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La Gouvernance d’Entreprise : Fondements, Approches Théoriques et Pratiques de Création de Valeur

 

SOMMAIRE

 

Introduction

 

Première partie : Les fondements conceptuels de la bonne gouvernance d’entreprise

 

Section 1 : Définitions de la gouvernance d’entreprise ou corporate governance

 

  1. Définitions classiques

 

  1. Définitions extensives issues des travaux de Charreaux

 

Section 2 : Historique et évolutions de la gouvernance d’entreprise

 

  1. Historique

 

  1. Evolutions de la notion
  2. Du gouvernement d’entreprise à la gouvernance d’entreprise

 

  1. Simple glissement terminologique ou révolution conceptuelle ?

 

Deuxième partie : Approche théorique de la gouvernance comme processus de création de valeur

 

Section 1 : la Shareholder governance ou gouvernance d’entreprise actionnariale

 

  1. définitions de la gouvernance d’entreprise actionnariale

 

  1. la théorie de l’agence au service de la suprématie actionnariale

 

  1. les enjeux de la création de valeur actionnariale

 

Section 2 : la Stakeholder governance ou gouvernance d’entreprise partenariale

 

  1. définitions de la gouvernance d’entreprise partenariale

 

  1. la crise du modèle boursier et actionnarial de gouvernance d’entreprise
  2. l’affaire Enron
  3. la crise des Subprimes et la titrisation des créances douteuses

 

  1. la généralisation et l’extension de la théorie de l’agence aux autres parties prenantes(salariés, créanciers, investisseurs, fournisseurs…)

 

  1. les enjeux de la création de valeur partenariale

 

Section 3 : étude comparée des deux formes de gouvernance

 

  1. L’essence disciplinaire de l’approche en termes de gouvernement d’entreprise actionnariale : une limite à la création de valeur
  2. La prise en compte des externalités dans l’approche partenariale : une incitation à la création de valeur pour tous

 

 

Troisième partie : Approche pratique de la gouvernance comme processus de création de valeur

 

Section 1 : La création de valeur actionnariale

 

  1. un mécanisme incitatif : l’attribution d’options d’achat d’actions ou « stock-options » aux actionnaires et dirigeants

 

  1. un mécanisme disciplinant pour les dirigeants : les OPA – OPE ou Offres Publiques d’Achat – Offres Publiques d’Acquisition

 

Section 2 : La création de valeur partenariale

 

  1. l’intérêt social de l’entreprise comme justificatif de l’approche partenariale

 

  1. l’approche cognitive ou comportementale de l’action des dirigeants

 

  1. l’approche nouvelle en termes d’indépendance et de compétences du conseil d’administration pour la recherche de création de valeur durable

 

  1. l’investissement éthique et socialement responsable
  2. la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises

Conclusion

 

 

 

Introduction

 

A l’heure où les bonnes pratiques entrepreneuriales font parler d’elles dans le monde contemporain, et àl l’heure également où les crises financières et boursières retentissent dans les médias internationaux, à ne citer que la crise des subprimes, il est de bonne augure de parler de gouvernance d’entreprise.

 

Ce concept de gouvernance d’entreprise ou gouvernement d’entreprise est on ne peut plus à l’ère du temps, eu égard aux problèmes rencontrés dans le contexte économique actuel. Ce faisant, ce concept américain s’est démocratisé et s’est vu appliqué par à peu près tous les pays occidentaux, orientaux, africains…

 

La problématique essentielle qui se pose en termes de pratiques de bonne gouvernance réside dans la notion de création de valeur. Celle-ci implique de savoir de quelle manière régir et gouverner une entreprise afin de recentrer la distribution des richesses engendrées aux acteurs de la vie sociétale, c’est à dire principalement les actionnaires ou associés. Dès lors, quid de la situation des autres acteurs que sont les créanciers, les investisseurs, les clients, les salariés, les fournisseurs… ?

En d’autres termes, la problématique est de savoir, dans le contexte économique actuel, quel est le processus organisationnel  le plus favorable  à la création de valeur.

 

Pour ce faire, nous verrons dans une première partie les fondements conceptuels de la bonne gouvernance d’entreprise(première partie) ; ensuite, nous analyserons l’approche théorique de la gouvernance comme processus de création de valeur(deuxième partie) ; et enfin, nous terminerons par la vision d’une approche pratique de la gouvernance comme processus de création de valeur(troisième partie).

 

 

 

 

Première partie : Les fondements conceptuels de la bonne gouvernance d’entreprise

 

Section 1 : Définitions de la gouvernance d’entreprise ou corporate governance

 

  1. Définitions classiques

 

Le corporate governance est un terme assez difficile à définir et qui fait souvent objet de débat tant dans le monde professionnel que politique. Apporter une définition précise à ce terme serait tenté de retracer les grandes lignes et événements qui ont marqué l’histoire du mode de gouvernement d’entreprise. Cette option serait une démarche longue et compliqué à suivre si l’on tenait compte des différentes définitions du gouvernement d’entreprise de chaque époque et des tendances historiques qui ont marqué ces mêmes époques. Dans notre définition, nous essayeront donc de mettre en évidence les modèles qui ont les plus marqué l’histoire tout en sachant que la discussion, même jusqu’à nos jours, reste toujours ouverte.

 

Traduit usuellement par le concept de gouvernement d’entreprise ou de gouvernance, cette notion était généralement utilisée en finance. Toutefois, gouvernement et gouvernance sont deux notions assez différentes car cette dernière notion fait référence à une position de non dominance, alors que dans notre première définition, la notion de gouvernement tend plutôt vers le rapport de pouvoir. Nous convenons donc que le terme gouvernement d’entreprise est le terme approprié à la définition classique du thème corporate governance.

Mais il est important de préciser que depuis quelques années, le concept touche plusieurs branches rendant ainsi sa définition complexe. Selon une approche communément admise par les théoriciens, notamment par Berle et Means (1932), le gouvernement d’entreprise est définie comme étant « l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui « gouvernent » leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire ».

 

Et au sens large du terme, corporate governance peut être désigné pour définir le gouvernement des organisations, autrement dit, c’est l’articulation qui existe entre l’actionnariat et le management de la société. Dans ce sens, nous comprenons que la notion de corporate governance attise toutes les attentions puisque au sein de toute organisation, le rapport de pouvoir et de propriété est au centre de tous débats. Le rôle de l’actionnaire et du manager reflète ainsi toute la problématique de cette notion car c’est ce rapport de pouvoir et de propriété qui est à la source de tous les conflits. En définissant le rôle de chaque acteur, ce rapport pourra être plus clair. En effet, l’actionnaire détient le rôle de dirigeant de la maison mère, tandis que le manager à celui du dirigeant de la filiale.

La définition classique de la notion de gouvernement d’entreprise met les deux acteurs dans un rôle strict. L’actionnaire s’en tient à apporter les ressources nécessaires à la firme et le manager se charge de la conduite des affaires. Ces deux acteurs se retrouvent bien souvent dans une situation de conflit vu que les deux pouvoirs sont en perpétuel confrontation. Dans ce concept, le thème de gouvernement d’entreprise est étroitement lié au thème du pouvoir étant donné les relations maison mère et filiale, actionnaire et manager. C’est ainsi au cœur de cette relation de pouvoir que les débats se corsent car on entend souvent parler de crise de la gouvernance au sein des grandes entreprises.

 

 

 

 

 

  1. Définitions extensives issues des travaux de Charreaux

 

Le corporate governance ou gouvernement des entreprises, défini plus haut se base sur une notion qui ne cesse d’évoluer avec le temps. Selon une définition plus précise, le concept concerne les dirigeants des organisations. Et la définition se tourne par conséquent vers une définition encore plus large qui est celle des structures de gouvernance régissant les transactions entre l’organisation et les dirigeants.

 

Les définitions extensives que nous essayons de mettre en évidence dans cette partie reposent à travers la théorie de Charreaux qui tente d’apporter une analyse sur les différents mécanismes de gouvernement. Le concept de gouvernement en question fait référence à un mécanisme de gouvernement spontané des dirigeants qui cherche à comprendre les systèmes évolutifs de fonctionnement pouvant être à l’origine des défaillances de gouvernance. Ces systèmes englobent plusieurs disciplines et champs d’action tels la gestion, le droit, l’économie, l’histoire, …  qui selon les recherches réalisées par Charreaux contribuent à la compréhension des comportements des dirigeants.

 

Issues de ces travaux de Charreaux, les systèmes de gouvernement d’entreprises se caractérisent par deux sortes de mécanisme expliquant le comportement des dirigeants :

 

  • Le premier mécanisme, dit de l’internalité, se fonde sur la spécificité du mécanisme où la base de l’analyse réside dans la détermination des conflits d’intérêts entre les dirigeants et les différents stakeholders, connus sous le nom de « partenaires » ou encore d’« actionnaires ». Le système de gouvernement a pour objectif, dans ce premier mécanisme, de gérer et de diminuer ces conflits. Dans cette foulée, Charreaux (1994) distingue deux catégories de mécanisme dont l’interne et l’externe. Selon lui, les mécanismes externes se limitent aux cadres-dirigeants en rapport avec le marché des biens et services, le marché financier, les relations de financement avec les banques ainsi qu’avec l’environnement légal, politique et réglementaire. Les mécanismes internes, par contre, concernent le contrôle exercé par les actionnaires,  la  surveillance  mutuelle entre dirigeants, les contrôles formels et informels mis en place par les employés subalternes et le conseil d’administration. Cette première typologie de mécanisme du comportement qu’est le mécanisme spécifique est par conséquent, à titre formel, engendrée par les propres intentions des dirigeants.

Mais à côté de ces mécanismes spécifiques se précisent également un caractère spontané résultant des rapports concurrentiels entre les dirigeants et ses subordonnés, entre les subordonnés eux-mêmes, entre les dirigeants eux-mêmes, …

 

  • Le second mécanisme est celui de l’intentionnalité. Lié à la structure hiérarchique, Williamson (1991) s’intéresse aux mécanismes intentionnels afin de mettre en évidence les structures de gouvernement d’entreprises. Le marché, la hiérarchie, la forme hybride (pouvoir actionnarial et pouvoir managérial) représentent ce mécanisme. Toutefois, bien que cette structure suppose un caractère intentionnel de la part du dirigeant, ce caractère ne prend effet qu’à travers les règles et les procédures formelles régissant l’organisation.

Le mécanisme en question est donc établi par les dirigeants eux-mêmes ainsi que par les subordonnés afin de déterminer les tâches de chacun et le pouvoir attribué aux dirigeants.

 

 

Certes, les définitions extensives issues des   travaux de Charreaux ont permis de décrire le mécanisme de fonctionnement des organisations et celui du comportement des dirigeants expliquant ainsi le sens du gouvernement d’entreprise. Désormais, avec l’étendue de cette définition, le corporate governance est l’ensemble des mécanismes et des procédures qui encadrent les décisions de création et de répartition de la valeur au sein de l’entreprise.

 

Section 2 : Historique et évolutions de la gouvernance d’entreprise

 

  1. Historique

 

Bien que la notion de gouvernement d’entreprise place les acteurs de la firme dans une position formelle, l’évolution du terme et des pensées ne permet pas à ces derniers de s’en tenir à ce rôle. Souvent, la notion de rapport de propriété et de pouvoir en a fait parler plus d’un dans le monde de la finance et de l’économie. Le thème de gouvernement d’entreprise est au centre des sujets de discussion des historiens, juristes, économistes et des auteurs. Ceci sans doute à cause du retour en force de l’actionnaire dans la direction des entreprises. Ce retour a notamment engendré tout un problème montrant que des dirigeants se conduisant de façon opportuniste et lésant les intérêts des actionnaires. C’est pour cette raison qu’avec le temps la définition de corporate governance a petit à petit évolué.

 

  • Le capitalisme patrimonial

 

De 1850 à 1880, le thème de gouvernement d’entreprise est une question toute nouvelle qui s’accorde au développement de l’entreprise privée. A cette époque, dit du capitalisme patrimonial, les entreprises avaient pour rôle de servir la communauté et d’entretenir une relation d’équilibre misant sur les valeurs communes qui lient patrons et ouvriers.

Le mécanisme comportemental des dirigeants sont tournés vers la cohésion patrons / ouvriers où les entrepreneurs se considèrent comme les gardiens d’un ordre traditionnel. Segrestin, en 1996, confirme d’ailleurs cet état d’esprit : « Les générations de maîtres de  fabrique formés   à l’enseigne de cette mystique puritaine étaient dans une position vraiment paradoxale au   regard de ce que sous-entendent les idées reçues sur la logique entrepreneuriale moderne : le prisme moral  au travers duquel  ils abordaient  la rationalité capitaliste faisait d’eux non pas les agents de quelque libéralisme éclairé, mais plus vraisemblablement les militants d’une  restauration communautaire de  la  société ».

Dans ce modèle du capitalisme patrimonial, le problème de gouvernement d’entreprise n’apparait pas encore puisque le pouvoir est entre les mains d’un seul acteur dont l’entrepreneur qui jouit de ses droits de propriété privée.

 

  • Le capitalisme managérial

 

Le capitalisme patrimonial prend fin vers la fin du 19ème siècle en raison de l’évolution industrielle et laissant place au capitalisme managériale. Vient alors l’apparition des actionnaires qui contribuent pleinement au développement de l’entreprise grâce aux ressources qu’ils apportent. La disparité des actionnaires anime de ce fait le mode de gouvernance des entreprises où propriété et contrôle ont désormais un sens différent. Les actionnaires laissent donc place aux managers afin de gérer leur capital. Les managers auront pour rôle de superviser et de coordonner le travail des différentes unités de l’entreprise. C’est à ce moment qu’entre en scène le rapport de pouvoir entre ces deux acteurs. Ce rapport de pouvoir a intéressé les auteurs des années 30 ainsi que les historiens et économistes des années 70 et 80 ; et intéresse jusqu’à aujourd’hui nos chercheurs.

En effet, dans les années 30, dans leur recherche sur la gouvernance, Berle et Means mettent en évidence la séparation entre les propriétaires, les actionnaires détenteurs du capital et les dirigeants qui sont les managers salariés de l’entreprise en charge de la conduite réelle des affaires. Selon ces derniers, ce mode de fonctionnement est à l’origine des faiblesses du système de corporate governance. D’ailleurs, ils décrivent deux notions qui caractérisent le fonctionnement de ces grandes firmes :

 

  • La notion de gouvernance des « stakeholders » et des « stokhloders »  qui ont respectivement le rôle de détenteurs d’enjeux et de propriété sur la firme.
  • La notion «managerial discretion» qui repose sur les interrogations concernant l’exercice concret du pouvoir dans une société de capitaux.

 

Ce capitalisme managérial confirme bien la prise de pouvoir des managers mais surtout le début d’un conflit d’intérêt qui oppose l’actionnaire et le manager.

 

  • Le capitalisme financier

 

Ensuite,  au début des années 70 les théoriciens ont évoqué le besoin de trouver un juste milieu entre les actionnaires et les dirigeants en mettant en place le principe de bonne gouvernance. Et depuis l’adoption de cette nouvelle pratique, l’entreprise industrielle s’est comme libérée. Tous les observateurs s’accordent d’ailleurs de dire que « On assiste donc à une montée en puissance généralisée du pouvoir financier, et celle-ci constitue l’un des vecteurs majeurs des transformations du capitalisme contemporain » (Plihon et Ponssard, 2002). Cette montée en puissance du pouvoir financier implique nécessairement l’entrée d’une nouvelle phase, celle du capitalisme gestionnaire.

