docudoo

L’étude littéraire du genre policier : Critique de l’exclusion et de la justice dans les œuvres d’Agatha Christie, William Faulkner et Patrick Modiano

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION   2
PARTIE I. Analyses conceptuelle et contextuelle 4
  CHAPITRE 1. Paria et exclus 5
    Section 1. Les personnages dans le polar 5
    Section 2. Définition de l’exclusion et théories 9
       
  CHAPITRE 2. Thèmes communs et divergences 12
    Section 1. Thèmes communs : de la notion de crime à la notion de justice 12
    Section 2. Les thèmes spécifiques de chaque œuvre 14
       
PARTIE II. Le contexte de la criminalité 16
  CHAPITRE 3. Le crime comme origine de l’exclusion 16
    Section 1. Le choix du contexte du crime commis 17
    Section 2. Le crime et le social 20
    Section 3. L’identité de l’auteur du crime 21
       
  CHAPITRE 4. Le contexte de l’entretien de l’exclusion 27
    Section 1. Le secret et le « caché » 27
    Section 2. Le sens du tragique dans l’histoire 29
    Section 3. Approche spatiale de l’exclusion 30
       
PARTIE III. Justice et exclusion 32
  CHAPITRE 5. Le sort des exclus 32
    Section 1. La justice sociale 33
    Section 2. La justice personnelle 36
    Section 3. La justice policière 39
       
  CHAPITRE 6. L’aboutissement des recherches criminelles 42
    Section 1. L’introduction des démarches policières 42
    Section 2. La recherche de justice 43
    Section 3. Pour une critique du système social 46
       
CONCLUSION   47
BIBLIOGRAPHIE   48

 

 

 

INTRODUCTION

 

Dans une approche de l’étude littéraire, Todorov (1966) avance l’idée d’une science de la littérature. En ce sens, il stipule que « Étudier la « littérarité » et non la littérature : c’est la formule qui, il y a bientôt cinquante ans, signala l’apparition de la première tendance moderne dans les études littéraires, le Formalisme russe. Cette phrase de Jakobson veut redéfinir l’objet de la recherche ; pourtant on s’est mépris assez longtemps sur sa véritable signification.

 

Car elle ne vise pas à substituer une étude immanente à l’approche transcendante (psychologique, sociologique ou philosophique) qui régnait jusqu’alors : en aucun cas on ne se limite à la description d’une œuvre, ce qui ne pourrait d’ailleurs pas être l’objectif d’une science (et c’est bien d’une science qu’il s’agit). Il serait plus juste de dire que, au lieu de projeter l’œuvre sur un autre type de discours, on la projette ici sur le discours littéraire. On étudie non pas l’œuvre mais les virtualités du discours littéraire, qui l’ont rendue possible : c’est ainsi que les études littéraires pourront devenir une science de la littérature. »

 

Toujours selon Todorov, en s’appuyant sur l’œuvre d’E. Benveniste (1966), « l’œuvre littéraire a deux aspects : elle est en même temps une histoire et un discours. Elle est histoire, dans ce sens qu’elle évoque une certaine réalité, des événements qui se seraient passés, des personnages qui, de ce point de vue, se confondent avec ceux de la vie réelle. L’œuvre est en même temps discours : il existe un narrateur qui relate l’histoire; et il y a en face de lui un lecteur qui la perçoit. A ce niveau, ce ne sont pas les événements rapportés qui comptent mais la façon dont le narrateur nous les a fait connaître. »

 

Tenant compte des règles de construction des œuvres littéraires, les romans policiers constituent une catégorie dont le sens littéraire se discute depuis longtemps. Marion François (2009) voit le genre policier comme « un genre aux contours indécis et aux multiples sous-genres issu de la paralittérature. » Le genre policier est un genre difficile à définir du fait de ses spécificités. Du moins, dans son évolution, le genre policier se construit suivant l’établissement de stéréotypes, clichés qui servent à le reconnaitre : « une structure fixe (question/réponse), des personnages immuables (enquêteur/criminel/témoins), un processus récurrent (l’enquête). »

 

L’objet de ce mémoire consiste en une étude littéraire se rapportant au statut d’exclu dans les polars : que font les exclus dans le polar ? L’hypothèse de base développée rejoint l’idée de l’exclusion liée au crime, dans ce sens que le polar constitue un support de critique de la réalité sociale. L’analyse se fait en trois étapes. En premier lieu, des analyses conceptuelle et contextuelle s’imposent (Partie I). Il s’agit de contourner l’ensemble des thermes clés du polar. Ensuite, il est question d’établir une approche de la criminalité (Partie II). Et enfin, la justice est le point de jugement du criminel, elle est la source des décisions de marginalisation de la part de la société (Partie III).

 

L’étude se construit sur une approche littéraire, psychologique, psychanalytique et sociologique du crime, de l’exclusion et de la justice entre la réalité et le sens du polar. Par ailleurs, il s’agit également d’illustrer le mémoire selon trois auteurs : Agatha Christie, « Dix petits Nègres » ; William Faulkner, « Sanctuaire » et Patrick Modiano, « Quartier Perdu ». Ces trois ouvrages ont en commun le genre policier et tiennent chacun à leur spécificité, et interprètent l’exclusion, le crime et la justice de manière différente.

 

  • Agatha Christie, Dix petits nègres

 

L’histoire se passe en Angleterre, et concerne dix personnes n’ayant aucun point commun entre elles. Elles sont invitées à passer un séjour sur l’île du nègre. A leur arrivée sur l’île leur hôte ne semble être sur place. Au premier dîner sur l’île un disque a pointé chaque personnage d’un crime passé ; la chanson des dix petits nègres déterminera à chacun leur mort. Tous les personnages meurent l’un après l’autre. On apprend à la fin qu’il s’agit de crimes organisés, une manière pour le juge Wargrave de rendre justice et de punir les crimes passés.

 

  • William Faulkner, Sanctuaire

 

Deux jeunes universitaires atterrissent dans une ferme éloignée après une virée nocturne. C’est à partir de là que se joue le sort de jeune Temple, tombée entre les mains d’un criminel et pervers. L’histoire se construit sur un ensemble de crimes : partant d’un meurtre allant à la perversion, et dont la justice repose sur le témoignage d’une jeune tourmentée et qui ne voit point clair dans ses visons de choses qu’elle finit par accuser un innocent, par rapport au meurtre en question, à la place du vrai auteur du crime. Bien qu’à la fin l’ensemble des personnages reçoive de leur sort cette justice tant attendue.

 

  • Patrick Mondiano, Quartier perdu

 

Voilà qu’en une période de juillet Ambrose Guise se retrouve à Paris pour un contrat lié à ses œuvres d’écrivain. Ce séjour lui a fait revivre sa vie de Jean Dekker il y a vingt ans de cela et remonter jusqu’au motif de son départ précipité de la ville et du changement de nom. C’était il y a vingt ans de cela que sa simple petite vie a tenu un bouleversement à la rencontre de Madame Blin. Il termine sa quête à la rencontre de celle qu’il a protégé à ce temps.

 

 

PARTIE I. ANALYSES CONCEPTUELLE ET CONTEXTUELLE

 

Si l’on s’accorde à se référer à une définition du genre policier pour le distinguer de par ses spécificités par rapport aux autres romans, Beauvisage (2001) propose dans son analyse méthodologique morphosyntaxique et d’étude des genres, une distinction de trois ébauches littéraire « le sérieux, le policier et le polar », selon laquelle il retrace une relation de continuité entre ces trois genres ; le policier étant une dimension diachronique du sérieux et le polar un genre intermédiaire qui associe un cadre évolutif des deux genres.

 

Lits (1999) reconnait à la fois la considération et l’exclusion du genre policier, de par ses caractéristiques de l’institution littéraire. Cela peut-il s’expliquer par la mise en évidence de trois types de rapport entre genres et types :

  • L’œuvre se conforme au genre et au type ;
  • L’œuvre transgresse les règles du genre ;
  • L’œuvre transgresse les règles du type.

 

Trouver une définition propre du roman policier apparaît alors plus complexe. On se limiterait aux motifs de récit et de résolution d’énigme (Lits 1999), avec le crime comme point commun (Sadoul 1980). L’analyse de l’évolution du genre retrace ses principales caractéristiques : partant principalement d’inspiration des faits divers, des feuilletons, du progrès de la science, du jeu des passions, des idéologies et des morales, des enquêtes et investigations, d’aventures…

 

On peut considérer différentes typologie du genre policier (Todorov 1971) :

  • Le roman à énigme (ou roman problème) domine l’entre-deux-guerres et obéit à un protocole fixe : un meurtre initial, un nombre restreint de suspects, un détective menant l’enquête et la révélation du coupable.
  • le roman noir se développe surtout après-guerre et recouvre un ensemble de textes très divers qui n’a jamais été codifié. Il met en scène le malaise d’une société confrontée à la criminalité, la violence et la marginalité.
  • Le roman à suspense (ou thriller) choisit le point de vue de la victime désorientée par le danger. Menace, attente, poursuite sont les trois composantes du suspense qui propose une analyse psychologique ou une étude comportementale d’un personnage complexe.

 

Ces différents concepts ramènent à situer l’objet de cette étude dans un cadrage contextuel. Il s’agit de placer les figures d’exclus dans la construction du récit du polar.

 

 

Chapitre 1. PARIA ET EXCLUS

 

Historiquement, on retrouve l’origine du mot paria en Inde, avec le temps du colonialisme, bien qu’il ne serait jamais utilisé dans le vocabulaire indien. Né de la transcription faite du mot « parayan » par des européens, qui signifie « joueur de tambour », groupe considéré comme impur. Max Webber s’oppose à une telle transcription en soutenant que « l’expression serait du point de vue hindouiste, tout à fait incorrecte. La caste Pulayan ou Parayan de l’Inde du Sud est loin d’être la couche socialement la plus inférieure. » (Varikas 2003).

 

Le mot paria s’attache à une signification occidentale (européenne) de l’exclusion et l’inégalité ; ainsi qu’à l’histoire des castes dont l’aversion, le mépris, l’impureté, attachés à l’infériorité de rang (Montesquieu 1979) : « Ces distinctions sont liées à une certaine aversion pour les autres hommes bien différente des sentiments que doivent faire naître les différences des rangs qui parmi nous contiennent l’amour pour les inférieurs. ».

 

Cette notion de paria entre en jeu dans le vocabulaire politique de la période de la révolution en parallèle avec la question de droit et d’humanité. C’est à cette période, marquée par les débats passionnés au sujet de l’émancipation des Juifs, des « hommes de couleur libres », des femmes, que remontent les premières œuvres littéraires et dramatiques qui diffuseront la figure du paria et la problématique qui l’accompagne au sein d’un large public. (Varikas 2003). Cette période de revendication parle d’elle-même qu’il s’agit de fait du XVIIIe siècle.

 

Ce contexte historique de la « figure du paria et de l’exclu » implique à un contexte de différenciation et d’exclusion. Si son introduction dans la littérature s’est fait dans le courant du XVIIIe siècle, qu’en est-il de sa transcription dans la littérature policière ? C’est sur cette question que se base ce premier chapitre.

 

Section 1. LES PERSONNAGES DANS LE POLAR

 

Selon Jean-Claude Rioux (1986), « le criminel de roman une fois défini comme un type de personnage dont la sphère fonctionnelle est constituée, au moins partiellement, par des comportements que la morale commune réprouve et que le Code punit ; et une fois adopté comme premier critère de classement la distinction apparemment pertinente, entre les scélérats odieux d’une part et, d’autre part, les criminels pathétiques et sympathiques, il est facile de repérer parmi les seconds des brigands généreux qui prétendent mettre la violence au service de l’équité, et des criminels-victimes, des criminels malgré eux, incapables d’assumer leurs erreurs et tenaillés par le remords.

 

 

Et, du côté des premiers, des figures aussi différentes en apparence que celles du monstre physique et bestial, du monstre moral et sadique, du révolté impie et démoniaque, du fourbe ou du tartufe camouflé sous le masque de l’honnête homme, ou encore du bandit professionnel, avec ses deux variantes : le filou rusé et la brute sauvage. » Le personnage du faux criminel, criminel malgré lui, se réfère au personnage d’Ambrose Guise dans « quartier perdu » de Mondiano. D’une manière générale, le développement de ce type de personnage se fait avec diverses atténuations initiées par l’auteur. Rioux l’interprète tel que :

 

« Souvent d’ailleurs ces personnages s’approchent du crime sans y mettre la main, et se cantonnent dans le délit ou l’erreur mineure quoique funeste. Cela leur évite rarement d’être punis (ou de s’auto-punir en se suicidant), mais le dénouement tragique ne ternit en rien leur innocence foncière. Sa fonction est au contraire de leur conférer l’auréole du malheur, tout en donnant au roman l’allure d’un conte de mise en garde, et en maintenant fermement à sa place la frontière morale qui sépare le bien du mal. »

 

Toujours dans le contexte de faux criminel, mais selon d’autres caractéristiques, « Sanctuaire » de Faulkner représente une autre catégorie de criminel qu’est le brigand généreux, en la personne de Godwin. Ce type de personnage se nourrit d’une inspiration d’association du crime et de la générosité. Une pratique du romantisme qui s’est vue censurée par rapport à ce motif d’association du mal et du bien, qui s’avère aller au contraire du sens politique et moral de la société.

 

Tremblay (2006) relève l’existence d’antagonisme dans le roman policier, tenant compte de la fascination qu’exercent les personnages, argumentant sur le caractère malveillant et attirant du personnage. Baruch (1994) défend cette cause en disant que « il faut avouer que littérairement, un truand présente plus d’intérêt qu’un honnête homme » ; ou encore selon Reuter (1989) « le « méchant » apparait comme une pièce maitresse car il fait avancer et durer l’histoire ».

