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La musicothérapie, une nouvelle perspective pour la rééducation des difficultés perceptives et communicatives des autistes ?

La musicothérapie, une nouvelle perspective pour la rééducation des difficultés perceptives et communicatives des autistes ?

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

Que ce soit en dehors ou au niveau académique, j’ai toujours fait de la musique ma passion.

C’est d’ailleurs cette attention particulière que je lui porte, qui m’a incité à le pratiquer par le chant et le violon. Qui plus est, j’ai la nette conviction que le langage musical est étroitement lié au langage poétique. De ce fait, je lui attribue deux acceptions. D’une part, j’appréhende la musique en considération de son contenu manifeste, qui procure un plaisir immédiat partagé par tous et qui incite le corps à bouger. Et d’autre part, je l’assimile à un contenu latent qui agit sur notre inconscience sur la base des expériences oubliées[1].

 

Ce sont ces considérations qui m’ont dicté la certitude selon laquelle, la musique peut être un apport pour la réalisation d’une vie apaisée ; et qu’elle forme la base incontournable de la prise en charge thérapeutique des individus atteints de pathologies mentales et somatiques. Forte de ces convictions, j’ai décidé de suivre une formation de trois ans en musicothérapie, auprès du centre international de musicothérapie de Noisy-Le-Grand. J’ai ensuite additionné mon périple d’un stage de formation auprès de l’association Education Utile Régionale ou EURECAH[2].  J’y étais accompagnée par une musicothérapeute, madame Annabelle Roch, et j’ai été en mesure de suivre deux groupes d’autistes et polyhandicapé, ainsi qu’une personne individuelle souffrant de sclérose en plaques au niveau du service psychiatrique[3] et un enfant autiste dans une école Spe[4]. L’association recueille aujourd’hui environ 90 % des enfants autistes, et 10 % d’enfants atteints d’un autre handicap[5].Plus tard, j’ai été diplômée d’une formation en sophrologie, et je suis en cours de formation en Art-thérapie.

 

Professionnellement, j’ai actuellement un cabinet à Lyon où j’exerce en tant que sophrologue. Néanmoins, je souhaite obtenir le titre de Musicothérapeute en terminant ma formation par le biais de ce mémoire. Aussi, ai-je choisi comme thème : « La musicothérapie, une nouvelle perspective pour la rééducation des difficultés perceptives et communicatives des autistes ? » Dans la perspective de le mener à bien, j’ai décidé d’effectuer un stage supplémentaire en musicothérapie. Il s’agit d’un stage en soin palliatif et il ne m’a pas été imposé. Toutefois, j’ai tenu à l’accomplir afin de prouver l’entier dévouement que j’aspire au métier de musicothérapeute, en passant par la réussite de ce mémoire.

Ainsi, pour correctement répondre à la problématique du sujet, la musique, la musicothérapie, et l’autisme seront traités en première partie de ce mémoire. Tandis que l’étude clinique trouvera place en deuxième partie.

 

 

 

 

 

 

PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DE LA MUSIQUE, DE LA MUSICOTHERAPIE, ET DE L’AUTISME

 

  1. La musique

Définition

La musique est une notion polymorphe, de ce fait, elle a en son compte plusieurs acceptions. Chaque définition donnée diffère selon l’angle de vue adopté par son auteur. Communément, la musique est « une succession de sons qui sont perçus comme étant organisés selon certaines règles artistiques »[6]. On retient deux choses de cette définition.

La première est que la musique peut être une œuvre d’art, une représentation, et un moyen de communication. Plus concrètement, la musique serait une œuvre d’art lorsqu’elle est le produit d’une création artistique. Toutefois, contrairement à l’art plastique où l’œuvre peut être donné en une seule fois, l’œuvre musicale, elle, se situe sur un plan temporel[7], et n’existe que lorsqu’elle est jouée. Ensuite, elle serait une représentation lorsqu’elle présente en temps réel quelque chose d’absent. Et enfin, elle serait un moyen de communication lorsqu’elle diffuse un message[8].

La deuxième chose à retenir est que la musique en elle-même diffère des autres sons puisqu’elle respecte certains règles ou systèmes de composition. Toutefois, la musique peut être obtenue de différentes manières, par la voix, par le corps, ou par des instruments de musique. Par ailleurs, la musique peut-être de nature abstrait, concrète ou de synthèse.

 

L’origine selon Pythagore

La science du son est définie par les pythagoriciens comme étant : « une combinaison harmonique des contraires, l’unification des multiples, et l’accord des opposés ». Ainsi, selon eux, la musique est formée par de nombreuses figures mathématiques. Elle existe donc d’elle-même, et serait une science, plus spécialement une science sensible de la mesure, puisqu’elle fait preuve de justesse comme l’astronomie.

À l’époque de Platon, ces deux sciences ont été négligées au profit de l’arithmétique et de la géométrie. Néanmoins, Pythagore a considéré la musique comme étant une éthique médicale qui sert à apaiser les passions humaines et à rétablir les facultés de l’âme à leur juste place. Il pousse même jusqu’à dire qu’après l’expérience de la musique, il serait possible pour une personne d’être lui-même en plus d’acquérir des savoirs.

Plus tard, Pythagore a avancé la théorie de la « musique des sphères ». Ladite théorie adopte une approche extrinsèque[9] de la musique puisqu’elle suppose que l’origine de la musique provient des mouvements des planètes. Néanmoins, l’astrophysicienne Sylvie Vauclair et le musicien Claude-Samuel Lévine ont démenti la fameuse théorie. À la place, ils soutiennent que « des vibrations transposables sur la portée sont générées par les étoiles[10] », et qu’ils peuvent les utiliser pour créer une œuvre musicale.

 

   — Les premiers sons du fœtus

« Les sons et surtout ceux rythmés par  l’être humain tissent déjà des liens entre  l’utérus et le monde(…) ce lien par le son rythmé est aussi  lien entre le dedans et le dehors, entre l’avant et l’après, entre le soi et l’autre, entre la vie et l’absence.[11] »

Scientifiquement, l’oreille externe du fœtus commence à se former à la huitième semaine de la grossesse. Néanmoins, son système auditif est encore loin d’être performant. Toutefois, les os vibratoires qui forment son crâne lui permettront de percevoir les vibrations des sons. Ainsi, à  partir de cet instant, le fœtus est en mesure de ressentir les ondulations.

Les premiers sons qui seront captés par le fœtus seront celui du bassin, du rythme cardiaque, et des gargouillis gastro-intestinaux maternels. Ces vibrations de sons apparaissent dès la septième semaine de la vie utérine et procurent chez le fœtus ses premières sensations et émotions. Ces vibrations agissent sur le corps du fœtus comme des résonateurs. Ils viennent résonner dans son corps, et le bouleversent de sensations nouvelles. Ainsi, les premiers sons du fœtus seront des bruits internes, dans la mesure où ils résonnent au sein du corps maternel. La mère forme alors l’espace sonore du fœtus. Elle lui transmet son rythme, et sa voix. Le fœtus est d’ailleurs spécialement sensible à la voix maternelle, car il peut la percevoir par voie interne, et plus tard par voie externe grâce aux différents tissus qui le séparent de l’extérieur.

Si au début, les sons apparaissent déconcertants pour le fœtus, ces bruits internes deviendront agréables pour lui plus tard. C’est le phénomène d’habituation[12] qui fait que les bruits internes ne sont plus captés comme étant des informations par le fœtus. Aussi, il va au fur et à mesure du temps, les intégrer. Toutefois, ce phénomène d’habituation se fait progressivement, et il semble que ce sont les battements cardiaques de la mère qui sont les premiers assimilés par le fœtus. Ensuite viennent les bruits de la respiration et les borborygmes[13].

 

                 Système auditoire

C’est, à compter du cinquième mois de grossesse le fœtus commence, véritablement à apprécier les sons. Mais c’est à partir du huitième mois de grossesse que le fœtus aura développé son système auditoire. Il sera capable de distinguer la voix de sa mère, de repérer les changements de locuteur, et de mémoriser un air de musique.

Le système auditoire du fœtus, tout comme le nôtre, est formé par l’organe de l’ouïe. C’est un sens qui diffère des autres sens, car il peut être ni commandé ni filtré. Or, le fœtus est dans un environnement sonore variant en fonction de l’activité de sa mère. La diversité des sons qui viennent à lui stimule son audition, et peut l’amener à y répondre par un mouvement. En ce sens, des chercheurs ont pu constater à travers les échographies que les basses fréquences diminuent l’activité fœtale, tandis que les hautes fréquences l’animent. De même, les bruits intenses peuvent accélérer les rythmes cardiaques du fœtus, ou le faire retrancher au fond de la cavité utérine dans une attitude de protection. Ainsi, la faculté auditoire du fœtus se développe au cours du temps. Jusqu’à devenir un instrument de communisation entre lui et sa mère et ceu même après la naissance. C’est alors pour confirmer ces dires que Didier ANZIEU annonce que: « Le nourrisson a une capacité de perception bien supérieure à sa capacité d’émission phonétique, anticipant là l’antériorité de la compréhension sémantique par rapport à l’élocution. »[14].

               – Système nerveux

C’est grâce au développement du système nerveux que le fœtus, à différents stade de la grossesse, acquiert des perceptions sensorielles. Et son système nerveux réagit différemment face à chacune d’entre elles.

  • L’organe de l’Ouïe : Dès le sixième ou le septième mois, les sensations auditives sont présentes chez le fœtus. Ses oreilles sont entièrement formées. Et il pourra se servir du pavillon pour capter ou canaliser les vibrations extérieures, qui seront transmises, après un long cheminement, au cortex auditif du cerveau. Et c’est seulement à cet instant que lesdites vibrations seront reconnues comme étant des sons. On a pu remarquer qu’à ce niveau, le fœtus réagit aux bruits externes, puisque désormais, les bruits violents le font sursauter,  et la musique douce l’apaise. Par ailleurs, les émotions de la mère semblent transposées au fœtus, qui peut  y réagir par une accélération de son rythme cardiaque.
  • L’organe du goût : Il se développe chez le fœtus de quatre mois. Grâce au microscope, les scientifiques ont pu examiner l’anatomie de la langue. Et ils y ont découvert les récepteurs gustatifs qui ont pour rôle de transmettre au système nerveux central les caractéristiques gustatives. Et ces derniers y seront traduits en sensation gustative.  Concrètement, à ce stade, le fœtus avale le liquide amniotique et il semble discerner les saveurs.
  • L’organe du toucher : Il se développe également dès le quatrième mois de grossesse car le fœtus sent quand on le touche à travers le ventre maternel. Le sens du toucher est assuré par la présence des corpuscules récepteurs sous la peau. Ils informent le cerveau en passant par la moelle épinière. C’est là que sont analysées les informations. Aussi, le système nerveux du fœtus  peut comprendre la chaleur, le froid, la pression ou la douleur.
  • L’organe de la vue existe pratiquement chez le fœtus, car il semble distinguer la lumière de l’obscurité. Il réagit à un faisceau de lumière violente dirigée vers sa tête à travers l’abdomen de sa mère. Ces rayons lumineux pénètrent donc son œil, et après un long processus d’infléchissement, traversent la courbure de sa cornée, son iris, sa pupille, son cristallin, puis sa rétine, qui transforme l’énergie lumineuse en message électrique pour être transmit au cortex visuel du cerveau.

 

               – La mémoire musicale

Le fœtus peut capter très tôt les sons. Il atteint la capacité à dissocier les sons à partir du cinquième mois de la grossesse, et peut dès lors écouter  de la musique. Et si elle est diffusée de manière régulière, elle laisse des traces dans sa mémoire, et il  pourra s’en rappeler à sa naissance.

Cette mémoire musicale est liée au «  rythme inné de l’enfant à naître[15] ». En ce sens, des recherches démontrent que ces traces dans la mémoire  constituent  le  code sonore personnel du fœtus, et sera  la base du futur langage de l’enfant. Par ailleurs, des chercheurs finlandais  ont découvert que « les bébés sont capables d’apprendre très jeune, et que les effets de cet apprentissage restent apparent dans le cerveau pendant une longue période[16] ». De telles conclusions ont été tirées suite à une expérience  dans laquelle ils ont demandé à des femmes enceintes de jouer le chant « d’Ah ! Vous dirai-je maman », cinq fois par semaine durant les trois derniers mois de leur grossesse. Après naissance, les chercheurs ont fait écouter aux bébés la même chanson, et une version modifiée. Les résultats publiés dans la revue Plos One constatent une augmentation  importante de l’activité cérébrale des bébés à l’écoute de la chanson, et une impassibilité envers la version modifiée. Les bébés peuvent, de plus, retenir l’information depuis le ventre de leur mère pendant au moins six mois.

Il faut néanmoins comprendre que le fœtus porte une attention particulière à la voix de sa mère. Selon Maya GRATIER, «  La voix de la mère  habite littéralement le corps du fœtus, elle est aussi sa voix, elle fait vibrer son corps de l’intérieur et même à travers plusieurs intérieurs-son-corps, l’utérus, le corps de la mère-et ses cadences l’entrainent, se logent en lui. Et la voix de la mère est elle-même imprégnée de culture, des rythmes de la langue mais aussi des inflexions particulières qu’elle a développées dans les siens, qu’elle a peut-être transformées en voyageant. ». Et Marie-France CASTAREDE corrobore cette affirmation en disant que  la musique et le chant peuvent raviver en nous les impressions de bien-être ressentis lors de l’accordage affectif (Daniel Stern[17]) qui a eu lieu avec nôtre mère, notamment par l’intermédiaire de sa voix.

          

   – Les bienfaits de la musique chez le fœtus

 

A partir du moment où le fœtus réagit aux sons externes, il est également capable d’écouter de la musique.  Et les bienfaits de la musique sur lui sont multiples. En effet, des recherches ont démontrées que faire écouter de la musique au fœtus stimule le développement de ses fonctions mentales et physiques.

  • Le développement serait mental, dans la mesure où la musique agit en augmentant de manière considérable les sensations du fœtus. Elle agit à son égard de manière thérapeutique, puisqu’elle a tendance à le calmer, à le déstresser et à le sécuriser. Par ces faits, le fœtus est plus calme et serein à l’écoute de la musique, et ces effets durent, même après sa naissance. En outre, la musique permet au fœtus de ressentir des émotions. D’ailleurs, c’est en ce sens que Laurel Trainor dit : « La musique véhicule des émotions de manière directe, alors que les mots le font de façon indirecte».Et  dans cette même conviction, il a également été établi que le fœtus perçoit mieux les émotions à travers la voix de sa mère. Aussi, le fœtus est « sensible à la musique de la voix de sa mère qui est, avant son visage, le tout premier lien qui se crée entre eux »[18]. En corrélation avec les bienfaits mentaux de la musique, Charles DARWIN va plus loin en disant que : « Les sons musicaux offrent une des bases du développement du langage.[19] »   Ainsi, sans le savoir, le fœtus serait, en écoutant de la musique, en train d’apprendre à s’exprimer.
  • Sur le plan physique, la musique est perçue par le fœtus, non seulement par les oreilles, mais également par les os. C’est pourquoi, elle peut éveiller en lui des réactions sonosomesthésiques, dues à la stimulation des tissus de son corps par le son. Cette réaction procure au fœtus de nouvelles sensations. Et il est en phase de réaliser, de manière inconsciente l’existence de son corps. Une expérience a par ailleurs, soutenu ces affirmations, en concluant que : « La perception sonosomesthésique (…) permet, de prendre conscience de nos os, de nos ligaments, de nos organes, de percevoir leurs réaction, et nous procure la sensation d’habiter nôtre corps[20]. »

La musique  peut également constituer une ambiance sonore pour le fœtus, et peut  l’amener  à exécuter des mouvements.  Et  selon Adriana MARC : « Même si ces réactions motrices relèvent du réflexe, elles constituent une première ébauche de danse[21] ».

 

              – Musique et cerveau

 

«  Ecouter de la musique revient-il à manger quand on a faim, c’est-à-dire à satisfaire un besoin ? Ou bien est-ce plutôt comme admirer un coucher de soleil ou recevoir un massage, ce qui déclenche un mécanisme de plaisir sensoriel dans le cerveau ?[22] ».

 

Selon Daniel LEVITIN, la musique est un produit de l’évolution. Elle utilise des circuits cérébraux spécialisés et a un système de mémoire propre. La musique a donc un impact sur le psychisme. En ce sens, Edith LECOURT parle de « vécu sonore [23]» composé par les sensations, les perceptions, les émotions, les interprétations, ainsi que tout l’imaginaire suscité par les sons et les silences qui se mêlent pour former une expérience. Lorsque le vécu sonore fait l’objet d’une élaboration mentale, il forme l’enveloppe sonore. L’enveloppe sonore est une construction purement psychique, et le cerveau est capable de le mémoriser surtout lorsqu’il a rapport avec des émotions, en réveillant des sentiments profonds. C’est pourquoi certaines chansons peuvent entraîner des « flashs-back » lors des séances de relaxation en musicothérapie. La relaxation est une réaction analysée comme étant une compétence psychomotricien. Et dans une séance de musicothérapie, c’est la musique qui en est la source. En effet, elle peut indifféremment raviver des souvenirs, faire surgir des émotions, ou simplement détendre le patient.

Une des thèses de Daniel LEVITIN soutient que contrairement à l’idée selon laquelle la musique proviendrait uniquement de l’hémisphère droit de notre cerveau, elle serait, en réalité, en mesure de mobiliser presque toutes ses zones. Des découvertes récentes montrent que c’est le cervelet qui est la zone liée au rythme et aux réactions émotionnelles face à la musique. Ainsi, des individus possédant un faible quotient intellectuel peuvent avoir une augmentation de leur faculté émotive grâce à leur amour pour la musique. Le cortex auditif joue également un rôle en analysant les composants du son.  De même, les régions frontales sont responsables de l’analyse de la structure et des attentes. Sans oublier le réseau de plusieurs zones formant le système méso limbique, à l’origine de l’excitation et le plaisir, et bien d’autres zones encore.

Ainsi, il est vrai que « Si l’on pouvait voir toutes les zones du cerveau qui extraient le signal du son pour le transformer en musique, on assisterait à un feu d’artifice d’impulsion, certaines coordonnées, d’autres non. C’est une sorte de symphonie neurale.[24] »

 

Aussi, avons-nous eu l’occasion de comprendre le fait que certaines zones du cerveau peuvent être atteintes sans que notre aptitude à la musique soit atteinte. De plus, ces découvertes sont d’autant plus intéressantes, étant donné qu’elles offrent la possibilité d’étudier le fonctionnement du cerveau par le biais de l’étude de la musique, sous le rapport biologique. C’est pourquoi, des spécialistes Français de la musique ont décidé d’agir ensemble dans l’accomplissement d’un projet intitulé « La spécificité de la musique : contribution de la musique à l’étude des bases neurales et cognitives de la mémoire humaine et application thérapeutiques[25] », qui sera financé par l’agence nationale de la recherche (ANR). L’intérêt de l’étude de la relation musique-cerveau est d’une part d’observer les régions cérébrales empruntées par la musique. Et d’autre part, de comprendre les réactions cérébrales en rapport avec la musique. Concernant ce dernier point, Daniel LEVITIN semble penser que le cerveau est prédisposé à interpréter les sons d’une certaine manière. Selon lui, la hauteur tonale est l’un des principaux vecteurs d’émotion musicale. Aussi, une note aiguë peut signifier la joie, une note grave la tristesse, le tempo rapide comme joie, etc.

 

  1. De la musique à la thérapie « La musicothérapie »

 

— définition

La musicothérapie fait l’objet de plusieurs interprétations par différents auteurs. Nous n’en retiendrons que quelques-unes d’entre elles.

  • Étymologiquement, le terme musicothérapie est un dérivé des mots grecs « muses », et « térapia » qui signifie « donner du sens », et également « remettre en harmonie ». La musicothérapie est une technique de psychothérapie. Concrètement, elle fait de la musique un outil de soin, d’aide, de soutien ou de rééducation, en prenant en charge des personnes atteintes des troubles psychoaffectifs, des difficultés sociales ou comportementales,  et des troubles sensoriels physiques ou neurologiques. C’est justement en considération des vertus attribuées à la musique qu’Edith  LECOURT la définit comme étant : » le moyen de calmer les agités, de stimuler les apathiques, ou encore de chasser les idées morbides».
  • L’association française en musicothérapie ( AFM), quant à elle, définit la musicothérapie comme étant : « Une pratique de soin, d’aide, de soutien ou de rééducation qui consiste à prendre en charge des personnes présentant des difficultés de communication et de relation. Il existe différentes techniques de musicothérapie, adaptées aux populations concernées : troubles psychoaffectifs, difficultés sociales ou comportementales,  troubles sensoriels,  physiques ou neurolo-giques. La musicothérapie s’appuie sur les liens étroits entre les éléments constitutifs de la musique et l’histoire du sujet. Elle utilise la médiation sonore ou musicale afin d’ouvrir ou de restaurer la communication et l’expression au sein de la relation, dans le registre verbal et/ou non verbal ». Cette définition privilégie l’utilisation du son et de la musique sous toutes formes dans le cadre d’une relation rééducative, psycho édicative.  Ainsi, la musicothérapie consiste à rééduquer en favorisant la structure psychique, et à développer les capacités d’apprentissage.  Le but étant d’atteindre l’autonomie ou la socialisation.
  • M schneider  quant à lui, a une vision anthropologique de la musicothérapie. Il la définit de manière suivante: « Nous avons déjà dit que le faiseur de pluie est aussi médecin. Mais, alors que les cérémonies de pluie matérialisent les chants divins, la musicothérapie cherche à sauvegarder et à fortifier la pure substance sonore de l’homme. Elle atteint son apogée quand elle s’efforce d’épurer et d’augmenter le volume normal de cette substance vitale dans l’intention de procurer l’immortalité à l’homme. » Cette définition octroie à la musique le rôle de médiateur entre le patient qui est en mal et Dieu, le guérisseur. Ainsi, selon cette conception, la musicothérapie utiliserait la médiation sonore ou musicale afin d’ouvrir ou restaurer la communication ou l’expression.