 

Mais comme l’évolution est une forme imminente de la mondialisation, le modèle de gouvernement de l’entreprise connait un autre changement qui est celui de la monté des actionnaires. Les propriétaires refont surface après cette domination des managers, où ils commencent à imposer leur pouvoir en renforçant leurs exigences par rapport aux prestations des dirigeants des sociétés. Ce retour est marqué par la monté en puissance des investisseurs institutionnels et de la massification de l’actionnariat, qui par définition est la dilution de la propriété de l’entreprise dans le public (Gomez 2001). Mais ce retour est surtout soutenu grâce à la venue en masse de ces investisseurs institutionnels où l’actionnariat individuel à laisser place au gérant de fond.

En 1998, Peyrelevade décrit cette monté de l’actionnariat comme étant la fin du capitalisme populaire : « Le mythe originel, celui du capitalisme populaire, devait en réalité disparaître pour que le pouvoir du capital put enfin s’exercer. Ce fut l’œuvre d’une transformation considérable qui vit progressivement la force des gestions collectives venir se substituer à l’émiettement antérieur des porteur individuels de valeurs    mobilières ». Ce capitalisme financier désigne un nouveau régime de croissance où un rôle déterminant est attribué à la rentabilité des actifs boursiers.

 

Le capitalisme managérial a donc laissé place au capitalisme financier. Le pouvoir managérial est vivement critiqué comme quoi les managers n’ont fait que défendre leurs intérêts sans tenir compte de celui des actionnaires. Une fois de plus, l’histoire prend une autre tournure, le pouvoir va maintenant passer entres les mains des actionnaires. Ces actionnaires apportent et apporteront un nouvel air dans le système de gouvernance grâce leur prise de pouvoir. Toutefois, cette évolution ne s’est pas fait sans l’intervention des investisseurs institutionnels qui ont tenu à être informé des stratégies des dirigeants dans le but faire basculer le rapport de pouvoir dans leur camp.

L’activisme actionnarial est alors né, s’en suit à cela l’initiative de mettre en place les règles de « bonne gouvernance » qui se veut de d’équilibrer le pouvoir des actionnaires et celui des managers.

 

  1. Evolutions de la notion

 

  1. Du gouvernement d’entreprise à la gouvernance d’entreprise

 

Dans le cadre de cette petite historique sur le gouvernement d’entreprise, nous pouvons constater que la notion de gouvernance a beaucoup évoluer avec le temps et selon les différentes situations économiques, financiers et sociales qui se sont succédées. Elle a toujours mit en avant le rôle des actionnaires et des managers dans leur course au pouvoir.

 

En résumant l’histoire, la corporate governance s’est vue marquée par la période du capitalisme avec notamment, la succession de trois grands courants : le capitalisme patrimonial, le capitalisme managérial, le capitalisme financier. Le capitalisme patrimonial s’était basé sur le contrôle du droit de propriété sous des pratiques qui reposaient sur l’organisation de la propriété  privée des moyens de production, sur l’entreprise familial et sur le gouvernement en « bon père de famille ». Le capitalisme managérial par contre, misait plutôt sur une modalité de contrôle beaucoup moins traditionnel. En effet, le contrôle bureautique marque la période et les pratiques mises en œuvre reposaient sut le succès des entreprises sous la forme de Société Anonyme, l’apparition du Manager expert ainsi que l’évaluation par l’actionnaire des résultats obtenus par la direction. Quant au capitalisme financier, c’est surtout le contrôle financier qui prime. Cette période est marquée par la transformation de l’actionnariat, dont l’actionnariat de masse (investisseurs institutionnels), la gouvernance actionnariale et l’importance du prix de l’action. Voilà entre autres le déroulement de l’histoire suivant les contextes historiques, géographiques, politiques, etc.

 

Ces contextes soutiennent l’idée que la notion de gouvernement d’entreprise est considérée comme une « histoire standard » évoluant avec le temps. Effectivement, petit à petit suivant ce contexte, la définition de la notion de gouvernement d’entreprise a évolué. Partie sur la notion où le gouvernement d’entreprise tendait vers le rapport de pouvoir, nous basculons vers un autre sens qui est celui de la gouvernance d’entreprise, définissant une position de non dominance. Cette notion a pris cours au moment où les actionnaires ont voulu remettre les pendules à l’heure en prenant ainsi le contrôle sur les dirigeants. L’intérêt de cette prise de contrôle repose sur le mécanisme de discipline qui doit être établi entre les actionnaires et les dirigeants.

Le principe doit ainsi faire référence au modèle de « shareholder » qui met en évidence la séparation de pouvoir entre les deux acteurs. Le modèle de shareholder est tiré du modèle des anglo-saxons où le monde des entreprises est désormais tourné vers la gouvernance d‘entreprise orienté actionnaire (Perez, 2003). Ce modèle se base sur le système outsider donc du marché financier et tient toujours compte de la notion de contrôle. Avec l’évolution de ce terme, la gouvernance orientée actionnaire fonctionne suivant trois grands types de mécanismes institutionnels, selon toujours Perez (2003), à savoir le contrôle interne, les mécanismes incitatifs et le contrôle externe. Ces mécanismes sont des indicateurs de performance et sont en mesure de résoudre le problème d’agence qui met constamment en conflit les deux acteurs des firmes.

 

Le principe de non dominance que réclame la gouvernance d’entreprise tend également à optimiser la valeur pour l’actionnaire en mettant la « shareholder value » dans les critères de performance. Tous ces dispositifs impliquent nécessairement une transformation vis-à-vis de la notion de gouvernance puisque telle que nous l’avons précisé supra, la gouvernance d’entreprise est une fonction de non dominance. Par conséquent, la domination des managers du temps du capitalisme managérial est révolue, laissant place à la bonne gouvernance. Et c’est justement cette norme qui construit les théories de la gouvernance car désormais, l’objectif est de faire comprendre aux dirigeants l’importance des tâches qui leur sont confiées ainsi que leur responsabilité vis-à-vis des actionnaires.

 

Néanmoins, le modèle de shareholder fait poser quelques questions. Non seulement par rapport aux véritables rôles des dirigeants, mais aussi par rapport aux différentes formes d’actionnariat. Le terme corporate governance fait ainsi référence à ce concept anglo-saxon et qui a souvent été traduit en France par « gouvernement de l’entreprise ». Le gouvernement d’entreprise anglo-saxon, appelé aussi dans ce cas « gouvernance classique » est une notion qui privilégie le modèle de la valeur actionnariale, et qui se fonde sur la théorie de l’agence. Mais en réalité, le terme de gouvernance d’entreprise a pris un sens plus large que celui de gouvernement de l’entreprise (Thiveaud, 1994 ; Caby et Hirigoyen, 2001 ; Perez, 2003). C’est ce que les économistes, historiens, auteurs,… s’accordent de qualifier de « nouvelle gouvernance ». Une gouvernance plus élargie qui privilégie le modèle de la valeur partenariale, et qui se fonde sur la théorie des parties prenantes.

 

En effet, le modèle shareholder tient des cas des pays anglo-saxons, cependant, plusieurs acteurs insistent sur le fait qu’il existe divers modèles de gouvernance d’entreprise beaucoup moins classique dans le monde. Plus particulièrement, dans les pays européens où le capitalisme managérial n’a pas réellement pris son élan. En Europe, tels en France ou encore en Allemagne, le contrôle du pouvoir ne s’était pas tout à fait détaché des mains des actionnaires. C’est ainsi que nous comprenons que l’évolution du thème de gouvernement d‘entreprise est très relative car la notion varie et selon le temps et l’espace. Les propos de Berle et Means ainsi que de Chandler sur le rapport de pouvoir sont donc assez restreints et excessifs étant donné qu’ils ne tiennent pas compte de toutes ces diversités.

 

Dans ce cadre, il s’avère important d’apporter plus de précision en ce qui concerne le modèle de gouvernance européen. Contrairement donc au modèle américain, celui de l’Europe n’est pas dominé par les managers. La France ou encore l’Allemagne connait une domination important de blocs d’actionnaires. Ici le conflit ne réside plus entre les actionnaires et les dirigeants mais entre les actionnaires minoritaires et les blocs de contrôle dont les clients, les salariés, les créanciers et les fournisseurs. Ce modèle est plus connu sous le nom de « stakeholder » faisant ainsi référence à la valeur partenarial. La gouvernance représente  un dispositif institutionnel et comportemental régissant les relations entre les dirigeants d’une organisation et  les parties concernées de cette organisation.

Dans ce sens, le système de gouvernance repose sur un système blockholder car la firme est contrôlée par un bloc d’actionnaires. Bref, la gouvernance d’entreprise est fonction de ces deux théories, et selon Aglietta et Rébérioux (2004) : « ce sont donc deux grands systèmes de gouvernance    d’entreprise qui s’opposent. Le système états-unien fait de l’entreprise un objet de droits de   propriété ; la soumission de cet objet aux intérêts des actionnaires est assurée en premier lieu par la liquidité et la profondeur des marchés boursiers. A l’inverse, le modèle continental européen repose sur une vision holiste ou partenariale de l’entreprise ; la direction des firmes est alors partiellement protégée de la sphère boursière par la permanence des blocs de contrôle et la participation des salariés ».

Mais outre le modèle continental européen, une autre forme de gouvernance est aussi à prendre en considération, celui du modèle japonais. Selon une vision économiste, ce dernier est également différent de celui des américains. M. Aoki compare les deux modèles en apposant leur structure financière et leur mode de partage des pouvoirs. Selon toujours cet économiste, les firmes japonaises se caractérisent par une structure d’actionnariat qui se base sur des participations croisées avec un partage des pouvoirs reliant les actionnaires, les gestionnaires et les salariés. Les gestionnaires sont là pour veiller aux intérêts des actionnaires et des employés et ce, suivant les règles de d’une double contrôle : le contrôle des actionnaires et des gestionnaires.

 

Ainsi, nous voyons bien que l’évolution de la notion de gouvernance d’entreprise dépend effectivement de l’évolution de l’histoire et de l’espace. Toutefois, la mondialisation économique pousse les japonais et les pays européens à se tourner vers une conceptualisation qui cherche à miser sur  « la bonne conduite ». Cette évolution ferait-elle référence à un alignement des trois modèles ?

 

La convergence des trois modèles laisse penser que la mise en œuvre de ce processus organisationnel est bien faisable. Le sociologue P. Windolf soutien cette idée en affirmant que  c’est plus un processus d’hybridation qu’un mécanisme d’alignement. « De nouvelles formes   organisationnelles, combinant des éléments issus de différente périodes, peuvent évoluer en   une nouvelle structure de gouvernement, ni de nature managériale, ni même financière, mais résultat d’une combinaison des deux précédents modes organisationnels. ». En effet, le processus est le fruit des interprétations et changement des différents modèles du capitalisme. Mais dans cette transformation rien ne sous-entend que le processus organisationnel bascule dans cette vois car effectivement, « les Français et, plus  généralement, les Européens, ont  «fait leur marché» parmi les éléments caractéristiques du modèle américain – prenant et choisissant, laissant de côté et réinterprétant au fil du processus les éléments choisis, parfois de façon tout à fait significative » (Djelic et Zarlowski, 2005). Il est ainsi difficile d’affirmer que tel ou tel modèle du capitalisme est la plus efficace.

 

Néanmoins, force est de constater que ces différentes formes d’actionnariat nous éclaircie sur les limites de la gouvernance actionnariale ; des limites que la définition classique a laissé dans le noir. Nous faisons ainsi référence au phénomène d’hybridation des deux pouvoirs, à une association entre le pouvoir actionnarial et le pouvoir managérial. C’est cette hybridation qui est à la base de la définition actuelle de la gouvernance d’entreprise avec notamment, l’entrée en scène des groupes de société. Le développement de ces groupes de société a bouleversé le monde de la finance tant dans la concentration du capital et des moyens de production, que dans la combinaison des deux pouvoirs.

 

Ainsi, les historiens, économistes, sociologues,… n’ont pas encore pu faire la lumière sur les définitions de terme gouvernement d’entreprise car l’histoire continue toujours. Cette affirmation nous permettra de répondre à la question : les évolutions de la notion de gouvernement d’entreprise à la gouvernance d’entreprise est elle un simple glissement terminologique ou une révolution conceptuelle ?

 

 

 

 

 

 

  1. Simple glissement terminologique ou révolution conceptuelle ?

 

Suite à toutes ces définitions et évolutions, nous pouvons encore une fois dire que la notion de gouvernement d’entreprise est très vaste.

 

Le concept de base était de redonner un rôle aux acteurs car effectivement, la notion de gouvernement d’entreprise se limitait à l’étude des mécanismes qui pouvaient rallier les intérêts des dirigeants à ceux des actionnaires. Mais avec le temps, cette définition a évolué et ne s’était pas limitée à ces rôles. C’est à ce moment que le concept de gouvernance d’entreprise prend la relève puisque la notion de gouvernement soulève désormais le rôle des parties prenantes détenant le pouvoir de gouverner les firmes et la prise en considération des différents leviers d’actions disciplinaires et cognitifs. D’ailleurs, Charreaux en 2002, développe ce rôle cognitif de l’actionnaire qui selon lui est non seulement un apporteur se vision mais aussi de compétence à la firme. Dans ce cadre, nous faisant référence aux acteurs du modèle shareholder étant donné que nous estimons essentiel de mettre en valeur la relation actionnaire – dirigeant. Les dirigeants des maisons mères sont en effet, et les actionnaires et les dirigeants des filiales. Et c’est justement pour cette raison que le conflit entre actionnaire et dirigeant demeure problématique car la gouvernance d’entreprise veut que le pouvoir soit entre les mains de plusieurs acteurs. «La gouvernance suppose l’élaboration de compromis   collectif face à des conflits d’intérêt, les fondements du pouvoir n’étant plus seulement juridiques mais aussi sociaux dans le sens où les acteurs peuvent eux-mêmes créer, modifier ou interpréter les règles de coordination »

La notion de gouvernance d’entreprise nous ramène à dire qu’elle souscrit la bonne gouvernance en limitant l’action des dirigeants ainsi que leur latitude managériale afin de se concentrer aux objectifs fondamentaux de la firme qui sont :

 

–   l’amélioration de la transparence des entreprises et de leur information financière ;

–   la gestion des risques ;

–   des règles strictes en matière d’éthique ;

–   un système de contrôle interne fort ; des réviseurs d’entreprises indépendants ;

–   une fonction d’audit interne indépendante et compétente.

 

Bref, nous avons pu voir au cours de ces développements et études sur le thème de la gouvernance d’entreprise que le concept en question est très vaste et complexe. Plusieurs questions sur le thème restent floues bien que les acteurs ont tenté de faire le point sur le sujet. Nous ne pouvons donc pas nous aventurer à dire que les évolutions de la notion de gouvernement d’entreprise vers celle de la gouvernance d’entreprise relève d’un simple glissement terminologique ou d’une révolution conceptuelle car dans ces définitions, le système de gouvernement en lui-même demeure superficiel et insuffisant. D’ailleurs, les études historiques, sociologiques, financière, juridique,… le confirment. Et étant donné l’interdisciplinarité du concept qui s’avère indispensable à sa définition, l’affirmation reste encore plus incertaine.

A juste titre, nous pouvons dire que les théories de la gouvernance d’entreprise évoluent suivant le temps et l‘espace, ce qui permet d’appréhender les différentes transformations des structures de gouvernement et de mieux comprendre les changements des différents modèles du capitalisme.

 

 

 

Deuxième partie : Approche théorique de la gouvernance comme processus de création de valeur

 

Section 1 : la Shareholder governance ou gouvernance d’entreprise actionnariale

 

  1. Définitions de la gouvernance d’entreprise actionnariale

 

Les pratiques de bonne gouvernance suggèrent différents processus organisationnels afin de contribuer à la création de valeur d’une firme. La majorité des études réalisées autour de la gouvernance d’entreprise met en évidence la relation actionnaire – dirigeant ainsi que les mécanismes disciplinaires à mettre en œuvre pour asseoir le rôle de chaque acteur.