 

Une troisième distinction concerne les « véritables scélérats ». « Qu’ils soient plus rusés que violents ou vice-versa, qu’ils restent confinés dans leur fief, le roman terrifiant, ou qu’ils s’insinuent dans l’univers du roman gai, qu’ils relèvent du genre frénétique (c’est-à-dire d’un certain romantisme) ou de la tradition du roman noir classique, qu’ils évoluent dans un cadre purement conventionnel ou dans un décor historique ou même contemporain, ils se ressemblent tous parce que les moyens romanesques qui président à leur élaboration sont identiques dans leurs formes comme dans leur fonction qui est de signifier le scandale du crime en identifiant ce lui-ci à la fois au contre-nature et à antisocial.

 

En effet, même si le défaut d’éducation, les mauvaises fréquentations, la misère matérielle ou morale ont parfois leur place dans le genèse du mal, le criminel de roman se définit surtout comme une nature à part, impossible à contenir dans les limites de la vie sociale, et toutes les composantes du personnage sont appelées à signifier cette situation. » (Rioux 1986). Ce qui aboutit au caractère d’exclu.

 

L’importance de l’antagoniste diffère selon le sous-genre auquel appartient le roman policier où il tient un rôle. Dans le roman policier classique, dit « de détection » ou « d’enquête », où la loi est mise en vedette, le sujet, qui joue le rôle thématique d’enquêteur, est celui qui fait avancer le récit ; le criminel n’est souvent connu qu’à la fin du roman, son personnage se mélange au crime qui constitue l’élément central qui fait agir l’enquêteur. (Tremblay 2006).

 

Dans le roman à suspense, le protagoniste principal est la victime, qui peut parfois être assisté d’adjuvants pas nécessairement très efficaces, soit des policiers, un conjoint, un ami… Dans ce sous-genre spécifique, le rôle de l’opposant peut être plus ou moins effacé ou important selon le récit. D’une façon ou d’une autre, c’est le fait que la vie ou l’intégrité de la victime soit en danger et sa façon d’y réagir qui créent le suspense. Selon le roman, on découvre le criminel par les effets qu’il produit sur la victime et les émotions qu’il suscite ou encore par ses actes et ses menaces pour terroriser la victime. (Tremblay 2006).

 

Dans le roman noir classique, le personnage malfaisant guide souvent l’action et entre en conflit ouvert avec le héros. En pénétrant « dans le monde violent, réaliste et brutal du thriller ou du roman noir », nous « mettons en lumière le criminel ». Cette catégorie de romans nous permet souvent de comprendre « ses tares, ses vices, ses instincts meurtriers et ses motivations inquiétantes. (Spehner et Allard 1990).

 

De ces caractéristiques, on peut en tirer que :

  • Le personnage se situe au centre du récit et constitue les pièces maitresses du polar.
  • Le jeu du personnage détermine tout l’intérêt de l’histoire.
  • Les rôles des personnages arborent le genre et type littéraires du roman.

 

Ce qui donne de l’importance à l’enjeu de la narration qui est d’abord de créer un monde plausible et notamment de mettre en mouvement des personnages suffisamment semblables aux personnes du « monde réel » pour que le lecteur les reconnaisse : la narration est le seul lieu où les personnages agissent, pensent et parlent « comme dans la vie » et où la subjectivité d’une tierce personne peut être présentée comme telle et non seulement comme objet. (Plazaola Giger, Bronckart, 1993).

 

Le personnage sert, complémentairement et indissociablement, à distinguer, dans les théories et les pratiques empiriques des sujets, les différents genres de récits. (Reuter 1988). Dans sa fonction de marqueur intra-narratif, le personnage sert de point d’ancrage du réel. En ce sens, Ducrot et Todorov (1972) précisent que « les personnages représentent des personnes selon les modalités propres à la fiction. » La construction du personnage est sujette aux différentes fonctions qu’il tient dans le récit : par rapport à la fiction, à la narration, à l’organisation textuel, et à l’investissement socio-idéologique et celui du sujet… (Reuter 1988).

 

 

Chaque roman identifie donc ses personnages selon son genre littéraire. Ce qui implique que le genre à énigme met en exergue ses personnages d’une façon différente de celle du genre noir ou à suspens. Ainsi, chaque type de personnage est caractéristique à son récit. Si pour un temps, par exemple le personnage du héro ou de l’enquêteur a été mis en avant dans le polar, les tendances actuelles révèlent une orientation du récit au bénéfice du « méchant » ou « criminel ». Les romans policiers se construisent de façon à faire participer le lecteur dans le récit. Dans ce cas de figure il s’identifie au personnage (Lits 1999).

 

Le roman traditionnel particulièrement à énigme poursuit une logique d’enquête après l’apparition d’un meurtre. Il s’agit de découvrir les situations antérieures qui précèdent et aboutissent au meurtre. Ce qui met en avant le personnage d’enquêteur cherchant à en trouver des explications et en chercher une résolution par des moyens d’enquêtes policières : interrogatoire de suspects et recherche minutieuse d’indices, portant sur les éléments du crime : le mobile, les circonstances et l’arme du crime, et dont l’aboutissement tend à la vérification des hypothèses et à la déduction par rapport à la logique des circonstances. (Lits 1999).

 

Le roman policier contemporain par contre marque une grande évolution au niveau de la tenue du rôle des personnages par rapport au roman policier traditionnel. Si ce dernier se consacrait à mettre en avant l’enquêteur historiquement un professionnel et d’exception, les tendances actuelles du roman contemporain met en avant un personnage ordinaire dans la résolution de l’énigme lié au crime, auquel s’identifie le lecteur. Son implication dans le crime s’Est fait malgré lui et par nécessité, par amour, par intérêt, ou pour se protéger, il se transforme en enquêteur. (Lits 1999).

 

Si l’on se réfère aux règles du genre des romans policiers, on aboutit à une mise en avant des personnages, principaux éléments du récit :

  • Le roman à énigme : quels que soient les personnages de la victime et du coupable, seul compte celui de l’enquêteur.
  • Le roman noir : l’intérêt se déplace, les victimes deviennent les personnages essentiels, et l’intérêt du lecteur est plus émotif qu’intellectuel.
  • Le roman à suspense, variante du précédent (et héritier du roman-feuilleton) obéit à trois principes : un danger menace un personnage sympathique ; le lecteur en sait un peu plus que le personnage enquêteur ; fréquent recours au montage alterné qui donne au lecteur une longueur d’avance ; l’échéance fatale est connue, et généralement très rapprochée.

 

D’une certaine manière le polar, qu’il soit un pur résultat de l’imaginaire, ou qu’il soit un récit tiré de faits, revêt une transposition des scenarii sur le réel. Ainsi, les dispositions des personnages, l’attribution de leurs rôles, le récit de l’avancée de l’histoire reprennent une certaine logique du réel. Une des spécificités du roman policier, en général, est la recherche basée sur un crime. A cet effet, en s’appuyant sur les récits, on se retrouve à définir le caractère « exclu » des personnages rattachés à ce crime.

 

 

Section 2. DEFINITION DE L’EXCLUSION ET THEORIES

 

La notion d’exclusion dans son contexte juridique se réfère au contexte de reconnaissance de droit et d’existence. Sa définition part donc d’une définition juridique. En ce sens, selon Ballet (2001) « l’exclusion serait une privation de droits réels dans une société à un moment donné ».

 

Ensuite, le phénomène de l’exclusion apparait comme un fait social où différents facteurs sociaux jouent à renforcer cette caractéristique distinctive. On parle dans ce cas de la situation d’emploi par exemple ou du chômage qui constituent les principaux motifs d’appartenance à une certaine règle de société (Lemoine et al., 1995).

 

Dans une situation de roman, dans ce cas d’analyse le polar, le caractère d’exclu s’attribue aux personnages liés aux facteurs définis de l’exclusion. L’existence du crime commis ou assisté en constitue le principal motif. Le contexte de criminalité induit les personnages à une situation de marginalisation, du fait de leur différence en rapport avec les règles de la vie en société.

 

La théorisation de l’Exclusion est née aux Etats-Unis () dans l’objectif de l’appréhension des phénomènes sociaux comme la criminalité et la délinquance, par exemple. Définir une approche de l’exclusion ramène à sa considération dans le contexte sociologique. En ce sens, on peut la définir comme une conséquence de la désorganisation sociale, une conséquence de la désorganisation sociale, stigmatisation d’une catégorie d’individus.

 

Partant du contexte de la désorganisation sociale, on peut retenir les études menées par Thomas et Znaniecki (1910), selon lesquelles la criminalité peut provenir de la désorganisation sociale conséquence de l’immigration. En effet, les changements culturels induisent à la perte de repères et l’apparition de comportements déviants, un phénomène observé au niveau de l’immigration polonaise aux Etats-Unis.

 

Les inégalités sociales apparaissent également comme origine de l’exclusion. Merton (1938) identifie cinq types de comportements que l’individu adopte en société : le conformisme, l’innovation, le ritualisme, le retrait et la rébellion. Le retrait se rapporte à une internalisation individuelle des normes sociales ambiantes et une absence d’accès aux moyens réguliers d’intégration sociale. Ce qui conduirait à brimer les aspirations des individus à la réussite sociale. A cet effet, il serait question de la formation d’un communautarisme et/ ou de marginalisation de groupes.

 

Goffman (1975) montre que la catégorisation des individus renvoie à trois domaines de stigmatisation :

– les anomalies corporelles (surdité, cécité…),

– les déviances de caractère (drogue, alcool, délinquance, homosexualité),

– les attributs collectifs (race, nationalité, religion).

L’étude des relations entre les individus et celle des représentations qu’ont les individus et les groupes du contexte social permet de voir se construire la déviance et l’exclusion sociale.

 

Les phénomènes d’exclusion sociale accompagnent toutes les sociétés. Ils sont marqués par les dominantes organisatrices des sociétés : exclusion religieuse, exclusion idéologique, exclusion économique. Ces phénomènes sont fortement liés à l’organisation de la société et aux crises qu’elle traverse qui la désorganise : immigration, récession, guerre…

 

Mayo définit l’exclusion d’une part comme une absence d’adhésion aux objectifs assignés à/ par la société, et d’autre part comme une absence de coopération avec les autres ou avec telles personnes. C’est Max Weber qui a formalisés trois grands types d’organisation sociale. L’exclusion s’exprime différemment dans chacune de ces formes d’organisation :

 

– Le contexte traditionnel retient le contexte familial, une exclusion se rapporte à la non appartenance à ce groupe.

– Dans le type « charismatique », sont exclus ceux qui n’adhèrent pas aux idées et aux manières de la diffuser du chef « charismatique » qui est providentiellement là au bon moment pour le bien-être de tous.

– Dans le type « légal rationnel », sont exclus ceux qui ne répondent pas aux règles définies: ils n’ont pas la compétence requise pour le poste de travail, les qualités pour accomplir la tâche selon le plan prévu, les documents administratifs exigés pour travailler

 

Dans son approche de l’exclusion, Didier E. (1996) une proposition de caractérisation du terme allant dans sa compréhension en tant que fait social. Cette approche part de l’hypothèse que « l’exclusion est une catégorie cognitive », ce qui soumet une idée de représentation « d’unité équivalente à une conformation particulière ». L’approche de Didier s’assimile à « une catégorie linguistique permettant de conformer le réel ». Ce qui aboutit à cet effet, à la considération de trois modèles de l’exclusion.

 

Lenoir (1974) définit le premier contexte de l’exclusion selon qu’il l’associe au terme « inadaptation » : « Dire qu’une personne est inadaptée, marginale ou asociale, c’est constater simplement que, dans la société industrielle et urbanisée de la fin du XXe siècle, cette personne, en raison d’une infirmité physique ou mentale, de son comportement psychologique ou de son absence de formation, est incapable de pourvoir à ses besoins, ou exige des soins constants, ou représente un danger pour autrui, ou se trouve ségréguée soit de son propre fait soit de celui de la collectivité. »

 

Ce modèle se base sur une assimilation et une reproduction des conditions de vie sociales. En ce sens que chaque personne fait face à des causes qui peuvent à la fin l’exclure. Lenoir décrit sa cause en constatant que : « Quand ils atteignent l’âge de la majorité, ces adolescents font donc presque tous partie, d’entrée de jeu, des catégories sociales et professionnelles défavorisées, et beaucoup ont un comportement affectif qui leur fera reproduire le modèle familial qu’ils ont connu dans leur enfance. »

 

« Les exclus sont donc ceux qui ont été entraînés dans l’ouragan du malheur, qui emporte aussi bien les caractères physiques que sociaux des personnes. Une fois que des individus sont exclus, on est impuissant, la nature est la plus forte. »

 

Wrésinski parle du deuxième modèle de construction de l’exclusion. Dans son approche, il avance la notion d’ « exclusion sociale » qui prévoit une entière implication du social. L’idée majeure développée dans le modèle fait référence à la conception de la culture ou de la civilisation, selon que « La culture est l’instance la plus globale par laquelle on peut définir une société. »

 

La culture est dans cette approche définie comme « l’ensemble des choses qui relient les individus à leur société. Ces choses sont d’une part des processus cognitifs («comprendre») et d’autre part l’ensemble des pratiques («jouer un rôle») des individus ; elles sont partagées par tous les membres de la société. » La considération de l’exclusion aboutit à la constatation d’un dysfonctionnement possible dans la société.

