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L’Allergologie en France : De la Sous-estimation à la Reconnaissance, Enjeux et Stratégies pour une Meilleure Prise en Charge

Problématique : Dans un contexte d’inadéquation de l’offre en allergologue face à une demande en croissance, quelles en sont les stratégies des acteurs de l’offre de soin, et quels devraient être les apports de la reconnaissance de l’allergologie comme spécialité selon la récente réforme dans ce domaine ?

 

Plan

Introduction

Partie 1. Les allergologues et la pratique allergologique en France

1.1. L’allergologie en France

1.1.1. La pratique allergologique

1.1.2. Contexte et besoins

1.1.3. L’offre de soin en allergologie

1.2. Les allergologues

1.2.1. La formation des allergologues

1.2.1.1. En France

1.2.1.2. L’allergologie en Europe

1.2.2. Pertinence du métier

1.2.3. Les enjeux de la spécialisation dans ce domaine

Partie 2. Etude empirique

2.1. Cadre méthodologique

2.1.1. Contexte et rappel de la problématique de l’étude

2.1.2. Collecte des informations empiriques

2.1.3. Les personnes interviewées

2.1.4. Limites de la méthodologie adoptée

2.2. Analyse des résultats (des investigations)

2.2.1. Problèmes rencontrés par les allergologues

2.2.2. Stratégies et moyens

2.2.3. Apports de la dernière réforme

2.3. Recommandations

2.3.1. Un parcours de soin structuré

2.3.2. Augmentation du nombre de postes d’internes en allergologie

2.3.3. Accès au soin facilité pour les patients

2.3.4. Intégration de l’allergologie dans les formations médicales et des professionnels de santé

2.3.5. Education thérapeutique

2.3.6. Stimulation de la recherche en Allergologie

Conclusion

Bibliographie

 

Introduction

 

Lorsqu’il est question de discuter des maladies allergiques, la tendance est généralement la sous-estimation des problèmes sous-jacents à celles-ci en les considérant comme bénins. Pourtant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) classifie l’allergie en tant que maladie chronique pouvant toucher toute la population à partir d’un âge très avancé, au même titre que certaines pathologies redoutées telles que le diabète. En fait, l’allergie vient d’une réaction immunitaire excessive et inappropriée de l’organisme contre l’intrusion des allergènes. Or, ces substances sont généralement présentes dans l’environnement, et si la majorité de la population les « tolère », ce n’est pas le cas pour les personnes qui en sont allergiques.

 

Il faut reconnaitre que ces informations n’apparaissent plus « nouvelles » pour la population française ces derniers temps. En effet, jusqu’à la réforme de l’étude médicale accordant à l’Allergologie le statut de discipline universitaire à part entière, en 2016, des vagues de mouvements revendicatifs ont largement communiqué sur l’importance du diagnostic et de la prise en charge précoce des problèmes d’allergie, sinon, les pathologies correspondantes risquent de s’aggraver au fil du temps. Le cas des asthmes illustre bien ces propos car 50% à 80% de ceux-ci sont d’origine allergique (Wallaert & Birnbaum, 2014). Ces mouvements de revendication viennent alors réveiller la France afin de prendre conscience des enjeux de l’allergie, et à travers cette dernière, de l’Allergologie.

 

Désormais, l’Allergologie peut être définie comme la spécialité de la médecine qui se focalise sur l’étude de l’allergie et ses traitements. En fait, cette réforme est un évènement exceptionnel en France car, si le concept « d’allergologie » a toujours existé longtemps dans les formations en étude médicale, cette « spécialité » n’a été reconnue comme telle véritablement qu’en 2016. C’est une situation exceptionnelle car de très nombreux pays, notamment en Europe, devancent de loin la France sur ce point. Il est possible ainsi de parler de « rattrapage » (ou peut-être, un « grand départ »).

 

Selon les principaux acteurs de ces mouvements de revendication, la maladie allergique est étonnamment sous-estimée, non seulement par les patients, mais aussi (et de manière récurrente) par le système de santé français. Il en résulte que la profession d’allergologue devienne « invisible » : une bonne part de la population française se demanderait probablement à quoi sert de recourir à un « spécialiste » (de l’allergie) pour de telles pathologies bénignes. L’on s’interroge alors sur les rôles que jouent (ou que devraient jouer) les médecins (généralistes, certainement) qui reçoivent les patients allergiques en premier recours : sont-ils suffisamment informés du parcours de soin optimal menant vers un allergologue pour ces patients ? Est-ce que ces médecins « orientent » ces patients vers les allergologues ou sont-ils amenés à improviser avec leurs connaissances et leurs compétences (en tant que médecins généralistes) ? Les allergologues sont-ils « faciles à consulter » en France, étant donné les différents facteurs qui peuvent les rendre « invisibles » ? Quels sont les enjeux de ce contexte assez complexe sur l’exercice du métier d’allergologue ?

 

Il faut reconnaitre qu’il est encore trop tôt pour faire un suivi-évaluation de cette réforme de 2016. Néanmoins, il convient de se questionner sur les points de vue des professionnels de terrain de l’allergologie quant aux tenants et aboutissants de cette réforme sur leur métier, sur les éventuelles évolutions qu’ils en espèrent, sur l’implication de cette reconnaissance acquise de l’Allergologie vis-à-vis des problèmes auxquels font face quotidiennement ces médecins spécialistes de l’allergie. Tout cela rend alors pertinente la problématique de la présente recherche qui s’énonce comme suit : « Dans un contexte d’inadéquation de l’offre en allergologue face à une demande en croissance, quelles en sont les stratégies des acteurs de l’offre de soin, et quels devraient être les apports de la reconnaissance de l’allergologie comme spécialité selon la récente réforme dans ce domaine ? »

 

Pour répondre à cette question centrale, il y a lieu de procéder en deux étapes :

 

  • Dans un premier temps, il convient de définir le cadre théorique de l’étude en appréhendant les concepts centraux que sont « l’allergologie » et « l’allergologue ». Le contexte français est à considérer en particulier.

 

  • Dans un deuxième temps, l’étude se focalise sur les informations empiriques à travers celles délivrées par les allergologues eux-mêmes.

  • Les allergologues et la pratique allergologique en France

 

Dans cette première partie, il est question d’appréhender les deux concepts centraux de la présente étude, à savoir : « l’allergologie » et « l’allergologue » en France.

 

  1. L’allergologie en France

 

Cette première section est consacrée à l’appréhension, d’une part de la pratique allergologique et, d’autre part de l’environnement de l’offre et des besoins de soin en allergologie, de sorte à mettre en avant la situation en France (notamment comparativement au contexte mondial). Le positionnement de l’allergologie en France sera également appréhendé par rapport aux autres disciplines médicales.

  • La pratique allergologique

 

« L’allergologie est la spécialité de la médecine qui étudie l’allergie et ses traitements […] Elle prend ainsi en charge les maladies provoquées par une réponse spécifiquement différente de l’organisme à son environnement » (Le Figaro, 2016). La naissance de l’allergologie en France est située au début du XXème siècle lorsque Charles Richet et Paul Portier publient, le 15 février 1902, un article princeps sur « l’action anaphylactique de certains venins » (c’est-à-dire action propre à l’allergie violente provoquée par un allergène, celui-ci étant des venins) dans le Bulletin de la Société de Biologie (Dumur, 2007). Un siècle plus tard, cette discipline « transversale » couvre tous les champs associés à la pathologie allergique, à savoir (Demoly, Bossé, & al., 2011) :

 

  • Les allergies respiratoires qui touchent en moyenne le quart de la population (française) en générale, et concernent notamment la rhinite et l’asthme ;

 

  • Les allergies alimentaires, parfois chez l’adulte, mais essentiellement pédiatriques

 

  • Les allergies cutanées, dont la dermatite atopique (qui atteint surtout les enfants), les dermatites de contact ou professionnelles ou comportementales, les urticaires et angio-œdèmes ;

 

  • Les allergies médicamenteuses, dont les chocs anaphylactiques sont potentiellement mortels (comme ceux des allergies alimentaires) ;

 

  • Les allergies aux venins d’hyménoptère (abeille, guêpe) qui concernent 1% à 3% des Français.

 

Le livre blanc de l’allergologie, édité par l’Organisation mondiale de l’allergologie (WAO), donne une liste plus exhaustive et détaillée de ces différentes allergies. La nomenclature (révisée) émanant de l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI), mise à jour par l’Organisation mondiale d’allergologie, fait la distinction entre :

 

  • L’hypersensibilité (pouvant être « allergique » ou non) qui « correspond à toutes sortes de réactions inattendues de la peau et des muqueuses » (Raffard & Partouche, 2008, p. 2). Elle génère des symptômes objectifs, provoqués par une exposition à un stimulus défini et toléré par des individus considérés comme « normaux ».

 

  • « L’allergie est une réaction d’hypersensibilité initiée par des mécanismes immunologiques » (ibid.). L’allergie peut être à médiation cellulaire ou humorale.

 

  • « L’atopie est une tendance personnelle ou familiale à produire des anticorps IgE, en réponse à de faibles doses d’allergènes, généralement des protéines, et à développer des symptômes typiques comme l’asthme, la rhino-conjonctivite ou l’eczéma » (ibid.).

 

Dans le cadre de la pratique allergologique, ces différentes pathologies allergiques ont trois composantes communes (Demoly, Bossé, & al., 2011) :

 

  • D’abord, un terrain, c’est-à-dire l’aptitude du sujet à se sensibiliser qui est avant tout d’origine génétique ;

 

  • Ensuite, des facteurs causaux d’environnement (les allergènes : des antigènes responsables d’allergies) ainsi que des facteurs favorisants (comme les polluants, les virus, le tabac, etc.) ;

 

  • Enfin, des expressions cliniques, c’est-à-dire les « phénotypes » de grande variété, voire dans le cadre d’un même syndrome. Bien que l’expression clinique apparaisse mineure, l’altération de la qualité de vie du patient pourrait en être fortement affectée négativement. Certains cas (plus rares, tels que l’asthme aigu grave ou les chocs anaphylactiques dus à des allergies alimentaires ou médicamenteuses), pourrait même mettre en cause le pronostic vital lorsque le patient se trouve dans une situation d’urgence médicale absolue (par exemple : pour l’Asthme dont la prévalence en France est de 10 chez les Français de 10 ans et plus, un millier de décès ont été survenus, en se basant du chiffre de 2006 (Delmas & Fuhrman, 2010)).

 

Désormais, la transversalité de la pratique allergologique s’explique par le fait que cette discipline touche l’ensemble de l’organisme humain, s’efforçant de gérer la relation de l’homme avec son environnement qui ne lui est pas toujours favorable. Cela donne déjà une idée sur la place importante que devrait occuper cette discipline dans le monde médical, et ainsi dans la vie des patients souffrants de problèmes d’allergie. Pour mieux encore apprécier ce positionnement de l’allergologie, il importe d’appréhender l’environnement de demande (les besoins) et de l’offre de soin dans ce domaine.

  • Contexte et besoins

 

Selon l’Organisation mondiale d’allergologie, « l’allergie est un mal commun, affectant plus de 20% des populations des pays les plus développés » (Kaliner & Giacco, 2013). Cette proportion a été estimée à 25% en 2004 pour le cas de la France (Plard & Fanello, 2008), puis en 2016, un-tiers de la population française souffre d’un problème d’allergie, montrant que le phénomène est en constante évolution, probablement sous l’effet du changement des modes de vie ainsi que de la pollution (SYFAL, 2016). En effet, la fréquence des allergies doublerait tous les 15 ans (Demoly, Bossé, & al., 2011), et « en 40 ans, la proportion de personnes allergiques a ainsi été multipliée par 5, touchant aujourd’hui près de 18 millions de Français » (SYFAL, 2016). Mais, les taux de prévalence diffèrent suivant les symptômes allergiques, et aussi d’un pays à un autre. Ainsi, en appréciant les trois pathologies allergiques qui affectent le plus la qualité de vie des patients (Demoly, Bossé, & al., 2011) :

 

  • « La RA [rhinite allergique] demeure un important problème de santé en raison de la forte prévalence de symptômes gênants qui nuisent à la qualité de vie des patients » (Bousquet & Scadding, 2008). Globalement (au niveau mondial, et selon les chiffres de l’Organisation mondiale d’allergologie, 2013), la rhinite allergique touche entre 10% et 30% des adultes, et plus de 40% des enfants. De plus, des études épidémiologiques montreraient que la prévalence en rhinite allergique ne cesse de croitre à l’échelle mondiale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que 400 millions de personnes dans le monde souffrait de cette pathologie, dont 300 millions des asthmatiques (Pawankar, Sánchez-Borges, & al., 2013). Ce taux de prévalence est compris entre 4% et 32% sur le continent européen selon l’European Community Respiratory Health Survey (autour de 21% chez les adultes européens, en moyenne, selon des études menées au début du XXIème siècle). En France, la prévalence de la rhinite allergique est estimée à 24.5% selon une grande enquête menée en 2004 (Bousquet & Scadding, 2008), mais cette prévalence varie avec les classes d’âges : entre 14% et 19% pour les adultes, 15% pour les adolescents, et entre 25% et 27% pour les enfants (Plard & Fanello, 2008).