 

 

 

— les approches

  • concernant l’approche de la musicothérapie sur la douleur :

La musicothérapie cherche à déclencher des émotions précises chez le patient grâce à la musique, afin d’accéder à un dialogue et une aide. Le but est de permettre l’expression, » là où sa fait mal[26]« . François JACQUEMOT parle notamment « d’outil sonore à vertu thérapeutique » pour le corps, mais aussi pour le corps affectif. La musicothérapie est donc d’une thérapie qui utilise les propriétés de la musique et du sonore comme support en vue de rétablir, de maintenir ou d’améliorer la santé mentale, physique ou émotionnelle du malade[27]. Le sujet centre de la thérapie est alors le patient, et la musique sera pour lui un moyen d’établir une relation thérapeutique avec le musicothérapeute. La thérapie consistera pour le patient à s’ouvrir à une plus grande expressivité, ou à une meilleure communication, afin de développer ses potentialités créatrices. De là, il pourra analyser son rapport avec son propre corps et évaluer son propre état affectif élémentaire, ou réagir autrement. L’issu de la thérapie dépend donc du  patient, car c’est lui qui décide de l’impact que pourrait avoir la musique sur lui. C’est en ce sens que Perrine CAILLERET a dit que : « le musicothérapeute ne se pose pas tant la question de savoir “ce que la musique lui fait”, mais plutôt “ce que le patient fait de la musique qui lui est donnée à entendre ou à produire[28] ». Néanmoins, des recherches ont constaté que le cerveau a tendance à réagir de manières prédisposées aux sons de la musique. Notamment au  rythme, à l’harmonie, à la mélodie, au  timbre, et à l’écoute. C’est en tenant compte de ces affirmations que l’on a pu déduire les approches de la musique face à la douleur par le biais de la musicothérapie.

 

PRINCIPAUX  MODES  D’ACTIONS PSYCHOPHYSIOLOGIQUES  DE LA  MUSICOTHÉRAPIE

 

MUSIQUE

 

Stimuli multidimensionnel

 

Harmonie          Timbre               Mélodie             Rythme       Ecoute

 

 

Sensoriel           Cognitif                Affectif          Comportementale          Psycho-social

Atténuation

de la conduction

des fibres

afférentes

Encodage mnésique, détourne l’attention Stimule

la production

d’endorphine

    Psychomotricité, hypertonie musculaire Favorise la relation soignant-soigné

 

 

 

 

 

 

DOULEUR

 

Figure d’une technique standardisée de musicothérapie dans la prise en charge de la douleur

 

 

  • Concernant l’approche de la musicothérapie sur le patient :

Il existe deux techniques d’approche possibles en musicothérapie dont la musicothérapie active, et la musicothérapie réceptive, mais on les étudiera ultérieurement. Toutefois, il convient dès lors de savoir qu’il est important que les séances de musicothérapie se fassent dans un lieu de silence, d’expression et un espace rassurant et réconfortant. De cette manière, le thérapeute pourra écouter le patient, et s’adapter son expression. Il peut arriver que l’individu    exprime seulement le silence, mais il peut aussi user de l’expression faciale, de la posture par des mouvements corporels, et de la variation de l’attitude et de la  respiration[29]. Le travail du musicothérapeute consiste alors à repérer les changements éventuels dès que la musique, permet l’émergence d’une relation. Il est également « l’acteur du jeu sonore, il soutient l’expression, la reformule, la relance, l’interroge,  prend  de  la  distance.  Il  mobilise  l’écoute,  favorise  les  échanges,  les interactions, stimule la communication.[30] »

 

— Musicothérapie active

La musicothérapie est dite active lorsque le patient est amené à produire lui même en s’exprimant à l’aide d’objets, d’instruments, ou indirectement avec le corps ou la voix. Cette pratique a été inspirée des pédagogies actives de l’Orff-Shulwerk de Carl Orff, d’Edgar Willems ou Émile Jaques-Dalcroze, et de TOMATIS.  Concrètement, la thérapie consiste en la mise en jeux des facultés psychomotrices du patient dans le but de l’inciter à produire du son.  Et le patient peut adopter une expression musicale ou corporelle puisque chaque instrument et geste contribuent à l’expression de soi.

La séance de musicothérapie active se fait en groupe ou en relation duelle. Elle est idéale pour les patients atteints des difficultés de verbalisation ou de communication.  De ce fait, ce type d’approche permet l’interaction, l’expression et la créativité du patient afin de permettre, sur le plan psychologique, l’établissement d’une communication. Ainsi, le rôle du musicothérapeute est d’établir une communication non verbale par une autre forme de dialogue.  Pour y arriver, le musicothérapeute choisit des instruments faciles à manier, et les met à disposition du patient. La pratique des instruments rythmiques comme les percussions les maracas, les grelots et les xylophones sont privilégiés pour leurs facultés de rééducation et de coordination des mouvements. Mais, le musicothérapeute peut également choisir l’expression par le corps ou la voix. Chaque séance est alors différente, car chacune d’elles peut être modulable en fonction de faits et des objectifs fixés.

 

En pratique l’objectif, de la musicothérapie active consiste en : « l’ouverture de canaux de communication avec des personnes en rupture de communication[31] ». Ici, la thérapie fait en sorte que le patient puisse se servir de ses propres possibilités expressives ou créatives, de son écoute et même de ses silences. Ainsi, il pourra sortir du rôle passif auquel son handicap le contraint, pour s’investir. Pour arriver à ces fins, par la musicothérapie active, le musicothérapeute peut à travers le jeu et le son user de diverses méthodes tels la thérapie vocale, le chant harmonique thérapeutique[32], et l’euphonie vocale ou encore la musicothérapie vocale[33].

 

          

 – Musicothérapie réceptive

 

Selon  Herbert Von Karajan : «  La musique est une réalité globalisante vécue, à la fois physique et spirituelle ; elle peut devenir objet de connaissance grâce à la réflexion »

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La musicothérapie réceptive privilégie l’écoute des extraits musicaux ou des sons. Elle consiste pour le musicothérapeute à diffuser certains montages sonores ou des œuvres musicales.  Le but recherché est de stimuler l’imaginaire et les émotions du patient. Pour pouvoir y arriver, le musicothérapeute doit trouver le son ou la musique qui peut toucher le patient. Aussi, pour trouver le programme sonore approprié au mal, il doit préalablement faire un entretient, afin de juger de la réceptivité musicale du patient, en référence avec technique de la docteure Jacqueline VERDEAU-PAILLES. C’est ce que l’on nomme « bilan psychomusical ».

Et selon Perrine CAILLERET il consiste en : « l’écoute de 10 à 12 extraits musicaux de styles très différents. Après chaque extrait, le musicothérapeute demande ce que cela lui a évoqué, ce qu’il a ressenti. Suite à ce bilan, le musicothérapeute choisira de prendre cette personne en musicothérapie réceptive ou en détente psychomusicale »[34]

La musicothérapie réceptive a donc pour but la verbalisation par la provocation du patient. Elle suppose donc que les personnes visées soient capables de s’exprimer par la parole et d’effectuer un travail psychique[35]. Selon la technique établie par Jacques JOSH et Edith LECOURT,  « une séance réceptive associe trois fragments d’œuvres musicales dont l’audition successive constitue trois étapes thérapeutiques : apaisement, détente, relaxation. » Ainsi, l’effet recherché  par la musicothérapie réceptive consiste à déclencher des émotions précises chez le patient, par le biais de la musique afin d’accéder à une conversation. En théorie, le sujet ressent des émotions, puis verbalise ses ressentis. Ainsi il extériorisera son mal et pourra par la suite s’en débarrasser.

Il existe trois types de séance de musicothérapie réceptive qui sont :

  • La séance de trois œuvres 

Elle consiste en un montage de trois extraits musicaux. L’objectif est de permettre au patient de ressentir un cheminement. À la fin de chaque morceau de musique, le patient pourra verbaliser. La première  œuvre  doit  s’efforcer  de  traduire  l’état  du  moment  où  se trouve  le  patient,  la  deuxième  doit  être  une  œuvre  de  transition permettant d’atteindre le troisième morceau qui aura pour but de tendre vers un mieux-être. Les extraits durent en moyenne entre cinq  et six minutes.

 

  • La séance de deux œuvres 

Cette séance associe deux extraits  diffusés. Le patient, à la fin de chacune d’elles, devra choisir entre les deux extraits celui qu’il a préféré.

 

  • La détente psychomusicale[36]

Cette technique peut être indépendante de la musicothérapie réceptive.

 

 

 

 

 

 

TECHNIQUE  STANDARDISÉE  DE MUSICOTHÉRAPIE,  LE  MONTAGE  EN « U »

 

 

La figure de technique standardisée de musicothérapie, montage « U » démontre comment le rythme de la musique arrive à détendre le patient, afin qu’il puisse ressentir des émotions et converser. Après analyse de la figure, Stéphane GUETIN a conclu en disant : « Les séances de  musicothérapie sont  ainsi  adaptées aux  goûts  des patients (classique, jazz, monde, moderne, etc.) et agissent comme  un catalyseur en permettant aux patients de verbaliser leur douleur et les émotions qu’ils  ont ressenties pendant l’écoute [37]».

Mais pour arriver à la communication, la musicothérapie réceptive dispose de deux techniques. La première est une approche individuelle, et le second se fait en groupe. La musicothérapie réceptive individuelle consiste à amener le patient dans un état hypnotique de relaxation grâce aux variations des composantes musicales comme les fréquences, le rythme, la formation  orchestrale et le volume. C’est donc précisément, dans cette technique que la figure standardisée de musicothérapie, montage « U » trouve tout son intérêt. Tandis que la technique de la musicothérapie de groupe a plutôt pour but de mettre en place l’échange au sein du groupe. Dans cette technique, le musicothérapeute peut demander aux patients d’exprimer leur préférence, ou leur choix, après écoute de deux musiques différentes.

 

    – Détente Psychomusical

 

La détente psychomusical est destinée à procurer du bien-être. Il s’agit, comme l’indique son nom, d’un moment de détente accompagné par un cheminement musical. Grâce à une bande sonore soigneusement choisie par le musicothérapeute, le patient pourra relâcher la pression du moment pour arriver au bien-être. La détente psychomusicale est un prolongement de la musicothérapie réceptive, et elle est suscitée pour ses effets de détente et de relaxation.   Elle propose au patient un cheminement musical depuis l’état de vigilance vers la détente. La thérapie applique donc également la « Bande en  U »[38]. La mise en œuvre de la détente psychomusical repose sur la diffusion d’une ambiance sonore de 35 à 45 minutes qui a pour but de rendre un cadre vécu plus agréable. Le musicothérapeute doit prendre le patient dans son état de vigilance et l’emmener par la musique, vers un état de bien-être. C’est un enchaînement en « U » :

Voici un exemple de cheminement : 1ère  œuvre : un orchestre à corde, puis un quatuor, un trio, un duo, un solo (correspondant à la plage de détente), ensuite duo, trio, quatuor, et orchestre à corde. La plage de détente doit durer environ une dizaine de minutes.

Les paramètres  qui rentrent en jeu : l’intensité  (différence  de volume suivant les morceaux), la hauteur (commencer par des œuvres aigues ou médium pour arriver à l’œuvre de la plage de détente plus grave), la pulsation (diminuer le temps petit à petit de chaque morceau), le timbre (amener à un instrument solo).

Les morceaux doivent avoir la même tonalité ou des tons voisins. Il est préférable de garder la même époque, le même style.

 

1ère œuvre                                                   9èmeœuvre

 

 

2ème œuvre                                                  8ème œuvre

 

 

3ème œuvre                                                  7ème œuvre

 

 

4ème œuvre                                                  6ème œuvre

 

[Plage de détente]

 

5ème œuvre

 

 

Ce type de musicothérapie possède plusieurs vertus, et l’autiste peut pleinement en bénéficier.

En effet, puisque la musique permet de maîtriser les réactions du corps et l’émotivité devant la souffrance physique, la détente psychomusicale peut contribuer à la préparation psychologique de l’autiste, en faisant en sorte qu’il se détende, en le distrayant, et en le calmant. De plus, grâce à sa faculté revitalisante, la musique peut, pénétrer le corps et faciliter le rétablissement des rythmes fondamentaux de l’ensemble de l’organisme, en les synchronisant. Pour un autiste souffrant de déficience de mobilité, la thérapie aidera à contrôler peu à peu ses mouvements. En outre, la musique a également des vertus stimulantes qui peuvent provoquer une reprise des contacts sociaux et encourager de nouvelles motivations. Ainsi, cette thérapie peut également aider l’autiste à surmonter ses troubles de communication et à extérioriser ses émotions. Et enfin, associée à des méthodes verbales, la musique peut contribuer à la rééducation des sens an alliant rythme, intensité et émotions. Ces vertus de la musique sont plus qu’utiles à l’autiste atteint des troubles sensoriels.

 

Ainsi, on peut considérer que la détente psychomusicale peut traiter, l’ensemble les troubles, des autistes.  Le principe de la thérapie consiste à viser le bien-être en passant par la détente à partir de l’écoute musicale.

La figure qui va suivre, démontre comment le cerveau réagit à la musique, depuis l’état habituel à la détente, et vice-versa.

  1. Caractéristique du trouble du spectre autistique (TSA)

 

Le trouble du spectre autistique (TSA) regroupe la combinaison d’une triade dont les troubles autistiques (manifesté par des troubles sensoriels), le syndrome de l’asperger, et  le trouble envahissant du développement-non spécifié (TED-ns).

Toutes les personnes atteintes du TSA présentent un déficit commun, la difficulté à comprendre les codes sociaux et la communication. Cela va de l’identification des éléments du visage, qui s’explique par ce que l’on appelle la communication non verbale et gestuelle. Cela atteint également la compréhension des niveaux de langage ou communication verbale. Ces déficits propres aux troubles autistiques peuvent se présenter seuls ou additionnés  par des troubles sensoriels de l’asperger comme l’hypersensibilité auditive, tactile, problème vestibulaires ; et  des troubles moteurs  qui peuvent être manifestés par des difficultés pratiques pour la motricité fine.

Mise à part le syndrome de l’asperger, d’autres comportements difficiles peuvent également aux troubles autistiques. Il s’agit des troubles envahissants  du développement-non spécifié (TED-ns), provoqués par les changements ou  modification inexpliqués de l’environnement. Elle entraine l’hyper-sélectivité de la mémoire de l’autiste par la généralisation.  Ces types de troubles peuvent faire apparaître la colère, l’agressivité, les stéréotypies et automutilation. Ces comportements ont également des origines psychologiques entrainant l’incapacité à communiquer, l’ennui, ainsi que des problèmes sensoriels tel la douleur.

 

  • Historique et définition

 

Le terme de Troubles du Spectre Autistique (TSA) est une nouvelle version du terme Troubles Envahissants du Développement (TED). Selon l’ancienne classification des troubles mentaux du DSM-IV-TR[39], il existait cinq troubles envahissants du développement dont:

  • l’autisme (ou trouble autistique);
  • le syndrome d’Asperger;
  • le trouble envahissant du développement non spécifié;
  • le syndrome de Rett;
  • le trouble désintégratif de l’enfance.

 

Les TED étaient considérés comme des « troubles affectifs jusqu’à ce que les investigations scientifiques révèlent qu’il s’agissait d’un ensemble de variations neurodéveloppementales du fonctionnement  cérébral pouvant s’exprimer par un large éventail de symptômes[40]» Malgré cette définition, il reste difficile de déterminer les critères et les limites précises entre les sous-groupes des TED sus-énumérés.  La principale raison de la difficulté réside dans le fait que les  personnes  atteintes de TED présentent des symptômes très variables. Et le degré de dysfonctionnement est mesurable en  présence ou en l’absence de conditions  médicales ou psychiatriques  associées. C’est pourquoi plusieurs cliniciens se réfèrent à un concept dimensionnel plutôt que catégoriel, reconsidérant l’expression « troubles envahissants du développement » trop communément employée.

 

Tenant compte de cette disparité du terme « trouble envahissant du développement », la DSM-V-TR, a introduit la notion de « spectre autistique », qui rend compte de l’aspect dimensionnel  du concept. Les « troubles du spectre de l’autisme » (TSA) regrouperaient alors dans une catégorie inclusive :

  • l’autisme ou trouble autistique;
  • le syndrome d’Asperger;
  • le trouble envahissant du développement non spécifié (TED-ns).

 

La nouvelle classification  de la DSM-V-TR a pour particularité de préciser le niveau d’atteinte des différentes sphères du développement et du fonctionnement de l’autiste, avec l’existence ou non de conditions associées. Dans le but de faciliter le dépistage de la TSA chez l’enfant, chez l’adolescent et chez l’adulte.

 

  • Classification

 

Sur le plan clinique, l’autiste ne présente aucun symptôme biologique. C’est pourquoi on  confond souvent la maladie avec la surdité, les troubles émotionnels, le retard mental ou la lenteur dans le développement.

Les TSA sont variables selon le niveau de langage atteint, l’âge, les capacités cognitives et la présence ou l’absence de conditions associées. En effet, chaque autiste a ses caractéristiques propres quant à sa capacité cognitive, sa capacité langagière et ses capacités de socialisation. Chacun se situe différemment sur un plan  allant de la déficience intellectuelle à la douance, de l’absence totale de langage à une grande volubilité, ou d’une apparente absence d’intérêt pour la socialisation à un désir d’entrer en relation.

Depuis la DMS-V, il est aujourd’hui raisonnable de considérer l’autisme comme étant un désordre neurodéveloppemental d’origine biologique impliquant un grand nombre de facteurs génétiques. Quelques données[41] démontrent ses affirmations, soit notamment :

 

  • le risque que la fratrie présente un TSA se situant entre 5 % et 10 % (allant même jusqu’à près de 19 % pour certaines formes, selon une étude récente) comparativement à environ 1 % dans la population générale;
  • la concordance pour les TSA étant de 60 % à 90 % chez les jumeaux homozygotes comparativement à 5 % à 10 % chez les jumeaux dizygotes.

 

Par ailleurs, des facteurs environnementaux pourraient accentuer la variabilité des TSA. Néanmoins, les TSA sont tous caractérisés par des atypies dans quatre domaines de compétences :

  • la socialisation;
  • la communication;
  • le jeu et l’imagination;
  • la variété des intérêts et des comportements

 

  • Diagnostique

 

Il est important de déceler tôt la TSA afin d’aider au mieux l’enfant. Pour y arriver, les centres de diagnostic se basent soit sur des critères psychologiques, soit sur des critères génétiques. Mais généralement, pour conclure à la présence d’un TSA, il faut s’appuyer sur l’identification d’un ensemble de comportements propres à chacun des sous-types cliniques de la TSA.

Selon les critères de diagnostique du DSM-V, seules    deux    catégories    de    symptômes subsistent  dont:

  • Les  « troubles    de    la    communication    sociale ».
  • Les  «comportements    restreints    et    répétitifs ».

 

Les troubles de la communication sociale relatifs aux TSA se manifestent par des difficultés dans la communication et par la persistance de l’interaction sociales dans des contextes multiples. Ils se présentent sous forme de déficits dans le cadre socioémotionnelle et dans les comportements par des communications non verbales utilisées pour les interactions sociales. Tandis que les comportements restreint et répétitif sont des mouvements moteurs dus à l’utilisation d’objets ou de vocaux stéréotypes ou  répétitifs.  Ils se concrétisent par des troubles anxieux de comportementaux.