 

Wrésinski avance que le premier facteur d’exclusion s’avère être la culture de la société dans laquelle on devrait se trouver et donc de la culture elle-même. L’existence des sous-ensembles de la société et le manque d’appartenance à la culture en général renvoient à une identification de l’exclusion par rapport à ces sous-ensembles et dont particulièrement le droit. « Des droits fondamentaux sont violés ; à travers l’irrespect des droits fondamentaux, c’est en définitive au droit de vivre dans la dignité qu’il est porté atteinte…et l’indignité est une des étapes qui mènent assurément à l’exclusion »

 

On parle alors de l’exclusion sociale en tant que processus et état :

  • les façons de penser de ceux qui la subissent sont différentes de celles de la civilisation, en ce sens ceux-là sont en état d’exclusion ;
  • leurs pratiques visant à entrer en contact avec ceux de la civilisation sont toujours brimées, il s’agit donc d’un processus, car on parle ici d’actions, sans cesse renouvelé.

 

Le troisième modèle d’exclusion retenu est celui de l’INSEE, cette institution regroupant l’ensemble de nombreux auteurs œuvrant

 

 

 

Chapitre 2. THEMES COMMUNS ET DIVERGENCES

 

Bien que le polar soit un genre littéraire le plus souvent non reconnu par les grands prix littéraires, il se construit suivant un but commun : il peut s’agir de mener le lecteur à la découverte du meurtrier, d’être une critique en filigrane de notre société, ou de jouer habilement avec leurs peurs en associant subtilement suspense et rebondissements… Le genre polar se propose d’être un support de critique de la construction sociale, dans le sens qu’il se veut être une transcription du réel.

 

« C’est un genre qui permet la critique sociale, le regard sur l’époque, tout en acceptant la stylistique. Il y a de tout dans le polar, et pas seulement des flics et de la viande au plafond. On peut y trouver de la dérision et de l’humour, de l’idéologie politique et des recettes de cuisine, des amours à faire pleurer (ou rêver) et, surtout, des détails ethnographiques de première bourre. » (Jean-Bernard Pouy).

 

Les principaux invariants du roman policier sont le crime ou délit, le mobile, le coupable, la victime, le mode opératoire et l’enquête (Poslaniec, Houyel 2001). Sur ces six facteurs que s’établit généralement le récit, « consacré avant tout à la découverte méthodique et graduelle, par des moyens rationnels, des circonstances exactes d’un événement mystérieux » (Messac 1929)

 

Section 1. THEMES COMMUNS : DE LA NOTION DE CRIME A LA NOTION DE JUSTICE

 

Le crime reste l’élément commun au récit. Todorov (1966) caractérise le roman policier selon qu’il narre à des degrés et suivant des procédures variables, deux histoires ayant des statuts différents :

  • L’histoire du crime lui-même, la fable au sens où l’entendent des formalistes, qui relève de l’organisation mythologique ;
  • L’enquête sur le crime, le sujet qui relève de l’organisation gnoséologique.

 

En ce sens, Todorov spécifie cette caractéristique au niveau des genres :

  • Dans le roman à énigme apparaissent deux histoires : le crime et l’enquête ;
  • Dans le roman noir, la première histoire disparait pour laisser place à la seconde, le récit y coïncide donc avec l’action ;
  • Le roman à suspense se situe dans le contexte narratif entre le roman à énigme et le roman noir dont il combine les propriétés.

 

Parler de la notion de crime dans les romans policiers renvoie à expliquer l’attirance pour le « sens poétique du crime », selon Demme (1851 -1854). Il qualifie d’ « histoires de cas » toutes les descriptions non fictionnelles d’affaires et de procédures criminelles. Cette référence auprès de Demme peut se défendre partant de sa notion de crime et de justice : « Demme ne se propose plus d’éclairer l’homme sur lui-même, mais les citoyens sur le criminel et sur la justice. Il veut transmettre des connaissances psychologiques sur la base de ce qu’on sait déjà du crime et du criminel. Il ne se soucie pas du salut des âmes, mais de la psychologie du criminel et des représentations sur les situations criminogènes. C’est ainsi que la capacité poétique devient pertinente pour la justice. » (Linder 1994).

 

« Cette capacité poétique est nécessaire si l’on veut résoudre et interpréter un cas criminel de façon satisfaisante pour la raison humaine. Cette dernière serait en effet tout aussi incapable de se satis faire de la seule reconstruction du motif et des circonstances d’un crime, que de comprendre une phrase tirée de son contexte. C’est pourquoi le lecteur d’un cas criminel serait en droit d’exiger que soit développé le caractère du malfaiteur et le déroulement de sa biographie jusqu’au moment du crime et y compris les influences de son environnement social. » Demme (1851 -1854).

 

Plus encore, « les ressorts d’une action devraient être mis à jour, et le narrateur devrait plonger dans le mélange de sentiments, de penchants, de représentation et des habitudes et donner à voir les replis secrets de l’âme sur lesquels la passion, l’aveuglement ou l’erreur tissent le réseau des désirs, qui, lorsque l’homme n ‘y échappe pas à temps et n ‘y oppose pas ses forces les plus élevées, ne fait qu’engluer sa volonté et l’entraîne alors avec une force irrésistible, mais de par sa propre faute, dans les abîmes les plus sombres (Demme, 1852-1854).

 

Ce contexte de l’interprétation du crime et de la justice ramène à la fonction de critique sociale du polar. En ce sens, ce dernier se propose d’être un support de reproduction de cas et de donner la même version parfois qualifiée d’ « injuste » de cette justice par rapport au crime, ou une autre version qui se rapprocherait de ce que peut être le « juste ». Et cela, avec en appui une description plus éclairée des faits reconstruits par l’auteur lui-même qui compose le récit.

 

« La procédure criminelle recourt nécessairement à des systèmes de représentations qui sont produits en dehors du système judiciaire : recours aux définitions médicales de la maladie et à la responsabilité par exemple… Ce qui montre que le système judiciaire ne peut se contenter de reprendre purement et simplement ces définitions, mais qu’il doit en faire une adaptation «spécifique au système». » (Linder 1994).

 

La procédure judiciaire est doublement dépendante du récit, aussi bien de façon interne que par son impact extérieur. D’une part, si nous nous abstenions de faire des récits de comportements déviants, les déceptions de la déviation ne nous seraient certes pas épargnées, mais à coup sûr celles de la procédure (Seibert 1991) ; ce qui place le récit comme moyen d’introduction de chaque procédure. D’autre part, le récit se propose d’être un intermédiaire à la compréhension des faits entre l’interprétation de l’institution judiciaire et celle du public. (Schapp 1988).

 

 

Ces notions de crime et de justice constituent les principaux thèmes communs des polars. Ce genre littéraire donne place à toute dimension envisageable des cas de société, ce qui ne manque pas de considérer le cas de la justice individuelle, ne tenant pas ou de moindre degré le système judiciaire ou suivant des cas de justice injuste par manque de moyens. D’autres éléments communs au polar et qui résultent de la pression qu’exercent ces systèmes entre crime et justice, toutefois réactions toutes autant logiques : la fuite, l’angoisse et principalement le sentiment d’exclusion par rapport aux normes de la société.

 

Le crime est considéré comme fait de société, et la justice s’impose comme juge par rapport au statut de criminel. Se basant sur les principes de l’exclusion, les normes de la société jouent à la fois de principe d’échange entre individus et de principe d’exclusion de ceux qui les défient. Le crime est, en effet, à l’apogée de cette limite d’inclusion imposée par la société. Ce qui met en marge tout individu entaché à de tel acte.

 

Section 2. LES THEMES SPECIFICIFIQUES DE CHAQUE ŒUVRE

 

Bien que les polars tournent autour d’un même sujet tel que le crime, ils ne manquent pas de thèmes de divergence. Et bien que le polar soit également un genre littéraire parfois non reconnu, l’une de ses spécificités réside dans le narratif, tout autant différent selon le genre, et construisant le contexte du récit. Le facteur de la narration s’interprète à cet effet dans le sens d’une explication de cette divergence de récit entre polar.

 

Si le crime constitue un élément commun des polars, il met également en jeu des personnages similaires tels que le criminel et le justicier. Identifier les divergences des cas ramène à en repérer les spécificités. On aboutit parfois à une interprétation de cas de stéréotypes (François 2009) dans les polars : dans une tentative de définition de genre, on regroupe des récits assez répétitifs faisant intervenir les mêmes personnages. Les différences entre ces genres se défendraient par rapport au récit, dans le temps et dans l’espace.

 

Selon le « poétique d’Aristote » l’élaboration de la narration se caractérise par la construction d’un « monde fictif ». (In Plazaola Giger, Bronckart, 1993). Selon Hamburger (1977 – 1986), « l’enjeu de la narration est d’abord de créer un monde plausible et notamment de mettre en mouvement des personnages suffisamment semblables aux personnes du « monde réel » pour que le lecteur les reconnaisse et s’y reconnaisse : la narration est le seul lieu où les personnages agissent, pensent et parlent « comme dans la vie » et où la subjectivité d’une tierce personne peut être présentée comme telle et non seulement comme objet. »

 

Le premier constat de divergence entre les romans part de la mise en contexte du crime, principal élément de l’histoire, par rapport à son récit et par rapport à l’enquête. Bien que cette différence obéisse à une règle commune : chaque auteur choisit son histoire et poursuit sa propre méthode de récit, c’est dans cette ouverture d’imagination que se retracent les différences de résultats : le principe de la narration en reste la clé.

 

Ce qui aboutit donc à une situation du récit dans un contexte. Certains auteurs, à l’exemple de Faulkner qui est un protagoniste des campagnes perdues dans le Sud où commence ou se constitue la majeure partie du récit (Chapdelaine 1989), restent fidèles à leur situation dans l’espace de l’histoire. De même pour la situation dans le temps. Chaque auteur choisit la structuration temporelle qui correspond le mieux à son récit, en fonction des faits et des événements.

 

La construction du crime lui-même diffère selon les romans policiers. Il peut s’Agir d’un simple acte de défense et de protection (Mondiano), d’un acte de perversion criminelle (Faulkner), ou de justice criminelle (Christie). Ce qui s’ajoute également au déroulement du récit : selon qu’il s’agit d’un retour dans le passé par une révision des situations antérieures pour aboutir à la cause du crime et des événements qui s’en suivent ; ou qu’il s’agit d’une logique chronologique dont le futur reste incertain pour donner vie à l’intrigue.

 

La notion d’exclusion s’interprète différemment selon chaque cas, et dans lequel interviennent différents facteurs dont la situation géographique, la conception de normes sociales, la situation personnelle… La criminalité se rapporte à une dimension de l’exclusion par rapport aux normes établies par la société. Le crime est condamné par la vie sociale, ce qui induit à une mise en marge de la personne  du criminel. Dans la plupart des cas cette marginalisation du statut de criminel ramène à son exclusion de la vie en société.

 

Cette déduction conduit à l’explication de certains faits, dont la fuite par exemple. Un individu qui se retrouve un jour ou l’autre en criminel, ou parfois juste de par son implication dans le crime, dans l’objectif d’une réintégration dans les perspectives sociales adopte l’option de fuite des facteurs d’exclusion et arrive à se construire une nouvelle identité saine et propre de toute situation criminelle dans le passé. (Mondiano).

 

Ensuite, toujours dans le sens de cette criminalité se construisent des formes de solidarité qui impliquent les personnes des criminels à se soutenir dans leur cause (le crime). C’est dans ce contexte qu’intervient par exemple la situation géographique pour vivre dans le principe de l’exclusion sociale. Il s’agit de se construire une vie en cachète, hors de la vue ou sans être reconnu par la société, et continuant à traiter avec le mal, en contradiction avec les normes sociales. (Faulkner).

 

Enfin, toujours dans cette dimension géographique, on peut considérer l’exclusion par rapport au manque de relation avec l’extérieur. C’est par exemple le cas du récit des dix petits nègres de A. Christie, d’après lequel les victimes du crime, et qui ont été auteurs de crimes auparavant, se situent sur une île coupée de relation avec le reste du monde. A la fois leur statut de criminel et de victime a induit ces personnages à l’exclusion.

 

 

 

PARTIE II. LE CONTEXTE DE LA CRIMINALITE

 

Le genre romanesque policier est né d’ « certain renouveau de la tragédie grecque » (Deleuse). C’est à partir de cette conception que se sont basés les différents récits d’aventures policières, de même pour le développement de la psychanalyse freudienne, en se référant à l’histoire d’œdipe. En effet c’est de là que vient « la malédiction d’un type romanesque voué aux gémonies par les gendelettres : le roman dit policier. »

 

Chapitre 3. LE CRIME COMME ORIGINE DE L’EXCLUSION

 

Si dans la réalité sociale, la pauvreté reste le plus grand facteur d’exclusion, les romans policiers tendent plutôt à reconnaitre le crime comme tel. En effet, depuis un certain nombre d’années, le terme exclusion, dans sa dimension sociale tend à se substituer à celui de pauvreté pour traduire certaines formes de dysfonctionnements de la société moderne. (Clavel 1998). Ce qui confère au terme d’exclusion de multiples résonances (Wresinski 1987) :

– pauvreté, précarité, population fragilisées et/ou défavorisées qui sont autant d’aspects complétant l’appréhension d’un même processus ;

– désaffiliation, désinsertion, marginalisation qui sont les signes plus ou moins visibles, les différentes déclinaisons, manifestes dans les domaines professionnel et/ou relationnel.

 

Les conséquences majeures de l’exclusion sont une altération des conditions de vie et de la qualité de vie.  Par ailleurs, Doumont et al. (2000) définissent deux types d’exclusion :

– l’exclusion du système social ;

– l’exclusion dans le système social.

La première concerne ceux qui sont rejetés du système parce qu’ils ne rentrent plus dans les critères pour faire partie de la société ; la seconde ceux qui n’y ont jamais été intégrés.

