prix de transfert, l’entreprise liée perçoit une rémunération suffisante pour les prestations qu’elle fournit.
Section 3 : Position de l’Administration fiscale et sa justification : jurisprudences
Les jurisprudences offrent une grille de lecture à l’entreprise et à l’expert-comptable pour déterminer les points sur lesquels ils doivent apporter une attention particulière lors de la mise en place une politique de prix de transfert. Il existe cependant peu de jurisprudence en matière de prix de transfert puisque les entreprises contrôlées et l’administration fiscale préfèrent opter pour une négociation des révisions. Les entreprises peuvent par ailleurs recourir à des procédures amiables.
La logique des jurisprudences existantes à ce jour se base sur le fait que les entreprises sont libres de déterminer leurs prix de transfert. Ces derniers sont supposés corrects jusqu’à ce que l’administration fiscale démontre qu’un avantage a été octroyé à une autre entreprise liée sans contrepartie. Toute méthode de définition du prix de transfert est adaptée lorsqu’elle permet d’identifier de manière claire la contrepartie d’un avantage. Le juge favorise une approche au cas par cas et privilégie la comparabilité.
Dans la majorité des arrêts publiés, les tribunaux sanctionnent l’absence de contrepartie des montants payés par une entreprise bénéficiaire à une entreprise prestataire.
C’est le cas par exemple de l’arrêt du 5 février 1975, n° 90788 et 91255 qui a sanctionné une filiale française agissant en tant que commissionnaire exclusif d’une société étrangère. La filiale avait facturé des commissions sur le volume exporté sur une base de calcul insuffisante et à un taux inférieur à celui pratiqué sur le marché. L’octroi de ristournes à une société étrangère avec laquelle une filiale française a un lien de dépendance doit être motivé par un avantage particulier (CE, arrêt du 8 juin 2005 n° 255918). Cet avantage peut par exemple concerner l’exploitation d’un brevet, d’un procédé de fabrication ou d’une marque, ou l’assistance commerciale ou administrative de la société étrangère. En l’absence d’avantages, la transaction a été qualifiée de transfert indirect de bénéfices.
La preuve d’un avantage en contrepartie d’un versement s’applique également pour les prestations de service. Selon l’arrêt n°52754 du 30 Mars 1987, le paiement par une société française des salaires d’un cadre détaché auprès d’une filiale pour exercer une fonction de direction ne constitue pas un transfert de bénéfices si la société reçoit une contrepartie suffisante et si cette transaction cadre avec une gestion commerciale normale et qu’elle permet d’assurer la prospérité de la filiale.
Le CAA Versailles du 27 Mars 2012 concerne la société Nestlé Entreprises : la société française a octroyé une marge bénéficiaire de 33% à sa filiale japonaise, taux largement supérieur à celui attribué aux autres distributeurs du groupe et au taux constaté sur le marché (se situant entre 7,5% et 9%). Elle a expliqué l’écart du taux de la marge bénéficiaire payé à la filiale japonaise en argumentant que celle-ci exerce des prestations de pénétration de marché et de développement de marque. Cette argumentation n’a pas été validée : le groupe a été redressé pour la marge bénéficiaire relative à 14% du montant.
Le CAA du 18 Février 2014 illustre la nécessité de bien argumenter l’octroi d’un avantage à une société étrangère (cas de ka société Nestlé Entreprises SAS) et de définir une contrepartie bien précise. La société française a versé à sa filiale suisse une redevance de 2% en contrepartie du droit pour l’entreprise française d’associer le nom de la marque suisse à ses bouteilles d’eau minérale. Ce CAA a annulé la décision de l’administration fiscale qui avait argumenté que l’image de la marque suisse n’apportait pas une valeur d’usage spécifique à la société française qui était en phase de lancement du produit sur le marché. Le tribunal a jugé que l’absence de bénéfice dû par un coût des investissements élevé et une faiblesse des ventes ne constitue pas une cause de transfert indirect de bénéfices.
En se fondant sur cette jurisprudence, l’entreprise et l’expert-comptable doivent faire particulièrement attention :
- à la rédaction de la clause relative aux prestations à fournir et à la contrepartie de la convention intra-groupe. Les prestations convenues ne doivent pas consister en l’utilisation de termes génériques tels que la gestion des ressources humaines ou la comptabilité. Elles doivent être détaillées de manière précise.
