La Légitimité du Dirigeant Repreneur dans une PME : Les Enjeux des Six Premiers Mois
Quelle que soit la forme d’organisation sociale à laquelle nous avons affaire, politique comme l’État ou privée comme une entreprise, une position essentielle assure son bon fonctionnement : le dirigeant. Le dirigeant peut être un organe formel : sa position est bien déterminée par des règles explicites et acceptées de tous. Dans d’autres cas, il est informel : cela survient quand un groupe décide de faire d’un individu son meneur parce que ses membres estiment qu’il possède les qualités pour l’être.
Au niveau des organes de l’État, le dirigeant est soit directement élu par le peuple comme l’est le président de la République ; soit il est nommé comme n’importe quel ministre du gouvernement et suivant les lois qui régissent l’organisation des pouvoirs publics. Dans le cas d’une entreprise, son dirigeant peut être le propriétaire même. Le titre attribué au poste est souvent celui de Président directeur général (PDG) ou de Directeur général (DG). En ce qui concerne le dirigeant d’une société, la situation la plus courante est qu’il s’agit d’une personne spécialement recrutée pour occuper le poste ou d’un cadre qui est promu pour assumer les responsabilités qui y sont rattachées.
Le dirigeant a sous sa responsabilité plusieurs individus sur lesquels il exerce un pouvoir de commandement. Ces derniers lui doivent alors obéissance. Sans cette obéissance, l’organisation en question ne pourra survivre longtemps et est vouée à l’échec. Le droit du travail le définit d’ailleurs comme le lien de subordination qui garantit les bonnes relations entre le supérieur et son subordonné.
Cependant, chaque individu étant, en principe, libre de ses choix et, de surcroît, libre d’obéir ou non aux ordres émanant d’un supérieur hiérarchique, nous sommes alors en droit de nous poser la question suivante : quel est l’élément dont l’importance serait de nature à garantir que les décisions prises par le dirigeant soient effectivement suivies, et ce sans contestation, par l’ensemble des personnes dont il a la charge ? Cet élément fondamental se nomme, en fait, la légitimité du dirigeant. Mais qu’est-ce que la légitimité ?
Plusieurs sociologues ont défini la légitimité. Parmi eux, Max Weber parle de « reconnaissance sociale » ; pour lui, « une autorité est légitime en ce qu’une bonne raison (une croyance, une idéologie) la justifie aux yeux de la communauté. »[1] La légitimité est alors un état qui a besoin d’autrui pour exister : « Le moi se pose en s’opposant » disait le philosophe allemand Hegel. Pour Simone Weil, elle acquiert une importance telle qu’obéir « à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar.»[2] Mais avant d’aborder plus en profondeur le problème, il convient de bien circonscrire le champ de notre étude.
Nous avons vu que l’arène d’exercice du pouvoir de dirigeant est vaste et protéiforme: État, organisations politiques, entreprises privées, etc. En outre, ce champ possède également une influence sur son étendue. Par exemple, les appareils étatiques disposent d’un pouvoir de coercition sur les administrés, c’est-à-dire d’user de la force physique pour se faire obéir. Par contre, ce pouvoir n’existe pas dans le secteur privé.
En ce qui nous concerne, nous avons décidé de délimiter le champ spatial de notre étude au cas du dirigeant d’une petite et moyenne entreprise (PME). La PME est l’entreprise qui emploie de 10 à 250 salariés. Dans un souci de limiter encore mieux notre étude, nous ne nous occuperons que du cas du dirigeant qui se trouve en qualité de repreneur d’une PME. En effet, on peut tout aussi bien devenir le dirigeant d’une PME par le biais d’un recrutement (si l’entreprise est encore en quête de son responsable) ou de celui d’une promotion
Le dirigeant repreneur d’une entreprise est une personne externe à son organisation. Dans ce scénario, il s’agit très souvent d’une entreprise en difficulté, cette dernière étant telle que les prédécesseurs préfèrent abandonner l’affaire. Avec le contexte de crise économique mondiale dans lequel nous baignons depuis quelques années, la reprise est alors une question brûlante d’actualité.
Sur le plan pratique, ce fait renforce l’intérêt de rechercher ce qui confère à un tel personnage une légitimité. De plus, une reprise s’effectue dans un contexte d’incertitude, tant pour l’avenir de l’entreprise que de son personnel. Son arrivée est souvent brutale et ne laisse pas beaucoup de temps pour une préparation adéquate. Toujours dans le même ordre d’idées, il n’existe que très peu d’ouvrages et de programmes de formation qui enseignent l’art de diriger dès les premiers mois.
D’un point de vue temporel, nous pourrions étudier la question de la légitimité d’un dirigeant de PME pendant toute la durée de son mandat. Cependant, l’entreprise évolue aujourd’hui dans un contexte en perpétuelle mutation et il semble intéressant de voir les réactions que le dirigeant adopte face à cette situation. Ainsi, nous allons limiter notre étude à la période allant du moment de son entrée en fonction à la fin des six premiers mois d’exercice. La raison de ce choix s’explique par le fait que le nouveau dirigeant vit une période de « grâce » pendant laquelle il bénéficie d’une certaine indulgence de la part des individus sous sa responsabilité. Et pourtant, comme on vient de dire, la situation est souvent critique et qu’il serait imprudent de la laisser perdurer en vertu d’un état de grâce. Que doit-il alors faire ?
Toutes ces précisions apportent un éclairage nouveau sur la problématique que nous nous proposons de résoudre, et que voici: que doit faire un dirigeant qui se trouve en qualité de repreneur d’une PME dans les six premiers mois de sa prise de fonction pour asseoir sa légitimité auprès de son personnel ?
Nous émettons l’hypothèse que la période de six mois est déterminante en ce qui concerne la légitimité du dirigeant repreneur d’une PME. Il doit s’imposer auprès du personnel comme le leader durant ce laps de temps sous peine de vouer à l’échec la suite de son mandat.
Pour mener à bien cette analyse, nous nous intéresserons plus en détail au concept de la légitimité du dirigeant. Notre revue de littérature sera alors l’occasion de procéder à cet exercice. Dans une première partie de notre revue de littérature, nous allons aborder les composantes essentielles de la légitimité du dirigeant. L’attitude et le comportement du leader, sa capacité à instaurer un climat de confiance auprès de ses collaborateurs, sa capacité à créer une vision partagée sont aussi importantes que son savoir-faire et sa technicité.
Ensuite, nous allons développer les rôles du dirigeant. Le rôle est défini par Sarbin et Allen (1968)[3], comme « un ensemble organisé de comportements appartenant à un poste de travail ou à une position identifiable. » En d’autres termes, le rôle d’un dirigeant renvoie à l’attitude et aux actions que les autres membres de l’organisation sont en droit d’attendre de sa part.
Enfin, la dernière partie de la revue de littérature abordera l’importance des six premiers mois pour un dirigeant repreneur du point de vue de sa légitimité auprès de son personnel. Nous montrerons que plusieurs spécialistes et même des professionnels du milieu s’accordent à dire que les cent premiers jours constituent un moment de vérité pour le dirigeant.
Première partie : cadre théorique
Tout travail de recherche scientifique doit d’abord s’inscrire dans une perspective théorique générale. À partir de ce cadre général, il faut ensuite concevoir un cadre théorique spécifique à l’objet d’étude de la recherche.
Dans cette première partie, nous allons aborder la question de la légitimité. Plusieurs intellectuels ont apporté leur contribution dans la définition de ce concept qui est fortement lié à l’exercice du pouvoir. À l’origine, la légitimité était l’apanage du pouvoir politique : seuls les gouvernants devaient se soucier d’être considérés comme légitimes par leurs peuples. Un gouvernant non légitime n’est pas apprécié de son peuple et, a fortiori, risque d’être l’objet de tentatives de putsch. D’ailleurs, la démocratisation, par le biais du suffrage universel, et le développement des droits civils et politiques répondent à ce souci d’avoir des gouvernants légitimes.
Par ailleurs, la Révolution industrielle a apporté avec elle son lot de changements sociaux dont une nouvelle forme d’autorité: les dirigeants d’entreprise. Ces derniers exercent un pouvoir sur leurs subordonnés même s’il n’est pas de même essence que le pouvoir politique. Ce nouveau pouvoir est à l’origine de la lutte des classes, concept du philosophe et économiste allemand Marx. D’ailleurs, la classe ouvrière a dû se battre longtemps avant d’obtenir une amélioration de ses conditions de travail : mise en place d’une législation du travail, institution des congés payés, etc.
Quelle que soit la forme de l’autorité, cette dernière exerce un pouvoir sur d’autres individus : un élu politique comme le Président de la République sur son peuple, un dirigeant d’entreprise sur l’ensemble de ses collaborateurs, un patriarche dans son village, etc. Dans le cadre de notre étude, seul le pouvoir exercé par les dirigeants d’entreprise nous intéresse.
Selon Max Weber, tout pouvoir, et plus largement tout ordre en place, cherche naturellement à éveiller le sentiment de sa légitimité aux yeux de ceux dont il souhaite obtenir l’obéissance. En effet, la légitimité est le fondement de l’obéissance de la part des subordonnés et constitue alors une composante essentielle du pouvoir hiérarchique. Ainsi, il en résulte que la légitimité est une préoccupation des dirigeants d’entreprise qui ne peuvent donc se permettre de l’ignorer.
L’objet de notre étude est justement la légitimité appliquée dans un contexte privé et non politique dont le cadre est la PME. Il s’agira alors de déterminer quelles sont les composantes principales de la légitimité chez le dirigeant d’entreprise. Le concept utilisé est celui de « légitimité managériale ».
Mais nous n’allons pas étudier le cas du dirigeant qui vient de créer son entreprise, ni de celui qui a bénéficié d’une promotion et qui occupe désormais un tel poste. Nous ne nous consacrerons qu’au cas du dirigeant repreneur de société car il semblerait que cette option présente des intérêts particuliers du point de vue de la légitimité.
Une entreprise est une organisation sociale. De ce fait, elle entretient deux types de relations : internes et externes. Les relations internes de l’entreprise sont celles qu’elle entretient avec son personnel: employés, cadres. Tandis que celles externes concernent son interaction avec son environnement : les parties prenantes, les banques et assurances, les fournisseurs, les clients, etc. De même, le dirigeant est amené à entrer en contact avec ses équipes ainsi qu’avec des personnes extérieures à son entreprise. Pour notre part, notre étude de la légitimité se limitera à son aspect interne c’est-à-dire vis-à-vis de son personnel.
Cullière, O. (2010, novembre) « La légitimation du repreneur d’entreprise : quels principes d’action pour les dispositifs d’accompagnement ? » 2010. <hal-00534337>
Marlotte, N. & Paolini, S. « Prise de fonction d’un dirigeant : 100 jours pour convaincre », http://www.fr.capgemini-consulting.com/prise-de-fonction-dun-dirigeant-100-jours-pour-convaincre Publié le 02 janvier 2012
Mintzberg, H. (2012) « Le manager au quotidien. Les 10 rôles du cadre », pp.103-104
Petit, V. & et Boulocher, V. (2009, mai) « Equipes dirigeantes : comment développer la légitimité managériale ? », Position Paper de l’EDHEC Business School
Petit, V. & et Mari, I. (2009, janvier) « La légitimité des équipes dirigeantes : une dimension négligée de la gouvernance d’entreprise», Position Paper de l’EDHEC Business School
Petit, V. & Saguy, R. (2011) « Les dirigeants légitimes font des collaborateurs mobilisés ! », EDHEC Business School
Weber, M. (1995) « Economie et société », tomes 1 et 2. Paris : Plon
L’ouvrage « Economie et société » du sociologue allemand Max Weber constituera le premier élément de cette première partie de la revue de littérature. L’auteur a distingué trois formes de domination légitimes aux sources bien déterminées. La première revêt un caractère traditionnel : elle est exercée par un chef qui a été choisi en vertu d’usages sociaux et de coutumes et cela suffit à garantir l’obéissance de ses sujets. La deuxième est la légitimité charismatique : celle-ci s’appuie sur la croyance que le chef est doté de dons ou de capacités exceptionnelles qui conduiront à la prospérité des gouvernés. L’expertise (les compétences techniques, managériales ou stratégiques) peut être assimilée à cette forme de légitimité. Enfin, la légitimité fondée sur une autorité rationnelle-légale s’appuie sur des règles établies et des procédures formelles. Selon Weber, c’est cette forme qui prédomine dans l’entreprise. La légitimité serait donc assise soit par la force des traditions, soit par la personnalité du chef soit par l’existence de règles établies garantissant l’obéissance des subordonnés.