 

Pour définir le contexte de l’exclusion dans le polar, le crime est le principal élément qui le conditionne. En effet, le crime se voit comme premier facteur  de l’exclusion. Le crime est défini au sens juridique du terme et concerne entre autre le meurtre, le trafic, le chantage, le vol, le viol… C’est également un fait de société, d’où vient la mise en œuvre de règles normatives et l’aboutissement à la marginalisation et l’exclusion des commissionnaires d’un quelconque crime, découvert par la société.

 

 

Section 1. LE CHOIX DU CONTEXTE DU CRIME COMMIS

 

« Le stéréotype de l’histoire policière part du pôle « crime » : un cadavre est découvert. La victime est identifiée et l’enquête commence. En fouillant dans la vie de la victime, l’enquêteur s’efforce de trouver des mobiles crédibles et en analysant le mode opératoire du crime tente d’identifier, parmi les suspects sélectionnés par les mobiles, le coupable. » (Poslaniec et Houyel 2001). Ainsi, La focalisation narrative sur l’un des six éléments va déterminer la catégorie : roman à énigme quand la focalisation est sur l’enquête, roman noir quand la focalisation est sur la société, et roman à suspense ou thriller quand la focalisation est sur la victime.

 

Pour introduire le contexte du crime dans le polar, l’on peut s’orienter par rapport au genre du récit, dans toutes ses dimensions, qui tendent définir les relations avec les éléments sur lesquels il se rapporte. Le roman d’énigme criminelle se construit, par exemple, selon deux mouvements successifs :

  • un mouvements d’ouverture du sens : les pistes et solutions possibles sont multipliées, le nombre des suspects est énorme (il sera éventuellement limité par un situation spatiale particulière, en général un lieu isolé pour l’un ou l’autre motif, cf. A.Christie, Les dix petits Nègres). Il est donc question d’une multitude de mondes possibles et à différents assassins potentiels qui auraient commis des meurtres virtuels.
  • à la fin du livre, un mouvement de fermeture du sens, au cours duquel toutes les solutions sont condamnées au profit d’une seule qui éclaire à rebours l’ensemble des énigmes posées. Dans le même temps, le lecteur reçoit l’impression qu’il avait sous les yeux cette solution et ne l’a pas vue (ou reconnue). En général, il ressent une certaine frustration.

 

Van Dine prévoit des règles de construction du récit suivant sa mise en contexte par rapport à la vérité cachée mais également accessible aux lecteurs dont la nécessité minimale d’un cadavre et le fait que le coupable ne peut être ni un policier ou détective, ni un domestique, ni un personnage épisodique apparaissant dans les dernières phrases, il doit être unique…

 

Du point de vue historique, le crime, en cinq siècles a été reconnu comme principal objet des récits à destination du peuple et a suscité la production d’une quantité considérable de discours. (Kalifa 1995). « A mesure qu’elle semblait décliner, en tout cas ne plus être un mode naturel de régulation des tensions et conflits quotidiens, la violence criminelle s’affichait de plus belle, signe sans doute d’une intolérance accrue du corps social à son égard. » (Chauvaud 1991). Dans le courant du XIXe siècle, le phénomène prend de l’ampleur. Le crime et son récit sont devenus des cas à grande tendance dans la presse à grand tirage, les illustrations et dans les romans populaire. (Kalifa 1995).

 

Partant de l’hypothèse centrale de cette étude, défendant que les crimes dans les récits soient des principaux facteurs d’exclusion, au fil des siècles, beaucoup d’auteurs ont fait de criminels les personnages centraux de leurs récits. Des secrets effrayants ou croustillants sont extraits des archives de la police ; les grandes affaires criminelles sont dévoilées à nos contemporains friands d’émotions. La fascination pour le crime sous toutes ses formes est devenue un véritable phénomène de société (Liard 2011).

 

D’après un constat de Guise (in Constans, Vareille 1994), par rapport à la mise en évidence de la notion de crime dans les romans, il porte en remarque que « la rareté du mot crime n’est pas pour surprendre en ce qui concerne les romans policiers, car en fait le genre implique qu’il y a récit de crime ou de meurtre. Il est un peu plus troublant dans les 21.000 titres de la production romanesque non différenciée par genre, que recense Lorentz. Sans doute faut-il en déduire que le récit d’un crime est si fréquent, voire si banal, dans le roman, qu’il n’est pas nécessaire de le mentionner dans le titre.

 

Selon Ferrand (1982), « on peut admettre que les concepts de criminalité, de déviance et d’inadaptation, auxquels pourraient être joints ceux de marginalité et d’exclusion, recouvrent des réalités sociales très proches aux contours finalement flous, à l’émergence parfois cumulée. » Pour donner ainsi une explication aux comportements sociaux, origines du phénomène d’exclusion, l’on peut se baser sur les constats de Cario (1997) : « certains auteurs ont parfois tenté d’organiser dans le temps ces différents comportements sociaux, en soulignant que l’inadaptation apparaît dès l’enfance, la déviance au cours des premiers moments de l’adolescence, la délinquance (contraventions et délits) et la criminalité s’étalant de la puberté à l’âge adulte. »

 

Sur un discours de lutte contre le crime, la société elle-même estime que « tout est bon ou presque pour condamner le criminel et combattre l’insécurité sociale dont il paraît être la principale, sinon la seule, cause. Tour à tour sont évoqués la cruauté de l’acte (au travers de ses modalités d’exécution ou relativement à la victime) ; la détermination de son auteur (en insistant sur le caractère volontaire du comportement) ; la faiblesse des moyens dont dispose la société pour prévenir ce type de fléau social ; le coût social estimé considérable de la prise en charge d’individus si peu recommandables ; la certitude de la récidive… » (Cario 1997).

 

D’une manière générale, la criminalité se voit comme un sommet de la déviance de l’individu. Le criminel par ses actes est voué par lui-même exclu de la société. « Eu égard aux difficultés socio-économico-culturelles que traversent nos sociétés libérales, certains estiment inconvenant de provoquer la socialisation de ceux qui semblent s’être, par leur geste criminel, exclus sciemment de la société. » (Cario 1997)

 

La question de la représentation du crime dans les romans révèle une grande différence en matière de narration. Parler du « faire voir » du roman dès lors qu’il s’engage dans la dialectique de la représentation du crime. La punition ne suffit pas au crime et le débordement transgressif occupe principalement la scène. Il est narrativement bien plus intéressant de placer le corps en trop de la victime dans le livre que de l’ôter : le sujet du récit est un mystère heureux qui découle du crime et devant le tribunal de la lecture – d’une lecture procurative – ceci pèse d’un grand poids. (Grivel, in Constans, Vareille 1994).

 

 

Selon Kalifa (1995) : « Qu’il s’agisse de grands crimes ou de forfaits ordinaires, le fait divers, en effet, spécifie avec une précision quasi documentaire les caractères individuels (nom, prénom, âge), physiques (apparence, signes distinctifs, détails intimes ou «personnels») et sociaux (groupe, profession, habitudes, pratiques) de chacun des protagonistes du drame. Cette paysanne qui étouffe son enfant ou cet ouvrier qui éventre son compagnon passent ainsi tout armés à l’histoire nationale. Aux sans-grades du crime, à cette foule de silhouettes anonymes et éphémères qui peuplent les «petits faits du jour et de la nuit», les plus nombreux des faits divers, la chronique rend chaque jour un hommage discret, quelques lignes brutes et anodines qui suffisent toutefois pour dissiper l’ombre sociale qui les recouvre ».

 

En outre, toujours en citant Kalifa (1995), « Liant l’événement à un espace précis, qu’il nomme, localise et spécifie avec un luxe de détails (la localité ou le lieu-dit, le quartier, la rue, le numéro, le type d’immeuble, l’étage…), le récit du crime peut également être perçu comme une forme d’appropriation spatiale. Non seulement l’individu peut produire de l’histoire, mais les lieux, eux aussi, même les plus insignifiants, se chargent d’une mémoire à la fois proxémique et nationale qui ne s’efface que lentement. Centrés le plus souvent sur le nom de la rue ou de la localité, les titres des récits accentuent ce phénomène dans une sorte de pointillisme topographique qui quadrille l’espace de la Cité et finit par couvrir le territoire tout entier, composant une géographie irréelle, à la fois morale et sociale, marquée d’empreintes fatales, de flaques de sang et de cadavres. »

 

Le récit constitue le support de mise en contexte du crime. La construction de ce récit se fait de diverses manières selon les auteurs et la nature du récit. Le récit ne se limite pas à sa dimension, ni à une importance quelconque ni par rapport à la géographie. En considérant le roman comme un reflet des faits de société, on peut en déduire que le statut de criminel peut s’illustrer en tant qu’exclu par rapport aux normes et le potentiel géographique de chaque société, les deux éléments étant indissociables. Parler de crime ramène à deux dimension d’exclusion : par rapport à la société et par rapport à une marginalisation du point de vue spatiale.

 

En se basant sur le récit des « dix petits nègres » (Agatha Christie), il est question d’une mise en contexte à la fois géographique et individuel de la situation à raconter. L’élément en commun entre les personnages est un crime passé, jugé impuni par faute de faits et par manquement constaté au niveau des procédures judiciaires. Le récit lui même outre le fait du crime a choisi de mettre en exclusion les « criminels » en question. Une situation qui a permis la soumission à une justice. Le crime se réfère à la notion de meurtre, la justice s’interprète également à la mort.

 

L’exemple de Sanctuaire de Faulkner soumettrait la problématique du crime comme culture (Kalifa 1995). Il s’agit ici de reconstituer un nombre de crimes s’accumulant, contraignant l’individu du criminel à vivre en dehors des normes de société. Ce qui justifie également la position en retrait géographique, puisque la société fonctionne en harmonie par rapport aux règles instaurées auxquelles adhèrent les individus, le criminel devient à ce point l’intrus qui n’est pas à sa juste place. « A la marginalité sociale correspondrait une marginalité spatiale » (Mathieu 1997). Le destin de ces « criminels » ne peut que se dégrader, accumulant un crime à un autre, quelle que soit son importance.

 

Le cas de « quartier perdu » (Mondiano) se rapporte à un changement typique en vue d’une réintégration efficace ou du moins dans une autre société. L’être humain est voué à vivre en groupe, même entre criminels il est question de regroupement, dans lequel les règles de faire diffèrent de celles du groupe d’origine. Mondiano propose par exemple un changement d’identité pour pouvoir reconstruire une vie en société, et mettre en exclusion ce passé d’une identité antérieure. Ce qui être retracé par un retour sur ce passé.

 

Section 2. LE CRIME ET LE SOCIAL

 

Le crime et le social forment un ensemble indissociable. Le crime nait de la société et jugé par elle. C’est fait de société. Sa limite est la justice, promue par la société elle-même. Le développement des médias et de la technologie a permis d’étendre la place que tient le crime, notamment par son récit dans le quotidien de la société. Il devient comme un élément de culture des individus de la société. Ces récits prennent souvent la forme de véritables leçons, mettant l’accent sur les caractères originaux de tel crime ou de ses protagonistes.

 

Kalifa (1995) : « Accumulant en eux une bonne part de la mémoire populaire, ces récits ne se contentent pas d’assurer jour après jour la promotion historique d’individus, de gestes et de lieux familiers, ils constituent également le fondement d’un savoir et d’une culture de l’ordinaire, immense somme de matériaux peu à peu stratifiés. Éclairage qui tend à donner au ressassement qu’opèrent le fait divers et l’histoire criminelle, habituellement analysés en termes de «thèmes fixés» (ne retenir et répéter toujours qu’un petit lot d’histoires semblables, aux scénarios pré établis et aux rôles déterminés), une toute autre perspective en réactivant sans cesse les figures héroïques ou monstrueuses de l’histoire criminelle, en répétant les gestes et les situations, en inscrivant chaque nouveau crime dans une longue chaîne de représentations, c’est la mémoire vive du peuple que l’on invoque, les grands motifs de sa culture que l’on célèbre. »

 

« Tout se passe comme si se déroulait sous nos yeux une seule et longue histoire criminelle. Une histoire dont la densité mémorielle et la charge culturelle étaient telles qu’elle paraissait incapable de se passer de citations, de références et d’allusions. Une histoire finalement sursaturée de symboles. Ainsi chaque crime nouveau tend-il à s’inscrire dans une chaîne de mémoire et de représentation qu’il vient réactiver et qui le légitime. Le criminel en évoque toujours un autre, les circonstances en rappellent toujours d’autres, dans un surprenant et perpétuel contexte d’«intertextualité ».

 

Dans une enquête portant sur le crime et la société, Mucchielli (1992 – 1998) constate que « l’homicide était un crime de proximité, commis essentiellement entre proches (dans le couple, dans la famille, dans le voisinage) et qu’il était fortement lié aux enfances déstructurées des auteurs et à la situation de misère sociale de leur vie d’adultes. » on en déduit que parler de la relation crime et société conduit à une analyse du comportement criminel, né dans la société, une conséquence logique de la délinquance juvénile.

 

Le crime est un phénomène de société qui est nourri par des caractéristiques psychologiques de l’individu. Ce qui donne une première explication aux récits constitués dans le polar. C’est en quelque sorte un support d’expression de l’imaginaire criminel de la psychologie individuelle. La persistance de ces caractéristiques dans le polar implique à une demande accrue de la part de la société en « culture criminelle », présentant parfois des cas extrêmes.