  • Pour l’asthme, l’étude ISAAC III (International Study of Asthma and Allergies in Childhood), menée dans la première moitié des années 2000 auprès de 56 pays (Morales-Suarez-Varela, Llopis-González, & al., 2010), a révélé que 13.2% à 13.7% des enfants de 13-14 ans et 11.1% à 11.6% des enfants de 6-7 ans ont été atteints de cette pathologie (Holgate & Canonica, 2013). La même étude menée en France a révélé une prévalence de 6.7% à 9.3% pour les enfants, et 12.9% en moyenne pour les adolescents (Plard & Fanello, 2008).


  • Concernant l’eczéma atopique (ou dermatite atopique), la prévalence au niveau mondial est de 15% à 30% pour les enfants et entre 2% et 10% pour les adultes (Bieber & Leung, 2013). Pour le cas français, cette prévalence est de 16.3% chez les enfants (10% à 20%) et de 8.9 à 20.4% chez les adolescents (Plard & Fanello, 2008).

 

En ce qui concerne les trois types de pathologie engageant même le pronostic vital du patient (Demoly, Bossé, & al., 2011) :

 

  • Les allergies médicamenteuses : approximativement de 10% au niveau mondial, les médicaments étant parmi les trois premières causes de réactions anaphylactiques. Les allergies médicamenteuses sont responsables de 8% d’hospitalisation (Kowalski & Demoly, 2013). Ce type d’allergie concerne 7-8% de la population française, en général (essentiellement adulte), associé à des chocs anaphylactiques potentiellement mortels (Demoly, Bossé, & al., 2011).

 

  • Les allergies alimentaires : affectant environ 11 à 26 millions d’européens (soit environ 240 à 550 millions de personnes, si ces chiffres sont transposés à la population mondiale : près de 3.4% à 7.9%) (Fiocchi & Sampson, 2013). En France, les allergies alimentaires sont essentiellement pédiatriques : 4% à 8.5% des enfants âgés de moins de huit ans, et entre 2% et 4% pour l’ensemble de la population (Demoly, Bossé, & al., 2011).

 

  • Les allergies aux venins : généralement avec une prévalence de 2.4% à 26.4%, elles dépendent surtout du climat des pays considérés. En fait, si aux Etats-Unis, ce taux est compris entre 0.5% à 3.3%, il est de 0.3% à 7.5% en Europe (Jutel & Fukuda, 2013). La prévalence est comprise entre 1% et 3% pour la France, avec un taux de morbidité de 0.48 par million d’habitants par an (20 à 30 décès dus aux allergies aux venins annuellement) (Demoly, Bossé, & al., 2011).

 

Ces informations démontrent à quel point l’allergie constitue un ensemble de problèmes sanitaires majeurs. Confirmant ce constat, « l’observatoire de santé du Hainaut (Belgique) informe, dans son tableau de bord de la santé 2006, que les pathologies allergiques sont citées par les patients en première position des pathologies chroniques par les hommes (devant le mal de dos et l’hypertension artérielle) et en deuxième rang par les femmes (après la migraine et devant les douleurs ostéo-articulaires) » (Plard & Fanello, 2008, p. 483).

 

Contrairement à certaines idées reçues avançant que l’allergie n’est qu’un problème sanitaire bénin, les conséquences de celle-ci sont significatives, autant pour les sujets soumis à ce problème que pour la société au sein de laquelle ils vivent. En effet, « les allergies sont des maladies complexes, avec un potentiel évolutif, et peuvent être graves voire mortelles » (SYFAL, 2016). Ainsi (Vervloet & Muller, 2007) :

 

  • Les allergies peuvent être « invalidantes, chroniques, et parfois sévères » (Vervloet & Muller, 2007, p. 6). Par exemple, au niveau mondial : « L’asthme produit un fardeau important pour l’individu, la famille et la société en termes de maladie physique, de stress psychologique, de diminution de la productivité et du coût des soins. C’est la principale cause de l’absentéisme scolaire chez les enfants, qui contribue à environ 10 millions de jours scolaires manqués par an. En 2003, 10,1 millions de jours de travail ont été manqués en raison de l’asthme chez les adultes de 18 ans et plus » (Portnoy & Partridge, 2013, pp. 151-152). En fait, l’asthme insuffisamment contrôlé altère substantiellement la qualité de vie des malades et cela affecte significativement la productivité des travailleurs, la fréquentation scolaire (réduite de 4.1 jours), non seulement de ceux-ci mais également de leurs proches et aidants (réduction du jour de travail de ces derniers de 1.4 jours) (ibid., p. 152).

 

  • Elles pèsent conséquemment pour le système de soins. A titre d’exemple : « Les allergies représentent également un coût important pour la collectivité, estimé à 1,6 milliard d’euros pour la seule rhinite allergique » (SYFAL, 2016).

 

  • La qualité de vie des personnes souffrant des pathologies allergiques (notamment multiples) et non-prises en charge adéquatement par des spécialistes en la matière se trouve réduite et cela provoque parfois un handicap professionnel et social. Désormais, en l’absence de telle prise en charge, ces pathologies risquent de se multiplier et s’aggraver au fil du temps (par exemple : « La proportion d’asthmatiques qui souffrent de rhinite est de 80% et chez les rhinitiques la prévalence de l’asthme est le double de celle de la population générale » (Vervloet & Muller, 2007, p. 2)).

 

Il faut dire que le besoin de prise en charge pourrait être beaucoup plus important que la demande réelle, c’est-à-dire que ce ne sont pas tous ceux qui souffrent des pathologies allergiques qui sont conscients de leur état maladif et réagit en conséquence pour se rapprocher des spécialistes capables d’offrir les soins nécessaires. Ainsi, en France (2004), « une évaluation des patients ayant des symptômes cliniquement confirmés de RA [rhinite allergique] a montré que 43 % ne savaient pas qu’ils avaient une RA et 54 % n’avaient pas été diagnostiqués par leur médecin » (Bousquet & Scadding, 2008, p. 383). De plus, ce ne sont pas tous ceux qui sont conscients de leurs problèmes d’allergie qui décident de consulter un médecin : 29% n’ont jamais été consultés par un médecin et n’ont pas été diagnostiqué officiellement comme souffrant de la rhinite allergique (ibid.).

 

Vu à partir d’un autre plan, le problème de prise en charge se manifeste par une sorte de « banalisation » de l’état allergique du patient par lui-même d’un côté, et par l’insuffisance du contrôle réalisé par le médecin de l’état des patients d’un autre côté. En effet, d’une manière générale :

 

  • Les patients évaluent leurs états (allergiques) beaucoup moins bénins que ce que révèle l’évaluation faite par les médecins. A vrai dire, « les médecins avaient tendance à sous-estimer l’incidence de la RA [en prenant l’exemple de la rhinite allergique] sévère » (Bousquet & Scadding, 2008, p. 388). Cette tendance est essentiellement due à l’insuffisance d’un « dialogue plus objectif entre les patients et les médecins sur la nature, la sévérité et l’incidence des symptômes, ainsi que […] de l’optimisation du traitement pour une meilleure prise en charge thérapeutique » (ibid., p. 389).

 

  • A côté de cette « sous-évaluation » de la prévalence des pathologies allergiques par les médecins (essentiellement généralistes), les patients « surévaluent » également leurs problèmes sanitaires dans ce domaine.

 

Tout cela laisse planer un questionnement sur l’adéquation de l’offre de soin avec les réels besoins sur ce plan.

  • L’offre de soin en allergologie

 

Il faut d’abord comprendre que la pratique allergologique est une offre de soin de deuxième ligne, c’est-à-dire que les spécialistes en allergologie n’interviennent généralement que lorsque la médecine générale (ou les différentes spécialités de la médecine) n’arrive plus à résoudre les problèmes qui se manifeste devant elle. En d’autres termes, les allergologues sont censés s’occuper des cas difficiles ou longs, dépassant le champ de la médecine générale. Principalement, la prise en charge d’un patient souffrant d’un problème d’allergie, notamment pour les pathologies persistant toute la vie, a comme objectifs : le contrôle de la maladie, le contrôle de l’environnement, et la prise en charge pour une meilleure qualité de vie (du patient). Cela nécessite une étroite collaboration entre les allergologues et les autres disciplines médicales.

 

Mais, il faut reconnaitre deux grands problèmes relatifs à l’offre de soin pour faire face aux pathologies allergiques en France :

 

  • D’un côté, il y a un manque crucial d’allergologues. Désormais, la France compte un peu plus de 2 000 praticiens dans ce domaine, avec une répartition très inégale sur le territoire français. De plus, ce nombre a tendance à baisser au cours du temps, et si aucune mesure pour y remédier ne sera prise, il n’y aurait plus que 1 710 praticiens en 2020, soit un déficit de 816 (en faisant l’hypothèse que le nombre d’allergologue en 2002 est suffisant : un allergologue pour 25 266 habitants) (cf. Tableau 1 – Evolution du nombre d’allergologues en France). Cette baisse est essentiellement due par le nombre de départ à la retraite nettement plus élevé que le nombre d’entrée d’allergologues nouvellement formés (le pourcentage de départ à la retraite étant de 5% pour les 65 ans et augmente jusqu’à 100% au-delà de 71 ans). En fait, il s’avère que « la pyramide des âges de la population des allergologues est plus avancée que celle du reste de la démographie médicale […] Deux tiers ont plus de 50 ans (contre 49% pour les autres médecins) » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 67). Si le système de formation reste inchangé, c’est-à-dire que le nombre d’allergologues nouvellement formés (11 pour l’année 2008) est supposé constant jusqu’en 2020, on calcule l’évolution de la pyramide des âges de ces médecins (sans tenir compte des éventuels décès pouvant survenir), et l’on constate que leur âge moyen augmente de 52 ans en 2008 (correspondant à un effectif de 2 250 allergologues), 57 ans en 2015 (2 050 allergologues), et 59 ans en 2020 (1 710 allergologues) (cf. Figure 1 – Estimation de l’évolution de la pyramide des âges des allergologues en France).

 

Tableau 1 – Evolution du nombre d’allergologues en France

Année (*) Nombre d’allergologues Nombre d’habitants par médecin allergologue Déficit de praticiens
2002 2 355 25 266 Base (**)
2008 2 250 27 200 172
2009 2 200 28 140 250
2015 2 050 30 670 438
2020 1 710 37 323 816

Sources : Chiffres calculés sur la base des données de Demoly, Bossé, et al. (2011)

(*) Les chiffres de 2015 et de 2020 sont des estimations

(**) En faisant l’hypothèse que le nombre d’allergologue (2 355) est à la limite du suffisant en 2002, c’est-à-dire la densité « un allergologue pour 25 266 habitants », on calcule le nombre d’allergologue théorique nécessaire pour garder cette densité de base (pour chaque densité réelle des autres années), puis la différence entre ce nombre théorique et le nombre réel d’allergologue donne le déficit de praticiens.

 

Figure 1 – Estimation de l’évolution de la pyramide des âges des allergologues en France

Sources : Calculés sur la base des données de Demoly, Bossé, et al. (2011)

 

  • D’un autre côté, les allergologues en activité sont confrontés à des situations qui diminueraient probablement leur performance. En fait, la plupart des hôpitaux ne sont pas dotés de services propres à l’allergologie : « C’est l’énergie locale de quelques médecins qui permet à l’allergologie d’exister dans les structures hospitalières soit sous forme de consultations isolées, soit sous forme d’unités fonctionnelles dans les départements de pédiatrie, pneumologie, dermatologie et parfois de médecine interne ou d’immunologie » (Demoly, Bossé, & al., L’offre de soins en allergologie en 2011. Revue critique, 2011, p. 66). Désormais, il n’existe pas de praticien hospitalier en allergologie, et les praticiens hospitaliers des unités d’allergologie sont tous des spécialistes d’autres disciplines médicales. Il est également constaté que des actes techniques majeurs (à l’exemple des tests de provocation aux allergènes) ne sont pratiqués que rarement, en dépit de leur indispensabilité et leur validation. Cela constitue également un obstacle à la participation des chercheurs et praticiens aux essais thérapeutiques novateurs qui devraient contribuer à la recherche en allergologie.

 

Ainsi, en quelque sorte, il y a une sorte d’errance thérapeutique dans l’offre de soin en allergologie, c’est-à-dire que ceux qui souffrent de problèmes d’allergie ne bénéficie qu’une faible et relative indication sur la voie à suivre pour obtenir les soins nécessaires adéquates les plus rapidement possible. En effet, dans la majorité des cas, il n’y a pas vraiment de médecin référent pour traiter directement les maladies allergiques car les spécialistes en la matière n’existent pas forcément dans chaque unité de soin ; et même pour les patients ayant déjà des notions sur leurs problèmes en matière d’allergie, ils hésitent sur les médecins qu’il faut aborder.

 

Ce bref état des lieux des besoins et de l’offre de soin en allergologie montre à quel point il est nécessaire de trouver des solutions, et cela le plus rapidement possible mais aussi dans une perspective de long terme (c’est-à-dire des solutions qui amélioreront durablement les conditions ainsi constatées). En tout cas, ces solutions devraient concerner en premier lieu les allergologues : leur formation et leurs conditions de travail.