Dans « Le manager au quotidien. Les 10 rôles du cadre », Mintzberg décrit et catégorise les dix rôles du cadre en trois catégories : les rôles liés à l’information, les rôles décisionnels et les rôles interpersonnels. L’auteur précise également si les différents rôlessontreconnus dans la littérature. À ce propos, seul le rôle de leader est largement reconnu. Nous verrons plus bas que le leadership fait partie des rôles les plus importants pour acquérir de la légitimité.
Dans le document « Prise de fonction d’un dirigeant : 100 jours pour convaincre », les auteurs constatent dès les premières lignes qu’ « être un leader charismatique ne suffit plus » pour maîtriser les rennes de l’entreprise. Selon eux, l’environnement dans lequel un dirigeant moderne évolue est empreint d’incertitudes tant internes qu’externes. Sa tâche serait désormais plus complexe et il doit devenir un « gestionnaire de la complexité ». Il doit non seulement s’intéresser à son entreprise en cherchant à en comprendre tous les mécanismes, mais doit également aller à l’encontre des salariés pour tenter de faire une bonne première impression. L’image que les autres se font de lui « risque de rester longtemps dans les esprits. » Une des priorités du nouveau chef est « de rassurer et de gagner le plein soutien de la tutelle, comme d’obtenir la confiance des collaborateurs clés. »
L’article « la légitimité des équipes dirigeantes : une dimension négligée de la gouvernance d’entreprise», écrit par Petit et Mari est riche en enseignements et en pertinence par rapport à notre étude. Les auteurs commencent par un constat : il y a une crise de légitimité au sein des entreprises à l’endroit de leurs dirigeants. Le turnover (démission) en forte hausse et le raccourcissement de la durée des mandats au niveau mondial: dix ans en 1995 contre six ans en 2002. Or, « la légitimité nous renvoie à l’une des dimensions les plus politiques et fondatrices de l’entreprise, celle du droit à gouverner reconnu aux équipes dirigeantes par les parties prenantes de l’entreprise. » Pour les parties prenantes, la loi ne suffit pas à justifier la légitimité du dirigeant. Ce sont « sa personnalité, son expérience, ses comportements, ses décisions, ses résultats » qui la forgent. C’est la « légitimité managériale ». Les auteurs proposent une définition inspirée des travaux de Weber, French et Raven, et Tyler : « La légitimité managériale du dirigeant désigne la reconnaissance (formelle/informelle ; explicite/implicite) par des parties prenantes internes et externes de son droit à gouverner l’entreprise : cette reconnaissance s’appuie sur la croyance desdites parties prenantes dans la validité du pouvoir du dirigeant au regard de valeurs et de normes partagées à propos de la direction d’entreprise. » Ce pouvoir, selon Filkenstein (1992), est constitué par: le pouvoir structurel (la position du dirigeant dans la hiérarchie de l’entreprise), le pouvoir de propriété (son apport dans le capital), le pouvoir de prestige (sa réputation et son degré d’influence), le pouvoir d’expertise (sa capacité à contribuer aux performances de l’entreprise)[4]. Enfin, les auteurs ajoutent le leadership qui est une capacité d’influence basée sur la personnalité et les comportements (compétences managériales) du dirigeant et qui n’est pas lié aux quatre manifestations du pouvoir sus-décrites. Parmi les différents styles de leadership, le modèle charismatique de Conger et Kanungo (1998)[5] est choisi: «(…) ce sont la vision, l’empathie, la communication, la prise de risque ou encore l’anticonformisme qui vont constituer la base d’attribution du leadership par les individus ». Pour terminer, une légitimité se constate par l’effectivité du pouvoir : il confère une plus grande latitude d’action au dirigeant, il suscite l’engagement des parties prenantes internes (équipes de direction, collaborateurs) et externes (investisseurs, analystes, etc.).
La figure 1 ci-après représente le modèle d’analyse proposé par les auteurs.
Figure 1 : Modèle d’analyse de la légitimité du dirigeant
Le quatrième article, « Les dirigeants légitimes font des collaborateurs mobilisés ! », écrit par Petit et Saguy présente les résultats d’une étude réalisée auprès d’un échantillon de collaborateurs d’entreprises. Il en ressort que : pour le dirigeant, sa compétence de direction « demeure essentiel pour asseoir son pouvoir et in fine sa légitimité ». L’étude ajoute enfin que l’équité des décisions et l’exemplarité des comportements du dirigeant sont particulièrement importantes pour sa légitimité. Les auteurs formulent quatre recommandations. Premièrement, les dirigeants devraient auditer leur légitimité pour en connaître l’effectivité. Deuxièmement, ils devraient valoriser leurs compétences de direction (vision/stratège, décideur, leader, contribution aux performances). Troisièmement, ils gagneraient à développer un leadership éthique qui est fortement corrélé à sa légitimité et à l’adhésion des collaborateurs à la stratégie et aux valeurs de l’entreprise. La dernière recommandation est qu’ils pratiquent la légitimité.
Dans leur étude intitulée « Equipes dirigeantes : comment développer la légitimité managériale ? », Petit et Boulocher présentent d’abord les attentes des collaborateurs à l’égard des dirigeants, et à travers des témoignages. Selon eux, les dirigeants doivent surtout être « stratège, leader, décideur et responsable. » Ensuite, des cinq déterminants de la légitimité, la réputation et la position sont moins évoquées que la propriété[6], l’expertise ou le leadership personnel. Mais ce sont surtout les deux derniers qui semblent être les types de pouvoir à valoriser pour acquérir de la légitimité. Dans le processus de légitimation, les auteurs mettent en évidence l’exemplarité du dirigeant à l’égard des parties prenantes internes pour lesquelles il doit incarner des valeurs partagées: « le respect des individus, le courage, l’honnêteté, la transparence, la justice, la responsabilité, l’humilité et l’humanité. » Le concept d’équité revient une fois de plus dans cette étude : le dirigeant est évalué sur les décisions touchant la rémunération, les récompenses et les sanctions. Enfin, les pratiques qui créent de la légitimité ou qui la détruisent sont abordées, toujours à la lumière de témoignages. Ces pratiques sont liées aux ressources humaines, à la stratégie et les résultats, au management des équipes, à l’organisation et la gouvernance, à la communication de l’entreprise et, enfin, à l’exemplarité personnelle du dirigeant.
Enfin, l’article « La légitimation du repreneur d’entreprise : quels principes d’action pour les dispositifs d’accompagnement ? », Cullière rappelle qu’une dimension de l’entrepreneuriat est constituée par la reprise. Le départ « en retraite d’actuels dirigeants-propriétaires de PME-TPE, faisant émerger des enjeux socio-économiques liés au risque de fermeture de nombre d’entreprises. » Pourtant, la reprise est aussi complexe que la création et la réflexion. Selon l’auteur, l’étude du phénomène est récent et « son produit encore généraliste. » Néanmoins, il est utile de « réfléchir au besoin particulier d’accompagnement ressenti par les acteurs impliqués ». L’auteur prône un débat sur « certains déterminants particuliers de la réussite de la reprise.» Cullière axe son discours sur « l’acquisition de la légitimité de dirigeant par le repreneur, au sein d’une entreprise marquée par des buts, des modes de fonctionnement et des relations organisationnels qui lui préexistent. » Ainsi, « le succès des reprises tient pour une grande part à l’adhésion des parties prenantes, à la confiance et au développement du leadership. »[7] Cullière reprend la définition de la légitimité donnée par Petit et Mari[8] car elle est transposable au cas du repreneur.
Depuis que Max Weber a théorisé le concept de légitimité, force est de constater qu’il garde toute sa pertinence au vu de la situation actuelle : les fonctions de direction se précarisent, le mandat se raccourcit (Petit & Mari, 2009). L’environnement interne et externe de plus en plus complexe en est la cause: pour bien diriger, il faut devenir un « gestionnaire de la complexité.» (Marlotte & Paolini, 2012). Pour cela, le dirigeant doit posséder la compétence de direction, un « ensemble de compétences très spécifiques : celles du métier de dirigeant. » (Petit & Saguy, 2011).
Une leçon importante en matière de légitimité est qu’elle est liée à l’effectivité du pouvoir du dirigeant: « Lorsque ce pouvoir est limité, la légitimité se trouve elle aussi diminuée. » (Petit & Boulocher, 2009).
Malgré cela, les quatre dimensions principales du pouvoir déterminé par Filkenstein (1992) ainsi quele leadership (Petit & Mari, 2009)ne se valent pas dans la quête de légitimité.Le pouvoir d’expertise et le leadership personnel du dirigeant sont les plus influents.Le dirigeant doit pratiquer un leadership éthique : son comportement doit refléter des valeurs et des normes partagées, et ses décisionséquitables. Ses collaborateurs valident ou non le caractère éthique de son leadership à l’occasion des relations de proximité qu’ils entretiennent.
Nous venons de présenter les éléments essentiels de la légitimité. Le concept ayant fait l’objet d’une très riche littérature, nous avons passé en revue une sélection d’ouvrages ou d’articles que nous avons estimés comme pertinents et suffisants pour répondre à la question : qu’est-ce que la légitimité du dirigeant d’entreprise ? Nous en retirons ensuite que la légitimité est une composante déterminante pour un dirigeant d’entreprise en exercice.
Toujours par rapport à ces études, on sait deux choses : d’une part, un dirigeant n’est pas directement légitime aux yeux de ses collaborateurs car cette qualité est le résultat d’un processus de reconnaissance. On parle d’ailleurs de légitimation. D’autre part, il doit acquérir rapidement cette légitimité pour ne pas compromettre son mandat parce que son environnement évolue très rapidement et qu’il doit s’y adapter. La phrase de l’ancien PDG de Vivendi, Jean-Marie Messier, témoigne de cette nécessité : « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tous les matins en se demandant comment ils vont réinventer leur métier, non pour vingt ans, mais pour trois mois. Plus aucune position n’est acquise. Plus aucun patron ne peut dormir sur ses deux oreilles.»[9]
Ainsi, nous pensons qu’il est maintenant l’heure de procéder à une étude plus spécifique qui permettra d’éclairer notre problématique. Nous allons tâcher de répondre à une série de questions liées au processus de légitimation, à savoir : que doit faire le dirigeant pour devenir légitime ? Quand doit-il le faire ? Comment doit-il s’y prendre ? Agit-il seul ou le fait-il avec quelqu’un ? Rappelons ensuite que notre étude est spécifique au dirigeant repreneur de PME.