 

Hankiss (1928) constate que « le roman policier et, en général la littérature horripilante, sont dus à la coopération de plusieurs de ces facteurs. Ils constituent un genre littéraire beaucoup plus complexe qu’ils n’en ont l’air. Ils proviennent de sources psychologiques infiniment variées : l’intérêt scientifique, qui avait inspiré le neutralisme, y coudoie  la nostalgie du secret et celui du crime que l’homme moyen réussit à refouler au fond de son être, mais qui peut se faire jour dans les cauchemars et dans les lectures. »

 

Hankiss considère également qu’un bon nombre d’œuvres de catégorie policière contribue à « amener des réformes juridiques et à former une opinion publique moins inaccessible à la compréhension du crime, produit d’un milieu et d’une éducation, une maladie qu’il faut tâcher de guérir. Ce qui n’empêche pas non plus les tendances dépourvues d’éléments criminels où le crime s’interprèterait comme moyen d’étudier une âme tourmentée et torturée. »

 

Le crime lui-même provient donc de la société et serait nourri par elle. « Le crime ne naît que de l’abondance des lois ». Si le phénomène de l’exclusion existe c’est parce qu’il est encouragé par la société elle-même. Le crime s’inscrit dans cette dimension d’exclusion sociale. Le polar constituerait la dimension contradictoire des règles de société, qui lui confère son équilibre. Quels que soient la nature et le poids du crime dans le récit, allant d’un récit de meurtre involontaire (Mondiano), de meurtre collectif (A. Christie) ou d’un ensemble de crimes et de perversions (Faulkner). Ces différences de genre sont destinées à leur public spécifique. Le phénomène d’exclusion interprété dans chaque œuvre constitue alors un imaginaire de l’expression de ce sentiment criminel de chaque lecteur.

 

Section 3. L’IDENTITE DE L’AUTEUR DU CRIME

 

La personne de l’auteur du crime est associée à celui de l’exclu. D’un roman à l’autre, la caractérisation des personnages se diversifie, comme pour montrer qu’il n’existe pas de profil ‘type’ du criminel. Dans une étude réalisée par Chocard A-S et Juan F. (2002), il a été constaté que « dans la plupart des cas, l’auteur du drame criminel est un homme (dans 85 % à 90 % des cas), plus âgé que sa ou ses victimes. Des éléments dépressifs sont souvent présents chez le meurtrier au moment du passage à l’acte. Le moyen d’homicide le plus fréquemment en cause est l’arme à feu. »

 

 

L’auteur da la construction de la logique du récit prend le soin de correspondre différents aspects du personnage du criminel, entre autre le nom, le portrait et l’intrigue. Cette proposition défend la thèse de Jean-Claude Rioux (1986). A cet effet, il stipule que : « Le premier soin du romancier est effectivement, dans bien ces cas, d’attribuer à son criminel un nom qui permette de l’identifier sur le champ comme un scélérat : un nom qui signifie le mal, le révèle et l’affiche…

 

Le nom du scélérat est en effet généralement fabriqué par dérivation à partir d’un terme emprunté au lexique moral ou aux registres voisins de la passion, de la violence, de l’animalité, de la démonologie ou de la tératologie, ou encore à certaines oppositions symboliques, notamment celle de l’ombre et de la lumière. Le suffixe provient souvent d’une langue étrangère et vise à produire, tout justement, un effet d’étrangeté et, au-delà, un effet d’amoralité et d’anormalité, conformément à la loi implicite selon laquelle l’étranger n’est pas loin de l’étrange, et l’étrange tout proche du monstrueux. »

 

En outre, le portrait et toute description physique ou parfois psychologique du criminel servent à concrétiser le sous-entendu laissé par le nom. « Ce que le nom annonce, le portrait le confirme, s’intégrant ainsi à un système de surdétermination du sens qui est caractéristique de ce type de roman et qui englobe toutes les composantes et tous les niveaux du récit… Qu’il s’agisse rarement d’un portrait moral et psychologique ne saurait surprendre, puisque l’intériorité criminelle échappe à la complexité et au mystère

 

La personne du criminel constitué, il est alors question de le mettre en contexte de crime. Chaque auteur choisit l’orientation du récit, tel que Faulkner avoue avoir cherché la pire des situations criminelles qu’il pouvait imaginer pour écrire « Sanctuaire ». Rioux (1986) propose deux logiques :

  • « La logique de l’excès ou du superlatif, qui consiste à privilégier les comportements criminels les plus évidents, les plus violents et les plus scandaleux » ;
  • La logique du « crime privé, caché et légal, dont la fonction est de maintenir à l’extérieur du champ romanesque les formes vraiment dérangeantes de la criminalité ».

 

Les dix petits nègres d’A. Christie est le premier à justifier la théorie de diversité de type criminel. Dans ce roman, elle met en scène dix personnages tous rattachés à un acte criminel, notamment un meurtre, dans leur passé. Le récit les réunit et les soumet à la justice d’un homme qui souhaite réaliser un meurtre, dans ce cas rendre justice aux innocentes victimes de ces  criminels en les tuant à leur tour. Dans ce récit d’A. Christie on parle de meurtre suicide, selon lequel, l’auteur du crime se suicide après avoir commis à multiple reprise des homicides.

 

Parcourant une brève énumération des personnages du roman, on peut constater que chaque personnage criminel ne figure rien en commun à part leur statut de criminel.

 

  • G. Amstrong est un médecin très en vogue, d’une intégrité indiscutable et très compétent d’un point de vue professionnel. Il travaille à l’hôpital de Leithmore. Il a opéré d’une péritonite Louisa Mary Glees, le 14 mars 1924, alors qu’il était en état d’ivresse. Celle-ci est alors décédée sur le billard. Il a été invité sur l’île par Mr Owens, s’inquiétant de la santé de sa femme. Le juge Wargrave en a fait son complice pour simuler sa propre mort. Amstrong sera finalement tué par le juge qui le pousse du haut d’une falaise.

 

  • C. Brent est une vieille demoiselle âgée de 65 ans. Elle a reçu une éducation très stricte de son père, colonel de la vieille école. Elle ne se laisse démonter par l’opinion des autres et reste souvent impassible. Emily Brent reste très attachée à la religion et tricote beaucoup. Elle pousse au suicide une jeune femme enceinte, Béatrice Taylor, l’ayant chassée de chez elle. Elle a été invitée par une vieille amie avec qui elle a déjà passé des vacances et qui lui propose de renouveler cela sur l’île du nègre. Endormie, par du chloral mis dans sa tasse du petit déjeuner, Miss Brent est achevée par une piqûre d’abeille.

 

  • H. Blore est un officier de police qui dirige une agence de détectives à Plymouth. Celui-ci a pour pseudonyme Mr Davis, pour ne pas qu’on le reconnaisse en temps que policier, mais il annonce très vite sa véritable identité aux autres convives. Il a une allure militaire, des yeux gris et rapproché, une moustache et un visage sans aucune expression. Il est responsable de la mort d’un certain James Stephen Landor, décédé en prison le 10 octobre 1928 à Dartmoor. Contraint de faire un faux témoignage à son sujet, Mr Blore a fait condamner Landor aux travaux forcés à perpétuité où il a fini ses jours. Il a été invité sur l’île du nègre par Mr Owen pour veiller sur les bijoux de sa femme, où il succombera, le juge Wargrave l’ayant envoyé une pendule sur la tête.

 

  • E. Claythorne est une femme assez jeune, nerveuse et rongée par le passé. Elle était la gouvernante de Cyril puis professeur de physique dans un établissement de troisième ordre. Elle a tué le jeune enfant le 11 août en le laissant se baigner assez loin pour qu’il se noie. Cyril était l’héritier d’une grosse fortune que convoite son oncle Hugo. Aimant ce dernier, elle décide de se débarrasser du petit. Elle a été employée pour être la secrétaire de Mr Owen sur l’île du nègre. Véra tue lombard d’une balle en plein cœur et puis se pend avec une corde préalablement préparée par Wargrave.

 

  • Lombard est un capitaine fort, grand et aux petites moustaches. Il part souvent à l’étranger et a été mêlé à de multiples scandales. Mr Lombard a frôlé la prison par deux fois et a entraîné, en février 1932, la mort de 21 hommes. Ces hommes faisant partie d’une tribu indigène, il a pris leurs vivres alors qu’ils étaient perdus dans la brousse et les a laissé mourir de faim. Il a été pressenti par Isaac Morris qui lui a offert cent guinées pour venir sur l’île. Il est tué par Véra Claythorne d’un coup de revolver dans le cœur.

 

  • G. Macarthur est un général qui a eu une conduite courageuse pendant la Grande Guerre. C’est un homme âgé aux cheveux gris coupés courts, à la moustache soignée et aux grands yeux gris-bleu fanés par les années. Se rendant compte que son épouse le trompe avec Arthur Richmond, officier de son régiment, il envoie ce dernier en reconnaissance et celui-ci se fait tuer par l’ennemi. Il est invité par Mr Owen pour évoquer, avec des amis de longue date, le bon vieux temps sur l’île du nègre. John Macarthur se fait tuer par le juge Wargrave d’une fracture du crâne.

 

  • J. Marston est un chauffard de la pire espèce à qui l’on a retiré le permis de conduire par deux fois. Jeune homme d’un mètre quatre-vingt, il a les cheveux frisés, le visage bronzé et des yeux d’un bleu profond. Il a tué, le 14 novembre dernier, deux enfants John et Lucy Combes en les écrasant. Il a été condamné par la suite à une suspension de permis pendant un an. Son ami Badger Berkelery lui a donné rendez-vous sur l’île du nègre. Première victime de cette série de crime, Wargrave a mis du cyanure dans son verre de whisky.

 

  • J. Wargrave est en apparence un juge remarquable et honnête mais dans son fort intérieur, il s’agit d’un être démentiellement diabolique puisqu’il est l’auteur de cette série de crime plus ingénieux les uns que les autres. Il souhaitait commettre un crime sensationnel, fantastique, où le problème serait insoluble. Il a conduit à la mort Edward Seton le 10 juin 1930. Celui-ci était accusé d’avoir assassiné une vieille femme. Seul le juge croyait en sa culpabilité. Il condamna alors Seton qui fut exécuté. Wargrave a reçu une lettre de Lady Constance Culmington pour l’inviter sur l’île du nègre. Seulement, il est évident que cette histoire a été montée de toute pièce par le juge. La folie l’amène à se suicider, après avoir tué les 9 hôtes, en mettant en place un processus habile qui actionne un revolver.

 

  • Isaac Moris s’occupe de l’achat de l’île, des vivres et de l’aménagement. Mandataire de Mr Owen, c’est un homme dangereux mais prudent bien que peu recommandable. Wargrave choisira Isaac comme dixième victime. Il le soupçonnait d’avoir initié la fille de l’un de ses amis à l’usage de la drogue. Il lui remet alors un cachet, le soir de son départ pour Londres, qui agit sur le suc gastrique, celui-ci souffrant d’indigestion. Ne se méfiant pas, Isaac Moris le prend.

 

  • Rogers, Ethel et Thomas; ils ont travaillé pour Jennifer Brady, qui a été laissée pour morte ; ils ont été assassinés à leur tour sur l’île des nègres par Lawrence Wargrave.

 

 

Passant par Faulkner, Sanctuaire met en scène des individus criminels des « pires espèces », trafiquants, pervers… On retrace dans ce récit et justifié par Faulkner même « l’histoire la plus effroyable qu’on puisse imaginer », marquée par « une descente dans les abîmes de l’âme humaine à la recherche du mal absolu. ». Ces personnages criminels de Faulkner portent bien la qualification d’exclus par rapport aux crimes qui les entourent, un cas extrême d’événement qui puisse arriver dans  la société. La victime de son côté se réfère à un état d’exclusion par rapport à sa démence psychologique. Par contre, l’avocat, de même pour Goodwin, est entaché de son échec dans la défense de la vérité.

 

  • Popeye, malfrat solitaire, asocial, adepte des pistolets automatiques et qui, des le premier chapitre du roman, est assimile par son créateur a « cette chose noire qui sortit de la bouche de mme bovary et se repandit sur son voile de mariée quand on lui souleva la tête. » (Mc Bernik 2004). Il finit pendu en Alabama à cause du meurtre d’un policier.

 

  • Goodwin, revendeur au noir d’alcool, compagne de Ruby Lamar, et propriétaire d’une ferme isolée ou temple, la principale victime atterrit lors d’une sortie de route avec son compagnon Gowan. dans le courant de l’histoire, son casier le conduit dans une prison du comte, sous inculpation d’homicide volontaire, par rapport au meurtre de son garçon de ferme dont le coupable est en réalité Popeye. Il finit brûlé par la foule qui s’est révoltée par rapport aux conditions de traitement de la jeune Temple.

 

  • Benbow, un avocat a l’âme de poète qui, dans le roman, fait manifestement référence au sens de l’honneur et au code quasi chevaleresque qui étaient de mise dans certaines classes de la société sudiste, avant la guerre civile. persuade de l’innocence de Goodwin, Benbow décide de le défendre. mais, comme son client ne tient pas a « moucharder » Popeye, il en est réduit a entreprendre son enquête personnelle qui le fera remonter jusqu’au gangster et jusqu’à Temple. Après l’échec de son procès, il revient dans sa famille où il a quitté sa femme auparavant.

 

  • Temple, principale victime dans le récit. C’est la jeune et jolie fille du juge DRAKE, Temple, plus préoccupée de sorties nocturnes dans les night-clubs que de ses études universitaires. C’est cette manie qui l’a conduite à la ferme de Goodwin où elle n’a pu échapper à la malfaisance de Popeye. A la fin du récit, elle se retrouve dans une semi-démence, s’éloigne au bras de son père, vers la vie brumeuse et décalée qui sera désormais la sienne.

 

 

Mondiano par contre, expose ses personnages suivant un retour aux événements passés qui ont produit l’événement actuel. Il met en scène un personnage principal qui parcours lui-même ce passé, et retrouve les personnages secondaires du récit. L’identité de l’Auteur du crime n’est révélée qu’à la fin du récit. Il s’agit plutôt d’un récit à énigme, et qui se construit dans un désordre chronologique partant d’un point au milieu de l’histoire, pour retourner en arrière avant de passer à la suite.

