Le travail de groupe pour favoriser l’acquisition de l’orthographe chez les élèves de primaire
La manière de bien écrire pourrait résumer ce que l’on appelle l’orthographe. Pour autant, le concept n’est pas aussi aisé qu’il semble l’être a priori, puisque l’orthographe n’est pas seulement l’art de bien écrire ce que l’on dit mais elle implique également toute une approche cognitive et socio-comportementale. Cette étude du comportement se fera chez les enfants en bas âge, au niveau de l’école primaire notamment ; c’est à ce stade en effet que se développent toutes les structures mentales favorisant l’assimilation de la connaissance scripturale. De ce point de vue l’orthographe est laissée en marge bien que sa maitrise dès le bas âge ouvre bien des portes. Les élèves comme la majorité des personnes éprouvent des difficultés dans l’orthographe.
Ces difficultés cognitives individuelles des élèves ne peuvent se passer d’une étude du groupe comme cadre d’analyse comparative, puisque de plus en plus on constate que la constitution de groupes de travail peut constituer un facteur d’avancement dans l’appréhension et la compréhension de problèmes cognitifs à l’origine des difficultés orthographiques.
Face à cette situation, la question qui vient à l’esprit est : comment le groupe à travers le travail de groupe favorise-t-il l’acquisition individuelle des règles orthographiques (en particulier grammaticales)? Pour y répondre, dans une première partie on traitera les concepts théoriques c’est à dire le travail de groupe au chevet du niveau orthographique des élèves (I). La seconde partie analysera le dispositif expérimental d’acquisition de l’orthographe en classe (II).
I – LES CONCEPTS THEORIQUES : LE TRAVAIL DE GROUPE AU CHEVET DU NIVEAU ORTHOGRAPHIQUE DES ELEVES. 4
- A) Le travail de groupe. 4
- La notion de travail de groupe. 4
- Travail de groupe et travail personnalisé : les enjeux de la dichotomie. 4
- Les interactions et échanges du travail de groupe : fondements du socio-constructivisme 5
- L’approche de VYGOTSKY.. 5
- L’approche de A.N. PERRET-CLERMONT, W. DOISE et MUGNY.. 6
iii. L’approche de PHILIPPE MEIRIEU.. 6
- B) L’orthographe. 9
- Définition et histoire de l’orthographe en France. 9
- Les enjeux de la maîtrise de l’orthographe pour les élèves de primaire. 10
- L’orthographe : un problème cognitif et socioculturel 11
- Des méthodes d’enseignement de l’orthographe obsolètes. 12
- L’avenir de l’orthographe dans les écoles primaires françaises. 12
II – LE DISPOSITIF EXPERIMENTAL D’ACQUISITION DE L’ORTHOGRAPHE EN CLASSE 13
- A) Le groupe comme moteur de l’attitude réflexive individuelle des élèves. 13
- les interactions socio-cognitives. 13
- Notions. 13
- La conception et le types de séances de travail en groupe. 14
iii. Les travaux ponctuels. 15
- Les travaux créatifs. 15
- Les travaux de remédiation. 16
- La dynamique du travail de groupe au service de l’individu. 16
- B) La dictée négociée. 17
- Définition de la dictée négociée. 17
- Enjeux de la dictée négociée pour les élèves. 17
- Méthodes de la dictée négociée. 18
- La dictée dialoguée. 18
- La Dictée « traditionnelle ». 18
vii. La Dictée copiée (avec léger différé ou sans) 19
viii. La Dictée dialoguée ou commentée avec le maître. 19
xii. La Dictée au maître (avec confrontations collectives des propositions) 19
xiii. La Dictée d’étiquettes. 19
- Les résultats obtenus grâce à la dictée négociée. 19
- L’avenir des anciennes méthodes d’enseignement de l’orthographe face au devenir de la dictée négociée. 20
Dans ce mémoire, il est question ici de « groupe classe ». C’est l’« ensemble d’élèves d’un établissement d’enseignement réunis à partir d’une ou de plusieurs caractéristiques communes »[1]. On peut donc définir le groupe en tant qu’ « ensemble de personnes considérées comme une entité, partageant ou non des valeurs, des intérêts, des traits de caractères communs mais agissant en interaction en vue d’exécuter la même tâche ou d’atteindre un objectif commun ». Selon Philippe MEIRIEU, « le groupe est constitué de relations plurielles d’échanges, articulées sur un contact qui est donné comme le réel et évacuant tout ou partie de l’autorité du maître« [2].
Il existe une grande diversité de modes de regroupement d’élèves dans un établissement. Ainsi, j’ai pu observer ou relever, en particulier grâce à un travail d’André de PERETTI[3], des groupes homogènes ou hétérogènes, formels ou informels ou spontanés, des groupes de production, de compréhension, d’instruction, d’entraînement, de niveau, de besoin, de discussion, de travail, de recherche, d’intérêt, d’apprentissage, de profil, etc.
Le travail de groupe est un moyen permettant à des élèves de travailler ensemble à l’école primaire et en améliorant la connaissance individuelle. Tout d’abord, le travail de groupe offre la possibilité de répondre à l’hétérogénéité des classes. La répartition des élèves dans des classes, même si elle se fait globalement par classes d’âge, conduit inéluctablement à des regroupements hétérogènes d’enfants. Les causes de cette hétérogénéité sont diverses : les différentes origines socioculturelles, socio-économiques et parfois ethniques ; les différences de développement (physique ou psychique) et de rythmes ; les différences au niveau des processus d’apprentissage mis en œuvre; les différents curricula scolaires ; les écarts de niveaux de savoirs ; les histoires de vie différentes, etc.
Une organisation pédagogique qualifiée de « traditionnelle » avec un enseignement frontal et collectif permanent ne permet pas de gérer toute cette diversité, cette hétérogénéité. Par contre, le travail en groupes, instrument de la différenciation pédagogique permettra de prendre en compte et de gérer partiellement cette hétérogénéité.
Ensuite, ce type de travail favorise les apprentissages et la communication. Les études et recherches en Sciences Humaines font apparaître l’importance de l’action et du travail en groupes pour les apprentissages. Les approches socio-constructivistes ont permis de faire prendre conscience du fait que le groupe est un moyen qui favorise les apprentissages.
Le conflit socio-cognitif, les démarches d’entraide et de coopération permettent aux enfants de progresser dans leurs processus d’apprentissages et dans l’acquisition de savoirs, tout en favorisant leur motivation.
Le groupe joue également un rôle très important et un enrichissement dans l’appropriation de la langue ainsi que dans l’apprentissage et le perfectionnement de la communication. En effet, par l’écoute, le dialogue, l’interaction, en situation réelle, construits sur le sens, les membres du groupe doivent sans cesse adapter et améliorer le langage utilisé pour qu’il y ait compréhension, échange et communication.
Enfin, ce travail encourage et favorise la socialisation. En effet, le simple fait d’être parmi d’autres, semblables mais différents, d’agir avec eux, de « co-opérer » ou d’être en compétition, induit des comportements particuliers. Les interactions provoquent des relations nouvelles et nécessitent des adaptations, des accommodations ; elles peuvent provoquer ou révéler des conflits dont la gestion nécessitera analyse, compréhension et régulation.
Le groupe permettra à chacun de se repérer, de se situer, de prendre conscience de ses similitudes et de ses différences, d’apprendre quels sont ses droits et ses devoirs. Il préparera l’enfant à sa vie présente et future dans la société, dans le cadre d’une éducation à la citoyenneté. Par ailleurs, dans le travail en groupe, les élèves sont parfois, voire souvent amenés à agir seuls, sans la présence de l’enseignant qui leur délègue ainsi un certain pouvoir et les met en situation d’autonomie, selon un « modèle d’affranchissement » au sens où le développe Gilles FERRY15. Dans ce modèle, qui n’est centré ni sur l’enfant, ni sur l’enseignant mais sur les relations qui peuvent exister entre eux, le souci est de permettre, d’encourager le besoin de communication et de coopération des enfants à des fins scolaires et sociales. Le travail en groupe présente donc bien des avantages dans le contexte éducatif actuel, toutefois, comme le précise P. MEIRIEU, pour que de telles pratiques soient réellement bénéfiques, les élèves doivent y être suffisamment préparés tout en étant informés de leurs finalités.
