La politique Européenne de Sécurité Commune face à la gestion et l’intégration des Balkans occidentaux. Le cas du Kosovo
La politique Européenne de Sécurité Commune face à la gestion et l’intégration des Balkans occidentaux. Le cas du Kosovo
Introduction
Après la deuxième guerre mondiale, une nouvelle forme de guerre, plus latente et plus dangereuse aussi a vu le jour en Europe : la Guerre Froide. Les différences au niveau de l’idéologie et le conflit engendré par ces différence a conduit à la répartition de l’Europe en zone d’influence entre les vainqueurs, et jusqu’à la fin des années 80, c’est le maintien de cette zone qui va constituer la seule garantie contre une reprise ouverte des hostilités et donc aussi des armes.
Mais face à la crainte exacerbée par un contexte mondial difficile, il s’est avéré nécessaire pour les Pays de l’Ouest de réunir leurs efforts et de s’unir pour « assurer la paix et la sécurité internationale et faire obstacle à toute politique d’agression ». Ainsi, on assiste à la constitution en mars 1948 de l’Union Occidentale par les pays signataires du Traité de Bruxelles[1] suivi par les Accords de Paris en 1954, qui ne verront aucune concrétisation.
Puis il y a eu a création de la Communauté économique européenne en 1957, avec pour objectif premier une « union sans cesse plus étroite des peuples européens ». La dimension politique du processus d’intégration est donc dès le départ centrale, notamment autour de la réconciliation franco-allemande et du projet de paix qui lui était associé.
Cette dimension ne devait pourtant pas conduire la CEE à jouer un rôle de premier plan dans les domaines des relations extérieures, et a fortiori dans le champ de la défense. Après l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, ces questions étaient considérées comme le domaine réservé de l’État-nation. La question d’une coopération étroite en matière militaire dans le cadre de la Communauté européenne (CE) a alors été totalement écartée de l’agenda de l’intégration européenne pendant près de quarante ans.
Mais la fin de la Guerre froide et le bouleversement systémique qu’elle a entraîné ont eu un impact direct sur les politiques de sécurité des États et sur le rôle des institutions comme canaux d’expression de ces politiques. La Communauté européenne est directement concernée par ce mouvement et ne pouvait donc plus continuer à ignorer ce volet de l’intégration.
En 1992, le traité de Maastricht transforme la Communauté économique européenne en Union européenne, et pose dans son titre V les bases d’une « Politique étrangère et de sécurité commune » (PESC). La PESC inclut « l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union européenne, y compris la définition à terme d’une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune »[2].
Ses objectifs sont : la « sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l’indépendance de l’Union ; le renforcement de la sécurité de l’Union et de ses États membres sous toutes ses formes ; le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale […] ; la promotion de la coopération internationale ; et le développement et le renforcement de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. ».
L’Union est censée poursuivre ces objectifs par l’instauration d’une « coopération systématique entre les États membres pour la conduite de leur politique », ainsi que par la mise en œuvre d’« actions communes dans les domaines où les États membres ont des intérêts importants en commun » (art. J.1).
Sur le plan institutionnel, le traité de Maastricht met en place une structure composée de trois piliers. Le premier pilier réunit les Communauté[3] et traite des politiques communautaires, gérées par la Commission européenne. Le deuxième pilier est celui de la PESC (et de la Politique européenne de sécurité et de défense). Il est de nature intergouvernementale, la quasi-totalité des décisions se prenant à l’unanimité des États membres. Le troisième pilier concerne la justice et les affaires intérieures et est également intergouvernemental.
À ce stade, la PESC n’intègre pas la gestion opérationnelle des crises telle qu’elle est par la suite développée au sein de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Le traité de Maastricht pose que c’est à l’Union de l’Europe occidentale (UEO), « qui fait partie intégrante du développement de l’Union européenne, d’élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions de l’Union qui ont des implications dans le domaine de la défense. » (art.J.4) L’UEO définit les modalités de sa contribution dans la Déclaration de Petersberg de juin 1992, dans laquelle sont définies les missions dites de Petersberg.
La volonté de mettre en place une politique de sécurité commune sera confirmée par le Traité d’Amsterdam et le développement le plus important interviendra avec le Sommet de Saint Malo lors duquel la Grande Bretagne accepte l’idée d’une force autonome de l’Union Européenne. En juin 1999, le conseil Européen de Cologne instaure la PESD et le comité politique et de sécurité (COPS) en charge de la direction stratégiques des affaires militaires. Ces efforts se concrétisent en juillet 2000 avec la création de l’EUROFOR par la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.
Mais parallèlement, et toujours du fait du contexte mondial difficile[4] que nous avons déjà évoqué plus haut, l’Europe doit solliciter la création rapide d’une alliance militaire avec les Etats Unis afin de contenir la menace soviétique et d’assurer la défense du monde libre.
Ainsi le 4 avril 1949 les Etats Unis et douze de leurs alliés européens avec la France et la Grande Bretagne en tête signent le Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui sera rejoint tour à tour par la Grèce et la Turquie en 1952 et l’Allemagne de l’Ouest en 1955.
Et jusqu’au Traité sur l’Union européenne (TUE), plus communément appelé Traité de Maastricht, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) a constitué l’organisation de référence en matière de sécurité européenne. L’OTAN a alors été impliquée de manière décisive comme « responsable » de la sécurité européenne face à la menace soviétique.
La création de la Coopération Politique Européenne[5] ne va rien changer à la situation puisque les pays qui y sont parties ont convenu de laisser les questions de sécurité et de défense hors du champ d’action de la CPE. Concrètement donc, « les décisions en matière d’arms control étaient débattues et adoptées à l’OTAN, mais la préparation et la coordination des positions défendues par les États membres dans le cadre de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) faisaient l’objet de discussions tant à l’OTAN que dans le cadre de la CPE »[6].
Ainsi le 4 avril 1949 les Etats Unis et douze de leurs alliés européens avec la France et la Grande Bretagne en tête signent le Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui sera rejoint tour à tour par la Grèce et la Turquie en 1952 et l’Allemagne de l’Ouest en 1955. Et depuis, l’OTAN est devenue, l’organisation militaire qui est garante de la sécurité militaire des pays de l’Europe de l’Ouest.
Pour autant, les pays de l’Europe occidentale n’ont pas abandonné l’idée d’une Europe de la défense, mais c’est une idée qui fédère très difficilement ces pays : les puissances occidentales entretiennent des relations complexes entre elles, les priorités nationales ne sont pas toujours en phase et les relations individuelles avec l’OTAN ne sont pas les mêmes[7].
La construction d’une politique de défense commune est donc déjà complexe, elle l’est d’autant plus que durant les premières phases de la construction européenne, les pays de l’Europe de l’Est ont été marginalisés du fait de leur appartenance au bloc soviétique. Or à la chute du bloc socialiste vers la fin des années 80, l’Europe retrouve son homogénéité géographique et avec elle de nouveaux défis politiques et stratégiques.
La chute du bloc communiste a entraîné la résurgence des conflits très importants qui ont conduit à une désintégration des Etats, surtout dans les Balkans occidentaux[8], dans l’ex-fédération Yougoslave. La raison en est que la Yougoslavie n’a jamais été un Etat-nation et seule une infime minorité (de 1 % en 1971 à 5 % en 1981 et 3 % en 1991) s’est réclamée du yougoslavisme confondu avec l’idéologie communiste, qui a été toujours massivement rejeté en tant qu’allégeance nationale unique et obligatoire, d’abord par l’élément serbe (36 %) de la population, qui refusait de se fondre dans cette nation nouvelle, le projet de Belgrade ayant toujours tendu à « serbiser » plus qu’il n’a consisté à « yougoslaviser ». Et une fois que le cadre du bloc soviétique s’est effondré, on a vu éclore des foyers de tensions qui sont devenus des foyers de conflits, déchirant les Balkans pendant des années.
C’est la gestion de ces crises et des conflits armés qu’elles ont entraînés qui vont rappeler toute la complexité de la mise en place d’une politique commune en matière de défense et de sécurité dans le cadre de l’Union Européenne. Elle va aussi amener des questionnements sur le rôle de l’OTAN et sa mise en œuvre.
En effet, les conflits dans les Balkans et plus particulièrement au Kosovo, va marquer profondément le processus de construction de l’Europe et influer sur la raison d’être de l’OTAN. Dans le cadre de ce travail, nous avons choisi le cas particulier du Kosovo dans la mesure où il constituait le théâtre de la première opération de guerre de l’OTAN et de l’EULEX, la plus grande opération civile de l’Union Européenne lancée en 2008.
La crise de Kosovo a fortement cristallisé la très difficile conciliation de deux impératifs : la résolution efficace d’un conflit armé particulièrement dramatique dans une zone géographique ré-homogénéisé et la protection de la souveraineté nationale dont la défense et la sécurité constituent l’expression la plus forte.
Les puissances occidentales se retrouvent alors tiraillées entre la nécessité de parvenir à une construction aboutie de la construction européenne : plus seulement au niveau économique et commercial mais aussi et surtout au niveau politique et donc sécuritaire, et la tentation de se recroqueviller sur le dernier vrai bastion de la souveraineté nationale dans une Europe d’ouverture qui met à mal les prérogatives des Etats-Nations au profit du sacrosaint principe de la libre circulation et de ses conséquences pratiques et juridiques[9].
La paralysie engendrée par ce tiraillement a permis l’installation durable du conflit qui va s’étendre sur une décennie, mais elle va surtout favoriser l’essor de l’OTAN en tant qu’organisation alternative pour pallier à la défaillance de l’Europe dans le règlement des conflits.
A ce stade, deux questions peuvent alors se poser, Est-ce que les divergences profondes entre les puissances européennes et la capacité de l’OTAN à se réinventer condamnent l’Europe de la défense à rester lettre morte? Ou est-ce que le développement de la PESD se traduira par une reconfiguration des relations internationales et une redistribution des rôles sur les questions de sécurité ?
Nous allons essayer de répondre à ces questions dans cette étude. Et pour ce faire nous allons, dans un premier temps étudier le projet de construction d’une Europe de la Défense et l’évolution du rôle de l’OTAN en Europe (Partie I). Il s’agira alors de faire un bilan de la politique européenne de sécurité et défense, ses orientations politiques et stratégiques. Cette partie nous permettra alors de voir quels étaient exactement les moyens d’action dot disposait l’Union Européenne au moment de l’éclatement du conflit du Kosovo.
Il s’agira également d’étudier l’évolution de la doctrine et du concept stratégique de l’OTAN en Europe après la guerre froide. On assiste en effet à une diversification de ses missions dans la gestion des questions sécuritaires, notamment du fait de la défaillance de l’Europe.
Il nous faudra ensuite nous focaliser sur la crise elle-même et les moyens adoptés par les différents acteurs internationaux pour en venir à bout (Partie II), et nous étudieront ici les différentes phases de ladite crise : son émergence et la réponse diplomatique qui y a été apportée, la réponse militaire et enfin le rôle des différentes institutions internationales dans la concrétisation du processus de la mise en place et de la consolidation des institutions politiques, l’Etat de droit.
Partie I : Le projet de construction d’une Europe de la Défense et l’évolution du rôle de l’OTAN en Europe
La défense est définie au plan national comme l’ensemble des moyens, principalement mais non exclusivement militaires, destinés à « assurer, en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la vie de la population. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux »[10].
Lorsqu’on parle de défense, le qualificatif de « nationale » vient à l’esprit tant elle s’identifie avec la protection du territoire, de la population, de l’État et de ses institutions. Ce concept historique demeure. L’expression « défense commune » utilisée aujourd’hui traduit l’ambition nouvelle des Européens de se doter de moyens, militaires et civils, pour conduire une politique commune de défense face aux menaces nouvelles du monde moderne, elle ne saurait être confondue avec l’expression « défense européenne » qui impliquerait que des forces soient placées à la disposition de l’Union européenne et que des structures de commandement permanentes soient constituées.
La défense « commune » se distingue tout autant de la défense « collective » qui a pour fondement le Traité de l’Atlantique Nord signé à Washington le 4 avril 1949 toujours en vigueur dont l’objet est de faire face à « une attaque armée survenant en Europe ou en Amérique du Nord contre l’une ou plusieurs des Parties ».
La défense commune et la défense dite collective sont donc à différencier l’une de l’autre, cependant, les deux dominent largement le paysage européen de la sécurité et de la politique étrangère aujourd’hui. La première n’est pas encore parfaitement aboutie mais fait l’objet d’une étude poussée pour les biens de l’intégration européenne. Et la seconde a déjà fait ses preuves, malgré ses lacunes, sa capacité de renouveau en fait une institution en plein essor aujourd’hui encore.
Dans cette partie nous allons étudier tour à tour la défense européenne et l’OTAN (chapitre I), nous pencher sur les relations entre elles, l’articulation qui n’est d’ailleurs pas toujours aisée (chapitre II).
Chapitre I : Le projet politique de l’Europe de la défense
Il faut tout d’abord rappeler que la politique de défense commune repose sur un principe fondamental, la souveraineté de tous les États membres de l’Union européenne dans le processus décisionnel.
Il n’y a pas de défense sans souveraineté, ce que traduit le fait que la défense soit placée dans la sphère du deuxième pilier intergouvernemental en laissant vivre les défenses nationales. C’est ainsi que la France conserve sa capacité d’agir seule pour assurer la défense des espaces sur lesquels elle exerce sa souveraineté et pour honorer ses accords de défense. L’engagement par les États de moyens nationaux dans la défense commune relève toujours de leurs décisions souveraines. Il s’agit de répondre collectivement et au cas par cas à une crise suivant le principe fondamental de la contribution volontaire. La démarche suivie se veut clairement intergouvernementale.
Les États membres ne délèguent pas leur souveraineté, comme dans le premier pilier communautaire (CEE, CECA, Euratom, politique agricole, monétaire), les décisions du Conseil doivent être ratifiées par les États selon leurs exigences constitutionnelles propres. Pour tenir compte des particularités de chacun, des aménagements sont prévus pour respecter la volonté de chaque État dans les décisions qui sont prises à l’unanimité.
L’action commune est la traduction opérationnelle d’une position commune de l’Union arrêtée par le Conseil sur une question, la décision qui l’adopte fixe toutes ses modalités telles que les objectifs, les moyens, les modalités, la durée d’une intervention.
Section 1 : l’action politique de l’Europe de la défense : la Politique Etrangère de Sécurité Commune (PESC)
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC), régie depuis le traité de Lisbonne par le chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne (TUE) présente l’originalité formelle d’être la seule politique de l’Union à être rattachée à ce traité alors que toutes les autres figurent dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Qualifiée de commune dès sa création par le traité de Maastricht, la PESC se distingue cependant largement du concept de politique commune développé dans le cadre du traité instituant la Communauté européenne (TCE) du fait de son voisinage obligé avec la souveraineté des États membres. Elle obéit à un régime juridique spécifique, marqué du sceau de l’intergouvernementalisme, pour ses instruments et moyens financiers en même temps qu’elle confère aux acteurs traditionnels du système de l’Union un statut particulier.
Une de ses caractéristiques importante est qu’elle englobe également la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) qui n’est qu’une de ses composantes et ne connaît vis-à-vis de la PESC aucune autonomie (institutionnelle ou fonctionnelle) contrairement aux situations existantes dans les systèmes étatiques, et ce tout en développant un régime juridique souvent dérogatoire au « droit commun de la PESC ».
Paragraphe 1 : Les fondements de la Politique Etrangère de Sécurité Commune
Il nous faudra étudier ici les origines en faisant un bref historique de la mise en place de la PESC, mais également les textes qui en fondent la mise en œuvre.
I. Les origines
La Communauté européenne de défense (CED) est le premier projet d’envergure de l’Union en matière de défense, elle a précédée à la CPE qui est l’ancêtre de la PESC.
A. De la CED…
La construction de l’Union politique, jumelle de l’Union économique initiée par le traité de Paris du 18 avril 1951 sur la Communauté du charbon et de l’acier (CECA) et renforcée par le traité de Rome du 25 mars 1957 relatif à la Communauté économique européenne (CEE) aura été jalonnée d’échecs retentissants, qu’il s’agisse du traité du 27 mai 1952 relatif à la Communauté européenne de défense (CED), du projet de traité du 10 mars 1953 relatif à la Communauté politique, ou encore des deux plans Fouchet d’octobre 1961 et janvier 1962.
Au-delà des péripéties propres à chacun de ces projets, on doit souligner leurs sources communes de blocage, constituées déjà par les divergences des États, sur les méthodes, intégrée et intergouvernementale, sur l’articulation entre Union économique et Union politique et enfin sur les relations avec l’Alliance atlantique[11].
B. … A la CPE
La coopération politique européenne (CPE), « ancêtre de la PESC » a pour acte fondateur le rapport DAVIGNON du 27 octobre 1970. La CPE[12] pose les premiers jalons d’une coopération des États membres dans le domaine de la politique étrangère, fondée sur l’information et la concertation d’où la méthode communautaire est expressément écartée.
Organisée autour du principe d’autonomie organique et fonctionnelle vis-à-vis des Communautés, la CPE s’appuie sur des instances ad hoc, étrangères à l’appareil communautaire et ne mobilisera les instances traditionnelles du système que sur la base d’un régime exclusif de toute assimilation avec celui que leur confère la CEE.
L’autonomie institutionnelle de la CPE est garantie par le statut totalement distinct conféré aux instances traditionnelles communautaires. Lorsque les ministres des Affaires étrangères se réunissent au titre de la CPE, sur le territoire de l’État qui assure la présidence et non pas à Bruxelles, ce n’est pas en tant que Conseil institution de la CEE mais bien en tant qu’instance CPE.
La Commission, instance emblématique de la méthode communautaire, ne sera que très progressivement associée au cas par cas aux réunions de la CPE, et seulement lorsque l’ordre du jour concerne pour partie une compétence communautaire.
Quant au Parlement européen, il est simplement informé des travaux de la CPE dans le cadre de colloques organisés par elle au profit des membres de sa Commission politique. Enfin, le Conseil européen institutionnalisé en 1974 constituera la passerelle obligée pour transcender l’éclatement entre les coopérations, politique de la CPE et économique de la CEE.
L’autonomie fonctionnelle de la CPE est attestée par la spécificité de ses instruments, « non normatifs » : ce sont les instruments diplomatiques traditionnels, information, consultation, concertation, traduisant « une communauté d’information » pouvant aboutir ou non à des positions communes, qui constituent de simples points de référence pour les politiques nationales des États et qui n’affectent pas la primauté de ces dernières.
Les États ne sont engagés qu’à une simple concertation avant d’arrêter définitivement leur position et de lancer des initiatives nationales, et ce sur les questions de politique étrangère « d’intérêt commun ». L’absence de contrainte juridique véritable n’exclura cependant pas que, pour réserver une marge d’action nationale maximale, certains États ont œuvré pour que des dossiers sensibles ne soient pas évoqués dans le cadre de la CPE.
L’absence de caractère juridiquement contraignant de la CPE et de sanction effective des manquements des États permettra à ces derniers de se désolidariser de l’action de l’organisation dans nombre de circonstances (Irlande et Italie dans la crise des Malouines en 1982, Royaume-Uni dans les sanctions à l’encontre de l’Afrique du Sud en 1990). Par ailleurs, le caractère exclusivement réactif de la CPE l’empêchant d’anticiper les situations ainsi que l’absence de concertation réelle sur les questions de défense et de sécurité constituent deux autres marqueurs de ses limites.
L’Acte unique de 1986 marque l’entrée de la CPE dans les traités, en transformant les engagements politiques antérieurs en véritables règles juridiques. Néanmoins, l’article 30 du titre III de ce traité relatif aux dispositions sur la coopération européenne en matière de politique étrangère propose une simple codification de lege lata qui ne remet pas en cause l’autonomie de la CPE.
II. Les sources de la PESC
La PESC, qualifiée désormais de politique commune[13], trouve sa source dans les textes fondamentaux de l’Union Européenne.
A. Dynamique du droit primaire de la PESC
Ainsi dans le droit primaire, où elle connaît des évolutions substantielles de cette politique dans les traités depuis son origine.
1. Traité de Maastricht
C’est le traité de Maastricht qui sera le premier à parler de politique commune. La création de la PESC dans le cadre de ce traité traduit en premier lieu l’extension du domaine de la coopération à « toutes » les questions de sécurité (y compris la perspective d’une défense commune), qui avaient été exclues de la CPE.
Le traité emporte aussi pour conséquence la fin de l’autonomie de la coopération en matière de politique étrangère. Elle résulte de l’affirmation du principe de l’unité du cadre institutionnel de l’Union (TUE, art. C). Bien que réalisant le retour des instances ad hoc de la CPE dans le giron commun de l’UE, ce principe ne doit pas être confondu avec une uniformisation des régimes juridiques[14].
2. Traité d’Amsterdam
Le traité d’Amsterdam est un traité important dans l’histoire de la PESC[15]. On lui doit la création du Haut représentant (TUE, art. 18.3 et 26) et l’institutionnalisation des représentants spéciaux (art. 18), la consécration des « missions de Petersberg » instrument majeur de l’Europe de la défense, l’apparition d’une nouvelle catégorie d’actes, les stratégies communes (art. 13) autorisant le déverrouillage de l’unanimité pour les actions communes prises sur leur fondement (art. 23.2), l’apparition du mécanisme de l’abstention constructive (art. 23.1) et enfin la reconnaissance d’un treaty making power dans le domaine de la PESC (art. 24) alors même que l’Union ne dispose toujours pas de la personnalité juridique.