 

« Quartier perdu » met en jeu le personnage d’Ambrose Guise et se sert de lui pour retrouver l’identité du criminel. A la lecture du récit, le meurtre est survenu en légitime défense, mais la situation plus ou moins floue de sa survenance a conduit le témoin et l’auteur du crime à fuir et changer d’identité : le personnage de Jean Dekker qui devient Ambroise Guise. Ce contexte se réfère à une tentative de réintégration de l’individu dans la société suite à un éventuel cas d’exclusion toujours en rapport avec un crime, qui en est le principal facteur.

 

 

Chapitre 4. LE CONTEXTE DE L’ENTRETIEN DE L’EXCLUSION

 

L’essence même du genre policier repose sur la notion de crime. Selon Vareille (1986), cet intérêt pour le crime résulte entre autre des transformations socio-économiques rapides. Le crime est alors devenu un fait majeur de l’existence sociale, un constat devenu incontournable depuis le début du XIXe siècle et qui est entretenu pratiquement comme phénomène social vu son accroissement à nos jours. Le crime entre dans la culture sociale au moyen des feuilletons, mélos, complaintes et chansons célèbrent, traîtrises et assassinats. C’est à travers ce contexte que le genre policier trouve son développement.

 

Bien que cette abondance de crimes mette en doute les règles de société mises en place, du fait que le social s’avère être un contexte favorable au crime, elles reflètent également le principe actif de la marginalité sociale, donc l’exclusion. La construction des romans policiers met en exergue les découvertes et recherches qui nourrissent le récit. Cette curiosité sur la tenu des procédures en la matière suppose un certain nombre de mobiles qui défend l’histoire. On parle par exemple dans ce cas des sentiments et d’un ensemble de réactions qui touchent la personne de l’exclu donc le criminel.

 

Section 1. LE SECRET ET LE « CACHE »

 

Le secret et le caché, ce sont des éléments fondamentaux qui font vivre les romans, et principalement le roman policier. Vareille (1986) parle plutôt de mystère. Et Barthes (1970) l’interprète comme « le code herméneutique, lequel suppose la position d’une question, sa solution et surtout le retard mis à cette solution ». Ce mystère se rapporte en premier lieu au contexte de narration « l’imagerie romantique du labyrinthe et de l’errance, des châteaux en ruines, des souterrains ténébreux, des corridors interminables ou des antichambres qui débouchent sur d’autres corridors et d’autres antichambres et ainsi sans fin. »

 

Le roman policier fonctionne donc suivant une thématique accompagnée d’une structure qui ne dévoile ni cause ni l’effet. Dans son évolution, on se retrouve face à des éléments caractéristiques qui rassemblent les romans policiers : « énigmes, promesses de solution, leurres, équivoques, réponses suspendues, partielles ou bloquées, indices, épisodes ou expressions qui font office d’embrayeurs relais pour lancer le récit vers plus tard, disjoncteurs qui ouvrent une bifurcation et une alternative possible avant que le texte ne choisisse une voie fictionnelle définitive. » (Vareille 1986).

 

Dans cette section on revient encore à dire que l’énigme, et donc le mystère, constitue un élément essentiel du récit policier. C’est le principal moteur de l’action et qui fait la différence entre les différents genres de romans. Dans le roman policier, le personnage est associé à un secret, qui mène le lecteur d’un indice à un autre et d’une énigme à une autre. Ce qui implique que c’est le récit lui-même qui définit le sort des personnages. Et plus encore, le contexte de l’exclusion se rapporte déjà dès le départ à la construction de l’histoire et est voué au mystère, au secret et au caché.

 

« Le roman populaire du début du XIXe siècle, à l’instar du roman policier, expose donc complaisamment une faille entre l’être et le paraître. Simulateurs et dissimulateurs, ses personnages sont ce qu’ils ne paraissent pas, ne sont pas ce qu’ils paraissent, paraissent ce qu’ils ne sont pas, ne paraissent pas ce qu’ils sont. On rencontre ici et là une métaphysique commune, celle du soupçon généralisé : chacun est à tour de rôle un coupable en puissance ; chacun, si ce n’est d’un crime, est coupable. Les masques foisonnent donc, que l’habileté de l’auteur consiste à arracher le plus tard possible pour nous laisser dans l’indéterminé. » (Vareille 1986).

 

Quartier perdu de Mondiano illustre bien cette genèse du roman policier. L’auteur procède à un couplage d’une démarche progressive et d’une démarche régressive. Le récit se construit en remontant dans le passé et ne dévoile rien à l’avance. « Le secret, en effet, et par définition, renvoie au passé : que s’est-il produit naguère qui explique la faille entre l’être et le paraître, qu’est-il arrivé « avant »? » (Vareille 1986). On se retrouve devant « une quête des origines » pour déterminer le crime fondateur. « Dans le roman policier, on trouvera l’imbrication d’une série temporelle qui aboutit à la découverte du criminel (l’enquête) avec une autre, permettant de remonter dans la durée, et narrant, elle, la genèse du crime. »

 

Dans le courant de l’histoire, Mondiano met en place le personnage d’un jeune garçon qui inspire devenir écrivain de roman policier et qui a dû changer d’identité et de pays pour pouvoir commencer une vie nouvelle et réaliser ses aspirations. Son passé couvre donc le sens du secret et du caché. L’histoire commence par le moment présent, le personnage principal se retrouvant dans un endroit connu et perdu pour cause de circonstances irrémédiables, et qui évoque un grand souvenir du passé. La narration tente à cet effet de retracer les mobiles de ce sentiment que représente la ville de Paris et d’investir le passé enfui de ce personnage.

 

Par cette action, le personnage lui même revient sur un ordre chronologique de l’histoire interrompu de temps en temps par la continuité de la période courante. On découvre vers la fin les causes et le tenant de ce mystère qui implique le personnage. Il s’agit d’un meurtre qu’il tente de couvrir. Bien que le personnage soit innocent, son implication dans les circonstances le remet en situation de crime, qui l’a forcé à quitter la ville et changer son identité. Le statut d’exclu ici se réfère à ce passé caché et délaissé, afin de prendre un cadre de réinsertion dans les règles de société.

 

Selon Panoussis, « les romans qui parlent des «vilains et des scélérats», de misère, corruption et crime, phénomènes qui caractérisent la vie en ville, se classent dans la romance d’Apocryphes, puisque le terme «apocryphes» est identique à celui de «mystères». Les mystères d’un caractère populaire, d’un contenu criminologique, d’une atmosphère de suspense, dénoncent en même temps la pathogénie des systèmes politiques, sociaux, institutionnels. La déviation sociale, la cosmo-théorie socialiste et le système correctionnel constituaient des thèmes favoris. »

 

Par ailleurs, « ce monde caché et faible, l’inverse du monde réel, avait besoin de «clés» spécifiques pour qu’on puisse le déchiffrer, et il en a encore; dans cette optique, les Mystères n’étaient pas très loin de l’ «atmosphère particulière» et de l’intrigue éthopsychologique du roman policier criminel. » Ce qui justifie les procédures par le mystère au niveau du polar. C’est par essence même caractéristique de la construction du récit policier. L’histoire trouve plus d’intérêt a faire ressentir ce besoin de mystère par le lecteur, d’une part, et d’autre part c’est ce qui fait vivre le caractère d’exclu des personnages. Le crime s’attache dans la majeure partie des cas à un mystère à découvrir, à un secret à cacher que le criminel ou ses complices se doit de défendre dans l’histoire.

 

Section 2. LE SENS DU TRAGIQUE DANS L’HISTOIRE

 

Selon Dubois (1985), toujours partant de l’idée de la construction du genre policier, « Dès le romantisme, la thématique criminelle policière se met en place et trouve une première expression esthétique. Dans ses fictions cultivées comme dans ses fictions populaires, la littérature romantique confère un profil moderne aux figures du malfaiteur et du justicier. Tout un pathos du bagnard et de l’inspecteur, du crime impuni et de la recherche d’identité, de l’erreur judiciaire et de la vengeance anime le drame et le mélodrame ainsi que les variétés du roman. »

 

Selon Panoussis, « Le roman policier provint du roman juridique, se contracta en une histoire de détective et, finalement, se développa en une romance criminelle. Cette littérature du crime se caractérise par l’intrigue dramatique et le mystère, par le mythe et l’anxiété (suspense), par l’aventure et action. Le roman policier-criminel aborde de par son côté obscur la société. Littérature de l’espace urbain en tant que lieu ténébreux et du mode de vie bourgeois, corrompu et illégal de la grande ville avec la délinquance croissante et la pathogénie, cette espèce descend dans la rue pour rencontrer les marginaux, les racistes ou les poètes maudits. »

 

Le développement du roman policier noir a encouragé la mise en avant du personnage du criminel. L’idée de mise en place de héros parfaits a été relativisée, tandis que la place du malfaiteur a été mise en avant. C’est ce sens d’attraction au mal qui fait place au tragique dans l’histoire. Sanctuaire de W. Faulkner en constitue un exemple. Panoussis avance l’idée d’une stimulation de la sensibilité sociale pour expliquer l’ascension des romans policiers ou des romans de brigand, qui se veulent être l’ascendant des romans policiers d’aventures actuels, dans la culture populaire. En ce sens que le roman policier représente une description réaliste et sociale, marquée d’un esprit critique à l’ égard de l’ordre et du pouvoir.

 

Le constat du tragique dans le statut d’exclu se rapproche de l’analyse de Gelly C. (2004), soutenant que c’est entre autre un élément à part entière, caractéristique des romans policiers noirs. Ce qui explique l’orientation vers l’œuvre de Faulkner. L’exclusion étant toujours soutenue comme une conséquence logique du statut de criminel, c’est à la fois un état et un processus dans la société. Malraux A. (1933) identifie cette œuvre comme « l’intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier ». Sa construction elle-même tend vers une descente dans « les abîmes de l’âme humaine ». Sanctuaire est « résolument noir, malsain et désespérant. »

 

Gelly propose une interprétation telle que « une référence directe au “roman noir” — que ce terme renvoie au roman gothique anglais de la fin du XVIIIe siècle, à travers la mise en scène de la vertu assiégée par le vice, ou au roman policier “noir” ou “hard-boiled” qui à l’époque émergeait dans les revues américaines comme Black Mask. » Il justifie son point de vue par rapport au fait que « Toute la thématique développée dans l’œuvre est en effet étroitement liée à celle du gangstérisme et de la corruption générale de la société, corruption que doit affronter un homme seul, qui fait foi de justicier. »

 

Dans cette analyse, la situation d’exclusion est associée au tragique de l’histoire. En ce sens, les particularités de l’œuvre de Faulkner se rapprochent à « une transposition dans le sud rural de l’univers des gangsters lié au trafic né de la prohibition, du constat froid et direct d’une corruption généralisée de la société. On se retrouve donc face à un usage particulièrement étendu de la focalisation externe mis au service d’une intrigue portant sur les actions et les sentiments mêmes des personnages. » Le récit confronte le lecteur « à la peinture d’un mystère indépassable de l’être, mais aussi au portrait d’un monde incompréhensible où nulle réaction logique et plausible n’est à attendre, et où la victime ne cesse de se heurter aux parois de sa cage, et dépense son énergie sans espoir, voire sans but précis. » (Gelly 2004).

 

Section 3. APPROCHE SPATIALE DE L’EXCLUSION

 

Une des plus grandes caractéristiques de l’évolution de la conception de l’exclusion se rattache à la notion géographique. Si nous avons vu auparavant que le crime, et le secret sont deux éléments déterminants de la situation d’exclusion, dans cette sous-partie il sera question de l’importance de lieu définissant le statut d’exclu. L’hypothèse de base reste toujours le caractère criminel de l’exclu. L’approche spatiale constitue un facteur de confirmation qui se rajoute au statut d’exclu et qui entretient cette caractéristique.

 

Mondiano utilise la notion de géographie de telle sorte que le personnage principal se retrouve à se réfugier dans un autre lieu pour échapper au jugement social par rapport au crime auquel il a été concerné. Le lieu définit donc dans ce cas, un second motif d’exclusion. Faulkner dans cette transposition de l’urbain dans le sud rural, expose l’idée d’un retrait de la vie en société qui se concrétise surtout en ville. Dans le récit d’Agatha Christie, il s’agit d’une mise en situation des personnages en un lieu plus ou moins coupé du monde. En effet, l’histoire se déroule sur une île et c’est cette caractéristique qui définit la situation d’exclusion des personnages.

 

Mathieu (1997) avance une relation confirmée entre l’exclusion et l’espace. C’est ce que justifie l’ensemble des travaux réalisés par les scientifiques sociologues et géographes. Ce constat se réfère principalement aux différents discours de l’immigration, des « banlieues » et des « territoires de l’exclusion ». L’identification de chaque espace de concentration se rapporte aux caractéristiques de chaque population. Sans pour autant entrer dans une explication de la dénomination de l’île, il est plus opportun de spécifier que l’île des nègres où se déroule l’histoire des dix petits nègres se fait appelée ainsi pour l’histoire des statuettes de dix petits nègres.

 

Cette spécification induit à l’objet de l’analyse qui concerne l’œuvre d’A. Christie, qui est jugée plus représentative de cette analyse spatiale de l’exclusion. Les victimes, qui sont aussi des criminels et qui comptent chacun un meurtre, volontaire, mais qui ont échappé à la loi, sont appelées à se retrouver sur l’île. Et c’est dans cette île qu’ils ont dû faire face à leur destin qui est la mort. On peut déduire de la logique du récit que ces personnages ont été appelés sur l’île d’abord pour les retirer de l’ensemble social qui leur sert de protection et ensuite de les soumettre à une justice à laquelle selon les procédures légales ils ont pu s’en tirer.