- à s’assurer que les dépenses engagées ou que les prestations facturées sont légitimes par rapport à l’activité, aux fonctions exercées par l’entreprise ainsi qu’à la nature de la relation entre les deux entreprises. Les prestations rendues doivent être accompagnées par des documents justificatifs
- à vérifier que toute prise en charge d’une entreprise en faveur d’une autre entreprise liée fasse l’objet d’une contrepartie réelle et tangible.
- à veiller à ce que l’entreprise filiale ne paie pas deux fois une même prestation : c’est le cas par exemple d’une filiale qui verse des redevances à titre de contribution aux coûts de R&D et qui achète également des produits auprès de l’entreprise mère étrangère si les prix d’achat incluent déjà des frais de recherche. Pour le cas des quartiers généraux, l’expert-comptable doit vérifier que la filiale ne verse pas un montant auprès du quartier général pour une prestation donnée, et qu’elle ne paie pas déjà des « management fees » auprès de la société mère en contrepartie des mêmes prestations.
- à s’assurer que les taux de marge supérieurs à ceux du marché doivent être bien argumentés et documentés.
L’arrêt n° 63621 du 18 avril 1966 a approuvé la décision de l’administration fiscale de réintégrer le montant excédentaire d’une participation forfaitaire aux frais d’exploitation d’une filiale à l’étranger après la prise en considération des commissions qui devraient normalement être payées au vu des prestations reçues. Cet arrêt présente un intérêt particulier d’autant plus qu’aucune règle formelle n’existe en termes de répartition des charges des filiales créées en vue de fournir des services communs aux autres entreprises liées. Un arrêté précédent n°66968 et 68362 du 08 Mai 1964 avait admis le principe d’une évaluation forfaitaire des coûts engagés dans l’intérêt commun des entreprises liées en France ou à l’étranger.
Sur la base de cette jurisprudence, l’entreprise et l’expert-comptable doivent s’assurer que quelque soit la méthode de répartition des dépenses utilisée (au prorata des CA des filiales par rapport à celui du groupe, ou au prorata des bénéfices bruts des filiales par rapport à celui du groupe), la clé de répartition doit être obligatoirement basée sur des éléments comparables. Il ne doit pas également y avoir d’écart significatif entre le montant de la participation forfaitaire à payer par la filiale et le montant qui aurait été normalement payé par une entreprise indépendante.
Un arrêt plus récent de la Cour administrative d’appel de Lyon du 30 Septembre 2010 a rejeté la présomption de transfert indirect de bénéfices de l’entreprise Entrelec Industries vers une société suisse. Le lien de dépendance entre les entreprises se présente comme suit : une holding suisse Entrelec Group contrôle une entreprise française de fabrication Entrelec Industries, une entreprise commerciale française Entrelec Services et une entreprise commerciale suisse Dicoesa. La Cour avait motivé son rejet sur la base de plusieurs éléments à savoir : (1) l’administration fiscale n’avait pas examiné les prix pratiqués par rapport aux conditions du marché ; (2) elle n’a pas confronté les marges allouées aux entreprises par rapport à leurs chiffres d’affaires ; (3) l’analyse comparable effectuée par l’entreprise ne montre pas une différence significative entre la marge appliquée par les entreprises liées et la marge réalisée par une entreprise indépendante ; (4) l’administration fiscale avait déduit à partir de l’analyse fonctionnelle que l’entreprise suisse Dicoesa n’assurait qu’une simple fonction de gestion des ventes alors qu’en réalité, cette dernière était en charge d’importants actifs (stocks, créances clients,…) et assumait les risques de change et de non recouvrement des créances. Cette jurisprudence souligne entre autres l’importance de l’analyse fonctionnelle dans un dossier de prix de transfert. Bien que cette jurisprudence ait surtout démontré les possibles failles de l’analyse menée par l’administration fiscale, l’entreprise et l’expert-comptable doivent veiller à ce que les relations opérationnelles entre les entreprises soient bien définies et bien claires, que les contreparties de ces relations soient bien précisées (en termes de flux de produits ou de services et de flux financiers) et que l’analyse fonctionnelle soit correctement documentée.