3. Traité de Nice
Le traité de Nice a entériné les apports des sommets de Cologne (juin 1999) et d’Helsinki (déc. 1999) relatifs à la création de nouvelles instances indispensables à la gestion de crise, comme le Comité de politique et de sécurité (COPS) chargé du contrôle politique et de la direction stratégique des opérations de gestions de crise (TUE, art. 25.2), et le Comité militaire ainsi que l’État-major de l’Union. Il consacre l’autorisation de recourir aux coopérations renforcées dans le domaine de la PESC (art. 27, A, C, D) à l’exclusion des questions ayant des implications militaires ou touchant au domaine de la défense (art. 27, B). Enfin, il précise la portée des accords conclus dans le cadre de la PESC en spécifiant qu’ils lient les institutions de l’UE (TUE, art. 24.6) et autorise leur conclusion à la majorité lorsqu’ils ont pour objet de mettre en oeuvre une action ou une position commune (art. 24.3). Cette extension de la majorité qualifiée dans le cadre de la PESC est complétée par celles relatives à la nomination du Haut représentant (TCE, art. 207.2) et des représentants spéciaux (TUE, art. 23.2).
4. Traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne contient nombre d’innovations qui concernent soit indirectement soit directement la PESC. Le président du Conseil européen « assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union, pour les matières relevant de la PESC » (TUE, art. 15).
Le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité voit son statut considérablement renforcé (TUE, art. 18 et 27), notamment du fait de sa qualité nouvelle de vice-président de la Commission en charge « des responsabilités qui incombe à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure » (art. 18.4). Il peut, pour ce faire, s’appuyer sur le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) créé par l’article 27.3 du TUE.
La clause de défense mutuelle (TUE, art. 42), la coopération structurée permanente (TUE, art. 42.6 et 46) et l’enrichissement des missions de Petersberg (art. 43) contribuent directement au renforcement de la PESC et plus spécialement de son volet défense, requalifié de politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
Enfin, le traité de Lisbonne continue d’explorer les voies du recours exceptionnel à la majorité dans le cadre de la PESC, notamment par l’établissement de la « clause passerelle » (TUE, art. 31.3) autorisant le Conseil européen à adopter à l’unanimité une décision prévoyant que le Conseil statuera à la majorité dans d’autres cas que ceux explicitement prévus dans le traité (TUE, art. 31.2).
B. Spécificité du droit dérivé de la PESC
Le droit de la PESC se caractérise par un corpus juridique complexe et hétérogène, dont les rapports ou encore l’articulation avec les règles et principes du droit international peuvent être sources de difficulté comme en témoigne le contentieux des sanctions ciblées.
Il mêle les règles et principes communs à l’Union, les règles propres à la PESC qui ménagent souvent un régime dérogatoire aux actes ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (PSDC) et enfin les mesures d’exécution des États membres. Il combine les actes unilatéraux avec un droit conventionnel en pleine expansion depuis son introduction par le traité d’Amsterdam, plus particulièrement pour la mise en œuvre des missions PSDC[16].
La soft law y occupe une place importante au regard de l’objet de la coopération, la politique étrangère, recourant plus volontiers aux instruments diplomatiques que normatifs. D’accès rendu parfois difficile du fait du principe de confidentialité qui commande la conduite des relations internationales en général, et les questions de défense et de sécurité en particulier, les sources de la PESC n’échappent pas pour autant au principe communautaire d’accès aux documents.
Le juge communautaire a en effet affirmé que l’incompétence qui est la sienne pour apprécier la légalité des actes de la PESC, posée dès le traité de Maastricht (art. L) (et confirmée par l’art. 24.1 TUE version Lisbonne), « ne fait pas obstacle pour se prononcer en matière d’accès au public desdits actes »[17].
Paragraphe 2 : La compétence et les instruments de la Politique Etrangère de Sécurité Commune
C’est le traité d’Amsterdam qui pose le principe que c’est bien l’Union (et non plus l’Union et ses États membres) qui définit et met en œuvre une politique couvrant tous les domaines de la politique étrangère, mention qui a été parfois soulignée comme confirmant l’autonomie de l’organisation par rapport aux États en matière de PESC et augurant d’une personnalité juridique implicite[18].
C’est à ce même traité que l’on doit le rajout, à l’objectif de sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l’indépendance de l’Union, celui de son « intégrité ». Cette précision a soulevé nombre d’interrogations sur l’existence d’un « territoire » de l’Union, au sens conféré par le droit international à l’intégrité territoriale, et commandant le droit à la légitime défense, y compris les mécanismes de défense collective.
I. La PESC, une politique qui a un champ d’application large
La Constitution européenne n’a pas résolu la question de la nature des compétences dans la PESC puisqu’elle leur consacre un article spécial – l’article I-16 -, sans l’intégrer dans sa typologie générale des compétences[19]. Il est vrai que les actes relatifs à la PESC se prêtent difficilement à une délimitation matérielle des compétences[20].
Une démarche auprès d’un dirigeant étranger, une déclaration publique, une prise de position dans une organisation internationale constituent autant d’actions susceptibles de concerner toute politique de l’Union. En ce sens, la PESC forme plutôt une dimension qu’un domaine de l’action extérieure de l’UE.
La matière PESC n’existe pas véritablement au sens où elle n’a pas de contenu stable. Il s’agit surtout de déterminer qui peut exprimer publiquement une opinion politique dans des relations avec les Etats tiers. Là existe une répartition organique des compétences, entre les institutions nationales et les institutions européennes, mais aussi entre institutions européennes.
C’est d’ailleurs l’objet de l’article I-16 § 1 : « La compétence de l’Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union… ». Autant dire que le « domaine » en question n’en est pas un, puisqu’il n’exclut a priori aucune activité.
Quoi qu’il en soit, pour les besoins d’éclaircissement, il est quand même possible pour nous de souligner que la PESC comporte deux volets, celui de la politique étrangère et de sécurité stricto sensu et celui de la politique de défense, qualifiée pour la première fois de politique commune par le traité de Lisbonne.
Cette dernière, amputée de la fonction de défense traditionnelle, à savoir la défense de l’intégrité territoriale, est constituée pour l’essentiel, par les missions de Petersberg, missions et opérations de gestion de crise au service de la sécurité internationale et les coopérations embryonnaires en matière d’armement. S’agissant de la politique étrangère, les traités n’en ont jamais proposé une définition ratione materiae par des domaines d’intérêt commun, à l’inverse de la méthode retenue pour l’Espace de liberté de sécurité et de justice.
Ainsi, le traité de Lisbonne reprend-il la formule selon laquelle la compétence de l’Union « couvre tous les domaines de la politique étrangère » (TUE, art. 24.1), en même temps qu’il s’avère incapable de proposer une définition de sa nature exacte autre que sui generis (TFUE, art. 2.4), échappant aux catégorisations établies (TFUE, art. 3 à 6).
La politique étrangère de l’UE se développe ainsi de manière parallèle à celle des États, qu’elle laisse intégralement subsister en excluant les techniques juridiques habituelles de l’intégration normative (principe de primauté, de subsidiarité, de préemption dans le cadre des compétences partagées) applicables au système distributif de compétence.
L’article 24.2 du traité de Lisbonne apporte néanmoins quelques précisions nouvelles : il rajoute à l’idée selon laquelle l’Union définit et met en œuvre une politique étrangère, celle de la « conduite » d’une telle politique, renforçant à la fois le principe de son autonomie et son caractère opérationnel. Il en définit les fondements, à savoir « le développement de la solidarité politique mutuelle des États membres », « l’identification des questions présentant un intérêt général » et « la réalisation d’un degré toujours croissant de convergence des actions des États membres ».
II. Les instruments, les moyens d’action et la difficulté de mise en œuvre
La PESC comprend en son sein un certain nombre d’instruments et de moyens d’action qui ont été élaborés dans le but de rendre plus efficaces les actions menées dans son cadre. Cependant, les difficultés n’ont pas été entièrement écartées.
A. Les instruments de la PESC
Il y a les instruments diplomatiques et les actes de la PESC.
1. Les instruments diplomatiques
Les instruments diplomatiques traditionnels, de caractère non normatif, ont été jusqu’au traité de Maastricht les seuls instruments de la coopération en matière de politique étrangère. Ils concernaient la coopération systématique des États (TUE, art. J.3.1) pour la conduite de leur politique nationale, impliquant l’information mutuelle, la concertation au sein du Conseil sur toute question présentant un intérêt général (art. J.2.1) ainsi que la coordination de leur action au sein des organisations et conférences internationales (art. J.2.3).
Enfin, la concertation se décline sur un mode décentralisé, au niveau des missions diplomatiques et consulaires des États et des délégations et représentations de l’Union auprès des États tiers et des organisations internationales (TUE, art. J.6). Les objectifs assignés à ces instruments diplomatiques étaient d’assurer que l’influence combinée des États s’exerce de la manière la plus efficace par la convergence de leur action (TUE, art. J.2.1), de défendre au sein des instances internationales les positions communes de l’Union (art. J.2.3) et enfin d’assurer le respect des positions et actions communes du Conseil (art. J.6).
L’importance respective conférée par la PESC à ses instruments diplomatiques et normatifs a évolué avec le traité d’Amsterdam, qui modifie leur ordre de présentation faisant reculer les premiers (TUE, art. 16, 19 et 20) au profit des seconds (art. 14 pour les actions communes et art. 15 pour les positions communes). Il s’agit là d’un signe important des progrès de la normativité au sein de la PESC. L’autre apport important du traité d’Amsterdam est d’avoir substitué à la finalité de l’influence combinée des États celle de l’Union elle-même.
2. Les instruments normatifs
Jusqu’au traité de Lisbonne, les actes unilatéraux obéissaient à une typologie spécifique, fondée sur la distinction, pas toujours satisfaisante sur le plan de la rigueur juridique, entre stratégies communes, positions communes, actions communes et décisions. Ainsi, la première distinction opérée par le traité de Maastricht entre les positions et les actions communes laissait apparaître une différence procédurale (exigence d’une orientation préalable du Conseil européen pour les seules actions communes), source de brouillage et d’interversion dans la pratique entre les deux catégories d’actes.
Désormais, les différents actes de la politique extérieure prendront désormais la forme d’une décision. La distinction actuelle entre les stratégies communes, les positions communes et les actions communes va donc disparaître. Elle reposait initialement sur une complémentarité supposée. La stratégie commune sert de programme et d’orientation, sans désigner de réel destinataire autre que les institutions. Celles-ci doivent tenir compte des stratégies communes dans leur action future. Les positions communes de l’article 15 TUE, selon certains auteurs, relèvent de la diplomatie du verbe ; les actions communes de l’article 14 TUE concrétisent la diplomatie de l’action.
La question peut se poser de savoir s’il ne faut pas regretter la suppression de ces catégories d’actes. On doit y répondre par la négative. Car la pratique de l’Union européenne a prouvé l’inadaptation de la distinction entre stratégie, position et action. La première stratégie commune n’a été adoptée qu’en 1999, à propos de la Russie[21]. Cet instrument, peu utilisé, n’a pas donné les résultats escomptés les rares fois où il a été employé[22].
La stratégie commune devait autoriser l’adoption d’une action ou d’une position commune tout en permettant de mieux engager la Commission, puisque celle-ci participe aux travaux du Conseil européen. Mais la Commission persiste dans son opposition à toute disposition qui pourrait la contraindre juridiquement à mettre en œuvre une stratégie commune[23].
Quant aux positions communes, elles se confondent souvent avec les actions communes. En effet, les positions communes définissant les positions à soutenir dans une conférence internationale correspondent véritablement à la diplomatie du verbe. Mais les positions communes impliquant une aide humanitaire, un effort de médiation ou une assistance diplomatique se rapprochent plus du domaine de l’action ; elles se confondent donc avec l’action commune.
B. Les moyens d’action financiers
Le budget de la PESC reste très modeste. Ainsi, au titre de l’année 2012, il a représenté un montant total de dépenses de 335,7 millions d’euros qui se sont réparties entre les missions de gestion de crises (290 millions d’euros), les représentants spéciaux (27,9 millions d’euros) et les mesures préparatoires (0,6 million d’euros). Il a fait apparaître un montant de crédits non utilisés (sur un budget prévisionnel de 362,4 millions d’euros) d’environ 30 millions d’euros. Les montants du budget PESC pour l’année 2013 confirment cette modestie : la PESC émarge seulement pour 4,1 % au budget « action extérieure » de l’Union, ce dernier ne représentant que 6,4 % du budget global. Au sein du budget « action extérieure », la part du budget PESC est très faible en comparaison des budgets alloués aux autres politiques extérieures du TFUE : les trois politiques les plus budgétivores de l’action extérieure sont la politique d’élargissement (19,4 %), la politique de voisinage (25,8 %) et la politique de coopération au développement (27,6 %).
La faiblesse des moyens dont disposent les Etats membres pour permettre la mise en œuvre efficace de la PESC est aussi source de fragilisation de la politique commune en matière de sécurité et de défense.
III. La PESC à l’épreuve du principe de cohérence
La disparition de la structure en piliers liée à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne laisse entière la question de la cohérence de l’action de l’Union. En effet, on n’est pas en présence d’un système juridique unifié. En outre, les relations extérieures sont plurales puisqu’elles sont composées de la PESC, des politiques externes de l’Union et du volet externe des politiques internes. La cohérence s’impose également dans les rapports entre la PESC et les différentes politiques internes de l’Union, comme il résulte de l’article 7 TFUE selon lequel « l’Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions, en tenant compte de l’ensemble de ses objectifs et en se conformant au principe d’attribution des compétences ». Visant particulièrement l’action extérieure de l’Union, l’article 21, paragraphe 3, alinéa 1, UE dispose que « l’Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et les autres politiques ».
Générée par la pluralité des politiques et action de l’Union ainsi que par la dualité de systèmes juridiques, l’exigence de cohérence est également dictée par la répartition des compétences mise en place par les traités.
Elle permet d’assurer l’unité, l’efficacité et la continuité de l’action de l’Union, dans un contexte juridique où les révisions se succèdent, où coexistent deux traités constitutifs et où l’intégration se juxtapose à la coopération intergouvernementale. Le foisonnement d’acteurs et de politiques la rendent d’autant plus nécessaire.
A. Cohérence interne de la PESC
La cohérence des différents actes et actions ressortissant à la PESC conditionne sa lisibilité et son efficacité. La réalisation de cet objectif s’apparente à un défi dont le traité de Lisbonne a accentué l’ampleur à travers l’autonomisation de la PSDC au sein de la PESC et le fractionnement de la fonction de représentation dévolue au président du Conseil européen et au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Parallèlement, des moyens nouveaux ont cependant été prévus pour accroître la cohérence de la PESC. Tel est le cas de la fonction revisitée de Haut représentant, la création du service européen pour l’action extérieure, le renforcement de la coopération systématique ou encore les procédures particulières prévues à l’article 41 UE en vue d’assurer le financement rapide des actions urgentes.
Sur le plan politique, l’élargissement de l’Union est susceptible d’affecter les fondements d’une politique étrangère et de sécurité commune qui, aux termes de l’article 24, paragraphe 2, UE, résident dans « la solidarité mutuelle des États membres, (…) l’identification des questions présentant un intérêt général et (…) la réalisation d’un degré toujours croissant de convergence des actions des États membres ».
Bien qu’elle ne soit pas nommée par cette disposition, la cohérence transcende les prescriptions comportementales qui y sont visées. Elle conditionne, en outre, l’affirmation de l’Union « en tant que force de cohésion dans les relations internationales » (art. 24, § 3, al. 2, UE). Sans cohérence, l’unité et l’efficacité de l’action de l’Union sont compromises face à la multiplication et la diversification de ses relations avec les tiers.
B. Mise en œuvre du principe de cohérence dans le cadre de la PESC
Dans le cadre de la PESC, la mise en œuvre du principe de cohérence ressortit à deux centres d’impulsion : le pôle institutionnel et les États membres.
La cohérence de l’action de l’Union est générée par la répartition des compétences entre les institutions telle qu’elle résulte de l’article 26 UE. En application du paragraphe 1, le Conseil européen est chargé de l’identification des intérêts stratégiques de l’Union. Il fixe les objectifs et définit les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour les questions ayant des implications en matière de défense. En application du paragraphe 2, le pouvoir de décision du Conseil s’exerce « sur la base des orientations générales et des lignes stratégiques définies par le Conseil européen ». L’exécution qui revient au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et aux États membres doit s’inscrire elle-même dans un rapport de cohérence avec les décisions du Conseil.
En vertu de l’article 26, paragraphe 2, alinéa 2, « le Conseil et le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité veillent à l’unité, la cohérence et à l’efficacité de l’action de l’Union ». Cette responsabilité échoit aux rouages investis d’un rôle principal dans l’élaboration et la mise en œuvre de la PESC.
Précisons aussi que si la présidence du Conseil peut représenter l’Union, c’est surtout le Haut représentant qui partage avec la présidence du Conseil européen la fonction de représentation de l’Union pour les matières relevant de la PESC, conformément aux articles 27, paragraphe 2 et 15, paragraphe 6, UE. En vertu de l’article 27, paragraphe 2, UE, le Haut représentant conduit, au nom de l’Union, le dialogue politique avec les tiers et exprime la position de l’Union dans les organisations internationales et au sein des conférences internationales.
De par ses prérogatives, cet organe interinstitutionnel est appelé à promouvoir la cohérence dans le cadre de la PESC et, au-delà, dans les relations extérieures de l’Union. Il peut s’appuyer, à cette fin, sur le service européen pour l’action extérieure qui, en raison de sa composition, se trouve à la jonction du Conseil et de la Commission et des services diplomatiques nationaux avec lesquels il doit collaborer.
En ce qui concerne, plus spécialement, l’apport des États membres, la cohérence est fonction de la qualité de leur coopération. Elle doit répondre, entre autres, aux exigences de l’article 24, paragraphe 2, UE, examinées précédemment. L’objectif de cohérence est, de plus, tributaire du respect de l’obligation de coopération loyale qui revêt une importance cardinale en matière de PESC. Ainsi, l’article 24, paragraphe 3, UE vient préciser la portée des dispositions générales de l’article 4, paragraphe 3, UE.
L’obligation positive qui incombe aux États est définie à la fois dans sa dimension verticale et horizontale. Elle consiste à appuyer « activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l’Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle », de respecter l’action de l’Union dans ce domaine et d’œuvrer « de concert au renforcement et au développement de leur solidarité politique mutuelle ». L’obligation négative qui pèse sur les États implique, quant à elle, de s’abstenir « de toute action contraire aux intérêts de l’Union ou susceptible de nuire à son efficacité en tant que force de cohésion dans les relations internationales ». Le troisième alinéa du paragraphe 3 charge le Conseil et le Haut représentant de veiller au respect de ces principes. On observe que la supervision se trouve unifiée s’agissant des pôles institutionnel et interétatique d’impulsion de la cohérence.
Section II : l’action de sécurité et de défense : la PSDC
La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) se substitue à la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Ce changement d’appellation ne modifie pas la relation avec la PESC. Selon l’article I-41, « La politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune ».
Mais, comme dans le cadre du Traité de Nice, la PSDC comprend des mécanismes institutionnels propres. L’article I-41 est d’ailleurs intitulé « Dispositions particulières relatives à la politique de sécurité et de défense commune ». Cela justifie une analyse de la PSDC séparée de celle de la PESC.
Ces mécanismes institutionnels (le changement de dénomination l’indique) doivent permettre la définition progressive d’une politique de défense commune. L’objectif d’une défense commune n’est pas nouveau, mais sa formulation diffère. Le Traité de Nice en faisait un objectif conditionnel : « La PESC inclut l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune qui pourrait conduire à une défense commune… » (art. 17 § 1 TUE). La défense commune devient un objectif assuré avec l’article I-41 § 2 de la Constitution : « La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union ».
Paragraphe 1 : Le développement des institutions
Il se heurte toujours au même constat : « La politique de défense est une politique particulière, aussi bien sur le plan national que sur le plan européen. Elle appartient par nature aux domaines de souveraineté les plus sensibles et fait appel à des moyens essentiellement nationaux. La décision de participer à une opération appartient aux autorités nationales et celles-ci souhaiteront toujours être associées à la conduite d’opérations qui ont des conséquences sur la sécurité nationale et risquent également de mettre en danger la vie de leurs soldats, ainsi que celle de leurs citoyens »[24].
La prise de décision à l’unanimité demeure donc la règle en matière de politique de sécurité et de défense commune[25]. La PSDC constitue une politique de l’Union mais elle repose sur les capacités fournies par les Etats membres (art. I-41 § 1).
I. La préservation de la diversité des statuts des Etats membres
Au moment des travaux de la Convention[26], onze Etats membres de l’Union européenne (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) sont membres de l’OTAN et donc liés par la clause de défense collective de l’article 5 du Traité de Washington. Ces Etats, à l’exception du Danemark, sont également membres de l’UEO et ont par conséquent souscrit un engagement analogue dans le cadre de l’article V du Traité de Bruxelles. Quatre Etats membres (Autriche, Finlande, Irlande et Suède) ont le statut de pays neutres. Ils coopèrent avec l’OTAN au titre du Programme du partenariat pour la paix. Ils bénéficient aussi du statut d’observateur à l’OTAN.