 

On retrouve dans ce cas la notion d’exclusion et celle de la marginalisation. Selon toujours Mathieu (1997) dans son interprétation de la relation entre les contextes social et spatial, « parfois statiques lorsqu’elles privilégient la mise en évidence des structures spatiales organisant la ville, ces recherches, en approfondissant les rapports entre dynamiques sociales et dynamiques spatiales, entre marginalisation sociale et marginalisation spatiale, ont le plus souvent abouti à l’identification de processus socio-spatiaux que la notion de « ségrégation dans la ville » synthétise. » A cet effet, l’espace et la société sont entre-liés. Une exclusion sociale donne suite à une exclusion spatiale. Les exclus font face à une catégorisation sociale et spatiale.

 

En outre, « à partir de la connaissance des types d’espaces ruraux, qu’ils soient définis comme des types structurels (espaces ruraux périurbains, espaces ruraux à fonction agricole, industrielle ou touristique dominante, espaces ruraux de faible densité…) ou par rapport à des risques de rupture (espaces ruraux fragiles ou très fragiles, espaces stables, espaces émergents…), on peut faire l’hypothèse que les transformations du territoire entraînent l’exclusion d’individus et de groupes. » Cette hypothèse se vérifie par rapport à la situation de changement. Pour se rapporter à notre objet d’étude, cette citation se réfère à la mise hors contexte quotidien des personnages et ;a la mise en situation nouvelle en raison de leur impunité. Ce constat se rapproche aussi à l’idée des sentences émises lors du jugement de crime : la prison, la peine de mort…

 

 

PARTIE III. JUSTICE ET EXCLUSION

 

A titre de rappel et selon le point de vue de Rohrbach (2007), le genre policier se constitue en trois pôles : le pôle « populaire », avec ses exigences essentiellement économiques ; le pôle traditionnel, qui comprend les romans à énigme ou à suspense ; et le pôle littéraire, à savoir le roman noir. Les deux derniers pôles se développent au sortir de la Première Guerre. Quant au troisième pôle, il se définit en France en opposition au premier et, surtout, au deuxième pôle dans la mesure où le roman noir se veut réaliste et critique.

 

Le héros a une vision désenchantée de la société et est sans cesse en conflit avec elle ; cependant la critique sociale passe par l’humour noir et le second degré plutôt que par l’amertume. Toujours selon les constats de Rohrbach, le roman noir partage en quelque sorte le même sort que les exclus de la société dont a coutume de parler le polar : littérature en marge, le roman noir écrit sur les marges. L’évolution du polar a fait que les auteurs y offrent un « lieu de débat social ». Ce qui confirme la fonction de critique sociale du polar et qui justifie sa place dans la culture populaire.

 

Aborder la notion d’exclusion en terme de justice, renvoie à une considération de l’exclusion comme conséquence logique de l’application de la justice sociale, du moins le cas qui intéresse le polar, par rapport à la criminalité. Toute déviance sociale est soumise à un jugement par rapport aux règles de société en vigueur. De cette pratique intervient le contexte d’exclusion et de marginalisation de celui qui a enfreint ces normes et l’ordre social. Il est donc question dans cette partie de retracer dans le polar le contexte de justice à l’endroit du crime.

 

Chapitre 5. LE SORT DES EXCLUS

 

En se basant sur les caractéristiques traditionnelles de la criminologie, Pires (1979) constate que « la pratique criminologique commence fondamentalement par une observation et un examen centrés sur l’homme en institution. Elle naît dans ce sens à partir d’une observation clinique (anthropologique) de l’individu en milieu fermé. » Ce qui implique que les tendances criminelles des individus naissent à partir de la société. C’est l’une des caractéristiques de la vie sociale : la criminalité est un fait sociale, c’est ce qui justifie rappellons-le un fait social.

 

Dans la construction logique du polar, la fin du récit s’établit par rapport à une mise en contexte de justice de l’histoire. Il est alors question pour l’auteur de décider du sort des exclus, et pour le lecteur de le savoir, et de vérifier ses hypothèses de départ. Le contexte de justice peut varier selon chaque récit ; tout dépend de l’orientation selon laquelle se construit le récit : avantager le crime ou la justice. Quoi que les personnages sont toujours voués à faire face à cette justice tant sociale, personnelle que policière.

 

 

« Dans les relations entre les hommes, il faut donc aussi un ordre inspiré par la pensée de l’œuvre commune vers laquelle doivent converger les activités particulières. La justice correspond à cet ordre entre les hommes. » (Leclercq 1926). La conception de la justice évolue selon les progrès de la société. Si dans le moyen âge elle renvoie à un concept de droit de l’individu dans le respect de l’ordre, dans sa conception actuelle la justice se réfère à l’ordre lui-même que l’on doit respecter, ou les principes fondamentaux de cet ordre.

 

« Dans ce sens on dira que le droit est la réalisation de la justice : cette formule signifie que le droit est la réalisation de l’ordre naturel. On dira d’une chose qu’elle est conforme ou contraire à la justice, lorsqu’elle est conforme ou contraire à l’ordre naturel. En ce sens, la justice revêt deux formes : la justice au sens subjectif qui est la vertu de justice, et la justice au sens objectif qui est l’ordre à réaliser. » (Leclercq 1926).

 

Section 1. LA JUSTICE SOCIALE

 

De son origine, le polar revêt d’un double caractéristique : « littéraire puisque le genre en cause, loin de représenter un phénomène isolé ou erratique, s’inscrit dans le jeu des transformations et aménagements du domaine des lettres ; sociale, de telle sorte qu’au-delà de ce qui détermine toute activité esthétique, le récit d’enquête paraît bien répondre, par ses conditions de production, sa thématique et son élaboration formelle, à une attente collective spécifique » (Dubois 1985). Si les criminels se retrouvent exclus de la société, c’est parce que de l’importance ou de la signification du crime s’interpose la problématique de la réaction sociale. Cette réaction sociale au crime se résume en général par la peur et la punitivité du crime (Louis-Guérin 1984).

 

« Ces réactions dépendent des représentations que chaque individu ou groupe se fait du crime et du criminel, de l’adéquation de la loi et des agences de contrôle et, plus largement, de sa vision du monde. Dès lors, ce sont ces représentations et ces visions du monde qui (…) apparaissent comme des variables explicatives des réactions et jouent le rôle de variables intermédiaires entre les attitudes et comportements face au phénomène criminel et le phénomène criminel lui-même. »

 

Cette section admet la relation entre la peur et la justice, dans le sens que cette peur de la criminalité induit à l’instruction des règles faisant fois de tenue de justice envers la criminalité. Ce qui implique une description de la peur du crime.

 

Louis-Guérin (1984) propose cinq niveau d’indicateurs de mesure de la peur du crime :

  • l’importance perçue du problème criminel par rapport à d’autres problèmes sociaux ou personnels ;
  • l’évaluation des taux de criminalité et des variations dans l’espace et le temps;
  • l’évaluation des risques personnels de victimisation et du danger dans la zone de résidence;
  • les réactions émotives (peur, anxiété, sentiment de malaise ou, plus rarement, colère, réprobation, frustration, etc.) éprouvées face à la criminalité et au danger perçus;
  • la limitation de certains comportements ou la modification d’habitudes par peur de crime.

 

Liée au phénomène de la sécurité, la peur du crime se retrouve au centre de préoccupation de la vie sociale, et sert de motif à toute évolution de normes et politiques sociales. Cette harmonie sociale menacée par l’insécurité devient alors sujette à des processus et changements à des fins d’amélioration des mesures judiciaires. Ces dernières se révèlent être l’orientation de la punitivité du crime. Ces mesures dépendent également des attitudes plus générales envers la société qui déterminent les représentations que l’on se fait de la criminalité et les attitudes face aux solutions proposées pour la réduire.

 

« En effet, le problème de la sécurité semble hanter nos sociétés et les demandes de sécurisation, de plus en plus pressantes, se trouvent au centre de nombreux discours politiques et économiques où se manifestent les contradictions sociales. C’est dans cette perspective qu’il faut situer la menace que fait peser la criminalité sur la collectivité et l’exploitation qui est faite de la peur du crime et de l’insécurité par certains groupes ou « entrepreneurs moraux » pour exiger des législations spéciales, augmenter le nombre et les pouvoirs de la police, critiquer le système judiciaire… »

 

A notion de justice intervient comme le facteur qui confirme l’exclusion. Dans un schéma simplifié, le criminel commet un crime et se retrouve face au jugement de la société, il est ensuite marginalisé de façon à l’entacher de son erreur, une effraction aux normes et à l’organisation sociale. L’exclusion constitue donc une logique de principe idéologique de la société. Wahnich (1996) avance l’idée selon laquelle « ces exclus ne sont que rarement rejetés radicalement en dehors de toute société. La question des sociétés d’individus ne serait pas celle de l’exclusion à proprement parler mais celle de la dissolution du lien social. »

 

Les processus relatifs à ce fait se rapportent à « des formes radicales : il fallait enfermer, expulser, tuer même parfois ceux qui n’appartenaient pas au groupe, en différaient ou étaient considérés comme dangereux pour le groupe. » Les tentatives de remédiation à cette dissolution du lien social, ont par exemple motivé le changement d’identité entrepris dans le roman de Mondiano. Afin d’échapper à cette justice sociale, le personnage principal a choisi de renaitre sous une autre identité. Ainsi la personne de Jean Dekker est alors mis à l’oubli pour laisser Ambrose Guide vivre ses aspirations passées.

 

C’est également pour échapper à cette justice sociale que la bande de brigands du roman de Faulkner vive située dans une zone lointaine, un sud rural perdu et continue à traiter les affaires illicites et illégales en cachète. Bien que cette conscience de la production d’action malveillante à l’endroit de l’organisation sociale la pousse elle-même à se retrouver en situation d’exclu. On retrouve dans la société elle-même le refus de réintégration de ces individus exclus, une situation qui maintient ces derniers à rester dans l’illégal. Ce qui justifie l’enchainement entre crimes parus dans « sanctuaire » de Faulkner.

 

Le roman d’A. Christie présente un intérêt plus ou moins contradictoire de la justice sociale. En effet, il représente plutôt les manquements et faiblesses au niveau du recours à cette justice. Le facteur crime est présent mais l’élément qui le justifie et inculpe son auteur manque à l’appui pour tenir le criminel. Toutefois, pour se rattraper dans ce cas de figure, il est possible de trouver dans la personne de Wargrave la représentation de cette justice sociale, dans ce cas différente de la justice judiciaire à laquelle il est question de se référer d’habitude. C’est d’ailleurs ce besoin de contexte de punitivté du crime qui a influencé la construction de ce processus.

 

Ce qui conduit à un nouvel constat de la justice sociale. Les trois romans en représentation définissent une grande diversité d’occurrence de la justice sociale. Les règlementations judiciaires restent les principes de base de cette justice sociale. Toutefois, elle reste soumise à l’appréciation de la société elle-même. Selon des cas, l’appréciation de l’importance des sanctions attribuées à l’endroit des jugés criminels revient à la société, une pratique qui s’est vue bien évoluée à l’heure actuelle et laissée dans la loi du passé, selon laquelle, l’instance judiciaire n’est seule la autorité apte à juger du sort du criminel.

 

C’est dans cette vision que la révolte de la population, à l’entente du traitement auquel a été soumise la principale victime Temple Drake (Faulkner), a conduit à la mort de Goodwin qui est toutefois innocent, mais étant le seul tenu et jugé, a été retrouvé entre la justice de la population. Cette pratique justicière peut s’interpréter comme une attribution totale ou partielle de responsabilité envers ce personnage, surtout par rapport à son entêtement à protéger le véritable malfaiteur, en la personne de Popeye, lui aussi retrouvé dans des événement futur, mêlé à un crime qu’il n’a pas commis mais qui l’a conduit à sa mort.

 

Sur ce point on peut en tirer que dans ce temps de Faulkner, la justice sociale exécutée par la société elle-même et dont la règle de faire était « vie contre vie », tenait une place évidente. On peut dire que c’est ce besoin d’inclusion dans la cause commune qu motive l’action sociale. Et que le sort des exclus est remis entre le pouvoir de la société, aboutissant généralement à la mort. Le «crime» en littérature, représentant d’ordinaire diverses nuances de la conscience sociale de l’ époque.

 

Au XVIIIe siècle, les châtiments pour le crime étaient d’une extrême variété. « Un meurtrier, après avoir été pendu, était exposé en chaines « jusqu’à décomposition du corps à l’endroit ou près de l’endroit où le crime a été perpétré ». Les corps des voleurs de biens après avoir été pendus, « étaient ramenés sur le sol et enterrés sous le gibet ou à proximité », trépas indigne dans une société ou un enterrement décent revêtait l’apparence d’un rite social important. » (Ramsay 1979).

 

Pour appuyer cette théorie, Panoussis établit un rapport assez déséquilibré entre le bien et le mal dans le récit policier.

« Distinguer le bien du mal acquiert un intérêt fabuliste, tout en gardant son rapport avec la société. L’ action de faire des contes a un contenu anthropologique profond, concernant, par exemple, la soumission de l’ homme aux puissances du mal hors la logique, mais la violence, la corruption, les scandales, les services secrets, les règlements de comptes se développent et évoluent dans un cadre sociopolitique précis. Des prostituées, des enfants abandonnés, des corrompus et des entrecroisés, des systèmes de valeurs en faillite, l’ impuissance de survie d’ individus ou de groupes, la société et l’ autorité corrodées par le crime organisé, se paraît qu’ un monde entier est né, marqué pour le mal.