 

Le retour du pouvoir aux mains des actionnaires marque ce courant. Appelé « gouvernance actionnariale » ou encore modèle shareholder, ce courant cherche à mettre le point sur la séparation entre propriété et pouvoir afin de trouver le juste milieu entre les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires. Ce modèle est un modèle de référence caractéristique du mode de gouvernance des anglo-saxons et qui se s’appuie sur la théorie de l’agence. Il correspond à la montée des marchés financiers et à la dispersion de l’actionnariat qui font des Etats-Unis le « berceau et (la) place forte de la gouvernance d’entreprise orientée actionnaire » (Pérez, 2003). Le modèle shareholder est alors considéré comme étant un processus organisationnel qui soutien la création de valeur.

En effet, le modèle anglo-saxon insiste sur le fait que le marché financier est le principal régulateur du système ; et que cette gouvernance d’entreprise actionnariale dépend de trois facteurs : le mécanisme de contrôle interne, le mécanisme incitatif et le mécanisme de contrôle externe. Ces trois facteurs sont des mécanismes contribuant à la compréhension et à la résolution des conflits qui opposent perpétuellement les actionnaires aux dirigeants.

 

  • Le mécanisme du contrôle interne fonctionne avec divers groupes et comités qui ont pour fonction de gérer les assemblées générales, le conseil d’administration, le comité de rémunération, le comité d’audit, … C’est le conseil d’administration qui se charge d’aligner les intérêts des deux acteurs. Il a donc pout rôle de désigner les dirigeants tout en définissant leur rémunération et leur poste. Cependant, dans la plupart des cas, le rôle des dirigeants et celui du conseil d’administration reste flou. Les dirigeants ont souvent le dernier mot dans la prises de décision ce qui signifie que les administrateurs sont juste là pour approuver l’arrêté.

 

  • Les mécanismes incitatifs d’un côté, contribuent aussi à l’application de ce modèle de shareholder afin de trouver des solutions aux problèmes conflictuels qui opposent les actionnaires aux dirigeants. Ce mécanisme tient compte des prestations des dirigeants en les évaluant à travers les résultats de l’entreprise. Les dirigeants seront, de ce fait, rémunérés en fonction des résultats de la firme. Mais encore une fois, ce mécanisme présente des inconvénients car les seuls détenteurs des résultats de la firme sont les dirigeants. L’incitation peut donc provenir des deux camps car les dirigeants peuvent présenter des résultats à leur guise étant donné que c’est aux actionnaires que le compte est rendu.

 

  • Le mécanisme de contrôle externe, par ailleurs, repose sur l’évaluation boursière. Le mécanisme met les investisseurs dans le rôle de contrôleur de performance. Et afin répondre à cette attente, la firme se doit de lui donner une bonne image grâce à la qualité de ses résultats.

Et comme l’objectif de ces mécanismes consiste à faire prendre conscience les dirigeants des conduites qu’ils doivent adopter vis-à-vis des actionnaires et des responsabilités qui les attendent, le shareholder governance prend alors toute son ampleur à travers le temps et les pays du monde entier. Le principe de la gouvernance d’entreprise actionnariale se trouve adopté par différents pays traversant même les frontières des Etats-Unis. Aux Etats-Unis, par exemple, c’était le Corporate Governance Principles (1993) qui a le plus marqué en mettant en œuvre le processus. Par ailleurs, c’est suite aux préoccupations de divergence entre les actionnaires et dirigeants, que la France s’applique à travers les rapports « Viénot 1 » en 1995, « Viénot 2 » en 1999, puis le rapport « Bouton » en 2002. Le modèle va ensuite prendre son élan dans tout le reste du monde, notamment en Europe.

Cependant, nous estimons important de mettre en évidence les droits des actionnaires dans l’entreprise. En effet, bien connaître le droit des actionnaires permet de comprendre l’étendu de leur pouvoir.

 

Les droits des actionnaires est en rapport aux dispositifs structurels  qui définissent la relation entre les actionnaires et les directeurs. Le conseil d’administration se charge donc d’éclaircir ces droits des actionnaires qui sont notamment :

 

  • Le droit de voter aux assemblées générales : fait partie du droit fondamental de l’actionnaire. Lors des assemblées générales, l’actionnaire est en droit de participer à tous les votes qui sont en rapport avec les réunions de tous les actionnaires d’une société anonyme, cotée ou non, l’Assemblée Générale Ordinaire (AGO) ou de l’Assemblée Générale Extraordinaire (AGE).

 

  • Le droit de percevoir des dividendes : comme l’actionnaire est copropriétaire, il bénéficie de la distribution des profits et du droit au dividende. Par définition, le dividende est une part du profit de la société pour l’actionnaire. Il revient à l’Assemblée Générale ordinaire de définir si ce bénéfice sera versé à l’actionnaire en espèce ou sous forme d’actions.

 

  • Le droit à l’information : les actionnaires sont en droit d’être informés des événements se passant autour des variations de la cour de bourse mais aussi de d’être mis au courant par l’entreprise des différents dossiers en cours. Ce communiqué adressé aux actionnaires peut être à titre préalable, impliquant que l’entreprise doit les remettre les dossiers 15 jours avant l’Assemblée Générale ordinaire. Mais il peut également être à titre permanent, ce qui signifie que l’actionnaire se doit de procurer les documents des 3 derniers exercices de l’entreprise au siège social

 

  • Le droit sur l’actif net : étant copropriétaire, l’actionnaire possède est en droit de posséder une part de l’actif net. L’actif net est la valeur comptable de l’ensemble des biens, hors mis les dettes, que possède une société.

 

  • Le droit préférentiel de souscription : ce droit privilégie les actionnaires de pouvoir participer à l’émission de titres lors d’une augmentation de capital. Cette augmentation du capital renforce les moyens financiers de l’entreprise, augmentant ainsi ses fonds propres tout en réduisant le taux d’endettement. Toutefois, bien que ce droit fasse partie des droits prioritaires de l’actionnaire, lors des AGE, l’entreprise peut leur demander de renoncer à ce droit préférentiel de souscription.

 

  • Le droit d’attribution : quelquefois, une distribution d’actions gratuites se fait au sein de l’entreprise. Les actionnaires ont donc le droit peut recevoir une partie des titres émis une fois que des réserves sont versées au capital.

 

  • La cession des droits : la cession de droit en question fait référence au droit de vente des souscriptions des actionnaires sur le marché. Et dans la mesure où de nouvelles actions sont cédées, le principe de cession stipule que les droits rompus sont soit non négociables, car le montant des actions reviennent de droit aux titulaires des droits ; soit négociables en Bourse puisque dans ce cas, la cession des droits permet aux actionnaires qui n’ont pas les titres nécessaires pour bénéficier de l’attribution, d’acheter ou de vendre le complément ou l’excédent par rapport aux quotités.  Les quotités sont donc la quantité minimum ou multiple, de titres que l’on peut négocier en Bourse.

 

 

Ainsi, dans ce cadre, nous comprenons bien que les actionnaires sont réellement les titulaires des actions et les managers, les dirigeants qui ont pour tâches de faire fonctionner l’entreprise. Et comme ces actionnaires sont des personnes physiques ou morales, ils sont donc restitués aux actions, à la propriété des titres. Par rapport à ces droits des actions, les actionnaires doivent entretenir une relation fondée sur l’égalité puisque nous pouvons distinguer plusieurs types d’actions impliquant les actionnaires majoritaires, les actionnaires de contrôle, les actionnaires minoritaires, mais aussi les « petits porteurs » et les « actionnaires institutionnels ».

 

  1. La théorie de l’agence au service de la suprématie actionnariale

 

Dès lors que nous avons évoqué le problème relationnel qui persiste entre l’actionnaire et le dirigeant, une dissociation entre la propriété et le contrôle de la firme se fait nécessairement sentir. Comme nous l’avons vu plus haut, ce changement est dû au virement du capitalisme familial vers le capitalisme managérial. Les managers prennent le pouvoir dans la mesure où les besoins sur le plan technique se fait sentir.  C’est cette dissociation entre les deux pouvoirs qui marque la théorie de l’agence et qui sera d’ailleurs sa base.

 

Jensen et Meckling, en 1976, ont défini le courant de la théorie de l’agence sous le nom du dilemme de l’agence. Le contexte est tracé autour d’une condition d’information conflictuelle entre un « principal » et un « agent ». Dans la pratique, c’est le principal donc qui engage l’agent à réaliser les différentes tâches de la firme, impliquant logiquement la délégation de pouvoir à ce dernier. D’où la source du conflit car la théorie de base de ce courant repose notamment sur le désaccord entre les deux acteurs. D’un côté, l’actionnaire cherche à rentabiliser son capital, et de l’autre côté, l’agent cherche à en tirer le maximum de bénéfice à travers le capital du principal. Selon la théorie : « la multiplicité des agents participant à la vie de l’organisation, et l’asymétrie d’information qui caractérise leurs relations, impliquent l’apparition de conflits d’intérêts, de divergences de vues et d’actions, les dirigeants n’agissant pas toujours conformément aux intérêts des actionnaires dans la mesure où ils possèdent une fonction d’utilité différente » (Ross 1973).

 

Dans ce cadre, la théorie de l’agence tente donc de mettre en lumière le problème de divergence d’intérêt qui existe entre les dirigeants et les actionnaires en mettant en œuvre un processus assez complexe nécessitant la création d’un équilibre, un juste milieu pour les deux acteurs. Pour ce faire, le mécanisme incitatif doit être de mise pour préciser l’existence de primes et de sanctions impliquant de ce fait la théorie des organisations. Mais dans la mise en œuvre de cette théorie de l’agence, les coûts d’agence sont obligatoirement de la partie. En effet, ces coûts font partie des coûts supplémentaires que requiert la théorie.  Nous avons entre autres :

 

  • Les coûts de surveillance : qui sont en rapport aux rémunérations des mandataires (dirigeants) nécessitant l’audit. Les coûts de l’audit sont à la charge de l’actionnaire, ce qui lui permet de faire un œil sur ses intérêts et le bon déroulement des activités de l’entreprise.

 

  • Les coûts d’obligation ou coûts d’engagement : concernent les rapports annuels des dirigeants où ils pourront garantir leur engagement et obligation auprès des actionnaires. Les coûts d’obligation sont à la charge des dirigeants.

 

  • Les coûts résiduels : à la charge des actionnaires, c’est plutôt une stratégie qui n’est rentable mais qui met le point sur les pertes d’utilité subie par le mandat suite à une divergence d’intérêt avec le dirigeant.

 

Bref, la théorie de l’agence est ainsi un courant qui a pour rôle de « définir un exercice du   pouvoir qui ne soit pas le fait des propriétaires, tout en maintenant la nécessité d’une    propriété privée des moyens de production » (Gomez, 2003). Elle fait plutôt référence à une relation de principal à agent ; donc à une relation d’agence où c’est un « un contrat par lequel une ou plusieurs personnes, le principal, engage une autre personne, l’agent, pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision » (Jensen et Meckling, 1976).

De ce fait, la théorie de l’agence peut être qualifiée d’incontournable puisque c’est elle qui a construit le modèle de gouvernance que nous connaissons aujourd’hui.

 

Cependant, la théorie de l’agence se trouve être au service de la suprématie actionnariale car selon cette théorie, l’actionnaire est au centre des décisions. Il a le pouvoir d’approuver les décisions des dirigeants et dans la foulée, de vérifier si l’agent respecte bien le contrat qu’ils ont ensemble signé. Pourquoi donc le terme suprématie actionnarial ? Suite à l’importance du rôle de l’actionnaire dans la firme, il est évident que ce dernier exerce un « contre pouvoir », signifiant qu’il a le contrôle sur les dirigeants et a le pouvoir d’éviter le rôle arbitraire des dirigeants. Cette suprématie se confirme encore davantage quand les actionnaires prennent le relai. Cette prise de pouvoir est marquée par la massification des actionnaires et la venue des investisseurs institutionnels d’où la création des groupes institutionnels. Une relation de propriété fait donc son apparition. Et le rôle des actionnaires s’intensifie étant donné que les entreprises de groupe tiennent à faire la distinction entre la maison mère et la filiale. Par définition, la filiale est une entreprise possédée à plus de 50 % par une autre entreprise, qui est la maison mère. La maison mère est en droit d’intégrer leurs actionnaires mais peuvent aussi laisser toute son autonomie à sa filiale. Cette pratique selon laquelle l’implication de la société mère est bien définie est le continuum de la gouvernance

 

Une fois de plus, nous pouvons constater la domination de l’actionnaire dans ces sociétés de groupe vu qu’ils ont le contrôle sur leur engagement ou non à donner l’autonomie à ses filiales. Dans les deux cas, la théorie de l’agence est toujours au service de la prédominance des actionnaires. Mais la montée des sociétés de groupes a renforcé le clou et comme le dit Peyrelevade (1998) : « Tous les praticiens le savent, le petit actionnaire n’a jamais eu aucun pouvoir. Il détient en effet un papier qui n’est pas source de pouvoir mais d’argent (…) ».

En effet, les actionnaires dans ce sens, n’ont pas une conception préétablie concernant leur pouvoir. Ils peuvent se permettre des déplacements sur le dit continuum tout en distribuant stratégiquement le pouvoir aux entités.

 

  1. Les enjeux de la création de valeur actionnariale

 

Dans le contexte économique actuel, la création de valeur actionnariale est un processus qui tend à se généraliser ce, dû à la modification du modèle managérial. La création de valeur est un indicateur de performance qui mesure le lien entre la performance non financière d’une organisation et son évaluation sur les marchés. L’exigence de l’actionnaire dans la création de valeur est de plus en plus importante de nos jours étant donné qu’il cherche à maximiser le patrimoine de ses propriétaires. C’est ainsi que les enjeux de la création de valeur actionnariale se font sentir puisque les évolutions macro-économiques impliquent la prise en compte du coût des ressources financières.

 

Il faut dans un premier temps comprendre que pour créer de la valeur, le capital requiert un coût. Donc si l’entreprise n’a pas un rendement supérieur au coût des ressources, elle se doit de rembourser l’actionnaire. Cela explique le fait que la création de valeur reste uniquement au profit des actionnaires et non à l’ensemble des actionnaires et des créanciers. Les enjeux de la création de valeur sont donc énormes car elle apparaît comme étant un impératif catégorique pour l’entreprise et un facteur clé pour justifier les décisions majeures. Dans le modèle shareholder, qui privilégie la création de valeur actionnariale, l’enjeu réside dans la maximisation du cours boursier des titres que possèdent les actionnaires. Actionnaires, investisseurs financiers et dirigeants ont de ce fait les mêmes intérêts.

Mais en se référant à l’histoire, nous pourrions mieux comprendre les enjeux de la création de valeur. A l’origine, la création de valeur par l’entreprise a été crée afin d’obtenir une meilleure rentabilité sur les capitaux investis dans des activités supérieures au coût des ressources mobilisées pour les financer. Le bénéfice tiré à partir de cette rente économique est destiné aux actionnaires, d’où la création de valeur actionnarial. Le principe de création de valeur actionnariale repose ainsi, sur la théorie la théorie du choix d’investissement. La massification actionnariale marque donc le passage de la conception traditionnelle vers la conception de la performance. La mondialisation des marchés financiers est alors la base de tout l’intérêt de cette création de valeur car effectivement, les actionnaires peuvent exercer une contrainte économique sur l’entreprise en l’obligeant à rémunérer les capitaux propres.

 

Par ailleurs, les enjeux de la création de valeur reposent également sur l’information financière. Il est vraie que de nos jours aucune obligation légale ou règlementaire ne contraint les entreprises à faire une communication particulière sur la valeur actionnarial créée par les émetteurs. Toutefois, le fait de communiquer ces informations financières représente un grand avantage pour l’entreprise car l’enjeu de la communication de valeur est d’avoir une attitude réactive. En effet, l’avantage d’une bonne réactivité renforce la crédibilité du management, la capacité du manager à attirer des investisseurs à long terme, un meilleur suivi du titre par les analystes, une plus grande facilité d’accès aux marchés des capitaux et enfin un meilleur     cours de bourse.