Un arrêt du 26 Septembre 2011 approuve la présomption d’acte anormal de gestion mis en exergue par l’administration fiscale sur la filiale DAS. Il rejette cependant la présomption de transfert indirect de bénéfices puisque l’administration n’a pas effectué une analyse de comparables irréprochable pour justifier l’absence ou l’insuffisance de contrepartie. L’arrêt concerne une société mère SARL HFS qui a concédé une marque et le savoir-faire y afférent à sa filiale DAS à titre gratuit. En parallèle, la société mère a conclu une convention avec une autre filiale SARL SDPR (agent commercial) ayant pour objet la promotion et la recherche de sous-licenciés. La SPDR perçoit 50% des droits d’entrée et des redevances facturées aux franchisés.
L’acte anormal de gestion est motivé par le fait que la société rémunère une de ses filiales (SPDR), et ne rémunère pas une autre (DAS). La société DAS n’était pas par ailleurs en situation de difficulté financière qui aurait justifié que la société mère renonce à d’importants revenus. L’absence de contrepartie à un avantage est ainsi constatée. Le Conseil d’Etat avait par ailleurs relevé que l’administration fiscale avait comparé la situation des deux filiales sous un même angle alors que l’une agissait en tant que concessionnaire (qui effectue directement des sous-concessions en tant que distributeur) et l’autre agissait en tant qu’agent commercial (qui rapproche la société mère et les potentiels franchisés). Elles n’exercent pas les mêmes fonctions et n’assument pas les mêmes risques. La SARL HFS assume des risques contentieux et prend par exemple en charge les coûts de formation des franchisés tandis que la SPDR finance des coûts de prospection. Cette différence de situation a des impacts sur le calcul des prix de transfert applicables aux deux filiales. La Cour rappelle par ailleurs à l’administration fiscale que les travaux de comparaison doivent être basées sur des entreprises indépendantes évoluant dans le même contexte économique, avec une notoriété de marque similaire à celle de la société mère (les redevances diffèrent selon le positionnement et la notoriété de cette marque sur le marché), avec un délai similaire d’existence de la marque, avec le même type de relations contractuelles.
Sur la base de cette jurisprudence, l’expert-comptable doit :
- vérifier et s’assurer que les contenus des conventions intra-groupes conclues entre les entreprises liées ne soient pas identiques en cas de différence de fonctions exercées et de risques assumées.
- veiller également à identifier tous les critères clés qui entrent en considération dans la comparabilité de la situation de l’entreprise liée avec d’autres entreprises indépendantes.
Des cas de jurisprudence sont également constatés dans les conventions intragroupes de prestation de services signées entre des sociétés liées, incluant les quartiers généraux. Ils surviennent habituellement dans le cas où deux ou plusieurs filiales ont un dirigeant commun. Ces conventions créent un produit taxable pour la société mère ou pour l’entreprise filiale qui prend en charge les rémunérations du dirigeant, et une charge déductible pour les filiales. Les conventions portant sur le « partage » d’un dirigeant commun peuvent être annulées par le juge pour motif d’absence de contrepartie. En effet, selon la Cour de cassation n°10-21900 du 21 Septembre 2011, la fonction de direction d’une entreprise A ne peut pas être déléguée à une entreprise B si cette dernière aura à effectuer deux versements (au dirigeant et à la société). Une filiale ne peut pas ainsi déduire les montants qu’elle verse à la société mère pour la mise à disposition de son dirigeant s’il n’est pas prouvé que ce dernier remplit des tâches bien différentes envers l’autre filiale. La convention peut également être annulée si la contrepartie présente un caractère illusoire.
Dans le cas de mise à disposition d’un dirigeant commun à deux filiales, l’expert-comptable doit s’assurer que les prestations du dirigeant auprès de chaque filiale sont bien distinctes et bien précisées. L’utilisation des termes tels que la gestion commerciale, la gestion administrative, la gestion des ressources humaines, le développement commercial pour décrire les prestations du dirigeant expose la convention à une future annulation. La fourniture d’une expertise technique est plus admise. Pour pouvoir justifier l’existence réelle d’une contrepartie, l’expert-comptable doit vérifier et mettre en place des procédures qui permettent de justifier l’exécution réelle d’une contrepartie (exemple: mise en place d’un rapport d’activité périodique remis par le dirigeant).