Ci-après les références que nous nous proposons d’utiliser pour étayer nos propos:
De Wilde, M. (2008) « Les 100 premiers jours dans une nouvelle fonction de leadership » www.first100days.be (série d’articles) :
- 3 étapes pour enthousiasmer une équipe ou une organisation
- 4 étapes pour accélérer l’apprentissage d’une équipe
- Analyse des enjeux d’une nouvelle prise de fonction de leadership
- L’agenda stratégique d’un manager en prise de fonction
- Les 6 niveaux de management
- Les 7 choses à faire avant le 1er jour d’une prise de fonction de leadership
- Les 10 écueils les plus courants lors d’une prise de fonction de leadership
- Les éventuels freins internes à la réussite chez le dirigeant
- EIM France (2006), « Cent jours pour réussir. Le point de vue des Dirigeants »
Fenoll, M.-A. « Prise de fonction d’un directeur achats : 100 jours pour convaincre », http://www.decision-achats.fr/Thematique/decideurs-achats-1035/Breves Publié le 12/03/2014
Marlotte, N. & Paolini, S. « Prise de fonction d’un dirigeant : 100 jours pour convaincre », http://www.fr.capgemini-consulting.com/prise-de-fonction-dun-dirigeant-100-jours-pour-convaincre Publié le 02 janvier 2012
Démarrer dans une fonction de dirigeant pose de nombreux enjeux non seulement pour le titulaire du poste mais également pour l’organisation. Pour le nouveau dirigeant, les enjeux se situent principalement au niveau de la construction de sa légitimité auprès de ses collaborateurs, et ce dès le premier jour. Il doit faire une bonne première impression d’autant plus qu’il ne lui sera pas accordé de seconde chance pour le faire (Marlotte & Paolini, 2012). Il devra soigner son image à tout instant : « Il faut du temps et de nombreux succès pour bâtir une réputation ; il en faut beaucoup moins pour la ternir. (…) Il est frappant de voir à quelle vitesse se forge l’image négative d’une personne…Faire changer cette image se révèle ardu voire impossible. » (De Wilde, 2008). « La réputation est la pierre angulaire du pouvoir »[10]. Dès lors, le dirigeant doit éviter de commettre des faux pas dès le début pour ne pas compromettre son mandat.
Dans la pratique, cette bonne première impressionest tant importante pour un dirigeant ayant bénéficié d’une promotion que pour un autre issu d’une entreprise extérieure, notamment dans une situation de reprise. Ce qui est pertinent par rapport à notre étude quise consacrejustement à la légitimité d’un dirigeant repreneur. Seulement, la situation pour un repreneur est beaucoup plus compliquée car très souvent, l’entreprise est en mauvaise posture et que « reprendre les rênes d’une entreprise au bord du dépôt de bilan est très différent de diriger une société saine» (Marlotte & Paolini, 2012).
Deux facteurs essentiels apparaissent clairement durantle processus de légitimation du nouveau dirigeant: les hommes et le temps. Les hommes parce que la légitimité est un problème de reconnaissance et donc nécessairement liée à autrui. Le temps parce qu’il joue souvent contre le nouveau dirigeant. En effet, si son rôle est bien d’apporter le changement, « il n’y a pas de succès possible sans adhésion collective. » (EIM France, 2006). Mais l’adhésion collective prend du temps et il devra effectuer une solide préparation avant sa prise de fonction effective.
À propos du temps, les différents écrits de cette revue de littérature sont unanimes sur un point : les cent premiers jours sont déterminants pour l’exercice d’une fonction de dirigeant. Selon les Associés EIM (2006) : « si l’on n’est pas parvenu à marquer son territoire au bout de 100 Jours, l’échec est assuré. » Même s’ils symbolisent souvent une « période de grâce » au cours de laquelle le dirigeant bénéficie d’une certaine indulgence, car il faut lui laisser le temps de se forger une opinion sur la situation, la pression est présente dès le premier jour (De Wilde, 2008). Pendant ce laps de temps, il doit imposer son style et ses objectifs (Fenoll, 2014).
Cela implique qu’il gagne très rapidement la confiance des collaborateurs-clés (Marlotte & Paolini, 2012) sur qui il s’appuiera pour mettre en œuvre les changements qu’il proposera. Pour les déterminer, les associés EIM proposent de choisir des personnes possédant certaines qualités : « vision globale et transversale de l’entreprise, lucidité et honnêteté, volonté de changer, franchise dans l’expression de leur opinion, autonomie et sens du travail en équipe» et « le courage de prendre ou de supporter une décision difficile. »[11]
Pour asseoir sa légitimité, le dirigeant repreneur doit bien appréhender la culture de l’entreprise et la dimension relationnelle de sa fonction qui en font toute la complexité. En effet, au-delà de l’aspect purement technique, il ne doit pas oublier qu’il a affaire à des hommes et qu’ainsi, il existe aussi bien des mandats explicites que des mandats implicites[12]. Il doit s’assurer d’identifier les bonnes personnes, c’est-à-dire ceux réellement capables de porter la transformation et de ne pas en oublier pour éviter des susceptibilités. En effet, l’ego entresouvent en jeu dans les relations humaines : une personne touchée dans son ego peut chercher à ralentir le processus de changement ou à s’y opposer.
Une manière pour le repreneur d’éviter les résistances aux changements et d’asseoir sa légitimité plus facilement est d’inclure les parties prenantes internes à la définition d’une nouvelle vision partagée. Les associer au processus leur permet de redonner du sens à leur travail: « Si les personnes et les équipes se sentent respectées, inspirées et mises en puissance par le nouveau leader, elles seront motivées» (De Wilde, 2008). Comment s’assurer ensuite que les acteurs mettront effectivement en œuvre le changement ?
Selon certains auteurs (De Wilde, 2008 ; Kotter, 1996 et 2008)[13], « un nécessaire antidote au sentiment de complaisance » qui existe dans les organisations est d’instaurer un sentiment d’urgence en faveur du changement d’autant plus que le nouveau dirigeant doit poser rapidement ses marques. Pour d’autres (Marlotte & Paolini, 2012), il est accepté s’iln’aggrave pas les contraintes qui pèsent sur les individus concernés. Plus généralement, un changement est accepté s’il va dans l’intérêt d’un individu ou s’il s’y reconnaît (pas d’intérêt, pas d’action).
Le changement est exactement au cœur de l’action du dirigeant repreneur. En effet, si la situation de l’entreprise était bonne, une reprise ne se justifierait pas car la stratégie mise en œuvre par ses dirigeants est efficace, la culture de l’entreprise est bonne, etc. Mais si une entreprise est en difficulté, cela est bien le signe qu’un changement doit être opéré quelque part. Le dirigeant repreneur doit adopter un style de leadership « transformationnel.» (Burns, 1978 ; Bass, 1985). Pour faire comprendre aux collaborateurs la nécessité de cette transformation, instaurer une communication efficace est indispensable. Encore faut-il savoir quoi, à qui, comment et à quelle fréquence communiquer ?
Selon les Associés EIM France (2006), « la communication est la pierre angulaire du changement et, pour le dirigeant, une exigence incessante, dès la première minute de sa prise de fonctions. » D’abord, la première chose qu’il doit communiquer à ses collaborateurs est la vision partagée et ses plans d’action pour les rappeler en permanence. Ensuite, il doit les écouter, notamment quand ils souhaitent transmettre un feedback (critiques) sur son style de management. Favoriser cette écoute évite la démotivation des équipes qui ne se sentent pas comme de simples « outils de production ». Ils se voient plutôt comme un « radar » capables d’aiguiller les actions du dirigeant (De Wilde, 2008). En « s’intéressant sincèrement » à ses collaborateurs, comme l’aurait dit Dale Carnegie[14], le dirigeant les enthousiasme, suscite leur adhésion et les mobilisent pour mettre en œuvre le changement.
On retrouve ici la dimension éthique du pouvoir du dirigeant vue dans la première partie de la revue de littérature. Le respect qu’il manifeste à l’égard de certaines valeurs et normesle crédibilisent aux yeux de ses collaborateurs et lui permettent d’asseoir sa légitimité.Il ne doit négliger aucun acteur en prenant soin de rester cohérent dans l’ensemble de ses discours car tous ses faits et gestes ne manqueront pas d’être analysés.Ainsi, le dirigeant doit doubler de précaution sur ce qu’il communique : « La pédagogie, mais aussi le souci de montrer constamment que les choses avancent, impliquent de ne révéler son plan d’action que progressivement. (…) Il ne peut pas tout dire – et devra donc, sur certains points, garder le silence (et non mentir). » (EIM France, 2006).
En dehors de la communication, le dirigeant doit démontrer sa capacité à exercer ses nouvelles fonctions. Sur ce point, il aura parfois affaire à une non-reconnaissance de la part des collaborateurs qui estiment qu’il n’est pas à sa place.Cela peut survenir quand il n’est pas du métier, c’est-à-dire qu’il n’est pas un expert du domaine de l’entreprise, ou qu’il est justement un repreneur.Il doit laisser les autres s’habituer à lui. Mais quelle que soit son expertise, il doit faire ses preuves en tant que leader.
Pour cela, une de ses priorités sera d’établir un agenda d’action (Marlotte & Paolini, 2012) ou un agenda stratégique qui contiendra les « grandes lignes directrices, des sujets à traiter en priorité, et du cadre de travail à mettre en place pour lancer les premières actions » (De Wilde, 2008). Il devra même préparer cet agenda avant sa prise de fonctions pour être directement opérationnel.
Pour se crédibiliser et construire sa légitimité auprès du personnel, le dirigeant devra rapidement identifier des défis importants mais réalistes, et mobilisera plus de moyens qu’il n’en faut pour les atteindre plus rapidement que prévu. Ces early wins ou victoires rapides mobiliseront les équipes et renforceront la cohésion. Elles seront « perçues comme des affirmations symboliques de leur volonté de changement» (EIM France, 2006). Ses premières décisions alimenteront positivement l’impression des collaborateurs.
Cependant, comme la légitimité doit être cultivée en tout temps, le dirigeant ne peut pas se contenter d’une vision à court terme composée de petits succès. À long terme, sa capacité à définir une vision durable et un plan d’action cohérent sera déterminante. Il doit savoir enthousiasmer ses collaborateurs. En transmettant une vision claire et positive du futur de l’organisation, il déclenchera en eux une « irrépressible envie » de la réaliser. Ce qui converge avec ce propos de Charles S. Lauer : « Les leaders ne forcent personne à les suivre, ils les invitent à un voyage. » Un leader qui démontrera son expertise renforcera sa légitimité.
Enfin, si De Wilde, Marlotte et Paolini préconisent la mise en place d’un agenda stratégique, EIM France estime qu’il n’y a pas « de recette toute faite pour réussir » : tout dépend de la situation, du flair et du style personnel de chaque dirigeant.
Tout au long de la revue de littérature, nous nous sommes employés à centrer nos propos autour du concept de légitimité. Nous avons d’abord fait ressortir les éléments essentiels de la légitimité à travers les différentes lectures que nous avons faites. Le dirigeant en quête de légitimation mettra en œuvre un ou plusieurs types de pouvoir pour l’acquérir : le pouvoir structurel, le pouvoir de propriété, le pouvoir de prestige, le pouvoir d’expertise et le leadership. Son leadership doit être éthique, ce en affichant un comportement exemplaire et une équité dans ses décisions. Ensuite, nous avons regardé ce qu’un dirigeant repreneur devrait faire pour asseoir sa légitimité auprès de son personnel. La dimension humaine et relationnelle est celle sur laquelle son attention devra se porter en priorité.
Mais le leader devra prouver sa capacité à faire face à une situation généralement catastrophique car sa légitimité en dépend également. Il doit s’imposer progressivement comme l’homme de la situation en apportant la transformation salutaire pour l’avenir de l’entreprise.