Cette diversité s’observe aussi parmi les Etats alors candidats à l’adhésion à l’UE. Quatre d’entre eux (Hongrie, Pologne, République tchèque, Turquie) sont déjà membres de l’OTAN. D’autres ont été invités à rejoindre l’OTAN lors du sommet de Prague des 21 et 22 novembre 2002[27]. Deux Etats alors candidats restent un peu à l’écart : Chypre et Malte.
La Constitution avalise cette diversité : « La politique de l’Union … n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres, elle respecte les obligations découlant du Traité de l’Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre » (art. I-41 § 2, al. 2 ; V. aussi l’art. I-41 § 7).
Là se trouve l’une des contradictions de la PSDC, qui prétend construire une politique commune tout en admettant que certains des Etats membres de l’UE considèrent que leur défense commune se réalise dans une autre organisation internationale : l’OTAN. La période récente a certes occasionné un rapprochement entre l’UE et l’OTAN. Entre autres, l’accord du 17 mars 2003 voit l’OTAN s’engager à apporter son soutien à la PESD.
Cette convention garantit à l’UE un accès aux capacités de planification de l’OTAN. Des arrangements concernent notamment les périodes de crise. Ils prévoient que l’Union puisse intervenir selon deux scénarios différents : soit en recourant aux capacités de l’OTAN, soit en utilisant ses propres moyens[28]. Pour autant, la proximité des organisations ne garantit aucune homogénéité du comportement des Etats[29].
Les coopérations renforcées peuvent s’analyser comme l’acceptation de cette diversité. Les débats du groupe « Défense » au sein de la Convention ont permis de constater à nouveau que les Etats n’avaient ni les mêmes capacités ni la même volonté de s’engager activement dans des missions déjà inscrites dans le traité. Certains membres du groupe « Défense » proposent alors d’ouvrir au domaine de la défense la possibilité d’une coopération renforcée. L’article 27B TUE l’interdisait expressément ; la Constitution l’autorise sous plusieurs formes.
Elle l’admet tout d’abord dans le cadre du régime général des coopérations renforcées de l’article III-419[30]. L’article I-41 § 3 institue une Agence européenne de défense[31]. Il se contente en réalité de codifier des décisions antérieures. L’article 41 § 6 affirme la possibilité d’une coopération structurée permanente. L’article III-312 et le protocole n° 23 en précisent le contenu. Il s’agit notamment de remédier aux différences entre les budgets nationaux de défense, facteur de désaccord entre Etats membre[32], « en vue d’atteindre des objectifs agréés concernant le niveau des dépenses d’investissement en matière d’équipements de défense » (art. 2, a) du protocole n° 23).
Et enfin, l’article I-41 § 5 prévoit la possibilité pour le Conseil de confier la mise en œuvre d’une mission, dans le cadre de l’Union, à un groupe d’Etats membres afin de préserver les valeurs de l’Union et de préserver ses intérêts.
II. Le renforcement de la solidarité entre les Etats membres
L’article I-41 § 7 instaure une clause de défense mutuelle lorsqu’un Etat membre fait l’objet d’une agression armée sur son territoire. La CIG a précisé que cette clause « n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ». Cela vise les Etats neutres de l’Union européenne : l’Autriche, la Finlande, l’Irlande et la Suède. La CIG a également cherché à garantir la compatibilité de cette clause avec les engagements souscrits au sein de l’OTAN « qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».
La CIG a généralisé la clause de défense mutuelle à l’ensemble des Etats membres de l’Union, alors que la Convention l’avait réservée aux Etats membres participant à « une coopération plus étroite en matière de défense » (ex-art. I-40 § 7).
Pourtant, le texte de la CIG contraint moins que celui de la Convention puisqu’il « n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ». En cas d’agression contre un Etat membre, les autres lui « doivent aide et assistance » et non plus lui « portent aide et assistance », puisque les moyens militaires ne sont plus explicitement mentionnés[33]. Le « caractère spécifique de la politique de défense de certains Etats membres » et la conformité « aux engagements souscrits au sein de l’OTAN » affaiblit aussi considérablement une autre innovation de la Constitution : « Au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies ».
Ces trois passages, extraits de l’article I-41 § 7, démontrent l’ambiguïté de la politique de défense et de sécurité, qui se veut commune sans supprimer les différences les plus nettes entre les politiques nationales de défense et de sécurité. Ils marquent d’ailleurs un recul par rapport au texte de la Convention, qui prévoyait une procédure de mise en œuvre de cette clause de défense mutuelle[34].
Paragraphe 2 : Le rapprochement des moyens civils et militaires
En définitive, le moyen d’espérer à terme une défense européenne intégrée passe peut-être par la négation de la spécificité des problèmes de défense. La recherche n’est pas purement militaire ; elle s’applique simultanément aux domaines civils et militaires[35]. Une telle intégration serait réalisée à terme par une conception extensive de la matière « défense et sécurité ».
I. Une conception extensive….
La politique de sécurité et de défense commune « assure à l’Union une capacité opérationnelle s’appuyant sur des moyens civils et militaires » (art. I-41). La partie III met en œuvre cette affirmation de principe en énumérant à l’article 309 « les missions visées à l’article I-41 dans lesquelles l’Union peut avoir recours à des moyens civils et militaires… ». Le Traité constitutionnel n’innove pas au regard de la pratique.
Depuis 1998, certains Etats membres, principalement Scandinaves, ont incité à la prise en compte de la dimension civile de la gestion des crises. L’exemple du Kosovo prouve que l’intervention militaire ne suffit pas. Une approche globale de la sécurité exige de s’attacher aussi au respect de l’Etat de droit, à la protection des droits de l’homme, au développement économique et à la protection de l’environnement. A défaut, L’Union européenne échouera à régler certaines crises par des moyens exclusivement militaires[36].
II. … Et risque de confusion
La Constitution codifie, en mêlant néanmoins pour la première fois dans un traité les aspects civils et militaires de la politique de sécurité et de défense. L’innovation importe parce que les dimensions civiles et militaires semblent difficiles à distinguer complètement. D’un côté, le Conseil européen de Feira de 2000 définit les objectifs en matière de gestion civile des crises : la prévention des conflits, la consolidation de la paix et la stabilité interne dans les périodes de transition, la complémentarité entre les aspects civils et militaires de la gestion des crises de manière à couvrir tout l’éventail des missions de Petersberg[37].
D’un autre côté, le groupe de travail « défense » de la Convention « recommande que les tâches de Petersberg soient complétées par la mention d’autres missions qui font appel à des moyens militaires » : la prévention des conflits, les actions conjointes en matière de désarmement, le conseil et l’assistance en matière militaire, les opérations de stabilisation à la fin des conflits, le soutien à la demande des autorités d’un pays tiers dans la lutte contre le terrorisme[38]. En d’autres termes, certaines missions sont présentées tour à tour comme civiles, militaires ou même civiles et militaires. Ce risque de confusion ne surprend pas ; il a déjà été signalé dans le cadre d’autres institutions internationales. Mais il permet d’espérer, lorsque la volonté politique et la conjoncture internationale le permettront, un progrès vers une défense commune, en faisant passer des éléments d’intégration en matière de défense comme intéressant à la fois les secteurs civil et militaire.
Les conventionnels admettent implicitement un tel risque de confusion, lorsqu’ils évoquent des opérations envisagées sans que leur nature civile ou militaire soit encore déterminée[39]. A dire vrai, ils souhaitent même cette confusion quand ils ajoutent qu’« il est essentiel de renforcer l’investissement en matière de recherche militaire, à la fois pour assurer un équipement performant et dans l’intérêt de l’industrie civile, qui bénéficie aussi des résultats des recherches militaires »[40].
Cette confusion des piliers peut-elle susciter une extension du champ d’application des procédures communautaires ? En principe non, puisque, en vertu de l’article 2 § 2 de l’action commune, « la mission de l’Agence ne porte pas atteinte aux compétences des Etats membres en matière de défense ». En pratique oui, si l’on se fie à la décision du Conseil du 23 octobre 2001, instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile[41]. La décision se fonde sur l’article 308 TCE, puisque la protection civile ne compte pas parmi les compétences européennes avant l’entrée en vigueur de la Constitution. Elle institue un mécanisme communautaire qui « pourrait, dans des conditions à déterminer, être également utilisé comme outil permettant de faciliter et d’appuyer la gestion des crises visée au titre V du Traité sur l’UE »[42]. L’extension des procédures communautaires à la PESC (et notamment à la PSDC, dans le cadre de la Constitution) constitue donc bien une hypothèse plausible.
Chapitre II : L’articulation entre le projet européen de la défense et l’OTAN :
En avril 1999, lors du sommet de Washington, l’O.T.A.N. s’est dotée d’un nouveau concept stratégique qui lui donne notamment pour mission la gestion des conflits en Europe. Ce nouveau concept indique que l’Organisation est prête à soutenir, au cas par cas et selon ses propres procédures, « des opérations de maintien de la paix et d’autres opérations menées sous l’autorité du Conseil de sécurité des Nations unies ou sous la responsabilité de l’O.S.C.E. ». Ce document qui définit le rôle de l’Alliance pour le XXIe siècle a été adopté au moment même où l’O.T.A.N., pour la première fois depuis sa création, est intervenue militairement contre un Etat européen, la République fédérale de Yougoslavie, pour mettre fin aux agissements perpétrés par Belgrade dans l’une de ses provinces, le Kosovo.
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est née de la guerre froide. Elle a été effectivement fondée durant cette période pour contrer un éventuel expansionnisme soviétique[43] . Cette puissante alliance militaire, qui a survécu à la disparition, en 1991, du Pacte de Varsovie, a adopté en 1994 le « Partenariat pour la paix » : un programme de coopération militaire, proposé aux pays neutres et aux pays de l’Est, qui a connu un réel succès.
Ce « Partenariat pour la paix » lancé par l’administration Clinton regroupe 28 Etats liés à l’Alliance atlantique sans pour autant bénéficier de la fameuse « garantie de sécurité » inscrite dans le célèbre article 5 du Traité de Washington, le cœur même de cette alliance, qui garantit qu’une agression contre un allié sera considérée comme une attaque contre l’ensemble de l’Alliance.
Le 27 mai 1997, la Russie s’est liée à l’Organisation en signant un « acte fondateur », accord qui définit ce que seront les relations Russie-O.T.A.N. dans le cadre d’une alliance atlantique élargie à l’Est.
Cet « acte fondateur », qui jette les bases d’un partenariat de sécurité permanent entre l’O.T.A.N. et la Russie, l’héritière de l’ennemie soviétique d’hier, a été gelé en 1999 à la suite de la guerre au Kosovo. Le 12 mars 1999, la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque, autrefois membres du Pacte de Varsovie, ont adhéré à l’O.T.A.N. qui compte désormais 19 membres.
Incontestablement, l’adhésion de ces trois premiers pays de l’ex-bloc communiste, les plus aptes à s’adapter techniquement aux principes de l’O.T.A.N., est venue créer une nouvelle carte de la sécurité en Europe.
Fondée initialement pour servir de bouclier à l’occident face à la menace soviétique, l’O.T.A.N. a été amenée à partir des années 1990 à repenser ses missions. Dans un contexte international caractérisé par la multiplication des conflits régionaux, l’O.T.A.N. est devenue un instrument de gestion des crises.
Section I : Une articulation complexe
Les relations Union européenne-OTAN revêtent un caractère particulièrement délicat, chaque pays ayant sa propre perception des rapports à entretenir avec l’Alliance et son organisation militaire. Elles ont soulevé de sérieux obstacles durant les dernières présidences et sont encore la source de réactions épidermiques de la part de ceux qui, animés de sentiments pro-américains comme le Royaume-Uni, craignent l’affaiblissement du lien transatlantique.
La composition des deux organisations occidentales, OTAN et Union européenne, ne correspond pas : six pays européens appartenant à l’OTAN ne font pas partie de l’Union européenne, trois pays membres de l’Union européenne n’appartiennent pas à l’OTAN.
La position de la France est particulière. En 1966, après l’échec de sa demande d’un équitable partage des responsabilités au sein de l’OTAN, elle se retire de l’organisation militaire sans pour autant quitter l’Alliance. En 1996, elle entame un processus de rapprochement sous condition et le 13 juin réintègre sa place au Comité militaire qu’elle avait laissée trente ans auparavant. Ce processus est aujourd’hui gelé, les États-Unis refusant d’attribuer à un militaire européen, Français, Italien ou Espagnol, le commandement du flanc sud de l’Alliance englobant la Méditerranée (Afsouth).
La relation entre le projet européen de défense et l’OTAN peut se résumer à la question suivante sont-ils complémentaires ou concurrents ?
Paragraphe 1 : l’existence d’une complémentarité
La question s’est toujours posée sur l’existence d’une réelle complémentarité entre l’OTAN et la PESC. C’est ce qui a conduit à l’Accord de Berlin Plus.
I. L’Union européenne et l’OTAN face à face
La composition[44]et les mandats de l’Union européenne et de l’OTAN confèrent à ces deux organisations une dimension politique spécifique. Dès lors qu’elles se positionnent toutes deux sur le champ de la gestion de crise, se pose la question de leur complémentarité, compatibilité ou compétition.
L’OTAN et l’Union européenne n’ont pas été conçues pour faire de la gestion de crise, or les évolutions au niveau du droit international en général les y ont poussé, les mettant alors devant des difficultés d’ordre politique et capacitaire. En toile de fonds de cette relation figurent les questions relatives à la nature du lien transatlantique, à la politique américaine en Europe après la Guerre froide et à la pertinence pour l’Union européenne de jouer un rôle dans le domaine de la sécurité.
Dans ce contexte, la relation entre l’OTAN et l’Union européenne est particulièrement sensible. Les deux organisations ont formalisé leur coopération dans la gestion de crise par l’accord de « Berlin Plus », lequel a permis la création des opérations de l’Union en Macédoine (2003) et en Bosnie-Herzégovine (2004).
Certaines opérations ne relevant pas du cadre de « Berlin Plus », telles que celles conduites en 2008-09 dans le golfe d’Aden par les deux organisations, ont aussi conduit au dialogue interinstitutionnel. La coopération s’est par ailleurs traduite par la mise en place de mécanismes de consultation entre les deux secrétariats et leurs organes intergouvernementaux (réunions régulières entre le COPS et le Conseil de l’Atlantique Nord, cellules de liaison entre SHAPE et l’État-major de l’Union européenne, etc.).
Au-delà, la relation OTAN-UE se caractérise par un dialogue politique limité, des divergences sur le partage des tâches et une compétition pour l’accès à des ressources souvent en provenance des mêmes États.
II. Les échanges Union européenne-OTAN
La création d’une Force européenne de réaction rapide (FRR) à laquelle tous les États membres de l’Union européenne participent sauf le Danemark constitue une autre source potentielle de malaise dans les relations transatlantiques : les États-Unis voient dans l’OTAN l’instrument central de leur politique de sécurité en Europe, l’Union considère que la FRR ayant son domaine d’action limité aux missions de Petersberg, telles qu’elles ont été définies en 1992, n’entre pas en compétition avec l’Alliance.
Elle fait valoir que l’autonomie de l’Union dans l’appréciation des menaces et dans la mise en œuvre d’une défense commune ne met pas en cause le fondement de la « défense collective » face à une menace globale et que les pays européens membres de l’Alliance peuvent avoir des concepts stratégiques et tactiques à eux dans des opérations qu’ils mènent sans les Américains.
Les relations Union européenne-OTAN se traduisent par des échanges nombreux aux différents niveaux : des réunions des ambassadeurs de l’Union européenne (15) et de l’OTAN (19), des contacts entre les secrétaires généraux des deux organisations, des rencontres entre le Comité politique et de sécurité de l’Union européenne et le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN), des groupes de travail d’officiers des états-majors et d’experts UE – OTAN.
Des arrangements sont conclus pour la consultation et la coopération entre les deux organisations et, en période de crise, les contacts sont renforcés. L’autonomie des Européens n’est d’ailleurs pas totale : pour les missions les plus exigeantes ils dépendent des moyens OTAN, satellites de renseignement et avions de transport de troupes.
Selon le scénario des arrangements dits de Berlin Plus « les invités » (pays tiers) (1996), l’Union peut utiliser les capacités de planification de l’OTAN pour conduire des opérations militaires sous sa direction. Au sommet de Washington de 1999, les dirigeants de l’Alliance se sont dits prêts à adopter les dispositions requises pour permettre l’accès de l’Union européenne aux moyens et capacités collectifs de l’OTAN pour des opérations de crises dans lesquelles l’Alliance dans son ensemble ne serait pas engagée militairement.
Cette disposition est pour l’instant bloquée par l’intransigeance de la Turquie qui refuse que l’Union puisse l’utiliser librement, les décisions en cause devant être prises, par consensus au cas par cas, par le Conseil de l’Alliance.
Paragraphe 2 : l’inévitable concurrence
Les relations entre l’Union Européenne qui pense à une Europe de la défense et l’OTAN ont toujours été jalonnées de frictions, du fait notamment de la dépendance de l’Union Européenne envers l’OTAN pour défendre ses valeurs dans la résolution de crises.
I. La recherche d’une identité européenne de la défense au sein de l’OTAN
Les divergences d’opinion entre les américaines et les européens sur la façon de régler les crises et conflits armés ne sont pas nouvelles. La plupart du temps, cela est surtout dû à l’unilatéralisme américain qui prône surtout la doctrine de l’action préventive dans ses démarches. Comme ce fût le cas en Irak d’ailleurs.
Au niveau de l’OTAN, selon le texte du nouveau concept stratégique adopté à Washington[45], l’O.T.A.N. « soutient la poursuite du développement de l’I.E.S.D. au sein de l’Alliance, y compris en étant prête à mettre à disposition des moyens et capacités pour des opérations menées sous le contrôle politique et la direction stratégique assurés soit par l’U.E.O., soit de toute autre façon convenue ».
L’Alliance approuve les efforts des pays européens pour construire une identité européenne de défense au sein et en dehors de l’O.T.A.N. Elle se réjouit des initiatives européennes comme la « Déclaration de Saint-Malo », déclaration dans laquelle le Président français Jacques Chirac et le Premier ministre anglais Tony Blair avaient affirmé leur intention de faire progresser la dimension de sécurité et de défense au sein de l’Union européenne.
Dès janvier 1994, au sommet de Bruxelles, l’Alliance avait admis l’idée que les alliés européens pouvaient intervenir militairement, même sans les Etats-Unis, pour gérer des crises sur leur continent. Plus précisément, les chefs d’Etat et de gouvernements avaient adhéré au concept de « Groupes de forces interarmées multinationales » (G.F.I.M.)[46].
La raison de cette recherche d’identité pour les européens réside dans le déséquilibre au sein de l’alliance. Trop grande faiblesse de l’Europe, trop grande puissance des États-Unis. Par la suite, le sommet de Berlin de juin 1996, qui a reconnu explicitement l’existence d’une « identité européenne de défense » au sein de l’O.T.A.N., est venu instituer des structures formelles pour donner aux européens leurs propres chaînes de commandement.
Mais cette réforme de l’Organisation n’a pas pu jusqu’ici être conduite à son terme après l’échec des négociations entre les Etats-Unis et la France, qui devaient rendre possible une « européanisation » des commandements de l’O.T.A.N., ainsi que le retour de Paris dans l’organisation militaire intégrée.
Force est de reconnaître que le déploiement de l’O.T.A.N. à l’occasion de la guerre du Kosovo a souligné l’extrême faiblesse militaire de l’Union européenne. L’opération « Force alliée », qui a mis en évidence le retard de l’Europe de la défense, a une nouvelle fois confirmé la prépondérance américaine. Pour que cette défense européenne cesse d’être virtuelle, il appartiendra bien sûr aux européens d’accepter de faire les efforts financiers qui s’imposent[47].
On notera donc que lors du sommet de Cologne de juin 1999, les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze ont, pour la première fois, affirmé clairement leur volonté de bâtir ensemble une défense commune. Ils ont effectivement donné officiellement naissance à l’Europe de la défense en déclarant que l’Union européenne « doit disposer d’une capacité d’action autonome soutenue par des forces militaires crédibles, avoir les moyens de décider d’y recourir et être prête à le faire afin de réagir face aux crises internationales ».
C’est la première tentative d’envergure initiée par l’Union Européenne pour organiser sa force militaire pour s’engager dans des missions collectives auxquelles les États-Unis ne souhaitaient pas s’associer. C’est donc un essai qui est passé par l’OTAN sous la forme d’une « Identité européenne de sécurité et de défense (IESD) » taillée sur le modèle de l’UEO. Mais elle a complètement échoué et a laissé la place à la PESD[48].
La nécessité d’autonomie affirmée dans le projet de la PESD était l’écho du caractère insatisfaisant, voire dysfonctionnel, de l’IESD. Mais trop peu d’analystes ont saisi les différences qualitatives majeures entre IESD et PESD : la première tenait du mécanisme permettant aux États européens d’emprunter des actifs de l’OTAN pour mener des opérations limitées ; la seconde relève du projet politique nouveau, mis au point par l’UE, d’une dynamique interne et d’une logique auto-alimentée.
II. La méfiance envers la PESC/PESD
Malgré cette affirmation, force est de constater que la mise en place d’une politique européenne commune en matière de défense et de sécurité a provoqué plus de tension dans les relations avec l’OTAN. Car l’émergence de ce pôle de défense européen ne remet évidemment pas en cause l’appartenance à l’O.T.A.N., qui « reste le fondement de la défense collective de ses membres »[49].