 

Ainsi, la création de valeur actionnariale est une activité qui se veut d’avoir un gouvernement d’entreprise transparent et efficient. Et bien que l’objectif de la création de valeur actionnariale réside dans la maximisation du patrimoine des actionnaires, les intérêts des deux acteurs (actionnaire et dirigeant) s’alignent inévitablement car les préoccupations des dirigeants sont aussi la recherche des intérêts des actionnaires. C’est pour cette raison que la communication entre les deux acteurs est très importante et que les actionnaires doivent impérativement être informés sur la création de valeur de l’entreprise.

 

En outre, les enjeux de la création de valeur actionnariale peuvent aussi tenir de la possibilité d’un « actionnariat détaché ». Cet aspect qu’est l’actionnariat détaché provient de la forme juridique des sociétés par actions. Par définition, un actionnaire est détaché de l’entreprise si ce dernier ne porte aucun intérêt sur le sort de ses actions. L’objectif de l’actionnaire dans ce cas précis consiste à optimiser son profit en apportant un soutien financier à des activités humains. Cette forme d’actionnariat est utile à la création de valeur car en effet, tout l’intérêt se trouve dans l’intérêt d’un enrichissement ; alors que bien souvent ces apports financiers ne sont que des excuses, une politique commerciale pour prospérer. Ainsi, le principe de la société par action qui est de soutenir des œuvres sociales, repose au fait sur la création de valeur, d’un intérêt financier.

 

Par conséquent, les enjeux de la création de valeur renferment l’importance du rôle de l’actionnaire dans les systèmes économiques et sociaux actuels.

 

Section 2 : La Stakeholder governance ou gouvernance d’entreprise partenariale

 

  1. Définitions de la gouvernance d’entreprise partenariale

 

Tout au long de la partie précédente, nous avons évoqué un premier type de gouvernance d‘entreprise que représente le modèle shareholder. Dans cette partie, ce sera la deuxième approche théorique basée sur « la valeur partenariale » que nous allons mette en évidence. C’est le modèle stakeholders ou encore le modèle de la nouvelle gouvernance. Contrairement au modèle shareholder qui se base sur les théories anglo-saxonnes, cette approche est plutôt d’origine européenne. Ce sont notamment les français Charreaux et Desbriere qui ont décidé de  lancer ce concept. La théorie en question laisse place à un mécanisme institutionnel accordant plus d’importance aux différentes relations des stakeholders. Dans la littérature, elle fait référence à une « logique interne » de régulation, donc à une gouvernance de type partenarial.

 

En 1984, Freeman définit que les stakeholders correspondent à tout groupe ou individu qui   peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’entreprise. C’est la gouvernance d’entreprise partenariale. Les parties prenantes que nous venons d’évoquer sont entre autres les actionnaires minoritaires et les blocs de contrôle dont les clients, les salariés, les créanciers et les fournisseurs. Selon Mercier (1999) les parties prenantes représentent tous les agents qui contribuent au bon développement et à la bonne santé de l’entreprise. Ils représentent donc des enjeux importants pour l’entreprise. En gros, les stakeholders sont les parties prenantes de l’entreprise. Cependant, le concept de stakeholder est assez complexe étant donné que plusieurs auteurs ont essayé de faire le point sur le sujet. Voici donc quelques définitions que nous avons estimé adéquates à la théorie des parties prenantes.

 

En 1998, Culpin distingue trois sortes de parties prenantes :

 

  • Parties prenantes institutionnelles : résultant de la législation, de la réglementation, des organismes inter-organisationnels ou des organismes professionnels propres à un secteur d’activité
  • Parties prenantes économiques : rassemblent les divers acteurs évoluant sur les marchés de l’entreprise ;

–    Parties prenantes éthiques : rassemblent les organismes de pressions éthiques.

 

En 2002, Friedman et Miles distinguent quatre types de parties prenantes. Pour cela, il a étudié les relations entre l’entreprise et les parties prenantes, comme quoi leurs intérêts sont compatibles, nécessaires ou encore contingents à ceux de l’entreprise. Ce concept de stakeholder est notamment définit par les relations :

 

  • Relations nécessaires et compatibles : relations entre dirigeants et actionnaires
  • Relations nécessaires mais incompatibles : relations qui font référence aux salariés, syndicats, gouvernement, clients, fournisseurs, prêteurs, organisations.
  • Relations contingentes et compatibles : relations qui concernent le public en général ainsi que les organisations liées dans des associations communes
  • Relations contingentes mais incompatibles : ce sont les organisations non gouvernementales (ONG).

 

Enfin, en 2002 toujours, Pesqueux distingue deux types de parties prenantes :

 

Les parties prenantes contractuelles : ce sont les acteurs en relation directe et déterminée contractuellement à savoir les actionnaires et investisseurs, les salariés, clients, et fournisseurs.

 

–  Les parties prenantes « diffuses » : ce sont les acteurs contingents à l’entreprise mais qui peuvent affecter ou être affectés par celle-ci sans pour autant se trouver en lien contractuel (organismes publics, collectivités locales, ONG, associations, opinion publique).

 

Parmi toutes ces définitions, il nous serait difficile d’en retenir une, car les une comme les autres rassemblent la notion de stakeholder. Cependant, la théorie se fonde sur la base de deux postulats. Le premier postulat met en lumière que « l’organisation a des relations avec différents groupes qui affectent ou qui sont affectés par les objectifs de l’entreprise » (Freeman, 1984). Et le deuxième explique que « les intérêts des parties prenantes ont une valeur intrinsèque et aucun intérêt n’est censé dominer les autres » (Clarkson, 1995 ; Donaldson et Preston, 1995).

Bref, les définitions de la gouvernance d’entreprise partenariale sont multiples et difficiles à cerner. Malgré cela, l’approche théorique sur les parties prenantes nous donne un modèle du concept. Un modèle de responsabilité de l’organisation au travers de ses relations avec les parties prenantes. Nous avons également une autre approche, empirique, selon laquelle la théorie des parties prenantes se concentre sur les intérêts de l’entreprise. De ce fait, l’efficacité de la gouvernance d’entreprise partenariale repose sur la recherche d’un terrain d’entent entre les parties prenantes mais aussi sur l’assouplissement des divers coûts à l’intérieur même de l’organisation.

 

  1. La crise du modèle boursier et actionnarial de gouvernance d’entreprise

 

Tel que nous l’avons expliqué supra, la gouvernance, dite classique, qui privilégie le modèle de  la valeur actionnariale s’appuie sur la théorie de l’agence. Cette théorie donne une vision contractuelle de l’entreprise et cherche à réduire les coûts causés par les conflits. La valeur actionnariale se réfère donc à un ensemble de relation entre les dirigeants des entreprises cotées en Bourse, les conseils d’administration et les marchés boursiers où interviennent les actionnaires (Fligstein, 2001). Cependant, la gouvernance classique destinée à servir la création de valeur actionnariale présente des limites. En effet, le modèle actionnarial rencontre quelques difficultés. Il est souvent remis en cause en raison de multiples scandales financiers (Enron Ahold, Worldcom,…).

 

  1. L’affaire Enron

 

Durant les vingt dernières années, l’affaire Enron est au cœur des discussions. C’est un des plus grands scandales financiers qu’ont connu les Etats-Unis et le monde. Ce sont notamment la mondialisation des marchés et la montée en puissance de l’économie qui sont à la base des problèmes de la société Enron.

 

Enron est une société américaine d’oléoduc qui se trouve au Texas. Avec le développement économique, la donne de l’économie de service change en provoquant des transferts de ressources du secteur primaire vers le secteur secondaire et les services. Ainsi, sous cette « nouvelle économie », Enron a adopté une toute nouvelle forme de service étant donné que ces transferts de ressources représentent près de trois quart du PIB. Comme toutes entreprises, Euron tente d’obtenir des gains de productivité en misant sur la réorganisation du marché de l’énergie. La société avait pour objectif de se spécialiser dans la relation de l’offre et de la demande à la vue de la montée en masse des centres de commercialisation énergétique. Mais c’est justement l’adoption de cette nouvelle forme de service qui à causée la perte de la société. Voyons donc en détail le déroulement de l’affaire.

 

Dans un premier lieu faisons tout d’abord un petit retour en arrière afin de bien comprendre la signification de la faillite d’Enron. Les accusations à l’encontre de la société pourront donc se comprendre à travers premièrement l’analyse du contexte de développement historique de l’économie capitaliste. En réalité, les problèmes économiques ne datent pas que de nos jours. Ils ont commencé peu de temps après la seconde guerre mondiale. Malgré l’accumulation croissante du capital, la croissance des profits, et une augmentation générale des niveaux de vie dans les principaux pays capitalistes de cette époque, les taux de profit des années 70 ne dépassent même pas la moitié escomptée de la période précédente. S’ajoute à cela les niveaux de vie de la population qui a nettement baissé étant la hausse du taux de chômage.

Et tout au long de l’histoire, le cycle économique a fonctionné ainsi, plus particulièrement aux Etats-Unis où l’expansion économique a vu la montée d’Enron et bien d’autres entreprises. Bien que cette expansion économique ait pris son élan, le taux de croissance annuel de l’économie américaine au cours de la même période n’a été que de 3,1 %. Les taux de croissance des périodes qui ont suivi connaissent à peu près le même topo. Mais c’est au cours des années 90, caractérisées par l’arrivée en masse de l’informatique que les grands changements s’opèrent. Toutes les périodes économiques qui ont précédé cette vague de changement ont été définies par une relative stabilité des processus de production, alors que celle de la dernière décennie a été caractérisée par de vastes changements dans les processus de production.

 

C’est entre autres cette dernière période qui marque l’histoire de la société. Enron est une société d’oléoduc fondée par Kenneth Lay, en 1985 et rejoint par la suite par Jeffrey Skilling. Sa croissance connait son apogée quand elle a été déclaré nouveau modèle d’entreprise, avec une valeur boursière qui ne cesse de croître, soit de 90% en un an. Enron est devenue en termes de capitalisation boursière la septième entreprise US. Avec la montée de la « nouvelle économie », les dirigeants d’Enron ont ainsi voulu innové leur forme de service étant donné que la société tient la réputation d’entreprise la plus innovatrice. Au tout début, Enron était une société distributeur de gaz. Avec la montée de la « nouvelle économie », les dirigeants d’Enron ont ainsi voulu innové leur forme de service étant donné que la société tient la réputation d’entreprise la plus innovatrice. Dans l’immédiat, les affaires marchent bien, les revenus montent en flèche et la bourse connait une flambe des actions. Bref, tout va pour le mieux, actionnaires, dirigeants et simples salariés y trouvent son compte.

 

Mais en réalité, cette euphorie sera de courte durée car la vérité est que le modèle économique de l’entreprise se basait sur un leurre. Les dirigeants ont dissimulé le fait qu’ils ont supprimé les contrôles publics et ont gonflé artificiellement ses profits tout en masquant ses déficits en utilisant une multitude de sociétés écrans et en falsifiant ses comptes. Et quand l’affaire éclate au grand jour, elle a surpris plus d’un. En effet, Enron fait immédiatement faillite en mettant 20 000 personnes au chômage perdant tout leur droit de retraite car les centaines de millions de dollars destinés aux fonds de pension ont également disparu avec la société. L’affaire prend donc toute son ampleur puisqu’un procès s’en survire. Toute une liste de scandales est alors dévoilée comme le fait que les actions sont vidées de toute substance ou encore que les salariés sont ruinés. Mais tandis que plus rien ne reste, le patron d’Enron, Kenneth Lay, a toujours les 205 millions de dollars qu’il a encaissés grâce à ses stock-options.

Les américains se sentent scandalisés par l’affaire et se mettent à douter de l’honnêteté des dirigeants des grandes entreprises. C’est pour cette raison que de nouvelles lois et règles comptables (la loi Sarbanes Oxley et les règles comptables IAS IFRS) sont désormais de vigueur afin de mieux encadrer les dirigeants ainsi que les audits, mais afin d’assurer une meilleure transparence des comptes.

 

Certes, l’affaire Enron ne peut pas être qualifiée d’action planifiée, frauduleuse ou corrompue, ce n’est qu’un aperçu  de la défaillance institutionnel économique de la gouvernance d’entreprise actionnariale. En effet, c’est la crise du système de profit  qui touche tout l’environnement économique dans lequel ils évoluent qui ont amené et amèneront les dirigeants à faire des actes de plus en plus douteux. Douglas North  définit, d’ailleurs, les institutions comme des « règles ou normes qu’une société s’est données et qu’elle observe ». Dans le contexte, l’affaire Enron n’est donc pas le fruit d’une situation exceptionnelle, elle reflète le résultat de la crise de l’économie capitaliste dans son ensemble. Le désir de faire du profit privé, de production de richesses se trouve être à la base même de l’économie capitaliste, à tel point que ce désir a conduit à la fraude et au mensonge.

 

Ainsi, rien ne garantie, dans le contexte institutionnel américain, qu’un contrôle des cadres dirigeants peut être établi.  Effectivement, le problème du contrôle des dirigeants ne pourra être établi que lorsque la société dans son ensemble et ses membres seront en mesure de déterminer démocratiquement comment la société doit être gérée et développée. Ce problème fait souvent l’objet de critique aux Etats-Unis car l’actionnariat se trouve être très dispersé.  Les dirigeants sont de ce fait, sont libres dans leur action ; pourtant c’est ce système qui est à l’origine des crises de gouvernement d’entreprise aux US. Notamment c’est ce qui a été la cause de l’effondrement d’Enron.

 

  1. La crise des Subprimes et la titrisation des créances douteuses

 

Une autre crise ramène également à remettre en question le modèle actionnarial américain. C’est la crise des Subprimes et la titrisation des créances douteuses. Cette crise des subprimes est même devenue une crise financière mondiale touchant le reste du monde.

 

La crise a éclaté en 2007, au moment où le marché immobilier américain s’est effondré subitement, alors qu’il connaissait un accroissement constant depuis plusieurs années. Elle touche les marchés financiers mondiaux, donc principalement le système bancaire et financier. La crise immobilière aux Etats-Unis en est ainsi la source. Le système bancaire et financier américain accorde aux ménages des crédits énormes pour l’acquisition de leur logement. Par conséquent, en contrepartie des crédits, ils mettent leur bien immobilier en gage. C’est le système de subprimes. Pourtant, le phénomène fait poser quelques questions en ce qui concerne différents points : qu’en est-il des avantages et des inconvénients des procédures de titrisation, du rôle des innovations financières dans le transfert des risques, du contrôle interne des risques et l’organisation même des systèmes de contrôle prudentiel et de supervision bancaire ainsi que du dispositif général de régulation bancaire et financière…

Qu’entend-on dans ce cas par « subprimes » ?

Plusieurs ménages américains décident de prendre le risque de s’endetter alors que la plupart ont des difficultés à rembourser leur crédit. Leurs biens immobiliers sont donc obligatoirement mis en vente afin d’honorer le contrat. Or cette situation  entraîne irrévocablement l’effondrement de la valeur de ces biens. Cette perte de valeur est un manque à gagner pour tout un ensemble d’acteurs. Ce système est celui des  « subprimes ». Par définition donc, les subprimes sont des crédits faciles destinés aux foyers modestes qui souhaitent devenir propriétaires.

 

Ce sont des crédits moyennant des prêts à surprime ou encore « subprimes » (leur taux variable peut atteindre 18 % au bout de 3 ans). Et plus la maison a de la valeur, plus le taux est bas ; vice-versa, plus la maison perd de la valeur, plus le taux d’intérêt est haut.
C’est cette perte de valeur qui a provoqué l’effondrement du marché immobilier américain car les ménages n’ont plus les moyens de rembourser leur prêt et ce, à cause de la baisse de leur pouvoir d’achat et la hausse du taux d’intérêt des valeurs immobilières. Le phénomène contraint alors les banques à vendre leurs actions ce qui provoque aussi la chute des valeurs sur les marchés financiers.