Au fil de nos recherches, nous avons constaté qu’il existe différents courants de styles de leadership dans la littérature. À chaque courant ses défenseurs. Nous n’allons pas les relever ici : non seulement, cela s’avèrerait fastidieux, mais n’entre également pas dans le cadre de notre mémoire. Par contre, nous pouvons en citer brièvement. Parmi les styles les plus connus figure le leadership situationnel, un modèle développé par Hersey et Blanchard[15]. Il se fonde sur le degré d’autonomie des subordonnés. Ils préconisent quatre styles en fonction des situations et les catégorisent selon qu’ils sont axés sur le relationnel (participatif et persuasif) ou la tâche (délégatif et directif). Il y a également McGregor[16] qui range les employés en deux catégories : soit ils n’aiment pas travailler et sont paresseux (théorie X), soit ils aiment travailler et ont besoin d’exprimer leur créativité (théorie Y). Etc.
Pour notre part, nous nous positionnons en faveur du modèle développé par Conger et Kanungo qui prône un leadership charismatique dont les effets dépassent ceux du leadership transformationnel. Nous estimons alors qu’il ne suffit pas de posséder une connaissance de la spécialité de la société reprise ; la personnalité du leader est ce qui compte. Le leader doit démontrer son leadership sur les cinq attributs comportementaux décrits par les inventeurs du modèle :
- Avoir une vision claire et démontrer son articulation
- Être sensible à l’environnement
- Être sensible aux besoins de l’équipe
- Savoir prendre des risques
- Se comporter de manière non-conventionnelle
Les leaders du type charismatique accordent une attention particulière aux personnes avec lesquelles ils communiquent, s’enquièrent de leurs besoins. Le leader les aidera à se développer. Nous pensons alors qu’un tel leader ne maintiendra pas le statu quo et apportera un changement résolument positif dans l’entreprise, une transformation radicale. Ils véhiculeront auprès de leurs collaborateurs des valeurs fortes qui renvoient une image qui transcende la réalité. Les personnes sous l’influence d’un tel leader s’identifieront à lui, partageront ses convictions et s’engageront dans le travail qu’ils effectuent. Ainsi, il acquerra de la légitimité.
Le modèle de Conger et Kanungo est confirmé par Lord et Hall (2005) : « Le développement des compétences du leader est influencé par ses capacités cognitives, sa personnalité, sa capacité à réguler ses émotions, son identité et ses valeurs, qui dérivent à la fois de son contexte culturel et de son expérience personnelle ».[17]
Deuxième partie : étude empirique
Après avoir posé le cadre général de notre étude par l’analyse du concept de la légitimité, il est maintenant intéressant de procéder à une étude empirique. Celle-ci nous permettra de voir si la légitimité en action sur le terrain correspond à ce que le cadre théorique a permis de mettre en exergue. Il s’agit de voir comment cette légitimité s’exprime chez les acteurs que nous avons choisis dans le cadre de notre étude : les dirigeants d’entreprises. L’étude empirique permettra alors d’aborder le concept sous un angle individualiste, au cas par cas, afin d’affiner l’approche globalisante que nous avons utilisé dans la première partie.
Conformément à notre problématique, le contexte dans lequel cette étude empirique a été menée est celui des entreprises, et plus spécifiquement des PME. Une PME est une entreprise qui emploie entre 10 à 250 salariés et qui réalise un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros[18]. Le choix des PME est justifié pour au moins quatre raisons pratiques. D’abord parce qu’elles constituent la majorité de l’initiative entrepreneuriale et que cette forte présence sur le marché facilite les recherches pour notre étude de terrain. En outre, la légitimité est avant tout un problème d’hommes et non de taille d’entreprise. Ensuite parce que nous pensons qu’il est aussi plus aisé d’approcher des dirigeants de PME que ceux de grandes entreprises, et que nous obtiendrons plus de résultat en procédant ainsi. D’une part, cela est en partie dû à une organisation hiérarchique plus simple. D’autre part, parce que le fait d’être au sommet d’une grande entreprise peut alimenter l’ego de la personne et nous pensons qu’il y a moins de chance qu’il s’intéresse à notre étude.
Pour mener à bien notre étude de terrain, nous avons choisi comme méthodologie de collecte de données l’entretien de recherche.
L’entretien de recherche est une méthode de collecte qui vise à recueillir des données (informations, récits, témoignages ou ressentis) appelées matériaux et qui seront ensuite analysées. Sa réalisation obéit à des règles strictes. L’effectif des personnes interrogées doit être restreint. La durée d’un entretien est comprise entre 30 à 90 minutes. Contrairement au questionnaire qui est une relation anonyme, l’entretien engage deux personnes qui se rencontrent. Des rapports sociaux se jouent, l’entretien apparaît alors plus « humain » que le questionnaire. L’entretien possède également plusieurs avantages car il permet:
- l’analyse du sens que les acteurs donnent à leur pratique et aux événements auxquels ils sont confrontés: leurs valeurs et normes, leur interprétation d’une situation
- l’analyse d’un problème précis
- la reconstitution d’un processus d’action, d’expériences passées, etc.
Il existe trois types d’entretien :
- l’entretien directif : il s’agit d’un questionnaire d’entretien tout prêt. Chaque question est posée dans un ordre préétablie et le chercheur se cantonne à lire ses questions et à cocher les cases. Cette modalité d’entretien limite l’initiative du répondant
- l’entretien semi-directif : le chercheur prépare certains thèmes de discussion relativement ouverts et il ne suit pas forcément l’ordre des questions qu’il a préparé. Cette modalité d’entretien laisse plus d’initiative au répondant qui peut librement s’exprimer. Il appartient au chercheur de recentrer l’entretien s’il estime que le répondant s’écarte des thèmes
- l’entretien non directif ou libre: l’échange est mené comme une conversation « naturelle ». Très utile pour les récits de vie et pour comprendre ce qui a amené le répondant à sa situation actuelle. Il est plus long et plus difficile pour le chercheur
En ce qui nous concerne, nous avons choisi de mener un entretien du type semi-directif.
Trois types de questions peuvent être posés lors d’un entretien :
- les questions ouvertesqui sont utilisées pour recueillir des opinons, des suggestions et apportent donc des réponses personnalisées. Leur inconvénient est qu’elles nécessitent souvent plus de temps de réponse. De plus, les résultats sont difficilement quantifiables
- Ex : Quel (s) moyen (s) aviez-vous utilisé pour gagner la légitimité auprès des employés de l’entreprise ?
- les questions fermées qui permettent d’obtenir des réponses précises. Faciles à répondre, les résultats sont aussi plus quantifiables.
Ex : Etiez-vous un expert dans le domaine de votre entreprise ? □ Oui □ Non
- les questions filtres:une première question permet de filtrer la population. Selon la réponse, l’interviewé répond à une deuxième question
- Ex : Etiez-vous un expert dans le domaine de votre entreprise ? □ Oui □ Non.
- Si oui, cela a-t-il constitué un avantage pour votre intégration dans l’organisation ?
- Nous avons utilisé les trois types de questions. Nous avons privilégié les questions ouvertes pour les questions touchant à la légitimité. Cela permet au répondant de s’exprimer librement sur son expérience, mais est également plus pertinent pour notre étude.
Plusieurs raisons nous ont poussées à choisir l’entretien de recherche comme outil unique de collecte de données. D’abord, parce que nous voulions établir un contact avec les dirigeants de PME au lieu de leur envoyer simplement un questionnaire. Cela nous permet d’élargir notre réseau de relations par la même occasion. Ensuite, par contrainte de temps et de moyens. En effet, si nous avions choisi d’utiliser le questionnaire, il aurait fallu considérer des facteurs comme la représentativité de l’échantillon. Ce qui aurait résulté en un plus grand nombre de personnes interrogées. Par contre, l’entretien présente l’avantage de ne pas privilégier une approche quantitative mais plutôt qualitative : ce qui importe c’est la valeur de l’expérience de chaque répondant, la singularité de chaque cas. En choisissant l’entretien, nous pensons également que cela permet de montrer aux répondants un intérêt plus sincère à l’égard de leur expérience, à propos de ce qu’ils pensent et de qui ils sont.
Lors de l’élaboration du questionnaire d’entretien, nous avons rencontré plusieurs problèmes. D’abord notre manque d’expérience en la matière. Nous avions alors effectué certaines recherches sur comment élaborer un questionnaire ou comment conduire un entretien. Ensuite, nous avions essayé de proposer des questions qui, non seulement intéressent notre interlocuteur, mais qui sont également neutres pour éviter de faire des jugements ou des insinuations. Ce qui aurait certainement eu pour impact de réduire les réponses. Enfin, ordonner logiquement les questions, même si nous n’avions pas l’intention d’être directif lors des entretiens.
Au niveau de la diffusion du questionnaire, le premier problème a rapport avec l’identification des PME où déposer les demandes d’entretien. En effet, comme l’étude porte sur des dirigeants repreneurs, il a fallu cibler les PME dont les dirigeants étaient dans cette situation. Nous aurions pu choisir de déposer notre demande d’entretien auprès de n’importe quelle PME, quelle que soit le parcours de son dirigeant. Mais, selon nous, cela aurait manqué de pertinence parce que nous recherchons à montrer la singularité du cas de la reprise d’une société en difficulté. En outre, la valeur de l’expérience du dirigeant ayant vécu cette situation est inestimable pour notre étude.
Ensuite, le deuxième problème se situe au niveau de la méthode de diffusion : envoyer un e-mail, par la voie postale ou déposer en main propre ? Nous avions opté pour la troisième possibilité pour témoigner d’une implication plus grande dans notre approche. Nous avons fait en sorte de bien présenter l’objet de notre demande pour susciter l’intérêt pour notre étude. D’ailleurs, nous pensons que cette approche plus directe cela a contribué à l’obtention des réactions positives au niveau des trois PME.
- Les hypothèses de la recherche
- L’entretien de recherche que nous allons effectuer va nous permettre de valider ou non l’hypothèse que nous avons poséedans notre partie théorique: la période de six mois est déterminante en ce qui concerne la légitimité du dirigeant repreneur d’une PME.
Nous allons également tester une autre hypothèse qui découle de notre positionnement en faveur du modèle de Conger et Kanungo : l’expertise ne suffit pas à asseoir la légitimité du dirigeant. Un leadership est nécessaire.
Le questionnaire de l’entretien est divisé en trois parties et comporte 20 questions :
- questions de présentation générale du parcours professionnel du répondant;
- questions sur le poste actuel;
- questions sur la légitimité.
Nous avons voulu vérifier sur le terrain la manifestation de la légitimité des dirigeants de PME. Nous avons donc effectué des recherches, non sans quelques difficultés, pour identifier cinq (5) PME dont le dirigeant est un repreneur. Pour le savoir, nous avons discrètement approché des membres du personnel de ces entreprises. Nous avions déposé notre demande directement au siège social de chaque entreprise auprès du service habilité. Seuls trois (3) ont répondu positivement à notre sollicitation. Nous avions alors rencontré trois DG qui sont tous des repreneurs et dont l’un en est à sa deuxième expérience. Nous avons pu exploiter les données collectées auprès d’eux. Nos trois interlocuteurs sont tous des hommes. Ils sont respectivement âgés de 35 ans, 42 ans et 72 ans. Nous n’avons pas rétribué leur participation à l’entretien. De plus, ils ont montré un réel enthousiasme à nous recevoir.