 

  1. Les allergologues

 

« L’allergologue est un médecin (généraliste ou spécialiste d’organe) qui a suivi une formation complémentaire spécifique en allergologie » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 65). Une des forces de l’allergologie de France, louées par les observateurs, est l’Union de tous les acteurs de cette discipline, et cela se manifeste notamment dans le soutien à toutes les revendications faites par les professionnels de ce domaine pour l’amélioration de leurs conditions de travail, par exemple. Un exemple d’actualité de telles revendications concerne la réforme des études médicales que les allergologues considèrent comme une lésion faite à la discipline « allergologie » et menace la profession.

 

Avant d’étudier les enjeux de la spécialisation en allergologie (dans cette réforme) en France, un élément central des revendications des professionnels de cette discipline, il importe d’abord de faire une analyse descriptive au sujet de la formation des allergologues.

  • La formation des allergologues

 

Avant de se pencher sur la pertinence du métier d’allergologue, il convient d’abord de comprendre les contextes de la formation en allergologie, plus particulièrement en France et en Europe.

  • En France

 

L’Organisation mondiale de l’allergie (WAO) a publié un texte de référence définissant le médecin allergologue, en 2008. Selon ce référentiel de la formation en allergologie, les études dans cette discipline doivent comporter un stage clinique de spécialité dans divers domaines (allergologie, médecine interne, spécialités médicales) dont le fondamental est celui de l’immunologie clinique. La durée de ces stages cliniques est de deux à trois ans, selon les pays : transposée en France, cette durée est fixée à deux ans. A l’issue de cette formation, celle-ci est sanctionnée par un diplôme d’allergologie et d’immunologie clinique. Pour le cas français, en référence à l’année de publication de ce référentiel du WAO (en faisant encore abstraction à la réforme des études médicales de 2016), deux voies sont possible pour l’obtention d’un diplôme dans cette discipline (Rancé, Didier, & Lara, 2008) :

 

  • La Capacité nationale d’Allergologie qui est ouvert à tout médecin diplômé (qu’il soit généraliste, spécialiste d’organe, pédiatre ou interniste). Ce cursus intègre deux années de formation. La Capacité d’Allergologie a existé depuis une trentaine d’années et forme « une cinquantaine d’étudiants, pour la plupart généralistes ou médecins à diplôme étranger » (Lebranchu & al., 2016, p. 2). Plus précisément, « la Capacité nationale d’allergologie, forme dans 17 universités 70–80 médecins par an […] dont 20–30 obtiendront le diplôme, français et étrangers dont la moitié retournera dans son pays d’origine : il y a donc en moyenne une dizaine de médecins allergologues formés par an, dont certains déjà spécialistes, parfois même déjà installés » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 65).

 

  • Le Diplôme d’Enseignement Spécialisé Complémentaire (DESC) d’allergologie et d’immunologie clinique, réservé aux étudiants déjà inscrits dans un Diplôme d’Enseignement Spécialisé (DES). Mis en place en 2000 suivant un principe de parité entre des enseignants à la capacité d’allergologie regroupés en collège et des enseignants d’immunologie, c’est un DESC de type II, c’est-à-dire non-qualifiant (désormais, ce diplôme a été institué avant même la création du DES de médecine générale). Cette parité des enseignants définit les grandes lignes de la formation théorique et les critères en ce qui concerne l’accréditation des services pouvant valider l’allergologie ; cette parité constitue également les comités pédagogiques validant les formations théoriques et pratiques dans ce domaine. En principe, une trentaine d’étudiants devraient valider ce DESC, dont la moitié en Allergologie, le reste en Immunologie Clinique ; selon  Demoly, Bossé, & al. (2011), « ce diplôme […] forme probablement moins de dix allergologues par an » (p. 65). Certes, la création de ce diplôme est un élément de reconnaissance de l’allergologie, mais, « comme pour beaucoup de DESC la nécessité d’avoir deux choix validants effectués en post internat impose en pratique pour beaucoup de DES d’être Chef de Clinique – Assistant des hôpitaux dans un service validant » (Vervloet & Muller, 2007, p. 4).

 

Historiquement, en France, et en considérant la période antérieure à la réforme des études médicales de 2016 en ce qui concerne la formation en Allergologie, il y a lieu de considérer deux situations différentes avant et après l’année 2006. Ainsi, avant 2006, le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) était habilité pour qualifier les médecins en allergologie qui exerçaient en libéral. Dans cette période, les médecins allergologues pouvaient pratiquer cette spécialité de façon exclusive (ce ne sont pas des spécialistes) ou bien dans le cadre d’une spécialité d’organe (l’exercice de l’allergologie est alors limité à leur spécialité d’origine, dont la médecine interne, la dermatologie, l’ORL, l’ophtalmologie, la pneumologie et la pédiatrie). Après 2006, le processus de qualification est devenu beaucoup plus compliqué avec « la création de la spécialité de médecine générale et la suppression de la commission de qualification du CNOM » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 65). Il en résulte au moins deux conséquences : d’une part, une « incohérence » entre les médecins généralistes en allergologie anciennement et nouvellement formés : les nouveaux spécialistes en médecine générale n’ont plus la compétence d’exercer en tant qu’allergologues exclusifs. D’autre part, les médecins généralistes allergologues peuvent continuer à exercer l’allergologie de manière exclusive, sans toutefois pouvoir prétendre à la spécialité de médecine générale.

 

En matière d’enseignement, le référentiel de la WAO (Rancé, Didier, & Lara, 2008) insiste que l’amélioration de la formation des médecins susceptibles de prendre en charge les cas des patients souffrant d’allergie est fondamental. Ce référentiel précise alors : « Les médecins allergologues doivent être capables de traiter les maladies allergiques les plus complexes et non prises en charge par les systèmes de soins non spécialisés. Le médecin allergologue a la connaissance pour identifier et traiter une maladie allergique, éventuellement avec une expertise immunologique. Cette approche pour le diagnostic et le traitement est la spécificité du médecin allergologue » (pp. 561-562).

 

Tableau 2 – Structure de l’Immunologie Clinique et de l’Allergologie avant la réforme de 2016

IMMUNOLOGIE CLINIQUE ALLERGOLOGIE
Discipline universitaire mixte Pas de discipline universitaire
Existence d’un Conseil National des Université (CNU), sous-section Immunologie Il n’y a pas de CNU Allergologie
Existence d’un DES (biologie) et d’un DESC (AIC) Existence d’un DESC et d’une Capacité
En termes de Métier :

  • A l’hôpital
  • Biologie
  • Quelques structures d’Immunologie Clinique, en général à forte polarité (hématologie, néphrologie, dermatologie, etc.)
  • Rien « en ville »
En termes de Métier = Clinique

  •  Attaché à une spécialité « d’organe »
  • Ou « polyvalent »
En termes de Besoin

  • Irriguer les autres spécialités
  • Centres H-U, en petit nombre
En termes de Besoin

  • Besoin de santé +++
  • En ville et à l’hôpital
  • Allergologie « d’organe »
  • Allergologie polyvalente généraliste

Source : Pr Benoit Schlemmer – ANM 2016

 

Devant un constat de croissance des besoins de soin des problèmes d’allergie (surtout chez l’enfant) d’une part, et un projet de réforme qui, en toute logique, tend à réduire le nombre de praticiens devant prendre en charge les patients allergiques d’autre part, les acteurs de l’offre de soin dans ce domaine se sont mobilisés. De plus, l’inexistence de l’allergologie universitaire, l’inexistence de véritable professeur d’allergologie, l’obstacle à la recherche en allergologie du fait de la rareté des pratiques des actes techniques importants (dont les tests de provocation aux allergènes), etc. (Demoly, Bossé, & al., 2011) ont amenés ces acteurs à vouloir revendiquer la « reconnaissance des allergologues dans le parcours de soins » (Dumur, 2007, p. S14). Parmi les principaux éléments de leurs revendications figurent : la « reconnaissance urgente de l’allergologie comme discipline spécialisée transversale avec comme corollaire, un statut de consultant spécialiste pour l’allergologue dans le parcours de soins [ainsi qu’une] amélioration significative de la formation en allergologie des généralistes au cours des études médicales, leur permettant de se sensibiliser très tôt ~ cette pathologie fréquente mais aussi de dépister et de suivre les maladies allergiques courantes et de traiter les patients non complexes ». (Dumur, 2007, p. S14) (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 72).

 

Dans le cadre de ces revendications, les groupements des professionnels en allergologie et les groupements des enseignants en Allergologie et en Immunologie ont proposé un projet de DES d’Immunologie Clinique et d’Allergologie. Désormais, ce DES devrait mettre un accent sur un équilibre à considérer entre, d’une part les connaissances en immunologie et, d’autre part, celles pour la prise en charge des maladies allergiques (et/ou immunologiques non-allergiques). Mais, ce projet n’a pas eu la ratification du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

 

En somme, en France, il est clair que l’Allergologie et/ou l’Immunologie Clinique et Allergologie est une surspécialité couplée à la médecine interne ou la pédiatrie, mais aussi à des spécialités d’organe (avec le DESC). C’est aussi le cas pour d’autres pays européens, dont l’Allemagne. Néanmoins, la situation n’est pas homogène à l’échelle internationale, voire pour l’ensemble des pays européens.

  • L’allergologie en Europe

 

Un des moteurs des mouvements de revendications menés et soutenus par les professionnels et les groupements professionnels de l’allergologie de France serait sans doute la constatation des réalités dans d’autres pays, européens et autres. En effet, en Italie, Portugal, Grèce et Suisse, l’Allergologie et/ou la double discipline Immunologie Clinique et Allergologie constitue une spécialité à part entière (il y aurait une quinzaine de pays européens qui reconnaissaient déjà l’Allergologie – souvent associée à l’Immunologie Clinique – comme une spécialité à part entière avant la réforme des études médicales de 2016 en France). Outre-Atlantique, il s’agit plutôt d’une « surspécialité » en couple avec la pédiatrie ou encore la médecine interne (Vervloet & Muller, 2007).

 

Désormais, la WAO déplore la faiblesse des dispositifs de formation en médecine dans certains pays qui ne reconnait même pas d’Allergologie ou d’Allergologie et Immunologie Clinique. La France faisait partie de ces pays ainsi pointés du doigt (par la WAO), avant cette réforme de 2016. Il faut mentionner que l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI) s’est battue pour obtenir l’attention des institutions européennes (et ainsi de chacun des pays membres de l’Union Européenne) sur l’ampleur des problèmes d’allergie dont souffre 150 millions d’Européens, en 2014 (avec une estimation de 100 millions d’Européens de plus dans la prochaine décennie). Selon l’EAACI, « les études sur les allergies demeurent un besoin important en Europe, et il est nécessaire de disposer d’une éducation standard de haut niveau et d’une pratique commune de la spécialité afin de permettre aux patients et aux professionnels de pouvoir circuler librement dans les pays de l’UE » (Papadopoulos, 2014).

 

Il est possible alors de dire que l’intégration de la reconnaissance de l’Allergologie (et l’Immunologie Clinique) comme spécialité dans la réforme des études médicales est le résultat, non seulement des mouvements menés par les professionnels de cette discipline en France, mais également des soutiens qu’ont apporté les grandes institutions dans ce domaine au niveau international, surtout européen. Cette réforme (sur le domaine de l’Allergologie, plus spécifiquement) peut être ainsi considérée comme une marche vers cette standardisation de la formation pour la spécialité Allergologie, d’abord en Europe, puis sur une échelle géographique plus vaste encore. C’est aussi, en quelque sorte, une reconnaissance accordée à la pertinence du métier d’allergologue.

  • Pertinence du métier

 

Désormais, « il se confirme que le médecin généraliste est un intervenant central dans la prise en charge des patients souffrant d’allergie » (Plard & Fanello, 2008, p. 484) en France. En effet, les motifs de consultation médicale d’ordre allergique concernent 1.5% à 8% des consultations chez les médecins généralistes (4.14% pour la rhinite, 2.72% pour la dermatose, 2.56% pour l’asthme, 2.34% pour l’eczéma, et 1.74% pour la conjonctivite) (Plard & Fanello, 2008).

 

En fait (comme déjà mentionné dans la section précédente), la position des médecins généralistes leur confère la qualité du premier recours pour la prise en charge des patients souffrant de problèmes d’allergie. Ce que ceux-ci doivent réaliser dans ce sens sont, généralement, « le diagnostic sur l’interrogatoire, la recherche d’antécédents et l’examen clinique [… mais ils peuvent aussi] s’aider d’examens complémentaires de dépistage de laboratoire, [… voire] établir un diagnostic et prescrire un traitement simple symptomatique » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 70). Mais, ces médecins généralistes doivent être conscients de leur limite d’intervention, et savoir à quel degré du problème ils sont tenus de passer les patients aux allergologues (exclusifs ou spécialistes d’organe). En effet, il faut savoir que « la maladie allergique a un caractère de gravité et/ou que les traitements symptomatiques ne sont pas suffisants à son contrôle » (ibid., p. 71).