En effet, certains responsables américains ont surtout vu dans la PESC/PESD, surtout dans le volet action de sécurité et de défense (PESD) un facteur de déstabilisation qui nuirait à l’OTAN, dans la mesure où elle pourrait conduire l’Union Européenne à poursuivre une politique internationale indépendante et en opposition avec celle des États-Unis au lieu de contribuer à un nouveau partage des tâches.
Ainsi vers la fin des années 90, les américains ont développé l’expression dite des « trois D » (découplage, duplication et discrimination) pour exprimer leurs inquiétudes. Inquiétudes car l’Union européenne par le biais de la PESD pourrait prendre des décisions politiques en matière de sécurité et de défense hors de l’enceinte de l’OTAN : il y aurait donc un découplage.
Inquiétude qui les a poussées à vouloir éviter que l’UE développe ses propres moyens de défense, c’est-à-dire des structures de commandement opérationnelles à l’organisation des forces et à l’équipement militaire. C’est la duplication. Et dans le même temps, ils ont rejeté toute « discrimination » de l’UE à l’encontre des États membres de l’OTAN, mais ne faisant pas partie de l’UE[50].
Cette méfiance des Etats-Unis, loin de fédérer les puissances occidentales, n’a fait que les conforter dans la division quant à la position à adopter : faut-il rassurer les américains et apporter (encore) un coup de frein à un projet qu’elles ont déjà eu du mal à démarrer ? Ou au contraire, persister au risque de froisser les américains.
Pour le cas particulier de la France, c’est la deuxième solution qui semble avoir été choisi. En 2000, les dirigeants français se sont opposés à la demande des États-Unis, visant à obtenir la tenue de discussions en profondeur au sujet des relations OTAN/PESD avant que l’UE n’ait établi les structures politiques et militaires envisagées par les Quinze : le COPS, le Comité militaire, et l’état-major de l’Union européenne. Grâce à d’intenses échanges diplomatiques, une solution intermédiaire a pu être obtenue sur un nombre substantiel de questions[51].
Pour éviter que les craintes des Etats-Unis ne se réalisent donc, pour ce qui concerne le découplage, deux solutions ont été adoptées. La première constituait en une tenue de réunions élargies, au cours de chaque présidence, entre le NAC et le COPS, nouvellement établi, ainsi qu’entre l’OTAN et le Comité militaire de l’UE. Pour la seconde, il s’agissait d’accélérer le rythme des contacts et des réunions entre les deux organisations en cas de crise[52].
Des efforts ont également été initiés en ce qui concerne question de l’accès de l’UE aux moyens de l’OTAN, ainsi que celle de l’inclusion des États membres de l’OTAN, mais ne faisant pas partie de l’UE, dans le processus de décision politique de la PESD.
Mais ce compromis a été mis à mal par l’arrivée de l’Administration Bush au pouvoir et avec elle la résurgence de l’unilatéralisme américain, mais également par les échecs européens.
Section II : L’articulation entre le PESC et l’OTAN à la lumière de l’objectif de la PESC : Promotion de la coopération internationale et moyen d’influence de l’Union
Il apparaît que l’Union européenne participe de plus en plus activement à l’orientation et à la gestion des affaires mondiales. Les liens tissés avec l’ensemble des protagonistes du jeu diplomatique et sa contribution effective à l’évolution des rapports internationaux étayent ce constat.
Cependant, l’Union n’occupe pas, sur le terrain politique, la place qui reviendrait à la première puissance commerciale du monde et au premier pourvoyeur d’aide au développement. Les nouveaux atouts juridiques que lui a conférés le traité de Lisbonne (reconnaissance de la personnalité juridique à l’Union, institution d’une présidence permanente du Conseil européen, d’un Haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et de sécurité et d’un service européen pour l’action extérieure, développement de la cohérence au sein de la PESC et entre celle-ci et les autres politiques de l’Union, renforcement de la PSDC…) sont loin d’être pleinement exploités dans la pratique.
Cette situation s’explique par le manque de solidarité entre les États, l’absence de véritable stratégie de l’Union en matière de PESC[53], et la crise de la dette. Celle-ci non seulement polarise l’attention des gouvernements mais engendre une baisse des dépenses militaires, qui resurgit dramatiquement sur la PSDC et décrédibilise la PESC[54].
Cela est d’autant plus regrettable que l’Union a su développer une coopération multiforme et dense tendant à la défense de ses intérêts et valeurs. Ce résultat est principalement le fruit du travail accompli par les 130 délégations de l’Union européenne dans les pays tiers et auprès des organisations internationales, qui font partie intégrante du service européen pour l’action extérieure.
La promotion de la coopération internationale commande les relations entre l’Union européenne d’une part, les États tiers et les instances internationales, d’autre part. Elle fait apparaître l’Europe comme une puissance douce qui vise à exporter ses valeurs et ses normes dans le reste du monde moyennant des avantages pour ses interlocuteurs réceptifs.
Pratiquant le multilatéralisme efficace, l’Union européenne appuie activement l’action des organisations internationales et la coopération au sein des instances internationales que ce soit au niveau mondial, régional ou sous-régional.
Paragraphe 1 : Coopération avec les États tiers
L’Union européenne, contrairement aux américains et leurs actions préventives, croient profondément à l’importance du dialogue politique dans ses relations avec les Etats tiers. L’échange de vues sur des questions d’intérêt mutuel ou commun constitue la clé de la coopération.
Le dialogue politique instauré au niveau bilatéral permet la prise en compte par la PESC, dans le respect de la souveraineté de l’État partenaire, des réalités propres à celui-ci. De sa qualité, dépend très largement la force de persuasion de l’Union.
Les relations politiques bilatérales qui se greffent, la plupart du temps, sur un cadre juridique formalisé, tels les accords d’association, de coopération et les plans d’action, sont d’une intensité variable. Ainsi, le dialogue bilatéral sera particulièrement soutenu dans le cadre d’une stratégie de pré-adhésion.
Par ailleurs, l’Union européenne se montre attentive aux partenariats difficiles (caractérisés, notamment, par l’absence d’institutions aptes à assurer la sécurité des citoyens, le manque de conditions nécessaires pour vivre en paix et en liberté, la faible gouvernance, la corruption et/ou la répression politique) et aux États fragiles (ceux qui se trouvent en situation de crise ou de post-crise).
Sauf exception, le dialogue bilatéral s’intègre dans une optique régionale, balisée, le cas échéant par un cadre plus large, comme par exemple, le partenariat UE/Afrique, la Politique européenne de voisinage qui englobe le processus de Barcelone/Union pour la Méditerranée et le Partenariat oriental, le Partenariat stratégique avec l’Amérique latine ou encore les Réunions Asie-Europe.
Les liens politiques de plus en plus substantiels qu’entretient l’Union européenne avec un nombre croissant d’États ne donnent, pourtant, qu’une vision partielle du développement de la PESC. Celle-ci se forge aussi au contact des instances internationales.
Paragraphe 2 : Coopération avec les organisations internationales
Les objectifs poursuivis par la PESC ont favorisé les relations avec les institutions à vocation générale et avec les organisations compétentes en matière de sécurité et de défense.
L’ONU et l’OTAN sont expressément visées par les dispositions du chapitre 2 du titre V du traité UE. Quant à la mention des principes de l’acte final d’Helsinki et des objectifs de la charte de Paris, à l’article 21, paragraphe 2, UE, elle valorise la coopération avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Mais la pratique a donné naissance à de véritables coopérations interinstitutionnelles, de plus en plus denses, avec d’autres organisations ou institutions comme le Conseil de l’Europe, l’Union africaine ou encore à l’ANASE (Association des Nations de l’Asie du Sud-Est). Le premier est d’ailleurs expressément visé par l’article 220 TFUE, à côté des Nations Unies et de leurs institutions spécialisées, de l’OSCE et de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Cependant, pour ne pas nous éloigner de notre champ de travail, nous allons nous concentrer sur la coopération entre l’Union Européenne et l’OTAN.
L’article 42, paragraphe 2, alinéa 3, UE pose le principe selon lequel la PSDC s’inscrit dans le respect des obligations du traité de l’Atlantique Nord, souscrites par certains États membres, et dans une relation de compatibilité avec la politique de défense réalisée dans le cadre de l’OTAN.
L’émergence d’une défense européenne opérationnelle est allée de pair avec l’affirmation de la complémentarité entre l’OTAN et l’Union européenne. L’échange d’informations, l’accès de l’Union européenne aux capacités et moyens de l’OTAN ont suscité une coopération multiforme qui s’est concrétisée, notamment, par la signature, en 1999, des accords Berlin Plus . Le développement de la PSDC a conforté les relations entre les deux organisations.
L’article 42, paragraphe 7, alinéa 2, UE se réfère à l’Alliance atlantique à propos de la mise en œuvre de la clause de défense mutuelle. « Les engagements dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».
Cela revient à établir la priorité du recours à la clause de légitime défense de l’article 5 du traité de Washington sur la mise en œuvre de la clause de l’article 42, paragraphe 7, UE. Cette coopération plus étroite ne doit pas contrevenir ni entraver la politique européenne de défense.
Partie II : La gestion de la crise du Kosovo; du début du conflit à la création d’un nouvel Etat
Il y a à ce conflit des causes lointaines et d’autres plus récentes. En ce qui concerne les origines historiques anciennes, il faut se souvenir que les parties nord et ouest de l’ex-Yougoslavie, ont été pendant des siècles sous domination austro-hongroise, et la partie orientale a été sous domination ottomane et de l’église orthodoxe érigée en religion d’Etat et nationale. Les divers peuples et contrées ont donc appartenu à des empires distincts, qui ont légué des cultures et des pratiques politiques différentes et contradictoires.
Lorsque l’empire turc a disparu, la Serbie officielle s’est considérée comme l’héritière de Byzance, s’attribuant un rôle unificateur (par la force) des nations voisines, transposant les pratiques ottomanes dans la mise en œuvre de son projet impérial. C’est ainsi qu’elle s’est vue (et qu’on la considérée notamment à Londres et à Paris) comme une espèce de Prusse balkanique, ou une sorte de Piémont yougoslave. Pour réaliser ce projet, Belgrade a maintenu vivace le rêve impérial politico-religieux, autocratique et orthodoxe, fondé sur l’union de l’Eglise et de l’Etat serbes.
Dans cette optique et pour mieux recueillir l’héritage de l’empire ottoman, il fallait que l’Europe latine ou germanique, catholique ou protestante, fût tenue à l’écart des Balkans, l’Islam étant l’autre adversaire désigné du projet impérial serbe. Dès que la Serbie a commencé à se soustraire à l’occupation turque, elle a élaboré des projets d’agrandissement et d’homogénéisation ethnique (1844), portant ses frontières toujours plus au nord et à l’ouest, en invoquant la présence d’éléments serbes ou « serbisés »[55] ou en contestant l’identité nationale et culturelle propre des peuples autochtones occupant les espaces convoités.
C’est ainsi que des peuples qui ont voisiné pacifiquement pendant 13 siècles, qui ne se faisaient pas la guerre, qui se sont rassemblés pour se défendre contre les visées des puissants voisins, vont voir se creuser un fossé grandissant entre la partie serbe d’une part et toutes les autres nations d’autre part.
Il s’agissait dans tous les cas de nations véritables, qui avaient résisté pendant 13 siècles, les unes à la germanisation et à l’empire de Vienne ou à Venise, et les autres à l’empire ottoman. Chez ces peuples, la conscience nationale avait survécu, en l’absence même d’Etat propre, et souvent en opposition à l’Etat commun (turc ici, austro-hongrois là).
Mais c’est surtout après la mort de Tito qui avait unifié, lors de la deuxième guerre mondiale, tous les résistants au régime nazi qui fût imposé aux peuples des Balkans, que les choses se sont vraiment empirées pour atteindre l’horreur qui a finalement poussé la communauté internationale et les organisations internationales à agir.
Tito, qui bien que croate unifia tous les résistants (majoritairement non communistes) en leur proposant une nouvelle Yougoslavie fédéralisée, sur la base de l’association volontaire des peuples égaux et de leur lutte de libération au sein de leurs territoires nationaux respectifs, érigés en républiques fédérées et souveraines, sous la conduite du parti communiste unique.
Après la mort de Tito, le nationalisme serbe commença à s’exprimer en s’exerçant d’abord contre les albanais du Kosovo, victimes permanentes de multiples répressions au cours de ce siècle. L’intolérance commença à s’instaurer entre nations, lorsque les peuples périphériques n’acceptèrent pas de servir d’instrument passif du projet grand-serbe.
Chapitre I : la PESC et l’OTAN à l’épreuve de la guerre du Kosovo
Lorsque le Mur de Berlin disparaît et que le déclin du communisme se confirme à l’Est, la Serbie cherche l’appui des milieux conservateurs à Moscou, accélérant les livraisons d’armes, utilisant les créances (près de 2 milliards de dollars) détenues par l’Etat yougoslave sur l’U.R.S.S. et se constituant un trésor de guerre.
Alors que la Serbie et le Monténégro continuent d’élire des communistes préconisant une idéologie national-socialiste désormais, toutes les autres républiques rejetèrent le régime ancien, tournant leurs regards vers l’Europe, la démocratie et l’économie libre, le multipartisme, qui étaient vilipendés à Belgrade. Au nationalisme prédateur serbe surarmé, s’opposèrent partout d’autres nationalismes défensifs mais désarmés.
Section I : le traitement diplomatique du conflit
Dans le traitement diplomatique du conflit, il faut noter deux grandes étapes. D’abord, il y avait eu le traitement en amont qui visait à prévenir les conflits mais qui a échoué et qui ont abouti à la mise en œuvre d’une intervention diplomatique au moment où le conflit faisait déjà rage. Ce qui a également abouti à un échec débouchant sur l’intervention militaire.
Paragraphe 1 : le rôle diplomatique de la PESC dans la prévention des conflits
Si le siècle dernier a été le théâtre de l’avènement du fédéralisme, il a également été le témoin de la désintégration parfois dramatique et sanglante de certains États fédéraux comme la Yougoslavie au début des années 1990. Dans son avis no 8, en date du 4 juillet 1992, la Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie déclare que « la RSFY n’existe plus »[56].
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, la disparition de Tito a entraîné l’effondrement de la République socialiste fédérale de Yougoslavie (RSFY) qui s’est enfoncée dans une crise de légitimité qui a conduit à son éclatement car l’illusion d’une entité étatique fondée sur une communauté de destin s’est dissipée.
Il en résulte que, dans toute la RSFY, le réveil des aspirations nationalistes a débouché sur le plus important conflit qu’ait connu le continent européen depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les accords de Dayton du 21 novembre 1995 mettent un terme au conflit yougoslave, mais n’ont cependant pas endigué l’éclatement territorial de l’ex-RSFY. Les revendications nationales sont encore nombreuses, notamment sur le territoire de la République fédérative de Yougoslavie (RFY) qui n’a pas été considérée comme l’État continuateur de la Yougoslavie[57].
La RFY est née le 27 avril 1992 sur les ruines de l’ancienne RSFY[58] . Il s’agit d’un État fédéral constitué de deux entités fédérées très inégales, tant en terme de territoire que de population, que sont la Serbie et le Monténégro. Ce dernier étant quinze fois plus petit que la Serbie. Les autorités de Belgrade, menées par Slobodan Milosevic, ont donc très rapidement exercé l’ensemble des pouvoirs réduisant le Monténégro à un état de subordination. Les relations entre les deux entités fédérées se sont alors très vite dégradées et les velléités indépendantistes se sont exacerbées, notamment sous l’impulsion de Milo Djukanovic qui est élu président de l’État fédéré du Monténégro le 17 octobre 1997. Dès lors, l’idée d’un État commun devient de plus en plus hypothétique. En se rapprochant de l’Occident, le Monténégro acquiert progressivement certains attributs de la souveraineté qui le transforment en État quasi indépendant[59].
L’issue est dès lors inéluctable et ne peut mener qu’à la création d’un nouvel État indépendant malgré les efforts déployés par l’Union européenne pour assurer l’unité de l’État commun par une énième réforme constitutionnelle portant en germe le démembrement futur de la Serbie-et-Monténégro[60].
Et pendant ce temps, le Kosovo, alors considérée comme simple province autonome, était écarté de toutes les discussions et les conférences qui touchaient à dissolution de la Yougoslavie. Il faut dire aussi que l’Union Européenne était très réticente à ce démembrement, justement pour éviter les conflits. Elle avait œuvré pour le maintien de l’unité de l’État commun.
Autrement dit, Bruxelles entendait entraver la parcellisation des Balkans et surtout éviter que par un « effet de dominos », l’indépendance du Kosovo ne devienne un exemple à suivre pour les autres minorités comme dans le cas de la Macédoine par exemple[61].
Et pendant ce temps, les serbes et leurs ambitions expansionnistes s’en donnaient à cœur joie, malgré les arguments juridiques avancés pour les stopper dans leur élan.
I. La voie diplomatique : un dialogue de sourds ?
Le dirigeant serbe Milosevic, dans l’espoir de conserver la Yougoslavie sous son contrôle, refuse toute réforme de l’Etat fédéral et rejette l’idée de confédération prônée par la Slovénie et la Croatie. Souhaitant recentraliser le système, persuadé du succès de l’option communiste unitariste, il réclame en mars 1991 que des référendums soient organisés dans chaque république, pour choisir entre l’Etat unitaire et la solution souverainiste.
Des référendums eurent lieu partout sauf en Serbie. L’écrasante majorité des électeurs en Slovénie et en Croatie (plus de 90 %) et en Macédoine comme en Bosnie-Herzégovine (aux deux tiers des suffrages exprimés), optèrent pour l’autodétermination, compte tenu que la solution confédérale était d’avance rejetée par Milosevic.
Ce droit à l’autodétermination était inscrit dans la constitution yougoslave. Chaque peuple pouvait choisir « l’autodétermination jusqu’à la sécession » selon le Préambule, mais cela devait se faire « république par république » et dans le respect des frontières établies, en vertu de l’article 5 alinéa 2 de la constitution, et en vertu du droit international applicable aux consultations relatives aux autodéterminations ; celles-ci devant respecter les frontières internes, qui deviennent automatiquement des frontières internationales, selon les résolutions et la pratique de l’ONU, et selon la jurisprudence de la Cour internationale de justice de La Haye.
Ces règles internationales ayant valeur de principes généraux du droit, autorisent tout peuple à exercer le droit de se constituer en Etat séparé, dès lors qu’il subit une répression, qu’il est victime de discrimination, ou que le gouvernement central n’est pas représentatif.
La Yougoslavie avait conservé le système du parti unique, son pouvoir central n’était pas représentatif, la répression politique frappait surtout les éléments non-serbes, et un véritable apartheid régnait au Kosovo, puis ensuite dans les zones sous contrôle militaire de l’armée serbo-yougoslave et des groupes extrémistes serbes, développant une campagne de sabotages et de violences dès le mois d’août 1990 en Croatie, alors qu’un an après (août 1991) les populations non-serbes de Slavonie et Dalmatie, comme plus tard en Bosnie-Herzégovine (agressées dès septembre 1991), étaient astreintes au port de signes distinctifs (brassards) et exécutées à vue, leurs maisons étant signalées aux fins d’exactions et de pillages.
Le droit international en vigueur et consacré en jurisprudence prévoyait également que les nouveaux Etats accédant à l’indépendance, doivent conserver leurs frontières antérieures, établies au sein de l’Etat commun, même si elles n’ont qu’un caractère administratif et quand bien-même elles seraient arbitraires (et à fortiori si comme en ex-Yougoslavie elles ne l’étaient pas). Il s’agit du principe de l’Uti Possidetis Juris, érigé depuis longtemps par le droit international en principe général et jugé transposable à l’Europe.
A ces arguments juridiques, la Serbie qui refusait la négociation sur la forme du futur Etat commun, répondit par la guerre de conquête et d’agression. Prétextant que les droits des minorités serbes risquaient d’être menacés et que leur vie serait en danger, l’armée serbo-yougoslave attaqua la Slovénie puis la Croatie en juillet 1991, puis la Bosnie-Herzégovine dès septembre 1991, avant que toute cette République ne s’embrase en avril 1992.
Cette armée, secondée par des groupes extrémistes auxquels des armes étaient livrées massivement depuis plus d’un an, occupe très vite 30 % de la Croatie et 70 % de la Bosnie-Herzégovine, s’appropriant des régions où les populations serbes étaient notoirement minoritaires, les bombardements les plus féroces et le nettoyage le plus drastique frappant des régions croates ou bosniaques où les éléments serbes constituaient de 10 à 30 % seulement de la population et parfois beaucoup moins.
Les conséquences de ces guerres ont été désastreuses, mais pas seulement au Kosovo, dans le reste de l’ex-Yougoslavie. Ainsi Ces « guerres » ont fait plus de 7.000 morts et près de 20.000 disparus, 25 à 30.000 blessés, 700.000 réfugiés et personnes déplacées et 250.000 logements détruits en Croatie.
En Bosnie-Herzégovine, le bilan est encore plus lourd, surtout chez les musulmans mais aussi les croates, avec 200.000 morts environ, 400.000 blessés à peu près, plus de 2,5 millions de réfugiés et personnes déplacées. Les victimes, dans tous les cas, sont surtout des civils, à cause de l’écrasante supériorité serbe en artillerie lourde, en aviation, en engins blindés, en raison des méthodes utilisées et des buts poursuivis (nettoyage ethnique aux fins d’annexion des territoires et d’homogénéisation des populations).