Pour mener à bien notre entretien, nous avons utilisé un matériel audio pour enregistrer les échanges. Nous leur avons présenté que son unique utilité est de permettre une utilisation fidèle de ses propos. En outre, pour garantir leur participation, nous leur avons réaffirmé notre volonté de préserver leur anonymat ainsi que celle de leur entreprise. D’ailleurs, quand nous procéderons à l’analyse des réponses obtenues, nous les nommerons respectivement X, Y et Z. Précisons également que le questionnaire utilisé a été développé pour les besoins de notre étude. Nous n’avions pas utilisé un questionnaire préexistant.
Nous avons mené un entretien du type semi-directif. Son avantage est qu’il permet une grande liberté de parole au répondant bien qu’il y ait un cadre strictement délimité. Il évite également autant que possible les propos qui ne sont pas pertinents pour notre étude. Ainsi, il peut partager son expérience en rapport avec les questions posées. Chaque entretien a été conduit dans le bureau même du participant afin que le contexte familier pour lui soit plus propice à nos échanges. Durant les séances, nous n’avons été dérangés à aucun moment. Leur durée varie de 1h30 et 2h et se sont toutes déroulées en après-midi. Nos entretiens se sont bien passés et aucun de nos répondants n’a interrompu la séance.
- Le traitement des données
- L’entretien met en jeu un processus de communication et d’interaction humaine. On ne peut le considérer comme un simple questionnaire car des rapports sociaux se jouent pendant son déroulement. En outre, l’entretien ne permet pas de recueillir des données Nous obtenons plutôt des données dites qualitatives. Ainsi, pour une juste et objective interprétation de celles-ci, nous ne pouvons les extraire de leur contexte. Une transcription manuscrite des échanges est donc apparue comme une première étape indispensable. Lors de cet exercice, nous avons pris également soin de relever tous les autres aspects de la communication relevant du domaine du « non-dit » : interjections, mimiques, rires, silences, etc. Durant les entretiens, nous avons pris soin de noter certains comportements significatifs chez le répondant. Nous avons recoupé tous ces indices pour personnaliser le discours tenu et reconstituer dans notre esprit l’ambiance et le contexte. Nous avons aussi annotés des « verbatims », c’est-à-dire que nous avons réécrit des propos cités tels qu’ils ont été prononcés par leurs auteurs. Ces citations expriment leurs idées mieux que nous ne saurions le faire.
- La validation des données
- Notre questionnaire étant spécialement dressé pour les besoins de l’étude, nous n’en avions donc pas utilisé un qui ait déjà fait l’objet d’une validation. Aussi, il importait que notre questionnaire soit validé pour que les données obtenues soient aussi validées. Pour cela, nous avons utilisé la méthode de « triangulation». Nous avons pu faire appel à deux personnes qui se sont déjà investies dans le milieu de la recherche. Nous leur avons demandé chacun de leur côté d’évaluer notre questionnaire. Ensuite, nous avons mise en commun leur analyse pour dégager un consensus sur le découpage de notre discours en trois groupes de questions.
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Troisième partie : analyse des résultats de l’entretien
L’analyse des résultats de notre entretien de recherche est l’occasion de faire ressortir la pratique de la légitimité telle qu’elle est l’œuvre de trois dirigeants de PME. Nous allons voir si leur expérience reflète bien le concept de légitimité tel qu’il a été conçu. Pour cela, nous allons procéder en deux étapes.
Dans une première section, nous allons effectuer une analyse descriptive du matériel récolté, c’est-à-dire des réponses obtenues, tout en respectant les trois groupes de questions déterminés. Nous procéderons question après question et nous en profiterons pour annoter des « verbatims ». Pour faciliter le travail, nous allons nommer nos répondants X, Y et Z, et ce en respectant l’ordre des entretiens. Nous n’allons pas utiliser de méthode statistique étant donné que nous n’avons pas posé aucune question qui comporte des échelles de mesure. Ensuite, dans une deuxième section, nous testerons la validité de nos hypothèses.
Quelle est votre formation initiale ?
Les trois répondants ont tous effectué un cursus d’études supérieures. Monsieur X a suivi une formation en Gestion des Entreprises et des Administrations (GEA) option ressources humaines (RH). Quant à monsieur Y, il a suivi des études en droit privé, et plus précisément dans le droit des affaires. Enfin, monsieur Z est ingénieur en travaux publics.
Votre poste actuel est-il en adéquation avec votre formation ? Quel est le domaine d’activité de l’entreprise ?
Monsieur X et monsieur Z ont répondu par l’affirmative. Pour le premier, les études qu’il a suivies le destinent à des fonctions de direction, autrement dit qui ont pour objectif de conduire des hommes. Monsieur X nous révéla par ailleurs : « J’ai toujours eu pour ambition d’occuper un tel poste et j’ai fait des études dans ce sens. » Monsieur Z dirige une entreprise de travaux publics. Quant à monsieur Y, il a répondu non. D’ailleurs il ajoute que : « Mes études en droit privé des affaires ne débouchent pas forcément dans une fonction de dirigeant. Je peux exercer en tant qu’avocat des entreprises, conseiller en matière de fiscalité des entreprises. Ou encore œuvrer dans n’importe quel secteur : banques et assurances, immobilier, industrie, etc. »
Par contre, à la question concernant le domaine d’activité de l’entreprise, monsieur Y et Z ont suivi une formation adéquate : le premier cité dirige un cabinet juridique spécialisé justement en droit des affaires tandis que le deuxième une entreprise de travaux publics. Enfin, monsieur X est à la tête d’une PME œuvrant dans le domaine des assurances et réassurances.
Quel poste de dirigeant occupez-vous ? Depuis combien de temps ?
Les trois répondants occupent tous un poste de Directeur général (DG) au sein de la PME dont ils ont la charge. Nous avons ici des parcours différents. Monsieur X a tenu son poste depuis trois (3) ans. Monsieur Z possède trente-trois (33) ans d’expérience dans un poste de dirigeant. Outre le fait qu’il ait créé sa propre entreprise, il en a acquis deux autres en tant que repreneur. Tous deux ont déjà dépassé depuis longtemps le cap des six premiers mois au poste. Leur analyse à propos de leur six premiers mois sera alors certainement empreinte d’un certain sens du recul. Quant à monsieur Y, il n’en est qu’à quatre (4) mois. Son cas n’est donc pas moins intéressant que celui des deux autres puisqu’il s’inscrit encore dans la durée des six premiers mois de la prise de fonctions.
Au moment de votre prise de fonction, aviez-vous déjà une expérience dans un poste similaire ?
De nos trois répondants, le cas de monsieur Z est singulier étant donné la longue expérience de 33 ans qu’il possède. En effet, il a déjà connu deux précédentes expériences de reprise. Malgré qu’il n’ait aucun expérience dans un poste de direction, monsieur X a occupé pendant trois (3) ans un poste en tant que responsable des recrutements puis six (6) en qualité de responsable RH. A ce propos, il nous avoua : « Et puis je savais que ces expériences étaient nécessaires pour réaliser mon ambition. (Sourire de satisfaction) »
Monsieur Y n’a peut-être pas assumé une fonction de DG auparavant mais a déjà tenu un poste de direction : « Non. (Silence) Mais j’ai été directeur du département juridique dans la précédente entreprise. »
Si réponse à question 4 « oui » : combien de postes de dirigeant aviez-vous déjà occupé ? Combien d’années d’expérience totalisez-vous dans un poste de dirigeant ? Si réponse à question 4 « non » : Comment appréhendiez-vous votre premier poste de dirigeant ?
Comme monsieur X n’a jamais occupé de poste de dirigeant, nous lui avons posé la question concernant ses appréhensions. Ce à quoi il a répondu : « J’étais plutôt confiant quand j’ai appris que j’ai décroché le poste que j’ai convoité, car je me sentais prêt. J’avais quand même quelques appréhensions. Une fois au poste, j’ai tempéré un peu mon enthousiasme. » Monsieur Y n’a occupé que le précédent (directeur du département juridique) : « J’avais bénéficié d’une promotion à l’époque. Quand mon prédécesseur avait démissionné, je me suis porté candidat. En effet, mon ancienne entreprise privilégiait les candidats ayant cheminé au sein de sa hiérarchie. D’ailleurs, on était 3 à postuler. » Enfin, monsieur Z, qui occupe actuellement son troisième poste de dirigeant, avec les deux premiers en qualité de repreneur, s’exprime avec plus de confiance: «J’ai eu confiance en moi puisque je connaissais le métier»
- Cette première partie de l’entretien nous permet de constater la diversité des parcours de nos trois répondants. On peut déjà dresser un petit profil de nos répondants. Ainsi, monsieur X nous est apparu comme le jeune dirigeant ambitieux et peut-être un peu « téméraire ». Monsieur Y comme un homme plutôt patient et qui a gravi doucement les échelons avant de tenter l’aventure. Et monsieur Z, un homme qui a pleinement confiance en ses capacités étant donné sa connaissance du métier.
Le poste que vous occupez actuellement est-il celui de l’entreprise que vous avez reprise ? Si oui, quel temps vous a-t-il fallu pour maîtriser l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise que vous avez reprise? □ Moins de 6 mois □ 6 mois □ Plus de 6 mois
Si non, combien de temps l’aviez-vous dirigé ? Pourquoi l’avoir laissé tomber?
- Monsieur X a dit avoir mis plus de six mois à maîtriser l’entrepri Monsieur Y, qui n’a exercé que quatre mois à son poste, précise : « Comme je suis encore à 4 mois je ne rentre pas dans vos catégories de réponse. Je dirais alors qu’à cette heure, je maîtrise à peu près 50% des choses ici. Il me faudra sûrement plus de 6 mois pour bien maîtriser mon affaire. » Quant à monsieur Z qui a déjà connu deux expériences, nous lui avons demandé sur les raisons de son succès plutôt rapide : « Si vous êtes un technicien du secteur au bout de trois mois vous devez, avec du charisme et un management adapté, maitriser l’entreprise.» Par contre, si vous n’êtes pas du métier, il faut nécessairement une phase d’écoute et les six mois sont un minimum pour maitriser l’entreprise.»
- Etes-vous/Etiez-vous un expert dans le domaine de l’entreprise ? □ Oui □ Non.
- Monsieur Y et monsieur Z disent avoir une expertise du domaine de leur entreprise étant donné leurs études. Ils dirigent respectivement une entreprise d’assurances et de travaux publics. Au contraire, monsieur X n’est pas un expert dans le domaine de son entreprise. Il précise : « Je ne connaissais pas grand-chose des assurances. C’est le poste de direction que je connaissais grâce à mon expérience dans les RH. Cela ne m’a pas non plus empêché de réussir» (Sourires).
- Si réponse à question 2 « oui » : cela a-t-il constitué un avantage pour votre intégration dans l’organisation ? □ Oui □ Non. Pourquoi selon vous? Si réponse à question 2 « non » : cela a-t-il constitué un handicap pour votre intégration au sein de l’organisation de l’entreprise ? □ Oui □ Non. Pourquoi selon vous?
- Monsieur Y répond par l’affirmative. Il précise: « Parce que j’ai pu montrer que j’avais l’expertise du métier et cela a rassuré mes collaborateurs. Je partais donc avec une certaine tranquillité.En retour, on me sollicitait dès le début. »Monsieur Z également voit son expertise comme un avantage indéniable : « Car il faut une expertise minimum dans le domaine, ce qui vous rend plus sérieux auprès des banques. » Monsieur X estime enfin que son ignorance du domaine des assurances n’a pas constitué un handicap car il a appris en demandant à ses proches collaborateurs: « Comme je n’y connaissais rien, j’ai privilégié l’écoute afin d’en apprendre sur le métier. »
- Cette deuxième partie de l’interview nous montre en fait l’existence de deux points de vue différents: le premier est que posséder une expertise du secteur d’activité de l’entreprise permet de partir avec un certain avantage. Cependant, ne pas en posséder ne semble pas influer de manière négative l’exercice du mandat, en tout cas du point de vue de nos répondants. Nous allons pouvoir préciser ce fait dans la dernière partie de l’interview.