Le principe fondateur est constitué par les travaux se réclamant des thèses de Vygotski et de leurs prolongements.
- L’approche de VYGOTSKY[4]
Lev Semenovitch Vygotski est né en 1896, la même année que Jean Piaget et Célestin Freinet. Il meurt en 1934 de la tuberculose. Il a été intellectuellement très actif, produisant des écrits dans des directions variées faisant appel à des champs différents. Sa thèse de doctorat porte sur la pièce de Shakespeare, Hamlet, il a également écrit une psychologie de l’art.
Pour VYGOTSKY (1896-1934), il existe deux formes de fonctionnement mental : les « processus élémentaires » qui sont en rapport avec le capital génétique, la maturation biologique, et l’expérience de l’enfant avec son environnement physique, et les « processus supérieurs » qui se développent à partir de la mise en place de la fonction symbolique et de l’acquisition du langage. Il conçoit l’élaboration de ces processus supérieurs suivant trois principes fondamentaux :
- Le rapport étroit qui existe entre éducation, apprentissage et développement. VYGOTSKY considère que le développement de l’enfant résulte de ses apprentissages et que ce développement se trouve en relation directe avec les situations sociales auxquelles l’enfant est confronté et à partir desquelles il construit son appareil psychique. Le développement cognitif dépend des processus constructeurs intégrant des variables sociales et agit suivant un modèle explicatif ternaire concernant les interactions « individu / objet / contexte social » contrairement au modèle binaire de PIAGET qui lui concerne uniquement les interactions « individu / objet« , faisant ainsi abstraction du milieu social.
- Le rôle de la « médiation sociale » dans les rapports entre l’individu et son environnement et dans l’activité psychique « intra-individuelle« . Pour lui, il s’agit là de l’appropriation des « instruments » relevant de l’héritage socioculturel et qui marquent de façon essentielle le passage des « activités élémentaires » aux « activités supérieures » tels que le langage ou tout système de signes permettant de fournir des représentations.
- Le passage de « l’interpsychique » dans des situations de communication sociale à « l’intrapsychique » : c’est parce que l’enfant doit d’abord utiliser des signes, des savoirs pour agir sur, avec ou contre les autres qu’il peut ensuite se les approprier pour agir sur lui-même. De fait « chaque fonction psychique supérieure apparaît deux fois aux cours du développement de l’enfant ; d’abord comme fonction interpsychique, puis comme activité individuelle, comme propriété intérieure de la pensée de l’enfant, comme fonction intrapsychique». Il s’agit donc de l’appropriation des fonctions sociales supérieures par transformation de la fonction sociale de la communication (interpersonnelle) en fonction individuelle et intellectuelle (intrapersonnelle).
C’est à partir de ces recherches que VYGOTSKY a défini la « zone proximale de développement » qui devrait être prise en compte dans toute situation d’apprentissage comme étant pour l’enfant, la « différence entre le niveau de résolution de problèmes sous la direction et avec l’aide d’adulte (ou d’enfant plus avancé) et celui atteint seul » et ce en considérant qu’il n’y a pas de développement cognitif sans apprentissages ni éducation.
Dans les années 1970, ces psychologues sociaux de l’éducation se sont appuyés sur la conception de VYGOTSKY pour développer leur théorie sociale de l’intelligence autour du « conflit socio-cognitif » comme facteur d’apprentissages. Pour eux, la confrontation, avec d’autres, de points de vue divergents amène le progrès en obligeant chaque sujet à intégrer ceux-ci dans un système cognitif plus général qui en permette l’unification. Ainsi, le conflit interpersonnel qu’un sujet peut vivre avec les autres débouche sur un conflit intrapersonnel et devient le moteur de l’apprentissage.
Ils se distinguent ainsi de PIAGET qui parle de « conflit cognitif » en tant que prise de conscience par l’enfant de l’inadéquation de ses réponses à une situation problème à laquelle il se trouve confronté, et ce indépendamment de la situation sociale. Pour lui, le développement cognitif est une condition nécessaire mais non suffisante pour expliquer le développement social. Ces chercheurs parlent aussi de « causalité en spirale » car les progrès cognitifs réalisés à un certain niveau d’après les interactions sociales, permettent la participation de l’individu à des interactions de niveau supérieur entraînant ainsi l’acquisition de nouvelles compétences individuelles et ceci de façon spiralée.
Toutefois, précisent-ils, le conflit socio-cognitif n’est pas présent dans toutes les situations de co-résolution car, pour qu’il ait lieu, les élèves doivent réellement confronter leurs points de vue et non pas être en accord ou en désaccord totaux.
Philippe MEIRIEU enseignant-chercheur, universitaire, a conduit de nombreux travaux sur les pratiques de groupes et les apprentissages en situation scolaire[5]. A l’occasion de l’une de ses recherches sur les différents modes de regroupements employés, il a notamment observé deux types de regroupements d’élèves présents dans les pratiques de nombreux enseignants :
- Le premier, appelé « groupe de production« , consiste à finaliser un groupe de travail en lui soumettant un projet.
- Pour le second, l’affectivité et les relations inter-personnelles des membres du groupe sont perçues comme le véritable objectif de la mise en groupe.
Dans les deux cas, P. MEIRIEU constate que ces types de regroupement sont susceptibles d’entraîner des dérives qui tendent à mettre au second rang ou à évacuer les apprentissages.
- Pour le groupe de production, ce serait la dérive économique ou dérive productiviste. Selon lui, la logique de production, appelée aussi logique de fonctionnement entraîne une division des tâches et du travail, ce qui risque de faire oublier la primauté des apprentissages, objectif initial ; la gestion de ces derniers étant considérée ici comme une perte de temps pour l’efficacité de la tâche. Cette logique s’appuie sur l’inégalité entre les individus et cherche à utiliser au mieux les différences de compétences.
- La seconde, appelée dérive fusionnelle, concerne les groupes centrés essentiellement sur les liens affectifs de leurs membres, sur leur « bien-être », et écarte également l’objectif premier qui est l’apprentissage. Dans ce cas, les inégalités sont gommées et les différences de compétences ne sont pas prises en compte.
- MEIRIEU souligne le risque de l’institutionnalisation de telles logiques qui, à terme, en se généralisant, entraînerait la disparition de l’école et du projet spécifique qui est le sien, à savoir les apprentissages. De plus, il pense que, malgré des connaissances sur les processus favorisant les apprentissages, rien ne permet d’affirmer avec précision que ceux-ci se produisent systématiquement lors de la mise en groupe des élèves.
Le groupe, pour ce chercheur, doit devenir un véritable « outil au service de l’enseignant« . Il propose donc d’engager, dans tout travail en groupe, une « logique pédagogique » afin de promouvoir chez les enfants les compétences qu’ils n’ont pas en leur permettant d’engager un processus à partir duquel ils acquièrent et s’enrichissent de capacités nouvelles. P. MEIRIEU ajoute qu’une pratique de groupe doit être « délibérément définie en tant que méthode, c’est-à-dire apparaisse, pour tous les membres du groupe, comme une démarche d’appropriation de connaissances nouvelles« [6]. Pour cela, dit-il, il conviendra d’installer une véritable « co- opération » comme moyen pour compenser les inévitables disparités entre les individus dans les groupes scolaires et pour favoriser les apprentissages. Il ajoute que la coopération contribue à rendre le sujet co-responsable de la construction de son savoir.