 

Dans cet ordre d’idées, les allergologues exclusifs se place en deuxième recours (donc après les médecins généralistes). Leur sont donc confiés des pathologies allergiques plus complexes ou plus sévères. Ainsi, ces allergologues exclusifs assument un triple rôle complémentaire : d’abord, le diagnostic sur la base de l’interrogatoire, les tests cutanés d’allergie, l’examen clinique, des examens complémentaires, et éventuellement des tests de provocation. Ensuite, selon le diagnostic final, il va prescrire un traitement médicamenteux, un régime alimentaire, des conseils d’éviction, et une immunothérapie spécifique. C’est aussi son devoir de faire l’éducation thérapeutique des sujets malades et de leurs entourages, de déclarer les maladies professionnelles, et de suivre les traitements et l’évolution de la maladie. A préciser que les allergologues exclusifs doivent être capables de traiter toutes les formes de pathologies allergiques, quels que soient leur complexité et l’organe touché (Demoly, Bossé, & al., 2011).

 

Quant au troisième recours, celui-ci est désormais assuré par les allergologues hospitaliers. Ceux-ci sont alors investis de trois grandes missions (Demoly, Bossé, & al., 2011) :

 

  • Sur le domaine de l’enseignement, ces allergologues hospitaliers assurent la formation des futurs allergologues dans leurs unités respectives. Celle-ci concerne les démarches diagnostiques et thérapeutiques ainsi que les actes techniques. Ce sont les  allergologues hospitaliers qui, en plus d’être responsables locaux de la formation théorique et des examens, coordonnent l’enseignement pratique ;

 

  • Au niveau du soin, ils explorent les patients difficiles/sévères dont les tests (de provocation) sont généralement dangereux. Ces allergologues participent également, en consultation, au suivi des patients à problèmes sévères (tels que l’asthme difficile, les allergies alimentaires multiples, etc.) et les patients des écoles thérapeutiques en collaboration avec des médecins généralistes et des allergologues ;

 

  • Sur le plan de la recherche, ils contribuent aux grandes recherches locales/multicentriques ainsi qu’aux études fondamentales, épidémiologiques et cliniques. « Ils favorisent les études translationnelles (explorations génétiques des cohortes de patients allergiques sévères notamment pour la recherche de cibles thérapeutiques) dans le cadre de réseau de compétence avec divers organisme de recherche » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 71).

 

De leur côté, l’allergologue spécialiste d’organe se focalise essentiellement sur sa spécialité et, au besoin (en présence de cas d’allergie), à l’allergologie. « Ainsi, il combinera bilan allergologique standard et actes spécifiques propres à sa spécialité » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 71). De ce fait, il se positionne au niveau d’une équipe pluridisciplinaire focalisée sur les problèmes d’allergie sévère et complexe en complément de l’expertise de l’allergologue exclusif. « Cette richesse est déjà appliquée aujourd’hui et illustrée au sein des staffs multidisciplinaires allergologiques de certains hôpitaux et cabinets de spécialistes de ville réunissant pneumologues et pneumo-allergologues ou dermatologues et dermato-allergologues… » (Ibid., p. 72).

 

En général, au regard des situations qui ne sont plus du ressort des autres disciplines médicales (médecine généraliste, pédiatrie généraliste, et spécialité d’organe non-allergologue), l’allergologue dispose des compétences suivantes : la prise en charge des patients allergiques et l’environnement qu’ils ne tolèrent pas, la recherche des agents responsables des agressions de l’organisme, la mise en relation des symptômes et l’environnement, la proposition de traitements symptomatiques et/ou curatifs, la prévention des maladies allergiques, l’éducation des patients et leur entourage sur les maladies et l’environnement. En fait, plus particulièrement pour la prise en charge du patient dans son environnement, les rôles de l’allergologue sont accentués dans les trois phases de cette prise en charge :

 

  • En phase diagnostique, il mène l’interrogatoire médical classique suivi de tests orientés nécessairement pour mettre en évidence les causes de la pathologie allergique ;

 

  • En phase stratégique, il assure le traitement au mieux de la maladie allergique et la limitation de son évolution par des mesures appropriées (conseils d’éviction des allergènes, conseils environnementaux, mesures diététiques, traitements médicamenteux. Il apporte aussi son aide dans la déclaration des pathologies professionnelles.

 

  • En phase éducative, il est responsable de l’enseignement des mesures préventives en vue de l’amélioration des conditions de traitement et de la qualité de vie du patient.

 

Enfin, il faut également mentionner le rôle essentiel de l’allergologue en santé publique, et celui-ci se manifeste « dans la surveillance (1) de l’évolution de la prévalence des allergènes, (2) de l’apparition de nouveaux allergènes, (3) de l’évolution du mode de vie et de l’environnement (nutrition, polluants intérieurs et extérieurs, virus comme facteurs d’aggravation de la maladie allergique), (4) de l’utilisation optimale des médicaments et des mesures de prévention visant à contrôler le patient, améliorer sa qualité de vie mais aussi réduire les dépenses liées à des exacerbations évitables » (Demoly, Bossé, & al., 2011, p. 70).

 

Tout cela démontre à quel point est important la profession d’allergologue, donnant des idées sur les impacts négatifs possibles de la réduction du nombre des praticiens dans ce domaine. Cela montre ainsi, en partie, la pertinence des revendications de ces derniers, notamment en ce qui concerne la spécialisation en Allergologie (et Immunologie Clinique), sur le plan de la formation.

  • Les enjeux de la spécialisation dans ce domaine

 

En considérant le contexte antérieur à la révision de la réforme des études médicales en France, en décembre 2016, les propos de la présidente du Syndicat français des allergologues (Syfal), le Docteur Isabelle Bossé, sont révélateurs du paradoxe ayant existé entre la hausse (en termes de prévalence et d’intensité) des pathologies allergiques d’une part, et la réduction potentielle du nombre de praticiens dans le pays d’autre part : « il serait totalement paradoxal qu’aux lendemains de la COP21 et de la mobilisation qu’elle a engendrée, la santé environnementale ne constitue pas une priorité. Les réformes en cours des études médicales pourraient engendrer la disparition des médecins allergologues et ainsi mettre en danger les patients allergiques, chaque jour plus nombreux. Nous souhaitons que le gouvernement intervienne pour renforcer l’allergologie et permettre ainsi une prise en charge de qualité des patients allergiques » (SYFAL, 2016).

 

En fait, comme l’a fait remarquer Dumur (2007), la France dispose d’un « accès généralisé aux soins spécialisés, un maillage pour l’instant suffisant et diversifié des consultations hospitalières ou libérales et des traitements efficaces et remboursés » (p. 813). Mais, paradoxalement, l’allergologie constituait (en faisant toujours abstraction à la période avant décembre 2016) une exception à ce contexte car n’était pas encore reconnue comme discipline spécialisée, une situation déplorée également par le WAO qui appelle notamment à l’amélioration de la formation sur cette discipline médicale (Rancé, Didier, & Lara, 2008). Cette situation ne pourrait que conduire à la quasi-disparition des allergologues sur le territoire français au fil du temps : en effet, 1% seulement de ceux-ci ont moins de 35 ans (5% moins de 44 ans en 2020), ce qui se chiffre à un besoin de 80 et 90 nouveaux allergologues annuellement, ce que le système de formation (avant la réforme de décembre 2016) ne permettait pas (Demoly, Bossé, & al., 2011). Désormais, la réforme des formations médicales (du troisième cycle) instituée en 2015 ne motive pas les étudiants à devenir allergologue (ceux-ci faisant la comparaison du poids du DESC ou de la Capacité en Allergologie avec celui du DES d’autres disciplines médicales, surtout qu’une quinzaine de pays européens accorde ce DES pour l’Allergologie).

 

Par ailleurs, il semble y avoir une considération relativement faible des problèmes d’allergie de la part des médecins généralistes qui se trouvent en première ligne pour prendre en charge les patients allergiques. Certes, il y a une certaine surestimation des allergènes par ces patients, mais également une sous-estimation par ces médecins de la gravité des problèmes, une situation non-concordante qui devrait être au moins réduite significativement s’il y a assez de praticiens allergologues pour diagnostiquer et traiter ces problèmes (Plard & Fanello, 2008). En effet, Plard et Fanello (2008) en conclu que « cette concordance imparfaite [surestimation et sous-estimation] amène […] à la remarque suivante : il pourrait sans doute s’avérer bénéfique que le médecin approfondisse l’interrogatoire contextuel (environnement, facteurs déclenchants. . .) lors de la prise en charge de son patient allergique. Cela pourrait permettre d’identifier avec plus de précisions, avec la collaboration du patient, les circonstances déclenchantes au quotidien, importantes dans la prise en charge thérapeutique. Un meilleur dialogue pourrait enfin peut-être éviter certaines surévaluations allergéniques » (pp. 485-486).

 

Aussi, il faut reconnaitre le fait de laisser les médecins généralistes se débrouiller pour prendre en charge tous les patients allergiques (sans que ces professionnels n’aient la possibilité de transférer ces patients à des allergologues) est une stratégie loin d’être optimale. En effet, Vervloet et Muller (2007) explique les coûts considérables occasionnés par cette prise en charge pour le système de soin : « Les familles d’enfants allergiques aux pneumallergènes et/ou aux trophallergènes sont en quête d’écoute, de conseils précis et pertinents ; les actions d’éducation sont chrono phages et les besoins en temps médical d’éducation ne font que s’accroître avec l’augmentation de la demande. Ce temps d’éducation doit pouvoir être en partie délégué à des professionnels de santé formés pour cela mais hélas tout aussi en situation de pénurie) : leur formation et leur évaluation ne sont encore qu’anecdotique » (p. 6). Ce temps précieux alloués par les médecins généralistes à la prise en charge des patients allergiques, si celle-ci est confiée à des allergologues, devrait permettre à ces généralistes de se focaliser sur d’autres cas qui nécessitent vraiment leurs interventions.

 

En somme, la réforme des études médicales du décembre 2016 a été largement saluée par la communauté des praticiens allergologues comme une reconnaissance de leur métier et résoud une part substantielle de l’ensemble des problèmes évoqués précédemment. Cependant, il y a lieu de souligner que ces problèmes ne trouveront une solution que seulement en partie, en pensant par exemple aux problèmes relatifs à l’offre de soins ainsi qu’à la recherche en allergologie qui ne sont pas directement touchés par cette réforme. Il faut également parler d’une relative insuffisance dans la disposition prise dans cette réforme qui ne prévoit qu’une trentaine d’étudiants en Allergologie à former (du moins pour l’année universitaire 2017-2018), alors qu’il en faut entre 80 et 90 par ans pour « rattrapper » le nombre nécessaire de praticiens dans ce domaine. Il est à se demander alors comment les acteurs de l’offre de soin en Allergologie se comportent et réagiront pour faire face à ce nouveau contexte, une question à répondre à travers l’étude empirique de la partie suivante du présent document.

  • Etude empirique

 

Dans cette partie « terrain » de l’étude, il y a lieu d’abord de présenter le cadre méthodologique pour la collecte des informations empiriques dont l’analyse doit permettre de répondre à la problématique de la présente recherche. C’est ensuite que cette analyse sera détaillée dans le chapitre suivant. A noter que les recommandations découlant de l’analyse ainsi faite seront émises dans la partie conclusive.

 

  1. Cadre méthodologique

 

Dans un premier temps, il est question de situer le contexte de l’étude empirique, en faisant un bref rappel de la problématique de la recherche. Cela amène à définir les informations à recueillir sur le terrain, la méthode d’investigation à mettre en œuvre, et les personnes auprès desquelles ces informations devraient être obtenues. Il importe aussi de mentionner les principales limites de la méthodologie adoptée, réduisant ainsi la portée des résultats de l’analyse qui sera faite par la suite.

  • Contexte et rappel de la problématique de l’étude

 

Le cadre théorique (cf. Partie 1) a ainsi montré une certaine inadéquation manifeste entre l’offre et la demande de soin sur le domaine de l’allergologie. En effet, d’une part, le besoin de soin est en forte croissance (un phénomène qui n’est pas spécifique pour la France), bien que la plupart des personnes concernées semblent être moins enthousiastes à l’idée de consulter un allergologue. Les principales raisons en sont probablement la méconnaissance des risques qu’ils encourent en méprisant les véritables impacts de l’allergie sur leur état de santé actuel et futur, mais aussi les coûts du soin (non nécessairement en termes financiers, mais surtout en matière de temps/durée du traitement allant de la consultation jusqu’au suivi, des opérations très chronophages).

 

D’autre part, l’offre de soin n’est pas en mesure de proposer des prestations aptes réactives positivement à ce contexte de la demande. En fait, cela est peut-être dû premièrement à des problèmes d’ordre structurel, c’est-à-dire concernant l’organisation de l’offre de soin en général qui favorise l’errance thérapeutique, les ressources humaines insuffisantes et en perte de vitesse, etc. Mais, les problèmes résident aussi possiblement au niveau matériel et de financement, pour réduire la peine des allergologues et des patients. Tout cela demande certainement des stratégies spécifiques à adopter par les différents acteurs de l’offre de soin, aussi bien pour le court que le moyen et le long terme.

 

Par ailleurs, la dernière réforme accordant plus de reconnaissance au métier d’allergologue devrait tendre vers la résolution d’une partie de ces problèmes d’adéquation de l’offre avec la demande de soin sur ce domaine. Bien qu’il soit encore trop tôt pour faire une évaluation pertinente des impacts de cette réforme, il est possible tout de même d’avoir une perspective d’approche de ces impacts, surtout aux yeux des allergologues eux-mêmes.