Comment définiriez-vous la légitimité d’entreprise ?
Comme la légitimité est au cœur même de notre étude, nous allons rapporter ici la définition de la légitimité donnée par les répondants. Ainsi, pour monsieur X : « Pour moi c’est tout simplement quand le personnel reconnaît son chef comme la personne qui devrait effectivement les diriger. » Pour monsieur Y : « Pour faire simple je dirais que c’est le fait que le personnel reconnaisse le pouvoir du dirigeant et lui facilite la tâche dans l’exercice de ses fonctions. » Enfin, pour monsieur Z : « Pour moi, la légitimité c’est être « droit » et avoir une parfaite « hygiène » dans les règles de management.» Chacun, à sa manière, a donné une définition de la légitimité. Deux idées importantes principales en ressortent: la reconnaissance par les pairs et l’existence d’un comportement moral de la part du dirigeant.
Pensez-vous que votre personnel vous considère à ce jour comme légitime ? Pourquoi ?
À cette question « fatale », chacun des répondants s’exprime sur des notes plutôt positives. Ainsi, monsieur X nous répond avec assurance : « Oui parce que je ne serais plus là si ce n’était pas le cas (rires). Il faut se faire rapidement accepter comme le chef sinon c’est difficile après. » Monsieur Z, fort de son expérience, est beaucoup plus posé: « Oui, nous avons dépassé ce stade depuis longtemps.» Monsieur Y qui n’a que quatre mois d’ancienneté se voit aussi plutôt légitime : « Il y a encore quelques exceptions notamment deux ou trois collaborateurs qui ont visé le poste. Ils n’ont pas encore digéré mon arrivée à mon avis. »
Selon vous, avez-vous/aviez-vous[19] eu des difficultés à vous faire reconnaître chef par le personnel de l’entreprise ?
Sur cette question, les avis sont plus mitigés. Monsieur X avoue tout de suite : « Rien n’est jamais facile quand il s’agit de l’homme ». Il met à profit son expérience dans les RH pour se faire reconnaitre chef. Monsieur Z semble avoir trouvé un moyen beaucoup plus rapide : « Pas tellement quand on fait les bonnes choses. Par exemple, réunir souvent le personnel, savoir se vendre, montrer son dynamisme, donner envie, avoir un vocabulaire adapté à eux. Faire attention aux images que l’on montre, car celles-ci collent à la peau définitivement et peuvent nuire. » La réputation du dirigeant est ici évoquée par monsieur Z. Monsieur Y est moins affirmatif que les deux précédents : « Comme je suis en plein dedans, je dois encore faire mes preuves, c’est sûr. Mais hormis les deux ou trois personnes dont je vous parlais à l’instant, je dirais que je m’en sors plutôt bien. »
Quel(s) moyen(s) aviez-vous utilisé pour gagner la légitimité auprès des employés de l’entreprise ?
Les répondants mettent en avant des attitudes et comportements qui suscitent la collaboration et favorisé leur légitimation. Leurs avis sont plus concordants. Monsieur X précise : « J’ai établi une relation de proximité pour leur montrer que je m’intéressais à eux et pour signifier ma présence dès le départ. » Il ajoute que la qualité de sa préparation avant son entrée en fonction a joué pour beaucoup : « Je me suis renseigné sur la culture de l’entreprise pour m’en imprégner rapidement, et préparé un agenda d’action. Avant ma prise de fonctions, j’ai rencontré mon prédécesseur et des collaborateurs-clés qu’il m’a indiqués. » Monsieur Z pose une condition: « Il faut avoir avant la reprise une bonne vision de l’entreprise. Faire approprier la culture de l’entreprise aux employés, en le faisant savoir régulièrement.» Les propos de monsieur Y montrent qu’il est encore à pied d’œuvre: « Jusque là, je travaille ma légitimité, ce n’est pas encore gagné et je le comprends parce que les employés ont besoin de voir des résultats pour cela. D’ailleurs, j’ai décidé de m’attaquer rapidement à certains problèmes et je pense obtenir des résultats d’ici 1 mois. Je compte beaucoup sur ces résultats pour faire tomber les dernières barrières relationnelles. » L’impression de ses collaborateurs à son égard est essentiel: « En tout cas, je communique autant que possible avec eux pour leur montrer que je suis l’homme de la situation, parce qu’il ne faudrait surtout pas qu’ils me pensent insuffisamment compétent pour assumer le rôle qui me revient. » Enfin, à propos de collaborateurs, il ajoute : « Parmi mes collaborateurs, j’en ai identifié qui possèdent une influence positive sur leurs collègues et j’ai fait en sorte de m’assurer leur soutien. »
Parmi les styles de management suivants, lequel aviez-vous adopté : délégatif, participatif, persuasif ou directif ?
Les quatre styles sont basés sur l’importance que le leader accorde plus ou moins à l’un ou l’autre ou les deux paramètres suivants en fonction de la situation: les tâches et les relations (Hersey et Blanchard, 1977). Pour monsieur X son style a évolué : « J’ai d’abord été délégatif par rapport aux tâches car je ne connaissais pas le domaine de l’entreprise mais en même temps très attentif aux personnes. J’ai priorisé l’instauration d’un climat de confiance et recherché le soutien des membres influents du personnel. Une fois leur appui assuré, il était plus facile d’être plus directif sans heurter. » Monsieur Y a mis l’accent sur la démotivation de ses collaborateurs : « J’ai privilégié la communication pour comprendre les sources de leur démotivation. C’était ma priorité. Ensuite, mon objectif était de les pousser à se dépasser. » Enfin, monsieur Z dévoile les ingrédients de sa réussite: « Je me suis fait accepter par ma présence sur le terrain, en ayant des contacts réguliers avec la base. Il ne faut jamais passer outre les chefs d’équipes, mais adopter la confiance. J’ajoute aussi : il faut utiliser des méthodes « douces » : je n’aime pas les conflits donc je préfère les décisions collégiales.»
Quel type de communication aviez-vous instauré au sein de l’entreprise pour asseoir votre légitimité ?
À cette question, chaque répondant exprime à sa manière la même idée : la nécessité d’une communication à double sens. Monsieur X insiste sur la relation de proximité qu’il a instaurée avec son personnel : « J’écoute beaucoup et je ne dis pas grand-chose. Le credo c’était interviewer, parler, écouter et ne rien décider tout de suite. » Monsieur Y évoque l’idée de « communication à double sens » : « Je communique pour donner des instructions et motiver. J’attends également leur feedback. Sur les employés les plus démotivés, je réalise des séances individuelles pour en comprendre la source et réfléchir à une solution.» Quant à monsieur Z, il nous livre ses secrets : « Le dialogue, l’écoute, les décisions collégiales. Être franc dans les échanges et respecter chacun. Mais il faut aussi établir une relation très proche avec la délégation syndicale. » Il ajoute encore : « Il faut avoir de bonnes relations avec les partenaires type : CE, Syndicats, cela apporte de grands bénéfices pour diriger. J’ai toujours appliqué le tutoiement avec l’ensemble du personnel et vice versa. Cela facilite la communication. On est plus dans le vrai. »
Dans une situation de reprise, il semble alors que l’aspect humain soit prépondérant et que le leader ne peut pas l’ignorer pour la bonne suite de son mandat. Instaurer une proximité avec ses employés et d’autres partenaires est l’attitude à adopter.
Selon vous, parmi les déterminants de la légitimité suivants, lesquels vous semblent avoir facilité votre légitimation par le personnel: votre position, votre expertise, votre participation au capital de l’entreprise, votre réputation ou votre leadership ?
Les avis sur cette question sont divergents. L’explication est certainement liée à la diversité des parcours de nos répondants. Ainsi, monsieur Y qui possède l’expertise du domaine de son entreprise, s’exprime comme suit : « Je dirais que ma connaissance du métier a été déterminante parce que mon prédécesseur n’était pas un spécialiste. On en a discuté ensemble et il a d’ailleurs reconnu à demi-mot que les erreurs de décisions qui lui ont coûté chères étaient dues à cela. » Monsieur X émet un autre avis : « Je dirais le leadership, par expérience. Sinon, mon expertise dans les RH m’a aussi bien aidé dans la consolidation de ma légitimité. Il ajouta aussi: « Par contre, si j’avais commencé par me vanter de ma position, je pense que j’aurai agi de manière moins appréciée par le personnel. Enfin, je n’ai aucune part sociale ni encore de réputation. C’est ce poste qui me permettra de m’en forger une. » (Sourire). Monsieur Z exprime son point de vue de la sorte : « Je dirais que tous sont importants. Mais pour moi la réputation est ce qui importe le plus. Je suis d’avis qu’une bonne première impression conditionne tout le reste. Ensuite le leadership puisqu’il faut garder à l’esprit que ce sont des hommes qu’on a en face de nous et non des machines. Il faut soigner très tôt sa réputation et son leadership. »
On dit que les six premiers mois de la prise de fonctions sont déterminants pour la légitimité du dirigeant : êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?
À cette question, les répondants abondent dans le même sens par rapport aux dangers de lé période et le rythme de travail. Monsieur Z, le plus expérimenté de nos répondants, est d’accord : « Tout à fait! Comme on dit très justement c’est comme marcher sur des œufs. C’est le moment où il faut éviter de dire qu’on a tout compris. Sinon on crée une situation préjudiciable pour la suite de notre mandat.» Monsieur X se rappelle de son expérience : «Je suis d’accord parce qu’il faut travailler dur pendant ces six mois pour mettre en place un changement positif. Il fallait poser dès le début les jalons de la stratégie. » Quant à monsieur Y qui vit encore la période est très affirmatif : « Oui, alors là sans hésitation ! Savez-vous au moins mon rythme : je fais de 12h à 14h de travail par jour ! C’est que les choses ne peuvent pas attendre en situation de reprise. Tout est urgent et tout mérite des réponses ASAP[20]. Je me suis mis au sport pour garder la forme. Parce que sinon, j’avoue c’est difficile. »
Vous rappelez-vous d’un moment précis où votre personnel vous a reconnu, implicitement ou explicitement comme légitime ? Si oui, pouvez-vous décrire la situation ? Au contraire, s’il vous a montré qu’il ne vous considérait pas comme légitime, comment le personnel vous l’a-t-il exprimé ?
Les répondants abondent une fois de plus dans le même sens en parlant de reconnaissance implicite. Ainsi, pour monsieur Z : « La légitimité je l’ai ressentie quand, d’une première réunion, il y avait la moitié de l’effectif et que, un an après, il y a eu 100% de l’effectif : là je savais que j’avais gagné ! Je me rappelle aussi qu’on vient me voir plus pour me donner des informations de plus en plus importantes. » Pour monsieur X : « La reconnaissance est plutôt implicite: je voyais qu’ils hésitaient moins avant d’appliquer mes décisions, ils étaient plus enthousiastes. » Monsieur Y, qui en est encore à la phase de démarrage à son poste, doit encore attendre sa reconnaissance : « Pas encore de reconnaissance de légitimité jusqu’ici, mais certains ont remarqué que je travaillais beaucoup et m’ont encouragé. »
Quels indicateurs vous ont permis de connaître exactement que vous étiez devenus légitimes aux yeux du personnel ?