Et enfin au Kosovo, avant les bombardements, on recensait « environ 2.000, voire jusqu’à 2.500 » de personnes tuées par l’armée yougoslave, la police serbe et l’Armée de libération du Kosovo (UCK) entre le 28 février 1998 (début de l’intensification des troubles) et le 24 mars 1999 (début des bombardements de l’OTAN)[62]. La majorité des victimes étaient albanaises, ces chiffres ont été confirmés par Rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains dans la région, qui estimait récemment qu’environ 1.818 morts violentes s’étaient produites au Kosovo entre février 1998 et la mi-mars 1999, en incluant celles reconnues par la police serbe, l’armée yougoslave et l’UCK[63].
II. La Conférence Internationale sur l’ex-Yougoslavie et le Kosovo
En 1992, il est apparu assez rapidement que le Kosovo était en passe de devenir un foyer de tension que l’on ne pouvait négliger plus longtemps. Ainsi, lors de la Conférence de Londres de d’août 1992 et la mise en place de la Conférence Internationale sur l’ex-Yougoslavie, la situation du Kosovo avait été évoquée.
La Conférence Internationale sur l’ex-Yougoslavie et le Kosovo ou CIEX constituait un forum permanent de négociations, institué jusqu’au règlement final de l’ensemble des questions liées à la dissolution de la Yougoslavie. Bien que ses activités les plus en vue, et les plus controversées, aient touché au conflit de Bosnie, six groupes de travail furent établis, parmi lesquels celui sur « les minorités et communautés ethniques et nationales » chargé de « recommander les initiatives à prendre pour résoudre les problèmes ethniques dans l’ancienne Yougoslavie »[64].
Il faut souligner le fait que la PESC, qui venait à l’époque d’être institutionnalisée par le traité de Maastricht, n’était pas encore opérationnelle, et n’a donc pas encore participé à cette conférence, mais comme il s’agit d’une étape importante dans la prévention du conflit par les puissances européennes, nous allons quand même en parler ici.
C’est à partir de la CIEX que les premiers contacts directs sensés mener au règlement pacifique des différends entre les protagonistes. Malheureusement, aucun cadre juridique ne fut clairement défini par les Serbes et les Albanais pour encadrer leurs discussions et la recherche de solution. Et c’est de là que sont nés les problèmes. D’autant plus que les attentes des kosovars divergeaient de ceux des européens.
En effet, d’après les statuts de la CIEX, « le droit à l’autodétermination pouvait impliquer des dispositions en faveur de la protection des minorités mais ne pouvait entraîner une modification des frontières existantes »[65]. Or, c’est exactement ce que les Albanais du Kosovo revendiquaient, en contradiction avec ces principes.
Ce qui a entraîné les complications dans la mise en œuvre de la CIEX, c’est que la Constitution serbe rappelle dès le préambule que le Kosovo, tout en disposant d’une autonomie substantielle, fait partie intégrante du territoire de la Serbie qui est, selon l’article 8, indivisible et inséparable[66].
L’opposition entre le principe de l’intégrité territoriale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes rejaillit relativement à la question du Kosovo, « mais cette contradiction peut être surmontée, dans la mesure où, dépassant la superstructure formelle de la souveraineté en tant qu’elle ne concerne que l’abstraction étatique, on relie la souveraineté au contenu concret de l’État. Car derrière la souveraineté actuelle d’un peuple peut apparaître la souveraineté virtuelle d’un autre peuple que le premier domine et qui n’a pu encore se constituer en État ; et derrière l’exercice de la souveraineté par un gouvernement peut apparaître la révolution qui se prépare. L’une porte l’autre et plus la contradiction s’exaspère, comme dans les luttes coloniales ou révolutionnaires, plus la solution ressort clairement, à cause du développement de la conscience nationale ou populaire »[67].
Si dans les débuts de la mise en œuvre de la CIEX, les médiateurs avaient à susciter un semblant de négociations, basées sur un socle «pragmatique pour tenter de réussir une percée dans un secteur important afin d’améliorer l’atmosphère politique des discussions sur des questions plus fondamentales au sujet desquelles les positions sont actuellement irréconciliables »[68], cela n’a pas duré bien longtemps.
Une première réunion trilatérale avait bien eu lieu en 1992, et avait abouti, le 14 octobre 1992, à l’adoption d’une déclaration commune fixant les objectifs des négociations – « rétablir d’urgence des conditions de travail normales dans les écoles et les autres établissements d’enseignement » – et la méthode – « sans préjudice des positions des parties sur les questions politiques plus générales[69] »[70]. Mais cela n’avait pas été suivi par des résultats concrets sur le terrain où les animosités ne cessaient de s’intensifier. Le constat de l’échec ne peut qu’être fait.
III. La diplomatie de terrain de la PESC
« Le contraste de plus en plus grand entre la paix qui règne dans la nouvelle Europe et le développement des conflits sur ses marges interroge le projet européen[71]». Et c’est ce qui a conduit à l’institution de la PESC qui vise à donner à l’UE une meilleure visibilité sur une scène internationale et qui repose sur l’établissement progressif d’une meilleure coordination entre les politiques nationales des Etats membres[72].
La PESC n’a pas encore joué de rôle déterminant dans la prévention du conflit kosovar, mais la prévention entre cependant dans le cadre de sa mission, d’où l’intérêt d’en parler. Ainsi, dans la lignée de l’ONU, l’Union Européenne prône que la prévention est un devoir:
« L’action isolée et les instruments bilatéraux classiques son impuissants à traiter ces problèmes qui appellent une coopération internationale et une action multilatérale d’un genre nouveau. L’Union Européenne a le devoir d’essayer de traiter les nombreuses questions transversales liées aux conflits et est bien placée pour le faire. Elle en a le devoir parce qu’elle est le principal promoteur de l’ouverture des marchés et de la coopération et son principal bénéficiaire. Elle est bien placée parce qu’elle possède les moyens et l’autorité pour avoir un impact réel »[73].
Notons que la Commission Européenne a formellement exprimé ses objectifs en matière de prévention des conflits en 2001. La Commission y présente « son attachement à ce qui fait depuis toujours l’originalité de l’Europe communautaire, à savoir cette « approche intégrée » qui combine une vaste gamme d’instruments d’ordre politique et financier mis en œuvre dans la durée: importance des liens commerciaux bilatéraux (Accords d’association) et multilatéraux, promotion de l’intégration régionale comme vecteur de stabilité (Balkans, Méditerranée, Afrique, Amérique latine etc.), aide au développement et coopération, soutien à la démocratie, à l’Etat de droit, à la société civile, aux médias indépendants et à l’égalité des sexes »[74].
Paragraphe 2 : le rôle des organisations internationales dans le règlement du conflit : l’Accord de Dayton[75]
L’Accord de Dayton était sensé mettre fin au conflit yougoslave, malheureusement, il n’a pas réussi à éviter la reprise des conflits armés à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), entre la minorité albanaise (mais majoritaire dans la province du Kosovo) et l’armée fédérale yougoslave et qui a abouti aux bombardements de l’OTAN.
I. Dayton : l’accord qui met fin à la guerre yougoslave
Fin 1995, les Etats-Unis parviennent à arracher aux protagonistes et aux européens l’Accord de Dayton qui est sensé mettre fin à la guerre. Malheureusement, cette paix n’est qu’illusoire car trop d’attentes n’ont pas été satisfaites. Notamment du côté du Kosovo.
L’Accord de Dayton va définir les frontières délimitant les territoires respectifs des Etats nouvellement formé suite à l’effondrement de la RSFY, ainsi par exemple « la Bosnie émerge de Dayton avec un nouveau visage. L’ancienne république yougoslave demeure, au même titre que la Slovénie, la Croatie et la Macédoine, un État souverain et indépendant reconnu dans ses frontières internationales d’avant-guerre. De ce point de vue, les apparences sont sauves. Nulle modification par la force des frontières issues du processus de dissolution de la Yougoslavie ne fut entérinée, qu’il s’agisse de celles de la Croatie ou de la Bosnie »[76].
Si l’accord de Dayton a pu donner cette illusion de la paix dans l’ex RSFY, c’est, d’abord qu’il a résulté « de l’évolution de la situation sur le terrain, à savoir l’achèvement du nettoyage ethnique en Bosnie orientale et la reconquête par les forces croato-musulmanes d’un certain nombre de territoires en Bosnie occidentale. Ces opérations militaires aboutirent ainsi au partage de fait du pays en des proportions conformes à celles arrêtées par le Groupe de contact en 1994 (49% pour l’entité serbe, 51% pour les Musulmans et les Croates). Si des contentieux territoriaux perduraient (Sarajevo, Gorazde, Brcko), dans l’ensemble le règlement du conflit ne requérait plus d’aucun des belligérants, en particulier des forces serbes, d’importantes rétrocessions territoriales et pouvait assurer aux uns et autres la contiguïté de leurs possessions »[77].
De plus, « au cours de deux offensives lancées respectivement en mai et août 1995, la Croatie parvint à reprendre le contrôle de la Slavonie occidentale et de la Krajina, deux régions soustraites à son autorité par les sécessionnistes serbes quatre ans auparavant. Or, le règlement du conflit serbo-croate était l’une des conditions clés de la résolution du conflit de Bosnie pour la simple raison que S. Milosevic et F. Tudjman en étaient dans les deux cas les principaux protagonistes. Le Président croate en particulier liait la conclusion d’un accord de paix pour la Bosnie à la restauration préalable, ou corrélative, de l’intégrité territoriale de la Croatie. Parallèlement aux négociations de Dayton, un arrangement fut ainsi conclu entre Belgrade et Zagreb pour réintégrer avec la Slavonie orientale la seule région que Zagreb n’avait pas reconquise à l’issue des offensives de 1995[78] »[79].
Ensuite, si l’accord a pu voir le jour, c’est grâce au fait qu’il « engageait directement les Présidents serbe et croate qui se substituèrent au cours des négociations, de façon officielle ou officieuse, aux autorités auto-proclamées de Republika Srpska d’une part et de l’Herceg-Bosna de l’autre engageait directement les Présidents serbe et croate qui se substituèrent au cours des négociations, de façon officielle ou officieuse, aux autorités auto-proclamées de Republika Srpska d’une part et de l’Herceg-Bosna de l’autre », « la marginalisation des autorités parallèles de Bosnie-Herzégovine s’opéra de façon trouble et controversée. Alors que R. Karadzic et R. Mladic étaient interdits de séjour à Dayton, les Serbes de Bosnie étaient représentés au sein d’une délégation commune avec la RFY qui, dans les faits, se résumait à S. Milosevic. Les Croates de Bosnie ne participaient aux discussions qu’en tant que membres de la Fédération et déplorèrent le manque général de considération à leur endroit. Le résultat en fut que ni les premiers, ni les seconds ne signèrent officiellement l’accord, ce qui portait naturellement quelque ombrage sur leur disposition ultérieure à l’appliquer »[80].
II. L’échec de l’Accord et l’entrée en guerre
D’autres interrogations, d’autres incertitudes demeurent alors que la dissolution de la Yougoslavie semble enfin toucher à son terme. En effet, malgré ces semblant d’éclairci, où la plupart des différends opposant la Bosnie, la Croatie et la RFY sont en voie de résolution, il y a encore des foyers de tensions qui n’ont pas été pris en compte sur le reste du territoire de l’ex-Yougoslavie et notamment au Kosovo.
Et finalement, il est vite apparu que l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine ne scellait le règlement que du seul conflit de la Bosnie-Herzégovine, et ne contient, contrairement à une opinion largement répandue à l’époque, aucune allusion au Kosovo.
Il ne fut donc pas trop étonnant de voir le conflit du Kosovo éclater peu après la signature de l’Accord, et cela pour trois principales raisons. « après La Haye et Londres, les Albanais de la province se voient une nouvelle fois sacrifiés au nom d’intérêts supérieurs, abandonnés à leur sort et à la poigne d’un régime désormais loué pour sa contribution à la paix dans la région ; pour un certain nombre d’entre eux, Dayton légitime le recours à la force comme le moyen de se faire entendre et d’obtenir gain(s) de cause ; garant de l’Accord de paix, Slobodan Milosevic tient en dépendance les Occidentaux qui souhaitent conserver son concours pour consolider le fragile édifice tout juste élaboré. Dayton est ainsi une paix en trompe l’œil, qui marque certes l’achèvement de deux guerres effroyables dans la région, mais comporte les germes de conflits futurs[81] »[82].
Section II : Le recours à la force dans le cadre d’une mission de maintien de la paix
L’échec des négociations et des intermédiations diplomatique par les puissances européennes a eu deux conséquences particulièrement graves : d’une part, la reprise des conflits armés entre les protagonistes qui a entraîné une violation massive des droit des l’Homme. Et d’autre part, l’intervention (la première) de l’OTAN en réponse à ces violations. C’est cette intervention qui a véritablement mis fin au conflit, elle a été suivie par une autre forme d’intervention pour garantir la paix encore fragile.
Paragraphe 1 : le recours à la force pour la résolution du conflit : l’intervention de l’OTAN
Le principe de souveraineté absolue de l’État est aujourd’hui remis en question à cause des abus qu’il a permis. Ainsi, le secrétaire général des Nations Unies demanda qu’il y ait intervention lors de violations extrêmes des droits de l’homme. Et c’est ce qui s’est passé dans le conflit kosovar, les violations répétées des droits de l’homme ont fini par décider l’OTAN et ses alliés européens à intervenir militairement sur le territoire serbe, pourtant internationalement reconnu lors de l’Accord de Dayton, et cela en violation du principe de souveraineté.
L’intervention militaire au Kosovo a été décidée par les forces alliées (Union Européenne/OTAN) devant la persistance du régime serbe à commettre des exactions contre la minorité albanaise du Kosovo.
I. Une intervention qui fait suite au refus d’appliquer les dispositions des résolutions des Nations Unies sur le Kosovo
Avant l’intervention militaire, le Conseil de Sécurité de l’ONU avait adopté deux résolutions concernant le cas du Kosovo. La première faisait suite à l’échec des négociations visant à octroyer une autonomie substantielle au Kosovo : le 31 mars 1998, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de Sécurité avait adopté la résolution 1160, par laquelle il appuyait l’octroi d’une « véritable autonomie administrative » au Kosovo sans admettre une violation de l’intégrité territoriale de la Serbie.
Ce qui n’arrêta pas les exactions. La seconde résolution est intervenue dans ce cadre et le 23 septembre 1998, par la résolution 1199, le Conseil de Sécurité faisait le constat de la détérioration de la situation au Kosovo qui constituait une menace pour la paix et la sécurité de la région. Il exigeait donc « la reprise des négociations et le retour sans entrave des réfugiés, ainsi que le retrait du Kosovo des unités de sécurité de la République fédérale de Yougoslavie. »..
Cette résolution restera lettre morte pour la Serbie qui ne va fléchir que sous la menace de l’intervention militaire de l’OTAN, nonobstant l’indécision du Conseil de Sécurité quant aux mesures coercitives à adopter.
Un ultimatum a donc été envoyé à la Serbie le 13 octobre 1998, cette dernière se plie alors aux exigences du Conseil de sécurité et signe deux accords : le premier, le 16 octobre 1998, avec l’OSCE, par lequel était créée une mission de vérification chargée de s’assurer de l’application des résolutions du Conseil de sécurité ; le second, conclu un jour plus tôt avec l’OTAN, qui l’autorisait à mettre en place une mission aérienne de vérification du retrait des unités de sécurité yougoslaves du Kosovo.
Ces accords furent suivis par une troisième résolution : la résolution 1203, adoptée le 24 octobre qui approuvait et appuyait ces accords et exigeait qu’ils soient « appliqués promptement et dans leur intégralité ». Mais sur le terrain aucune réalisation ne sera faite et finalement, l’OTAN commence les frappes aériennes le 24 mars 1999 malgré le fait que le Conseil de Sécurité n’ait pas donné son autorisation. Ces bombardements s’étendront jusqu’au 10 juin 1999.
II. Une intervention qui viole la Charte des Nations Unies
L’article 2, alinéa 4 de la Charte, dispose que les États sont tenus de s’abstenir « dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force ». De plus, l’Assemblée Générale des Nations Unies avait, à plusieurs occasion, adopté des Déclarations qui mettent en exergue le principe contenu dans l’article 2, alinéa 4 de la Charte.
Ainsi en est-il par exemple de la « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies » qui prévoit que « aucun État membre ou groupe d’États n’a le droit d’intervenir directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence » sont contraires au droit international[83].
Mais ces principes ont été balayés par la raison humanitaire, et l’OTAN avait posé d’emblée que les bombardements n’allaient cesser que si le président Milosevic réponde aux exigences de la communauté internationale. C’est-à dire : Mettre un terme, de façon vérifiable, à toute action militaire et mettre fin immédiatement à la violence et à la répression ; Retirer les forces militaires, forces de police et forces paramilitaires du Kosovo ; Accepter une présence militaire internationale au Kosovo ; Accepter le retour sans conditions et dans un climat de sécurité de tous les réfugiés et personnes déplacées, et permettre aux organisations d’aide humanitaire d’accéder sans entraves à ces personnes ; et enfin Donner des assurances crédibles de sa volonté d’œuvrer, sur la base des accords de Rambouillet, à l’établissement d’un accord-cadre politique pour le Kosovo en conformité avec le droit international et la Charte des Nations unies[84].
Mais l’OTAN avait aussi soutenu l’argument selon lequel la situation au Kosovo mettait en danger la paix dans les Balkans et la stabilité dans la région sud-est de l’Alliance ; menaçait le processus de paix de Dayton en Bosnie-Herzégovine et risquait de relancer le chaos en Albanie et de déstabiliser l’ancienne République yougoslave de Macédoine et son importante minorité albanaise[85].
Paragraphe 2 : Le recours à la force dans le cadre d’une mission de maintien de la paix : Le KFor : l’opération de maintien de la paix au Kosovo
La « force internationale de sécurité au Kosovo », la KFOR, a pour mandat d’assurer la sécurité interne de la province, elle est responsable du respect de la loi jusqu’à ce que la police de l’ONU soit prête à assurer l’ordre »[86].
I. Le KFOR : un exemple de « décentralisation » dans l’intervention des forces de maintien de la paix
Créées spontanément, en dehors de toute prescription de la charte des Nations unies, les opérations de maintien de la paix (OMP) consistent en une forme d’intervention d’urgence sous l’égide et le contrôle de l’ONU fondée sur l’objectif premier de la Charte : le maintien de la paix.
Dans un sens large, la notion de maintien de la paix intègre tous les autres buts de la Charte de sorte que toute action qui se réclame de son chapitre 6 ou 7 peut se réclamer du maintien de la paix entendu étroitement, et a fortiori tout acte pris dans le cadre de la charte en général de manière large. Cependant il semble que les opérations de maintien de la paix ne relèvent pas de cette notion large de maintien de la paix. Il s’agit davantage d’actions exécutives consensuelles. L’agenda de la paix de 1992 du Secrétaire général des Nations Unies les définit comme « l’utilisation de troupes placées sous le commandement de l’ONU dans le cadre d’opérations non violentes avec le consentement des parties à un conflit afin de maintenir la paix, la stabilité de nombreuses zones de tensions ».
Les OMP se sont développées en marge de la Charte des Nations Unies et ont permis de pallier l’inertie et la paralysie d’un système de sécurité collective par la guerre froide et d’intervenir concrètement sur le terrain depuis 1948[87].
Cette technique paraconstitutionnelle, marquée par son pragmatisme, s’est adaptée aux différentes situations conflictuelles menaçantes ou susceptibles de menacer la paix ou la sécurité internationales[88]. Toutefois, on peut distinguer un certain nombre de caractéristiques communes.
Elles sont créées par une décision du Conseil de sécurité, qui dispose d’une compétence exclusive dans l’opportunité de leur création, la définition de la nature et de l’étendue de leur mission[89]. Corrélativement il ne peut s’agir que d’une force internationale[90].
S’agissant de la nature de sa mission, elle a évolué avec la nature des conflits dans lesquelles elles étaient amenées à intervenir. Ainsi, la doctrine distingue d’une part les OMP dites traditionnelles qui sont généralement chargées d’une mission de surveillance d’un accord de cessez-le-feu ou d’interposition entre les groupes antagonistes en vue de créer les conditions favorables à un futur règlement politique du conflit, ainsi que de consolidation d’un règlement politique global préalable[91].
Aujourd’hui, le mandat des OMP doit tenir compte de la nouvelle conflictualité résultant de l’après-guerre froide. De sorte que le mandat pacifique contenu dans la charte comprend également l’assistance humanitaire, la reconstruction de l’économie, la restauration de la vie politique[92].
II. Les conditions de la création et la définition de la mission de l’IFOR
La KFOR est créée à l’invitation des parties aux accords de paix par une résolution du Conseil de sécurité sur le fondement de la Charte des Nations unies. En effet, l’annexe militaire des accords de paix dispose dans son article I-a) : « Le Conseil de sécurité des Nations unies est invité à adopter une résolution par laquelle il autorisera les Etats membres ou les organisations ou structures régionales à créer une force militaire multinationale chargée de la mise en œuvre de l’accord. ».