S’appuyant sur les travaux de A.N. PERRET-CLERMONT pour qui « Le conflit socio-cognitif est d’autant plus apte à engendrer une évolution du sujet qu’il est d’autant plus saillant à leurs yeux », il a réalisé qu’il était important que les participants conçoivent la dimension cognitive des apprentissages afin d’en améliorer la qualité. C’est pour cela, dit-il, qu’il faut analyser les objectifs en terme d’activité mentale afin de mettre en place des activités spécifiques et adaptées aux types de savoirs à acquérir afin d’optimiser ce conflit.
De cette réflexion P. MEIRIEU a dégagé trois principes pour que le travail de groupe soit bénéfique et que le conflit socio-cognitif soit présent :
- favoriser les interactions sociales constructives ;
- le langage utilisé au sein du groupe doit être commun à tous ses membres afin de ne pas freiner la communication ;
- un certain équilibre entre hétérogénéité et homogénéité doit être maintenu au sein du groupe, car cela permet de le tenir sous tension tout en assurant sa cohésion.
C’est donc à partir de ces recherches que MEIRIEU met en place le « groupe d’apprentissage » pour lequel « il s’agit, à partir d’un objectif d’apprentissage, de s’interroger sur l’opération mentale qu’il requiert (…) et sur quel fonctionnement groupal serait susceptible de faire effectuer cette opération. » Il convient alors de réaliser des combinaisons « d’inductions » et « d’oppositions » afin de favoriser les opérations mentales nécessaires à l’acquisition de nouveaux savoirs. Par induction il conçoit entre autre la distribution du matériel, la formulation de consignes, imposant à tous la confrontation avec autrui et permettant à chacun la formulation d’hypothèses. Les phénomènes d’opposition se gèrent par un système de rotation des tâches à partir duquel, chacun sera successivement en mesure d’éprouver la difficulté à intégrer ce que disent les autres. Il faut, dit-il, mettre en place une « stratégie d’apprentissage » afin de tenir compte des opérations mentales de l’enfant et de les articuler à ses compétences et capacités préalables en vue du bon déroulement des conflits de centration.
Il s’agit donc d’une méthode qui s’appuie sur les interactions cognitives des membres du groupe afin de leur permettre de réaliser au mieux certains apprentissages. Notons en résumé que pour MEIRIEU, trois conditions sont indispensables à l’efficacité du conflit socio-cognitif dans ces groupes[7]. Tout d’abord, il convient de bien différencier le projet collectif de l’objectif individuel à atteindre. Ensuite il faut homogénéiser les capacités des individus à communiquer. Enfin assurer une hétérogénéité suffisante des compétences. Mais comment mettre en place des « groupes d’apprentissage » ? Pour MEIRIEU, le groupe doit être considéré comme un outil pédagogique et les pratiques de « groupes d’apprentissage » centrées sur le développement cognitif sont concevables si :
- ces pratiques sont clairement définies comme méthode, c’est-à-dire qu’elles soient perçues comme telles par tous les membres du groupe et reconnues comme démarche d’appropriation nouvelle ;
- les objectifs sont clairement spécifiés et que l’on puisse les évaluer individuellement après une phase de travail collectif ;
- la réalisation du projet requiert la participation de tous ;
- un réseau de communication homogène est installé ;
Il convient alors de remarquer que si l’on peut définir théoriquement des stratégies générales de la pratique de travail en groupe, dans la réalité d’une classe, les choses ne sont pas si simples. C’est pourquoi il est difficile de définir un mode de regroupement et une stratégie qui serait applicable dans toutes classes et pour tous types d’apprentissages. MEIRIEU définit cependant quatre grands types de groupes entre lesquels chaque enseignant pourrait faire son choix en l’adaptant à sa pratique, en tant qu’instrument pour « différencier la pédagogie« .
Ces quatre grands types de travail de groupe définis par MEIRIEU[8] sont les suivants :
- Le groupe de monitorat : Il s’agit dans ce cas d’organiser une structure relais où un élève prend provisoirement le relais du maître.
- Le groupe à dominante productive : Le groupe est investi d’un objectif de production centrée sur la qualité du produit final.
- Le groupe à dominante affective : L’objectif essentiel de ce groupe est de mobiliser les individus et leurs intérêts en vue d’une « réconciliation » à caractère affectif.
- Le groupe à dominante apprentissage : Il est essentiellement basé sur les interactions cognitives mises en place par les différents membres du groupe afin de réaliser au mieux certains apprentissages, en tenant compte des trois conditions nécessaires à l’efficacité du conflit socio-cognitif[9] évoquées plus haut.
Pour conclure sur cette approche, P. MEIRIEU insiste fortement sur le fait que le travail de groupe est avant tout un outil didactique qui ne doit pas totaliser l’activité pédagogique, mais qui peut, en fonction des situations et des objectifs visés, enrichir la panoplie méthodologique de l’enseignant. Il rejette l’idée du groupe en tant que formule générale d’éducation et il souligne la nécessité d’en dégager les principes qui puissent le transformer en outil pédagogique efficace en vue d’une meilleure utilisation dans les écoles.
L’alphabet du français, c’est connu, provient essentiellement du latin. Le temps n’y a ajouté que quelques consonnes (j, k, v, w, x, z), les accents et des signes de ponctuation. Or, le latin n’avait que cinq voyelles, à l’oral comme à l’écrit, qu’on a enrichies du y, qui n’était pas vraiment grec.
Pendant plus de cinq cents ans, le latin et le français (qui consistait en des dizaines de dialectes) ont vécu dans un état de symbiose : on parlait français et on écrivait latin ou, du moins, on utilisait le latin pour transcrire ce qui était en train de devenir le français. La séparation des deux langues n’a été consacrée qu’au IXe siècle, quand la réforme de Charlemagne tenta, sans succès, de rétablir la prononciation originelle du latin d’une part, et d’introduire d’autre part la langue vulgaire (au sens de populaire) dans les sermons. À partir de là, ce sont les auteurs (de chansons de gestes, de fabliaux, de chartes, etc.) et non l’école, qui se chargeront peu à peu de fixer l’orthographe du français.
En ancien français, du XIe au XIIIe siècles, prédomine l’orthographe du « bel francois » (beau français). Les clercs ont une belle écriture, très semblable malgré les différences dialectales, ce qu’on n’arrive pas à expliquer de manière satisfaisante. Mais ils veulent trop être fidèles à l’étymologie latine; par exemple, c’est d’eux que provient l’alternance entre c et qu : corps/qui.
Le français oral évolue alors à toute vitesse, particulièrement en créant quinze diphtongues (au, ue, ui, eu, ou, etc.) et triphtongues (ieu, uou, etc.). L’orthographe essaie de suivre ces changements rapides, puis elle y renonce et se fixe, alors que l’évolution phonétique continue.
Cela nous a laissé des mots comme queue et accueil. Autre exemple, l’ancien français possède trois variantes du son e (la voyelle de l’hésitation), qui n’existait même pas en latin; comme on n’avait pas encore inventé les accents, on a écrit ez pour le son é, es pour le son ê et on a redoublé la consonne après le son ê (jeter/jette).
Le moyen français de l’époque gothique (XIIIe au XVIe siècles) a vu la disparition de la
nasalisation de presque toutes les voyelles. Seules sont restées in (fin), an (sans), on (bon) et un (brun), mais dans beaucoup moins de mots qu’à l’époque. Les voyelles i et u perdent les premières leur consonance nasale et on n’a pas cherché à en garder la trace : une et cuisine sont suivis d’un seul n. Mais la nasalisation des autres voyelles a duré assez longtemps pour influencer l’orthographe; ainsi, année s’écrit avec double n afin transcrire la prononciation « an-née » et le o nasal a laissé une trace dans homme et bonne. Ces consonnes doubles s’expliquent du fait qu’à l’époque, la syntaxe du français se fonde sur l’ordre des mots et non plus sur les désinences des cas, comme en latin. Or, ces terminaisons se caractérisaient souvent par une consonne finale, comme le m de l’accusatif (hominem video, « je vois un homme »), qui disparait alors de la prononciation, tout en restant en orthographe pour transcrire les sonorités nasales des voyelles.