 

C’est ainsi que la problématique de la présente étude, que l’on rappelle ci-après, apparait davantage pertinente : « Dans un contexte d’inadéquation de l’offre en allergologue face à une demande en croissance, quelles en sont les stratégies des acteurs de l’offre de soin, et quels devraient être les apports de la reconnaissance de l’allergologie comme spécialité selon la récente réforme dans ce domaine ? »

  • Collecte des informations empiriques

 

Pour pouvoir répondre à cette problématique, il y a lieu de définir les méthodes d’approche pour recueillir les informations nécessaires, de manière à confronter ces suppositions théoriques aux réalités du terrain, en se basant sur le contexte français. Ces dernières concernent alors quatre points majeurs qu’il faut aborder :

 

  • Les problèmes auxquels les professionnels de l’allergologie rencontrent effectivement dans leurs pratiques, notamment au niveau matériel, humain et structurel ;

 

  • Les stratégies et moyens que ces professionnels adoptent et mettent en œuvre pour faire face à ces problèmes ;

 

  • Les apports, estimés par ces professionnels, de la dernière réforme relative aux études médicales sur l’exercice de leur profession d’allergologue, et sur l’amélioration de l’offre de soin en allergologie en général ;

 

  • Les suggestions de ces professionnels sur d’éventuelle amélioration future de l’environnement de soin en allergologie en France.

 

Le caractère nécessairement qualitatif de ces informations a amené à choisir l’entretien individuel semi-directif comme méthode d’investigation pour la collecte de données empiriques. Le Tableau 3 (ci-dessous) donne les détails de ces informations, un tableau utilisé alors comme grille d’entretien pendant les investigations.

 

Tableau 3 – Les informations empiriques à recueillir sur le terrain

Informations à analyser Thèmes abordés Détails
Les allergologues et l’offre de soin Problèmes rencontrés
  • Problèmes techniques (actes techniques importants non ou rarement pratiqués, par exemple)
  • Problèmes matériels (logistiques, matériels, etc.)
  • Problèmes en ressources humaines (manque de praticiens allergologues ?)
Stratégies et moyens
  • Les stratégies et moyens mis en œuvre par les praticiens et/ou par l’établissement pour faire face à ces problèmes
  • Efficacité et suffisance de ces stratégies et moyens, et nécessité d’autres stratégies et moyens complémentaires
  • La capacité/compétence des établissements à mettre en œuvre ces stratégies et moyens
Les allergologues et la dernière réforme Apports estimés de la dernière réforme
  • Apports pour l’offre de soin
  • Apports pour les professionnels pour l’exerce de leur profession
Suggestions pour plus d’efficacité
  • Mesures devant accompagner cette réforme

  • Les personnes interviewées

 

Trois allergologues ont accepté de participer à la présente étude, à travers les entretiens. Ce sont des allergologues que l’on peut qualifier « d’exclusifs » dans le sens où leurs compétences ne se limitent pas à une spécialité d’organe. Le Pr Demoly travaille en milieu hospitalier tandis que les deux autres exercent en profession libérale (le Dr. Chabane connait aussi le milieu hospitalier dans ses exercices antérieurs du métier). Ces trois interlocuteurs ont, tous, des expériences importantes dans la formation universitaire, dont en matière d’Allergologie. De même, ils sont également très actifs sur le plan syndical et d’autres groupements connexes, ce qui fait qu’ils ont contribué au mouvement ayant revendiqué la reconnaissance de l’Allergologie notamment dans les formations médicales. Il faut alors dire que ces trois répondants aux entretiens détiennent des informations assez riches et pertinentes pour la présente recherche.

 

Tableau 4 – Profils des allergologues interviewés

Interviewé Activités professionnelles Activités dans la formation académique et la société savante Activités syndicales et autres
Pr. Demoly Chef de service de Pneumologie-Allergologie CHU Montpellier
  • Professeur à l’université de Médecine de Montpellier
  • Vice-président de l’EAACI
  • Président du Collège des Enseignants en Allergologie (CEA)
  • Président de la commission universitaire de la VAE en Allergologie
Président de la Fédération Française d’Allergologie (FFAL)
Dr. Chabane
  • Immuno-Allergologue libéral à Paris
  • Ancien Praticien attaché des hôpitaux de Paris (hôpital Pitié-Salpêtrière, hôpital Rotschlid), hôpital Delafontaine à Saint-Denis
  • Enseignant à la capacité d’allergologie de Paris VI et Paris V (1995-2011)
  • Enseignant au DES de biologie de Paris (depuis 1999)
  • Secrétaire Général de Paris Allergie (Association Régionale de formation médicale continue d’Allergologie)
  • Vice-président du SYFAL
  • Membre du Conseil d’Administration de la Société Française d’Allergologie, coordonnateur du groupe de biologie CIAB-SFA
  • Président et membre fondateur du Club d’Immuno-Allergologie Biologique (CIAB) : organisation de rencontres nationales et internationales d’immuno-allergologie et sessions de FMC
  • Membre du conseil d’administration du Groupe d’Ophtalmo-Allergologie (GOA).
  • Membre du conseil d’administration de la Société Française de Psycho-Allergologie (SFPA).
  • Membre de la commission ministérielle sur l’allergie au latex (1997-98), groupe de travail ANAES (2004-2005), consensus formalisé sur les allergies conjonctivales (2008-2012)
Dr. Epstein Allergologue exclusive exerçant en libéral à Paris Membre de Paris Allergie (Association Régionale de formation médicale continue d’Allergologie)
  • Web master et Vice-présidente du SYFAL
  • Membre du CICBAA (Cercle d’Investigations Cliniques et Biologiques en Allergologie Alimentaire)
  • Membre du groupe de travail RAV (Réseau d’Allergo-vigilance) de la société française d’allergologie

  • Limites de la méthodologie adoptée

 

Deux importantes limites doivent être citées quant à la méthodologie destinée à recueillir les informations sur le terrain :

 

  • D’une part, le nombre des interviewés est assez réduit : il aurait été plus profitable pour l’étude de demander les avis de plus d’allergologue. De plus, les entretiens ne voient pas la participation des allergologues spécialistes d’organe qui aurait probablement des apports importants à propos de leurs domaines spécifiques.

 

  • D’autre part, l’étude empirique n’intègre pas non plus la participation d’autres acteurs du domaine de l’allergologie, à savoir les autres professionnels médicaux (médecins dont les généralistes qui sont les plus concernés en termes de premier recours, les autres corps médicaux, les personnels administratifs des établissements médicaux), les laboratoires d’analyse, les laboratoires pharmaceutiques (fabricant les médicaments et les différents produits utilisés dans les laboratoires d’analyse), et surtout les patients (potentiels ou réels, qu’ils ont ou non déjà consulté un praticien pour la prise en charge de leurs problèmes d’allergie.

 

Néanmoins, les contraintes (essentiellement financières et de temps) ont limité les démarches pour étoffer l’échantillon d’interviewés. En tout cas, les qualités de ces trois participants à la présente étude empirique apparaissent suffisantes pour obtenir des informations permettant de rendre des résultats acceptables, sur le plan académique.

 

  1. Analyse des résultats (des investigations)

 

Afin de mieux apprécier la progression dans la réponse devant être apporter à la problématique de la présente étude, il convient de procéder une analyse des interviews par thème, en se basant sur les quatre thèmes de la grille d’entretien (cf. Tableau 3 – Les informations empiriques à recueillir sur le terrain) : les problèmes rencontrés, les stratégies et moyens mis en œuvre pour faire face à ces problèmes, les apports estimés de la dernière réforme, et ce qui reste à faire pour compléter cette réforme. 

  • Problèmes rencontrés par les allergologues

 

Il est possible de classer les problèmes évoqués par les allergologues interviewés en quatre catégories, à savoir, l’errance diagnostique et thérapeutique, les problèmes démographiques des allergologiques, et les problèmes matériels et le manque de financement.

 

  • Errance diagnostic et thérapeutique

 

Le Dr Chabane évoque ainsi « l’absentéisme des patients », c’est-à-dire le non-respect de ceux-ci de leurs rendez-vous avec les allergologues qui prennent en charge de leurs cas respectivement. L’interviewé souligne que cet absentéisme a un impact négatif important sur l’organisation de son travail et de son cabinet médical. En effet, en comparaison à d’autres spécialités médicales, la consultation en allergologie est particulièrement longue et nécessitant alors une organisation bien structurée pour optimiser le temps alloué à chaque patient (il est, par exemple, inconcevable de faire « patienter » des patients durant une demi-heure pendant que le médecin traitant en reçoit un). C’est une raison favorisant la démotivation des personnes souffrant de problèmes d’allergie à consulter un allergologue, ce qui entraine une forte errance thérapeutique et diagnostique sur ce domaine.

 

A cet absentéisme des patients s’ajoute également le manque d’informations et d’implication des patients et des médecins non-allergologues qui reçoivent ces patients en premier recours. Désormais, le Dr Chabane déplore la sous-estimation des pathologies allergiques faite par les patients, voire par les médecins eux-mêmes. Cela découle entre autres du nomadisme médical et de l’absence de parcours de soin coordonné entre les différentes spécialités médicales au regard des problèmes allergiques diagnostiqués (cf. plus bas). Du coup, les conseils et les traitements des médecins traitants ne sont pas suivis à la lettre par beaucoup de patients.

 

En fait, le nomadisme médical est surtout dû à l’absence de parcours de soin coordonné entre les médecins généralistes qui prennent en charge en premier les malades souffrant de problème d’allergie. Ces médecins n’ont pas toujours une bonne connaissance et les informations suffisantes concernant l’allergologie au sein de la communauté médicale, un manque de visibilité ne permettant pas l’orientation de ces patients vers les allergologues lorsque ces problèmes sont diagnostiqués. Le Dr Epstein insiste que ce manque de visibilité résulte également du faible nombre de services hospitaliers référents en allergologie auxquels ces médecins généralistes (mais également les spécialistes) peuvent orienter les patients pour les actes techniques les plus complexes (comme les « tests par provocation orale » ou TPO, par exemple).

 

Tout cela confirme l’explication de la Directrice de l’Association Asthme & Allergie, Christine Rolland, que l’errance diagnostique est un phénomène qui est davantage d’actualité sur le domaine de l’allergologie en France. Delmas, Guignon, et al. (2012) précisent que le temps moyen d’errance thérapeutique des personnes souffrant de problèmes allergiques est de 7 ans, c’est-à-dire avant de consulter un allergologue. Il faut savoir qu’un diagnostic et une prise en charge tardifs de ces problèmes accroissent le risque d’exacerbation des manifestations pathologiques, ce qui favorise alors l’aggravation de la maladie. « Une allergie non diagnostiquée et non traitée est susceptible d’évoluer vers une forme sévère, avec le développement d’autres allergies, aggravant à son tour la situation du patient. Seule une prise en charge précoce est le rempart contre cette évolution délétère » (Rolland, 2017, p. 18). Outre les impacts sur la vie sanitaire du malade, cela n’influe pas seulement, en termes de difficulté et de coûts, sur l’organisation du travail de l’allergologue, mais aussi sur l’ensemble du système de santé. En effet, Belhassen, Demoly, et al. (2017) ont constaté une relation directe entre les coûts de la prise en charge de la rhinite allergique et la sévérité de la maladie, ainsi que le niveau de contrôle associé à l’asthme correspondant. Un contrôle insuffisant de l’asthme chez un rhinitique entraine des coûts de prise en charge plus importants.

 

En réalité, il y a un manque crucial de sensibilisation du côté des patients, comme c’est également le cas du côté des médecins généralistes : « Nous ne pourrons pas améliorer la prise en charge des patients allergiques respiratoires tant que tous les professionnels de santé, notamment ceux de premiers recours, ne seront pas suffisamment sensibilisés, informés et formés en amont sur les conséquences majeures de ces maladies » (Rolland, 2017, p. 18).

 

  • Démographie des allergologues

 

Comme le dénonce le Dr Chabane, ce type de problème est particulièrement manifeste lorsqu’il est apprécié au prisme de la gestion du temps de consultation (très long), étant donné que l’interrogatoire diagnostic est d’une importance cruciale (surtout lorsque le patient vient consulter l’allergologue avec plusieurs dossiers médicaux étalés sur plusieurs années). C’est le symptôme d’un problème sérieux associé à la démographie des allergologues : leur nombre est faibles, et en réduction avec la cessation d’activité de nombreux d’entre eux (qui partent à l’étranger, en retraite, etc.).

 

Désormais, la France ne compte plus actuellement que 1.2 allergologues pour 10 000 patients, avec une moyenne d’âge de 57 ans pour ces praticiens en exercice : un taux qui est appelé à diminuer davantage étant donné le vieillissement de la population d’allergologues en France. « Certains territoires français sont d’ores et déjà privés d’allergologues, conduisant les patients les plus éloignés à renoncer aux soins » (Bossé, 2017, p. 20). Ainsi, malgré la dernière réforme reconnaissant l’Allergologie comme spécialité universitaire, il apparait que le droit à l’accès au soin n’est pas garanti pour chaque citoyen en France.