Les examens  spécifiques les plus souvent envisagés  pour dépister  les TSA s’appuient sur l’ensemble de ses comorbidités sus-évoquées. Aussi, les dépistages spécifiques à disposition sont :

  • L’électroencéphalogramme (EEG)

Lorsque les autistes présentent des troubles neurologiques ou de retard mental, ils sont sujets à une grande possibilité d’épilepsie. L’EEG a vocation à dépister ce genre de réaction. Néanmoins, il devrait donc être réservé aux autistes dont les comportements  cliniques laissent paraître une épilepsie ou une présence de régression dans leur développement.

  • Les examens d’imagerie médicale

La tomodensitométrie ou la résonnance magnétique cérébrale permet de diagnostiquer l’existence des disfonctionnement neurologiques associés à la TSA. Aussi, elle est recommandée  lorsqu’il existe des conditions  justifiant l’évaluation des structures  cérébrales. Il en est ainsi des signes neurologiques ou neuropsychologiques  clairs, de la  régression,  ou de la présence de convulsions ou d’épilepsie.

  • L’investigation génétique

Lorsque l’autiste a plus d’un cas de trouble de développement dans sa famille proche, il est recommandé d’opérer une investigation génétique. À ce jour, il est possible de préciser certaines causes génétiques des signes de dysmorphisme ou  de retard mental associés aux TSA. C’est le cas de la duplication maternelle 15q1-q13 ou 16p11, ou le syndrome du X fragile, le typage génétique dont le test  est une expertise en génétique doit être envisagé en présence de signes d’appel.

  • L’investigation métabolique

Des examens métaboliques  sont indiqués en présence de signes cliniques et physiques comme la léthargie, les vomissements cycliques, ou les  convulsions précoces, etc. Et plus encore, s’il y a eu refus de soumettre l’enfant à sa naissance au dépistage des maladies métaboliques.

 

Par ailleurs, il existe plusieurs autres  types d’évaluation comme  les critères de la CIM-10 pour l’autisme infantile, l’échelle de Vineland pour  l’évaluation du niveau d’adaptation social, le Leiter International Scale, pour l’épreuve d’intelligence, l’utilisation de tâches diversifiées de langage sous forme d’inventaire de développement réceptif, expressif, et communicatif, etc.

  • Troubles envahissants du développement non spécifiés (TED-ns)

 

Les troubles autistiques peuvent être isolés ou accompagnés par d’autres maladies plus ou moins envahissants. Il peut s’agir des troubles envahissants du développement ou TED-ns. Ce type de trouble peut toucher plusieurs parties du secteur de développement du patient. Il fait référence à : «  une altération sévère et envahissante du développement de l’interaction sociale réciproque associée à une altération des capacités de communication verbale ou non verbale, ou à la présence de comportements, intérêts et activités stéréotypés[42] ».

Ainsi, les troubles envahissants du développement non spécifiés ou (TED-ns) se manifestent par :

  • L’altération du développement social du patient

Les personnes autistes manquent d’empathie, car ils ont du mal à apprécier les signaux sociaux comme les expressions faciales et intonation de la voix. Aussi ont-ils tendance à s’isoler, et à éviter toutes interactions avec d’autres personnes.

  • L’emploi de communications déviantes

Les autistes sont en proie à des difficultés permanentes du langage. Un grand nombre d’entre eux n’y accède même pas. Ainsi, sur le plan expressif, l’autiste a du mal à « sortir de sa bulle ». Aussi, se cantonne-t-il aux besoins quotidiens comme la nourriture ou la toilette. On remarque alors un certain manque de réciprocité dans leur conversation. La gêne ressentie par les autistes au niveau de la communication n’est pas seulement verbale, puisqu’elle atteint aussi l’utilisation des gestes sociaux[43].

  • L’adoption de comportements stéréotypes

Les autistes supportent mal le changement. De ce fait, ils ont tendance à être répétitifs dans leur activité quotidienne. Leur comportement est variable. Il peut consister à se balancer, à être auto agressif, ou même à s’automutiler.

 

  • Particularités sensorielles (perceptif et cognitif)

 

L’intégration sensorielle peut être définie comme étant : « un processus neurophysiologique qui permet de filtrer, d’organiser et de traiter l’information sensorielle provenant de notre corps et  de  l’environnement [44]».

Normalement,  l’intégration sensorielle nous permet de capter, et  de sélectionner les informations que nous  voulons prendre en  compte[45]. Il en est différemment pour les personnes atteint de troubles autistes puisque leur attention est sélective à cause des troubles du développement qu’ils subissent. Ainsi, selon Lemay, « les autistes ne parviennent pas à donner un sens aux stimulations qui leur sont adressées dès que celles-ci dépassent l’aspect purement sensoriel ». C’est donc la raison pour laquelle, quarante pour cent des personnes autistes souffrent de troubles sensoriels. Et sur  le domaine auditif, des troubles sonores binaires sont observés chez les enfants autistes et sont souvent confondus avec la surdité. Pourtant, ils peuvent également être hypersensibles à certains bruits quasi imperceptibles par l’entourage. Catherine BARTHÉLEMY parle notamment de «réactions paradoxales au monde sonore»[46].

Et selon Anne-Marie LATOUR :« L’enfant devient captif d’un petit réseau de sensations qu’il répète sans élargir l’éventail de ses expériences et sans devenir un sujet actif au sein d’un environnement reconnu, représenté et interpellé [47]». Par ailleurs, LEMAY illustre la position d’un enfant autiste face aux informations sensorielles en disant : « Des catégories perceptuelles binaires se constituent, mais le petit autiste semble avoir une énorme difficulté à dépasser la quête répétitive d’un stimulus psychosensoriel restreint pour entrer dans l’univers de la représentation».

 

        – conséquences immédiates de l’inconfort sensoriel

 

Les autistes souffrent de particularités sensorielles caractéristiques des troubles autistes. Ces troubles  concernent les modalités sensorielles de l’autiste, tels l’ouïe, la vision, l’odorat, le toucher, ou le vestibulaire.  De ce fait, son environnement peut inspirer l’angoisse, pour un autiste, puisqu’il ne peut le maitriser. Les informations extérieures perçues seront alors analysées comme une intrusion.

 

        – conséquence de l’existence des particularités sensorielles

 

L’existence de particularités sensorielles pousse l’autiste à s’inventer des stratégies compensatoires qui visent à le protéger de ces intrusions. Sa réaction est souvent caractérisée par une hypo ou hypersensibilité. Mais il arrive également qu’il recherche des stimulations sensorielles inhabituelles, ou adopte l’indifférence à l’égard des autres. Moins souvent, l’autiste peut percevoir différemment la douleur et s’offre à la mutilation.

Les problèmes sensoriels sont souvent à l’origine de différent comportement comme la rigidité alimentaire, et la peur de certains lieux ou de certains contextes sensoriels

 

  • Communication verbale et non verbale

 

« Dans toutes les pathologies de la parole, le domaine qui a le plus contribué à nourrir la pensée sur la voix est l’autisme » André GREEN

Les  autistes souffrent d’une déficience qui affecte la parole et le langage, généralement à des degrés divers.  Bien que certains restent muets, d’autres accèdent au langage. Mais même ces derniers ont beaucoup de difficultés à comprendre les productions sonores des autres, et à exprimer des sentiments ou des émotions. Accepter de parler signifie accepter  de s’ouvrir à l’autre. C’est pourquoi l’autiste lie la parole à un danger. Jean-Claude MALEVAL confirme ces affirmations en  disant que non seulement la voix de l’autre peut être source d’angoisse chez les autistes, mais qu’ils peuvent aussi être perturbés par leur propre voix.

Dans sa façon d’être, l’autiste rejette toute dépendance à l’égard de l’autre. Il ne peut ou ne veut céder sa voix. Pourtant, selon LACAN, la voix est « l’objet de jouissance » qui commande l’investissement du langage. Et plus encore, selon MILLER « La voix est subjectivement assignée à l’autre ». Ainsi, l’autiste qui se refuse à partager sa voix avec l’autre adopte une  façon  de  parler  qui se démarque. On peut noter :

  • L’originalité de leurs verbalisations caractérisées par une écholalie à retardement ou un langage de perroquet dépourvu du « je »
  • La particularité de leur voix qui sonne de manière artificielle, où les mots sont dénués d’expressivité.
  • La spécificité de leur énonciation : l’autiste semble parler dans le vide. Il parle sans s’impliquer dans ce qu’il dit, sans prendre appui sur ses ressentis. « Il parle à la condition de ne pas dire.[48] »

 

Ainsi, l’autiste même ayant la faculté de parler peut se refuser à l’employer par peur. C’est pourquoi souvent il adopte des comportements afin de s’en protéger.  Jean-Claude MALEVAL énonce quelques stratégies adoptées par l’autiste :

  • Le  «mutisme » est sans doute la manière la plus radicale de retenir la jouissance vocale.

 

  • Il peut aussi parler tout seul ou parler pour ne pas dir Jean-Claude MALEVAL parle d’un « verbiage autistique » dans lequel la voix est gommée. Elles dévient

 

  • Beaucoup d’entre  eux  utilisent  une  langue  de  « l’intellect  dépourvue d’affect », impossible à partager avec d’autres
  • Ou encore, il peut mettre en place une « langue personnelle et privée ». Pour empêcher les autres de  discerner ses  sentiments.

 

Pour que l’apprentissage et l’intégration profonde des expériences sensorielles aient lieu, elles doivent être émotionnellement partagées. L’intérêt d’une thérapie psychomotrice auprès de ces enfants relève de l’importance que le psychomotricien accorde au jeu et à la relation. Le jeu replace l’enfant dans son statut de sujet, tout en favorisant l’accès à la représentation.

Particularités comportementales

La rigidité cognitive des autistes font que, leur réaction présente des particularités. Des chercheurs ont établi que c’est la plasticité du cerveau des autistes qui les oblige à traiter certaines informations sensorielles de façon accrue. Selon les dires du docteur Laurent MOTTRON l’origine de cette défaillance serait de nature génétique. Aussi, il énonce que l’autisme résulterait d’une « réaction du cerveau à un facteur génétique, essentiellement des mutations. Chez les personnes dont le seuil de déclenchement d’une réaction plastique est moindre que dans la population en général, ces mutations engendreraient  une réaction  plastique du cerveau qui ciblerait certaines fonctions, surtout non sociales. »

Ainsi, le cerveau des autistes serait sélectif, et a tendance à privilégier les contenus de la vie quotidienne, au détriment des données à caractère social. Ainsi, chez l’autiste, le cerveau néglige les ressources cérébrales requises  pour la socialisation, ralentissant ainsi, le développement des relations sociales de l’individu.       

–   Développement de comportements inhabituels

L’individu atteint de l’autisme développe des troubles du spectre de l’autisme (TSA)[49]. Ce syndrome a, en grande partie, pour origine des troubles neurologiques, et a pour conséquence l’apparition de comportements atypiques ou inhabituels. En général, elles se manifestent par des difficultés de comportement, de communication et d’interaction sociale. Mais, selon le DSM-V, la catégorie des TSA regroupe le trouble autistique (manifesté par des troubles sensoriels), le trouble envahissant du développement-non spécifié[50] (TED-ns), et le syndrome d’asperger.  Les deux premières font l’objet de traitement à travers ce mémoire. Seule nous intéresse le syndrome d’asperger. Il s’agit d’un trouble de développement d’origine génétique. C’est un handicap qui se distingue par le fait que l’autiste conserve ses capacités intellectuelles bien que les troubles neurologiques affectent le fonctionnement de son cerveau. Toutefois, les autistes atteints du syndrome de l’asperge ont des difficultés à interagir avec d’autres. Aussi, fréquemment leur comportement consiste à s’isoler.

               – L’audition

Les troubles de l’audition sont fréquents chez les enfants autistes. Ils  perçoivent  les sons d’une manière inhabituelle. Ces types de trouble sensoriel diffèrent de la surdité.  Selon le témoignage de Daniel TAMMET, un autiste asperger: « Ecouter les autres n’est pas facile pour moi. Quand quelqu’un me parle, j’ai souvent le sentiment d’être en train de chercher une station de radio, et une grande partie du discours entre et sort de ma tête comme des parasites. Avec le temps, j’ai appris à en saisir assez pour comprendre de quoi on me parle (…) [51]».

Henri EY, lui, parle d’« hallucination », qu’il définit comme  « une perception sans objet à percevoir ». Les hallucinations peuvent affecter chaque sens isolément ou simultanément, mais le cas le plus rependu concerne l’audition. Des études ont également supposé que les troubles de l’audition pouvaient atteindre les autistes atteints de troubles autistiques et ceux avec les TED-ns.

En principe, la voix humaine constitue l’axe des interactions sociales. Chez l’autiste, il y a  une défaillance cérébrale en rapport avec le traitement des signaux vocaux.  En effet,  il arrive qu’à l’écoute d’une voix, leur sillon temporal supérieur, chargé de traiter les informations vocales défaille.  En outre, l’imagerie cérébrale montre que les sujets autistes et non autistes traitent les sons non vocaux de la même façon. Ainsi, les voix sont, chez les autistes, perçues au même titre que les autres sons.

-La vision

Il existe deux types de vision, dont la vision focale et la vision ambiante. La plupart des autistes possèdent la vision focale, elle correspond au champ visuel central, et sont indépendants des mécanismes sensoriels. Par contre, ils n’ont pas accès à la vision ambiante. Selon le Docteur Melvin KAPLAN : « Nous faisons appel à notre vision ambiante pour évaluer la distance qui nous sépare des objets et des gens, la vitesse à laquelle ils se déplacent, la signification du langage corporel de nos interlocuteurs, voire même les limites de notre propre corps et celle de notre environnement. Il suffit que cette vision soit perturbée pour que le monde nous paraisse étrange et effrayant»[52]. Ainsi, la vision ambiante recouvre  l’ensemble du champ visuel, et est intégrée aux autres mécanismes sensoriels.

Le handicap  de l’autiste par rapport à la vision ambiante s’explique par le fait que malgré  son acuité visuelle, il ne peut pas voir correctement. Cette faculté étant en adéquation avec le cerveau[53]. Et puisque, l’autiste présente des troubles neurologiques l’empêchant d’interpréter les informations d’ordres visuelles, il interprète faussement les images visuelles que lui revoient ses yeux.

– La perception des visages

L’autiste est en proie à des défauts d’ajustement de la zone cérébrale appelée aire fusiforme des visages (AFV). C’est pourquoi il manque d’attention, et a  beaucoup de mal à reconnaître les visages. Selon Maximilian RIESENHUBER, pour discerner les différents types de visage,  les neurones doivent être précisément ajustés. Pour arriver à cette théorie, il a mené une étude avec 15 participants autistes adultes. Suite à un test qui a consisté à différencier deux visages. Les résultats ont démontré que : « ceux dont les anomalies comportementales étaient les plus marqués étaient également ceux dont les neurones étaient le moins finement ajustés »

Ainsi, conformément aux dires de RIESENHUBER, le manque de différenciation neuronale des visages permet difficilement  aux autistes d’identifier leur interlocuteur ou de comprendre les expressions faciales, ce qui, de ce fait, limite leur interaction sociale.

  • Le moi peau (Didier ANZIEU) et chez l’autiste ?

 

« Le  Moi-peau  est  une  structure  intermédiaire  de  l’appareil  psychique : intermédiaire chronologiquement entre la mère et le tout petit, intermédiaire structurellement  entre  l’inclusion  mutuelle  des  psychismes  dans l’organisation fusionnelle primitive et la différenciation des instances psychiques correspondant à la seconde topique Freudienne. Sans les expériences adéquates au moment opportun, la structure n’est pas acquise, ou plus généralement, se trouve altérée[54] ».  Didier ANZIEU

Dans le concept de Moi-peau,  Didier ANZIEU met l’accent sur l’importance  du  » holding  » de WINNICOTT ou le concept de la relation première d’une mère soutenant le corps de son enfant. Les soins prodigués à l’enfant trouvent leurs importances dans sa structure psychique future. En parlant d’autisme, ANZIEU s’appuie  sur  les  notions  de  « fantasme  intra- utérin » et de « fantasme d’une peau commune ».  Le fantasme intra-utérin illustre la sollicitation  mutuelle existant entre  le bébé  et  son univers maternant. Tandis que le fantasme de  peau  commune  est représente l’interface où  la mère et l’enfant  se  tiennent  dans  une  dépendance  symbiotique  en symétrie, attache qui sera l’ébauche d’une séparation à venir.

Les   enveloppes   autistiques  se   traduisent,  selon   ANZIEU, par   la   fixation   du fantasme intra-utérin  et l’échec du fantasme d’une peau commune. Ainsi, selon ses dires, quelles que soient les raisons de cet échec, « le bébé par une réaction prématurée et pathologique d’auto organisation négative […] se protégera dans une enveloppe autistique et se retirera dans un système fermé, celui d’un œuf qui n’éclot pas ». 

  • Olfaction

 

Le sens olfactif est celui qui permet de sentir les odeurs. Chez l’autiste, on remarque un hypo ou une hyper sensibilité olfactive. Ce trouble du comportement fait partie des troubles du spectre autistiques. Et l’hypersensibilité olfactive  peut être marquée par le haut-le-cœur, des nausées ou vomissements. Des odeurs précises en sont à l’origine de ces sensibilités. Il en est ainsi des odeurs prégnantes et persistantes, ou odeurs corporelles par la transpiration. Les parfums, ainsi  que les odeurs de synthèse sont  également difficiles à supporter pour les autistes.

On peut aussi retrouver des comportements de flairage. Comme sentir la nourriture ou des éléments nouveaux. C’est en considération de ce comportement distinctif des autistes, que des chercheurs  ont déduit qu’un test olfactif pourrait aider à déceler l’autisme. Pour concrétiser leur théorie, ils ont confronté à des odeurs agréables et désagréables 18 enfants atteints de troubles du spectre autistique et 18 enfants  normaux. Tous les sujets ont été exposés 10 fois aux odeurs agréables et 10 fois à des odeurs désagréables. Selon les chercheurs, les enfants avec des caractéristiques normales de développement ajustent rapidement leur respiration soit, en prenant une profonde inspiration, soit en limitant  l’ingestion d’air. Les enfants autistes, eux, continuent de respirer normalement, quelle que soit l’odeur.

C’est pourquoi le professeur SOBEL[55] affirme que : « Nous pouvons identifier l’autisme et sa gravité avec une précision significative en moins de 10 minutes, en utilisant un test qui est entièrement non-verbal et ne comporte aucune tâche à suivre. Cela entraîne l’espoir que ces conclusions pourraient former la base pour le développement d’un outil de diagnostic applicable très tôt, comme sur des nourrissons de quelques mois seulement. Ce diagnostic précoce permettrait une intervention plus efficace. »

 

  • L’équilibration, la proprioception

 

L’autiste présente  des stimulations vestibulaires, ayant souvent pour conséquence des balancements.  En principe, c’est grâce aux récepteurs situés à l’oreille interne, le cerveau  ou plus exactement le système nerveux central reçoit les informations  concernant la position du corps dans l’espace, notamment sur la vitesse et la direction d’un mouvement. « L’activité posturale est ainsi une activité perceptivo motrice qui fonctionne selon le principe de perception, traitement de l’information, puis mise en action des muscles[56] ». Chez l’autiste, l’équilibration, qui est une fonction neurophysiologique permettant l’équilibre, est souvent perturbée avec des compétences et des déficits hétérogènes.

Il existe chez l’homme deux types d’équilibre, dont l’équilibre statique, qui implique l’immobilisation et contrôle des membres, et l’équilibre dynamique responsables de l’équilibre. Et les cas de maladresse motrice de l’autisme affectent l’un ou l’autre de ces équilibres. Soit l’équilibre statique est en place, mais l’équilibre dynamique est difficile. En ce cas, l’autiste aura du mal à pratiquer la course ou à se tenir sur un pied. A l’inverse il est possible à l’autiste de se maintenir en équilibre sur des hauteurs, mais il sera dans l’incapacité de se tenir immobile quelques instants.

 

  • La maladresse motrice

 

La motricité est une fonction qui développe des compétences qui concourent à l’ensemble du développement intellectuel. Pourtant, l’autiste, lui, a beaucoup de mal à coordonner des  manipulations ou des mouvements complexes  comme attraper, tracer ou enfiler. Son handicap est dû à la lenteur  de sa motricité. La maladresse motrice fait partie du syndrome de l’asperger, qui est d’origine neurologique, mais aussi psychologique. Et elle peut par exemple résulter  d’un manque d’affection.

Les problèmes avec la motricité chez les autistes peuvent apparaître de différentes manières. Si certains d’entre eux présentent une motricité globale altérée, d’autres peuvent avoir des difficultés reliées à la motrice fine. Néanmoins,  ces deux cas résultent conjointement,  des problèmes neurologiques et de traitement sensoriel.  La  défaillance de la motricité globale affecte l’équilibre.  C’est pourquoi l’autiste a du mal à pratiquer du sport.  Par contre, les difficultés liées à la motrice fine atteignent le contrôle moteur  des muscles oro-moteurs. En ce cas, l’autiste peut perdre la maîtrise du langage.