Le Conseil de sécurité adopte le 10 juin 1999 la Résolution 1244 portant création d’une force d’application des accords de paix sur le Kosovo, sur le fondement express du chapitre 7 de la Charte. Il rappelle sans ambiguïté que la « situation dans la région continue de constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales » alors même que des accords de paix ont été signés par les belligérants.
Le caractère international de cette force ne fait aucun doute[93] et est placé sous le commandement du LANDCENT de l’OTAN, tandis que la gestion journalière est confiée, pour une période de six mois, à l’Eurocorps (composée des armées française, allemande, espagnole, belge et luxembourgeoise)[94].
Pour ce qui est de la mission de la KFOR, elles étaient les suivantes : « Prévenir la reprise des hostilités, maintenir le cessez-le-feu et l’imposer s’il y a lieu, et assurer le retrait des forces militaires, policières et paramilitaires fédérales et de la République se trouvant au Kosovo et les empêcher d’y revenir; Démilitariser l’Armée de libération du Kosovo (ALK) et les autres groupes armés d’Albanais du Kosovo ; Établir un environnement sûr pour que les réfugiés et les personnes déplacées puissent rentrer chez eux, que la présence internationale civile puisse opérer, qu’une administration intérimaire puisse être établie, et que l’aide humanitaire puisse être acheminée; Assurer le maintien de l’ordre et la sécurité publics jusqu’à ce que la présence internationale civile puisse s’en charger; Superviser le déminage jusqu’à ce que la présence internationale civile puisse, le cas échéant, s’en charger; Appuyer le travail de la présence internationale civile selon qu’il conviendra et assurer une coordination étroite avec ce travail; Exercer les fonctions requises en matière de surveillance des frontières; Assurer la protection et la liberté de circulation pour elle-même, pour la présence internationale civile et pour les autres organisations internationales »[95].
Notons que la KFOR a été progressivement déployée dans la province dès le samedi 12 juin 1999, suivant les termes des accords avec la RFY. La veille, une unité de l’armée russe déployée en Bosnie-Herzégovine avait pris le contrôle de l’aéroport de Pristina. La KFOR devait être composée au total de 52.000 hommes mais, au 29 juillet, seulement 35.500 soldats étaient présents au Kosovo; ils étaient 50.000 en décembre 1999[96].
Chapitre II : Indépendance et construction civile: la PESC et l’Etat de droit
Le 17 février 2008, le Kosovo avait procédé à une déclaration unilatérale de son indépendance. Rappelons que le Le régime juridique du Kosovo est déterminé par une résolution du Conseil de Sécurité (rés. 1244 du 10 juin 1999), adoptée au titre du chapitre VII de la Charte. C’est l’hypothèse où le Conseil dispose d’un maximum de pouvoirs (en cas de menace contre la paix, rupture de la paix ou acte d’agression).
Cette résolution met en place une administration intérimaire du Kosovo. Celle-ci, la MINUK[97], gère cette portion de territoire de manière à « faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles ».
La déclaration de l’indépendance et l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution le 15 juin 2008 a profondément modifié le mandat de la MINUK qui n’avait donc plus en charge l’administration de la province devenu Etat à part entière.
Nous n’allons pas entrer dans les détails de l’intense discussion engendrée par cette déclaration unilatérale[98], mais nous allons voir le résultat sur le plan pratique, notamment en matière de la mise en place d’un Etat de droit et le respect des droits de l’homme.
Section I : la Mission État de droit menée par l’Union européenne au Kosovo
Cela concerne notamment la mission Eulex, mais également les apports de la PESC qui tend à devenir un acteur de plus en plus important aujourd’hui.
Paragraphe 1 : L’assemblée des juges Eulex : un organe innovant et dynamique
L’assemblée des juges européens encadre et conseille leurs homologues (I). De plus, ils proposent des solutions innovantes afin d’améliorer les pratiques judiciaires en voie de consolidation (II).
I. Des fonctions pédagogiques et de conseil
Si d’ordinaire, dans des zones post conflit, la communauté internationale a tendance à se substituer aux autorités locales afin de rétablir l’État de droit ou rendre la justice, l’approche de la mission Eulex est toute différente. Rompant avec le système mis en place par la mission onusienne (MINUK), qui tenait entre ses mains les fonctions législatives, exécutives et judiciaires, Eulex accompagne le pays d’accueil dans son développement démocratique.
Les magistrats Eulex sont immergés dans le quotidien des juges kosovars. Siégeant pour la plupart au sein même des tribunaux avec leurs collègues, ils sont au plus proche des pratiques judiciaires et peuvent utilement détecter les forces et les faiblesses du système. Tirant profit de cette position stratégique, les magistrats sont à même d’exercer leur mandat tel que formulé dans l’action commune et l’Oplan, pour l’encadrement et le conseil de leurs homologues. Fort des informations réunies sur le terrain, au sein des juridictions, le bureau de la programmation Eulex a réussi à élaborer une feuille de route pour les trois composantes, police, justice et douane, afin de pallier étape par étape les faiblesses des institutions locales.
S’agissant de la justice, le suivi et l’encadrement porte prioritairement sur l’organisation du greffe, le respect du principe d’indépendance judiciaire, le respect des règles de procédures pénales et civiles et la réduction des stocks.
Pour renforcer le suivi et l’accompagnement, l’assemblée des juges Eulex a adopté des lignes directrices. Les Juges Eulex encourage à la fois les entretiens individuels avec leurs homologues pour discuter d’un point d’organisation ou d’une question de droit ou bien recommande une approche plus globale en organisant notamment des réunions visant à harmoniser les pratiques au plan national ou réfléchir à une stratégie globale.
Par ailleurs, si Eulex n’a pas de mandat de formation, il n’en demeure pas moins que lorsqu’il est sollicité pour échanger sur des points précis, notamment pour exposer les principes de la Convention européenne des droits de l’homme aux juges et procureurs locaux, ils aident avec des présentations basées sur l’échange de pratiques entre professionnels du droit en Europe.
En plus, l’Assemblée des juges a mis en place un système d’adoption de « conseils » formels adressés aux représentants et institutions judiciaires. Entre juillet 2008 et juillet 2010, après onze assemblées, les juges Eulex ont adopté sept conseils adressés tant aux présidents de tribunaux qu’au Kosovo judicial council (KJC) équivalent du Conseil supérieur de la magistrature français. La mise en œuvre des conseils est suivie et encadrée par les magistrats au sein des juridictions ou en collaboration avec les experts Eulex en poste auprès du Kosovo judicial council.
L’expérience montre que l’échange entre praticiens favorise la critique positive, la redéfinition et l’amélioration des pratiques et enrichit le juge international et le juge local du même coup. De réelles avancées ont pu être notées, notamment l’amélioration de l’accès des citoyens aux tribunaux ou la modification de certaines pratiques judiciaires comme par exemple l’encadrement stricte du régime de détention provisoire[99] et sa motivation.
II. La concrétisation de l’intégration judiciaire européenne
Les juges Eulex développent des outils pour faciliter la mise en réseaux des acteurs judiciaires, améliorer les pratiques et favoriser les échanges d’information entre praticiens du droit pour renforcer l’État de droit et garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire du Kosovo.
Pour un juge, quelle que soit la fonction qu’il exerce, la connaissance de la jurisprudence est de la plus haute importance. C’est dans cette perspective, qu’en octobre 2009, l’assemblée des juges a publié et présenté à leurs collègues le premier exemplaire de la revue juridique Thémis.
Entretenir de bonnes relations avec les avocats du barreau constitue également une priorité des juges Eulex. Des réunions régulières sont organisées entre les représentants du barreau et les magistrats Eulex afin de se familiariser avec les problèmes de procédures rencontrés par les avocats. Le 6 décembre 2009, un accord technique a été signé entre le représentant de la chambre des avocats du Kosovo et la présidente de l’assemblée des juges Eulex[100] au quartier général d’Eulex. Cet accord a pour objectif de faciliter les échanges d’information juges-avocats, de programmer et préparer les audiences en ligne avec les standards européens. Un second accord a été signé en juin 2010 relatif à l’organisation des audiences pénales publiques.
Dans un autre domaine, l’assemblée des juges Eulex proposent également aux présidents de juridictions des projets afin d’améliorer l’accès à la justice des citoyens. En mars 2009, le tribunal de Viti/Vitina, situé au sud de Pristina, s’est porté volontaire pour être pilote d’un projet tendant à installer un bureau d’accueil aux justiciables, libres de venir se renseigner sur leur dossier. Le projet a été approuvé et prolongé par le KJC pour une durée de six mois en juin dernier. Il y a des retours positifs et des discussions ont lieu pour la généralisation du projet à l’ensemble des juridictions du Kosovo.
L’intégration de magistrats internationaux au sein de juridictions locales est une première dans le domaine de la justice pénale internationale.
Enfin, l’établissement de groupes de travail ciblés sur des problématiques liées au droit des victimes, au trafic d’êtres humains ou à la délinquance des mineurs est également un excellent support pour rencontrer less partenaires locaux et internationaux tels Unicef ou OSCE. À titre d’exemple, grâce à un travail coordonné par le ministère de la Justice du Kosovo impliquant Unicef et l’expertise technique d’Eulex, le nouveau Code de la justice des mineurs a été adopté le 8 juillet 2010 par l’assemblée législative du Kosovo. Suivant les recommandations des experts Eulex et Unicef, un nouveau chapitre introduisant la procédure de « médiation judiciaire » a été insérée dans le code.
Le groupe de travail continue à se réunir avec les juges locaux afin de discuter des modifications du code et de leur mise en place. L’implication d’Eulex dans des groupes de travail favorise la cohérence des réformes législatives en matière de justice, notamment s’agissant de la réforme actuelle du Code pénal et du Code de procédure pénale et renforce les projets européens, tant du Conseil de l’Europe que de l’Union européenne. Cela permet également aux juges Eulex d’exercer leurs fonctions juridictionnelles dans de meilleures conditions étant directement au fait des réalités de terrain.
Paragraphe 2 : Des fonctions juridictionnelles intégrées au système judiciaire local
Deux points fondamentaux différencient les juges Eulex des autres juges internationaux, ils sont intégrés au système judiciaire local, et l’attribution de leurs dossiers est strictement réglementée.
I. Une justice de proximité
La loi du 13 mars 2008, sur la compétence, la sélection et l’attribution des dossiers, fixe les conditions d’intégration des juges Eulex au sein du système judiciaire du Kosovo. L’assemblée législative du Kosovo a déterminé les compétences juridictionnelles des juges et procureurs Eulex, amenés à siéger aux côtés de leurs homologues kosovars.
La loi dresse la liste des infractions qui déterminent la compétence primaire des juges et procureurs Eulex ainsi que les conditions de leur compétence secondaire. L’intégration de magistrats internationaux au sein de juridictions locales est une première dans le domaine de la justice pénale internationale.
Jusqu’à présent les organisations supranationales instauraient des juridictions ad hoc, parallèles ou complémentaires aux juridictions locales, pour régler des conflits géographiquement et historiquement limités tels que le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, la Cour spéciale pour la Sierra Leone ou encore les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens.
C’est l’assemblée des juges Eulex qui organise un système transparent de sélection et d’allocation des dossiers au civil et au pénal, en première instance comme en appel ou devant la Cour suprême. Sur ce point, ce fonctionnement marque une réelle avancée par rapport au système mis en place par la MINUK, qui n’avait pas établi de règles déterminant au préalable les conditions d’allocation des dossiers aux juges internationaux.
La fixation de telles règles garantit d’une part la transparence d’attribution des dossiers et limite d’autre part toute pression extérieure sur les magistrats. De plus, l’instauration de telles règles soumet les juges internationaux aux mêmes règles que leurs collègues locaux qui dans leurs juridictions doivent respecter le rôle établi par le président du tribunal.
Hormis certaines difficultés techniques dues notamment à la lenteur des traductions des procédures, on peut soutenir que l’intégration des juges Eulex dans les juridictions locales est une réussite. Ce système hybride favorise les échanges entre magistrats internationaux et locaux, il permet de renforcer l’institution en matière d’indépendance et il garantit au justiciable un traitement diligent de son dossier tout en maintenant le principe d’égalité des citoyens devant la justice. À ce jour, 110 décisions ont été rendues par les juges Eulex, civil et pénal confondus et 712 audiences ont été tenues[101].
II. Les spécificités de Mitrovica
Perte de confiance dans les institutions, crimes impunis ou corruption sont souvent évoqués au Nord de la rivière Ibar. Le rétablissement de l’État de droit au Nord du Kosovo[102] reste prioritaire. La présence des juges et procureurs Eulex dans la cour de la ville de Mitrovica est un symbole fort dans la mesure où cette juridiction cristallise les conflits entre Pristina et Belgrade. Depuis mars 2008, le temps judiciaire est en suspens au Nord de l’Ibar.
Le travail des magistrats Eulex à Mitrovica est différent celui des autres magistrats déployés sur le reste du Kosovo[103] et travaillant dans les mêmes locaux que leurs collègues et siégeant avec eux aux audiences comme le prévoit la loi.
Le tribunal de Mitrovica a cessé toute activité peu de temps après la déclaration d’indépendance du Kosovo, à la suite d’émeutes survenues au sein de la cour, le 17 mars 2008, entre des protestants serbes et la police de la Minuk[104].
Depuis ces événements, une réalité atypique mais tristement durable s’est installée. La cour de Mitrovica est privée de ses juges, contraints à s’installer dans une autre juridiction située au sud de Mitrovica, à Vushtrri alors que les magistrats Eulex (cinq depuis novembre 2010) travaillent au quotidien dans la cour depuis janvier 2009 avec le précieux soutien du personnel administratif kosovar-serbe et kosovar-albanais dont la parité numérique est une obligation pour satisfaire Pristina et Belgrade et éviter tout incident.
Le quotidien du personnel Eulex travaillant à Mitrovica Nord est rythmé par les appels radio aux agents de sécurité Eulex au cours desquels ils indiquent leur mouvement du Sud au Nord de la ville et vice versa. La traversée du pont principal « pont d’Austerlitz » reliant le sud au nord est déconseillée au bénéfice d’un pont « Cambronne » situé à l’est de la ville.
Les ordres qui restreignent le mouvement du personnel Eulex pour se rendre sur le lieu de travail au Nord fluctuent en fonction des incidents survenus la veille. La cour est jour et nuit surveillée par des militaires Eulex tantôt français, tantôt italiens, tantôt roumains ou polonais. Sans leur présence, la justice au Nord serait complètement bloquée. En surveillant la cour et les deux ponts principaux de la ville, ils permettent au personnel Eulex d’apporter la justice au Nord. En cela, la mission Eulex est une mission complètement intégrée où la coopération Justice et Police est primordiale.
Aux obstacles d’organisation pratiques (difficultés d’accès à la cour, contraintes liées à la sécurité, tensions quotidiennes engendrées par les déclarations politiques de Belgrade, de Pristina ou des institutions internationales[105]), s’ajoutent les difficultés liées à l’exercice des fonctions juridictionnelles. Il est vrai qu’en un peu plus de deux ans, les juges Eulex siégeant à Mitrovica ont rendu plus de quinze jugements (définitifs ou susceptibles d’appels) en plus de toutes les décisions prises au stade de l’instruction du dossier. Le fonctionnement actuel est en tout point dérogatoire au droit commun qui prévoit la composition d’audiences mixtes avec des juges Eulex et des juges locaux ainsi que l’exercice de suivi et de conseil juridique auprès de nos homologues afin d’échanger sur les bonnes pratiques judiciaires et s’assurer de respect des principes fondamentaux des droits de l’homme. La situation actuelle rend difficile le suivi de notre feuille de route telle que définie par l’Oplan et la loi. La relocalisation des juges locaux à Vushtrri et le déploiement géographique des magistrats Eulex à Mitrovica modifie le mandat de la mission Eulex. L’impossibilité de créer des panels mixtes siégeant à la cour de Mitrovica ainsi que la très faible possibilité d’exercer les fonctions de suivi et de conseil auprès de nos homologues est un handicap pour l’avenir.
Néanmoins, il est important de souligner les efforts continus des dirigeants de la mission Eulex pour trouver une solution acceptable et pérenne permettant la réouverture, aux magistrats locaux, de la cour de Mitrovica[106] . À ce jour, et ce en dépit des nombreuses propositions soumises à Pristina et à Belgrade respectant la parité des juges kosovar-albanais et juges kosovar-serbes, les progrès restent modestes.
Section II : la PESC et le respect des droits de l’Homme
Il faut d’emblée souligner le Caractère indissociable des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. La métaphore du « triptyque » est couramment utilisée pour rendre compte de cette réalité. Comme le relève le considérant 8 du règlement du 20 décembre 2006 instituant un instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde[107], « les libertés fondamentales que sont les libertés d’expression et d’association sont indispensables au pluralisme politique et au processus démocratique, tandis que le contrôle démocratique et la séparation des pouvoirs sont nécessaires au maintien d’un système judiciaire indépendant et de l’État de droit, qui, à leur tour, sont essentiels pour protéger efficacement les droits de l’homme ».
Paragraphe 1 : Le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, déterminant de la PESC
À l’instar des autres politiques de l’Union, la PESC doit s’inscrire dans le respect des droits fondamentaux et principes qui comptent aussi parmi ses objectifs. Mais compte tenu de ses particularités, elle assume une véritable fonction missionnaire et identitaire qui trouve son expression dans la diplomatie dite « des droits de l’homme ».
I. Le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit s’impose à la PESC
Conformément à l’article 6, paragraphe 1, du TUE « l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes communs aux États membres ». En vertu de l’article 6, paragraphe 2, du TUE, « l’Union respecte les droits de l’homme, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit ».
Ces dispositions sont applicables à l’ensemble des politiques et actions couvertes par les traités, y incluse la PESC envisagée dans toutes ses composantes. Le fait que le deuxième pilier échappe au contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) n’enlève rien à la force contraignante de cette obligation. Sur le plan politique, elle conditionne la crédibilité de l’Union à l’égard des tiers.
II. Le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, objectif de la PESC
Aux termes de l’article 11 du TUE, dernier tiret, « le développement et le renforcement de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » comptent parmi les objectifs de la PESC.
Certes, celle-ci n’a pas de monopole en la matière comme en témoignent l’article 177, paragraphe 2, CE et l’article 181 A, paragraphe 1, alinéa 2, CE qui précisent respectivement que la politique dans le domaine de la coopération au développement et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers « contribuent à l’objectif général du développement et de la consolidation de la démocratie et de l’État de droit, ainsi qu’à l’objectif du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 généralise, quant à lui, cet objectif à l’ensemble de l’action de l’Union (art. 21 TUE et 205 TFUE).
Paragraphe 2 : Réalisations en matière de protection des droits de l’homme et de promotion des principes de la démocratie et de l’État de droit
L’apport de la PESC apparaît à la fois substantiel et original. Le soutien à la CPI, et certaines opérations PESD méritent d’être évoqués ici.
I. Soutien à la CPI
La Cour pénale internationale constitue, aux fins de prévenir et de réprimer des crimes graves relevant de sa compétence, un moyen essentiel pour promouvoir le respect du droit humanitaire international et des droits de l’homme, et donc pour garantir la liberté, la sécurité, la justice, l’État de droit, ainsi que pour contribuer au maintien de la paix et au renforcement de la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies[108]. C’est la raison pour laquelle le soutien à la CPI constitue un choix majeur de la PESC.
Dans un premier temps, l’Union européenne a appuyé l’entrée en vigueur du statut de Rome et la mise en place de la Cour. Dans la position commune 2001/143/PESC du Conseil du 11 juillet 2001 concernant la Cour pénale internationale, on peut lire que « l’Union est résolue à tout mettre en oeuvre pour que soit atteint le nombre requis d’instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, ainsi qu’à contribuer à la mise en œuvre intégrale du Statut de Rome » (consid. 6).
Après la ratification du Statut par tous les États membres, et juste avant l’entrée en vigueur de celui-ci, la position commune 2002/474/PESC du Conseil du 20 juin 2002[109] a modifié la position commune 2001/143/PESC. Le nouvel article 1er, paragraphe 2 dispose, entre autres, que « la présente position commune vise à promouvoir le soutien universel de la Cour en encourageant la participation au Statut du plus grand nombre d’États ».
Les moyens mis en œuvre à cette fin sont complétés et précisés par rapport à ceux déjà mentionnés dans la position commune 2001/143, à savoir : l’intégration de la question de l’adhésion au Statut dans le dialogue politique et les négociations avec les tiers ; l’adoption d’initiatives, le cas échéant, en coopération avec les institutions internationales, contribuant à la ratification et à la mise en œuvre du Statut ; l’aide technique et financière ; l’instauration d’un mécanisme de planification prévoyant des mesures concrètes en vue d’assurer la mise en place effective et le bon fonctionnement de la Cour.
Un premier « plan d’action », dont l’adoption a été préconisée notamment par le Parlement européen dans une résolution du 28 février 2002, a effectivement vu le jour, le 15 mai 2002, en vue d’assurer le suivi de la position commune. Il a été complété par diverses décisions du Conseil JAI[110].
L’Union européenne fait figurer la CPI à l’ordre du jour de nombreuses réunions internationales et l’intègre dans le dialogue politique mené avec des pays tiers. En outre, elle effectue des démarches afin d’encourager la ratification du Statut de Rome et d’empêcher la signature d’accords bilatéraux de non-remise.