La fin du Moyen Âge est aussi le moment où le style gothique s’impose, non seulement dans l’architecture des cathédrales, mais dans l’écriture. On passe de la calligraphie romaine à la calligraphie gothique. En même temps, on place plus de mots sur une page et on ressent le besoin de séparer davantage les mots les uns des autres (le paragraphe n’est alors qu’un signe parmi d’autres et il ne donne pas lieu à un alinéa ni à un interligne accru). Les clercs copistes deviennent séculiers (laïcs) et sont payés à la tâche. Il est faux toutefois qu’ils aient inséré de nouvelles lettres dans les actes juridiques pour augmenter leur salaire. Au contraire, ils ont créé de nouvelles abréviations qui ont enrichi la langue et simplifié son orthographe. Ils ont introduit le x pour abréger la finale –us (heureux/heureuse), le s après e pour noter une voyelle ouverte (beste, qui deviendra ensuite bête). De plus, comme on utilisait la lettre i pour écrire la consonne j et le u pour noter le son v, les clercs ont inséré les consonnes b, d ou f devant i et u afin de marquer que ces lettres se prononçaient comme des consonnes et non comme des voyelles. L’orthographe de « sujet » est ainsi passée de suiect à subiect, celle de « devoir », de deuoir à debuoir et celle de « brève », de breue à brefue. C’est facile de dire après coup qu’il aurait mieux valu inventer tout de suite les lettres j et v.
Au XVIe siècle, celui de la Renaissance, l’imprimerie se répand et plusieurs clercs se recyclent en imprimeurs et de nouveaux artisans rejoignent ce métier naissant. Les imprimeurs rejettent les caractères gothiques et choisissent plutôt les romains; ils remplacent les abréviations et les annotations dans la marge ou dans l’interligne par les signes de ponctuation et les accents, en plus de normaliser l’usage de la majuscule. La norme se répand vers 1530 grâce à un livre, la Briefue Doctrine pour deuement escripre en language francoys (« Brève doctrine pour dument écrire en langue française »). Inspiré par ces imprimeurs d’avant-garde, le poète Ronsard lance un mouvement de réforme de l’orthographe, qui est suivi par une majorité d’auteurs.
Le dramaturge Corneille, au XVIIe siècle, prend la relève du poète et il préconise l’emploi du s (au lieu du z) pour le pluriel, de même que l’usage de l’accent grave, en plus de faire adopter les consonnes j et v par l’Académie française. Les dictionnaires se succèdent, partagés entre l’usage et la tradition. On entre dans un nouvel âge de l’orthographe et son histoire est à suivre.
En somme, l’alphabet latin, s’il nous sert de base avec les autres langues romanes et les langues nordiques (anglais, allemand, etc.), a fait payer un lourd tribut à l’orthographe française. Un autre facteur aggravant a été l’extraordinaire évolution phonétique du français au Moyen Âge, Lettre gothique Lettre caroline que l’orthographe n’est jamais arrivée à suivre. Durant les premiers mille ans qui ont constitué sa jeunesse et son adolescence, la langue a changé rapidement. Aujourd’hui, l’illusion consiste à croire que, comme le français adulte change moins vite, il ne change plus du tout.
À trois ou quatre ans, les enfants distinguent déjà l’écriture du dessin, et comprennent même vaguement ce qu’est la lecture. Au cours de cette phase pré-alphabétique (dite phase logogra-phique), ils apprennent des associations régulières entre des éléments de leur environnement et des formes graphiques ou sonores. Ils reconnaissent, par exemple, le mot « Carrefour » ou «Auchan »,ainsi que des prénoms écrits.
Cette reconnaissance ne s’effectue pas dans le détail des lettres : les enfants reconnaissent le prénom Goran même si une lettre est absente (Gorn), redoublée (Gooran), ou inversée (Gorna). Suit la phase alphabétique, durant laquelle l’enfant commence à comprendre que les séquences de lettres entretiennent des correspondances régulières avec les séquences sonores. Pour cela, l’enfant doit être parvenu à une certaine maîtrise de sa langue maternelle et savoir segmenter les mots en syllabes (/kado/ —>/ka/ /do/), voire en phonèmes (/ka/ -> /k/ /a/). La segmentation est d’abord approximative. Ainsi, l’enfant écrit parfois éléphant : « LFA » (voir la figure 3). Puis, il aboutit à la prise de conscience de l’ensemble des phonèmes, qui sont au nombre d’environ 35 en français, dont 15 voyelles et 20 consonnes. Cet apprentissage a lieu, selon les cas, à 5, 6 ou 7 ans. En français, cependant, le principe alphabétique ne suffit pas à apprendre l’orthographe. En effet, le français ne fait pas correspondre à chaque phonème une configuration graphique (ou graphème) unique (on dit que c’est une orthographe opaque). Au contraire, d’autres orthographes sont transparentes…
En italien, japonais, espagnol ou allemand, les appariements entre phonèmes et graphèmes sont plus réguliers. Les jeunes Espagnols exploitent très précocement les régularités du système, écrivant de nombreux mots qu’ils n’ont jamais rencontrés auparavant. Les jeunes Italiens lisent tôt en utilisant une procédure systématique de conversion graphème-phonème. L’apprentissage de la lecture et de l’écriture des mots est plus tardif et problématique en anglais et en français, où la seule connaissance des correspondances entre phonèmes et graphèmes ne permet de transcrire correctement qu’environ la moitié du lexique.
Comment écrire hygrométrie? Pourquoi plusieurs combinaisons de lettres produisent-elles le même son? Ou encore Une succession de « sons inconsistants », phonèmes pouvant être transcrits a priori de plusieurs façons différentes. Voilà quelques difficultés auxquelles les enfants sont confrontés.
L’orthographe française est truffée de pièges. L’une des plus grandes difficultés vient du fait que de nombreux phonèmes (unités sonores) peuvent être transcrits de différentes manières. La linguiste Liliane Sprenger-Charolles a réalisé une synthèse qui en livre quelques exemples. Le phonème /t/ peut se transcrire t (dans halte), tt (cette), th (théâtre) ; /k/ peut se transcrire c (climat), cc (accord), q(u) (coq, quitte), k (kilo), ck (stock), ch (chorale) ; par contraste, /r/ et /l/ présentent moins de variations (r et rr (curieux, irrégulier), l et ll (couleur, ville)). D’autres difficultés existent : la désinence –ent indiquant le pluriel de la troisième personne, est muette, tout comme le –s du pluriel des noms.
Les pluriels inaudibles font parti des difficultés dans la langue française. Les enfants savent-ils quelles sont les marques du pluriel et les utilisent-ils ? Là encore, les difficultés du français sont appréciables. Du fait que les marques écrites du pluriel (-s pour les noms ou les adjectifs, -nt pour les verbes) n’ont habituellement pas de correspondant phonologique, les enfants doivent les découvrir et comprendre leur signification au cours de l’apprentissage de l’écrit, sans pouvoir s’appuyer sur leur connaissance de l’oral.
Pour déterminer s’ils connaissent les marques et leur fonction et s’ils les emploient lorsqu’elles sont nécessaires, nous avons demandé à des enfants de première, deuxième et troisième années d’école primaire (respectivement, classes de CP, CE1 et CE2) de choisir parmi deux dessins représentant, par exemple, l’un un poussin et l’autre trois poussins, lequel correspondait à ce qui était écrit sur la vignette placée immédiatement dessous (poussin ou poussins) (voir la figure 4). Nous avons utilisé la même démarche pour les verbes (il vole étant par exemple contrasté avec ils volent). Les résultats montrent que la marque du pluriel nominal (-s) est très tôt comprise (réussite proche de 100 pour cent dès la première année d’école primaire), plus précocement que celle des verbes (-nt), acquise seulement en troisième année de primaire. En revanche, la production de ces mêmes marques, étudiée en demandant aux enfants de transcrire les mots poussins ou ils volent sous les dessins correspondants, marque un net retard et n’atteint que tardivement une réussite proche de 100 pour cent.