 

  • Les interventions

 

Actuellement, il existe plusieurs façons d’intervenir  face aux troubles sensoriels autistiques.  Il ne faut pas sous-estimer la première intervention, qui consiste à déceler rapidement le handicap pour mieux aider l’autiste. Il d’ailleurs été dit qu’ « Il ne peut y avoir d’accompagnement spécifique adapté, sans une bonne connaissance de ce qu’est l’autisme, et de son retentissement sur les personnes qui sont atteintes[57]».

Les interventions existantes tournent autour de la rééducation et des adaptations.

  • La rééducation:

Elle est adoptée des approches sensorielles par  un travail d’accoutumance et de sensibilisation. Cette intervention associe les thérapies cognitives  et comportementales (TCC) à partir des scénarios sociaux de Carole Gray, et du travail sur les mécanismes cognitives afin de démarrer le processus d’attention et/ou d’inhibition.

  • Les stratégies d’adaptation posturale:

Ce type d’intervention regroupe les outils ou gestes pouvant aider l’autiste à mieux appréhender son environnement.  Il peut s’agir de gestes relativement simples comme annoncer un bruit d’aspirateur et sa duré, ou l’établissement d’un menu à l’avance, ou encore l’emploie d’un accessoire comme  un casque auditif, des vêtements serrés, des vestes ou couverture, etc.

  • Une approche sensorielle :

Il s’agit de la thérapie développée par SNOEZELEN.  Il s’agit d’une approche basée à la fois sur des stimulations multi sensorielles et une relaxation. Le concept consiste à apporter des stimulations visuelles, kinesthésiques, olfactives et auditives afin de favoriser l’ancrage corporel en faveur d’un mieux-être[58].

  • La musicothérapie 

La musicothérapie est une méthode peu connue, puisqu’elle est relativement nouvelle pour les patients autistes. Pourtant la musicothérapie permet l’amélioration du tempérament et de l’apprentissage de l’autiste.  La musique étant un moyen de relier les fonctions verbales et non verbales dans le cerveau, elle est un excellent traitement pour les autistes éprouvant des difficultés de communication. La musicothérapie utilise de nombreux jeux, en utilisant la musique pour aider à améliorer les compétences sociales et comportementales. Elle  encourage également le contact visuel tout en chantant ou en utilisant des instruments. La thérapie musicale peut donc aider les personnes autistes à  se socialiser.

Les autistes ont  souvent des capacités musicales qui dépassent ses autres capacités. Et la musicothérapie se présente comme étant un moyen pouvant aider les autistes à surmonter leurs troubles de développement social et du langage. La musicothérapie est particulièrement intéressante dans la mesure où la manière dont l’autiste utilise la parole importe peu, puisqu’il   peut participer aux séances en tapant ou en fredonnant. La musicothérapie est en outre, un moyen de communiquer ses émotions et de développer sa mémoire.

 

 

Ainsi vu l’étendue des bienfaits de la musique sur l’autisme, le résultat de  la conjonction  des autres techniques avec la musicothérapie peut être surprenant  pour les autistes. Mais la théorie  se vérifie- t- elle également en  pratique ? Pour le savoir, nous allons aborder la deuxième partie de ce mémoire qui se porte sur la clinique.

 

DEUXIEME  PARTIE – CLINIQUE

 

1-Présentation de l’association

             – historique

Mon stage de formation a été accompli auprès de l’association EURECAH (Education Utile Régionale pour les Enfants Citoyens Atteints d’un Handicap). Elle a été créée le 25 janvier 1999, et se situe  en France, au niveau de la commune de Saint-Chamond (Région Rhône Alpes). En février 2011, un agrément ALSH (Accueil de Loisirs sans Hébergement) lui a été accordé par la DDCS de la Loire (Direction départementale de la Cohésion sociale). Ce titre lui permet de recevoir des prestations de la CAF (Caisse d’allocation familiale) donnant ainsi aux familles la possibilité de profiter de tarifs dégressifs pour l’accueil de jeunes de moins de 18 ans. Par ailleurs, dans un souci d’égalité, des ramassages sont effectués l’association afin de répondre à un problème de mobilité chez certaines familles. L’association souhaite, aujourd’hui, l’obtenir un financement externe des prix de journée afin de libérer les familles de la charge financière supportée par l’accueil de leur enfant à EURECAH.

EURECAH répond  alors aux difficultés pour les familles de personnes en situation de handicap à trouver des places d’accueil adaptées, sans avoir besoin d’aller à des dizaines, voire des centaines de kilomètres de leur domicile. Pour y parvenir, il met en place un accueil « d’urgence »  spécialisé pour les jeunes sans solutions.  Mais cet accueil n’a pas encore reçu d’agrément. Par ailleurs, lors des congés scolaires, et des vacances d’été, EURECAH prend en charge les personnes handicapées. Ainsi, « L’association EURECAH apporte donc à tous ces jeunes et ces familles, découvertes, socialisation, divertissements, mais aussi tranquillité, disponibilité professionnelle avec la possibilité de « souffler » pour l’entourage »[59].

EURECAH collabore alors avec les services de la Maison Loire et Autonomie située à Saint Étienne pour atteindre sa grande ambition, qui est, d’apporter une réponse personnalisée à chaque situation en participant à l’épanouissement individuel de chacun. Pour cela, elle œuvre pour le développement de l’autonomie de l’enfant à partir de ses capacités actuelles en faisant que chaque moment de la vie quotidienne en collectivité soit une véritable activité.  Elle fait également en sorte de favoriser la socialisation et l’apprentissage de la vie en collectivité en permettant à chaque enfant de trouver sa place dans le groupe. En outre, l’association permet la découverte et le respect de l’environnement, tout en favorisant l’épanouissement individuel de chacun. Et enfin, l’association permet à chaque jeune de construire sa journée de loisirs pendant les vacances scolaires selon ses choix, son rythme personnel et ses besoins.

À l’origine, l’association a été créée par « deux maman d’enfants porteurs du handicap de l’autisme, qui se trouvaient sans solutions pour leurs enfants, et donc dans l’obligation de rester à domicile [60]». Au début, le personnel était embauché grâce aux emplois jeunes. C’était l’époque du dispositif  » nouveaux services – emplois jeunes « .  De nombreux jeunes ont alors contribué au développement de l’association dans le cadre de la santé, de la scolarité, de l’environnement et du sport. Ce qui a permis le développement d’EURECAH, « de par leur cout, minime pour l’association[61] ». À l’époque peu d’autistes fréquentaient l’établissement. Néanmoins, l’association a pu embaucher deux salariés, comme Aide Médico-Psychologique, pour la prise en charge du handicap. Après cinq années de fonctionnement et les emplois jeunes ayant Cessée, l’association a dû organiser des manifestations, et demander de l’aide à d’autres associations pour récolter des fonds. Plus tard, la qualité du travail et du personnel ont fait que l’association a accueilli de plus de jeunes porteurs d’un handicap. Néanmoins, il y a 16 ans, et aujourd’hui encore, l’association EURECAH lutte pour la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap et de leur famille. C’est encore cette volonté de répondre aux besoins des personnes en situation de handicap (notamment des personnes avec Troubles du Spectre autistique) et de leur famille que l’entreprise a créée une seconde association ayant pour objet le service d’aide à domicile. Il s’agit de soulager les familles qui éprouvent des difficultés à garder leur activité professionnelle, ou ne peuvent s’accorder du temps pourtant nécessaire.

             – population accueillie

 

EURECAH accueille des personnes atteintes d’un handicap afin de leur proposer des activités adaptées. Beaucoup de familles font appel à l’association, car c’est un lieu privilégié de socialisation, d’apprentissage et de découverte pour toutes ces personnes. Ils y trouvent l’occasion de pratiquer de nombreuses activités complémentaires de celles qui leur sont proposées dans leur structure individuelle. Les personnes atteintes de handicaps viennent tisser des liens avec des personnes différentes de celles qu’ils côtoient en semaine.

Aujourd’hui, plus de cent familles font appel à l’association EURECAH. Chaque année, environ 95jeunes sont accueillis régulièrement. 90% de ces jeunes sont porteur d’autisme ou TSA (trouble du spectre autistique), quant au 10% restant, ils sont porteurs de maladies orphelines tels que le syndrome de Rett, le syndrome de Williams, le syndrome d’Angelman ou encore le syndrome de Sturge Weber….

 

             – fonctionnement de l’association

Afin de donner aux parents l’occasion de s’impliquer dans l’organisation quotidienne de leurs enfants  souffrant d’un handicap, l’association EURECAH se laisse dirigée par un conseil d’administration composé des parents bénévoles.  L’entreprise accueille des bénévoles qui s’occupent conjointement des projets pédagogiques avec les professionnels. Les bénévoles sont généralement composés par la famille des handicapés.

Chaque association d’EURECAH possède son propre conseil d’administration. Ce qui fait qu’elles sont indépendantes l’une de l’autre, et que chacune d’entre elles dispose du pouvoir  de décision en ce qui concerne la direction de leur association.

Ainsi,  la première association qui est responsable du centre éducatif et de loisir est composée par un président (Mr Robert), une vice-présidente (Mme Céline GAUMOND), une trésorière (Mme Françoise BILLAND), et une secrétaire (Mme Muriel SAUNIER). Et la seconde association qui s’occupe du service à domicile, elle, est dirigée par un président (Mr Robert LAURENT), une vice-présidente (Mme Céline GAUMOND), une trésorière (Mme Muriel SAUNIER) et une secrétaire (Mme Catherine SANSOE).

 

             – Projet institutionnel

  • Un centre éducatif

EURECAH accueille des jeunes en périodes scolaires afin de mettre en place avec eux un travail personnalisé. Des espaces structurés ont été mis en place pour une meilleure qualité de la prise en charge des personnes atteintes d’autisme. Un accueil spécialisé a également été aménagé en faveur des jeunes en attente de placement. Par ailleurs, pour répondre aux souhaits des familles, un accueil régulier peut également être mis en place sur du plus long terme. L’association EURECAH, accueil également les jeunes rejetés de leur structure d’accueil du fait des troubles du comportement jugés « importants ».

Ainsi, l’association EURECAH prend en charge des «  jeunes placés en établissement, et pour qui le projet personnalisé fait mention d’un accompagnement extérieur, sur des activités adaptées [62]».

  • Un accueil de loisirs

La deuxième vocation d’EURECAH est « d’organiser des loisirs et vacances pour un public atteint d’un handicap en favorisant l’autonomie, la socialisation et l’intégration en milieu ordinaire ». L’association EURECAH détient un agrément ALSH (Accueil de Loisirs Sans Hébergement) de la DDCS (Direction départementale de la Cohésion Sociale) depuis février 2011. L’accueil de loisir est ouvert aux personnes atteintes d’un handicap et leur famille. Ce projet a été mis en place afin de permettre à ces personnes l’accès aux loisirs. Pour les autistes les moments d’inactivités et d’ennui sont bien souvent source d’aggravation des troubles du comportement. Aussi, EURECAH agit en faveur des jeunes handicapés en leur offrant des découvertes  dans la socialisation et les divertissements, mais aussi la tranquillité et la disponibilité professionnelle pour les membres de leurs familles.

  • Un service à domicile spécialisé

Depuis avril 2015, l’association EURECAH a obtenu un agrément de LA DIRRECTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) pour l’ouverture d’une seconde association. Celle-ci œuvre dans le service d’aide à domicile spécialisé ou encore le service à domicile auprès des personnes atteint de Troubles envahissants du Développement ou Troubles autistiques. Cette nouvelle association d’EURECAH a pour objectif de compléter les réponses locales au handicap en ajoutant à l’offre institutionnelle existante une capacité d’intervention à domicile avec du personnel formé.

Cette seconde association propose une fonction éducative de sociale à travers plusieurs missions[63] dont le premier consiste à  développer des compétences à domicile, en accompagnant les familles qui rencontrent des difficultés dans les gestes de la vie quotidienne. Il s’agit de généraliser les apprentissages.  Ensuite, le second fait en sorte de favoriser l’autonomie, en proposant un service qui  vise à préserver ou à développer l’autonomie des usagers à domicile. La troisième mission  se traduit par le respect des habitudes de vie de la personne aidée, son cadre de vie, mais aussi la place de sa famille et de ses proches.

2 –Cadre du stage

  • Organisation et prise en charge

Mon intégration à l’association s’est faite par l’intermédiaire d’Annabelle qui m’avais présenté quelques jours avant mon arrivé auprès de l’équipe d’EURECAH. C’était également elle qui a annoncé  ma future présence auprès des autistes.

Puisque les séances de musicothérapies  consistent à associer la musique ou le son aux jeux, elles se passent dans une salle de jeux.  SCHILLER dit justement : «Le jeu est ce qui défoule le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur du corps. »

Les éducateurs nous préparent la salle avant notre arrivée et installent le groupe. Mais parfois, quand ils sont débordés, nous nous en occupions nous même.  On allait chercher les enfants directement dans l’autre pièce. La succession des jeux n’est pas déterminée avant les séances. Les consignes sont ajustées en fonction de la dynamique du groupe. Les jeux de l’atelier touchent à la créativité. Lorsque    WINNICOT    parle    d’aire    transitionnelle,    d’espace potentiel[64], il souligne « l’importance de l’expérience. (…) Ces ateliers vont fonctionner comme un lieu et un temps pour explorer et permettre que la créativité de chacun se déploie. » Les techniques pratiquées consistent à associer la musique à la voix aux jeux. Néanmoins, Emmanuelle LEFEVRE a dit : « Que ce soit avec le rythme ou la voix, ces jeux n’ont pas pour objectif la technique, mais bien l’accordage de soi à soi et de soi à l’autre.[65] »

Les différents  jeux  mis en œuvre dans le cadre de la musicothérapie au niveau de l’association visent à favoriser l’affirmation, à utiliser le corps comme instrument sonore, et à affiner la communication non verbale, à travailler l’écoute, et à encourager la créativité. Mais au-delà des objectifs thérapeutiques envisagés, c’est les patients qui mènent  la danse. C’est-à-dire qu’en tant que musicothérapeute, on leur propose un cadre contenant qui leur permet de s’exprimer… on s’adapte donc à ce qui se passe durant la séance, de ce que l’autiste nous offre ou pas.  On ne peut pas planifier de façon scolaire un programme visant un objectif précis. Il s’agit vraiment d’une relation humaine avant tout, et si notre objectif est atteint c’est un plus.

 

  • Favoriser l’affirmation

Les  jeux qui nécessitent l’expressivité poussent l’enfant à  s’affirmer devant les autres. Il serait  certes difficile d’instaurer un climat d’écoute mutuel. Néanmoins, ce serait un cadre de confiance incitant  les  plus  timides à s’exprimer d’eux-mêmes.  « Un  cadre  contenant,  c’est  un  cadre  ajusté,  un  espace  relationnel  qui  contient  sans étouffer, qui délimite sans enfermer, un espace de partage où la rencontre peut avoir lieu sans risque ; un espace où s’éloigner est possible, sans toutefois disparaitre.[66] » ANZIEU,  lui,  compare  le  cadre  à  un  « contenant  maternel »,  « une  enveloppe protectrice », « une peau psychique où les pensées du sujet peuvent se déployer ». Aussi je pense que le cadre de l’atelier joue un rôle important pour aider les autistes à faire des propositions (bruits, sons corporels) et à s’affirmer.

 

  • Utiliser le corps comme instrument sonore

À travers les percussions corporelles et les vocalisations, les autistes ont l’occasion d’émettre des sons. Ils peuvent sonner leur ventre avec les mains, claquer la langue ou les doigts, frapper des pieds,  et des tas d’autres sons, en utilisant le corps comme un instrument rythmique. Les jeux de « percussions corporelles » permettent des rythmes plus vivants. Ces types de jeux incluent également la douche sonore, l’alternance des marches bruyante et silencieuse, et la vocalise. Je considère que l’ensemble de ces jeux est fort utile pour les autistes, car ils  permettent d’éveiller le corps et de faire le lien entre les sons et les mouvements.

 

  • Affiner la communication non verbale

Les enfants autistes n’ont pas ou n’ont que très peu la capacité d’usage du langage. C’est pourquoi ils sont sensibles à ce qui peut être véhiculé par la voix. Puisque : « La voix ne sert pas seulement à parler. Par sa modulation tonale, elle exprime aussi bien, l’accord, le désaccord, l’impatience, la souffrance, la joie… Et si, souvent, le signifié de la langue vient à en masquer ses qualités expressives, les exercices proposés invitent à faire apparaître sa dimension cachée. Il s’agit bien aussi d’explorer le fait que la source de la voix soit le corps.[67] »

La musique, en elle-même est une forme de communication non verbale, aussi, elle constitue un moyen privilégié, pour les autistes, d’entrer en relation avec d’autres, en faisant abstraction de la parole. La musique agit également comme un « renforçateur naturel », qui conduit l’autiste à acquérir des compétences dépassant le cadre musical, en touchant ses émotions. Dans le cadre de la musicothérapie, plusieurs jeux affèrent au renforcement de la communication non verbale. Il en est ainsi de la « communication périverbale », qui met l’accent sur le rapport  de l’autiste avec l’espace. Le jeu du « téléphone arabe » consiste à maîtriser les tons vocaux. Tandis que les « communications paraverbale et supraverbale » sont indiquées pour faire ressortir une émotion particulière.

  • Travailler  l’écoute

Il s’agit de favoriser l’écoute de son corps, des autres et de la musique.

Une séance est réservée à la relaxation. Cette séance basée sur la détente et l’écoute des sons a pour but d’éveiller en chaque patient  des sensations pour stimuler la verbalisation.

Ici la thérapie peut consister à écouter une musique, à marcher au rythme de la musique, localiser un  son  ou reconnaitre une voix les yeux fermés.

Les patients étant couramment invités à verbaliser leurs ressentis autour de leurs productions, l’écoute mutuelle est, dans ce type d’exercice, de rigueur. L’écoute des autres demande souvent  beaucoup d’efforts aux enfants autistes, qui ont tendance à bouger ou à jouer quand l’un d’entre eux s’exprime.

  • Encourager la créativité (De l’écoute à la musique)

Afin de stimuler l’imagination des patients, après une séance d’écoute, chacun d’entre eux peut être conduit à proposer un son (à partir des instruments de musique à leur disposition) ou une voix. La  musicothérapeute se charge de retenir chacune des propositions  pour les combiner celle des autres. Les sons ajoutés les uns aux autres créent alors, une mélodie d’ensemble.

« Il s’agit d’inviter le groupe à mettre en œuvre; mettre en mouvement; à mettre hors de soi, à faire exister, quelque chose qui devient saisissable, palpable, audible, visible, transférant sur le matériau ce qui n’était pas repérable ou pas encore porté à la conscience. C’est une mise en mouvement et mise en forme des émotions, des sensations inélaborées[68] »

L’élément essentiel de cette technique de musicothérapie est donc l’écoute.  Après seulement pourra être entamée la verbalisation. Alors, pour capter l’attention de tous les patients, il faut limiter les mouvements parasites en favorisant la relaxation. Les enfants autistes peuvent ainsi mieux se concentrer sur l’activité.  Car « L’oreille écoute mieux quand le corps est posé ».

Les jeux de rythme et de vocalisations ont donné lieu à un comportement adhésif normal que l’on adopte dans une situation de groupe. Cet  effet d’ensemble est en corrélation avec la surprise de pouvoir produire un objet sonore en groupe. «  Il  s’agit  d’une  représentation d’une  entente  possible,  un  début  de  liaison intersubjective[69] »

  • Matériel

Voici l’inventaire des  matériels mis à nôtre disposition. Ils étaient composés de chaises et de différents instruments de musique dont:

  • La guitare
  • Le foulard
  • Le bol tibetain
  • Les maracasses
  • Le tambour
  • La boite à tonerre
  • Les batons de pluis
  • Les diapasons
  • Le shékéré
  • Le tambour d’eau
  • Le balafon
  • L’accordéon
  • Le djembé
  • La kora
  • Le Kalimba
  • Le drum
  • Le cristal
  • Le xylophone
  • Les animaux musicaux

 

J’estime tout particulièrement  les instruments à peau, comme le tambourin, le djembé, les timbales, le tambour. Ils m’ont  permis de travailler le langage des autistes  à partir de l’imitation motrice, qui est l’un des précurseurs du langage.  Ces types d’instruments ont la particularité de démontrer la capacité de l’enfant à imiter et à reproduire les gestes qu’il observe chez les autres personnes de son entourage. Cette capacité joue un rôle essentiel dans les apprentissages sociaux ainsi que dans le langage.

Aussi, la musicothérapie peut consister à utiliser le rythme du djembé pour inciter les autistes à apprendre la vie en groupe, à avoir un objectif commun et à échanger entre eux.  Ainsi dit, le rythme peut aider les autistes  à créer, à communiquer et s’épanouir. Par le rythme de nouvelles aptitudes de communications s’éveillent dans leur cerveau naturellement, puis les aident graduellement à ajouter de la musique et des mots sur leurs rythmes.