 

La crise des subprimes renvoi également à la remise en question des avantages et des inconvénients des procédures de titrisation. En effet, la crise conduit les établissements financiers à opter pour des actions plutôt suspicieuses. Le système des subprimes en crise, les responsables financiers avaient le pouvoir de transformer les créances de leur bilan en des titres vendus sur les marchés financiers. Ces titres sont achetés à très bon pris par les investisseurs, offrant ainsi aux établissements financiers un beau bénéfice. C’est la titrisation des créances douteuses.

 

Mais si le phénomène des subprimes est parvenu à infecter le marché financier, c’est parce qu’il a surtout réussi à s’emparer des plusieurs autres titres et à percer le système dont les Mortgage Backed Securities. Les titres en question sont ceux du CDO ou Collateralised Debt Obligations qui ont été le terrain d’une titrisation de créances douteuses.

La crise des subprimes a engendré la titrisation des créances douteuses à travers les MBS et le CDO. Cette titrisation est la cause des difficultés dans le calcul du prix des produits financiers provoquant ainsi une perte de confiance généralisée dans le monde de la finance. Cette perte de confiance se manifeste à travers la méfiance entre les banques, la hausse du journalier interbancaire, la baisse du volume des emprunts entre banques pour provoquer finalement un manque de liquidité. Donc, plusieurs banques vont devoir faire appel à des fonds propres supplémentaires car ce manque de liquidité est très problématique.

 

 

 

  1. 3. La généralisation et l’extension de la théorie de l’agence aux autres parties prenantes (salariés, créanciers, investisseurs, fournisseurs…)

 

Etant donné les limites de la théorie de l’agence, le concept de valeur partenarial a été préféré à celui de la valeur actionnariale. En effet, la théorie de l’agence est source de plusieurs problèmes, notamment en ce qui concerne les asymétries d’information et les coûts de contrôle requis pour installer une certaine bonne gouvernance. Selon les auteurs qui proposé cette nouvelle alternative, à savoir Charreaux et Desbrières (1998), la valeur actionnariale est réductrice car les décisions de l’entreprise produisent des effets pour l’ensemble   des   parties   prenantes : les stakeholders ou partenaires (créanciers, fournisseurs, salariés, sous-traitants,   pouvoirs publics).

 

Néanmoins, la théorie de l’agence n’a pas été effacée de la notion de gouvernance car dans une commune mesure, c’est elle qui façonne le cadre d’analyse sur la gouvernance d’aujourd’hui. La théorie a donc juste connue une extension dans son champ d’action d’où le concept des parties prenantes. D’ailleurs, la théorie de la firme de Hill et Jones évoque cet élargissement du cadre traditionnel en parlant d’une théorie de l’agence généralisée. Selon Hill et Jones, l’élargissement de la théorie concerne tous les stakeholders, l’équilibre des mécanismes du marché et l’évolution même de la notion de coût d’agences.

Pour mieux comprendre cette extension de la théorie, les auteurs expliquent que le modèle de la valeur actionnariale est un modèle qui ne privilégie qu’un seul acteur ; c’est-à-dire l’actionnaire. L’intérêt des autres acteurs ne sont pris en compte alors que ces créanciers, fournisseurs, salariés, sous-traitants ou encore pouvoirs publics ont de réels atouts pour contribuer au développement de l’entreprise. Ce modèle de la gouvernance traditionnelle se concentre essentiellement sur la relation actionnaires et dirigeants, ce rend complexe le processus de création de valeur.

 

C’est pour cette raison que Charreaux et Desbrières se sont vus d’ouvrir la porte à d’autres horizons tout en se basant sur les principes de la théorie de l’agence. Cette nouvelle perspective prend en compte l’ensemble des parties prenantes, donc les salariés, et tend à s’élargir vers la création de valeur partenariale.

Dans ce cadre, la théorie des parties prenantes part d’une conception beaucoup plus large et se traduit suivant certaines approches. D’un côté, elle porte tout son intérêt pour une approche normative mettant en valeur le modèle de responsabilité social de l’organisation. Et d’un autre côté, la théorie peut également se traduire par une approche empirique qui s’intéresse sur les intérêts de l’organisation ainsi que sur les efforts celle-ci doit répartir entre les parties prenantes selon leur importance (Damak Ayadi, 2003). Ces deux approches de la théorie des parties prenantes sont toutes deux intéressantes et essentielles pour la mise en œuvre d’une stratégie de développement qui soit durable pour l’entreprisse.

 

Ce virement vers les parties prenantes s’élargie donc aux différents partenaires, vers le concept de Stakeholder. Et selon Martinet et Reynaud (2001), « l’entreprise est considérée       comme une diversité d’intérêts coopératifs et compétitifs. Elle évolue dans l’ère des réseaux qui augmentent les interactions, les accélèrent et font disparaître les frontières entre   l’entreprise et les acteurs environnants.

 

 

 

 

 

  1. Les enjeux de la création de valeur partenariale

 

La gouvernance traditionnelle dont l’objectif principal est de créer de la valeur actionnariale accuse certaines limites. Elle est fondée sur la théorie de l’agence qui met en avant  la relation binaire « actionnaires-dirigeants ». La maximisation de la shareholder value à court terme s’opère le plus souvent au détriment des ressources humaines(salariés notamment). La vision réductrice de la performance caractérisant le modèle de création de valeur actionnariale, nous conduit à présenter le modèle de création de valeur partenariale qui se fonde sur la théorie des parties prenantes. Cette conception de la valeur élargie aux différents stakeholders a l’intérêt de mettre en évidence que la création de valeur ne résulte pas seulement de l’apport de capitaux par les actionnaires mais des efforts conjugués de tous les partenaires. Différentes approches de la création de valeur partenariale sont possibles.

 

Contrairement aux enjeux de la création de valeur actionnariale, le système de la valeur partenariale valorise la création de valeur pour l’ensemble des partenaires (stakeholder value). Pour le cas échéant, le principe vise à créer de la richesse entre les différentes ressources humaines et matérielles et ce, grâce aux parties prenantes. Ces parties prenantes sont les clients, les fournisseurs, les employés, les actionnaires, les collectivités territoriales, etc. La performance de l’entreprise sera donc mesurée sous le contrôle de tous les partenaires. Ce processus de création de valeur favorise le développement du capital financier mais aussi celui du capital humain (savoir-faire, compétences, innovation).

La création de valeur partenariale permet de calculer la valeur partenariale créée par différence entre les ventes évaluées au prix d’opportunité et la somme des coûts d’opportunité pour les apporteurs de ressources (Charreaux et Desbrières, 1998). Le grand enjeu de ce principe repose sur la présence d’une asymétrie d’information et d’un rapport de pouvoir favorable à l’entreprise. Notons que le processus de création de valeur partenariale est composé de trois modules : la valeur organisationnelle, la valeur économique ou financière, la valeur sociale. Comme nous l’avons dit plus haut, toutes ces éléments permettent de créer de la valeur pour l’ensemble de l’entreprise.

 

  • La valeur organisationnelle : réside dans la qualité du fonctionnement et du management de l’entreprise. L’enjeu de la création de valeur organisationnelle se construit dans réduction durable des coûts cachés. Par définition, ces coûts cachés sont la traduction économique des dysfonctionnements (écart entre le fonctionnement attendu et le fonctionnement constaté). La capacité à créer de la valeur repose donc sur la compétence organisationnelle de l’ensemble de l’entreprise : gérer et organiser. Cette capacité mise sur le capital organisationnel humain et structurel qui est d’ailleurs, à l’origine de la valeur immatérielle de l’entreprise. Ce capital immatériel est au centre du processus de création de valeur avec notamment comme centre d’intérêt : les finances, les clients, le renouvellement, le développement et les ressources humaines. Cette dernière valeur joue un rôle très important dans la création de valeur organisationnelle car elle est à la base même de la création de valeur partenariale.

 

  • La valeur économique : présente aussi un enjeu de taille dans la création de valeur partenariale car elle peut être appréhendée par la rentabilité. Autrement dit, la création de valeur se fait en fonction du surplus économique ou de la marge économique obtenue par différence entre un revenu et un coût.

 

  • La valeur sociale : elle contribue à la création de valeur partenariale car du point de vue sociale, elle adhère à la satisfaction et la qualité de vie du personnel au travail. Mais elle renvoie aussi à la prise en compte de la responsabilité sociale c’est-à-dire des effets sociaux externes de son activité.

 

Suite à cela, une réflexion sur la viabilité du système partenarial s’avère important car c’est à travers cette viabilité que la valeur partenariale prend tout son effet.   Selon une approche partenariale plus complexe, La viabilité du système est un inducteur pour la création de valeur si l’on tient compte de la perspective normative visant à garantir la viabilité de la coalition.

La firme crée de la richesse si celle-ci arrive à vendre ses produits ou services à des prix supérieurs au coût de revient. Cette approche est la viabilité du système. Coleman en 1991, décrit deux sortes de système contribuant à la création de richesse : la viabilité globale et la viabilité indépendante. L’on parlera de viabilité globale dans la mesure où la rente créée provient de la valeur créée par l’ensemble des stakeholders où elle est supérieure à la somme des coûts. La rente créé provient également des ressources clients et ne sera maintenue qu’au dépend de la concurrence, de produits de substitution et des relations de dépendance des clients (Coleman, 1991). Dans ce cas, nous faisons référence à la viabilité indépendante, qui mise sur un bénéfice moins élevé par rapport aux concurrents, les quasi-rentes.

Pour ce faire, la firme pourrait par exemple instaurer des relations étendues avec les actionnaires, créanciers, salariés, fournisseurs. Dans ce cadre, les dirigeants tiennent parfaitement leur rôle de manager car la rente obtenue dépendra de la valeur créée par leur propre compétence managériale. L’essentiel dans ce principe est de mettre en évidence que la compétence managériale est nettement supérieure à la rémunération des dirigeants.

 

Cet état de fait est envisagé comme étant les possibles origines de la valeur créée. Ainsi, les managers ont pour rôle d’assurer la gestion des valeurs créées dans le but de rentabiliser le capital financier et humain. Donc, dans ce sens, un système de gouvernement doit nécessairement faire pression sur les dirigeants car l’enjeu est de satisfaire l’ensemble des stakeholders en créant et en distribuant des rentes.

 

Par ailleurs, le système doit aussi assurer une viabilité globale et indépendante des stakeholders car c’est ce qui permet d’éviter les crises. Ce système repose ainsi sur un aspect préventif, dont le rôle curatif consiste à faciliter la résolution des situations de crise. Ces crises qui sont notamment issues de l’abandon de certains stakeholders handicapant logiquement la firme des ressources indispensables et des débouchés nécessaires à son activité. Ici encore, les enjeux sont de tailles car pour être efficace le système de gouvernement doit assurément éviter les destructions de valeur ou plus précisément, déterminer les conditions qui permettent de rétablir la viabilité d’une firme au moindre coût.

 

Section 3 : Etude comparée des deux formes de gouvernance

 

Les réflexions et études réalisées autour de la gouvernance d’entreprise ont montré une opposition entre le système anglo-saxon, fonctionnant sous le système du modèle de shareholder, et le système allemand et japonais, qui pratique les stakeholders. En considérant que l’opposition entre les deux formes de système tient de la conception traditionnelle, force est de constater que le dépassement de la forme traditionnelle est bien justifié. Berglöf (1990), Porter (1992 et Allan (1993) traite le sujet en insistant sur l’opposition du mode de financement, celui du marché contre les banques. Donc le système externe contre le système interne. La grande différence entre les deux systèmes se trouve dans la prise en considération des actionnaires ou de l’ensemble des stakeholders ou comme le dit Moerland, les systèmes orientés-marchés et les systèmes orientés-réseaux.

L’étude comparative de ces deux formes de gouvernance fait ainsi ressortir les différents principes qui régissent les systèmes de gouvernement. L’un comme l’autre, nous ne pouvons pas encore affirme lequel des deux s’avère être le plus efficace pour établir la bonne gouvernance au sein de l’entreprise.

La théorie de Berglöf se fonde sur l’analyse des contrats incomplets selon laquelle, les contrats financiers  sont définis relativement aux modalités d’allocation des droits de décision résiduels et non pas comme dans l’approche financière traditionnelle, selon leurs caractéristiques de rentabilité et de risque. Les systèmes orientés-banques comparés aux systèmes orientés-marchés, se caractérisent par la hausse des ratios d’endettement ; la concentration et l’homogénéité des créanciers ; le regroupement des actionnaires, les participations des banques commerciales dans les entreprises ; la stabilité des relations de financement (actions et dettes) ; la baisse des prises de contrôle.

 

Nous avons pu constater que l’étude comparée de ces deux systèmes de gouvernement conduit à dire qu’il existe effectivement des différences significatives mais aussi des évolutions, ce en raison de la mondialisation des marchés financiers.

 

  1. L’essence disciplinaire de l’approche en termes de gouvernement d’entreprise actionnariale : une limite à la création de valeur

 

L’approche sur le gouvernement d’entreprise actionnariale est souvent remise en question. Sans doute à cause de sa définition et champ d’action assez restreints. Certaines réflexions le reproche de ne pas prendre en considération les différentes formes de l’actionnariat, et qu’il se base juste sur un concept idéologique traditionnel, typique des américains. C’est là que se fait logiquement le dépassement entre les deux formes de gouvernance car effectivement, le gouvernement d’entreprise actionnariale a ses limites. Des limites qui se font sentir surtout dans la création de valeur.

 

Par conséquent, la théorie sur la valeur actionnariale est remise en question. Certains auteurs, tels Hansmann (1996) ou encore Jensen (2001), critiquent la « suprématie à la valeur actionnariale » en l’accusant de ne s’intéresser qu’aux objectifs financiers de la firme et du marché. Face à cette limite à la création de valeur, les banques et assurances ont même été critiqués et accusés d’être à la base de l’inefficacité de la gouvernance des entreprises. Rasmusen (1998) et consort déclarent que les banques et les assurances sont source d’insuffisance du contrôle opéré par les sociétaires sur les dirigeants, de pouvoir managérial discrétionnaire, de mauvais emploi de réserves libres, de gaspillage et d’absence d’incitation   à réduire les coûts. La création de valeur reposent sur des méthodes qui traitent implicitement ou explicitement la valeur économique (ou financière). La conception de base de la création de valeur actionnariale se fonde sur le coût et le capital.

Or, le capital établit une relation étroite entre les décisions d’investissement et les décisions de financement. Le coût du capital se définit comme le coût moyen pondéré des ressources mises à la disposition de l’entreprise par les actionnaires et les prêteurs (Hoarau et Teller, 2001). Donc pour ces auteurs, la valeur actionnariale présente un risque pour le bon fonctionnement de l’entreprise étant donné que le modèle actionnarial privilégie largement les actionnaires par rapport aux parties prenantes. La limite à la création de valeur réside donc dans la négligence même du gouvernement d’entreprise actionnarial, de la dimension sociale.

Le modèle shareholder favorise les critères financiers et l’actionnaire, alors que le potentiel humain est l’agent le plus favorable à la création de valeur.

  1. La prise en compte des externalités dans l’approche partenariale : une incitation à la création de valeur pour tous

 

La problématique de la gouvernance d’entreprise nous l’avons vu, est un phénomène qui subsiste depuis bien longtemps. La source des problèmes se trouve toujours dans le partage du pouvoir et de responsabilité dans l’entreprise, la question de gouvernance d’entreprise est donc étroitement liée à la qualité de l’information financière. La gouvernance évoque un dispositif institutionnel et comportemental, plaçant les dirigeants de l’entreprise au cœur même de ce dispositif. Suite à une négligence du gouvernement d’entreprise actionnariale sur le plan de la dimension sociale dans le processus de création de valeur, la prise en compte des externalités dans l’ensemble des parties prenantes se présente comme une autre alternative pointant sur la création de valeur partenariale. Cette approche partenariale prime sur les mécanismes institutionnels en privilégiant les différents stakeholders. Dans la littérature, elle fait référence à une « logique interne » de régulation, qui se base sur les « réseaux ».