Les anciennes méthodes d’enseignements de l’orthographe sont devenues obsolètes car elles n’ont plus apporté le résultat escompté. Le ministère a donc établit de nouveau programme. Dans les nouveaux programmes 2008, rubrique orthographe, est noté le passage suivant : « Une attention permanente est portée à l’orthographe : pratique régulière de la copie, de la dictée sous toutes ses formes et de la rédaction ainsi que des exercices diversifiés assurant la fixation des connaissances acquises : leur application dans des situations nombreuses et variées conduit progressivement à l’automatisation des graphies correctes. Les élèves sont habitués à utiliser les outils appropriés. »
Dans la rubrique rédaction : « Les élèves sont amenés à rédiger, corriger et à améliorer leur production en utilisant leurs connaissances orthographiques, grammaticales ainsi que les outils mis à leurs dispositions. »
Concernant la compétence du deuxième palier pour la maîtrise du socle commun il faut :
- Orthographier correctement un texte simple de 10 lignes
- lors de sa rédaction ou de sa dictée – en se référant aux règles connues d’orthographe et de grammaire ainsi qu’à la connaissance du vocabulaire.
- Savoir utiliser un dictionnaire
On note ici l’emploi très clair des mots : dictée / copie / automatisation des graphies / utilisation des outils dans lesquels on peut se référer. D’où l’importance d’un travail régulier de pratique de dictée, effectué dans de nombreuses situations pour favoriser les apprentissages, les entraînements et les automatismes.
Il y a un plaidoyer pour une orthographe rationalisée. C’est-à-dire une orthographe débarrassée, autant que faire se peut, des graphies dont on peut dire qu’elles sont arbitraires et incohérentes.
Depuis le XIXe siècle, s’est installée la croyance en un mythe orthographique, en une orthographe unique. Ce mythe n’appartient pas à la tradition orthographique du français. Lorsque les lois Guizot de 1833 ont rendu l’enseignement primaire obligatoire, pour les garçons du moins, l’orthographe était au centre de l’enseignement, et d’abord de celui des maitres formés dans les écoles normales, créées en grand nombre vers les années 1850[10].
La défaite de 1870 entraina une réflexion sur cette prédominance de l’orthographe. Jules Ferry et Ferdinand Buisson réduisirent la place de l’orthographe à l’école pour élargir le champ des enseignements. Mais le pli était pris et le mythe de l’orthographe définitivement installé, du moins jusqu’à aujourd’hui : pour beaucoup de gens, il est inacceptable qu’un individu fasse des fautes d’orthographe, quelles que soient ses capacités par ailleurs. C’est ce mythe qui est, me semble-t-il, la cause véritable du peu d’empressement des Français à accepter les réformes, quand ils ne les rejettent pas par principe en argüant de raisons inspirées le plus souvent par l’ignorance de ses incohérences. On connait ces arguments : il suffit de réfléchir pour ne pas faire de fautes ; s’en prendre à l’orthographe, c’est s’en prendre au patrimoine de la France, à cette orthographe qui a plus de mille ans ; c’est tomber dans le laxisme, etc. Qu’il était merveilleux le temps où les enfants écrivaient sans faire de faute ! Hélas, cela aussi est un mythe et l’enquête Dancel – Thélot (1996) a établi que la baisse de niveau, qui avait en réalité commencé vers les années 1880, a été régulière depuis 1925, Manesse – Cogis[11] montrant qu’elle s’est accentuée depuis 1985.
Des projets de réformes, il y en eut plusieurs au cours du XXe siècle sous les signatures de G. Leygues (1901), É. Faguet (1905-1906), A. Dauzat et J. Damourette (1939-1940), J. Lafitte-Houssat (1950), C. Beaulieux (1952), Beslais (1952 et 1965), R. Thimonnier (1970), R. Haby (1977) et enfin les Rectifications de 1990. Autant de travaux remarquables, effectués par de savants linguistes, parfois même à la demande des instances politiques de l’époque. On jugera du faible impact des réformes par le fait qu’en 1908, l’Académie française préconisait d’aligner les sept pluriels en -oux sur la règle générale, ce qui n’est toujours pas admis. Notons toutefois que les Rectifications de 1990 reçoivent aujourd’hui un écho de plus en plus favorable : les dictionnaires, à des degrés divers, les prennent en compte, et plus particulièrement le Petit Robert 2009.
Le travail de groupe est l’occasion de modifier les rapports de l’enseignant et des élèves au savoir et donc les rapports des élèves et de l’enseignants entre eux. Il s’agit de rendre l’élève actif dans la construction de ses connaissances. A partir de plusieurs exemples relatifs à l’enseignement des SES, l’article présente différents objectifs et différentes modalités possibles du travail de groupe.
Le travail des élèves en groupes au sein de la classe permet une modification des rapports des élèves à l’enseignant et au savoir. La raison en est que le travail en groupes modifie d’emblée, de façon concrète et visible, le rapport des élèves à l’enseignant et au savoir. Il suffit d’assister à ce type de séance pour le ressentir : l’ambiance dans la classe devient très différente, les élèves beaucoup plus indépendants. La disposition même de la salle dans laquelle les tables sont assemblées deux à deux et réparties dans l’espace, symbolise très concrètement le fait que le travail va se faire dans la classe et non plus au tableau. Et, si le niveau sonore est un peu plus élevé qu’habituellement, il est rarissime que la situation dégénère (si le travail à faire est clairement énoncé et correctement organisé) car la configuration permet à tous de s’extraire d’une situation frontale où la résistance des élèves à l’apprentissage n’est souvent que le pendant du fantasme de toute-puissance de l’enseignant quant à la construction (voire à l’ingurgitation) du savoir par l’élève.
L’enseignant apparaît ici non plus comme celui qui dispense le savoir – ce qui reste souvent la représentation dominante même dans le cadre d’un cours dialogué –, mais devient, aux yeux des élèves, l’organisateur de l’apprentissage en même temps que la personne ressource qui pourra être sollicitée pour la réalisation du travail demandé. Ce sont – enfin ! a-t-on envie de dire – les élèves qui posent des questions, qui sont demandeurs de conseils, de techniques, et de savoirs qu’ils ne vont pas chercher à engranger pour eux-mêmes mais vont devoir utiliser. Même si on peut y voir un côté artificiel lié à la mise en scène, c’est là indéniablement un élément de plaisir pour l’enseignant, qui se sent soudain dans un autre rôle que celui de devoir faire apprendre des savoirs à des élèves qui ne semblent pas avoir envie d’apprendre.
Pour l’enseignant, ce type de travail est l’occasion d’observer la façon dont l’apprentissage se construit, les obstacles auxquels sont confrontés les élèves ou les groupes. Faire travailler la classe par groupes apporte toujours un regard nouveau sur les élèves, permettant de les découvrir le plus souvent très différents de ceux que l’on connaît. Au niveau de l’observation des processus d’entrée dans l’apprentissage, la surprise est généralement à double sens : difficultés que nous n’aurions pas imaginées comme telles, ou raisonnements beaucoup plus élaborés que nous ne le pensions, ou encore créativité insoupçonnée car peu mise en valeur dans le système scolaire actuel.
Pour les élèves, le travail en groupes est généralement facteur de motivation. Il permet aux plus réservés de s’exprimer et incite la plupart des élèves à s’investir dans une démarche de travail, ouvrant sur un possible apprentissage. Il se révèle fructueux à la fois par la mutualisation des savoirs et par les interactions qu’il est susceptible d’engendrer (selon la façon dont il est conçu).