 

  • Problèmes matériels

 

Le Dr Chabane et le Dr Epstein ont conjointement désigné un problème matériel majeur : le manque d’extraits à but diagnostic. En fait, des produits (comme les extraits de Blatte, latex, cheval, certains aliments) font défaut car les laboratoires pharmaceutiques qui les fabriquent connaissent des problèmes d’approvisionnement. Certains de ces extraits ne sont plus fournis du fait de l’interdiction des autorités sanitaires (la Haute autorité de Santé), faute de documentation suffisante pour prouver scientifiquement l’usage de ces produits.

 

Cela relève peut-être alors d’un problème d’innocuité scientifique ; mais, il se pourrait aussi que les laboratoires pharmaceutiques estiment que la production de ces extraits n’est pas vraiment intéressante, compte tenu de la demande actuelle qui est encore faible : du coup, ces firmes pharmaceutiques ne sont pas motivées à investir dans la recherche concernant ces produits qui ne leur apporteraient pas de profits significativement élevés.

 

  • Problème de financement

 

Le Dr Chabane et le Dr Epstein ont également signalé un problème d’ordre financier quant aux rémunérations des allergologues. En effet, au regard du conventionnement par la Sécurité sociale, le fait d’être allergologue est très défavorable économiquement, surtout avec des consultations médicales faiblement rémunérées et particulièrement longues. En fait, la nomenclature des actes du médecin allergologue se base actuellement sur des consultations simples.

 

Le Dr Epstein affirme alors que seule une réévaluation de la consultation pour ajuster les honoraires correspondants peut assurer une meilleure et juste rémunération pour les allergologues et pouvoir y associer les actes techniques pratiquer par ces praticiens. L’interviewé remarque d’ailleurs que de telle démarche a déjà été réalisée pour d’autres spécialités médicales (C + ECG, C + frottis, etc.).

 

Ces problèmes financiers risquent ainsi de démotiver les allergologues potentiels : cela agit comme une barrière à l’entrée empêchant les étudiants en médecine de choisir de poursuivre leurs études sur la filière « Allergologie ». Cela peut alors rigidifier le problème démographique énoncé précédemment.

 

En somme, les problèmes auxquels font face les allergologues en France ne sont nullement superficiels. Il s’agit essentiellement de problèmes structurels et demandant généralement des solutions radicales, nécessitant l’intervention active de l’Etat.

 

Figure 2 – Problèmes évoqués par les allergologues interviewés

  • Stratégies et moyens

 

Le Dr Chabane et le Dr Epstein ont souligné le caractère structurel des problèmes évoqués ci-dessus, faisant en sorte qu’il leur est très difficile d’y apporter des solutions de leur côté qui soient véritablement efficientes à long terme. Les trois interviewés ont alors évoqués différents stratégies et outils (destinés à faire face à ces problèmes) dont certains se présentent comme des solutions temporaires en attendant une éventuelle amélioration de la situation, tandis que d’autres sont réalisés en vue de cette amélioration espérée.

 

  • Solutions temporaires

 

Le Professeur Demoly avance, sans donner plus de précision, l’importance de pratiquer une allergologie adaptée aux besoins des patients. En d’autres mots, c’est à l’allergologue de trouver toutes les stratégies et les moyens de « s’adapter », sans attendre que la situation s’améliorera automatiquement, sans attendre que c’est le « marché » qui s’ajustera, qui s’équilibrera tout seul en corrigeant les imperfections actuelles. Ainsi, en espérant qu’une entité compétente (nécessairement « l’Etat ») vienne déréglementer et effectue cette équilibration, les allergologues doivent travailler individuellement et/ou collectivement pour aider les patients à disposer plus d’information sur leurs problèmes d’allergie, sur l’importance de recourir à un allergologue, sur l’observance thérapeutique, etc.

 

C’est dans ce sens, par exemple que le Dr Chabane a révélé que les allergologues prennent l’initiative de remplacer les extraits manquants par le dosage d’IgE spécifiques ou par des aliments natifs. L’on doute alors que cette nécessité d’improvisation soit vraiment efficace sur le long terme si l’Etat n’intervienne pas à temps (par exemple : comment rendre le métier d’allergologue attrayant pour les étudiants en médecine s’ils y sont appelés à « improviser », à devoir « s’adapter », s’ajuster aux besoins des patients, etc. pour progresser dans leur profession future ?).

 

  • Actions vers une amélioration à long terme

 

Les trois allergologues interviewés ont certainement conscience de la faiblesse des stratégies et moyens temporaires, et ils ont alors essayé de communiquer davantage sur l’Allergologie auprès des publics impliqués à leur cause. Ils ont alors décidé de faire des présentations sur l’Allergologie à des associations locales de médecins spécialistes (allergologues, pédiatres, pneumologues, etc.) pour faire connaitre les pathologies allergiques afin d’optimiser le réseau de soin et pour une prise en charge meilleure pour les patients. Le Dr Epstein insiste que les actions réalisées à l’endroit de l’Etat (les autorités politiques et les acteurs de la santé) sont essentiellement effectuées dans le cadre des mouvements syndicaux. A titre d’illustration, des actions de communication ont été réalisées concernant les problématiques de l’allergie alimentaire, avec représentation du SYFAL dans les auditions de la commission « Alimentation et santé » de l’Assemblée nationale.

 

Toujours dans cette perspective syndicale, les allergologues militent aussi pour une codification des actes médicaux reflétant davantage la réalité et la complexité de la consultation allergologiques. Néanmoins, le Dr Epstein évoque la difficulté concernant ce sujet de la rémunération des médecins allergologues et la nomenclature de leurs actes : en effet, le SYFAL ne négocie pas directement sur ce sujet auprès de la Sécurité sociale car c’est une prérogative des centrales représentatives. Il s’agit alors d’un acteur supplémentaire à convaincre pour les allergologues.

 

Le Professeur Demoly va encore plus loin en essayant d’apporter une solution pérenne : « compléter la formation des allergologues ». C’est de cette manière que les allergologues pourront faire face à leurs problèmes d’adéquation entre l’offre et la demande de soin en allergologie, c’est-à-dire, pour permettre à ces médecins de mieux s’adapter aux conditions de travail capricieuses à leur égard. Il s’agit alors d’aider les allergologues à choisir et à déployer les stratégies et moyens les plus efficaces dans l’exercice de leur métier.

 

En tout cas, ces trois interlocuteurs veulent avancer des solutions complémentaires et non pas des alternatives individuelles : c’est la combinaison de toute un ensemble de stratégies et moyens qui permettra d’optimiser les actions des allergologies sur le court et le moyen terme.

 

Figure 3 – Stratégies et moyens utilisés par les allergologues face aux problèmes

  • Apports de la dernière réforme

 

Quant aux apports de la dernière réforme (en matière de formation médicale, reconnaissant l’Allergologie comme une discipline universitaire à part entière), les points de vue des trois interviewés mettent en évidence une incidence à trois niveaux : au niveau de la communauté des praticiens en allergologie, au niveau de la formation en Allergologie, et vis-à-vis des acteurs en dehors de la filière.

 

  • Solidarité des acteurs de l’allergologie

 

Un élément qui semble être très important pour la communauté des praticiens et acteurs sur le domaine de l’Allergologie est le rôle « rassembleur » de la « lutte » revendicative qu’ils ont su mener avec solidarité. Dr Chabane félicite ainsi la participation active du SYFAL qui a su sensibiliser et mobiliser tous les acteurs de l’allergologie, le syndicat ayant fait un « grand travail » de communication et de pédagogie ; enfin, le SYFAL aurait su trouver les relais nécessaires (auprès des communautés d’allergologues, d’immunologues, de pneumologues, des associations des patients, etc.) pour démontrer au législateur la nécessité d’accorder le titre de spécialité à l’allergologie : « Je suis heureux que la reconnaissance de l‘allergologie ait pu enfin aboutir car cela fait suite à un long combat, s’apparentant dans bien de ses aspects à un bras de fer avec les autorités compétentes » [Dr Chabane].

 

Ce mouvement a aussi révélé les principaux obstacles pour l’avancée vers le développement du métier, ce qui donne des leçons importantes à apprendre à tous ces acteurs de l’allergologie pour toute la suite. La reconnaissance accordée à l’Allergologie à travers cette réforme renforce ensuite cette solidarité et la motivation de l’ensemble de ces acteurs à aller de l’avant pour toute revendication future. En effet, une importante partie (au moins) des objectifs assignés au mouvement a été atteinte : « L’objectif affiché de chacun était bien d’assurer une reconnaissance de la discipline tant sur le plan universitaire qu’en pratique de ville, un enseignement initial et continu efficace et de qualité, un développement des activités de recherche et une prise en charge optimale des patients » [Pr Demoly].

 

  • Valorisation de la filière

 

Vis-à-vis des autres publics (surtout aux yeux des autorités étatiques, des autres spécialités médicales, et des patients), la réforme contribue à une valorisation de la filière. Ainsi, selon le Dr Epstein, cette reconnaissance va permettre aux allergologues d’être plus influents dans les différentes concertations et négociations réalisées auprès des autorités de santé. Le Pr Demoly parle d’un « coup de pouce » de la part des autorités de santé. La reconnaissance impacte alors de manière positive sur tout le plan de l’interaction de l’Allergologie (et de ses acteurs) avec son public au sens large.

 

Selon le Pr Demoly, cette reconnaissance agit ainsi en faveur de la recherche en matière d’Allergologie. « De nombreux acteurs sont déjà prêts à s’investir pour faire avancer la recherche sur les allergies respiratoires sévères mais manquent d’un soutien affiché de la part des autorités via le déploiement de conditions incitatives et plus favorables » (Demoly, 2017, p. 23). C’est ainsi que cette réforme qui vient poser « une première et très belle pierre » à l’édifice (Ibid.).

 

Cette réforme va, dans cette perspective, attirer beaucoup de nouveaux talents à la filière Allergologie, non seulement en matière de recrutement de nouveaux allergologues, mais aussi pour développer la recherche sur cette spécialité médicale (une recherche qui peut bien intéresser des acteurs autres que les allergologues eux-mêmes). La reconnaissance de l’Allergologie comme spécialité universitaire à part entière permet à la France de prendre son envol pour rejoindre le « groupe de si nombreux pays où c’est déjà le cas et souvent depuis fort longtemps (notamment 13 pays en Europe, Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Chine) » [Pr Demoly].

 

  • Amélioration de la formation

 

Les trois personnes interviewées sont unanimes sur le fait que cette réforme, et ses apports pour le développement de la formation en Allergologie, ne sont pas amplement suffisants. En tout cas, c’est un pas gagné menant vers la résolution du problème démographique. Ils expliquent que, désormais, la réforme a institué la création de trente postes de nouveaux internes pour l’année universitaire 2017-2018 (bien que le SYFAL en revendique 80 nouveaux allergologues formés annuellement pour compenser les départs des praticiens et faire face à la croissance des maladies allergiques).

 

Le Dr Epstein prévoit que l’enseignement de l’Allergologie va avoir davantage de place au cours des études de médecine : « Ceci est un élément inhérent à cette réforme et est très important pour assurer une prise en charge optimale des patients allergiques qui est aujourd’hui très déficiente du fait que les médecins ont reçu très peu d’enseignement en allergologie » [Dr Epstein]. Le Pr Demoly ajoute que « les spécialistes en allergologie issus du nouveau DES seront capables de prendre en charge les patients souffrant d’allergies quels que soient leur âge, l’organe atteint et la pathologie allergique (respiratoires, cutanées, alimentaires, médicamenteuses, arthropodes, anaphylaxies). Ils prendront le relais des allergologues actuels dits à exercice exclusif et dirigeront des unités et services d’allergologie dans les hôpitaux en collaboration avec les spécialistes d’organes concernés également par les maladies allergiques ».

 

En outre, les avis des trois interviewés sont quelque peu divergents quant aux apports de la Formation spécialisée Transversale (intitulée « Maladies allergiques », en remplacement des DESC actuels), instituée également par cette dernière réforme :

 

  • Le Dr Chabane observe l’incertitude qui plane sur l’avenir : il espère que cette FST permettra d’atteindre l’un des objectifs de sa création, qu’est l’augmentation du nombre de spécialistes d’organes compétents en Allergologie. Il s’interroge tout de même : « tout cela se fera peut-être progressivement ? ».

 

  • Le Dr Epstein, quant à lui, n’est pas convaincu de l’utilité de cette FST : « c’est une formation qui accentue la dispersion des compétences alors que la prise en charge des patients allergiques requiert un médecin complètement et exclusivement dédié à ça afin de soigner la maladie allergique dans sa globalité ; certains pneumo-allergologues oublient, par exemple, dans certains cas les allergies alimentaires… ». Il y a alors risque de dilution de l’Allergologie dans son interaction avec les autres spécialités médicales à travers la FST.

 

  • Le Pr Demoly, pour sa part, va épouser une position optimiste pour la FST qui, selon lui, apportera un complément d’expertise pour les spécialistes d’organe qui le souhaitent. Il va plus loin dans l’interaction de l’Allergologie avec d’autres publics extérieurs à la filière, en avançant que « cette création ouvre d’autres perspectives, notamment une meilleure visibilité de la spécialité à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, auprès des agences de recherche, de la Caisse nationale d’assurance maladie et des autres professions médicales ».