Outre la mise à disposition d’un dirigeant commun, la prise en charge des frais par une société française ou un quartier général en faveur d’une autre entreprise peut constituer un transfert indirect de bénéfices et doit également faire l’objet d’une attention particulière de l’expert-comptable. La société Office Dépôt France[15] a ainsi fait l’objet de redressement : elle a pris en charge une partie des frais d’audit sur l’efficacité du contrôle interne au sein du groupe. Cette prestation a été demandée par la société mère localisée aux Etats-Unis en respect à la législation financière américaine. Cette transaction a été qualifiée de transfert indirect de bénéfices puisque la société française n’a pas pu justifier son intérêt propre à financer cette prestation. Son argumentation (mise en place d’un outil de contrôle de gestion et renforcement de sa position sur le marché américain) a été jugée insuffisante.
Il faut également savoir que le juge distingue les frais d’assistance technique et les coûts de contrôle d’une filiale[16]. Une société française a pris en charge les frais de déplacement et de séjour d’un technicien vers une filiale du groupe : ces dépenses ont été qualifiées de transfert indirect de bénéfices car la filiale bénéficiaire n’était pas en situation de difficulté financière justifiant ainsi une prise en charge gratuite de ces frais. Cependant, si ces frais de déplacement et de séjour rentraient dans le cadre d’un contrôle d’une filiale étrangère par la société française, ces dépenses ne seraient pas remises en cause en termes de prix de transfert.
La SA Financière Menier[17] avait pris en charge une partie des coûts de promotion en France des produits commercialisés par sa société mère basée en Suisse. Cette transaction n’a pas été qualifiée de transfert indirect de bénéfices car les dépenses engagées ont également eu un impact sur le chiffre d’affaire de la filiale française qui est une concessionnaire de la marque suisse en France. La partie des coûts prises en charge par la société était par ailleurs proportionnée par rapport aux bénéfices retirés de l’opération de promotion.
La transaction réalisée entre la société française Firmenich et Cie (distributrice de concentrés de parfums) avec une société suisse n’a pas été considérée comme un transfert indirect de bénéfices pour plusieurs raisons. Celle-ci prenait en effet en charge le coût de création des concentrés. Les raisons prises en considération par la justice pour révoquer la supposition de transfert indirect incluent : (i) ce coût de création n’a pas été pris en compte par la société suisse dans la définition de ses prix de vente ; (ii) celle-ci commercialisait exclusivement ses concentrés aux clients de la société française.
Ces cas de jurisprudence permettent de déduire que l’expert-comptable doit s’assurer que les dépenses prises en charge par la société française pour le compte d’une filiale d’une groupe doivent être justifiées par un intérêt propre: la société doit donc tirer directement profit des coûts qu’elle finance (exemple : augmentation du chiffre d’affaires ou amélioration de ses outils de gestion,…). Il doit ainsi inclure dans son check-list la vérification de la contrepartie directe pour la société française des dépenses qu’elle prend en charge dans une transaction intra-groupe.
Section 4 : Conséquences sur la politique mise en place
Un quartier général ou une entreprise liée doit maintenir une documentation à jour pour respecter les obligations documentaires relatives aux prix de transfert. Cette documentation a pour objectifs de : (1) garder une traçabilité sur les différentes démarches réalisées et sur les éléments pris en considération par l’entreprise dans la définition de ses prix de transfert ; (2) fournir suffisamment d’éléments et de preuves pour éviter que ses transactions avec les autres entreprises du groupe soient qualifiées d’acte anormal de gestion par l’administration fiscale , et pour éviter que celle-ci ne présume un transfert indirect de bénéfices ; (3) servir de base au contrôle fiscal.
La documentation sur le prix de transfert se compose d’une documentation de base qui permet de comprendre le fonctionnement du groupe, ses orientations stratégiques commerciales, la nature et les types de transactions internes ainsi que la politique de prix de transfert du groupe. Elle inclut également une documentation spécifique qui se focalise sur une filiale donnée. Cette deuxième documentation permet de comprendre le fonctionnement de la filiale, sa stratégie, ses transactions intra-groupe, l’analyse fonctionnelle ainsi que des prix de transfert qu’elle applique.