La gouvernance partenariale se base, de ce fait, sur les relations qu’entretiennent mutuellement les parties prenantes et sur la discrétion des coûts au sein de l’organisation. Toute son efficacité dépend de ces mécanismes conduisant logiquement à une incitation à la création de valeur, le pouvoir entre les parties prenantes étant bien répartie. Comment alors se traduit cette incitation à la création de valeur ?

 

La gouvernance de type partenariale repose sur le principe d’actionnariat concentré et de participation croisée. Le marché boursier tient un rôle beaucoup plus modéré qui s’avère être important dans le financement des banques, dans la réduction de l’asymétrie d’information et des coûts de contrôle. Mais la répartition des pouvoirs ainsi que les procédures de contrôle favorisent également cette incitation à la création de valeur. Effectivement, l’approche partenariale mise sur la co-gestion ; le contrôle à plus long terme; le cadre juridique ; les instances de  contrôle ; les réseaux d’administrateurs. Ce principe est un mécanisme d’incitation pour tous car cette approche facilite la création de valeur. L’incitation à la création de valeur est donc définit par des mécanismes de rémunération, des avantages octroyés aux stakeholders et par une incitation collective suite la participation de prise de décision.

Par ailleurs, comme la valeur partenariale est devenue une alternative, nous comprenons désormais que les stakeholders permettent de déterminer les mécanismes de création de valeur. Ainsi, l’incitation à la création de valeur s’explique aussi par le fait que celle-ci ne résulte pas seulement de l’apport de capitaux par les actionnaires mais des efforts conjugués de tous les partenaires.

 

 

 

Troisième partie : Approche pratique de la gouvernance comme processus de création de valeur

 

Section 1 : La création de valeur actionnariale

 

Dans le cadre d’un système de gouvernement qui met en évidence les structures, procédures et comportements des entreprises, la question de création de valeur suscite tout l’intérêt des chercheurs car elle englobe tous les domaines des sciences de gestion à savoir : comptabilité et contrôle de gestion, finance d’entreprise, gestion des ressources humaines, marketing, management stratégique et organisationnel. Sur le plan pratique, le thème de création de valeur est donc devenu le centre d’intérêt des dirigeants des grandes entreprises. En effet, dans le contexte économique actuel, la problématique est de connaître quel est le processus organisationnel le plus favorable à la création de valeur ; et pour qui crée-t-on ces valeurs.

Dans la gouvernance d’entreprise actionnariale, il est clair que la valeur dont on parle est la valeur financière pour l’actionnaire. Cette approche pratique appuie à la fois le processus de création de valeur et l’appropriation de la valeur créée.

La question qui se pose est alors : la gouvernance d’entreprise actionnariale est-elle le processus favorable à la création de valeur ?

 

  1. Un mécanisme incitatif : l’attribution d’options d’achat d’actions ou « stock-options » aux actionnaires et dirigeants

 

Les plans d’options sur actions est au cœur du questionnement actuel sur la gouvernance d’entreprise. Le renforcement des règles qui régissent la gouvernance d’entreprise est du à la recherche de performance et de mise en œuvre du processus de création de valeur mais aussi au rôle des mécanismes d’incitation alignant à ce sens. Voyons un premier le mode de fonctionnement des stock-options pour ensuite faire une analyse critique sur le développement de la pratique optionnelle.

 

Les indications à la création de valeur sont de plus en plus utilisées dans la communication financière. Il y a donc création de valeur actionnariale quand le rendement des capitaux investis est supérieur au coût des capitaux de l’entreprise. Autrement dit, si le rendement des capitaux est supérieur au coût de la dette et des fonds propres de l’actionnaire, la valeur actionnariale se créée. De ce fait, la création de valeur actionnariale est un mécanisme incitatif car elle permet de gérer et de trouver des solutions aux problèmes relationnels qui opposent les actionnaires aux dirigeants. C’est donc un mécanisme incitatif dans la mesure où par exemple, elle contribue à l’attribution d’option d’achat d’actions ou « stock-options » aux dirigeants et actionnaires.

Le principe des stock-options permettraient d’inciter matériellement les hauts dirigeants en indexant leurs rémunérations sur la valeur de la firme. Masson en 1971, montre que la variation de la rémunération globale, comprenant le salaire de base, les bonus ainsi que la valeur actuelle des composantes différées, est associée positivement au taux de rendement des actions, ce qui valide la théorie des incitations. Dans cette perspective, nous pouvons souligner que la formalisation du rôle de l’actionnariat des dirigeants renforce la place déterminante des stock-options.

 

Effectivement, dans le mécanisme d’option d’achat d’action ou « stock-options », les salariés ont le droit d’acheter une part d’action de sa société à un prix et un délai déterminé. C’est l’attribution de l’option. Ce mécanisme incitatif crée ainsi de la valeur pour les actionnaires de l’entreprise. Le principe d’exercice d’option est simple. Le levé d’option est possible au cours de la période d’exercice.

Ainsi si le cours de l’action est inférieur au prix d’exercice, le salarié a le droit de renoncer à exercer son option. Et si le cours est supérieur il se doit d’exercer son option. En ce qui concerne la cession d’action, le salarié aura seulement le droit de céder ses actions une fois qu’il devient propriétaire. Il a le choix entre soit, céder ses actions concomitamment, soit de les garder. Dans le premier cas, il bénéficie immédiatement la plus-value et dans le cas échéant, il attend une éventuelle hausse du cours d’action avant de les céder. L’intérêt de la gestion des stock-options, cependant, repose sur quatre critères : le choix des dates de levée, la plus-value d’acquisition, l’indisponibilité fiscale et la plus-value de cession.

 

Ces critères sont les principaux points à ne pas négliger car elles définissent le moment propice (lever et vendre) à la création de valeur actionnariale. Le choix des dates de levée fait référence à l’exercice de l’option où il est important de tenir compte de la valeur des cours de l’action mais surtout du délai de la période d’exercice car passé cette période, les options qui n’ont pas encore été exercées seront caduques et perdront toute leur valeur. L’essentiel dans la levée est donc de calculer le cours réel des actions pour qu’il dégage une plus-value d’acquisition pendant le jour d‘exercice de l’option et son prix d’exercice. Et ce tout en respectant la période d’indisponibilité fiscale. La création de valeur se fait donc après la levée des options, où les salariés cèdent leurs actions au bon moment pour pouvoir matérialiser les gains. Cette vente réalisera une plus-value de cession pour l’actionnaire.

En rapport à ce système, Aggarwal et Samwick (2000), affirment qu’à un certain moment  la sensibilité des options s’est nettement accrue, ce qui confirme que les stock-options sont devenues un instrument de motivation irremplaçable pour les entreprises.

Tout ceci nous fait comprendre qu’il y a un impact positif sur la création de valeur et la performance financière, mais à court terme.

 

Cependant, bien que l’attribution en stock-options permette à la création de valeur, quelques reproches sont émis à leur égard. Certains font la critique que les stock-options n’incitent pas suffisamment les dirigeants à rechercher la performance organisationnelle sur le long terme, ce par crainte d’accroître le risque de la firme et, par voie de conséquence, celui qui pèse sur leur capital humain et financier, par nature non diversifiable (Desbrières 1991 ; Desbrières et al. 2000). D’autre part, les reproches proférées dénoncent que les plans d’action rémunèrent les dirigeants en fonction de ses résultats, chose qui pourtant ne reflète que partiellement la performance globale de l’organisation (Johnson 1986). La performance individuelle n’est de ce fait, prise en compte.

Certains, estiment aussi que les stock-options font supporter un coût aux actionnaires en diluant leur richesse et leur pouvoir (Desbrières et al. 2000). D’autres, affirment enfin, que le développement de la pratique du « repricing », et du « reloading » affaiblit ou modifient le caractère incitatif de l’instrument. Le « reprecing » qui consiste à diminuer le prix de l’exercice des options dans le cas où le cours des actions diminue ; et le « reloading », qui permet aux propriétaires de payer le prix d’exercice avec leur fond propre pour ensuite recevoir, en contrepartie, de nouvelles options.

 

Ainsi, nous pouvons dire que les stock-options constituent belle et bien une incitation pour les dirigeants à agir dans l’intérêt des actionnaires. Mais le problème réside dans la présentation d’un régime incitatif à long terme qui permettra de résoudre les conflits entre actionnaires et dirigeants, parmi lequel les incitations financières tiennent une place majeure, notamment dans la création de valeur actionnariale.

 

  1. Un mécanisme disciplinant pour les dirigeants : les OPA – OPE ou Offres Publiques d’Achat – Offres Publiques d’Acquisition

 

Les offres publiques tiennent une place prépondérante dans la vie des sociétés et constituent souvent des moments clés dans leur évolution. Les offres publiques proposent donc à tous les actionnaires d’une entreprise de racheter ou d’échanger leurs actions sous certaines conditions. Ces opérations entraînent des modifications profondes dans la structure des sociétés et affectent leur cours de bourse. L’objectif de ces offres est de prendre le contrôle d’une société « cible ». Ce mécanisme suppose alors le respect de la discipline pour les dirigeants et une création de valeur pour les actionnaires. La notion d’offre publique rassemble plusieurs opérations telles les Offres Publiques d’Achat (OPA), les Offres Publiques d’Echange (OPE), les Offres Publiques de Rachat d’Actions (OPRA), et les Offres Publiques de Retrait (OPR). Mais ce qui nous intéresse dans le cadre de la création de valeur sont les OPA et OPE.

  • L’Offre Publique d’Achat ou d’Acquisition (OPA) 

L’OPA consiste à racheter toutes les actions de la société cible aux actionnaires actuels avec un prix de rachat des titres en général supérieur au dernier cours coté. Les OPA, par ailleurs, sont de véritables mécanismes de disciplines pour les dirigeants car les principes d’offres sont stricts et suivent des règles que l’Union Européenne a établies. Les OPA renforcent par exemple les règles d’information des actionnaires sur les offres proposées (période d’acceptation, contrepartie, financement de l’offre…) ; et favorise la restructuration des entreprises, de manière à contribuer à rendre le marché européen plus compétitif. L’offre en question peut être obligatoire ou volontaire, mais dans les deux cas, elle doit suivre les conditions du droit national sur l’acquisition du contrôle de la société.

Donc, quand une entreprise ou un groupe d’investisseur propose une Offre Publique d’Achat, à un prix d’achat déterminé, c’est pour atteindre un but précis : la prise de contrôle d’une entreprise.

  • L’Offre Publique d’Echange (OPE)

Une Offre Publique d’Echange sur des actions cotées en bourse comme l’indique son nom, est définie une proportion d’échange déterminée entre des actions de la société « cible » et celle qui veut en prendre le contrôle.

Vue sous cette angle, sont « opérables » les sociétés en difficulté et sous-évaluées par les boursiers. Dans ces conditions, ces sociétés sont susceptibles de faire l’objet d’OPA ou d’OPE par un autre groupe ou une société concurrente. L’inconvénient de cette prise de contrôle est que de temps en temps, les sociétés sont victimes de fausses rumeurs pouvant entraîner des spéculations épisodiques sur les titres. Les OPE et OPE fonctionnent donc de façon « amicale » ou « hostile » car les acquéreurs ne tiennent pas compte s’il y a accord ou non entre eux et la société cible. D’où l’existence de bataille financière entre les groupes rivaux.

 

Certes, les OPA et OPE sont motivées par soucis de profits qui seront estimés nettement supérieurs une fois le rachat ou la fusion entre les deux entreprises effectuées. Et dans la création de valeur, nous estimons que les offres hostiles sont les plus créatrices de richesses.  David Thesmar et Augustin Landier, économistes, les chiffres le prouve car les actionnaires des sociétés ayant fusionné amicalement perdent en moyenne 16% de leur patrimoine dans les trois ans contre une hausse de 43% pour les actionnaires d’une société ayant lancé une OPA hostile. Mais encore, les OPA hostiles contraints les dirigeants à respecter les règles, tout en sachant qu’ils ne pourront obtenir un meilleur traitement au détriment des actionnaires. Par ailleurs, les offres hostiles donnent place à d’autres acteurs ce qui facilite la détection des opérations trop risquées ou trop peu rentables.

 

Donc, les OPA et OPE sont de véritables mécanismes disciplinant pour les dirigeants et source de création de valeur actionnariale. Mais comme les stock-options, elles sont aussi source de problème car les valeurs créées par ces actions sont destinées aux actionnaires et non à l’ensemble de l’entreprise, les parties prenantes.

 

 

 

Section 2 : La création de valeur partenariale

 

Dans l’analyse de la création de valeur actionnariale, nous avons pu constater les différentes remarques faites autour de ce type de gouvernance. En effet, tout au long de notre étude, nous avons essayé de dégager une forme de gouvernance, un principe organisationnel qui serait favorable à la création de valeur. Deux formes de gouvernance ont donc souvent été citées : la gouvernance d’entreprise actionnariale et la gouvernance d’entreprise partenariale. Ces deux mode de gouvernance ont été soumis à une étude comparative mettant en valeur  la différence entre la démarche « shareholder » ou actionnariale, et la démarche « stakeholder » ou démarche partenariale (c’est à dire tous les acteurs de l’entreprise : salariés, créanciers, fournisseurs, clients, investisseurs….).

 

En guise de petit rappel, l’émergence du concept corporate governance est tirée des travaux de Berle et Means (1932), qui explique les conséquences de la séparation des fonctions de propriété du capital et de la prise de décision. Ils font référence ici aux firmes managériales américaines, à leur mode organisationnel, mais qui depuis ont beaucoup évolué dans sa définition même et son champ d’action. A la conception étroite et traditionnelle, qui dit que le thème gouvernement d’entreprise recouvre « l’étude des procédés par lesquels les apporteurs de capitaux financiers garantissent la rentabilité de leur investissement » (Shleifer  et VIshny 1996) ; apparait une conception beaucoup plus large qui affirme que le gouvernement d’entreprise recouvre « recouvre l’ensemble des mécanismes qui gouvernent la conduite des   dirigeants et délimitent leur latitude discrétionnaire ou leur pouvoir décisionnel » (CHARREAUX, 1997). Cet élargissement du thème de gouvernance tente de mettre en valeur l’ensemble des relations qu’entretient la firme avec ses stakeholders, en ne se limitant pas seulement aux relations actionnaires-dirigeants.

 

C’est ainsi que nous répondons à la problématique car le concept de valeur partenariale est   proposé comme alternative à celui de valeur actionnariale (Charreaux et Desbrières, 1998). Etant donné les limites de la valeur actionnariale à la création de valeur, ces auteurs, s’accordent à dire que la démarche « stakeholder » ou démarche partenariale est le processus organisationnel le plus favorable à la création de valeur. Non seulement, la valeur actionnariale est réductrice, vu que les décisions de l’entreprise ont un impact sur tout l’ensemble des parties prenantes partenaires (créanciers, fournisseurs, salariés, sous-traitants,   pouvoirs publics) ; mais elle ne permet pas non plus de déterminer les mécanismes de création de valeur.

Cette nouvelle conception plus élargie qu’est le modèle de la valeur partenariale est au contraire plus efficace pour l’organisation puisqu’il montre que la création de valeur ne résulte pas seulement de l’apport de capitaux par les actionnaires mais des efforts conjugués de tous les partenaires. Et pour Charreaux (1998), « la confiance co-construite par les différents stakeholders joue un rôle dans la création de valeur partenariale. En effet, en assouplissant les contraintes de contrôle elle entraîne une réduction du coût des mécanismes de contrôle mis en œuvre par les différents partenaires pour gérer leurs relations avec l’entreprise ». Voyons en détail comment se fait cette création de valeur partenariale.