En application du plan d’action, l’accord de Cotonou, révisé en juin 2005, contient une disposition relative à la CPI. La Commission a négocié l’insertion de clauses relatives à la CPI dans les plans d’action établis dans le cadre de la politique européenne de voisinage avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Égypte, la Géorgie et le Liban. L’accord de partenariat et de coopération avec l’Indonésie, approuvé par le Conseil en juin 2007, comporte des stipulations par lesquelles cet État s’engage à adhérer au Statut de Rome. Des projets de clauses concernant la CPI sont actuellement négociés dans le cadre d’accords de coopération avec Singapour, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, Brunei Darussalam, le Vietnam et l’Afrique du Sud. Les mandats de négociation des accords de coopération avec l’Ukraine, la Fédération de Russie, la Chine, l’Iraq, la Communauté andine (Bolivie, Colombie, Équateur et Pérou) et l’Amérique centrale (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama) contiennent également des projets de clauses relatives à la CPI.
Par ailleurs, l’Union européenne a favorisé un accord sur le barème des quotes-parts pour la contribution du Japon au budget de la CPI, encourageant ainsi l’adhésion de cet État au Statut de Rome.
L’Union européenne apporte aussi son soutien politique et financier aux juridictions pénales internationales ad hoc. Elle appuie les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, la Cour spéciale pour la Sierra Leone (qui a commencé à juger Charles Taylor) et les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens chargés de juger les Khmers rouges. Ainsi, le Conseil a décidé de signer l’accord de stabilisation et d’association avec la Serbie tout en suspendant son application jusqu’à une nouvelle décision unanime du Conseil devant confirmer le respect des critères de la pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie par le pays partenaire[111].
II. Opérations PESD au service de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme
La promotion de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme est prégnante dans diverses activités opérationnelles. Les missions « États de droit » et la mission de surveillance de l’Union européenne à Aceh en sont les exemples les plus topiques.
Ainsi, la mission « État de droit », Eujust Themis, a été menée en Géorgie du 22 juillet 2004 au 14 juillet 2005. Comme le précise le considérant 2 de l’action commune 2004/523/PESC du Conseil du 28 juin 2004, l’Union européenne voulait aider le nouveau gouvernement à poursuivre ses réformes amorcées dans le domaine de l’État de droit pour parvenir, en coopération avec d’autres acteurs internationaux, dont l’OSCE, à un alignement des règles géorgiennes sur les standards internationaux et européens.
Aux termes de l’article 2 de l’action commune, le mandat de la mission consistait à « contribuer à l’élaboration d’une stratégie gouvernementale horizontale guidant le processus de réforme pour tous les acteurs du secteur de la justice pénale concernés, comportant notamment la création d’un mécanisme de coordination et de fixation des priorités pour la réforme de la justice pénale ». À cette fin, Eujust Themis avait trois priorités principales : définir des orientations pour la nouvelle stratégie de réforme de la justice pénale, appuyer la fonction générale de coordination incombant aux autorités géorgiennes et faciliter la planification en vue de l’élaboration de nouveaux textes législatifs, tel un Code de procédure pénale. En second lieu, elle était appelée à favoriser le développement de la coopération internationale et régionale dans le domaine de la justice pénale.
Eujust Themis a suscité rapidement des réformes importantes, comme la décentralisation du système judiciaire et la réduction de neuf à quatre mois du délai de détention préventive. En dépit de sa brièveté, elle a appuyé une dynamique bénéficiant, aujourd’hui, du soutien de l’Union européenne dans le cadre de la politique européenne de voisinage.
À côté d’Eujust Themis, il y a aussi la mission Eulex Kosovo qui dispose d’un nombre impressionnant de prérogatives énoncées à l’article 3 de l’action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008.
Elle a) suit, encadre et conseille les institutions compétentes du Kosovo dans tous les domaines liés au secteur plus vaste de l’État de droit (y compris les douanes), tout en assumant certaines responsabilités exécutives ; b) assure le maintien et la promotion de l’État de droit, de l’ordre et de la sécurité publics, y compris, si nécessaire en concertation avec les autorités civiles internationales concernées au Kosovo, en modifiant ou en annulant des décisions opérationnelles prises par les autorités kosovares compétentes ; c) contribue à faire en sorte que tous les services chargés du maintien de l’État de droit au Kosovo, y compris les douanes, soient libres de toute interférence politique ; d) veille à ce que les affaires de crimes de guerre, de terrorisme, de criminalité organisée, de corruption, de crimes interethniques, de délinquance financière ou économique et d’autres infractions graves fassent dûment l’objet d’enquêtes, de poursuites, de décisions judiciaires et de sanctions conformément au droit applicable, y compris, le cas échéant, par l’intervention d’enquêteurs, de procureurs et de juges internationaux travaillant conjointement avec des enquêteurs, des procureurs et des juges kosovars ou agissant de manière indépendante, notamment, s’il y a lieu, par la mise en place de structures de coopération et de coordination entre les autorités policières et celles chargées des poursuites ; e) contribue au renforcement de la coopération et de la coordination tout au long du processus judiciaire, en particulier dans le domaine de la criminalité organisée ; f) participe à la lutte contre la corruption, la fraude et la criminalité financière ; g) collabore à la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action de lutte contre la corruption au Kosovo ; h) assume d’autres responsabilités, indépendamment ou à l’appui des autorités compétentes du Kosovo, afin d’assurer le maintien et la promotion de l’État de droit, de l’ordre et de la sécurité publics, en concertation avec les instances compétentes du Conseil ; et i) veille à ce que toutes ses activités s’exercent dans le respect des normes internationales en matière de droits de l’homme et d’intégration du principe de l’égalité entre les hommes et femmes.
Conclusion
Il est difficile de ne pas céder au syndrome du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein dans l’évaluation de la pertinence et de l’adéquation du dispositif PESC de l’Union au regard de l’objectif qui est le sien de permettre à l’UE de s’affirmer comme un acteur majeur sur la scène internationale, d’y promouvoir ses valeurs et d’y défendre ses intérêts. Toute évaluation du dispositif, de son effectivité et de son efficacité doit cependant intégrer les contraintes juridiques spécifiques de l’objet politique non identifié que constitue l’Union.
Elles sont nombreuses, qu’il s’agisse sur le plan de la théorie juridique de l’obsession de la répartition des compétences et sur le plan de la théorie politique, de la difficulté de « penser l’intégration » en matière de politique étrangère, dans un contexte dominant de coopération intergouvernementale et de frilosité des États pour toute concession de leurs droits souverains. La politique étrangère, domaine éminemment régalien, est étroitement liée à l’identité nationale des États et à leur histoire. C’est dire l’importante part qu’elle prend dans la délicate mise en oeuvre du principe de « l’Union dans le respect des diversités ».
Au titre du verre à moitié plein, on se doit de souligner qu’en dépit de son caractère récent, lié aux avatars de l’Union politique dans la construction communautaire, la PESC a bénéficié de la dynamique des traités, chacun d’entre eux ayant apporté sa contribution à son insertion dans l’architecture institutionnelle de l’UE et l’amélioration de « sa boîte à outils ». Le passage de « l’Europe espace » à celui de « l’Europe puissance » a effectivement été entamé et marque un saut qualitatif indéniable dans l’histoire de la construction communautaire.
Au titre du verre à moitié vide, on ne saurait oublier les épisodes encore nombreux et toujours stigmatisés par les commentateurs des échecs diplomatiques de la PESC. Ils ont vu les États européens réagir en ordre dispersé dans des crises ou événements importants (crises yougoslaves, irakienne) et ce encore tout récemment (printemps arabes, crises libyenne et malienne), et l’Union incapable de s’affirmer comme un acteur diplomatique incontournable (processus de paix israélo-arabe et Proche-Orient).
La volonté de l’Union de développer une approche toujours plus globale de son action extérieure, servie par la diversité de sa boîte à outils dont la PESC n’est qu’un « compartiment », est sans doute un atout : mais elle constitue aussi une faiblesse en projetant au premier plan les exigences de la cohérence. Enfin, faut-il le souligner, la boîte à outils, la plus perfectionnée soit-elle, ne saurait se substituer à la réflexion sur le sens du projet de l’Union acteur global, et de la définition de ses priorités diplomatiques et stratégiques.
Le traité de Lisbonne aura constitué un grand rendez-vous dans l’histoire de la PESC et de son droit, avec les apports substantiels que constituent la redéfinition du statut du Haut représentant, la création du SEAE et l’apparition de nouveaux instruments plus particulièrement dans le domaine de la PSDC.
Au titre des perspectives, devront être plus particulièrement surveillés certains « rendez-vous programmés » pour la relance de la PSDC. Conformément à l’article 13.3 de la décision du Conseil, en date du 26 juillet 2010, prévoyant que le Haut représentant devra procéder, mi-2013, à un examen de l’organisation et du fonctionnement du SEAE, accompagné le cas échéant de propositions visant à sa réforme, de nombreux travaux sont en cours. Y participent, outre le SEAE et ses services, les États membres qui multiplient les « papers » sur le sujet, la Commission mais aussi le Parlement.
Bibliographie
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Rapports et documents officiels :
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- LANXADE Jacques, « organiser la politique européenne et internationale de la France, Commissariat général du plan, la documentation française, Paris 2002
- Rapport final du groupe de travail VII « Action extérieure de l’Union Européenne », présidé par Jean-Luc DEHAENE, CONV 459/02, 16 Décembre 2002
- Rapport final du groupe de travail VIII « Défense », présidé par Michel BARNIER, CONV 461/02, 16 Décembre 2002
Table of Contents
Chapitre I : Le projet politique de l’Europe de la défense. 7
Paragraphe 1 : Les fondements de la Politique Etrangère de Sécurité Commune. 8
- Les origines. 8
- De la CED…… 8
- … A la CPE.. 8
- Les sources de la PESC.. 10
- Dynamique du droit primaire de la PESC.. 10
- Traité de Maastricht 10
- Traité d’Amsterdam.. 10
- Traité de Nice. 10
- Traité de Lisbonne. 11
- Spécificité du droit dérivé de la PESC.. 11
Paragraphe 2 : La compétence et les instruments de la Politique Etrangère de Sécurité Commune. 12
- La PESC, une politique qui a un champ d’application large. 12
- Les instruments, les moyens d’action et la difficulté de mise en œuvre. 14
- Les instruments de la PESC.. 14
- Les instruments diplomatiques. 14
- Les instruments normatifs. 14
- Les moyens d’action financiers. 15
III. La PESC à l’épreuve du principe de cohérence. 16
- Cohérence interne de la PESC.. 16
- Mise en œuvre du principe de cohérence dans le cadre de la PESC.. 17
Section II : l’action de sécurité et de défense : la PSDC.. 18
Paragraphe 1 : Le développement des institutions. 18
- La préservation de la diversité des statuts des Etats membres. 19
- Le renforcement de la solidarité entre les Etats membres. 21
Paragraphe 2 : Le rapprochement des moyens civils et militaires. 23
Chapitre II : L’articulation entre le projet européen de la défense et l’OTAN : 25
Section I : Une articulation complexe. 26
Paragraphe 1 : l’existence d’une complémentarité. 26
Paragraphe 2 : l’inévitable concurrence. 28
- La recherche d’une identité européenne de la défense au sein de l’OTAN.. 28
- La méfiance envers la PESC/PESD.. 30
Paragraphe 1 : Coopération avec les États tiers. 33
Paragraphe 2 : Coopération avec les organisations internationales. 33
Partie II : La gestion de la crise du Kosovo; du début du conflit à la création d’un nouvel Etat 35
Chapitre I : la PESC et l’OTAN à l’épreuve de la guerre du Kosovo. 37
Section I : le traitement diplomatique du conflit 37
Paragraphe 1 : le rôle diplomatique de la PESC dans la prévention des conflits. 37
- La voie diplomatique : un dialogue de sourds ?. 39
- La Conférence Internationale sur l’ex-Yougoslavie et le Kosovo. 41
III. La diplomatie de terrain de la PESC.. 43
- Dayton : l’accord qui met fin à la guerre yougoslave. 44
- L’échec de l’Accord et l’entrée en guerre. 46
Section II : Le recours à la force dans le cadre d’une mission de maintien de la paix. 47
Paragraphe 1 : le recours à la force pour la résolution du conflit : l’intervention de l’OTAN.. 47
- Une intervention qui fait suite au refus d’appliquer les dispositions des résolutions des Nations Unies sur le Kosovo 47
- Une intervention qui viole la Charte des Nations Unies. 48
- Le KFOR : un exemple de « décentralisation » dans l’intervention des forces de maintien de la paix. 49
- Les conditions de la création et la définition de la mission de l’IFOR.. 51
Chapitre II : Indépendance et construction civile: la PESC et l’Etat de droit 53
Section I : la Mission État de droit menée par l’Union européenne au Kosovo. 53
Paragraphe 1 : L’assemblée des juges Eulex : un organe innovant et dynamique. 53
- Des fonctions pédagogiques et de conseil 54
- La concrétisation de l’intégration judiciaire européenne. 55
Paragraphe 2 : Des fonctions juridictionnelles intégrées au système judiciaire local 56
Section II : la PESC et le respect des droits de l’Homme. 59
- Le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit s’impose à la PESC.. 59
- Le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, objectif de la PESC.. 60
- Soutien à la CPI. 61
- Opérations PESD au service de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. 63
Rapports et documents officiels : 70
[1] Traité signé pour 50 ans le 17 Mars 1948, entre la France, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Il a donné naissance à l’Union Occidentale, une union à but uniquement défensive qui servira plus tard d’exemple à l’Union de l’Europe Occidentale (UEO).
[2] Traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992, art.J.4.
[3] La Communauté européenne, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou EURATOM).
[4] Menace permanente de l’éclatement d’un conflit ouvert avec le bloc de l’Est, sentiment de crainte renforcé par l’entrée en guerre des troupes nord-coréennes en Corée du Sud. Les Etats-Unis et les pays de l’Europe Occidentale voient dans cette opération un scénario possible qui pourrait également se concrétiser en Allemagne.
[5] Institution qui entre dans le cadre de la construction de l’Europe. En février 1986, l’Acte unique européen (AUE) institutionnalise la CPE pratiquée depuis 1976, codifie les pratiques antérieures de la CPE et établit à Bruxelles un petit secrétariat permanent pour assister la présidence en exercice de la Communauté.
[6] Soetendorp Ben, « La construction d’une défense européenne : émergence d’un défi politique et appels à résolution », Revue internationale et stratégique, 2002/4 n° 48, p. 119-128. DOI : 10.3917/ris.048.0119, http://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2002-4-page-119.htm
[7] Voir notamment les relations compliquées entre la France et l’OTAN.
[8] Dans le cadre de ce travail, nous allons utiliser ce terme de « balkans occidentaux » pour désigner l’ex-Yougoslavie moins la Slovénie ainsi que l’Albanie. Le terme Balkans occidentaux a été officiellement présenté en 1998 par la présidence autrichienne de l’Union Européenne, une fois que la Bulgarie et la Roumanie ont été autorisées à ouvrir des négociations d’adhésion avec l’UE. Il comprend l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Macédoine, Monténégro et Serbie.
[9] Rappelons que la libre circulation des personnes, des biens et des services au niveau de l’espace économique de l’Union constitue l’un des fondements de la construction européenne, sa mise en œuvre et sa protection a entraîné l’élaboration d’un important arsenal d’instruments juridiques qui s’imposent aux Etats membres.
[10] Ordonnance française n° 59-147 du 7 janv. 1959 portant organisation générale de la défense, JO 7 févr
[11] GERBET, « La construction de l’Europe », 3e éd., 1999, coll. Notre siècle, éd. Imprimerie nationale, p. 5. – SCHNEIDER, « L’identité de l’Union européenne élargie dans le domaine de la défense et de la sécurité », in ANDRIANTSIMBAZOVINA et GESLOT [éd.], « Les Communautés et l’Union européennes face aux défis de l’élargissement », 2005, coll. Les travaux de la CEDECE, La Documentation française.
[12] DE SCHOUTHEETE, La coopération politique européenne, 2e éd., 1986, Bruxelles, Labor.
[13] CLOOS, REINESCH, VIGNES et WEILAND, Le traité de Maastricht – Genèse, analyse, commentaires, 1993, Bruylant, p. 463 s.
[14] SCHNEIDER, PESC et unité du cadre institutionnel, in GUILLERMIN [dir.], Le principe de l’unité du cadre institutionnel de l’Union européenne, Cah. CUREI 1999, no 12.
[15] CONSTANTINESCO, GAUTHIER et SIMON, Les traités d’Amsterdam et de Nice, commentaire article par article, 2007, Bruylant.
[16] SCHNEIDER, La participation des états tiers aux opérations de gestion de crise de l’Union européenne, in L’État tiers dans le droit de l’Union, BOSSE-PLATIÈRE et RAPOPORT [dir.], 2013, Bruylant.
[17] V. TPI, 19 juill. 1999, Hautala c/ Conseil, aff. T-14/98, Rec. II. 2489.
[18] CHARPENTIER, De la personnalité juridique de l’Union européenne, in Mélanges en l’honneur de G. Peiser, 1995, PUG
[19] Jean-Luc Sauron, « La Constitution européenne expliquée », Gualino, 2004.
[20] Pour une remarque proche, V. Etienne de Poncins, Vers une constitution européenne. Texte commenté du projet de traité constitutionnel établi par la Convention européenne, 10/18, 2003, p. 110.
[21] Stratégie commune 99/414 PESC à l’égard de la Russie, Conseil européen de Cologne, 4 juin 1999, publiée au JOCE L 183 du 22 juin 2000. Le même jour ont été publiées les stratégies communes 99/877 PESC relative à l’Ukraine et 2000/458 PESC du 19 juin 2000 relative à la Méditerranée.
[22] Convention européenne, document CONV 459/02, n° 47.
[23] Jean-Michel Dumond et Philippe Setton, La politique étrangère et de sécurité commune, Doc. fr. coll. Réflexe Europe, 1999, p. 92-93.
[24] Convention européenne, rapport final du Groupe de travail VIII « Défense », 16 déc. 2002, CONV 461/02, p. 10.
[25]Selon l’article I-41 § 4, « Les décisions européennes relatives à la politique de sécurité et de défense commune … sont adoptées par le Conseil statuant à l’unanimité, sur proposition du ministre des Affaires étrangères de l’Union ou sur initiative d’un Etat membre… ». L’article III-300 relatif à la PESC prévoit des dérogations au principe de l’adoption par le Conseil de décisions à l’unanimité. Mais ces exceptions ne concernent pas les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, ainsi que l’affirme le paragraphe 4 de l’article III-300.
[26] Les informations qui suivent sont extraites du Rapport final du Groupe de travail VIII « Défense », préc. p. 10 à 13
[27] Au 23 mars 2005, 19 Etats membres de l’UE sur 25 sont également membres de l’OTAN. Les Etats non membres sont l’Autriche, Chypre, la Finlande, l’Irlande, Malte et la Suède.
[28]Franklin Dehousse, Commentaire Mégret Relations extérieures, op. cit. p. 542. Il faut préciser qu’en pratique la collaboration entre l’OTAN et l’UE a eu lieu mais s’est trouvée facilitée par le fait que les mêmes officiers, ressortissants d’Etats participant aux deux chaînes de commandement, ont dirigé la mission de l’UE et la mission résiduelle de l’OTAN. Cela s’est produit pour le remplacement de l’OTAN par l’UE comme responsable du commandement des opérations de maintien de la paix en Macédoine ex-yougoslave en 2003 (opération Concordia) et en Bosnie-Herzégovine en 2004 (opération Althéa).
[29] Le « caractère spécifique de la politique de défense de certains Etats membres » et la conformité aux « engagements souscrits au sein de l’OTAN » affaiblissent aussi considérablement une autre innovation de la Constitution : « Au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies ».
[30] L’article III-419 met en effet en œuvre l’article I-44, qui étend le recours possible aux coopérations renforcées à tous les domaines autres que de compétence exclusive. Toutefois, si la PESC (et donc notamment la PSDC) est citée à l’article III-419, elle bénéficie d’un régime partiellement spécifique. Notamment, le paragraphe 2 de l’article III-419 prévoit que la demande de coopération renforcée est adressée par les Etats membres volontaires au Conseil, et non à la Commission comme dans les autres domaines de la Constitution.
[31]Elle est également dénommée, au même article, « Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l’armement ».
[32] Ce désaccord est relevé dans le Rapport final du Groupe de travail VIII « Défense » du 16 déc. 2002, p. 12, CONV 461/02 : « Le niveau des efforts budgétaires des Etats membres de l’Union européenne varie fortement. Une analyse des budgets de défense montre que, dans seulement cinq des quinze Etats membres, les dépenses militaires dépassent 2 % du PIB. Seuls deux d’entre eux, la France et le Royaume-Uni, ont récemment annoncé des augmentations sensibles de leur budget militaire d’équipement. Dans la majorité des Etats membres, les dépenses militaires continuent à diminuer ». Le Rapport final précise encore que les pays coopérant dans le cadre de l’OCCAR (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni) et de la LOI (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Suède) représentent à eux seuls 90 % de la production européenne totale dans ce domaine. (L’OCCAR est l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement. Elle a pour mission de développer des coopérations en matière d’armement entre les Etats membres. Par ailleurs, certains Etats membres ont signé une Lettre d’Intention (Letter of intent) qui vise à encadrer les restructurations industrielles dans le domaine de la défense).