L’identification des zones de risque impacte sur la qualité du contenu dans les documentations à fournir par un quartier général ou une entreprise liée. L’entreprise et l’expert-comptable doivent inclure des éléments précis et concis qui permettent de réduire au maximum les zones de risques. Ce maintien d’une documentation de qualité doit permettre à l’entreprise de préparer un argumentaire solide en amont pendant la phase de détermination du prix de transfert. L’ajout de justificatifs est primordial pour bien défendre le dossier (contrats, données chiffrées, extrait de presse, analyse sectorielle, étude de marché,…). Les précisions incluent entre autres :
- en ce qui concerne l’analyse des transactions de la filiale contrôlée par l’administration comptable, la documentation doit mettre en exergue les différences économiques prises en compte par la filiale lors de l’analyse de comparabilité. Ces différences incluent par exemple la pénurie des produits vendus par la filiale sur le marché en général; la recherche d’un gros volume par un client impliquant de ce fait une économie d’échelle.
- la filiale doit documenter les stratégies opérationnelles, commerciales ou financières qu’elle met en œuvre durant la période de réalisation de la transaction. Il est également recommandé que la filiale explique si ces stratégies s’inscrivent dans les stratégies globales du groupe. La documentation doit inclure les raisons qui ont motivé ces stratégies, leurs impacts sur les produits et les charges de la filiale, leurs impacts sur sur les prix de transfert et sur les prix de vente des produits ou des services.
- la structure et l’organisation du groupe doit être expliquée de manière très claire dans la documentation : les fonctions de chaque structure doivent être précisées. Elle doit mettre en exergue les filiales avec lesquelles la filiale contrôlée réalise des transactions intra-groupes. Pour chaque transaction, la documentation doit préciser la fonction exercée par chacune des filiales ; les tâches et responsabilités que chaque fonction implique ; les clauses contractuelles régissant la relation intra-groupe entre les entreprises liées ; les risques assumés par chaque filiale, l’implication de ses risques sur les rémunérations ; les modalités de rémunération applicables à chaque fonction selon les conditions normales du marché ; les modalités appliquées par la filiale et la justification économique.
- une note explicative sur les clés de répartition utilisées par une filiale (dont un quartier général) pour répartir des coûts (dont les frais généraux) entre plusieurs filiales. Cette note devrait également démontrer que la répartition effectuée est logique et cohérente par rapport à la taille, au volume d’activité, ou à d’autres caractéristiques des filiales.
- l’historique des conventions signées entre la filiale contrôlée et les autres entreprises liées ayant un lien avec les transactions étudiées. Elle permet de comprendre les différents évènements contractuels survenus (clôture, révision, suspension,…) et la logique économique qui a motivé chaque évènement. Cette documentation permettra d’expliquer la réalité économique d’une transaction entre filiales.
- lorsque la filiale sait qu’il existe un écart entre le prix appliqué par l’entreprise et le prix de pleine concurrence, elle doit démontrer que cette décision est motivée par la nécessité de l’exploitation et qu’elle reçoit une contrepartie de cette stratégie.
Il est dans l’intérêt de la filiale de constituer une documentation de qualité dès la détermination des prix de transfert. Cette démarche lui permet d’être proactive et de ne pas se contenter de fournir des contre-argumentations à la présomption de transfert indirect de bénéfices. Elle lui permet par ailleurs de ne pas supporter les délais de redressement et de négociation à l’amiable : en effet, en cas de redressement, les bénéfices présumés transférés seront réintégrés pour le calcul de l’impôt. La société doit s’acquitter de ce surplus d’impôt. La procédure en justice peut prendre plusieurs années avant d’être clôturée.