Le travail en groupes apparaît donc en phase avec une conception socioconstructiviste de l’apprentissage (De Vecchi, 1992 ; De Vecchi & Carmona-Magnaldi, 1996), facilitant l’émergence de conflits sociocognitifs au sein des petits groupes puis dans l’ensemble de la classe au moment de la restitution. Le savoir se construit progressivement. Et si les élèves n’en ont pas forcément conscience, il suffit de les observer et d’écouter leurs discussions pour se convaincre qu’il y a bien des interactions très fructueuses en termes d’évolution des représentations de chacun, sur les savoirs comme sur les techniques de travail.
Mais c’est aussi la représentation même de l’élève sur l’apprentissage qui peut ainsi évoluer. En ce sens, le travail en groupes relève de ce qu’on peut nommer une forme de socialisation démocratique. Il modifie donc a priori les rapports entre élèves, enseignant et savoirs.
Pour la conception de la séance, il paraît important d’envisager des travaux différents de ceux que l’on peut donner à titre individuel. En effet, le point fort du travail en groupes réside dans les interactions qu’il permet et suscite entre apprenants. Il doit donc être conçu dans cette optique.
D’une façon générale, pour préparer une séance, on peut avantageusement se reporter aux questions-clés proposées par Meirieu[12] (1987), distinguant clairement tâche à réaliser et objectif visé :
- quel est mon objectif ? qu’est-ce que je veux faire acquérir à l’apprenant qui représente pour lui un palier de progression important ? ;
- quelle tâche puis-je proposer qui requiert, pour être menée à bien, l’accès à cet objectif (communication, reconstitution, résolution, fabrication, réparation, …) ? ;
- quel dispositif dois-je mettre en place pour que l’activité mentale permette, en réalisant la tâche, l’accès à l’objectif (matériaux, documents et outils ; consignes, but ; contraintes à introduire pour éviter le contournement de l’apprentissage) ? ;
- quel degré de guidage et quel type de regroupement entre élèves me semblent les plus appropriés à la tâche et à l’objectif de cette séance ?
Avec l’expérience, on peut séparer les travaux en groupes en deux grands types : un travail en groupes ponctuel centré sur une tâche de résolution, de tri ou classement ou encore de reconstitution, et un travail en groupes sur du plus long terme centré plutôt sur une tâche de création (affiche, exposé, sketch).
Le travail en groupes centré sur une tâche de résolution peut s’inscrire dans le cadre d’un apprentissage classique, comme une façon assez simple de ponctuer notre enseignement. Il est souvent intéressant en introduction d’un cours afin de faire entrer les élèves dans un questionnement ou une problématique à laquelle auteurs ou chercheurs ont eux-mêmes cherché à répondre. En SES, cela peut être le classement de la population active à partir d’une série de professions que l’on demande aux élèves de classer en groupes homogènes en précisant les critères retenus. Cela peut aussi être un tri entre différentes situations inégalitaires pour ne retenir que celles qui paraissent acceptables dans une société démocratique.
L’utilisation de tests Q-sort, proposant une dizaine d’énoncés parmi lesquels les groupes devront choisir les deux énoncés qui leur paraissent les plus justes et les deux qui leur paraissent les moins justes, est un exercice applicable à toutes les disciplines, qui se révèle généralement très riche à l’usage, à condition que les énoncés soient conçus de façon à ce qu’il puisse y avoir réel débat. Ces tâches de classement et de tri apparaissent très fructueuses dans le cadre d’un travail en groupes, à plusieurs points de vue :
- elles obligent souvent à comprendre la notion de critère et à en dégager de façon formelle ;
- elles permettent de saisir ensuite la notion de convention de classement, et de se rappeler qu’un classement a toujours un caractère imparfait au sens où il peut rarement prendre en compte tous les critères simultanément ;
- c’est également un travail formateur pour les élèves qui doivent apprendre à argumenter et donc à sélectionner et à hiérarchiser des arguments.
Dans tous les cas, à partir d’un exercice en apparence très simple, ces tâches suscitent des interactions très vives au sein des groupes et incitent chacun à intervenir et à expliciter sa pensée. Elles font entrer chaque élève dans le questionnement et peuvent préparer à la réception d’une réponse ou d’un débat théorique qui sera beaucoup mieux entendu ensuite. Les tâches de reconstitution d’un texte ou d’un schéma (préalablement découpé par l’enseignant) incitent également les élèves à l’entrée dans la réflexion et les raisonnements. Si elles suscitent, un peu moins facilement que les précédentes, l’interaction, elles ont aussi pour avantage de se révéler très instructives pour l’enseignant, qui peut alors constater, en suivant un moment chaque groupe, où se situent les difficultés de raisonnement ou les insuffisances de savoir des élèves. Elles sont également une excellente préparation à l’élaboration par l’élève de raisonnements rigoureux et structurés.
Les tâches de création (affiche, exposé, exposition, sketch) sont l’occasion d’un travail plus long. Selon la façon dont elles sont conçues, elles peuvent en elles-mêmes constituer un cours à condition d’être en partie travaillées en dehors de la classe, ou peuvent s’inscrire en fin d’un cours comme synthèse, voire comme évaluation.
Le produit obtenu est souvent riche d’informations car, à travers la création collective, on voit clairement (ré)apparaître les représentations des élèves et la façon dont elles ont, plus ou moins, évolué. Il est aussi souvent riche de créativité, ce qui nous permet de voir certains élèves sous un autre jour.
Enfin, le travail en groupes peut être utilisé dans une optique de remédiation, remplaçant avantageusement les séances de correction collective des devoirs. En repérant pour chaque élève, lors de la correction des copies un ou deux points importants à travailler, on constitue des groupes de besoin auxquels on fixe une tâche adaptée à la progression visée. La correction sera alors complétée par la distribution d’un corrigé photocopié. Si cela demande pour l’enseignant un travail assez conséquent, c’est aussi une grande satisfaction de constater la progression que cela permet pour la plupart des élèves. Et cela nous donne aussi une vision beaucoup plus nette de la progression individuelle et collective des élèves en termes d’apprentissage dans notre discipline.
Le modèle structuraliste général piagétien ne parvient pas à expliquer de manière satisfaisante certains fonctionnements cognitifs dans de très nombreuses situations de résolution de problèmes. Ce constat, largement reconnu aujourd’hui, est à l’origine de deux grandes perspectives contribuant au renouvellement des approches théoriques en psychologie développementale des activités et du développement cognitifs : l’une étudie les processus intra-individuels dans une perspective strictement psychologique et s’appuie sur les apports des théories cognitivistes ; l’autre se centre sur l’étude de processus inter-individuels influençant les processus intra-individuels.
C’est dans cette seconde perspective, inspirée des travaux de Vygotski (Vygotsky, 1933/1985, 1934/1985) et de ses prolongements (voir par exemple : Bruner, 1991 ; Doise & Mugny, 1981 ; Gilly, 1995 ; Mugny (Ed.), 1985 ; Perret-Clermont, 1996/1979 ; Perret-Clermont & Nicolet (Eds.), 1988, 2001 ; Wertsch 1979, 1985) et soutenant la thèse socio-constructiviste d’une origine sociale des processus mentaux supérieurs, que nous nous situons ici. Ce positionnement épistémologique, postulant un modèle développemental « ternaire » selon lequel le développement individuel des fonctions mentales supérieures relève d’un processus de genèse sociale se produisant au cours de pratiques sociales, repose sur 5 idées fondatrices : que le développement cognitif est un produit de l’apprentissage ; que les variables sociales sont consubstancielles aux processus constructeurs eux-mêmes ; que toutes les fonctions psychiques supérieures sont issues de la transformation de processus sociaux (interpersonnels) en processus cognitifs (intra-personnels), que c’est l’apprentissage médiatisé qui détermine une zone de proche développement, et que ce sont les signes et systèmes de signes qui sont les outils psychologiques médiatisant les activités cognitives.