 

  1. L’intérêt social de l’entreprise comme justificatif de l’approche partenariale

 

Le modèle de création de valeur partenariale est un modèle qui privilégie l’intérêt social des parties prenantes. Ce principe de la valeur sociale s’allie en général avec deux autres valeurs : la valeur organisationnelle et la valeur économique. L’approche partenariale se justifie donc à travers cet intérêt social de l’entreprise.

L’intérêt social, en effet, est la valeur sociale qui se définit comme la satisfaction et la qualité de vie du personnel au travail ; mais également comme la responsabilité sociale de l’entreprise, donc les effets sociaux externes de son activité. Ces trois valeurs est le moteur de la création de valeur partenariale, à savoir que la valeur économique et la valeur sociale sont en interaction.

 

L’une comme l’autre, ces deux valeurs sont une approche pratique de la gouvernance comme processus de création de valeur. Mais l’une est aussi dépendante de l’autre car la valeur sociale est en interaction avec la valeur économique. C’est pourquoi la théorie socio-économique les qualifie de composante indissociable à la recherche de performance. Selon François Perroux, l’analyse économique se traduit par une modélisation multidimensionnelle qui réunit « l’unité active et l’énergie ». Dans la pratique, les agents économiques (individus, entreprises, groupes d’entreprises, …) ont une énergie sociale permettant d’influencer leur entourage afin de développer une activité qui soit de taille à leurs intérêts. L’interaction entre ces deux valeurs s’avère ainsi très efficace étant donné que l’unité active (dans le marché), cherche à étendre son pouvoir de négociation en fonction de son environnement.

L’intérêt social de l’entreprise, par conséquent, consiste à évaluer quantitativement et financièrement les effets des dysfonctionnements liés aux conditions de travail. Savall en 1979, soutien que « l’analyse socio-économique s’efforce d’exprimer le maximum de  variables en unités monétaires pour inciter à entreprendre des actions de changement dans   les situations de travail. Elle comporte une double dimension stratégique : économique (action de l’entreprise sur son environnement) et sociologique (stratégie des acteurs) ».

Par ailleurs, deux hypothèses sont avancées par la théorie socio-économique des organisations mettant en valeur le concept de performance (performance sociale et économique indissociable à la création de valeur) :

 

  • le potentiel humain est le seul facteur de création de valeur ajoutée ;

 

  • il est possible de réduire les imperfections du modèle comptable grâce au concept de coût et performance caché.

 

Autrement dit, la théorie socio-économique invoque que la performance sociale se mesure    par le niveau de qualité intégrale du fonctionnement de l’entreprise.

Un fonctionnement qui toutefois se caractérise par des dysfonctionnements touchant notamment six domaines sociaux :

 

  • Conditions du travail
  • Organisation du travail
  • Communication – Coordination – Concertation
  • Gestion du temps
  • Formation intégrée
  • Mise en œuvre stratégique

 

 

La performance sociale d’après tout cela est alors la capacité de l’entreprise à satisfaire les besoins des acteurs internes et externes, donc de ses parties prenantes : personnel, actionnaires, fournisseurs, clients, institutions. La théorie socio-économique place l’entreprise ainsi que ses différents départements, services, ateliers, … comme un ensemble de structure de travail en interaction avec les comportements du personnel.

Les structures en question sont physiques (équipements), technologiques (savoir-faire, matériel), démographiques (personnel, employés attachés ou non à l’entreprise),    organisationnelles (organigrammes, procédures, hiérarchie, équipes projet, groupes de travail) et mentales (capital intellectuel, valeur, compétences). Les comportements par contre sont analysés en fonction des différents facteurs individuels, de groupe de travail, …

Bref, l’intérêt social de l’entreprise est réellement une approche partenariale car à travers le bilan socio-économique, les dysfonctionnements au sein de l’entreprise ainsi que leurs impacts sont mis en avant. Ce qui permet d’identifier er de gérer les absentéismes, accidents de travail, la rotation du personnel, les défauts de qualité, les écarts de production.

 

  1. L’approche cognitive ou comportementale de l’action des dirigeants

 

Dans l’approche partenariale, les ressources tiennent une place très importante, elles sont indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise. Cette dépendance envers les ressources nous fait alors comprendre le comportement actif des dirigeants au sein de l’entreprise. Ce comportement est mis en avant dans la théorie de la dépendance selon lequel c’est un moyen de privilège pour les dirigeants de s’enraciner mais aussi de se soustraire des différents mécanismes de contrôle. Cette approche comportementale de l’action des dirigeants, explique sans doute les questions se posent quant au réel objectif des dirigeants, donc la modélisation de leur comportement.

Dans le système partenarial, ce comportement des dirigeants, déterminant leurs carrières, est mieux appréhendé, notamment en ce qui concerne leur mobilité. Certaines des études, dans ce cadre, ne tiennent compte que du lien entre la performance et turnover des dirigeants, alors qu’il aussi important d’essayer d’appréhender les motivations qui ont entrainé ce comportement. L’approche traditionnelle estime qu’un éventuel départ des dirigeants provoquerait une performance défaillante. Cette conception est confirmée dans la réalité mais les réflexions apportées à ce sujet sont assez faibles, ne permettant pas d’appréhender le comportement actif des dirigeants.

Par contre le rôle préventif du système de gouvernement partenarial s’appuie sur deux possibilités d’action non exclusive du dirigeant : la défection et la prise de parole (Hirschmann 1970). Selon cet auteur, la défection entraînant une sortie de la coalition, ce qui suppose la possibilité pour le stakeholder de disposer d’une alternative. Les coûts de sortie dans ce cas seront moins que les coûts de sortie exorbitants. La défection représente ainsi une situation de crise et c’est à ce moment qu’entre en scène la prise de parole qui elle est le moyen le plus efficace du mode d’action alternatif. La prise de parole est donc une alternative pour les dirigeants, un moyen de s’informer des causes de mécontentement. Le système est efficace et peu coûteux.

Le renforcement du rôle préventif du système de gouvernement semble ainsi passer par celui des possibilités de prise de parole pour les différents stakeholders. Et notamment pour les dirigeants car ils peuvent toujours jouer le rôle actif cité précédemment ce, en proposant ou en adaptant des mécanismes facilitant la prise de parole. Le comportement des dirigeants peuvent alors se comprendre quant aux stratégies adoptées par ces derniers pour neutraliser les conseils.

 

La recherche de stratégie de dialogue est de ce fait, plus conséquente si l’on tient compte des notions d’économie, de sociologie ou encore de la psychologie sociale. Dans la définition classique de la stratégie, la réflexion stratégique du dirigeant est en effet placée au centre des processus stratégiques. Ces processus se concentrent sur l’effort de formulation produit par le dirigeant. Mais cette pensée stratégique n’est pas conçue comme un processus cognitif concret même par le fait qu’elle est totalement libre et rationnelle :

  • libre parce qu’elle est déconnectée de l’action, qui lui est subordonnée
  • rationnelle parce que cette pensée suit le seul processus concevable et convenable pour des dirigeants (une rationalité conçue à la fois comme intégration des fins et des moyens, et comme suite logique d’étapes d’un raisonnement)

 

C’est donc pour donner à la stratégie le visage d’un dirigeant idéal et rationnel que l’approche classique s’est départie de l’économie et a renoncé à considérer l’entreprise comme un simple mécanisme d’ajustement aux signaux du marché. Mais selon une approche beaucoup plus élargie, la réflexion sur la stratégie va basculer dans la recherche de perfectionnement de  la rationalité de la pensée du dirigeant. Cette rationalité s’associe à des outils et de méthodes de plus en plus sophistiqués. La stratégie d’entreprise traditionnelle sera finalement remplacée par des descriptions plus réalistes du « fonctionnement » psychique du dirigeant qui mettent en valeur les individus, donc dans cas les dirigeants, comme des agents acquérant, traitant et échangeant des informations.

 

  1. L’approche nouvelle en termes d’indépendance et de compétences du conseil d’administration pour la recherche de création de valeur durable

 

Le monde contemporain a placé le gouvernement d’entreprise en tant que thème de recherche important et fédérateur. Des études mettent en avant une nouvelle approche en termes d’indépendance  et de compétences portant notamment sur les attributions, la composition et le fonctionnement du conseil d’administration(CA). L’objectif de ce travail est de faire un état des lieux des principales caractéristiques et du fonctionnement des conseils d’administration.

 

En se basant sur la critique du fonctionnement des CA américains adressée par Jensen (1993), un des fondateurs de la théorie de l’agence, trois principales caractéristiques sortent du lot : la taille du CA, le cumul des fonctions de direction générale et de présidence du conseil d’administration et l’indépendance des membres. C’est ce dernier point qui nous intéresse car effectivement, « un CA composé d’une fraction plus élevée de membres indépendants, présidé par une personne qui n’assure pas la direction générale, et de préférence de taille réduite, serait préférable pour veiller aux intérêts des actionnaires » (Jensen, 1993).

 

D’un côté, selon une vision qui cherche à privilégier les compétences des administrateurs, cette approche se focalise davantage aux problèmes de création de valeur. En effet, le CA devrait alors être composé de nombreux membres et, de préférence, des membres internes à l’entreprise ou des membres externes affiliés aux dirigeants (Godard et Schatt, 2000). Le conseil d’administration renferme donc  des deux aspects, compétence et indépendance. Ce qui justifie l’approche nouvelle en termes d’indépendance  et de compétences du conseil d’administration pour la recherche de création de valeur durable. « Un conseil doit aussi être un savant dosage de compétence, d’expérience et d’indépendance au service de l’intérêt de la société et de ses actionnaires. On ne saurait trop insister sur la compétence et l’expérience qui sont les qualités premières des administrateurs. Ils doivent maîtriser les enjeux stratégiques des marchés où intervient l’entreprise, ce qui implique qu’ils aient une réelle connaissance de ses métiers »

 

Donc, nous pouvons constater une évolution frappante concernant les caractéristiques des conseils d’administrations car depuis elles sont composées davantage de membres, les fonctions de président du CA et de direction générale sont plus fréquemment dissociées, et la présence des administrateurs indépendants est devenue très significative.

Cette évolution est adoptée par plusieurs pays, dont la France qui a largement participé à ce mouvement, avec la publication de trois rapports en 7 ans : les deux rapports Viénot (1995 et 1999) et le rapport Bouton (2002), au même titre que le législateur, qui a adopté la loi « NRE » (nouvelles régulations économiques) le 15 mai 2001.

 

  • Le premier rapport Viénot (1995): est un rapport d’un groupe de travail présidé par Marc Viénot (P-DG de la Société Générale). Le groupe se préoccupe uniquement du conseil d’administration des sociétés cotées en Bourse. Il comprend trois parties : les missions et attributions du CA, la composition du CA et le fonctionnement du CA. Le rapport précise que le CA doit remplir quatre missions : « Il définit la stratégie de l’entreprise, désigne les mandataires sociaux chargés de gérer celle-ci dans le cadre de cette stratégie, contrôle la gestion et veille à la qualité de l’information fournie aux actionnaires ainsi qu’aux marchés à travers les comptes ou à l’occasion d’opérations très importantes. » (1995, p.6)

 

–          Le second rapport Viénot (1999) : fait un approfondissement sur certaines recommandations en  introduisant la question de la publicité des rémunérations et des options des dirigeants des sociétés cotées.

 

–          La loi NRE (2001) : c’est une loi sur « les nouvelles régulations économiques » précisant le rôle du CA : « Le conseil détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent».

 

  • Le rapport Bouton (2002) : le rapport s’inscrit dans la continuité des deux rapports Viénot mais part plutôt du concept d’élargissement les recommandations sur le CA. Il comprend trois parties : les améliorations des pratiques du gouvernement des entreprises, l’indépendance des commissaires aux comptes, l’information financière et des normes comptables. Le rapport souligne que : « les événements récents et notamment la révélation de pratiques comptables critiquables qui ont affecté des entreprises de taille mondiale, ruiné des actionnaires, des salariés, et conduit à la disparition d’un des tout premiers cabinets d’audit, sont à l’origine d’une grave crise de confiance dans l’essence même de l’économie de marché : la qualité du gouvernement des entreprises et la fiabilité des comptes qui sont le lien entre la réalité de l’entreprise et les actionnaires, institutionnels ou individuels. » (p. 2)

 

Le rapport Viénot et le rapport Bouton ainsi que l’adoption de la loi NRE en France ainsi ont entraîné de nombreuses évolutions des caractéristiques et du fonctionnement des CA.

 

Outre les caractéristiques citées supra, nous avons aussi les caractéristiques des comités spécialisées. Il y a de cela 20 ans, les comités spécialisés commençaient à voir le jour en France. Charreaux et Pitol-Belin (1987). En ce temps, au total, ils estimaient à 18  le nombre de comité. Mais de nos jours ces comités se sont multipliés et sont devenus très nombreux. Cette hausse en nombre des comités est liée aux recommandations des divers rapports professionnels que nous avons cités plus haut. Le rôle des comités sont mis en avant par ces rapports, notamment dans le rapport de Bouton qui rappelle que « le nombre et la structure des comités dépendent de chaque conseil », mais il précise que « ces comités ne sont pas détachables du CA, ils en facilitent le fonctionnement et concourent efficacement à la préparation des décisions », et insiste sur « la qualité des comptes rendus faits par les comités au conseil et sur l’inclusion dans le rapport annuel d’une description de l’activité des comités » (p. 6).

 

Dans l’ensemble, les entreprises ont adopté quatre types de comités :

 

  • les comités d’audit ou des comptes
  • les comités de nomination (ou de sélection)
  • les comités de rémunération, et les comités stratégiques
  • les autres comités qui rassemblent : le comité scientifique (SanofiSynthélabo), le comité d’investissement (GFI Informatique, etc.), le comité pour la qualité et le développement durable (Gecina), …

 

Pourquoi dans ce cas avoir mis en pace ce comité d’audit ?

La mise en place de ce comité a été recommandée dans les rapports Viénot. Le comité a pour  mission de faire l’examen des comptes semestriels et annuels mais aussi de faire la vérification des processus et des procédures de contrôle internes, relations avec les commissaires aux comptes, etc. Concernant sa composition, il est précisé dans les rapports Viénot que les administrateurs indépendants doivent représenter au moins un tiers des membres du comité, sachant que le comité doit comprendre au moins trois administrateurs. Le rapport Bouton recommande que la proportion de membres indépendants soit portée à deux tiers.

 

A part ce comité d’audit, il existe aussi des comités de rémunération et de nomination. De nombreuses entreprises ont également adopté des comités de rémunération et de nomination. Le comité de rémunération repose sur la formulation des recommandations au CA en ce qui concerne la politique de rémunération des responsables de l’entreprise, et notamment des cadres dirigeants, ainsi que sur la politique d’octroi de stock-options. Quant au comité de nomination, Le second comité a pour objet de choisir de nouveaux administrateurs, pour pallier la démission d’un ancien administrateur ou pour se conformer aux attentes des investisseurs en matière d’indépendance. Dans ce cadre, le rapport Viénot stipule que le comité de rémunération doit être composé majoritairement d’administrateurs indépendants et qu’il ne doit comporter aucun mandataire social. Ce qui est d’ailleurs confirmé par le rapport Bouton.

Enfin, il existe également un autre comité, comité stratégique. La mission de ce comité consiste à définir ou à valider la stratégie du groupe. Le rapport Bouton met en évidence une certaine préoccupation en rapport au développement de ce comité : « il arrive que des conseils d’administrations ne débattent pas suffisamment des questions stratégiques et soient même parfois informés seulement a posteriori d’investissements, d’acquisitions ou de cessions dont l’importance pour l’avenir de l’entreprise peut être majeure » (p. 7).

Certes, le fonctionnement des CA français a évolué significativement au cours des vingt dernières années. La création de divers comités tels le comité d’audit, le comité de rémunération, le comité de nomination chargés de préparer les séances des conseils, a conduit les entreprises à opter pour une spécialisation dans le traitement des dossiers sur lesquels ils doivent se prononcer.