[33]Comp. l’ancien art. I-40 § 7 et le nouvel art. I-41 § 7. L’ensemble des éléments de ce paragraphe est repris du rapport de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, préc. p. 75.
[34]Ce recul apparaissait prévisible dès les travaux de la Convention. La Grande-Bretagne, la Pologne, la Suède, la Finlande et les Pays-Bas, notamment, contestaient le principe même d’une clause de défense mutuelle. Ils estimaient que la clause de défense mutuelle faisait double emploi avec celles de l’UEO ou de l’OTAN. L’article I-41 § 7 reprend une formule très voisine de celle de l’article V de l’acte constitutif de l’UEO.
[35] Rapport final du groupe de travail VIII « Défense » de la Convention, 16 déc. 2002, CONV 461/02, p. 15.
[36] Franklin Dehousse, La politique étrangère et de sécurité commune. L’identité européenne de sécurité et de défense, in Commentaire Mégret, t. 12, Relations extérieures, Editions de l’Université de Bruxelles, 2005, p. 545.
[37]Bull. UE, 6-2000, appendice 3 aux conclusions de la présidence portugaise.
[38] Convention européenne, Rapport final du groupe de travail VIII « Défense », 16 déc. 2002, CONV 461/02, p. 16.
[39] Ibid.
[40] Ibid.
[41] Décision 2001/792/CE, Euratom du Conseil du 23 oct. 2001, instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile, JOUE L 297, 15 nov. 2001, p. 7.
[42] Idem, considérant 12 de la décision. Il convient de rappeler que le titre V TUE contient les « dispositions concernant une politique étrangère et de sécurité commune ».
[43] Voir Jean-Claude Zarka, L’O.T.A.N., Que Sais-Je ?, P.U.F., 1997.
[44] Vingt-et-un des vingt-huit membres de l’OTAN sont membres de l’Union européenne (les États-Unis, le Canada, l’Islande, la Turquie, la Norvège, l’Albanie et la Croatie ne sont pas membres de l’UE) ; et vingt-un des vingt-sept membres de l’UE sont également membres de l’OTAN (l’Autriche, Chypre, la Finlande, l’Irlande, Malte et la Suède ne sont pas membres de l’OTAN).
[45] Réunis à Washington pour le cinquantenaire de l’O.T.A.N., les chefs d’Etat et de gouvernement des 19 Etats membres de l’Organisation ont adopté, le 24 avril 1999, un nouveau concept stratégique
[46] Il s’agit, en réalité, de donner la possibilité aux Etats européens membres de l’O.T.A.N. de réaliser des opérations auxquelles les Etats-Unis ne participeraient pas, mais en utilisant le matériel américain puisque le leur n’est pas suffisant pour entreprendre une opération d’envergure
[47] On rappellera que les Etats-Unis consacrent plus de 3 % de leur P.N.B. à la défense alors que les Quinze y consacrent à peine 2 %.
[48] J. Howorth, Security and Defence Policy in the European Union, Londres/New York, Palgrave Macmillan, 2007.
[49] « Nous veillerons à assurer de manière effective une consultation, une coopération et une transparence mutuelle entre l’Union européenne et l’O.T.A.N. » ont également déclaré les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze.
[50] Sur la doctrine des « trois D », voir Madeleine K. Albright, « The Right Balance Will Secure NATO’s Future », Financial Times, 7 décembre 1998. Cité dans, Stanley R. Sloan, The United States and European Defence, Paris, Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale, avril 2000.
[51] Jolyon Howorth, European Integration and Defence : The Ultimate Challenge, Paris, Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale, novembre 2000, p. 56-62, cité in Bono Giovanna,« L’ambiguïté des relations OTAN-PESD : faux débat ou enjeu réel ? », Revue internationale et stratégique, 2002/4 n° 48, p. 129-137. DOI : 10.3917/ris.048.0129, http://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2002-4-page-129.htm
[52] Les autres rencontres vont de réunions au niveau des membres du Comité militaire à la formation de groupes ad hoc UE/OTAN. Source : Rapport de la présidence française sur la Politique européenne de sécurité et de défense, annexe VII, § II, disponible sur Internet à l’adresse : http://ue.eu.int/Newsroom
[53] position de la Commission AFET lors de sa séance du 13 juillet 2012 où elle a adopté le projet de rapport sur le rapport annuel du Conseil au Parlement européen sur la politique étrangère et de sécurité commune, rapporteur E. Brok, 14 mai 2012, préc., Presse, REF. : 20120712IPR48824.
[54] La France et l’Europe face au risque de déclassement stratégique : C. Grand, Le Monde 1er et 2 avr. 2012.
[55] Anciens supplétifs du conquérant turc devenus ensuite auxiliaires et postes avancés de l’empire austro-hongrois.
[56] Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, avis no 8, 4 juillet 1992, in RGDIP, 1993, p. 590. Voir Kherad (R.), « La reconnaissance des États issus de la dissolution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie par les membres de l’Union européenne », RGDIP, 1997, p. 663 à 693.
[57] Voir Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, avis no 1, 1er décembre 1991. Plusieurs conflits se cristallisent à l’intérieur des frontières de la RFY dont le plus connu est la question de l’indépendance du Kosovo.
[58] Notons que le 1er mars 1992, 66 % des électeurs monténégrins avaient répondu positivement à la question : « Souhaitez-vous que le Monténégro, en tant que République souveraine, continue à vivre dans un État commun _ la Yougoslavie _ avec les autres Républiques qui en exprimeraient le désir » ? Voir Roux (M.), « La décomposition de la Yougoslavie : la Serbie et le « front Sud » », Politique étrangère, 1992, p. 288.
[59] À titre d’exemple, le 1er octobre 1999, le Monténégro a adopté le Mark allemand comme unité de paiement
[60] Selon la définition classique, le terme démembrement signifie la « séparation de parties du territoire de l’État, suivie de la création d’un nouvel État sur cette partie de territoire ». Il se distingue du terme dissolution qui caractérise la « disparition d’un État à la suite de sa scission en deux ou plusieurs États nouveaux ». En ce sens, l’indépendance du Monténégro constitue un cas de démembrement. Pour les définitions, voir SALMON (J.) (ss. dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 318 et 350.
[61] Voir CATTARUZZA (A.), « La frontière serbo-monténégrine et ses contradictions, prisme révélateur d’un État en panne », in SANGUIN (A.-L.), CATTARUZZA (A.) et CHAVENEAU-LE BRUN (E.) (ss. dir.), L’ex-Yougoslavie dix ans après Dayton, L’Harmattan, Paris, 2005, p. 93.
[62] La guerre du Kosovo – Eclairages et commentaires, GRIP/ Complexe, juin 1999.
[63] Unofficial update distributed during the 56th session of the Commission to the Report (E/CN.4/2000/39) of Mr. Jiri Dienstbier, Special Rapporteur on the Situation of Human Rights in Bosnia and Herzegovina, Republic of Croatia, and the Federal Republic of Yugoslavia, 20 March 2000.
[64] Le mandat de ce groupe tient dans cette seule phrase citée ; il figure à l’article 4 (c) du Programme de travail adopté par la Conférence de Londres, LC/C4 (final) du 27 août 1992. Cf. Ramcharan (B. G.), éd., The International Conference on Former Yugoslavia – Officiai Papers, The Hague/Boston/London : Kluwer Law International, vol.1, 1997, p. 35 (ci-après ICFY Officiai Papers).
[65] « Statement of Principles, The London Conference, LC/C2 (Final), 26 August 1992 », in ICFY Officiai Papers, p. 33.
[66] La Constitution serbe est consultable en anglais sur
http://www.srbija.sr.gov.yu/cinjenice_o_srbiji/ustav.php.
[67] Chaumont (C.), « Cours général de droit international public », RCADI, 1970-I, volume 129, p. 387. Voir également N’KOLOMBUA (A.), « L’ambivalence des relations entre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’intégrité territoriale des États en droit international contemporain », in Mélanges Charles Chaumont, Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Pedone, Paris, 1984, p. 456.
[68] Rapport du Secrétaire général sur la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie, S/24795 du 11 no vembre 1992, § 90.
[69] Rapport S/24795 (art.cit.), § 90.
[70] En effet, dans la conduite des négociations, Les représentants albanais convinrent de cette « double approche » et choisirent de commencer par l’éducation. À cette époque en effet, en conséquence de la reprise en main de la province par Belgrade, la quasi-totalité des quelque 300 000 élèves albanais régulièrement inscrits à l’école publique jusqu’en 1990 étaient passés dans le système d’enseignement parallèle mis en place à tous les niveaux par la LDK (Voir notamment le rapport soumis par Tadeusz Mazowiecki, Rapporteur spécial de la commission des droits de l’Homme, S/26765 du 20 novembre 1993, § 200-205.). Ce système comptait également environ 6 000 étudiants albanais, préparant dans la clandestinité des diplômes que le gouvernement serbe ne reconnaissait pas, comme il ne reconnaissait pas la scolarité suivie aux niveaux inférieurs. (Igrić (Gordana), « Education is the Key in Serb-Kosovar Negotiations », Transition, 3 (4), 7 March 1997, p. 20.)
[71] Jean-Robert HENRI, « Contre un partenariat au rabais, l’Europe doit mettre cap au Sud », Diplomatie Magazine, N°4, Juillet-août 2003, p. 25.
[72]Stéphane Pfister « Les avantages comparatifs de l’Union européenne dans la gestion des crises et la sortie des conflits » Institut européen de l’Université de Genève http://www.unige.ch/gsi/files/9614/0351/6344/pfister.pdf
[73] Cf. Communication de la Commission sur la Prévention des conflits, European Commission Conflict Prevention and Crisis Management Unit, COM (2001) 211 Final, Avril 2001 (consultable sur le site www.europa.eu.int/comm/external_relations ), pp. 6-7. Ce document porte la marque de Chris PATTEN, le Commissaire chargé des relations extérieures (Commission Prodi).
[74] Cf. la Communication de la Commission sur la Prévention des conflits, op. cit. : « L’UE est elle-même un projet de paix couronné de succès » (p.6), « (…) une expérience unique et une leçon importante pour un monde en proie à l’animosité entre les Etats » (p. 8), « force et capacité d’attration illustrée par le processus d’élargissement» (p. 8). Egalement, la Communication de la Commission sur la Prévention des conflits, op. Cit p. 18 : « traiter de manière plus efficace les questions transversales ».
[75] L’Accord de paix pour la Bosnie-Herzégovine fut paraphé à Dayton (Ohio) le 21 novembre 1995 et signé à Paris le 14 décembre suivant par les Présidents Izetbegovic, Tudjman et Milosevic. Bien que cet Accord se compose de plusieurs textes (un accord-cadre général et onze annexes), la référence plurielle – ‘les Accords de Dayton’ – ne se justifie pas et laisse au contraire à penser que la Bosnie n’en est pas le seul objet. La diplomatie française aime à utiliser l’expression ‘Accord de Dayton-Paris’, voire ‘Traité de Paris’, mais c’est bien la seule. Pour le texte, cf. document A/50/790 – S/1995/999 du 30 novembre 1995.
[76] Emeric Rogier, « La diplomatie préventive au Kosovo : retour sur un échec retentissant (1989-1998) », Kosovo et diplomatie internationale, Vol. VIII, n° 1, juin 2004, http://balkanologie.revues.org/513#tocto2n5
[77] Emeric ROGIER, « SOUS LE SIGNE DE SISYPHE, La prévention multilatérale des conflits armés dans les Balkans (Kosovo, Sandjak, Voïvodine, Macédoine) » 1991 – 2001, THESE présentée à l’Université de Genève, http://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2001/RogierE/these.pdf , p. 275.
[78] La Slavonie orientale ainsi que les zones adjacentes de Baranja et du Srem Occidental devaient être réintégrées à la Croatie en janvier 1998, à l’issue d’une période intérimaire au cours de laquelle la région fut administrée par une Autorité transitoire des Nations Unies – l’ATNUSO (UNTAES en anglais) instaurée en application de la résolution 1037 du 15 janvier 1996. Ce processus faisait suite à l’Accord fondamental d’Erdut conclu entre le gouvernement croate et les autorités serbes locales, et cautionné par Belgrade qui renonçait de la sorte à toute prétention sur une région dévastée par ses forces en 1991 (Vukovar).
[79] Emeric ROGIER, « SOUS LE SIGNE DE SISYPHE, La prévention multilatérale des conflits armés dans les Balkans (Kosovo, Sandjak, Voïvodine, Macédoine) », op. cit.
[80] Ibid.
[81] Ce n’est pas dire toutefois que l’Accord de Dayton compte parmi les causes premières ou directes du conflit du Kosovo. Celui-ci couvait bien avant la cessation des hostilités en Bosnie-Herzégovine et puisait à des sources endogènes à la province. Dayton servit plus exactement de « catalyseur ».
[82] Emeric Rogier, « La diplomatie préventive au Kosovo : retour sur un échec retentissant (1989-1998) », Kosovo et diplomatie internationale, Vol. VIII, n° 1, juin 2004, http://balkanologie.revues.org/513#tocto2n5
[83] Résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970.
[84] Déclaration diffusée à l’issue de la réunion extraordinaire du Conseil de l’Atlantique Nord en session ministérielle tenue au siège de l’OTAN le 12 avril 1999.
[85] Sur toutes ces questions voir Valérie Peclow, Georges Berghezan et Bernard Adam, « bilan de la guerre du Kosovo, le résultat des frappes – la fin du conflit la reconstruction – la situation en Serbie-Monténégro »,
[86] Valérie Peclow, Georges Berghezan et Bernard Adam, « bilan de la guerre du Kosovo, le résultat des frappes – la fin du conflit la reconstruction – la situation en Serbie-Monténégro »
[87] On pourra consulter les analyses suivantes sur ce sujet : L. Condorelli et D. Petrovic « L’ONU et la crise yougoslave », A.F.D.I. 1992, p. 32 ; S. sur « La sécurité internationale et l’évolution de la sécurité collective », Trimestre du Monde, 1992, VI, p. 67, B. Foucher, « Les opérations de maintien de la paix : bilan et interrogations », Trimestre du monde, 1992, VI, p. 121, G. Abi-Saab, « La deuxième génération des opérations de maintien de la paix », Trimestre du Monde, 1992, IV, p. 87, V.-Y. Ghebali, « Le développement des opérations de maintien de la paix de l’ONU depuis la guerre froide », Trimestre du Monde, 1992, VI, p. 98, M. Voeckel, « Coordination des forces d’intervention de l’ONU dans le cadre du chapitre 7 : bilan et perspectives, Colloque de Rennes, S.F.D.I. 1995, p. 161, R. Zacklin « Le droit applicable aux forces d’intervention sous les auspices de l’ONU », Colloque de Rennes, S.F.D.I. 1995, p. 191, M. Voeckel « Quelques aspects de la conduite des opérations de maintien de la paix », A.F.D.I. 1993, p. 65, O. Cortin et P. Klein, « Action humanitaire et chapitre 7 : La redéfinition du mandat et des moyens des forces des Nations Unies », A.F.D.I. 1993, p. 105 ; P. Weckek, « Le chapitre 7 de la Charte et son application par le Conseil de sécurité », A.F.D.I. 1991, p. 165 ; P.-M. Dupuy, « Sécurité collective et organisation de la paix », R.G.D.I.P. 1993, p. 617.
[88] De 1988 à 1992, les Nations Unies ont lancé autant d’OMP que pendant les quarante années précédentes, et cette mutation quantitative des OMP s’est accompagnée d’une mutation qualitative de leurs fonctions. Leur évolution objective et leur multiplication reflète la densité et le type de conflits dans lesquels elles sont appelées à intervenir, qui sont de plus en plus des conflits internes. En effet, les conflits régionaux ne constituent plus un enjeu à la dimension de la planète ; ils sont supplantés par des conflits aux visages de guerre civile et inter-ethnique.
[89] Et éventuellement de sa modification. Le mandat de la FORPRONU a été modifié successivement par des résolutions du Conseil de sécurité. On peut retenir par exemple la résolution 758 du 8 juin 1992 pour l’élargissement de son mandat et le renforcement de son déploiement, ou encore la résolution 871 du 4 octobre 1993 qui proroge son mandat jusqu’au 31 mars 1994.
[90] Les forces déployées sont constituées de tout le personnel militaire placé par les Etats membres sous le commandement des Nations Unies, aux ordres duquel ils sont soumis. Sur ce point, on pourra se rapporter à l’étude pertinente de P. Dewast « Le statut des casques bleus », R.G.D.I.P. 1977, p. 1013.
[91] Il s’agit en général de missions ou de simples groupes d’observations chargés de surveiller l’application d’un cessez-le-feu et de prévenir la reprise des hostilités, dans la mesure où dans les années 60 le maintien de la paix consistait pour l’essentiel à éviter un troisième conflit mondial. On peut citer quelques exemples récents comme l’UNGOMAP mission de bons offices des Nations unies en Afghanistan et au Pakistan (avril 1989 – mars 1990), l’UNAVAM mission de vérification des Nations Unies en Angola (janvier 1988 – juin 1991), l’ONUCA groupe d’observateurs des Nations Unies en Amérique centrale (novembre 1989 – janvier 1992) ainsi que la FORPRONU d’avril 1992 à décembre 1995. Certaines ont même assuré subsidiairement des tâches de nature humanitaire (l’UNFICYP à Chypre et la FINUL au Liban).
[92] Quelques OMP ont eu pour tâche de vérifier l’application des accords de paix intervenus entres les parties en conflit. C’est le cas de l’ONUSAL pour l’accord de paix conclu par le Salvador (1989-1992), et l’UNAVEM II chargée notamment de vérifier le respect des accords de paix intervenus en Angola le 1er mai 1991.
[93] L’annexe 1 A des Accords de paix prévoit expressément la création d’une force multinationale d’une part, créée par « les Etats membres ou les organisations ou structures régionales ». L’article 6 précise que « les parties conviennent expressément que cette Force chargée de la mise en œuvre pourra être constituée d’unités militaires de terre, d’air et de mer provenant des Etats membres de l’OTAN et d’autres Etats non-membres de l’OTAN, afin de faciliter le contrôle du respect des dispositions de la présente annexe ».
[94] International Herald Tribune, 29/01/00.
[95] http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/unmik/mandate.shtml
[96] Valérie Peclow, Georges Berghezan et Bernard Adam, « bilan de la guerre du Kosovo, le résultat des frappes – la fin du conflit la reconstruction – la situation en Serbie-Monténégro ».
[97] Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo.
[98] Voir à ce sujet Pierre M. Martin, « Une opération de déminage potentiellement explosive : l’avis de la Cour internationale de justice sur la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo », Recueil Dalloz 2010 p. 2658.
[99] V. C. pr. pén. du Kosovo, art. 279 et s.
[100] Maria Giuliana Civinini, magistrate italienne, est présidente de l’Assemblée des juges Eulex depuis avril 2008.
[101] Rapport annuel Eulex sur les activités exécutives 2009 http : //www.eulex-kosovo.eu
[102] Dans les municipalités de Leposavic, Zvecan et Zubin Potok ainsi qu’à Mitrovica, au nord de la rivière Ibar.
[103] Trente-sept juges Eulex sont déployés dans cinq tribunaux de district du Kosovo : Pristina, Peja, Prizren, Gjilan, Mitrovica et auprès de la Cour suprême.
[104] Le 14 mars 2008, le personnel serbe de la cour de Mitrovica qui travaillait dans la cour avant la déclaration d’indépendance s’est barricadé dans les locaux du tribunal afin de s’opposer à la décision de Pristina. La Minuk s’opposant à de telles pratiques a délogé les occupants qui ont été arrêtés et emmenés à Pristina. La population a réagi contre l’action de Minuk provoquant des émeutes, un policier des forces spéciales ukrainiennes est décédé lors des affrontements et la cour a été mise à sac. Les locaux du tribunal de Mitrovica ont été saccagés et furent inutilisables pendant un an avant d’être nettoyés par les autorités judiciaires locales (sous la direction du Kosovo judicial council : KJC, équivalemment du CSM français) sous la supervision d’Eulex.
[105] V. déc. CIJ, 22 juill. 2010, relative à la légalité de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo au regard du droit international.
[106] V. le rapport no S/2010/401, 29 juill. 2010, du secrétaire général sur la mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (Minuk) (p. 4, pt 15).
[107] PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 1889/2006, 20 déc. 2006 : Journal Officiel de l’union européenne 29 Décembre 2006.
[108] art. 1er, § 1 de la position commune 2003/444/PESC du Conseil, 16 juin 2003 concernant la Cour pénale internationale : Journal Officiel de l’union européenne 18 Juin 2003.
[109] (Journal Officiel de l’union européenne 22 Juin 2002)
[110] Déc. 2002/494/JAI du Conseil, 13 juin 2002 mettant en place un réseau européen de points de contacts à l’encontre des personnes responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre : Journal Officiel de l’union européenne 26 Juin 2002. – déc.-cadre 2002/584/JAI du Conseil, 13 juin 2002 sur le mandat d’arrêt européen et des procédures de mise en oeuvre entre les États membres : Journal Officiel de l’union européenne 18 Juillet 2002. – déc. 2003/335/JAI, 8 mai 2003 concernant l’enquête et les poursuites en cas de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre : Journal Officiel de l’union européenne 14 Mai 2003
[111] Bull. UE 4-2008, pt. 1.27.11.
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