La mise en place d’une documentation sur le prix de transfert implique des modifications organisationnelles et comptables dans la filiale :
- la filiale doit disposer d’une équipe responsable de l’application de la politique de transfert de l’entreprise et de la mise à jour de la documentation y afférente. Cette équipe dépend de la taille du groupe et de la filiale, de la nature des transactions intra-groupes, du volume et de la complexité ou non de ces transactions. Ces critères vont aider la filiale à choisir entre deux options : (1) recruter une équipe dédiée au prix de transfert ou (2) mobiliser une équipe interne parmi le personnel déjà existant. Le prix de transfert nécessitant une équipe pluridisciplinaire, l’équipe peut faire appel ponctuellement à une expertise interne ou externe si nécessaire (exemple : juristes,…). L’équipe interne dédiée doit bénéficier de formations sur le prix de transfert. Le rôle et les responsabilités de chaque membre de l’équipe doivent par ailleurs être définis.
Outre l’application du prix de transfert, cette équipe sera également en charge d’ajuster ou de réviser la politique du prix de transfert lorsque : (1) le groupe change de « business model » et que la filiale en est directement ou indirectement touchée ; ou (2) l’environnement économique de l’entreprise a connu des changements significatifs.
- la filiale doit disposer d’un système d’information qui lui permette de cartographier :
- les conventions intra-groupes ainsi que les détails des clauses contractuelles les plus significatives.
- les transactions réalisées par cette dernière avec les autres filiales du groupe, les flux de produits ou services concernés ainsi que les flux financiers.
Ce système d’information doit permettre aux responsables de suivre facilement les éléments relatifs au prix de transfert. Les montants facturés aux autres filiales doivent être contrôlés et le système devrait permettre l’indication ou le paramétrage de points de contrôle.
- la filiale pourra par ailleurs comptabiliser les coûts qu’elle prend en charge dans différents sous-comptes afférents à chaque filiale afin de répartir les charges. Cette opération peut alourdir la charge de travail de l’équipe comptable, d’autant plus qu’elle doit s’assurer de ne pas faire des erreurs dans les imputations. La répartition se fait suivant les charges réelles attribuées à chaque filiale ou par l’utilisation de clé de répartition.
- la filiale doit intégrer le suivi de la politique de transfert dans ses procédures de contrôle interne. L’équipe responsable doit être capable d’identifier les anomalies par rapport à la politique du prix de transfert, et de prendre des mesures pour les redresser.
Ces modifications organisationnelles et comptables peuvent survenir lors de la mise en place d’une méthode de prix de transfert ou suite à un contrôle fiscal. Ce dernier permet habituellement à l’entreprise de prendre conscience de l’intérêt de mettre en place les mesures nécessaires pour se conformer à la réglementation sur le prix de transfert.
Le mémoire s’interroge sur la problématique : « Comment est-ce qu’un quartier général doit traiter les transactions intra-groupes libellées en devises afin que les différences de change ne viennent pas polluer les prix de transfert ? ».
Un quartier général est une société localisée en France, membre d’un groupe international, contrôlée depuis la France ou l’étranger, et qui fournit pour le compte exclusif du groupe des fonctions de direction, de gestion, de coordination et de contrôle. Il ne dispose d’aucun pouvoir de gestion ou de décision sur les sociétés. Les services rendus à l’international par le QG doivent représenter plus de 50% du total des services rendus.
Un quartier général doit appliquer des prix de transfert sur l’ensemble de ses transactions intra-groupes. La mission de l’expert-comptable peut consister en la définition des prix de transfert qui doivent obligatoirement respecter le principe de pleine concurrence. La démarche de l’expert inclut : le recensement des conventions intragroupes signées par le quartier général ; le recensement des prestations fournies par le QG ainsi que les sociétés concernées ; le rapprochement entre les conventions et les prestations réellement fournies ; la vérification des modalités de répartition des coûts encourus au niveau de la refacturation.
Les transactions faisant l’objet de prix de transfert ne doivent pas être jugées par l’administration fiscale comme un acte anormal de gestion, ce qui présumerait un transfert indirect de bénéfices. L’expert-comptable doit s’assurer que la société bénéficiaire du service fourni par le QG aurait été prête à payer une entreprise indépendante pour le même service. Les prestations fournies doivent ainsi correspondre à un réel besoin, et doivent être justifiées par une documentation adéquate. Les prix de transfert doivent également être en adéquation par rapport aux prestations fournies.
L’expert-comptable doit prendre en considération les caractéristiques des marchés dans lesquels les transactions sont réalisées; la stratégie adoptée par le groupe et ses sociétés; les fonctions exercées ainsi que les risques assumés par chacune des parties.