 

  1. L’investissement éthique et socialement responsable

 

La responsabilité d’entreprise est bien souvent source de confusion, d’ailleurs la définition même de l’investissement éthique et socialement responsable est confuse. Elle peut se traduire par les relations entre les personnes au d’une collectivité, des individus ou encore des relations relatives aux intérêts communs.

L’investissement social responsable ISR est un concept assez ancien bien que l’on a tendance à croire que son origine est récente. Cet investissement dit éthique, est pour l’entreprise une alternative qui permet de tenir compte plusieurs facteurs outre que les performances financières et économiques. Le principe de l’ISR se soucis et de la rentabilité de placements et de la politique sociale et environnementale menée par les entreprises. C’est donc un réel processus de création de valeur dans la mesure où l’investisseur prend en considération toutes les ressources de l’entreprise.

 

L’entreprise dans ce cas doit avoir un comportement socialement responsable envers la société respectant les critères « éthiques ». La base de l’éthique est bien entendu sociale, mais ces critères peuvent varier an fonction des principes des entreprises. Toutefois, les critères d’investissement reposent sur :

 

  • Les critères négatifs ou d’exclusion: repose sur le principe d’exclusion de certaines entreprises dans le portefeuille d’investissement responsable. Cette exclusion concerne par exemple les secteurs d’activités tel l’armement, l’énergie nucléaire, le tabac, l’alcool, le pétrole, … Mais sont aussi compris dans le lot les pratiques médicales et scientifiques résultant des manipulations génétiques ou utilisant des corbeilles. Les critères négatifs à l’ISR peuvent être une exclusion globale, nuancée. C’est-à-dire, sera globale, l’exclusion de la totalité du secteur d’activité ; et sera nuancée, l’exclusion des   entreprises   dont   plus   de   10%   du   chiffre   d’affaires provient  de  la  vente  d’armes,  exclusion  de  l’entreprise  qui  pratique des tests sur les animaux.

 

  • Les critères positifs de sélection: comme l’indique son nom est un critère qui évalue les entreprises en fonction du niveau d’implication de ces dernières au développement durable social et environnemental. Trois grands axes y sont concernés :

 

  • Le social (PEOPLE) : qui fait référence au respect des  droits  de l’homme, à la gestion de l’emploi, à la politique de rémunération, à la responsabilité de  l’entreprise vis-à-vis de  l’ensemble de ses parties prenantes et aux programmes de non-discrimination ainsi qu’à  la politique de mécénat
  • L’environnement (PLANET): où l’entreprise doit respecter la minimalisation des impacts sur l’environnement, la gestion des risques et la protection des ressources naturelles
  • Le financier (PROFIT): qui fait référence à la pérennité financière et au potentiel économique.

 

En général donc, l’entreprise sera évaluée à travers ces trois grands axes portant notamment sur les engagements et les stratégies politiques adoptées par la direction ; les politiques et codes de conduites au sein de l’entreprise et enfin sur les résultats de celle-ci.

Ainsi, depuis un certain temps, les investissements sociaux tiennent une place très importante dans la gestion nationale de fonds. D’autant plus que les critères d’exclusion consistent désormais à comparer et à analyser les entreprises en elles. C’est d’ailleurs une approche qui permet de reconnaître les meilleures entreprises et celles qui sont pionnières. Mais encore la pratique actuelle tend à combiner les critères négatifs à celles des positifs, c’est le filtrage « code ISR », car plus il y a exclusion, plus le champ d’action de l’ISR sera réduit, se référant ainsi à l’investissement traditionnel.

Tout ceci permet encore une fois de dire que le modèle d’investissement traditionnel, tiré du point de vue des américains, est moins favorable à la création de valeur car le modèle européen est un modèle élargie qui considère que le filtrage négatif ne suffit pas dans l’investissement.

 

Effectivement, suivant la forme européenne d’investissement, l’ISR est une activité qui s’impose dans la vie économique actuelle. Tant pour les entreprises et les activistes que pour les particuliers et la communauté académique les enjeux de l’ISR sont de plus en plus grandissants. Cependant, bien l’éthique d’entreprise est prend de toute son ampleur, elle est aussi problématique dans la mesure où elle sert d’excuse concernant les pratiques réductrices du principe de responsabilité. Mais contrairement à la méthode d’investissement traditionnelle, elle progresse et avance des solutions à ce problème.

La première solution consiste à apporter une définition globale aux spécificités locales. Autrement dit, les entreprises peuvent constituer des groupes de travail avec les différents organismes dans le monde (organismes intergouvernementaux, les organisations        internationales,  les    ONG  et  le   monde académique). Cette collaboration est faite dans le cadre d’une amélioration du système de l’ISR mais surtout pour s’accorder sur :

 

  • ce que l’on entend par éthique ;
  • ce que l’on entend par responsabilité ;
  • ce qu’est exactement l’ISR, ce qu’il comporte et implique, ses limites ;
  • comment cette définition peut être adaptée aux différents pays, secteurs, produits et clients.

 

D’un autre côté, cette solution soulage la lourde responsabilité des entreprises, qui depuis toujours à été laissée a leur propre compte. L’ISR acquiert donc une légitimité plus globale  car : « Les droits fondamentaux, le progrès social, la préservation de « biens publics  communs » comme  l’eau, l’air, ou le paysage, la santé ou la sécurité ; les règles  concernant   la production, la transmission et l’utilisation de l’information, ont été et doivent rester du   ressort de la collectivité organisée, au niveau national ou international » (Colloque Entre éthiques et économique).

 

La deuxième solution, par ailleurs, consiste à inventer un modèle français et européen car effectivement, leur conception diffère largement de celle des américains. Confronté à un modèle de normes, qui d’ailleurs n’est les leur, le modèle européen (partenarial) court le risque d’être victime d’une instrumentalisation des normes. Les modèles standards anglo-saxons tels que nous l’avons vu, ne correspondent aux modèles européens. Donc il serait judicieux de ne pas les appliquer amis au contraire de mettre en place un modèle spécifique aux cultures et valeurs prônées par la communauté européenne.

 

Par ailleurs, la solution proposée est aussi de privilégier une approche transparente de type « Maison de verre » vs « Boîte noire » car seule la transparence permet :

 

  • de se souscrire aux meilleures pratiques du gouvernement d’entreprise et de les appliquer correctement (faire sérieusement de l’ISR pour qu’il ne soit pas seulement une opération marketing vide de fond)
  • de rester totalement indépendant des organismes d’évaluation
  • de mettre en  place  des  équipes  internes  spécialement  formées  dans  le  domaine  (et pouvant ainsi évaluer l’impact d’une politique ISR pour l’entreprise et anticiper/gérer les risques éventuels).

 

Mais il faut aussi mettre en cause la responsabilité des différents acteurs car le processus d’investissement éthique implique l’intervention de nombreux acteurs. Ces responsabilités concernent : la responsabilité du promoteur des produits éthiques, la responsabilité du bureau d’étude spécialisé, la responsabilité de l’investisseur, la responsabilité d’autres acteurs économiques. Puis, l’une des solutions proposées par le modèle d’investissement européen consiste aussi à favoriser les facteurs clés de succès d’un partenariat stratégique entre  entreprises et ONG. C’est donc une solution qui évite les risques d’échec et qui requiert la mise en œuvre d’une véritable démarche d’actionnariat, le soutien des parties prenantes et le suivi du partenariat.

Bref, les solutions apportées pour résoudre le problème lié aux pratiques réductrices du principe de responsabilité sont nombreuses. Parmi ces solutions sont celles qui consiste à crédibiliser les reporting et  impliquer toutes les parties  prenantes ; à couvrir l’ensemble des  champs de l’éthique « Think global » et « act local » mais encore à instaurer un système de  pondération des différents critères d’ISR.

 

Certes, si le modèle européen avance plusieurs préconisations c’est dans le but d’éviter de s’investir dans un processus complexe qui d’ailleurs n’est pas le leur.

 

  1. La Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises

 

Suite aux scandales financiers qui se sont succédé, telle l’histoire de l’affaire d’Enron que nous avons relaté plus haut, les systèmes de gouvernement qui repose sur l’éthique des entreprises deviennent une porte de sortie probante. Mais nous l’avons déjà aussi précisé en parlant des investissements éthiques responsables que cette forme de responsabilité est assez restreinte ; et ce malgré les efforts révolutionnaires réalisés pour trouver des solutions à cette situation. En effet, bien souvent, lors des constats des scandales financiers, les analystes constatent que, ces précautions n’ont empêchées les fraudes et la responsabilité envers les actionnaires n’a pas été respectée.

La responsabilité d’entreprise ne se limite donc pas à la mise en œuvre d’un comportement éthique car son champ est bien plus large. Le courant de la théorie des parties prenantes des stakeholders, soutiennent cette hypothèse. Un contrat lie de ce fait, l’entreprise la société, un contrat qui ne saurait se rompre car dans le cas contraire, l’entreprise perdrait toute sa légitimité et ne peut aussitôt plus fonctionner. Cette situation implique que l’entreprise se doit de gérer ses relations avec ses parties prenantes. Selon Freeman (1984), l’entreprise est responsable devant toutes ses parties prenantes (stakeholders). Les stakeholders sont tous ceux qui peuvent affecter ou être affectés par l’accomplissement des objectifs de l’organisation. Aussi, sont donc considérés comme stakeholders l’environnement (selon la notion de développement durable).

 

La théorie des parties prenantes édicte que : « La Responsabilité sociale d’Entreprise est l’ensemble des relations que la firme entretient avec toutes ses parties prenantes: les clients, les employés, la communauté, les actionnaires, les gouvernements, les fournisseurs et les concurrents. Les éléments de la responsabilité sociale incluent l’investissement dans la communauté, les relations avec les employés, la création et le maintien d’emploi, les préoccupations environnementales et la performance financière » (Gendron, 2002).

 

La théorie des stakeholders distingue par ailleurs, quatre niveaux de responsabilités sociale d’entreprise : l’économique, le juridique, l’éthique et le discrétionnaire. D’un autre côté, si l’on tient compte des divers discours provenant des différents niveaux de responsabilité des entreprises, nous pouvons constater que la responsabilité économique et particulièrement environnementale est mise en avant : « parmi les principes directeurs, l’environnement occupe une place importante ». Cet exemple est tiré de l’entreprise Tembec « Adopter, dans tous les aspects des activités, des politiques et des directives assurant l’exploitation responsable ainsi que le rendement et le développement durables des ressources, tout en protégeant la santé et la sécurité des employés, des clients et du grand public ».

 

Puis, outre la théorie des parties prenantes, nous pouvons définir la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises selon la conception de l’école allemande RSE. La conception se fonde sur une éthique de la discussion. Selon cette école, toutes les parties prenantes doivent participer à ce dialogue, ce « multilogue ». La discussion donnera naissance à une règle morale. Ces règles tendent à susciter les apprentissages individuels et collectifs tout en générant l’enthousiasme autour d’idées nouvelles, porteuses de changement. « Toutefois, il ressort que ces initiatives ne peuvent se substituer au rôle de l’État d’élaborer des réglementations car il n’est généralement pas possible d’y dégager des consensus sur des plans d’actions précis » (Turcotte, 1997 ; Turcotte et Pasquero, 2001 ; Turcotte et Ali, 2002).

 

En plus de cette affluence théorique sur la responsabilité sociale et environnementale, plusieurs organisations ont entrepris des expériences concrètes dans le but de concrétiser le dit projet. Suite à cette initiative, des codes de pratiques ont été établis afin d’orienter et évaluer les performances sociales des entreprises. Parmi ces principes d’organisation, nous pouvons annoncer les principes Sullivan, les principes CERES et le Global report Initiative, le Global Compact, les normes ISO 14000, AA 1000, SA 8000, de même que les principes Caux et les lignes directrices de l’OCDE.

Les principes de la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises sont ainsi liés au commerce équitable car ce dernier prend appui la reconnaissance de l’échange inégal entre les agents économiques. Dans la foulée, il est donc fort probable que les consommateurs du Nord soient mis en relation directe avec les producteurs du Sud. Les relations qu’ils entretiennent dans cas précis seraient une relation définit par des dimensions d’engagement socio-politique et d’éducation, sans compter une diffusion des modes d’organisation de la production en fonction de valeurs coopératives, démocratiques et écologiques.

 

Bon nombre de ces théories innovatrices sont ainsi présentes les entreprises d’économie sociale. Tout comme l’engagement social et environnemental est aussi présent dans le mouvement de l’investissement socialement responsable. La Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises a diverses facettes, elle est en mesure faire déboucher le système de gouvernance vers des conséquences plus que positives de peut être conçue de pour l’environnement et les personnes.

Mais il est important de porter le point sur son aspect règlementaire selon lequel, la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises ne devrait pas être confondue pour une alternative à réglementation. Pourquoi cette remarque, car la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises constitue une forme de régulation des activités économiques. Une forme qui s’avère être complémentaire avec la forme de régulation de l’Etat mais qui se trouve aussi être dépendante des pressions qu’exercent les parties prenantes ou stakeholders.

 

 

 

 

CONCLUSION

 

Au final, la vision binaire d’un processus de création de valeur qui serait double, c’est à dire à la fois « shareholder » et « stakeholder », n’est pas à envisager car au delà de la dualité « valeur partenariale » et « valeur actionnariale », le processus de création de valeur est un parcours qui se veut être global .

 

En somme, soit il y a création de valeur, soit il n’y en a pas. L’intérêt de la distinction entre la  vision actionnariale et  la vision partenariale réside en ce que l’objectif recherché n’est pas le même ; dans le premier cas, seuls les investisseurs au sens large jouiront de la valeur créée, tandis que dans la vision partenariale(stakeholder), tous les acteurs sociaux bénéficieront des plus-values, directement ou indirectement.

 

Cependant, il faut souligner que la balance pencherait légèrement du côté de la vision stakeholder, du fait que lorsque l’intérêt social tend à se confondre avec l’intérêt commun des différents acteurs sociaux, il y a une plus grande harmonisation des intérêts divergents. Cette situation établirait une plus grande motivation commune dans la recherche de valeur, afin que celle-ci soit plus conséquente.

 

En revanche, on pourrait objecter que la vision actionnariale favoriserait plus la création de valeur, grâce au fait que lorsque seuls les actionnaires-investisseurs sont à privilégier, ces derniers seraient plus motivés à faire pression sur le corps dirigeants(les managers, gérants, administrateurs, directeur général…) afin de rehausser la création de valeur ; en effet, dans ce cas de figure, les parts de valeur à partager seraient moins douloureuses pour les actionnaires et le ressentiraient donc moins même si à la limite, les dirigeants en bénéficient.

 

En somme, les deux processus de création de valeur se valent mais c’est dans les objectifs recherchés qu’ils se différencient : on pourrait même se risquer à dire que la vision actionnariale serait une vision étriquée et donc « micro », tandis que la vision partenariale serait une vision élargie et donc « macro ».

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

 

  • ALTERNATIVES ECONOMIQUES, numéro 261, « comment la crise des subprimesest-elle devenue une crise financière mondiale ? », septembre 2007

 

  • ASSOCIATION EGE, « l’investissement socialement responsable », mars 2008

 

  • BERNOUX Philippe & MOUCHOT & PUEL & SEIDEL, « le cas Enron »,

 

  • CHAIRE DE RESPONSABILITE SOCIALE ET DE DEVELOPPEMENT DURABLE ESG UQAM, « de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises aux défis des nouveaux mouvements socio-économiques », Les cahiers de la Chaire, février 2002

 

  • Fiche IAE PARIS 1 PANTHEON SORBONNE, Master recherche, « théorie des organisations : théorie de l’agence », 23 septembre 2008

 

 

  • Fiche « Les offres publiques »
Nombre de pages du document intégral:59

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