Nous n’avons pas posé la question à monsieur Y, car nous pensions cela inutile au vu de sa réponse à la précédente. Quant à monsieur X, il s’exprime ainsi: « Principalement l’attitude et le comportement de mon personnel: je sentais plus d’enthousiasme, je sentais que des barrières étaient tombées et que la communication était plus fluide. Je pouvais solliciter leur expertise dans le domaine des assurances avant de prendre des décisions importantes. Du coup, elles n’étaient jamais contestées. » Enfin, monsieur Z évoque deux indicateurs : « Leur plus forte mobilisation pour appliquer mes décisions, et leur volonté de venir vers moi sans que je ne leur demande. Pour moi, c’était le signe qu’ils me reconnaissaient enfin.»
Quelles leçons tirez-vous de votre expérience dans cette entreprise ?
La leçon donnée par monsieur X est: « Que pour réussir une reprise, il faut considérer avant tout l’aspect humain de l’affaire, et non l’aspect financier (le rachat, les dettes, etc.) : ça aurait créé trop de barrières entre mes collaborateurs et moi et influé négativement sur la qualité de nos relations. Je devais être là pour les rassurer et ne pas leur imposer un changement. Ce qu’il faut au contraire, c’est construire ensemble le changement ». Monsieur Z nous livre une leçon essentielle: « C’est une grande expérience humaine. Que l’on est peut-être dirigeant, mais que l’entreprise est une équipe avant tout. Tout le personnel est important. Le dirigeant sans équipe n’est rien. Il faut savoir transmettre : c’est essentiel pour réussir. Il faut connaître la vie de son personnel. S’il y a eu naissance, mariage, décès, acquisition d’un bien, etc. et le faire savoir auprès des intéressés. C’est énorme comme avantage. » La leçon donnée par monsieur Y reflète son engagement dans l’exercice de ses fonctions de dirigeant: « La reprise n’est pas une mince affaire, qu’il faut se donner non pas à 100% mais même à 200%! Si l’on n’est pas prêt à faire des sacrifices, et bien, il vaut mieux plutôt envisager de diriger une entreprise en bonne santé. » Il termine sur une note agréable : « Mais je ne suis pas mécontent de vivre cette expérience car je commençais à avoir un peu assez de la routine que je vivais dans mon précédent poste. Ici j’ai constamment de nouveaux défis à relever et ça me rend enthousiaste. »
Quel conseil pratique donneriez-vous aux jeunes dirigeants sans expérience pour éviter les écueils que vous avez commis ou pour faciliter l’exercice de leurs fonctions?
Encore une fois, la diversité des conseils prodigués aux jeunes dirigeants n’est que plus enrichissant. Ainsi, pour monsieur X : « Pensez avant tout relationnel. Montrez à votre personnel qu’ils ont de la valeur. J’ai toujours gardé en tête Warren Bennis qui pense le leader doit innover, inventer, se fier aux employés, leur accorder la confiance. Quand les employés sont plus motivés ils se mobilisent pour vous « épauler » dans votre tâche de leader. » Monsieur Z donne plusieurs conseils : « Il faut écouter et rester humble, être sur le terrain, bien connaître son personnel, être très proche des gens. Il faut aussi tenir compte de l’extérieur : c’est très important pour le soutien et le développement de son entreprise. Cela doit correspondre à 10% de son temps de dirigeant. » Monsieur Z ajoute un impératif : « S’il n’est pas un spécialiste du métier de l’entreprise qu’il reprend, il doit être obligatoirement un spécialiste des chiffres. » Enfin, monsieur Y avertit les jeunes dirigeants : « La reprise n’est pas encore faite pour vous. Moi à votre place, je ferais en sorte de gravir les échelons dans ma société et patienter pour bénéficier d’une promotion. Quand vous serez plus expérimenté, vous pouvez envisager d’assumer les responsabilités d’un repreneur. »
L’analyse descriptive du matériel étant terminée, il est maintenant temps de voir si les hypothèses que nous avons posé pour les besoins de notre étude sont confirmées ou non.
- Les six premiers mois de la prise de fonctions sont-ils déterminants pour la légitimité du dirigeant repreneur?
Acquérir un statut de repreneur signifie pour un dirigeant de multiples enjeux à considérer et des défis à relever. Le principal enjeu pour ce dernier est de redresser une situation économique souvent désastreuse de l’entreprise. Cette mauvaise situation impacte également sur le plan humain et se manifeste par la démotivation du personnel ou une incertitude sur leur avenir. Il doit y remédier en proposant un plan d’action à mettre en œuvre très tôt au début de son mandat.
Le nouveau dirigeant est également observé par ses collaborateurs qui vont apprécier la qualité de ses moindres faits et gestes. Il sera « jaugé » sur sa capacité à assumer les fonctions qui lui sont dévolues. Le dirigeant devra alors faire bien attention à son image et sa réputation. Même en en prenant bien soin, il pourra être confronté à une non-reconnaissance de certains membres de son personnel, notamment par ceux qui convoitaient également son poste ou tout simplement parce qu’il n’est pas du métier. Il devra trouver des solutions pour modifier rapidement ces comportements à son égard afin de « rallier à sa cause » les individus encore réfractaires. Parmi celles-ci, il s’attachera le soutien de personnes-clés au sein de l’entreprise.
Si l’on se réfère aux réponses données par les trois dirigeants interviewés, la période de six mois est marquée par des sacrifices à faire, des longues journées de travail, des décisions rapides à prendre malgré la situation difficile. Pendant cette période, la marge de manœuvre du dirigeant est considérablement réduite : des expressions comme « marcher sur des œufs » résument bien la situation. Enfin, les réponses obtenues auprès des dirigeants, notamment celles de monsieur Z, montrent l’importance des six premiers mois. Nous pouvons confirmer l’hypothèse posée : les six premiers mois sont déterminants pour le dirigeant repreneur.
- L’expertise dans le domaine de l’entreprise suffit-elle à asseoir le leadership du dirigeant repreneur?
Durant nos trois interviews, il est ressorti des réponses divergentes concernant l’influence de l’expertise dans le processus de légitimation d’un nouveau dirigeant. Pour l’un de nos répondants, son savoir-faire et son expérience lui ont été d’une grande aide. Pour un autre, on se rappelle que son absence d’expertise lui a été bénéfique pour intégrer l’entreprise. À la lecture des réponses fournies par nos répondants à la question suivante, ces derniers mettent l’accent sur d’autres déterminants de la légitimité, notamment la réputation et le leadership. Il leur accorde même plus d’importance car ils sont plus centrés sur les hommes que sur les tâches. L’expertise seule ne suffit donc pas à assurer la légitimité du dirigeant repreneur. Ce dernier doit démontrer d’autres aptitudes qui mettent surtout en jeu les relations humaines : écoute, communication, intérêt sincère pour son personnel, etc.
Par contre, aucun des dirigeants interrogés n’a réuni chez lui tous les attributs du modèle développé par Conger et Kanungo. On notera l’absence des deux attributs suivants : « savoir prendre des risques » et « se comporter de manière non-conventionnelle ». Si l’on analyse les paroles des dirigeants interviewés, leur rôle de repreneur leur impose d’abord la prudence afin d’éviter de prendre des décisions hâtives qui vont fragiliser leur mandat. Cependant, l’analyse descriptive des matériels ne nous permet pas de conclure que le modèle de Conger et Kanungo n’est pas valable. Peut-être simplement que le contexte de la reprise n’est pas propice à son application. Il pourrait en être différemment pour une nouvelle entreprise.
Nous avions commencé notre étude par émettre un constat : toute forme d’organisation (sociale, politique, privée, etc.) possède son entité dirigeante. Celui qui est investi de cette autorité peut être un groupe d’individus ou un individu en particulier. Dans le cas d’une entreprise, il s’agit du PDG ou du DG. Ce dernier exerce un pouvoir sur tous les autres membres du personnel de l’entreprise. L’obéissance à son autorité devrait alors être automatique. Et pourtant, ce pouvoir ne garantit pas que le personnel se mobilise entièrement pour améliorer les résultats de leur entreprise.
C’est dans ce cadre que la légitimité a été avancée comme un facteur essentiel dans l’exercice du pouvoir par le dirigeant. Pour comprendre ce concept, nous avons procédé à une revue de littérature pour y rechercher ses origines. Nous y avons également appris que la légitimité du dirigeant est en fait composée de plusieurs éléments qui permettent de la rendre effective. Ainsi, des déterminants ont été identifiés : la position occupée, la réputation, l’expertise, la participation au capital et le leadership. Selon les documents étudiés, nous avons aussi retenu que le leader devait montrer l’exemple et prendre des décisions équitables. En outre, notre étude est limitée au cas du dirigeant repreneur de PME. La situation de reprise est généralement difficile pour un nouveau dirigeant puisque l’entreprise se trouve souvent en difficulté. Ainsi, notre revue de littérature a aussi mis en exergue l’importance pour le dirigeant de prouver le plus rapidement possible sa légitimité. Nous en avons retiré que le délai de six mois est décisif pour lui. Nous avons ensuite procédé à des entretiens pour essayer de voir si la pratique de la légitimité par des dirigeants de PME concordait avec les théories existantes.
Nous avons ensuite effectué des entretiens pour voir si dans la pratique on retrouvait ces déterminants de la légitimité. La réputation, l’expertise et le leadership sont ceux qui sont cités par nos répondants. En effet, tous parlent de faire bonne impression et d’avoir une image positive dès le début dans la mesure où celle-ci perdure et est difficile à changer. À propos de l’expertise, il faut généralement en posséder : soit dans le domaine de l’entreprise parce que cela rend le dirigeant crédible ; le cas échéant, en maîtrisant les chiffres et en ayant des collaborateurs qui maîtrisent le domaine. Si le dirigeant est expert du domaine de son entreprise, trois mois devraient suffire à la maîtriser. Dans le cas échéant, les six premiers mois constituent un minimum.
Le dirigeant doit aussi posséder des qualités humaines pour réussir à son poste et gagner en légitimité auprès de son personnel. On ne le répètera jamais assez : l’écoute, le dialogue ou le respect sont des qualités essentielles à cultiver. Par contre, nos répondants n’ont jamais évoqué ni leur position ni s’ils possédaient ou non des parts sociales. Au contraire, ils recommandent d’être au contact de la base ou encore qu’un dirigeant sans son équipe n’est rien. Pour nous, cela démontre la nécessité de posséder une attitude humble de la part d’un dirigeant. L’aspect humain est un facteur essentiel dans un contexte de reprise de société. Dans tous les cas, le dirigeant doit s’atteler très tôt à la préparation de son mandat, bien avant même sa prise de fonctions. Car une fois en place, les premiers mois seront déterminants pour son avenir à la tête de l’entreprise.