 

  • Jour et horaire fixe

Garder des habitudes régulières dans le cadre de la musicothérapie est important pour l’autiste car il a besoin d’avoir des structures stables afin que le monde qui l’entoure ait un sens. Les habitudes ont pour nature la création d’un cadre précis et stable pour chaque activité. Le changement peut être perturbant pour une personne qui atteinte d’autisme.

Aussi, le respect des habitudes en séance souligne l’importance de la répétition de temps et de l’espace, afin de mieux cerner les raisons pour lesquelles l’enfant adopte un certain comportement. Cela permet également de structurer la vie de l’enfant, surtout quand l’autiste  présente des troubles du spectre et qu’il a du mal à garder en vue l’ensemble de ses activités journalières. De même, maintenir un horaire cohérent par rapport aux activités programmées et à la discipline aide  graduellement l’enfant autiste à cesser ses comportements indésirables.

 

L’ensemble de ces informations a fait qu’il ait été très important pour notre cadre surtout auprès des autistes d’avoir des jours et des horaires fixes. On n’en changeait jamais. La répétition avait son importance.

Si KANNER, en étudiant l’origine de l’autisme, établit la relation causale des contactes parents-enfants, en parlant de « mères réfrigérateurs ». ANZIEU,  lui,  a  comparé  le  cadre  à  un  « contenant  maternel »,  « une  enveloppe protectrice », « une peau-psychique où les pensées du sujet peuvent se déployer ». Aussi je pense que le cadre de l’atelier  joue un rôle important pour aider les autistes à faire des propositions (bruits, sons corporels) et à s’affirmer.

 

  • Les rituels
  • Les Rituels d’accueil

 

Ecouter la même chanson à chaque séance sert à marquer la mémoire auditive des autistes. Cette mémoire a une préférence pour les sons connus. C’est pourquoi en début de chaque séance de musicothérapie, on envoyait la même chanson de bonjour et de bienvenue. Il s’agissait  donc d’un rituel d’habituation.  Et on avait choisi le chant pour stimuler la mémoire auditive des autistes compte tenu des vertus émotives[70].

La mémoire auditive est très importante car elle est  le socle qui conditionne la mémoire. Elle permet l’apprentissage.  Il a été établi que les autistes sont souvent jugés aptes à la musique. Aussi, pourront-ils avoir la capacité d’apprendre. Par ailleurs, c’est également  le même système  auditif qui procure « les capacités de discrimination auditive »[71]en  engendrant une activité motrice.  C’est grâce à cette  faculté de discrimination que l’autiste peut  percevoir la musique et la distinguer des sons.

Ainsi, l’adoption d’une même chanson à chaque séance permet à l’autiste d’affiner sa perception, et  d’entraîner sa mémoire auditif à partir de la musique.

 

Néanmoins, il faut savoir que la musique n’a d’effet à l’égard de l’autiste que si elle est en mesure de lui inspirer de la joie ou du plaisir[72]. Pendant mon stage, je pouvais entendre certains d’entre eux dire en arrivant dans la pièce «  on va faire de la musique »,  « on va chanter ». Ceux qui ne pouvaient parler tapaient dans les mains. Ces enfants autistes avaient exprimé à travers ces mots leur contentement, ainsi que leur volonté dé participé à la séance, et même une première  verbalisation de leur ressenties. Ces faits renforcent l’idée selon laquelle le sourire ou la bonne humeur résultant de la musique peut amener à articuler ou à communiquer. C’est pourquoi il a été dit que : « L’audition est extrêmement importante chez l’Homme et est directement associée au système de communication le plus développé : le langage. L’articulation … ».

 

On avait marqué l’instant en se serrant la main. On se faisait la bise les uns et les autres plusieurs fois jusqu’à ce que la chanson soit terminée. Il s’agit de gestes qui témoignent de  d’une « communauté de relation[73] » au sein du groupe. Il est important que chaque autiste se sente à sa place au niveau du cadre : « être par et avec les autres ». Ces gestes simples peuvent aider l’autiste à se rassurer et à se soigner.

 

 

 

  • Chant (prénoms chanté, verbalisation)

 

Pendant les séances de musicothérapie, tout le monde était  installé en rond sur leur chaise. On a adopté des  jeux de rondes, car ils facilitent l’expression individuelle dans la mesure où l’attention n’est pas focalisée sur une personne en particulier. De plus,  elles  « donnent aux autistes le sentiment de faire partie d’un tout[74] ». Ce qui fait de ce genre d’environnement,  un cadre important pour l’autiste qui doit surmonter l’angoisse dépressive résultant de la séparation du « moi » et du « non-moi »[75]. En effet, le rapprochement du groupe durant ces moments d’indifférenciation[76] peut créer chez l’autiste un sentiment de réconfort et de sécurité, qui peut l’inciter à s’exprimer et à extérioriser son mal.

On avait également l’habitude de chanter ensemble la même chanson en tapant sur nos tamtams. On chantait à chaque fois, le prénom d’un enfant présent à tour de rôle, et tous nous accompagnait soit de leur voix, soit de leur corps.  Selon  Adriana MARC, « Le chant collectif amène une certaine convivialité et une cohésion de groupe, tout en canalisant leur énergie débordante. La ronde permet les échanges de regard et fait appel au mouvement tout en le limitant ».

En outre, les temps de chants collectifs sont l’occasion d’observer certains comportements particuliers des autistes. Durant les séances de chants, j’ai remarqué que quand on chantait le prénom d’un autiste, la plupart des  autres chantaient aussi son prénom en le regardant. Ceci témoigne du fait qu’ils peuvent maîtriser le caractère intrusif du bruit, et qu’ils  ont connaissance de la limite entre le dedans et le dehors ou entre le « moi » et le monde environnant.

Enfin, les temps d’indifférenciation leur permettent de mêler leurs voix durant les vocalisations collectives et ainsi de participer à l’élaboration d’une mélodie commune. Ils peuvent ainsi se rendre compte que l’harmonie peut résulter de la différence. Comme dit Emmanuelle LEFEVRE : « Le groupe offre un contenant physique concret et se définit par son ‘bruissement’, base de l’identité sonore du groupe. Ce processus inconscient est le bruit résultant d’un rassemblement particulier de plusieurs êtres.[77] »

 

  • Echauffement corporel

 

Après le chant des prénoms, Annabelle  proposait  toujours un échauffement corporel, du corps et de la voie. Je trouvais cette partie intéressante, car au-delà du simple échauffement corporel, je remarquai qu’il y avait un vrai travail de prise de conscience de son corps qui n’était pas une évidence pour tous.  Pourtant cet échauffement consistait à se frotter les mains, faire monter et descendre ses doigts le long des bras jusqu’à l’épaule, le long des jambes, jusqu’au pied, puis les joues, la bouche, et pour terminer par la tête.

Ces difficultés d’appréhension trouvent leurs explications à travers les troubles sensoriels. Ils  atteignent l’ensemble des modalités sensorielles chez les personnes autistes, mais également la proprioception et le sens vestibulaire qui sont tous deux étroitement corrélés.

La proprioception qui implique les muscles et les articulations informe le cerveau de la localisation des parties du corps et leurs mouvements. Ainsi, tous les autistes présentant des troubles moteurs ont des difficultés dans la construction de la conscience de leur corps. D’où la difficulté pratique des exercices proposés par Annabelle.

Le  sens vestibulaire, quant à lui, est responsable de  l’équilibre.  Ou plus précisément  de la vitesse et  de la direction d’un mouvement. Dans l’autisme, « ces compétences sont  souvent perturbées par des déficits hétérogènes [78]». Les troubles atteignent, soit l’équilibre dynamique,  soit l’équilibre statique, dont le cas est ici présent, manifesté, par des difficultés de contrôle des membres. Par conséquent, il y avait des personnes du groupe qui ne faisait pas cet exercice.

Évolution thérapeutique :

Au fur et à mesure des séances, pour ne pas mettre un enfant à part,  j’ai ajouté des variations en prenant les mains de ceux que je pouvais toucher et à les diriger sur mon propre corps.  Et pour ceux que je pouvais ni toucher ni regarder dans les yeux, je leur demandais de me montrer avec leur doigt où étaient situés leurs jambes, leur bras, leur tête. Et cela fonctionnait.

 « Le corps peut émettre des sons en faisant intervenir la voix, ou il peut en produire. À travers les percussions corporelles et les vocalisations, les enfants ont l’occasion d’être plus attentifs aux sons qu’ils peuvent faire avec leur corps[79] ». C’est en considération de ces affirmations que j’ai également proposé une autre approche avec un jeu corporel de la musicalité du corps. Quand on tape sur les jambes ça ne résonne pas de la même façon que sur les bras. Et on peut faire de la musique en tapant des pieds au sol. Les jeux de percussions corporelles ont pour avantage de mobiliser le schéma corporel dans les rythmes de façon approfondie et vivante. Les enfants se sont montrés plus réceptif  à ces jeux, plus amusants, auxquels ils s’adonnent volontiers.

  • Le choix d’instrument

 

Quand j’arrivais, j’installais tous pleins d’instruments sur une table de côté. Il fallait qu’ils soient à la portée de tout le monde pour que chacun puisse faire choix. Le choix est une faculté qui se cultive chez les autistes. Notamment par l’activité de triage. Le tri est une tâche qui plaît aux enfants autistes, car, à leur égard, l’activité qui  tient compte de leurs aptitudes visuelles prend tout son sens. De ce fait, il s’agit d’une activité qui leur est facile à maîtriser.

Le tri aide à définir un choix dans la mesure où il attire l’attention d’un enfant vers les différences entre les objets.  Chez un enfant normal, la notion des différences est acquise à partir des questionnements sur la nature des choses. Les réponses seront pour lui des expressions verbales qui donneront un sens aux différences entre les objets. Par contre,  pour les enfants atteints d’autisme, les mots n’ont pas autant de sens, à la différence des visuelles. C’est pourquoi un enfant autiste qui a appris à trier des objets et des images à partir de leurs différences visuelles est capable d’apprendre d’autres concepts plus difficiles au travers du processus de tri.  En effet, il serait capable d’apprendre les noms des objets parce que les différences entre objets ont déjà attiré son attention, donnant ainsi, plus de signification aux formes verbales de différenciation. À partir de cet instant, l’autiste serait également capable d’avoir une préférence sur des objets qu’il aurait triés (exemple du choix d’instrument). D’où l’intérêt des nombreux exercices de tri que l’on fait passer aux enfants autistes au niveau de  l’association.

Ainsi, le choix d’instrument de l’autiste résulte d’un processus d’adaptation de ses aptitudes visuelles. Aussi, en principe, ce choix devrait être libre. Autrement dit, le rôle du musicothérapeute devrait se limiter à  inviter le patient à découvrir les instruments. Si le patient semble hésitant ou interpelle le musicothérapeute, il devrait simplement lui rappelle les consignes et se garder d’interférer dans son choix.  Selon Perrine CAILLERET, « Cette attitude positionne le musicothérapeute vers une neutralité bienveillante[80] ».

Si le patient ne joue pas, le musicothérapeute peut passer au second temps, et proposer au patient un instrument facile à manier.

Mes observations sur le terrain :

J’ai eu quelques difficultés à ce moment-là, car j’étais en proie à beaucoup de questionnements. Annabelle ayant une approche de la musicothérapie assez différente de ma formation, j’ai été très surprise et déstabilisée. C’était le cas, par exemple, lorsque parfois,  certains enfants ne souhaitaient pas se lever pour choisir un instrument et restaient renfermer sur eux même. Par exemple, Annabellle répétait à md Juliette qui ne supporte pas qu’on la regarde ou qu’on la touche de se lever et d’aller choisir un instrument. Au bout de la troisième répétition, Annabelle prenait les devants, en la forçant à se lever et à choisir, en la saisissant par le bras et en haussant le ton. Je ne connaissais pas cette approche comportementaliste

  • Le rituel de fin

C’est un temps de relaxation réceptif  qui marque la fin de la séance. Il s’agit d’un temps calme ou de détente psychomusical. Les enfants s’allongeaient sur des tapis au sol ou dans l’espace de jeu, et on terminait la séance par l’écoute d’un montage en « U ». Il s’agit d’une méthode thérapeutique développée par Jean-Marie Guiraud-CALADOU nommée détente psychomusicale.  La thérapie a pour but la redynamisation  par  l’apaisement et  la   détente. En principe cette méthode devrait durer en moyenne 45minutes, mais la capacité d’appréhension générale des autistes étant limitée, on a écourté la séance à 10minutes.

Pour le côté pratique de la situation, la séance tenait plus  de la musicothérapie énergétique qui  est une technique d’écoute  et d’aide à la personne. C’est une thérapie puissante qui «  permet aux sons d’entrer dans nôtre corps », et redonne de l’énergie à l’organisme ou au mental afin d’arriver au bien-être. C’est une pratique dédiée à la relaxation et à la thérapie par les ondes sonores. Conçue par Franck NABET, cette théorie par le son associe des éléments de travail psychologique, sonomestésiques et énergiques. Les massages sonores sont effectués  soit par des bols tibétains, soit par des massages de fréquences sonores particulières émises au 432hz. Dans notre séance on avait opté pour les bols tibétains.

Aussi, accompagné d’Annabelle, je passais autour de chacun d’entre eux, en faisant résonner l’instrument au contact de leur corps, pour un massage sonore. Les vibrations émises vont parcourir leurs organismes et remettre leur corps et leur mental en harmonie avec eux-mêmes.

Les enfants étaient particulièrement sensibles et très demandeurs de ces temps calmes. Ils étaient   impressionnés et surpris de la résonnance de ces instruments dans leur corps. La musicothérapie a énormément de vertus. D’autant plus pour les  personnes autistes qui n’avaient pas accès au langage. En effet, ici la musicothérapie se présente comme une aide qui a son importance dans l’équilibre physique et psychologique des autistes. Effectuée en groupe, cette méthode « crée un lien d’humanité » entre les autistes  qui présentent des pathologies différentes et prévient ainsi de l’isolement.

De même ce type de thérapie  réduit les troubles du sommeil en aidant l’autiste à retrouver la sérénité et le calme en lui-même. Elle peut aider à mieux supporter les traitements lourds. Elle redonne de l’énergie pour les personnes en difficulté physique ou psychologique en diminuant les fatigues. Sans oublier qu’elle permet des moments de détente, pour le plaisir de calme et de bien-être.

C’est surement en raison de toutes ces vertus sus-citées, et bien d’autres encore, que les autistes ont apprécié ces rituels de fin de séance. Surtout, lorsque je place mon diapason sur la  « glotte » de ceux qui n’avaient pas accès au langage.

3- Pistes d’orientation musico thérapeutique

  • Psychologie du groupe

 

Les séances de musicothérapie  peuvent être réceptives ou actives. Selon WINNICOTT,  les séances de musicothérapies actives sont des occasions successives de défilés, de passages et de métamorphoses. C’est donc pour lui un rituel de passage. Il dit également que ces passagers sont positifs, car ils  reconstruisent, enrichissent et consolident les potentiels de créativité au sein du groupe. Par contre, la musicothérapie réceptive de groupe combine les effets de la dynamique de groupe. Elle convient parfaitement aux personnes souffrant de troubles de la communication ou d’insertion sociale.

Dans le cadre de mon stage chez EURECAH, j’ai effectué des séances tous les mercredis de 14h à 16h, soit au total 200h, avec Md Annabelle Roch[81] une musicothérapeute. La première heure était consacrée au premier groupe d’enfants autistes et la deuxième heure au groupe de polyhandicapé.

Le but du groupe d’autistes était de travailler l’écoute inter et intra personnelle des patients. Les propositions de groupe alternent entre :

  • des moments de détente durant lesquels tous les membres du groupe font la même chose ; et
  • des moments actifs durant lesquels un membre a l’occasion de s’exprimer devant le groupe.

Les moments actifs sont importants dans la mesure où ils permettent aux autistes de mêler leurs voix ou leurs sons durant les vocalisations collectives et ainsi, de participer à l’élaboration d’une mélodie commune. Ils peuvent ainsi se rendre compte que même si le son produit par chacun diffère, il en résulte une harmonie. Ces moments durant lesquels ils font une proposition sont essentiels pour  favoriser leur écoute et leur expression au sein du groupe. De par leurs propositions, ils démontrent leurs caractéristiques. C’est pourquoi, il est dit que : « Le groupe offre un contenant physique concret et se définit par son ‘bruissement’, base de l’identité sonore du groupe. Ce processus inconscient est le bruit résultant d’un rassemblement particulier de plusieurs êtres[82]» ; et que : « Le groupe constitue une situation où se combinent la projection de l’histoire de ses membres et des processus psychiques spécifiques à la situation de groupe.[83]».

Toutefois, il existe deux sortes de groupe en musicothérapie, le groupe ouvert, et le groupe fermé.

 

 – Le groupe ouvert

 

Le groupe est dit ouvert lorsqu’il peut accueillir d’autres patients venant de l’extérieur. Au sein  d’EURECAH le choix a été orienté vers ce type de groupe, car certains enfants durant l’année partent dans d’autres structures, certains décèdent, et certains nouveaux patients viennent en cours d’année. Dans une séance de musicothérapie de groupe ouvert, la participation est en principe faite de manière libre et varié. La musicothérapie de groupe  peut revêtir de multiples facettes qui font sa différence avec la musicothérapie individuelle.

 

  • Groupe de musicothérapie active ouvert[84]

 

Le moment  de musicothérapie active ouvert ou en groupe est  présenté de manière à ce que chaque groupe puisse travailler sur des problématiques précises telles que l’expression verbale et non verbale, la créativité, le maintien de compétences non seulement cognitives, mais également motrices, la socialisation (qui concerne la place de chacun dans un groupe. C’est-à-dire dans le respect des différences interpersonnelles et la compréhension de l’altérité), la prise de position, et la notion de plaisir et de bien être, ainsi que les découvertes musicales, ont incontestablement une grande place dans la séance.

Le musicothérapeute peut également choisir le chant. Cette méthode de travail essentiellement les souvenirs, l’expression vocale et la cohésion de groupe. Ce style de travail s’inspire des travaux de Carl ORFF. Les techniques de jeu utilisés concernent essentiellement le fonctionnement  rythmo-musicaux et les musicothérapies des cultures traditionnelles de l’Afrique ou de l’Asie.

Cette approche n’est pas sans problème, à commencer par ceux créés par les différences entre les mentalités et les logiques de pensée des participants du groupe. En effet, la considération du phénomène musical n’est pas uniforme.  En occident, les lignes de pensées diffèrent assurément de ceux de la société africaine. Mais,« il ne s’agit d’adopter une telle ou telle conception rythmo-musicale Africaine ou Asiatique en particulier, mais de s’en inspirer en transposant, dans notre pratique, les procédés techniques utilisés par les traditionnels. ». Car, la base, ces méthodes d’approche de Carl ORFF  ne sont pas culturelles, mais universelles. D’ailleurs j’ai eu l’occasion d’observer que les enfants autistes préfèrent chanter des chansons en d’autres langues plutôt que de chanter une chanson française.

Ainsi, le procédé  doit impliquer le groupe dans son ensemble et prendre un sens dans un climat convivial où doivent primer les valeurs d’usage plutôt que les valeurs d’échange, car le groupe ne crée pas d’objet, il crée une œuvre.

L’étendue des caractéristiques de la musicothérapie active ouverte se résume en plusieurs points :

  • D’abord, elles donnent la priorité au groupe. La musicothérapie active se fait naturellement en groupe même si elle peut être adaptée pour une seule personne.
  • Ensuite, le groupe présente un aspect global où  la parole, le mouvement corporel, et le rythme musical sont étroitement corrélés. Cette corrélation est  donc assurée par la présence permanente d’un aspect rituel, de  sorte que nos habitudes culturelles individuelles n’y ont plus leur place.
  •  En outre, en musicothérapie active en groupe, le groupe ne travaille pas sur la logique, mais plutôt sur l’organisation temporelle et donc rythmique. Ce qui fait qu’il n’y ait nullement besoins d’avoir des qualités exceptionnelles en musique pour pouvoir participer à une séance de musicothérapie active en groupe.
  •  Et enfin, le caractère général de la  pratique de la musicothérapie de groupe est marqué par la combinaison de plusieurs champs que, par habitude, nous avions dissociés. En effet : « Dans notre enseignement occidental, nous séparons la musique  qui devient cours de musique et de solfège, le corps, qui devient le sport, et rarement la danseC’est loin d’être le cas dans les sociétés de style orales où la combinatoire est de rigueur ».C’est donc également pour restaurer cette perte que la musicothérapie active de groupe s’efforce de proposer des procédés sans prendre part de la croyance des participants.

 

  • Groupe de musicothérapie réceptive ouvert[85]

 

La musicothérapie réceptive de groupe ouvert combine les effets de la « dynamique de groupe ». Elle est idéale pour le traitement des personnes souffrant de troubles de la communication ou d’insertion sociale.