La sélection de bons comparables constitue également une étape délicate dans la réalisation de cette mission puisqu’elle conditionne la détermination d’un prix de transfert qui respecte le principe de pleine concurrence. L’expert-comptable doit veiller à sélectionner des entreprises qui présentent des caractéristiques similaires en termes d’activités, de taille, de chiffre d’affaires et qui évoluent dans un même environnement économique que le quartier général pour obtenir un taux de marge bénéficiaire conforme à celui pratiqué sur le marché.
L’expert-comptable doit par ailleurs documenter l’ensemble de ses démarches afin de pouvoir : (i) retracer les éléments utilisés lors de la définition des prix de transfert, (ii) argumenter de manière cohérente lors d’un contrôle fiscal, (iii) fournir des preuves en cas de mise en cause de sa responsabilité.
Afin de s’assurer que l’ensemble des étapes à réaliser lors de la définition des prix de transfert et que les obligations légales sont remplies, l’expert-comptable peut recourir à un check-list qui récapitule l’ensemble des points à considérer : la connaissance générale du groupe et de l’entreprise contrôlée, l’analyse fonctionnelle, l’analyse de comparabilité, les points spécifiques à relever, l’analyse financière ainsi que l’existence de facteurs de risques.
Un quartier général a pour vocation principale de fournir des services aux sociétés du groupe localisées dans différentes zones géographiques : il est ainsi appelé à refacturer les sociétés pour les services fournis dans différentes monnaies selon les pays où les sociétés sont localisées. Ces transactions libellées en devises posent des problèmes puisque leur conversion génère des différences de change, qui impactent directement sur le montant des marges. Or, ces conversions sont obligatoires au niveau de la comptabilité. Avec les écarts de change, le quartier général ne sera plus en phase avec les règles de cost-plus et de prix de transfert. Ils impactent également sur les résultats financiers. La conversion en devises augmente donc le risque de remise en cause de la pleine concurrence.
Pour annuler les risques de pollution des écarts de change sur le cost plus, le quartier général peut recourir au cash-pooling qui consiste pour le groupe, de créer une trésorerie centralisatrice auprès de laquelle le QG peut contracter un emprunt pour financer une transaction avant de percevoir le paiement de la société ou d’un client tiers. Ce dispositif permet d’annuler l’impact de change si toutes les opérations (emprunt, remboursement) se font sur un même exercice. Lorsque les opérations ne se dénouent pas sur le même exercice, l’expert-comptable peut proposer une compensation du résultat d’exploitation et du résultat financier par le biais d’une note de débit ou d’une note de crédit annuelle. A la date de clôture, l’impact de change est totalement neutralisé pour avoir un cost plus non pollué par les écarts de change. Les résultats rattachés aux écarts de change sont ainsi soldés d’un exercice à l’autre puisque la note de débit d’une année par exemple intègre le montant de la note de crédit de l’année précédente.
Ce système de cash pooling combiné avec le système de sauvegarde (compensation) doit également faire l’objet de contrôle de la part de l’expert-comptable lors des travaux de clôture de l’exercice.
Textes officiels
- Instruction administrative du 23 décembre 2010, BOI 4 A-10-10 relative à l’obligation documentaire en matière de prix de transfert
- Extrait du Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (Réf : BOI-SJ-RES-30-10-20120912) relatif à la procédure d’accord préalable pour la détermination du résultat de certaines structures internationales (…).
- Les prix de transfert : guide à l’usage des PME, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, 2006.
- Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, OCDE, 1995
- Communication européenne de la commission au conseil, au parlement européen et au comité économique et social européen concernant les travaux menés par le forum conjoint de l’UE sur les prix de transfert dans le domaine de la fiscalité des entreprises entre octobre 2002 et décembre 2003 et une proposition de code de conduite pour la mise en œuvre effective de la Convention d’arbitrage (90/436/EEC du 23 juillet 1990)
- Livre des Procédures Fiscales
- Code Général des Impôts
- Mémentos – Fiscal, Comptable et Groupe de Sociétés – Francis Lefebvre, 2011
Ouvrages spécialisés
- Cauzian, « Stratégie fiscale des contrats internationaux », Lexis Nexis Litec, 2006 (373 pages)
- Gelin, P-J. Douvier, B. Gibert, A. Le Boulanger, « Prix de transfert : détermination des prix de transfert et établissement stable, contrôle des prix de transfert, accords préalables », Francis Lefebvre, 2010 (389 pages)
- Gharbi, « Le contrôle fiscal des prix de transfert », L’Harmattan, 2005 (502 pages)
- Gouthiere, « Les impôts dans les affaires internationales », Francis Lefebvre, 2010 (1181 pages)
- Lamorlette, P. Rassat, « Stratégie fiscale internationale », Maxima, 2010 (258 pages)
- Marichal, « Sécurisez vos prix de transfert », E.F.E, 2004 (376 pages)
- Groupe Revue Fiduciaire, « Créer, organiser et gérer un groupe de PME », Revue Fiduciaire, 2008 (689 pages)
Mémoires
- Amar, « Mission de documentation des prix de transfert en PME », 2010 (97 pages)
- Duedra, « Les prix de transfert dans un groupe international : comment documenter le juste prix et anticiper un éventuel contrôle fiscal ? », 2009 (163 pages)
- Renier-Brunet, « Prix de transfert : bâtir une défense efficace », 2005 (160 pages)
Articles et Revues professionnelles
- Bonneaud, « Documentation des prix de transfert : quelques précisions utiles », Avisexperts.efl.fr, 14/04/2011
- Chevrier, M. Lentz, « Remise spontanée de la documentation prix de transfert avec la liasse fiscale : quels enjeux pour les directions fiscales ? », Option Finance 1232-1233, 29/07/2013 (pages 34-35)
- Cohen et R. Mathieu, « La pratique de la documentation des prix de transfert en France », Option Finance, 26/09/2011 (pages 34-35)
- Glaize, « La problématique des prix de transfert pour les PME », Option Finance, 08/01/2007 (pages 26-27)
- Glaize, V. Desoubries, « Prix de transfert : comment se préparer à un contrôle fiscal ? », Option Finance, 2007 (pages 26-27)
- Gode, « Guide de la documentation européenne des prix de transfert », Option Finance, 24/11/2008 (page 51)
- Luquet, I. Gaubert, M. Ben Brahim, « La pratique de la documentation des prix de transfert en France », Revue Fiduciaire Comptable, 2011 (pages 27-54).
- Vandeville, « Prix de transfert : la conciliation bien difficile de la théorie et de la pratique », Lettre Fiscale, 28/06/2010 (pages 3-4)
Sites internet
- impots.gouv.fr
- prixdetransfert.com
- cms-bfl.com/fiscal/prix-de-transfert
- etudes-fiscales-internationales.com
[1] UNCTAD, World Investment Report, 2002
[2] Extrait Alternatives Economiques n°1135
[3] DGI, Guide PME : prix de transfert, 2006, 60p
[4] L’article L 233-1 du Code de commerce donne une définition des filiales : une société est considérée comme filiale d’une autre société si cette dernière possède plus de la moitié du capital social.
[5] Bulletin Officiel des Impôts n°21 du 30 Janvier 1997
[6] Définition de l’OCDE
[7] OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Edition 2011, 106p
[8] Article L. 13 AA du LPF
[9] Exemple : augmentation du prix d’achat des matières premières
[10] Exemples : variation du taux de change, risque de crédit
[11] Exemple : fermeture d’usine, problèmes de fabrication
[12] Convention Européenne d’arbitrage du 23 Juillet 1990
[13] Entreprise qui assume les risques principaux (qu’ils se concrétisent ou non) et qui prend les décisions stratégiques. En général, elle possède également les immobilisations incorporelles clés (marque, brevet, savoir-faire) et supporte les dépenses y afférentes (R&D, gestion des marques et de la publicité) – Définition de DGI, Guide à l’usage des PMEs sur les prix de transfert
[14] Poste caractéristique du compte de résultat dans la comptabilité anglo-saxonne, le COGS représente les coûts des produits vendus dans les sociétés industrielles ou les coûts des marchandises vendues dans les sociétés commerciales.
[15] TA Montreuil, 5 Janvier 2012
[16] CE n°56218 du 19 octobre 1988
[17] CAA n°00-543, Paris 7 Novembre 2003
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