 

Figure 4 – Apports de la réforme reconnaissant l’Allergologie comme disciipline universitaire

 

En conclusion, il est possible de dire que la réforme sur l’étude médicale reconnaissant l’Allergologie comme discipline universitaire à part entière a un potentiel de nuancer les problèmes auxquels les allergologues sont confrontés actuellement. Cette réforme contribue notamment à rendre plus efficace les stratégies et moyens mis en œuvre par ces médecins pour atteindre des objectifs sur le long terme. Il faut tout de même reconnaitre que de grands efforts devraient encore être alloués pour améliorer la situation des allergologues en France (c’est l’objet du dernier chapitre de cette partie).

 

  1. Recommandations

 

Les recommandations à émettre sont désormais issues de l’analyse faite dans le chapitre précédent. Ces préconisations viennent essentiellement des interviewés eux-mêmes et de certains experts du domaine de l’Allergologie.

 

Mais, avant de se pencher davantage sur ces recommandations, il faut d’abord préconiser des actions plus poussées (que celles réalisées pour obtenir la dernière réforme) à travers une réflexion collective, via un groupe de travail pluridisciplinaire, sur les enjeux du changement environnemental et leurs impacts sur la recrudescence des maladies allergiques. Cette réflexion devrait alors voir la participation active des acteurs publics, privés et des citoyens. De la sorte, la pression devrait être faite à l’endroit des pouvoirs publics car l’essentiel des améliorations recommandées dans le présent chapitre requièrent leur aval et leurs actions (le Pr Demoly parle ainsi « d’interagir avec les autorités de santé pour assurer le maillage du territoire français en matière d’offre de soins en allergologie »). Il s’agit nécessairement d’une autre mobilisation collective menée de nouveau par les différentes forces syndicales de l’Allergologie.

  • Un parcours de soin structuré

 

Comme il s’agit de chercher à résoudre un ensemble de problèmes essentiellement d’ordre structurel, il est crucial d’agir à la source. Dès lors, un des premiers éléments qu’il convient de mettre en place est un « parcours de soin structuré », un élément sur lequel les interviewés ont mis un accent dans leurs propos. En effet, l’organisation actuelle du parcours de soin des patients allergiques est encore largement perfectible. Il faut admettre que leur diagnostic précoce dépend étroitement de ce qu’apportent les médecins généralistes et/ou les spécialistes (dont le pédiatre) sur ce point.

 

Ainsi, il faut dire que l’ensemble du corps médical et les professionnels de santé ont des rôles centraux à jouer concernant ce parcours de soin. Un des objectifs ultimes est d’ailleurs de réduire autant que possible l’errance thérapeutique, c’est-à-dire la longueur que devrait parcourir le patient pour aboutir à un traitement efficace répondant exactement à ses besoins de soin. « Pour ce faire, il est indispensable que l’ensemble des professionnels de santé non experts du domaine soient formés et sensibilisés à la problématique des allergies respiratoires sévères ainsi qu’à la reconnaissance des premiers signes d’alerte » (Fontaine, 2017). Mais, l’idée est de faire de même pour toutes les pathologies allergiques puisqu’il ne faut pas oublier que l’errance thérapeutique est une cause de l’aggravation des maladies allergiques, d’où viennent souvent les allergies respiratoires sévères.

 

Dans ce sens, il est primordial que les professionnels de santé de premier recours, qui reçoivent les patients en première ligne, soient à même d’orienter ces derniers vers les allergologues afin qu’un diagnostic spécifique approfondi et complet soit réalisé, de manière à optimiser la prise en charge. Cela rentre aussi bien dans l’intérêt des patients que dans la facilitation de l’intervention des allergologues pour prévenir des coûts considérables pour de telle prise en charge.

 

Il est alors crucial de sensibiliser ces médecins de premiers recours à l’importance du diagnostic précoce, et ainsi de l’orientation des patients vers un allergologue, exclusif ou spécialiste d’organe. Outre la réalisation d’une campagne à lancer auprès des médecins généralistes sur ce sujet, il importe aussi de créer et de développer des réseaux de soins adaptés, surtout pour les problèmes allergiques graves et fréquents comme les allergies respiratoires. Cela devrait permettre l’accélération de la prise en charge des patients par les allergologues, diminuant sensiblement entre autres le temps à allouer à la consultation.

 

Le rôle tenu par l’hôpital est également de premier ordre dans l’optimisation du parcours de soin pour les patients souffrant de maladies allergiques. L’état des lieux actuels voit les initiatives prises par certains allergologues qui s’impliquent pour développer localement (au niveau des hôpitaux) des services d’allergologie, généralement sous forme de consultation. Mais, plus exceptionnellement, ces initiatives débouchent sur l’établissement d’une unité fonctionnelle (Champion & Vervloet, 2011). Néanmoins, en France, le service hospitalier d’allergologie générale n’existe pas encore.

 

Le Dr Fontaine a un point de vue plus poussé en pensant également à l’avancement de la recherche à travers un parcours de soin structuré au sein des hôpitaux : « Il est primordial que la France puisse disposer de véritables services dédiés à la prise en charge des personnes allergiques les plus sévères ainsi qu’à la recherche, afin que les futurs médicaments innovants puissent y être administrés et la maladie mieux comprise » (Fontaine, 2017, p. 19). Cet avis est aussi soutenu par le Dr Chabane qui désire voir de vrais services ou pôles d’excellence hospitaliers d’allergologie pour la formation d’internes.

 

Par ailleurs, le Dr Chabane recommande également l’optimisation de la prise en charge des patients avec la création de « centres référents » bien identifiés par tous. Cela apparait particulièrement utile pour des pathologies telles que l’asthme et les allergies sévères. C’est une façon d’appeler une sorte de restructuration du parcours de soin des patients allergiques. En fait, quelques bénéfices principaux sont attendus de la création de ces centres de référence qu’il convient de bien répartir sur l’ensemble du territoire du pays, afin de permettre l’accès au soin à tous :

 

  • Prise en charge optimisée des patients allergiques ;

 

  • Collecte de données épidémiologiques et médico-économiques ;

 

  • Reconnaissance des pathologies allergiques comme un véritable phénomène de société (jusqu’ici sous-estimé).

 

En fin de compte, il est primordial de mettre en place un système d’accompagnement des patients allergiques vers les médecins allergologues. Pour cela, des informations utiles et pertinentes à ce propos devraient être mises à disposition de ces patients, mais également aux médecins de premiers recours.

 

Figure 5 – Parcours de soin coordonné du patient vers l’allergologue

  • Augmentation du nombre de postes d’internes en allergologie

 

Certes, la formation en Allergologie doit être actuellement en mesure de « produire » une trentaine d’allergologue annuellement. Mais, cela n’apparait pas suffisant pour « rattraper » le retard de la France sur ce point, afin de combler l’insuffisance actuelle qui implique une sorte de discrimination de l’accès au soin (certains territoires en sont désormais privés de ces allergologues). Avec la densité actuelle des allergologues en France (un praticien pour un peu moins de 10 000 patients) rallonge le délai d’attente pour une consultation : ce délai serait en moyenne de six mois selon l’évaluation du SYFAL (Fache, 2016).

 

De plus, la plupart de ces allergologues en exercice sont des médecins spécialistes d’organe (pneumatologues, dermatologues, etc.). En fait, si ces derniers excellent dans leurs domaines respectifs, « ils ne peuvent pas prendre en charge totalement des patients qui cumuleraient ces problèmes, ajoute Sophie Silcret-Grieu. Or, ces allergies croisées sont de plus en plus fréquentes. On sait maintenant qu’environ deux tiers des personnes touchées par le rhume des foins ont aussi des allergies à certains fruits. Que l’asthme s’accompagne souvent d’eczéma… Sans parler des pathologies que seuls les allergologues exclusifs (environ 500 en France – NDLR) suivent, comme les entérocolites allergiques » (Fache, 2016) selon le Dr Sophie Silcret-Grieu, une allergologue œuvrant à Paris.

 

Il ne faut pas oublier les départs bientôt à la retraite d’une bonne partie de ces allergologues dans quelques années, avec une moyenne d’âge de 57 ans.

 

Tout cela amène à dire que le recrutement de nouveaux allergologues devrait encore être intensifié dans les années à venir. « Afin d’anticiper et d’endiguer les flux de départs à la retraite des allergologues, de faire face à l’augmentation croissante des besoins en allergologie et d’assurer un égal accès aux soins spécialisés sur l’ensemble du territoire, le nombre de postes d’internes en allergologie ouverts aux étudiants en médecine doit être augmenté » (Bossé, Demoly, & al., 2017, p. 27). Le Dr Chabane et le Dr Epstein parle de la nécessité de former 80 médecins allergologues par an pour ce rattrapage, et pour faire face à la recrudescence des maladies allergiques : si ces maladies atteignaient 3.8% des Français en 1968, ce taux est de 30% en 2016, avec une estimation de 50% pour 2050 (Fache, 2016).

 

Figure 6 – Augmenter le nombre de postes internes pour produire plus de nouveaux allergologues

  • Accès au soin facilité pour les patients

 

Ici, il est question de mettre en place des instruments et des prestations de services à destination des patients allergiques pour les aider à mieux vivre leur pathologie et pour avoir une meilleure qualité de vie (une suggestion émanant du Dr Chabane). Il convient, par exemple, de fournir aux allergiques alimentaires des produits et des menus alimentaires exempts d’allergènes.

 

Mais, un accent est surtout mis (notamment par le Pr Demoly) sur l’importance de garantir l’accès pour tous les patients à l’immunothérapie allergénique. En effet, comme certaines formes sévères de maladies allergiques (dont les allergies respiratoires) ne peuvent pas faire l’objet d’un traitement seulement symptomatique, un traitement étiologique s’impose afin d’obtenir des résultats durablement. Cela est possible grâce à l’immunothérapie allergénique ou ITA, appelée également désensibilisation. C’est d’ailleurs un moyen plus ou moins efficace auquel l’allergologue pourrait recourir dans la prise en charge de ses patients allergiques respiratoires.

 

Néanmoins, l’accès à ce produit est actuellement menacé par une possible réduction du taux de remboursement des traitements d’ITA (le risque peut même aller jusqu’à un déremboursement par l’Assurance Maladie). Si ce scénario se réalisera, l’accès au soin de nombreux patients serait considérablement réduit, comme pour le cas des produits « Allergènes préparés spécialement pour un seul individu » ou APSI, ceux-ci constituent les seuls traitements étiologiques individualisés et personnalisés pouvant neutraliser la « marche allergique ». Un déremboursement entrainerait alors un possible renoncement aux soins, tout en développant une médecine « à deux vitesses » au profit des seuls patients aisés financièrement. De plus, les APSI servent d’instrument de diagnostic pour les allergologues (tests cutanés). « Comment les allergologues pourraient-ils ainsi réaliser leur activité professionnelle sans être en mesure de pouvoir poser un diagnostic spécifique aux patients allergiques ? La disparition des APSI priverait donc les allergologues d’un moyen essentiel à leur bonne pratique professionnelle. Seuls des examens biologiques, beaucoup plus coûteux pour la collectivité et contraignants pour les patients, seraient alors à leur disposition » (Bossé, 2017, p. 21).

 

Il est alors important que l’accès des patients et des médecins allergologues à ces produits soit facilité, en évitant la baisse du taux de remboursement et le déremboursement. En fait, il ne faut pas démotiver l’engagement des jeunes médecins qui désirent intégrer l’allergologie mais dont la décision pourrait être compromise par des obstacles matériels mais stratégiques comme au sujet de l’ITA.

  • Intégration de l’allergologie dans les formations médicales et des professionnels de santé

 

Conformément aux suggestions du Pr Demoly, il y a lieu d’améliorer la qualité de la formation en Allergologie. De même, le Dr Chabane insiste sur l’importance d’accorder plus de place à l’Allergologie dans la formation initiale en étude médicale. En effet, des compétences dévolues aux allergologues méritent d’être partagées aux autres spécialités médicales, surtout aux médecins généralistes qui reçoivent en premier les patients allergiques (d’autant plus que les pathologies allergiques ne cessent de se multiplier – Figure 6). Dans cette perspective, il est préconisé d’inclure les modules d’allergologie dans les programmes de formation pour tout étudiant en médecine.

 

En fait, jusqu’ici, « aucun module obligatoire d’allergologie n’est dispensé durant le cursus médical et les futurs professionnels de santé ne sont donc pas tous formés, ni sensibilisés à cette problématique émergente » (Bossé, Demoly, & al., 2017, p. 27). L’intégration de ces modules dans l’étude médicale rentre aussi dans l’objectif d’amélioration du parcours de soin du patient allergique en réduisant l’errance thérapeutique.

 

Par ailleurs, le Dr Chabane souligne aussi le besoin d’amélioration au niveau de la formation continue en Allergologie : « Structurer la formation continue en allergologie pour tous les médecins confrontés aux pathologies allergiques afin d’optimiser la prise en charge des patients car aujourd’hui beaucoup d’erreurs sont faites qu’elles soient d’ordre diagnostique, de prescription médicamenteuse ou simplement de conseils médicaux prodigués aux patients ».