En début de séance, la technique de base consiste, pour le musicothérapeute, à demander  à chacun des participants d’apporter deux extraits de musique d’environ trois minutes. Ces extraits devront représenter des états émotifs différents pour prévenir la banalité de la séance. Après l’écoute consécutive des deux extraits sans échange verbal, chacun des participants pourra communiquer son ressenti par  rapport aux  deux extraits. L’émotion pourra être positive ou négative selon la personne.

Dans une séance de musicothérapie réceptive ouverte ou collective, le musicothérapeute a pour tâche d’enregistrer chacun des commentaires des participants, pour ensuite en livrer une synthèse globale. Après quoi l’auteur du choix des deux extraits pourra, lui aussi, exprimer ses propres impressions par rapport à son choix musical, mais aussi par rapport aux réactions des autres participants. Ainsi, l’ensemble des participants du groupe est mobilisé par le phénomène concret de dynamique de groupe. En dehors de la verbalisation, d’autres supports peuvent être plus efficaces. Il peut en être ainsi du dessin, surtout, lorsqu’il a été commenté, car il donne lieu à des échanges.

Cette technique permet au musicothérapeute d’identifier le comportement de chacun des participants, ainsi que les problèmes liés à la communication. Les membres du groupe pourront, de leur côté, expérimenter les pouvoirs émotionnels de la musique, en plus des échanges verbaux qu’elle permet.

En fin de séance, le musicothérapeute pourra proposer l’écoute d’une musique.

  • Groupe fermé

 

Le groupe est dit fermé lorsqu’il est consacré  à un groupe de patient en particulier, ou encore à une personne en particulière. En ce dernier cas, on parlera plutôt de musicothérapie active et réceptive individuelle.

 

  • La musicothérapie active individuelle

 

La musicothérapie est dite active lorsque la personne est invitée à produire  par elle-même des sons et à verbaliser ses ressenties par l’intermédiaire d’objets sonores, d’instruments de musique, ou directement avec la voix ou le corps suivant ses facultés personnelles. Les séances de musicothérapie active individuelle des adaptations des séances de musicothérapie de groupe. Elle peut être issue d’une démarche individuelle du patient ou de ses proches, ou  due à la présence d’un cas particulier requérant une attention particulière.

Ici, le musicothérapeute  associe le son et le corps dans des jeux,  tout en titillant l’esprit créatif du sujet. Le but de la séance étant toujours, comme en musicothérapie de groupe, l’expression de soi.

Les méthodes à disposition du musicothérapeute s’appuient essentiellement sur l’exploration sonore et l’improvisation musicale. Concrètement, le musicothérapeute demande au sujet de produire des sons en soufflant, en grattant, en pinçant, ou en frottant sur différents instruments de musique. Il l’invite par la suite à partager ces différentes manières de produire des sons. La séance de musicothérapie active individuelle utilise également la musique, non pas comme un moyen d’échange entre les participants, comme l’est le cas au sein d’une musicothérapie de groupe, mais plutôt un échange entre le thérapeute et le patient, car il s’agit ici d’une prise en soin individuelle.

La musicothérapie active individuelle  prend donc également appui sur l’espace potentiel de jeu, qui, en plus d’être un loisir, peut également amener une personne à « confronter sa réalité intérieure au monde extérieur et à exprimer ainsi les tensions psychiques qui la traversent ». Le patient, lui, pourra se servir d’un instrument de musique et produire des sons pour s’exprimer. Ainsi, « tout ce qui est exprimé dans l’espace transitionnel devient perceptible[86] ».

 

  • La musicothérapie réceptive individuelle

 

La musicothérapie réceptive individuelle met en jeu trois protagonistes, dont la musique qui est l’émetteur ; le patient, le récepteur, et le thérapeute, en tant qu’accompagnateur. Elle diffère de la musicothérapie réceptive en groupe, en  ce qui concerne la technique, car, ici c’est le musicothérapeute qui propose au patient les extraits de musiques. Il existe trois manières de mener une séance de musicothérapie réceptive individuelle.

 

La première est celle proposée par  J Josh. Ce type de séance est composé par trois écoutes : le premier extrait reflète la difficulté du sujet. Ce faisant, le musicothérapeute propose une musique militaire. Il s’agit d’une musique forte de nature à induire une sensation de puissance, d’énergie et de force. Elle a pour but de rehausser les potentiels du patient.  Le deuxième extrait va neutraliser les effets du premier car la musique choisie sera d’une nature plus neutre, avec un profil rythmique large, lent et simple. Le troisième morceau portera sur l’ouverture souhaitée par le patient. Certains musicothérapeutes préfèrent sauter le deuxième extrait. Par  contre, il doit y avoir un temps de parole, à raison de, 15 minutes, afin que le patient puisse échanger avec le musicothérapeute ses appréciations sur les musiques diffusées.

 

La deuxième méthode serait de passer en premier un extrait d’environ 3 minutes dont l’objectif sera de décharger les tensions. Il s’agit généralement d’une musique déstructurant, présentant des fréquences aiguës. Son rôle est de faire ressortir les difficultés, afin de réunifier la personnalité du patient.   Cette musique doit obligatoirement être secondée par une phase de verbalisation, qui aura pour but d’extérioriser les émotions du patient. Et en troisième phase se fera passer une musique de détente avec peu de connotations émotionnelles, d’une durée d’environ cinq minutes afin de permettre à l’auditeur de se sentir mieux. On priorisera les musiques souples et coulées pour aider le patient à lâcher prise. Enfin, on achève la séance par une musique d’éveil d’environs 3minutes qui est de la même nature que celle passée en troisième place. Toutefois, celle-ci devra rétablir la vigilance normale du patient. Ce type de musique est de nature enjouée et progressivement dynamique.

 

La troisième technique consiste à atteindre la relaxation. Pour y arriver, le musicothérapeute proposera une série de quatre œuvres dont une musique apaisante qui n’est pas toujours calme. L’objectif étant de permettre l’extériorisation  des tensions du patient. La séance se poursuit avec une musique de détente, de nature calme et sécurisante, propice au « lâcher-prise ». La troisième œuvre est une musique de relaxation, utilisée à fréquence basse afin de réduire l’état de vigilance de l’auditeur. Et en fin sera diffusée une musique d’éveil pour ramener l’état normal de vigilance du patient.

 

  • L’Approche du jeu  (Winnicott et Freud)
  • La théorie

 

WINNICOTT émet l’hypothèse selon lequel, le bébé se satisfait de façon auto-érotique dans sa vie intra-utérine. Il est en contact avec des objets qui sont des prolongements  de lui-même, qu’il nomme des « extensions  du Moi » ou « objets subjectifs ». À ce stade, l’objet est non encore appréhendé, comme séparé et différent. C’est selon WINNICOTT l’étape du développement « antérieur à la séparation du non-moi et du moi ». Et le bébé et la mère sont encore dans un « état fusionnel primaire ».

Après naissance, pour diminuer  ses tensions  internes et pour se défendre contre les angoisses dépressives, le bébé commence à investir les premiers substituts de la mère. Progressivement, il se constitue un espace qui n’est plus tout à fait uniquement dedans et pas encore tout à fait dehors, mais entre-deux. C’est cet espace que WINNICOTT nomme « espace transitionnel[87]  » ou « potentiel ». C’est dans cet espace où la « continuité cède le pas à la contiguïté » que les phénomènes transitionnels et le jeu  ont trouvé leur origine.

WINNICOTT précise que l’enfant  pourra choisir indifféremment comme premiers substituts le pouce ou un bout de couverture, tant que l’objet est réel, car: « Ce  qui  importe  n’est  pas  tant  sa  valeur  symbolique  que  son  existence effective. Que cet objet ne soit pas le sein, bien qu’il soit réel, importe tout autant que le fait qu’il soit à la place du sein». Ainsi, l’enfant adoptera un objet transitionnel concret. WINNICOTT en fait allusion  en disant : « Sans halluciner, l’enfant extériorise un échantillon, dans un assemblage de fragments empruntés à la réalité intérieure[88] ».

La théorie de FREUD s’oppose fortement à celle de WINNICOTT, dans la mesure où il a dit : « Le contraire du jeu n’est pas le sérieux, c’est la réalité. En dépit de son investissement d’affects, l’enfant distingue fort bien de la réalité le monde de ses jeux ». Pour vérifier sa théorie, il s’est proposé « d’étudier la manière dont travail l’appareil psychique en s’acquittant d’une des tâches normales et précoces. Il s’agit du jeu d’enfant ».Il avait choisi d’observer son petit fils d’un an et demi qui lançait au loin une bobine et la ramenait en tirant sur un fil attaché sur l’objet. FREUD s’était demandé pourquoi l’enfant éprouvait du plaisir à répéter ce geste épuisant. Il a alors compris que « le véritable objet du jeu était le retour joyeux ». Pour lui, l’enfant reproduit dans les jeux tout ce qui l’a marqué en se rendant maître de l’intensité de son ressenti.

  • Le concret

 

Concrètement,  l’ « espace transitionnel » est un espace de jeu. Tandis que l’ « objet transitionnel » décrit par WINNICOTT peut être un nounours, un quelconque objet, même  la mère elle-même. Un objet pourra représenter, pour l’enfant,  une présence rassurante comme celle de sa mère. Et dans le cas où son choix se porte sur sa propre mère, cela veut dire qu’il l’utilise comme un prolongement de lui-même, mais aussi comme distincte de lui. Cette double acception qu’il éprouve à l’égard de sa mère va lui permettre d’évoluer à travers d’expériences nouvelles. Ainsi, L’objet transitionnel a pour dessin de progressivement désinvestir l’enfant de la situation de dépendance physique qu’il a avec sa mère. Mais il arrive des fois que les phénomènes transitionnels persistent.

Pourquoi l’enfant joue-t-il ?

L’enfant joue essentiellement pour avoir le sentiment d’exister réellement. Le jeu permet d’assujettir les pulsions de l’enfant aux contraintes de la réalité. C’est ce que WINNICOTT  entend par « intégration de la personnalité » qui vient après la phase de « dépendance absolue » du nourrisson à sa mère. L’enfant pourra peu à peu accepter les frustrations de la séparation avec sa mère, et à partir de là, avoir le sentiment d’exister comme un individu distinct. C’est seulement à ce stade que l’enfant se rend compte de son existence. Et ses pulsions seront assouvies par les jeux (playing). Toutefois, il arrive qu’un enfant ne passe pas à ce stade et reste au niveau de l’espace transitionnel. C’est le cas notamment des autistes.

Selon FREUD : « Pour ce qui est du jeu de l’enfant, nous croyons comprendre que si l’enfant reproduit et répète un évènement, même désagréable, c’est pour pouvoir, par son activité , maîtriser la forte impression qu’il en a reçue, au lieu de se borner à la subir en gardant une attitude purement passive ». Ainsi, selon ces dires, l’enfant joue par désir d’être grand ou de se comporter comme un adulte. Il veut être actif et non plus passif en reproduisant les évènements sous la forme d’un jeu. FREUD dit aussi que reproduire dans un jeu une impression pénible est une source de plaisir indirecte qui permet d’obtenir un plaisir plus direct. Condition indispensable, selon lui, à l’acquisition du langage.

Le jeu de l’enfant est-il sans enjeu ?

Selon WINNICOTT, le jeu est pour un enfant normal, un moyen d’exister en tant que soi (vraie self), malgré les contraintes de la réalité auxquelles il doit s’adapter. Le contraire serait que l’enfant ait à s’adapter à son environnement au détriment de son propre développement personnel (faux self).  C’est notamment le cas des autistes. Aussi, WINNICOTT distingue clairement le jeu ou (Game), qui peut être organisé socialement, et l’activité beaucoup plus essentielle de jouer (playing). Selon lui : « Jouer est un acte créateur, une invention d’un individu, alors que les jeux éducatifs sont beaucoup plus limités ». Néanmoins, il ajoute : « Il ne faut jamais oublier que jouer est une thérapie en soi. Faire le nécessaire pour que les enfants soient capables de jouer, c’est une psychothérapie qui a une application immédiate et universelle ; elle comporte l’établissement d’une attitude sociale positive envers le jeu. Mais il faut admettre que le jeu est toujours à même de se muer en quelque chose d’effrayant. Et l’on peut tenir les jeux (games) avec ce qu’ils comportent d’organisé, comme une tentative de tenir à distance l’aspect effrayant du jeu (playing)[89]».

FREUD  avait, quant à lui déclarer que : “ Chaque enfant qui joue se comporte comme un poète, dans la mesure où il se crée un monde propre, ou pour parler plus exactement, il arrange les choses de son monde suivant un ordre nouveau, à sa convenance [90]”. Toutefois, il avait précisé que le jeu devait obéir au principe de plaisir.

  • La musicothérapie active

 

« La musicothérapie « active » favorise une communication non verbale. Elle permet aux patients de s’exprimer, aussi bien corporellement que musicalement (mouvements corporels, production de sons avec des instruments, regards, touchés…) », Anna GUSTAVE

 

Il s’en suit que la musicothérapie active est basée sur la production  musicale réalisée par le ou les patients eux- mêmes.  Et elle  peut consister à créer une existence de créativité et  d’écoute par l’intermédiaire des instruments  de  musique ou en usant du corps et  la voix. La liberté d’expression est la règle. L’improvisation, élément majeur de la musicothérapie active, permet au patient d’établir une relation avec le musicothérapeute, mais aussi avec les autres membres du groupe si les séances se font en groupe. La musicothérapie étant donc une thérapie très active, et en principe collectif, elle peut ne pas convenir à un patient. C’est la raison d’être du bilan actif préalable.

  • Le bilan actif

Il s’agit d’un test de réceptivité à la musicothérapie active.  Le bilan actif est un outil de travail du musicothérapeute. Il est donc un moyen et non une fin. Le musicothérapeute centrera son attention sur les mouvements corporel  du  patient  tels ses  gestes,  ses déplacements   dans  l’espace,  ses  mimiques. Toutefois, son jugement se portera également sur  les instruments  que le patient utilisera,  l’ordre,  et  la  façon  dont    il  les  utilise,  les  rythmes  et  les  phases mélodiques qu’il va créé,  ainsi que les associations sonores et rythmiques, etc.

Généralement, le test de bilan actif consiste à positionner le patient devant  une  table  où  sont  posés  différents instruments de musique. Le thérapeute sera positionné en face de lui ou en retrait. Dans un premier temps, le musicothérapeute demande au patient de jouer, quand il le veut et comme il le veut, tout en le laissant la liberté de choisir ou non un instrument de musique.

Dans un second temps, le musicothérapeute diffusera simultanément une œuvre mélodique,  puis une autre rythmique, suivit d’une autre de nature harmonique, et enfin une qui soit électro-acoustique.  Pendant la diffusion, il est possible pour le patient  de jouer quand il le voudra et comme il le voudra. À la fin du test, le musicothérapeute demandera  respectivement le ou les instruments et la ou les musiques préférées du patient.

  • Les séances de musicothérapie

Pour qu’il y ait soin, le thérapeute doit offrir toutes les conditions nécessaires rendant possible le jeu. Il y va du cadre de la séance, des consignes et de sa ritualisation dans le temps.

Le jeu représente une activité spontanée et un effort non imposé, mais voulu. Il donne alors l’occasion de réentrainer diverses fonctions cérébrales et peut ici prendre des fonctions rééducatives variées évidentes.

La musicothérapie active me parait être une bonne approche pour un groupe d’enfants, car la notion de jeu est très présente dans l’animation en musicothérapie. L’espace de jeu en musicothérapie peut également amener une personne à confronter sa réalité intérieure au monde extérieur et à exprimer ainsi les tensions psychiques qui la traversent. Le champ du jeu représente alors un espace potentiel. La réalité intérieure de la personne peut prendre appui sur les instruments de musique et sur les sons produits pour s’exprimer. Tout ce qui est exprimé dans cet espace transitionnel devient perceptible.

Au sein d’EURECAH, tout notre travail thérapeutique est centré sur le jeu musical durant nos séances.  L’improvisation était la clé de voûte de nos séances. Le concept consistait à étaler les instruments de musique sur une table où chaque personne peut prendre l’instrument  qu’elle souhaite et en jouer de la façon dont elle veut. Les consignes étaient simples, car les enfants avaient le droit et le choix de jouer avec les instruments à condition qu’ils ne les jettent et qu’ils ne les détériorent pas.

Ils avaient également le droit de s’asseoir où ils le souhaitaient, tant qu’ils  se ne mettaient pas en danger autrui ou eux-mêmes. Le jeu privilégie le geste, la voix, la respiration, les sons corporels ainsi que les instruments de musique. Toutefois, il est à remarquer  que le concept de la musicothérapie active peut, certes, être bénéfique pour le patient (cas d’un transfert), mais elle peut aussi prendre une tournure négative (cas du contre-transfert).

Le transfert est un lien affectif, positif (lorsqu’il est tendre) ou négatif (lorsqu’il est hostile), que le sujet élabore, sans en prendre conscience, avec son musicothérapeute. C’est l’étape fondamentale de la cure analytique puisqu’ici, le patient éprouve des sentiments inconscients pour le musicothérapeute, sentiments déjà vécus pour une personne de son entourage. Il adoptera envers son thérapeute la même attitude qu’il a pu avoir précédemment  pour ces personnes. Le thérapeute  doit pouvoir  repérer  cela pour  le signaler  au patient  afin que celui-ci en prenne conscience.

Le contre-transfert se traduit comme étant les réactions personnelles inconscientes du musicothérapeute envers le patient. Ce sont des réactions d’opposition au transfert, celui-ci devenant trop difficile à supporter pour le musicothérapeute. Selon ANZIEU : « Un tel contre-transfert  provient des problèmes personnels non résolus de l’analyste.  Il a la structure  d’un symptôme  névrotique  ou narcissique  et constitue un obstacle au progrès de l’analyste. […] Ce terme désigne les attitudes et les réponses du psychanalyste qui découlent de la situation analytique. Le psychanalyste est soutenu dans son travail par certaines motivations et il doit y trouver des gratifications. Les émotions qu’il ressent envers le sujet sont induites inconsciemment par lui, et elles servent à éclairer l’analyste sur ce dernier à condition qu’il les accepte sans culpabilité et qu’il procède à une réflexion autoanalytique à leur égard. Ce contre-transfert est un moteur de l’analyse[91] ».

  • Temps de relaxation réceptif – temps calme

 

  • Le test réceptif

 

Le test réceptif, tout comme le test actif, fait partie du bilan psychomusical qui va permettre au musicothérapeute d’évaluer l’intérêt d’une prise en charge musicothérapeutique, de définir les projets de son patient, et de l’orienter vers des méthodes actives ou réceptives ou encore la combinaison des deux. Dans un premier  temps, le musicothérapeute va s’assurer de la nature de la démarche du patient en entrant en contact avec lui dans le cadre d’un  entretient  préliminaire. Le but est de pouvoir instaurer un climat de confiance entre le patient et le musicothérapeute.

Le test réceptif vient après l’entretient préliminaire.  Il a été mis au point et expérimenté à l’hôpital Limoux par l’équipe de Jacqueline Verdeau-Paillès. Son objectif est d’établir un programme sonore en fonction de l’âge, de la culture musicale et des problèmes psychologiques du patient. Il consiste en l’audition d’une dizaine d’extraits sonores et musicaux très variés afin  d’obtenir rapidement un aperçu aussi juste que possible de la qualité de réceptivité musicale du patient.  L’audition  peut par exemple être composée d’une œuvre descriptive; suivi d’une autre qui soit rythmique avec des percussions,  puis une autre mélodique ou folklorique. Ensuite, il pourrait y avoir du chant suivi d’une musique contemporaine, puis un soliste avec orchestre, etc.

Après chaque écoute d’un extrait, le patient est invité à exprimer ce qu’il ressent, par la parole, ou un autre moyen d’expression s’il le souhaite (corporel, musical, pictural…). À la fin du test, le musicothérapeute exploite les résultats de son patient dans un psychogramme.

 

 

3-Cas clinique

 

  • Le premier contact :

 

La première fois ou j’ai été en contact avec le groupe (toujours entre 6 et 9 patients), j’ai été testé par certains d’entres eux. Il me fallait me faire ma place. A plusieurs reprise durant la séance ont me redemandais mon prénom, auquel j’ai répondu a chaque fois sans y être agacé car il me paraissait important d’y répondre autant de fois que nécessaire. Je pense qu’ils avaient besoin d’être rassurer ou alors peut être que m’a réponse n’étais pas assez rassurante ? Cette séance était une découverte réciproque. Ce fus une séance différente de celle que j’ai pu vivre par la suite, car ma nouvelle présence perturbais le déroulement de la séance de musicothérapie soit par curiosité, soit vécu comme une intrusion par certains. Il a été établit que les autistes asperger développent une curiosité étonnante. Généralement, il s’agit d’une curiosité d’observation, une recherche de compréhension différente de celle des enfants normaux. Pour ce qui est de la manière adéquate à adopter face à une telle curiosité, il a été dit que:« L’enfant capricieux a besoin de fermeté. L’enfant autiste a besoin de compréhension et d’aide[92] ». Ce qui fait que la patience soit un élément important dans la rééducation des autistes.