Grâce aux recherches conduites depuis plus de trente ans maintenant, on peut « considérer l’interaction sociale et conflictuelle comme structurante et génératrice de nouvelles connaissances » (Carugati & Mugny, 1985, p. 59). Ces travaux empiriques ont bien montré que les interactions sociales, « symétriques » (e.g. co-résolution entre pairs : voir par exemple Mugny (Ed.), 1985 ; Gilly, 1995 ; Gilly, Roux & Trognon, 1999 ; Perret-Clermont & Nicolet (Eds.), 1988, 2001 ; Roux, 1999 ; Sorsana, 1999) ou « asymétriques » (e.g. parents-enfants, maître-élève, expert-novice… : voir par exemple Barnier, 2001 ; Baudrit, 2000, 2003 ; Berzin, 2000, 2001 ; Gaiffe, 2001 ; Roux, 2001a) et/ou la signification sociale (de la tâche à résoudre et/ou du contexte situationnel de résolution : voir par exemple : Monteil, 19 ; Monteil & Huguet, 19 ; Roux & Gilly, 1993) interviennent intrinsèquement dans la mise en œuvre des activités cognitives résolutoires et dans genèse des processus intra-individuels de développement des compétences.
Il ne fait ainsi plus de doute que le travail en groupe peut constituer un « environnement » socio-cognitif susceptible de générer des progrès individuels. Il est en effet maintenant bien établi par les innombrables travaux de laboratoire [2] et par des travaux conduits en contexte situationnel « naturel » [3] , qu’àcertaines conditions, la résolution de situations-problème en contexte interactif peut déclencher des processus inter et intra-individuels pouvant favoriser le développement des connaissances et des compétences cognitives individuelles. Tout particulièrement, le travail en interaction est très fréquemment à l’origine : de dynamiques de confrontations socio-cognitives efficaces [4] ; d’effets positifs sur la représentation de la tâche, sur les buts à atteindre et les procédures pour y parvenir ainsi que sur le contrôle des activités cognitives et métacognitives. En tout cas, ces confrontations déstabilisent les procédures individuelles des sujets impliqués ce qui exige d’eux une réorganisation le plus souvent constructrice de leur système cognitif.
La dictée négociée est une des formes de dictées possibles. Elle se révèle très opératoire du CE1 au CM2. Le dispositif de la dictée négociée est composé de phases selon la séance. La première séance comprend trois phases :
- Dictée traditionnelle, individuelle, sur des problèmes déjà travaillés.
- Phase de révision de la dictée par chaque élève.
- Faire des groupes de deux ou trois élèves. Chaque groupe doit à partir des deux ou trois dictées individuelles n’en rendre qu’une seule, qui doit donc être « négociée » à partir des deux ou trois solutions ; c’est cette dictée-là comportant les deux ou trois noms qui sera évaluée par le maître.
Lors de la deuxième séance :
- Le maître rend les « dictées négociées » et fait une correction collective qui peut être menée par lui et par les élèves, phrase par phrase.
- Prévoir un petit temps de concertation : les petits groupes reviennent sur leurs productions individuelles et négociées pour faire le point sur l’efficacité de leur association et commenter leurs erreurs et la correction donnée. Cette phase rendra plus efficace la dictée négociée suivante.
Mon expérience professionnelle de ces dernières années en classe d’histoire m’a convaincu que le développement du travail en sous-groupes est un outil pédagogique très intéressant (et très efficace s’il est utilisé judicieusement) car en premier lieu, il permet de multiplier les interactions entre les apprenants, ce qui accroît leur implication dans la tâche et, par conséquent, dans les apprentissages. En second lieu, il les rend plus responsables de ce qu’ils ont à faire (dans un sous-groupe de pairs, les élèves sont libres d’accomplir leur tâche de la façon qu’ils jugent la meilleure mais ils doivent rendre des comptes à l’enseignant sur le produit final), donc il favorise leur accession à l’autonomie. En troisième lieu, il constitue un moyen de compenser les disparités entre individus face aux apprentissages, à condition de veiller à la composition équilibrée dessous-groupes c’est-à-dire voir plus loin.
En outre, la dictée négociée devra être l’occasion pour les élèves de :
- Réinvestir des connaissances, des compétences et d’appliquer des règles en situation d’écriture dirigée ;
- Confronter leurs idées et de réfléchir (individuellement ou collectivement) à la façon d’écrire les mots en essayant d’expliquer pourquoi ils s’orthographient ainsi (propre à chaque situation)
- Comprendre la signification de l’orthographe des mots ;
- D’augmenter le capital mot mémorisés ;
- De faire des hypothèses sur l’écriture des mots, de faire des rapprochements analogiques pour pouvoir peu à peu trouver l’orthographe de mots inconnus ;
- Permettre de douter et de chercher dans des outils appropriés pour répondre à ses doutes
- Permettre de se corriger seul en situation d’écriture ou de relecture après vérification de l’enseignant.
Dans cette dictée, toutes les questions peuvent être posées à l’enseignant ou entre enfants sauf la demande de bonne réponse – Pour diriger le questionnaire, interdiction d’employer le nom des lettres dans les questions posées. (Ex : est-ce que …est un verbe / est-ce qu’il y a une consonne double ? …) La dictée est un exercice très utile si on ne se centre pas exclusivement sur l’évaluation mais sur l’apprentissage et si on favorise l’attention réfléchie sur les faits graphiques.
Le texte ne doit présenter que des mots connus ou pouvant être déduits de façon logique. Il faudra étalonner la dictée pour savoir si le lexique du texte correspond au niveau de classe grâce à des échelles d’acquisition comme l’échelle Dubois-Buyse, les L.O.B. (listes orthographiques de base – 1984) ou plus récemment E.O.L.E (POTHIER B. et P, Echelle d’acquisition en Orthographe Lexicale, E.O.L.E., Retz, 2003. ). Dans cette dictée, le coupage oralement du texte en séquences correspondant à des unités syntaxiques (groupes de mots) à faire mémoriser avant de donner le signal d’écrire. Le but étant que le texte soit compris.
Comme son nom l’indique, ce type de dictée prévoit des aides, par exemple des affiches collectives avec des mots à utiliser pendant la dictée, devant ou derrière les élèves qui les consultent librement, ou fiches individuelles. Par conséquent, l’enfant pourra consulter son propre lexique, confirmer des hypothèses sur des mots ou dans le pire des cas, copier rapidement, avec une chance de mémoriser une forme juste.
C’est un traitement collectif des problèmes majeurs posés par le texte, juste avant l’activité ou en différé puis dictée habituelle. Plusieurs « préparations » sont possibles sur plusieurs problèmes, un seul, schématisation des phrases, repérage des chaînes d’accord.
Cela consiste en une préparation du texte en classe collectivement avec le maître et ensuite appris individuellement à la maison. L’élève le restituera sous forme individuelle.
Le principe est qu’ à partir d’un texte long préparé, seules certaines phrases sont dictées. On peut décider aussi d’abréger la dictée pour certains élèves, dans un souci de différenciation pédagogique.
Il s’agit de restituer un texte qui a été vu quelques minutes auparavant, copié au tableau ouvert puis refermé ou sur des bandelettes de papier. (Il est intéressant aussi de faire copier tout simplement un texte que l’élève a sous les yeux. Consignes : le recopier, en temps limité, sans laisser une erreur). Ce dispositif privilégie la mémoire visuelle.
C’est une lecture du texte complet. La lecture de la première phrase avec ponctuation se fera, ensuite chaque élève l’écrira et relira. Pendant toute la dictée, chaque pourra poser les questions qu’il veut sauf la demande de la bonne réponse. Le maitre corrigera la première phrase en fonction des pistes ouvertes. Ce sera le même procédé pour la deuxième phrase.
Ce sera le même déroulement que ci-dessus. Mais le maître n’intervient pas, si possible : les enfants se posent des questions entre eux. Les consignes sont : les élèves doivent répondre par des procédures. Ex : « Qu’est-ce que je mets à la fin de tu chantes ? ». Réponse attendue : « il faut regarder le tu » et non pas « tu mets un s ». Difficile à mettre en place. A tenter quand la forme précédente (dictée dialoguée avec le maître) est bien en place et comprise par la classe.