Pour répondre à la problématique posée, le dirigeant qui souhaite acquérir de la légitimité aux yeux de son personnel doit mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour maîtriser l’entreprise dès les six premiers mois. Soigner son image pour être crédible, démontrer son expertise dans le domaine ou savoir s’entourer de collaborateurs compétents, adapter son style de leadership au contexte qui prévaut, posséder des qualités humaines pour mobiliser, etc. Il y a trois points clés de la réussite selon Lachmann (2009) : « Tout d’abord, mettre la priorité sur les hommes et les femmes de l’entreprise. Le dirigeant est d’abord un DRH. (…) Le second point clef, c’est le respect des cultures et des diversités. Et le troisième, c’est d’avoir suffisamment confiance en soi pour donner de l’autonomie aux équipes. »[21]
Cependant, la légitimité du dirigeant d’entreprise n’est pas une question qui touche exclusivement les membres du personnel. Une autre dimension a été évoquée très brièvement par l’un de nos participants à l’entretien. En effet, le dirigeant est continuellement observé par d’autres parties-prenantes externes à l’entreprise : les banques, les assurances, les clients, les fournisseurs, les partenaires sociaux, les syndicaux, les médias, etc. Son attitude et son comportement le rendront crédible ou non. Si un dirigeant est vu comme légitime par son personnel, sa réputation pourrait le précéder en dehors de son entreprise ; ce qui serait un avantage pour lui. Au contraire, s’il est mal perçu en dedans, cela pourrait avoir des répercussions en dehors. Dans les deux cas, l’inverse est également vrai. Il doit exister une certaine congruence entre les paroles prononcées et les actes du dirigeant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Autrement dit, un double langage lui serait préjudiciable. Comme l’a mis en évidence une étude de l’EDHEC : « Chaque partie-prenante ayant des perceptions mais également des attentes différentes à l’égard du rôle du dirigeant, il est aisé d’envisager à quel point la gestion de la légitimité s’avère une pratique complexe et un art délicat pour les équipes dirigeantes. »
Dès lors, étudier les interactions qui existent entre la légitimité accordée par le personnel et la légitimité accordée par les autres parties-prenantes serait intéressantes. On pourrait étudier le sujet suivant : à quel point la légitimité interne et la légitimité externe du dirigeant interagissent entre elles?
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Annexe 1 : Demande d’entretien
Objet : Demande d’entretien dans le cadre d’un mémoire de Master
Madame, Monsieur
Bonjour,
Je m’appelle…………………….. et je suis un étudiant(e) en deuxième année de Master en ………………………………………………………………..……………………..
Dans le cadre de mon cursus, je réalise un mémoire universitaire portant sur la question de la légitimité d’un dirigeant au sein d’une PME. J’ai délimité mon étude au cas de dirigeants tels que vous, c’est-à-dire qui se sont retrouvés dans la situation de repreneur. À l’époque, vous aviez sans doute traversé certaines difficultés dans votre nouvelle fonction. Vous aviez dû relever certains défis ou apporter des changements dans le but d’améliorer la situation de l’entreprise que vous dirigez.
Des spécialistes (sociologues, philosophes, etc.) ont proposé des théories sur la question de la légitimité d’un dirigeant. Certains mettent en exergue l’importance que revêt les cent premiers jours ou les six premiers mois pour le mandat d’un dirigeant repreneur d’entreprise. Par contre, il existe peu d’ouvrages et de formations qui enseignent l’art de diriger dès le premier jour dans une nouvelle fonction de dirigeants.
Aussi, face à cette rareté des sources d’informations formelles, vous étiez peut-être justement confronté à ce problème et aviez dû « apprendre sur le tas » certains aspects de votre position de dirigeant. Mais votre parcours professionnel dans le milieu a également enrichi votre expérience de terrain et vous a donné les bonnes attitudes à adopter ou les bonnes décisions à prendre. Votre point de vue m’intéresse alors tout particulièrement.
C’est pourquoi je souhaiterais m’entretenir avec vous sur le sujet. L’entretien que je vous propose de faire contient une vingtaine de questions. Après une brève présentation de vous-même et de votre formation initiale, nous poursuivrons immédiatement avec des questions qui ont directement trait au sujet qui nous intéresse. Enfin, soyez pleinement rassurés : nous garderons l’anonymat concernant votre nom ou votre société.
Je sais combien vos responsabilités vous occupent et je vous serai très reconnaissant de m’accorder de votre précieux temps pour m’aider à mener à bien mon mémoire de fin d’études.
J’ai également communiqué à votre assistant(e) mes coordonnées pour fixer un rendez-vous selon vos disponibilités.
Veuillez agréer l’expression de mes salutations les plus distingués.
Annexe 2 : Questionnaire d’entretien avec les dirigeants de PME
Age :
Sexe □ Femme □ Homme
Questions de présentation générale du parcours professionnel du répondant
- Quelle est votre formation initiale ?
- Votre poste actuel est-il en adéquation avec votre formation ?
□ Oui □ Non
Quel est le domaine d’activité de l’entreprise ?
- Quel poste de dirigeant occupez-vous actuellement? Depuis combien de temps ?
- Au moment de votre prise de fonction, aviez-vous déjà une expérience dans un poste similaire ? □ Oui □ Non.
- Si réponse à question 4 « oui » :
Combien de postes de dirigeants aviez-vous déjà occupé ?
Combien d’années d’expérience totalisez-vous dans un poste de dirigeants ?
Si réponse à question 4 « non » :
Comment appréhendiez-vous votre premier poste de dirigeant ?
Questions sur le poste occupé dans l’entreprise reprise
- Le poste que vous occupez actuellement est-il celui de l’entreprise que vous avez reprise ?
Si oui, quel temps vous a-t-il fallu pour maîtriser l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise que vous avez reprise?
□ Moins de 6 mois □ 6 mois □ Plus de 6 mois
Si non, combien de temps l’aviez-vous dirigez ? Pourquoi l’avoir laissé tomber?
- Etes-vous/Etiez-vous un expert dans le domaine de l’entreprise ? □ Oui □ Non.
- Si réponse à question 2 « oui » :
Cela a-t-il constitué un avantage pour votre intégration dans l’organisation ?
□ Oui □ Non. Pourquoi selon vous?
Si réponse à question 2 « non » :
Cela a-t-il constitué un handicap pour votre intégration au sein de l’organisation de l’entreprise ? □ Oui □ Non. Pourquoi selon vous?
Questions sur la légitimité
- Comment définiriez-vous la légitimité d’un dirigeant d’entreprise ?
- Pensez-vous que votre personnel vous considère à ce jour comme légitime ? Pourquoi ?
- Selon vous, avez-vous/aviez-vous[22] eu des difficultés à vous faire reconnaître chef par le personnel de l’entreprise ?
- Quel(s) moyen(s) aviez-vous utilisé pour gagner la légitimité auprès des employés de l’entreprise ?
- Quel style de management aviez-vous adopté ?
- Quel type de communication aviez-vous instauré au sein de l’entreprise pour asseoir votre légitimité ?
- Selon vous, parmi les déterminants suivants, lesquels vous semblent avoir facilité votre légitimation par le personnel: votre position, votre expertise, votre participation au capital de l’entreprise, votre réputation ou votre leadership ?
- On dit que les six premiers mois de la prise de fonctions sont déterminants pour la légitimité du dirigeant : êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?
- Vous rappelez-vous d’un moment précis où votre personnel vous a reconnu, implicitement ou explicitement comme légitime ? Si oui, pouvez-vous décrire la situation ?
Au contraire, s’il vous a montré qu’il ne vous considérait pas comme légitime, comment le personnel vous l’a-t-il exprimé ?
- Quels indicateurs vous ont permis de connaître exactement que vous étiez devenus légitimes aux yeux du personnel ?
- Quelles leçons tirez-vous de votre expérience dans cette entreprise ?
- Quel conseil pratique donneriez-vous aux jeunes dirigeants sans expérience pour éviter les écueils que vous avez commis ou pour faciliter l’exercice de leurs fonctions?
—x—
Table des matières
Première partie : cadre théorique 4
1.1. Les éléments essentiels d’une légitimité bien assise du dirigeant d’entreprise 6
1.2. L’importance des six premiers mois dans l’exercice d’une nouvelle fonction de dirigeant 10
2) Mon positionnement par rapport à la légitimité : le modèle Conger et Kanungo_ 14
Deuxième partie : étude empirique 16
1) Méthodologie de collecte de données : l’entretien_ 17
1.1. Généralités sur l’entretien en tant que méthode de collecte des données 17
1.2. Le choix de l’entretien comme outil de collecte de données 18
1.4. Les hypothèses de la recherche 19
2.1. Les caractéristiques des participants à l’entretien de recherche 20
2.2. La procédure de l’entretien_ 20
2.3. Le traitement des données 20
2.4. La validation des données 21
Troisième partie : analyse des résultats de l’entretien_ 22
3.1. Analyse descriptive du matériel 22
3.1.1. Questions de présentation générale du parcours professionnel du répondant 22
3.1.2. Questions sur le poste occupé dans l’entreprise reprise 23
3.1.3. Questions sur la légitimité 24
3.2. Validation des hypothèses 29
Annexe 1 : Demande d’entretien_ 36
Annexe 2 : Questionnaire d’entretien avec les dirigeants de PME_ 37
[1] Weber, M. (1995) « Economie et société », tomes 1 et 2. Paris : Plon
[2] Weil, S. (1993) « La pesanteur et la grâce », Paris : Pocket.
[3] Sarbin, T.R. & Allen, V.L. (1968) « Role theory ». In G. Lindzey & E. Aronson (Eds.), Handbook of social psychology (2nd Ed.) (Vol. 1, pp. 488-567). Reading, MA: Addison-Wesley.
[4] Finkelstein S., (1992). Power in Top Management: Dimensions, Measurements, and Validation, Academy of Management Journal 35(3), 505‑538.
[5] Conger, J. A., & Kanungo, R. N. (1998). « Charismatic leadership in organizations. » Thousand Oaks, CA: Sage.
[6] La seule exception est la critique portée à l’encontre des dirigeants des entreprises familiales qui « n’auraient pas fait leur preuve » avant d’être désignés à la tête de l’entreprise.
[7] Deschamps et Paturel, 2009. Cité par Cullière.
[8] Cf. Petit et Mari (2009), « la légitimité des équipes dirigeantes : une dimension négligée de la gouvernance d’entreprise»,
[9] Messier, J.-M. (2000) « J6M.com », Hachette, p.35
[10] Greene, R. (1998) « Power : les 48 lois du pouvoir », p.37. Paris : À contre courant.
[11] Cf. paragraphe Les critères de choix, p.12.
[12] Si l’on interprète Marlotte et Paolini, le mandat explicite désigne la position dans l’entreprise vu l’organigramme. Par contre, le mandat implicite renvoie à l’idée de l’influence personnelle d’un individu. Cela implique qu’un individu peut occuper formellement un poste à responsabilité mais que, dans les faits, un autre exerce le pouvoir à sa place. En d’autres termes, une personne occupant un poste plus élevé peut posséder moins d’influence et de relations qu’une autre qui se trouve dans son entourage direct ou même en-dessous d’elle dans l’organigramme. On peut encore parler de pouvoir formel et de pouvoir réel.
[13] Kotter, J. P. « Leading change », chap. 3 (1996) et « A sense of emergency » (2008). HBS Press.
[14] Carnegie, D. (1936) « Comment se faire des amis et influencer les autres». Facilement téléchargeable en version pdf sur google.
[15] Hersey, P & Blanchard, K. (1977) « Management of organizational behavior : utilizing human resources », 3rd edition. New Jersey : Prentice Hall.
[16] McGregor, D. (1960) «The human side of enterprise », New York : McGraw Hill
[17] Lord, R. G., & Hall, R. J. (2005). « Identity, deep structure, and the development of leadership skill. The Leadership Quarterly », 16(4), 591-615.
[18] Cf. article 51 de la loi de modernisation de l’économie votée le 4 août 2008 et publiée au JORF du 5 août 2008.
[19] Selon qu’il se voit légitime ou non au moment de l’entretien.
[20] As soon as possible, anglicisme qui signifie « aussi vite que possible ».
[21] Les associés de EIM France (2009, novembre), La lettre d’EIM France. Le point de vue d’Henri Lachmann. Transitions, n°42. Henri Lachmann est le Président du Conseil de Surveillance du Groupe Schneider Electric.
[22] Selon qu’il se voit légitime ou non au moment de l’entretien ?
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