Lors de ce premier contacte, Annabelle m’a mise directement en observation et pratique avec elle. (De toute façon il n’est pas possible dans ses conditions d’observer seulement).Une jeune ado autiste cherchait à tester mes limites en m’appelant « mon petit chat ». Annabelle l’avait recadré en lui disant que je n’étais pas sa copine et donc m’appeler par mon prénom. Personnellement cela ne me dérangeait pas car je trouvais cela affectueux et que donc un premier lien se mettait en place.  Cette jeune autiste a, par ailleurs, été vexé de cette remarque, et a demandé, pourquoi, car c’était gentil. (Elle ne semblait toujours pas comprendre ce qu’elle avait fait de mal). Il faut savoir que « les personnes avec autisme ne reconnaissent pas suffisamment les expressions émotionnelles des autres. Elles perçoivent moins le visage comme un ensemble et associent souvent les émotions aux détails de l’expression émotionnelle». Par conséquent, l’autiste a du mal à éprouver de l’empathie envers les autres. L’empathie se dit de la capacité à comprendre les sentiments des autres sans les vivre soi-même. Pour cela, il faut pouvoir adopter la perspective et le point de vue des autres en prenant part à leurs états d’âme, et ainsi, pouvoir réagir de la manière émotionnellement adaptée.

Si par exemple, un autiste associe la colère seulement quand le détail ‘moustache’ est présent, il ne voit pas que sa mère est fâchée car elle n’a évidemment pas de moustache. Si donc, il ne voit pas cela, il ne peut pas se mettre dans la peau de sa mère et il lui est  impossible de faire preuve d’empathie envers elle lorsqu’elle est en colère. De même, ici, la jeune ado, pouvait difficilement comprendre Annabelle, car elle ne reconnaissait pas sa  propre méchanceté.

Durant cette première rencontre avec les autres autistes du groupe, je m’approchais,  et essayais de rentrer en contact avec chacun d’eux, sans pour autant être envahissante ou allant contre leur gré. Pour y arriver, il me fallait alors adopter la façon de s’intégrer des autistes dans les petits groupes. Une mère ayant pour enfant un autiste asperger avait rapportée: « Mon fils adore les autres, il est très sociable. Il allait là où les autres jouaient (…), mais ne prenait pas les siennes, ne jouait pas avec eux, mais se mettait à côté, les observait, riait avec eux. ». Et c’est ce que je fi.

De par mon action, je voulais partir à leur découverte et qu’ils ne découvrent pas que mon prénom. Essayer de tisser des liens, de m’intégrer, d’être accepter dans leur groupe. Ce fut un jour fort en émotion pour moi, car après tous, je commençais avec excitation et pleins d’interrogation mon stage. Mais j’avais aussi peur de l’inconnu, peur de ne pas savoir quoi faire, et bien même faut t-il faire? Et sans oublier que je ne connaissais pas l’autisme.

C’est alors, dans le but d’apprendre plus sur ce syndrome que j’ai décidé d’étudier un cas particulier, que j’ai nommé, monsieur X

  • Présentation des cas cliniques

 

Durant mon stage, auprès d’EURECAH, j’ai pu suivre un groupe d’enfants autistes composés de Julien, Jenny, Ben, Laure, Anna, Andy, Mathieu, et Martin. Je les présenterai tour à tour. Toutefois,  plus spécifiquement, j’ai décidé de décrire la prise en charge de Martin.

 

  • Martin

 

Martin est un enfant de 5 ans atteint de troubles autistiques avec un retard mental. Il manifeste également quelques troubles du comportement en s’automutilant. Il a intégré l’association depuis 2014 et a été accueilli auprès d’une famille d’accueil.

Il vivait auparavant chez ses parents où il était victime de violence. Il tenait beaucoup à sa mère, et sa rupture avec elle a été très difficile pour lui. C’est ce qui l’a amené à sombrer dans la dépression. Aussi, a-t-il été soigné en clinique depuis le 22 mai. Le jour de son arrivée, nous n’avions pas été prévenues. C’était l’éducatrice qui nous l’avait présenté et nous a demandé de l’intégrer dans le groupe de musicothérapie. Il s’était montré totalement désorienté et n’avait pas voulu participer à la séance.

 

Martin est donc un autiste présentant des troubles envahissants  du développement-non spécifié (TED-ns). Car, des conditions environnementales traumatiques[93] ont déclenchés chez lui, des formes autistiques réactionnelles perturbant la constitution du « soi », ou l’instance de l’individuation. Dans les faits de l’espèce, il a été séparé de sa mère, une personne à qui il tient énormément, en plus d’avoir été victime de violence.

L’handicap de Martin s’explique par des troubles de développement singulier  et non de maladies  mentales  actives[94]. Ce qui entraîne une fragmentation totale (autismes vrais)  ou une fragmentation partielle réversible (retraits autistiques). En accord sur ce point Laurent MOTTRON a dit que l’autisme serait une forme de la diversité cognitive entrainant des singularités de traitement, en particulier de l’espace et du temps, dimensions  premières de l’expérience de « soi »[95] . Ainsi, à la suite de l’effet de la conjonction de ces facteurs, le développement de l’enfant ou spécifiquement Martin, s’oriente sur une trajectoire, marquée par la disjonction des noyaux du soi, sans intégration en un soi unifié et cohésif. C’est justement cette constitution fragmentée du « soi » que la musicothérapie tente d’unifier, en faisant en sorte que l’enfant autiste puisse se rendre compte de l’existence de son « moi ».

  • Julien

 

Julien est âgé de 8ans, il est autiste. Il était trop agité pour rester en classe pendant toute la durée d’un cours. Alors, ces parents ont décidés de l’intégrer chez EURECAH. Il présentait également une légère déficience intellectuelle. Concrètement, Julien est un enfant autiste présentant des troubles du comportement, plus exactement,  il présente un déficit de sa motricité fine. Ce qui fait qu’il a du mal à rester en place. Pendant nos séances de musicothérapie avaient à son égard pour but de lui apprendre à contrôler de ses mouvements.

 

  • Jenny

 

Jenny est une petite fille autiste de 7ans. Elle est atteinte de paralysie cérébrale et est quasiment non verbale (ne disant que quelques mots en cas de motivation extrême ou de sollicitation tenace). Elle avait des parents beaucoup trop exigeants à son égard. Ce qui l’avait profondément marqué. Elle semblait perpétuellement dans l’attente de l’autre au point qu’elle n’agissait jamais par elle même et  paraissait entièrement sous  l’emprise des autres.

Elle ne parlait quasiment pas, hormis les quelques mots qu’elle répète, après qu’on les ait prononcés.  Néanmoins, cette limite au niveau  du langage ne l’a toutefois pas empêché de faire de la musique, et de s’allier avec les autres, en l’occurrence, avec moi. Elle reprenait  systématiquement et avec beaucoup de précision les rythmes que je jouais. Durant nos séances, j’ai travaillé son indépendance en lui laissant plus souvent les commandes.

  • Ben

 

Ben est un jeune garçon autiste de 8ans.  Tout comme Martin, il  a comme pathologie la  démence. Au sein du groupe, il semblait plus ou moins attentif à la musique écoutée et jouée, mais en même temps un peu désorienté. Son regard, qui peut tantôt se poser sur l’une ou l’autre  des personnes en présence, indique qu’il peut toujours être dans une certaine forme de présence. Aussi, une forme de communication était toujours possible. Ben dégage une sorte de timidité et sa démence laisse penser qu’il ne sait pas parler. Dans le cadre de nos séances en musicothérapie, on a travaillé son mode de communication.

 

  • Laure

Laure est une fillette autiste de 12ans. Elle présente une déficience mentale. Elle  affiche une grande tension corporelle. Tout son corps est crispé, elle garde les sourcils froncés et le visage tendu.

Son regard fuyant, et elle ne cherchait aucun contact avec les autres participants. Elle est par ailleurs, toujours agitée et faisait le tour de la salle en courant. Dans son état, toute proposition de jeu ou de contact était compromise, car elle la refusait en l’ignorant, ou en la repoussant. C’est pourquoi, dans le cadre de nos séances, on avait travaillé la manière de se relaxer au moyen de la musique.

 

  • Anna

 

Anna est autiste. Elle a 11ans, et elle  n’a pas la capacité de marcher. Aussi fut-elle  placée dans  un  fauteuil roulant. Anna ne parlait quasiment pas. Mais elle réagissait peu à peu pendant les séances de musicothérapie active en groupe.  Notamment, en se tournant plus régulièrement vers ses voisins proches lorsqu’ils parlaient ou chantaient. L’objectif de nos séances a été d’exploiter des réactions d’Anna, afin qu’elle puisse communiquer. Une communication verbale ayant été fort peu probable, les objectifs ont été orientés vers le sens du toucher, le mouvement; et de loin le plus important, le regard.

 

  • Andy

 

Andy est un petit garçon autiste. Il a 12 ans. Il est porteur d’une anomalie chromosomique qui a entrainé des malformations cérébrales accentuées par des difficultés orthopédiques et sensorielles (trouble du regard). Il porte des attelles en séance, et a un fauteuil roulant pour les sorties. Son langage verbal est limité à quelques mots stéréotypés.

 

Néanmoins, il  aimait jouer avec les autres enfants dont il recherche le contact. D’ailleurs, il  a tendance à solliciter l’amitié des autres, de manière parfois un peu intrusive. Il pouvait donc être brusque. Il était capable de faire des choix par désignation (notamment, en ce qui concerne le choix d’instrument). Andy appréciait beaucoup la musique et pouvait mémoriser de nombreuses chansons. À son égard, les séances de musicothérapies ont eu pour objectif l’apprentissage normal. Car il était capable d’apprendre.

 

  • Mathieu

 

Mathieu est autiste, il a 13ans. C’était un  enfant assez réservé,  et il passait  son  temps  à  pousser  de  petits  cris. Les moments d’angoisse passés, il se calme rapidement. Surtout lorsque nous tapotions sur son corps. Mais, il jouait rarement pendant la séance, il les faisait avant ou après. Le handicap de Mathieu témoignait de la présence des troubles de comportements surement liés à des événements traumatiques. Néanmoins, les séances de musicothérapies ont eu pour but de le résocialiser grâce à la musique et les sons.

 

  • Déroulement des séances, et analyses
  • Rituel d’accueil

 

En début de séance, pendant l’arrivée des  patients autistes dans la salle, un poste CD passait la musique du bonjour[96]. Et sur cette musique, nous prenions contact tous ensemble. On se faisait la bise ou serait la main. Il s’agit là d’une forme de thérapie d’étreinte. Elle ne guérit pas l’autisme, mais elle peut augmenter le langage, l’affectivité, et le contact visuel chez certains autistes. Elle peut également diminuer les comportements stéréotypés et autodestructeurs. Néanmoins, la réussite de cette thérapie repose sur la douceur. Autrement, l’étreinte peut provoquer chez un autiste une vague de stimulation à travers tout son corps. Un homme autiste, interrogé par CESARONI et GARBER, disait que le toucher n’était pas douloureux, mais accablant et bouleversant.

Ce désagrément a pour origine, des problèmes tactiles dus aux troubles sensoriels. C’est pourquoi les autistes présentant ce type de trouble sensoriel préfèrent éviter tout contracte. Pourtant, le but de la thérapie est  également la désensibilisation tactile du système nerveux de l’enfant autiste par l’emploi d’une manière douce, notamment avec de la musique et en groupe.  En effet, le fait de pratiquer la thérapie de l’étreinte en groupe permet de diminuer l’hypersensibilité du système nerveux. C’est cette trouble-là, qui empêche un enfant autiste de recevoir la stimulation tactile réconfortante qui accompagne l’étreinte, et qui cause son manque d’empathie de envers les autres. À ce sujet, Temple GRANDIN  disait : « Je devais me réconforter moi-même avant de pouvoir donner du bien-être au chat [97]».

Ainsi, l’étreinte doit se faire dans l’amusement, sans jamais être imposée de force. C’est pourquoi j’ai tenu à raccompagner Martin, lorsqu’ au premier jour de sa venue, il avait manifesté son opposition à participer à la séance.

En faite, Martin pleurait en plus d’être agité. Il avait peur, il ne connaissait ni Annabelle, ni moi, et ne comprenait pas non plus ce qu’il faisait là. Annabelle avait continué le début de la séance en chantant, tout en espérant que la mélodie finisse par rassurer Martin. Mais lorsque l’éducatrice était partie, et il ne s’était toujours pas calmé. Il pleurait de plus en plus fort, en regardant la porte derrière lui, ce qui perturbait Annabelle dans son rituel de début de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De ce  premier contact, j’ai pu prendre connaissance du faite que Martin avait la capacité du langage, un peu limité, mais il pouvait communiquer. Par ailleurs, il savait combler ses lacunes dans la communication en utilisant d’autres moyens expressifs tels que le regard et les pleurs. En effets, c’est à travers le regard de l’enfant autiste que l’on peut deviner si ses réactions ont réellement pour origine des crises autistiques, ou  ne sont que de simples pleurnicheries d’enfant gâté. Il est réellement important de discerner ces deux réactions pour le bien-être de l’enfant, dans la mesure où une crise autistique requiert de l’attention et de l’affection, tandis qu’un caprice requiert de la fermeté[98]. Dans le cas de Martin, j’apercevais clairement sa détresse à travers son regard, il ne s’agissait pas d’un simple caprice. Il se sentait perdu dans un espace qui le changeait de son habitude. Ce qui a fait qu’il était désorienté au point de ne pas vouloir prendre place. Au contraire, il s’accrochait désespérément à ce qu’il connaissait déjà, notamment son éducatrice. Alors, quand celle-ci fut partie, il avait manifesté encore plus d’opposition en renforçant ses Cries et pleurs. La gestion d’une crise autistique demande de la douceur et de la patience, c’est pourquoi, il me paraissait essentiel, à cet instant-là, de trouver une approche pour rassurer Martin. Il a été établi qu’un enfant autiste n’aime pas le changement, il s’agit là d’une des particularités de l’autisme, ils résistent fortement aux changements, car ils ont du mal à s’y reconnaître. Néanmoins, j’ai pu observer que Martin pouvait remarquer ma présence. Je le remarquai par la façon dont il me regardait m’approcher.

Afin de pouvoir essayer d’établir un lien ou une relation de confiance pour le rassurer. J’ai alors décidé d’essayer de m’approcher très délicatement de Martin pendant qu’il pleurait en avançant progressivement et très lentement. J’avançais d’un pas en marquant le bruit de mon talon au sol. Le bruit volontaire de mon talon au sol lui permettait de marquer la distance entre lui et moi. Et me permettaient également d’observer ses réactions ou pas d’une possibilité de rapprochement, d’invitation ou de refus de contact. Après l’un de mes pas, je marquais toujours un arrêt et un silence entre lui et moi. Ce silence laissait place à un jeu de regard entre nous et il a arrêté de pleurer. Il se retournait  à chacun de mes pas, en s’agrippant à sa chaise, puis pendant mon arrêt, il se retournait à nouveau, et me regarda droit dans les yeux. Puis, il ne se retourna plus pendant mes pas, ce qui m’avait  permis de continuer mon chemin jusqu’à lui.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réussite de mon approche reposait sur le consentement indirect de Martin à travers son regard. D’abord, dans un premier temps, il devait analyser ma présence et celle de l’espace en elle-même comme étant une intrusion dans son univers composé par ses habitudes. J’ai donc adopté un rapprochement  volontairement lent, afin qu’il puisse m’analyser autrement, et me permettre de venir à lui. La technique a notamment porté ses fruits, car il m’avait laissé l’approcher. Et par la même occasion, il s’était calmé. Ce calme est l’extériorisation de sa sérénité intérieure puisqu’il ne me voyait plus comme une intruse. De là, on pouvait converser. Ce qui aurait été impossible s’il avait été dans son état antérieur de choc et de désorientation.

Dans les faits, Je me suis abaissé à sa chaise, et lui ai donné mon prénom tout en lui disant qu’on allait faire de la musique (en espagnol, j’ai quelques notions). Martin ne cessait pas de me répéter: «  no » « no » « no », en pointant du doigt la porte de sortie. Je n’ai pas insisté et  je l’ai ramené auprès de l’éducatrice, car je ne souhaitais pas l’intégré contre son gré. Martin n’a donc pas assisté à la séance de musicothérapie ce jour-là.  Mais je ne l’ai pas vécue comme un échec, car je ne m’attendais pas à un résultat pour me faire plaisir. Ce qui m’importait c’était le bien-être de ce petit bout chou. Pouvoir obtenir sa confiance afin de le rassurer me paraissait une priorité avant de pouvoir envisager le moindre objectif thérapeutique.  Et ce lien recherché ne pourra s’établir contre sa volonté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Echauffement corporelle

 

Pour notre deuxième rencontre, Martin semblait plus serein. Il s’était montré assez   retissant à participer au rituel d’accueil ; et encore moins à l’échauffement corporel habituel. Il préférait rester dans son coin et observer les autres. J’ai donc apparemment rien pu tirer de cette séance. Néanmoins, il était plus calme que la première fois, ce qui veut dire qu’il a avancé, lentement certes, mais assurément. De ce fait, j’espérais un meilleur dénouement pour la prochaine séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Martin semble correspondre à l’hypothèse du narcissisme primaire, qui incite l’autiste à accentuer son enfermement dans un monde clos et autosuffisant. Ce qui témoigne de l’existence d’une profonde régression. Martin se comporte comme s’il était seul au monde[99]. Toutefois, il était étonnant de voir qu’il pouvait saisir et intégrer ce qui se passait autour de lui, notamment lorsqu’il semblait observer les autres.

 

  • Choix d’instruments

 

Martin n’aimait pas communiquer, il restait dans son coin, il n’aimait pas se mêler aux autres. Toutefois, la diversité des instruments musicales éparpillées sur la table ont vite faits d’attirer son attention. Il était de nature curieux. J’ai  alors décidé de profiter de ce trait de caractère, qu’il dédiait aux instruments. Aussi, je l’avais invité gentiment à en choisir un. Il paraissait d’abord hésitant, je lui aie alors accordé un lapse de temps suffisant, au bout duquel il a fini par adopté une kora.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pendant mon stage, les instruments m’ont beaucoup aidé dans mon approche, car j’avais rapporté beaucoup d’instruments qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils voyaient pour la première fois. J’avais pu rentrer en contact avec beaucoup d’entre eux grâce à ceux-ci. Comme des cadeaux que je leur avais rapportés; et qui donc donnait de l’importance. Cet objet médiateur permettait également de marquer la distance entre moi et l’autiste que j’avais en face de moi, notamment Martin. Cet événement a  encore prouvé la place privilégiée que peut prendre la musique dans la relation sociale avec les autistes.

  • Improvisation instrumentale
 Au bout de la troisième séance, Martin  était plus calme, et a été disposé à participer en groupe à la séance d’improvisation instrumentale. Le jeu avait consisté à faire du corps un instrument musical. Notamment en claquant la langue et les doigts en tapant des mains, en bougeant des pieds, etc. Martin s’appliquait à ce jeu avec un certain enthousiasme en faisant du bruit avec ses lèvres. Martin s’était montré également, plus attentif à ce que proposent les autres. Il semble même que la séance ait éveillé chez lui le désir d’être écouté et de se faire entendre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La musique est très liée à la perception, et prend une place importante dans la prise en charge d’une personne démente en tant que moyen de communication non verbale. « La reconnaissance musicale des personnes démentes s’exprime essentiellement par le corps (mouvements rythmés, chant, chantonnement)[100] ».

Par l’intermédiaire de jeux sonores, Martin a pu appréhender la richesse de l’univers sonore. Cette séance lui a donné l’occasion d’être plus attentif aux sons qu’il peut émettre et entendre des autres. La musique et les sons  font appel à l’imaginaire. Grâce à sa voix et aux percussions corporelles, a donc pu vivre son corps comme un instrument sonore capable de véhiculer des émotions.

J’ai été surprise de réaliser à quel point les jeux sonores ont sollicité l’imaginaire des enfants en générales et de Martin en particulier. Ce qu’ils ont pu verbaliser de leurs ressentis était très riche dans la mesure où cela leur a fait évoquer des histoires, et leur a rappelé des moments vécus.

Pour ma part, cette séance était fort instructive, dans la mesure où elle m’a beaucoup appris sur  la manière d’adapter mes propositions. Il m’a fallu formuler clairement les règles du jeu et tenir compte des productions de chacun pour affiner ledit jeu, et pour que chaque patient puisse adhérer  aux  propositions  auxquelles  ils  ne  sont  pas habitués.