Elle permet de cibler l’évaluation sur les problèmes traités, en excluant tout autre parasitage.
Elle permet la récupération en mémoire de la forme juste. Elle a été « stockée » mais souffre de problème de récupération. Des exercices comme la reconstitution de texte, ou l’imprégnation de texte se prêtent aussi très bien à des objectifs orthographiques. Ecrire le texte à apprendre au tableau ; effacer au fur et à mesure les mots à travailler ; les remplacer éventuellement par un dessin pour garder mémoire. Demander de les réécrire puis les effacer encore. Jouer sur les effacements et les reconstitutions jusqu’à mémorisation des formes.
Le maître prend en charge un certain nombre de problèmes et provoque les verbalisations des élèves sur certains points importants.
C’est une dictée dans laquelle un seul mot est à placer en regard d’une image. C’est une dictée quotidienne d’une phrase avec un problème particulier (traité pendant la période de façon répétitive) ; la solution trouvée est « négociée » ensuite à deux, et corrigée tout de suite par l’enseignant.
A partir de l’exercice de la dictée négociée (il s’agit de faire passer une dictée individuelle aux élèves puis de les mettre en travail de groupe afin que ce dernier s’accorde sur l’élaboration d’une seule dictée, rédigée de manière collective et donc négociée) qui sera à l’origine d’un conflit socio cognitif et d’interactions sociales fortes chez les élèves. Le travail de groupe modifie les attitudes personnelles des élèves : une attitude personnelle qui sera beaucoup plus réflexive grâce à une décentration engendrée par l’exercice de la dictée négociée. C’est donc le groupe qui provoquera l’arrivée de l’attitude réflexive individuelle des élèves.
- L’avenir des anciennes méthodes d’enseignement de l’orthographe face au devenir de la dictée négociée
Face à l’efficacité de la dictée négociée pour permettre aux élèves de maitriser l’orthographe, les anciennes méthodes risquent de ne plus être trop inutilisées. De plus, la technique d’enseignement doit évoluer en fonction de la nouvelle génération d’élèves.
CONCLUSION
En bref, le travail de groupe permet aux élèves de travailler ensemble pour améliorer la connaissance individuelle concernant l’orthographe étant donné que c’est une notion difficile à cerner. Ce travail offre la possibilité de faire des échanges. Il existe alors des interactions socio-cognitives entrainant un dynamisme du travail du groupe et de chaque élève. La dictée négociée parait la méthode la plus adaptée pour atteindre le but qui est de favoriser l’acquisition individuelle des règles grammaticales.
L’utilité de la dictée de groupe réside non pas en ce qu’elle permet à l’élève de maîtriser les règles de l’orthographe pour l’orthographe, mais en ce qu’elle offre à l’élève les outils nécessaires pour faire sien l’orthographe grammaticale en vue de « produire de l’écrit » . C’est en sens que l’illustre professeur J.P Jaffre a à maintes reprises réitéré le fait que l’orthographe n’est pas un but en soit mais un moyen pour produire, écrire, et se libérer des carcans de l’écriture par la maîtrise de ses rouages.
Bien plus encore, l’apprentissage de l’orthographe en groupe consacre une approche sociale et cognitive qui se traduit par la collectivité comme facteur d’avancement et de progrès ; au delà de la simple maîtrise de l’orthographe, c’est le devenir même des méthodes d’enseignement qui est en jeu : il en ressort que l’approche de groupe améliore le bien-être de l’élève en l’insérant dans une démarche participative et inclusive.
Cela favorise une collectivité d’intérêts et une réussite certaine dans le parcours de l’élève ; en revanche, il semble totalement futile et néfaste pour l’élève de se voir imposer une méthode individualiste qui le paralyse dans une situation d’échec continuelle face à ses camarades qui s’en sortent mieux lors d’une dictée traditionnelle. Le système de dictée doit donc être adapté à tout un chacun, or il se trouve que les méthodes traditionnelles ont l’inconvénient de provoquer une trop grande disparité dans les résultats scolaires ; c’est pourquoi les diverses méthodes de dictée « collective » ou négociée feront mieux l’affaire, pour un plus haut taux de réussite collective.
Au final, il s’agit ni plus ni moins que de rationaliser l’orthographe française, en l’épurant et en la débarassant de méthodes obsolètes et individualistes, pour désormais embrasser une approche pluraliste « collectiviste », et sobre. En effet, on pourrait proposer des pistes de réforme, en dehors de la dictée collective, telle que :
- l’harmonisation du doublement et du non-doublement de consonnes appartenant à des mots ayant la même structure
- être sobre et simple dans le doublement ou non d’une consonne après une voyelle : par exemple, le mot « affaire » pourrait s’écrire « afaire »
Mais en attendant ces réformes nécessaires, peut-être serait-il déjà judicieux d’utiliser les moyens dont nous disposons déjà (telle que la dictée négociée et ses variantes) pour accroitre le potentiel d’orthographe grammaticale des élèves de primaire, car ne dit-on pas que le savoir n’attend pas le poids de l’âge et peut-etre nous permettrons-nous de dire que finalement le temps, c’est de l’orthographe.
Catach N., L’orthographe française et l’orthographe en débats, 1980 et 1991
Chervel A., Histoire de l’enseignement du français, 2006
Danièle Manesse et Danièle Cogis (2007), Orthographe, à qui la faute ?, ESF éditeur, 2007.
GAONAC’H D. et GOLDER C., « Manuel de psychologie de l’enseignement »
LEGENDRE R., Dictionnaire actuel de l’éducation, 2ème édition, Paris, ESKA, 1993.
MEIRIEU P., Cahier pédagogique n° 239 – Décembre 1985
MEIRIEU P., Contribution à la recherche sur les pratiques de groupe en situation scolaire, texte de présentation de sa thèse de Doctorat d’Etat, in Bulletin BINET SIMON, n° 597, Lyon, 1984.
MEIRIEU, P. (1992), Apprendre en groupe? Lyon : Chronique sociale, deux tomes, 4e éd.
Peret-Clermont A.N., « La construction de l’intelligence dans l’interaction sociale »
PERETTI A., Cahier pédagogique n° 244-245, CRAP, 1986.
[1] LEGENDRE R., Dictionnaire actuel de l’éducation, 2ème édition, Paris, ESKA, 1993.
[2] MEIRIEU P., Contribution à la recherche sur les pratiques de groupe en situation scolaire, texte de présentation de sa thèse de Doctorat d’Etat, in Bulletin BINET SIMON, n° 597, Lyon, 1984.
[3] PERETTI A. De, in Cahier pédagogique n° 244-245, CRAP, 1986.
[4] D’après le « Manuel de psychologie de l’enseignement » : D. Gaonac’h et C. Golder
[5] MEIRIEU P., Apprendre en groupe, contribution à la recherche sur les pratiques de groupe en situation scolaire, Thèse de Doctorat, Lyon, 1983
[6] in Apprendre en groupe, Bulletin Binet Simon n°597, Lyon, 1984.
[7] in bulletin Binet Simon, 597, Lyon. Présentation de la thèse de doctorat d’état de Meirieu, soutenue le 9/12/83 à l’université de Lyon II.
[8] Cahier pédagogique n° 239 – Décembre 1985
[9] « la construction de l’intelligence dans l’interaction sociale » de A.N. Peret-Clermont
[10] Ces données historiques s’inspirent largement du remarquable ouvrage d’A. Chervel, L’orthographe en crise à l’école, et si l’histoire montrait le chemin ? Retz, Paris, 2008.
[11] D. Manesse, D. Cogis, Orthographe, à qui la faute ?, ESF éditeur, 2007.
[12] MEIRIEU, Ph. (1992), Apprendre en groupe ? Lyon : Chronique sociale, deux tomes, 4e éd.
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