 

Ainsi, il apparait également important d’inclure ces modules d’allergologies pour la formation continue des professionnels de santé. Il est désormais à noter que ces derniers suivent obligatoirement depuis 2013 une formation continue pour garantir la qualité de leurs pratiques à travers le renforcement de leurs connaissances dont certaines deviennent obsolètes. Actuellement, ces modèles d’allergologies restent facultatifs pour les futurs professionnels de santé, ce qui fait que beaucoup d’entre eux n’ont aucune compétence dans cette discipline spécifiquement. « Pour améliorer le parcours de soins du patient allergique et favoriser un diagnostic précoce, l’offre de formation continue aux professionnels de santé doit être enrichie de formation en allergologie » (Bossé, Demoly, & al., 2017, p. 27).

  • Education thérapeutique

 

L’importance de la communication et l’information est également à mettre en évidence. Le Dr Chabane suggère qu’il faudrait rendre l’allergologie plus visible et montrer l’impact significatif des maladies allergiques au niveau de la santé publique, de la qualité de vie et des dépenses de santé. « Bien que faisant partie intégrante de la prise en charge du patient chronique, les programmes d’éducation thérapeutique (ETP) restent aujourd’hui en France réservés à un trop faible nombre de patients et les moyens pour faciliter leur développement sont insuffisants » (Bossé, Demoly, & al., 2017, p. 27).

 

Il faudrait alors augmenter le nombre et diversifier le format de ces programmes d’éducation thérapeutique. Il convient notamment de recourir aux canaux les plus utilisés par la population, dont via les outils digitaux et internet. Le Dr Chabane recommande de travailler avec les associations de patients. Par exemple, en créant plus « d’école de l’asthme et de l’allergie », surtout pour les personnes sévèrement allergiques : « Il faudra que ces écoles puissent être codifiées au niveau de la nomenclature médicale et être remboursées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui » [Dr Chabane].

 

En effet, pour adapter l’offre de soin en allergologie aux besoins des patients allergiques, la restructuration nécessaire touche l’ensemble des acteurs impliqués directement ou non à cette cause. Dans ce sens, il est même conseillé de classer, de labelliser les allergies respiratoires comme « Grande cause nationale » (un label décerné annuellement par le Gouvernement). C’est une manière de sensibiliser le grand public et les décideurs sur la scène politique des enjeux des maladies allergiques respiratoires. « Pour offrir une meilleure visibilité à cette maladie chronique invalidante, mieux informer les patients et professionnels de santé sur les bénéfices d’une prise en charge précoce, et fédérer la recherche sur cette maladie, l’obtention du label « Grande cause nationale », dès l’année 2018, est indispensable » (Bossé, Demoly, & al., 2017, p. 26).

  • Stimulation de la recherche en Allergologie

 

Enfin, il importe de pouvoir stimuler la recherche et la publication des travaux de recherche en matière d’Allergologie. En effet, comme le remarque le Pr Demoly, la recherche sur ce domaine est encore timide en France, même en ce qui concerne les allergies respiratoires. Il faut dire que la reconnaissance tardive de la spécialité Allergologie au niveau académique est en grande partie responsable de ce développement un peu freiné de la recherche sur ce point.

 

Or, la recherche et la publication d’étude sur l’Allergologie est un moteur de développement de la filière elle-même. Pour le Pr Demoly, « l’accent doit tout particulièrement porter sur la recherche clinique pour améliorer la prise en charge des patients et le traitement des maladies » (Demoly, 2017, p. 22). Il y a ici un souci d’efficacité et de qualité des pratiques des allergologues en France qui bénéficieraient des nouvelles découvertes scientifiques dans cette discipline médicale.

 

Il apparait également crucial de développer les études épidémiologiques et médico-économiques afin de répondre favorablement au besoin de données scientifiques pour l’Allergologie. Désormais, la France ne dispose encore que très peu de données précises et actualisées régulièrement, contrairement à d’autres pays européens. Or, ces statistiques peuvent aider dans l’élaboration de tout plan stratégique, surtout pour les actions de grande envergure. « Ces données sont également précieuses pour souligner les conséquences sociales et sociétales des allergies respiratoires sévères et rendre audible la voix des associations de patients et des professionnels de santé qui militent pour une meilleure connaissance et reconnaissance de ces maladies » (Ibid.).

 

« Compte-tenu du faible nombre d’études françaises sur le sujet, les conséquences sociales, sanitaires et économiques des formes sévères des allergies respiratoires peinent à être reconnues comme un enjeu prioritaire auquel une réponse ambitieuse et concertée doit être apportée. Disposer de données récentes, fréquemment actualisées et publiées, par exemple sous l’égide de l’IRDES, permettrait de révéler objectivement le fardeau des allergies respiratoires sévères pour les patients et notre système de santé » (Bossé, Demoly, & al., 2017, p. 26).

 

En somme, ce qui reste à faire demande encore des efforts conséquents de la part des allergologues pour convaincre les autorités de la santé françaises de poursuivre la réforme, surtout au niveau structurel. Désormais, ces recommandations ne se focalisent pas seulement sur les allergologues, puisque la finalité des démarches préconisées vise en premier lieu de meilleures prestations offertes aux patients allergiques.

 

En conclusion, des problèmes persistent malgré la réforme reconnaissant l’Allergologie comme spécialité universitaire à part entière. Il faut tout de même reconnaitre que cette réforme contribue substantiellement à la résolution de nombreux problèmes auxquels les allergologues font face quotidiennement dans l’exercice de leur métier. Mais, le caractère essentiellement structurel de la plupart de ces problèmes fait en sorte que l’amélioration de la situation pose l’intervention régulatrice de l’Etat comme condition sine qua non de la réalisation et l’efficacité des actions à entreprendre dans ce sens. En effet, la réforme n’est qu’une première pierre qui demande à être compléter pour bâtir tout l’édifice de l’Allergologie.

 

Conclusion

 

Les problèmes d’allergie constituent un phénomène quasiment commun dans le monde, la proportion des personnes qui en sont atteintes ne cessant de progresser à un rythme en croissance. En effet, si le quart de la population française a été atteint des maladies allergiques en 2004, c’est le tiers qui en souffre en 2016. A l’encontre de l’idée reçue associant les pathologies allergiques à un problème sanitaire bénin, il apparait que plusieurs (de ces pathologies) affectent largement la qualité de vie des patients (telles que la rhinite allergique, l’asthme et l’eczéma ou dermatite atopique), tandis que d’autres engagent même la pronostique vitale du malade (allergies médicamenteuses, allergies alimentaires, allergies aux venins, etc.). Dès lors, il est possible de dire qu’il s’agit ici d’un facteur pouvant même être invalidant pour les personnes allergiques. De plus, les coûts inhérents au soin et à la prise en charge des patients allergiques sont relativement considérables (en parlant par exemple des coûts financiers, estimés à 1.6 milliards d’euro dans le monde en 2016, selon la SYFAL). Les évaluations chiffrées à ce sujet sous-estiment souvent le phénomène, en considérant uniquement la demande réelle de soin sans prendre en compte les besoins qui ne sont pas convertis en demande (du fait de l’idée reçue évoquée ci-dessus).

 

C’est dans ce contexte de mépris des problèmes liés aux allergies que les différents acteurs de l’offre de soin en Allergologie ont lutté pour la reconnaissance de cette discipline, notamment au niveau de la formation universitaire. La dernière réforme, en 2016, en a été un résultat concret de ce mouvement revendicatif, parfois en opposition avec les avis de certains acteurs des autres spécialités médicales. En fait, ce mouvement tire surtout son essence, selon les différentes formes syndicales mobilisées à cette occasion, de l’inadéquation entre l’offre et la demande de soin en allergologie. En effet, le nombre jugé insuffisant des allergologues, l’organisation du système de soin qui rend invisible l’allergologie elle-même, le manque d’information sur les problèmes allergiques, etc. sont autant de facteurs évoqués comme raison de cette inadéquation, énoncé notamment durant le mouvement de revendication.

 

La présente étude tente alors d’appréhender ce contexte de manière empirique, en s’appuyant sur les informations délivrées par quelques allergologues interviewés. Ainsi, quatre types de problèmes rencontrés par les allergologues, dans l’exercice de leur profession, ont été évoqués par ces interlocuteurs, à savoir : l’errance diagnostique et thérapeutique (due notamment au nomadisme médical, au manque d’information pour les patients et les médecins généralistes de premier recours, à la sous-estimation des problèmes d’allergie, etc.) les problèmes démographique (faible nombre des allergologues en France pour prendre en charge les patients allergiques), matériel (manque d’extraits à but diagnostic) et financier (faible rémunération des allergologues). Ces problèmes rendent difficile l’organisation du travail des médecins allergologues, accroissent les coûts financiers associés aux traitements, instaurent des obstacles à l’accès au soin, aggravent les maladies allergiques, et démotivent les étudiants en médecine qui devraient choisir de poursuivre leur formation en Allergologie.

 

Pour faire face à ces problèmes, les allergologues ont généralement recours à deux catégories de stratégies et moyens. D’une part, il y a les solutions temporaires apportées pour surmonter des difficultés plus ou moins urgentes. Cela concerne, par exemple, le remplacement des extraits à but diagnostic manquant par d’autres produits équivalents. Il s’agit alors d’alternatives mises en œuvre à court terme, c’est-à-dire en attendant que la situation s’améliore durablement. D’autre part, il y a les initiatives destinées à faire améliorer la situation, sur un horizon de long terme. Sur ce niveau, les allergologues concentrent surtout leurs efforts dans la communication auprès du public : auprès de la population en général pour informer sur l’importance des traitements des maladies allergiques, auprès des médecins généralistes pour leur sensibiliser sur l’orientation nécessaire des patients allergiques vers les allergologues, et auprès des autorités publiques pour leur inciter à améliorer l’environnement de travail de ces praticiens allergologues.

 

Quant aux apports de la réforme (de 2016) sur l’exercice de la profession d’allergologue, les interviewés ont souligné trois types de contribution de cette reconnaissance de l’Allergologie comme spécialité universitaire. Premièrement, la « lutte » revendicative elle-même a permis de manifester la solidarité des divers acteurs de l’offre de soin en Allergologie. C’est un point d’appui solide pour aller de l’avant, une source de motivation pour tout mouvement de revendication futur. Deuxièmement, cette réforme a valorisé substantiellement la filière Allergologie, non seulement au regard des autres spécialités médicales, mais également auprès du public au sens large (une marche vers un peu plus de visibilité du métier d’allergologue). Troisièmement, cette reconnaissance accordée à l’Allergologie contribue largement à l’amélioration de la formation (en Allergologie) en vue de « produire » une trentaine de praticiens annuellement, de donner une place plus importante à la filière, et d’accroitre le pouvoir de négociation de l’Allergologie face à d’autres acteurs (dont l’Etat, les autres spécialités médicales, les différentes entités privées et publiques en matière de santé, etc.).

 

Il faut tout de même reconnaitre qu’une longue marche attend encore les acteurs de l’offre de soin en Allergologie car il existe plusieurs points perfectibles sur ce domaine. En fait, il s’agit principalement de chercher à convaincre l’Etat (à travers les autorités de la santé, en l’occurrence) à intervenir activement car l’essentiel des problèmes persistants est d’ordre structurel :

 

  • En premier lieu, le parcours de soin devrait être optimisé pour permettre une prise en charge « à temps » (de manière accélérée) des patients allergiques et répondant à leurs besoins.

 

  • Ensuite, le nombre d’allergologues reste encore insuffisant en tenant compte de la recrudescence des maladies allergiques et des départs (notamment à la retraite) des allergologues en exercice (avec un âge moyen de 57 ans) : une cinquantaine d’allergologues nouvellement formés par an en plus des trente actuels est encore nécessaire.

 

  • Aussi, il faudrait faciliter l’accès au soin pour les patients allergiques, surtout en promouvant les produits tels que ceux de l’immunothérapie allergénique (ou ITA). Il faut noter que ces derniers servent également d’instrument de diagnostic pour les allergologues.

 

  • Puis, il apparait important d’intégrer les modules d’Allergologie dans la formation initiale en étude médicale et dans la formation continue des professionnels de santé. Cela aiderait alors les médecins généralistes (en l’occurrence) à prendre les mesures nécessaires lorsqu’ils sont en face d’un patient allergique, avant d’orienter celui-ci vers un allergologue.

 

  • Il y a lieu également de mettre l’accent sur l’éducation thérapeutique du public par des programmes divers destiné à sensibiliser les patients sur les enjeux d’une prise en charge convenable de leurs problèmes d’allergie.

 

  • Enfin, il convient de stimuler la recherche en Allergologie pour améliorer les pratiques sur ce domaine, mais aussi pour motiver l’entrée des futurs médecins dans cette filière.

 

En outre, il y a lieu de tenir compte des limites méthodologiques de la présente étude, de manière à approfondir celle-ci. Une piste de recherche est alors la considération des opinions des principaux acteurs du « marché » de l’allergologie, à savoir : les allergologues (dont les spécialistes d’organe, et non seulement les exclusifs), les médecins généralistes, les enseignants en étude médicale, les laboratoires pharmaceutiques, et surtout les patients (réels et potentiels) allergiques.

 

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