 

  • Place à son propre processus créatif

 

 

Au bout de 3 à 4 séances, Martin ne parlait pas beaucoup, pour se faire comprendre, il préférait utiliser des gestes ou des Cries.  Alors, pour notre séance de musicothérapie active, on avait privilégié la production individuelle. J’ai proposé à chaque patient de passer son instrument à son voisin. Martin s’était alors retrouvé avec un gros djembé qu’il s’était d’abord refusé à toucher. Je me suis alors approché de lui avec mon tambour et j’ai improvisé en jouant un air rythmé. Du coup, brusquement, il s’était mis à taper sur le djembé avec rage, désespoir et violence, tout en plongeant son regard dans le mien avec un  grand sourire.  Les autres enfants avaient soutenu le moment. Aussi, à la fin, il avait remercié l’assistance en espagnol. Son premier mot depuis notre première rencontre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Martin est un enfant autiste associé à la pathologie du retard mental. C’est pourquoi, il n’est  pas à l’aise sur le langage verbal, il préfère le plan du signifiant. La musique a donc su jouer à son égard le rôle de « canal de communication » qui l’a rassuré. Le djembé a été un élément important, car il m’avait permis de travailler le langage de Martin à partir de l’imitation motrice, qui est l’un des précurseurs du langage.

À ce moment-là, la technique relevait de la musicothérapie active, par la production musicale directe par le jeu d’un instrument. Martin avait besoin de libérer ses tensions émotionnelles résultantes des violences qu’il avait subies en plus de sa séparation avec sa mère.

La musique a alors facilité l’expression de Martin et sa communication non verbale par l’intermédiaire du regard. Sa production musicale est interprétée comme la projection, sous forme symbolique, de son état interne. Notre interaction musicale l’avait amené à découvrir des éléments sur lui-même, le poussant à extérioriser ses pensées et ses sentiments.

À l’égard de Martin, la musicothérapie vise à améliorer sa qualité de vie et à actualiser le potentiel de sa personne. L’effet commence dans le domaine musical, et le but est l’extension du processus thérapeutique à tous les domaines de la vie afin que Martin puisse retrouver l’usage de la communication rationnel.

 

  • Induction à la détente (foulard)

 

L’induction à la détente était représentée dans un jeu de ronde dansé et chanté. Durant cette séance, on avait adopté une chanson  inspirée de la tradition Breton dit « à la dizaine », qui avait consisté à chanter : « dans 10 ans je  chanterai », et le couplet suivant devait décompter jusqu’à 1. Quant à la danse, elle consistait à de simple balancement du corps. Tout le monde devait se tenir la main. Dans un premier temps, Martin, qui développait également un état psychotique, se refusait au jeu. On avait utilisé des foulards en coton colorés, pour éviter le contact physique. De là, il s’était montré très participatif.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’exercice a permis de travailler la cohérence entre le mouvement du corps et le rythme musical de la parole. Il s’agit d’un procédé collectif accueillant et convivial. Selon Louise VILLETARD, le choix du  foulard en coton était important dans la mesure où la soie aurait un « contact enflammant », et les couleurs donnent au jeu de ronde un côté festif que les enfants apprécient particulièrement.

Martin a beaucoup évolué au cours de ces séances. Le plus important ici c’est qu’il ait réussi à entrer en communication avec nous, avec moi, et qu’il ait réussi à s’inscrire dans une relation, à sa manière, et donnait un peu plus de place à l’autre. Le jeu a en fait permis à une énergie autre, émanant du groupe, de pénétrer le corps de Martin. De ce fait, il a été entraîné par le mouvement collectif. Mon objectif principal a donc été atteint, car j’ai communiqué avec Martin à travers la musique. Ce résultat m’a permis d’entamer la relaxation ; et d’observer l’impact de la musique sur le corps de Martin.

 

  • Détente psychomusical (Rituel de fin)
La détente psychomusical était un rituel. On s’en servait comme rituel de fin de séance dans le groupe. Les enfants s’allongeaient sur des tapis au sol ou dans l’espace de jeu, et on terminait la séance par l’écoute d’un montage en U (pas plus de 10 min, car trop long pour eux) et je passais autour de chacun (avec Annabelle) d’eux avec des bols tibétains et  un diapason que je faisais sonner au contact de leur corps en un massage sonore. Martin appréciait particulièrement ces instants où il apprenait, chaque fois un peu plus, à lâcher prise et à se détendre.

 

 

J’avais proposé des sons au ralenti, parler lentement et décomposer les gestes.

La séance avait des  effets notables sur le développement  du comportement de Martin, qui devenait de plus en plus attentif aux sons, et avait appris à se détendre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ainsi cette séance avait confirmé les dires selon lesquels : « Il est possible en ralentissant les informations de l’univers extérieur et en ralentissant le rythme intérieur des personnes autistes qui sont souvent très stressées et qui ont des signes de stress qui peuvent être atténués considérablement.« [101]

En effet, pour de nombreuses personnes autistes, y compris Martin, le monde « va trop vite ». Ce décalage temporel entre le rythme du monde extérieur et celui de leur monde intérieur induit chez lui du stress, des difficultés de communication et des désordres émotionnels et relationnels. Les séances de psychomusical lui a donc proposé un temps de rencontre, d’expression et de communication, en prenant en compte de sa vie affective et émotionnelle. L’émotion véhiculée par la musique a été un moyen permettant de stimuler ses fonctions cognitives, lui rappelant sa vie autobiographique. C’est ce qui a fait qu’il a exprimé comme affect, la détente et la sérénité, souvent peu extériorisés dans l’évolution d’une maladie où les capacités de communication verbale et les capacités cognitives et psychocomportementales sont altérées.

 

  • La représentation de fin d’année

 

Le théâtre peut présenter des inconvénients, mais présenter de la bonne manière, il peut s’avérer fort éducatif  pour l’enfant autiste.  Notamment, en participant à son épanouissement, son développement,  et son bien-être, comme il a été le cas de Martin. La représentation a permis son ouverture aux autres, et a masqué ses problèmes de communications verbales, car il a pu lire clairement. Ce qui a été fort étonnant étant donné sa pathologie.

Annabelle m’avait fait part de son projet de fin d’année qui était de faire une représentation publique auprès des parents en groupe ouvert pour la kermesse. J’ai été à ce moment-là rempli de doute pour plusieurs raisons :

 – je trouve délicate la frontière entre l’animation et une séance de musicothérapie

– Exposer publiquement des personnes autistes en spectacle était contre mon éthique

– L’anonymat ?

– Les objectifs axés sur cette représentation durant les séances ne nous détourneront pas du cadre de la musicothérapie ?

– Étions-nous des animateurs en préparation de spectacle ?

– Pour qui l’intérêt ?

 

J’ai longuement hésité, mais n’ayant pas eu d’autre proposition de stage à ce moment-là, j’ai accepté et n’ai pas regretté par la suite.

 

Comme dans toutes les institutions, la représentation publique a été l’objectif de l’année. Au cours de l’année, on avait développé des compétences dans le cadre interne. Ici, il s’agissait  d’une représentation en extérieur où le public a été bienveillant et lié à la cause. Il y avait la famille. Et les enfants semblaient fiers de ce qu’ils pouvaient leur montrer. En particulier Martin, qui avait réussi sa lecture avec  une voix intelligible.

 

 


 

 

 

 CONCLUSION

J’ai aujourd’hui atteint la fin de ce stage en musicothérapie auprès d’EURECAH. La découverte de la musicothérapie m’a permis de conforter l’étendue des connaissances que j’ai acquises durant ces années de formations auprès de notre institution. Grâce à mon stage, j’ai pu, d’une part, découvrir en temps réel mon futur métier ; et d’autre part constaté personnellement la dimension thérapeutique, que possède la musique sur l’autisme.

Au cours de toutes les séances, j’ai traversé des états émotionnels très divers, allant du doute à l’assurance, et de la tristesse à la joie. Mais tous ces états ont contribué à ma remise en question, ce qui m’avait amené à faire un travail sur moi-même. En effet, au cours dudit stage, j’avais  mainte fois douté de mes gestes et de mes paroles. J’ai toutefois appris à maîtriser mes affects, afin qu’ils n’influent pas de manière négative sur le déroulement des séances.

Peu à peu, j’ai réussi à analyser ce qu’il pouvait se passer au cours des séances, en essayant de repérer les différents échanges entre moi et Martin. Au fil de ma formation et de mon expérience,  mon analyse s’est améliorée. Le but était de pouvoir communiquer avec un autiste par l’intermédiaire de la musicothérapie. La tâche n’était pas évidente au départ, mais l’objectif était devenu de plus en plus accessible jusqu’à ce que je l’eus atteint : objectif réalisé.

La relation qui s’était établie entre moi et Martin, un enfant qui ne parlait pas, m’avait appris à comprendre les significations gestuelles, mimiques et sonores. Pour ma part, j’ai également appris à m’exprimer avec le regard, sans utiliser des mots. Ce qui m’a énormément fortifié dans mes aspirations futures tout en m’apprenant à découvrir mes limites.

 

Maintenant, une chose reste à savoir : et si présenter les sons au ralenti, parler lentement et décomposer les gestes permettaient des améliorations notables du développement et du comportement chez certains enfants autistes ?

 

 

 

 

 

[1] Ces dires ont été d’autant plus corroborés par une phrase de Victor Hugo disant : « La musique exprime ce qui ne peut être dit et sur quoi il est possible de rester silencieux ».

[2] Education Utile Régionale pour enfants citoyens atteints d’un handicap. Voir http://www.eurecah.fr.

[3] Voir le site internet, http://www.ch-st-cyr69.fr/

[4] Voir le site internet, http://www.education.gouv.fr/annuaire/69-rhone/lyon-8/etab/ecole-elementaire-spe.-publiqu-edouard-herriot.html

[5] Source en provenance du site internet http://www.eurecah.org.

[6] Définition donné par  le dictionnaire, Antidote HD

[7] D’après Juliette GARRIGUE, Expression, musique. Notions, Encyclopedia Universalis, page395.

[8] C’est en ce sens que Claude Debussy énonce : « La musique commence là où la parole est impuissante à exprimer ». Monsieur Croche et autres écrits, Gallimard, 1984, p.206.

[9] L’idée  soutenue est que la musique est une perception sociologique. Autrement dit, c’est l’homme qui qualifie un son  quelconque de musique. Ainsi, la musique serait un sens donné à un son ou une percussion. En  illustration, la musique d’un oiseau ne serait musique, que parce qu’on la qualifie ainsi.

[10] Voir,  la nouvelle musique des sphères  de Sylvie Vauclair, claude et samuel levine.

[11] Sylvain MISSONIER et Nathalie BOIGE Rhythm’n’babies  édition Spirale.

[12] Selon Adriana Marc, Utilisation de la Voix et des sons, dans l’éducation et la thérapie psychomotrice, Université Bordeaux SEGALEN, institut de formation en psychomotricité. P 90

[13] Se dit des bruits intestinaux.

[14] Didier ANZIEU, le moi-peau

[15] Selon Adriana MARC, Utilisation de la voix et des sons dans l’éducation et la thérapie psychomotrice, p13.

[16] Eino PARTANEN auteur  principale de l’étude et chercheur à l’université d’Helsinki.

[17] Daniel Stern, Le monde interpersonnel du nourrisson, PUF, coll. Le fil rouge, 1989

[18] D’après Adriana MARC, Utilisation de la voix et des sons dans l’éducation et la thérapie psychomotrice P12

[19] DELIEGE Irène, VITOUCH Olivier, LADINIG Olivia (2010), musique et évolution, in Google livre (en ligne)

[20] Voir le site  internet de la musicothérapie : http://www.memoireetvie.com/medias/soudani6.htm

[21] D’après Adriana MARC, Utilisation de la voix et des sons dans l’éducation et la thérapie psychomotrice, P13

[22] LEVITIN Daniel (2010), De la note au cerveau.

[23] LECOURT Edith. La Musicothérapie Analytique De Groupe – Improvisation, Écoute Et Communication.

[24] MANNES Elena (2008), L’instinct de la musique, documentaire.

[25] OLIVIER Aude (juin 2007). La symphonie neuronale, in CNRS (en ligne).

[26] Chrystine BOUCHARD, MTA, douleur et musicothérapie.

[27] BENENZON Rolando Omar, La musicothérapie : la part oubliée de  la personnalité, Ed. De Boeck Université, 2004

[28] Perrine CAILLERET, La musicothérapie active : un lieu d’expression et de communication pour un enfant polyhandicapé. P23

 

[29] Nordoff P, Clive R. Therapy in music for handicapped children. Barcelona Publisher; 2004.p.69.

[30]  Selon, Perrine CAILLERET, La musicothérapie active : un lieu d’expression et de communication pour un enfant polyhandicapé.

[31] Voir travail de Guy  Rosolato, qui s’inspire du travail de Palo Alto et de BENENZO R.

[32] Conçu par Philipe BARRAQUE, ethnomusicologue et musicothérapeute, université de Paris 8

[33] Créée par Mireille Marie, Artiste et pédagogue.

[34] Perrine CAILLERET, La musicothérapie active : un lieu d’expression et de communication pour un enfant polyhandicapé. P.26

[35]  Edith LECOURT. Découvrir la musicothérapie. Paris : Eyrolles ; 2005.p.112

[36] Voir supra, La détente psychomusicale

[37] Propos de Stéphane GUETIN,   L’Art-thérapie : l’exemple de la musicothérapie, P 172

[38] Guiraud-Caladou JM. Musicothérapie, paroles des maux : réflexions critiques. Paris: ed. Van de Velde;1983.P.158

[39] American Psychiatric Association.  DSM-IV-TR : manuel diagnostique  et statistique   des  troubles  mentaux, 4e  édition, texte révisé. Washington DC, 2000. Traduction française par J.-D Guelfi et coll., Masson, Paris, 2003, p. 80-99.

[40] Du collège des médecins de Québec et de l’ordre des psychologues de Québec, Les Troubles du Spèctre de l’Autisme, évaluation clinique.

[41] Donnés tiré du troubles du spectre de l’autisme, évaluation  clinique, Collège des médecins du Québec et de l’ordre des psychologues. P8

[42] Du collège des médecins de Québec et de l’ordre des psychologues de Québec, Les Troubles du Spèctre de l’Autisme, évaluation clinique.

[43] Voir infra, communication verbale et non verbale.

[44] Sandra DUMONT-BEAUVILLE article «Les particularités sensorielles chez les personnes atteintes d’autisme ».

[45] Adriana MARC,  Utilisation de la voix et du son, dans l’éducation de la thérapie psychomotrice. P 62

[46] Catherine BARTHÉLEMY Article Troubles de la communication dans l´autisme : de l’exploration cérébrale à la thérapeutique.

[47] LEMAY, M. Éditorial : Y a-t-il un autisme ou des autismes?  Dans la revue Santé mentale au Québec

[48] Jean-Claude MALEVAL, L’autiste et sa voix

[49] Suite à la parution du DSM-V, le terme trouble du spectre de l’autisme remplace le terme trouble envahissant du développement (TED).

[50] Voir supra, Troubles envahissants du comportement,

[51] Daniel TAMMET, je suis né un jour bleu, p. 101

[52]  Dr Melvin Kaplan, vision ambiante : une approche physiologique des troubles autistique, ARRI, vol 20, NO 2006.

[53] Voir supra,  système nerveux

[54] « Le Moi-peau », de Didier Anzieu, éd. Dunod, 2003, page 26.

[55] Coauteur de l’expérience, et cité par le Daily Mail

[56] Coline DEVOS, Travail d’adaptation posturale au travers d’un parcours de franchissement chez deux enfants porteurs d’autisme, P6

[57] Voir https://www.youtube.com/watch?v=fQysrw5He2w.

[58] Propos d’Anne-Marie LATOUR

[59] Tiré du site op-cit.

[60] Source en provenance du site internet http://www.eurecah.org.

[61] Propos tiré du site d’EURECAH

[62] Source en provenance du site internet http://www.eurecah.org

[63]  Voir, http://www.eurecah.org

[64] Voir supra, l’approche du jeux

[65] Emmanuelle LEFEVRE, Article Corps, sonore et mouvements psychiques à l’adolescence dans Revue française de Musicothérapie

[66] C. BALLOUARD, Psychomotricité ed. Dunod

 

[67] D’après le site de la faculté de médecine de pierre & Marie-curie. « Psychomotricité : expressivité du corps ». p.273

[68] Pascale POIRIER Quand la voix prends corps pour se entendre dans Psychomotricité entre théorie et pratique

p.274

 

[69] Adriana MARC, Utilisation de  la  voix et des  sons :  dans l’´education  et la thérapie  psychomotrice

[70] Voir figure : Chanter qu’est-ce que c’est ?

[71] Lecanuet et al, 1986 ; Lecanuet, Granier-Deferre, Cohen, Le Houézec & Busnel, 1987

[72]Voir la figure op-cit

[73] Voir figure : Chanter qu’est-ce que c’est ?

[74] Adriana MARC, Utilisation de  la  voix et des  sons : dans l’´education  et la thérapie  psychomotrice, p47

[75] Voir supra, L’approche du jeu (WINNICOTT)

[76]Moments  durant lesquels tous les membres du groupe font la même chose.

[77] Emmanuelle LEFEVRE, Article Corps, sonore et mouvements psychiques à l’adolescence dans Revue française de Musicothérapie P 48

[78] Sandra Dumont-Beauville, Les particularités sensorielles chez les personnes atteintes d’autisme,  Psychologue IME La Frégate (83200) / FAM Héméralia (13780)

 

[79] Adriana MARC, Utilisation de  la  voix et des  sons : dans l’education  et la thérapie  psychomotrice

[80] Perrine CAILLERET, La musicothérapie active : un lieu d’expression et de communication pour un enfant polyhandicapé. p23

[81] http://lyonmusicotherapie.free.fr.

[82] Emmanuelle LEFEVRE, Article Corps, sonore et mouvements psychiques à l’adolescence dans Revue française de Musicothérapie

[83]Op-cit, Emmanuelle LEFEVRE

[84] Les références  théoriques  s’inspirent de la psychanalyse, l’Ethnologie et Anthropologie.

[85] Source, Pascal Rivière,  http://www.aecoute.net

[86]  Propos de BASTIEN Gournay, Musicothérapie active

[87]WINNICOTT,  Jeu et réalité – l’espace potentiel  de, édition Puf nov.2000, p 139.

[88] Op-cit, WINNICOTT, Jeu et réalité – l’espace potentiel, p 73

[89] Winnicott, D.W. 1975. Jeu et réalité ; l’espace potentiel, Gallimard.

[90] FREUD, En 1907, lors d’une conférence sur “ Le créateur littéraire et la fantaisie ”.

[91]  Didier ANZIEU, Le psychodrame analytique chez l’enfant et l’adolescent, édition Puf 2000,

[92] Propos tiré de Canalblog, un fils asperger , comment détecter le syndrome d’Asperger chez le jeune enfant ?

[93] Hospitalisations précoces, rupture d’attachement, carences  affectives, maladies  somatiques, déficiences sensorielles

[94] L’autisme  est  un  trouble  précoce,  global  et sévère  du  développement  de  l’enfant  qui altère l’ensemble des capacités d’interaction avec l’environnement. Il se caractérise par  : (1)  une  altération qualitative des  interactions sociales,  (2)  un  trouble de la communication  verbale et non  verbale, et (3)  un  champ d’activités  et d’intérêts  restreints  et répétitifs (APA, 2000).  Le taux de prévalence est de plus  de 60 enfants sur  10.000.  La prévalence de l’autisme atteindrait un  enfant sur  150 avec  un  garçon sur  94.

[95] Pour Laurent Mottron, les sujets autistes sans  retard mental présentent des spécificités cognitives, non  pathologiques.  Les  déficits dans   les  relations sociales  relèveraient de difficultés d’intégration de la complexité informationnelle des  relations humaines plus qu’un  trouble de la relation émotionnelle. Mottron effectue une  analogie avec  la situation des  sourds. La société devrait modifier son regard sur  l’autisme en acceptant  que les autistes soient différents, comme  la société a accepté la différence de  la surdité. Cf. Mottron L, L’autisme, une  autre intelligence, Mardaga, 2006.

[96] https://www.youtube.com/watch?v=atNkI6QFZ50

[97] Temple GRANDIN, Les problèmes sensoriel chez l’enfant autiste et Asperger / Center for The Study of Autism : « My Experiences with Visual Thinking Sensory Problems and Communications Difficulties ».

[98]Op- cit, propos tiré de Canalblog, un fils asperger , comment détecter le syndrome d’Asperger chez le jeune enfant ?

[99] Selon ASPERGER

[100] Sarah CARLIEZ, créativité musicale des personnes âgées ou la création du soi jusqu’au bout

[101] Bruno GEPNER, pédopsychiatre et psychiatre, spécialiste de l’autisme auprès d’enfants et d’adultes, chercheur au CNRS et enseignant à l’Université d’Aix Marseille.

 

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