 

Il est impossible que dans le roman policier-criminel le «bien» et le «mal» passent souvent à travers l’ humour noir; cependant, ni le «méchant» n’est pas toujours antipathique, ni le «mal» ne peut être combattu sans l’utilisation d’ une violence démesurée par les bons. Étant donné que, souvent, les «bons» sont «très bons» et les «méchants» sont «extrêmement méchants», on pourrait dire que, finalement, les limites du roman policier-criminel s’identifient soit avec les limites de tolérance du lecteur à la violence, à l’injustice, à l’administration de la justice, soit avec les marges d’ esquisse de l’antihéros. »

 

De la même façon que la société cherche à placer dans l’institution judiciaire le pouvoir de résolution des crimes, mais surtout la représentation de la justice, que la personnalité de Wargrave surgit dans le roman d’A. Christie et commence à travailler tout un processus pour rendre justice aux victimes des crimes impunis. Le récit suppose de trouver en sa personne cette justice parfois introuvable dans la société et qui n’est possible que par un acte héroïque toutefois réduit à un acte criminel, et qui se termine par son suicide.

 

La réalisation de ces crimes a été favorisée par la mise en contexte éloigné géographiquement. Une critique à laquelle s’attache ce récit renvoie à la volonté de Wargrave de réaliser des crimes. Cette situation sert de critique à la société également, dans le sens que la justice a été rendue dans une intention mal saine de crime. Ce qui renvoie encore dans ce récit le concept de « une vie pour une vie », tel qu’il a été vu dans le récit de Faulkner.

 

Section 2. LA JUSTICE PERSONNELLE

 

Leclercq (1926) propose une définition de la justice telle que :

« Le mot justice correspond à une de ces idées que tout le monde croit comprendre, qu’on ne définit d’habitude pas et que tout le monde évidemment ne comprend pas dans le même sens. D’où des équivoques incessantes. De fait, la justice est indéfinissable en dehors d’une conception générale du monde et de l’homme, et ceux qui veulent la définir sans s’appuyer sur une métaphysique ne peuvent en donner qu’une définition inconsistante. La justice pour eux correspond à un sentiment que tout le monde éprouve, et elle est de ces choses qui sont d’autant plus claires qu’on les précise moins »

 

Si la justice sociale renvoie à un contexte global, suivant les règles de société, d’une certaine manière les exclus sont également confrontés à une justice personnelle. Les particularités de l’œuvre de Mondiano résident sur le fait que le contexte de l’exclusion renvoie bien à une notion de crime, et la justice personnelle intervient dans le sens du crime. Le sort des exclus est à cet effet défini suivant un ordre plus ou moins désordonné du principe logique de cette analyse, appuyant le fat que la justice constitue le début de l’exclusion, et la suite logique du crime. Quoi qu’on peut toutefois considérer les faits antérieurs à l’assassinat, mais qui ne servirait qu’à reconstruire un récit à part à celui de notre analyse.

 

Selon Jurovics (2002), « le langage du droit est forcément réducteur, lorsqu’il s’agit de définir les « éléments constitutifs du crime ». M. Jurovics montre bien la double dimension du crime, en tant qu’acte inhumain au service d’un plan criminel, articulant sa thèse entre «deux niveaux, l’un individuel, l’acte criminel, l’autre collectif, la politique, qui s’entrecroisent souvent et justifiant la qualification ». Comme l’explique fort bien l’auteur, « c’est par son lien avec une politique aux visées criminelles que l’acte individuel dépasse le crime de droit commun ; en s ‘inscrivant dans ce contexte, il en adopte la nature, le caractère criminel et porte préjudice au genre humain. »

 

Le contexte de justice personnelle renvoie à une époque bien plus loin de la notre, au XVIIIè siècle. L’évolution du concept de justice montre une grande différence entre les victimes de cette période à celles de notre époque. A chaque crime, il incombait à la victime les charges de l’arrestation du criminel, de la lourde responsabilité des poursuites, et de la tenue d’un procès. « Il était embarrassant, ennuyeux et coûteux d’intenter un procès, l’issue des poursuites étant d’ailleurs naturellement incertaine. Il s’ensuivait que les tribunaux n’étaient utilisés qu’en dernier ressort et non pas de manière routinière comme aujourd’hui. » (Ramsay 1979)

 

Recourir au processus de justice judiciaire engageait alors une grande responsabilité et allant à une démarche lésée par rapport au droit de la personne. Sur ce principe s’appuie la notion de justice personnelle. C’est également une faiblesse de l’institution judiciaire pour faire valoir des droits de chacun et une justice allant dans un sens plus juste. La notion de justice personnelle est donc encouragée par cette faiblesse de l’institution judiciaire.

 

Des hypothèses peuvent être identifiées comme origine du recours à la justice personnelle. Outre le point de vue de la pratique historique, la considération du criminel en tant qu’individu donne une base de relaxation des sanctions à l’égard du droit humain, d’autant plus que d’une certaine manière la société se voit accepter une certaine dimension relative à la tolérance par rapport au crime.

 

Par rapport à la considération du criminel, Ramsay (1979) défend que :

« Non seulement les gentilhommes du dix-huitième siècle ignoraient le concept de « crime » en tant que phénomène collectif mais aussi ils ne voyaient pas dans les « criminels » une catégorie particulière. Ce n’est pas avant le dix-neuvième siècle que l’idée selon laquelle les criminels constituent une classe distincte — et dangereuse — est fermement établie. Le mot « criminel » existait bien, mais il était étonnamment peu usité, même pour désigner les délinquants. A la place, on utilisait un vocabulaire plus précis et restreint. »

 

En outre, c’est généralement la notion de crime qui était inconnue à l’époque. Une société étant régie par les principes religieux et acceptant d’un telle tolérance les transgressions de la loi :

« L’idée que le crime pouvait et devait être éliminé était généralement inconnue au dix -huitième siècle. Il était évidemment impensable de vouloir éliminer quelque chose dont la représentation verbale existait à peine. De la même manière, les formes habituelles de châtiments corporels n’étaient pas destinées, cela va de soi, à réinsérer ou amender les criminels, la plupart de ces peines entraînant la mort. Aucune dissuasion n’était réellement mise en œuvre, puisque différentes infractions étaient parfois punies de la même façon. Les plus grands brigands comme les petits voleurs subissaient le même châtiment, la pendaison, même si dans la pratique l’on faisait parfois preuve, de façon discriminatoire, de clémence. »

 

Si actuellement, l’emprisonnement constitue la plus grande sanction au crime, autrefois, la peine de mort constitue l’unique recours de justice du crime. La société ne considérait aucunement les circonstances de réintégration étant donné qu’il est question de la mort. Puis sont considérés les motifs de réduction de peine. Martin Madan (1785) soutient que :

« Tous ceux qui ont écrit sur le sujet des lois et que j’ai rencontrés dans mes lectures, comme Platon, Ciceron,… chez les anciens; Montesquieu, le Marquis de Beccaria chez les modernes — tous ont lutté pour l’application des pénalités, afin que les lois soient respectées et efficaces »

 

Par rapport à l’œuvre de Faulkner, la notion de justice personnelle intervient dans le sens de l’accusation de Goodwin par Temple Drake lors de son procès qui était censé le libérer de cette fausse culpabilisation, un terme de justice personnelle qu’il se fait à lui même. Bien que la situation revête toute une complication dans les tentatives d’interprétation des actes, on peut toujours considérer que cette circonstance résulte d’une volonté du recours à l’origine.

 

D’un autre coté, cette situation suppose également le poids et le pouvoir que représente Popeye envers ces personnages, qu’aucun d’eux n’ose le dénoncer. On peut également recourir à une hypothèse de culpabilisation personnelle. Que ce soit Temple ou Goodwin, ils pouvaient empêcher depuis le début de se livrer à leur sort. En ce sens le terme de l’histoire rejoindrait une conscience à l’induction à l’erreur et leur sort à chacun se rapprocherait des sanctions punitives.

 

Le roman d’A. Christie se défend dans ce contexte de justice personnelle par rapport aux valeurs reprochables d’une hypothèse de la représentation sociale en la personne d’un criminel qui se veut rendre justice aux crimes des dix personnages qu’il a tué. En effet, qu’il y ait faiblesse observée au niveau des procédures judiciaires de la société, la décision d’organisation des meurtres de ces personnages revient à la seule conscience du juge Wargrave. Ainsi il s’agirait plutôt d’une justice personnelle du juge Wargrave, que d’une justice sociale que les normes sociales approuveraient.

 

 

Quoi qu’il en soit, son suicide final confirme l’abomination des meurtres qu’il a effectués. Lui-même il s’est rendu justice en se suicidant. Cet acte entre dans la catégorie de meurtre-suicide concernant un tueur de masse. L’analyse du comportement de ce criminel entrevoit la sélection d’un lieu normalement public, dont les motifs des meurtres ne considèrent aucune relation avec les victimes. Même dans ce récit le sort réservé aux exclus, les victimes et le meurtrier, reste la mort.

 

Section 3. LA JUSTICE POLICIERE

 

Parler de justice policière ramène à l’institution judiciaire. Pour arriver à ce stade, la procédure exige la réalisation de diverses étapes dont principalement l’approche par l’enquête du crime. Elle est soutenue par une poursuite du malfaiteur afin de le soumettre à cette justice. L’enquête constitue un élément fondamental du genre policier. Il s’agit de reconstruire les circonstances d’avant crime, la continuité que le criminel entretienne, de fournir des preuve et mobiles pour appuyer les hypothèses, de procéder à une arrestation et à une remise de peine.

 

La construction classique d’un récit policier implique le développement du personnage de l’enquêteur dont la fonction principale est l’élucidation d’un crime. L’intervention de ce personnage d’enquêteur peut varier selon l’objet du roman. Dans le roman de Mondiano par exemple, le récit se réfère à des interventions policières à des stades de recueils de dépositions individuelles, par rapport aux dépositions de chaque individu ayant une relation avec la victime du meurtre. Pour remonter à la cause et à l’auteur du crime, le récit utilise les souvenir du personnage principal pour donner au lecteur la clé de la résolution du crime.

 

Le personnage principal prend donc le rôle ordinairement attribué à un détective dans la résolution du crime. La mise en avant du personnage du détective lui-même s’appuie sur la recherche d’un personnage neutre non lié ni à la victime, ni le criminel ni même la justice pour éliminer tout penchant qui peut modifier ses jugements. Dans ce récit Mondiano fait exception à cette règle de faire et retrouve les pratique moderne dans les polars, et met en cause le personnage principal, non détective et non enquêteur pour éclairer sur l’origine de sa situation de fugue et de ce meurtre auquel il veut s’échapper.

 

« Le détective est un rationaliste exigeant au pouvoir analytique et aux réflexions conclusives, un ordinateur vivant. Les chambres fermées, les disparitions, la désignation du cercle des suspects, les nombreuses versions «possibles», tout aboutit au triomphe de la logique. Le détective se révèle toujours comme le trait d’ union entre le récit et le lecteur; bien des fois, le détective s’identifie avec le lecteur (même quand le narrateur est l’ assassin). » (Panoussis).

 

Bourcier avance que « La résolution d’une énigme et celle d’une affaire criminelle posent des questions similaires : il faut repérer des indices, analyser des faits, interpréter des traces, puis, à l’aide de raisonnements, de techniques ou de méthodes scientifiques, les rapprocher et construire une solution plausible. Cette solution est souvent la seule acceptable en l’état des connaissances mais elle peut toujours être réfutée si l’on trouve de nouveaux faits qui la contredisent. L’énigme policière est bien le prototype de toute énigme. »

 

Dans la résolution de l’énigme, deux aspects des démarches entreprises entre en jeu : le cognitif et le vérificatif, toujours dans le sens de l’analyse de Bourcier :

  • De l’aspect cognitif, le raisonnement est fondamental. En effet pour vérifier la plausibilité de la solution, des allers et retours sont nécessaires entre l’observation des faits et la formulation des hypothèses. Ces allers et retours se font suivant des types de raisonnement particuliers.. Plus généralement la construction d’hypothèses est le fruit d’un raisonnement spécifique : l’abduction. Mais une bonne abduction se teste par rapport à des observations pertinentes et un réel vérifiable.

 

  • Le deuxième aspect, dit vérificatif, est l’objectif principal de toute démarche scientifique. Mais elle est devenue fondamentale dans l’instruction d’un dossier judiciaire. La criminalistique permet de constituer des preuves ou des indices qui aideront le policier puis le juge à construire- comme Oedipe- des scénarios plausibles, à charge ou à décharge. Cette science appelée forensic en anglais mobilise de plus en plus de connaissances scientifiques ou techniques.

 

Le roman de Faulkner fait intervenir le personnage d’un avocat, justicier, homme de loi, chargé de la défense de l’innocence de son client. Pour ce faire il tente de retrouver la jeune Temple retenue par Popeye. Le récit prend plutôt l’aspect d’une défense de la personne du criminel, dans le sens qu’il accorde plus d’importance aux actes du criminel plutôt qu’aux démarches de l’enquêteur. En ce sens il ne laisse pour autant entrevoir les démarches d’enquête de Benbow.

 

Dans cette œuvre, la justice policière se traduit par l’inculpation de Goodwin qui se retrouve entaché d’un meurtre qu’il n’a pas commis et dont son principal crime est de défendre les actes de Popeye. C’est pour autant dire une hypothèse qui peut valoir l’accusation de Temple lors du procès. Temple est en effet seule à pouvoir témoigner de ce qui s’est réellement passé dans la ferme de Goodwin.

 

Le récit des « dix petits nègres » donne lui même la résolution du mystère des meurtres des dix personnages du roman, à l’aide d’une lettre expliquant le motif de ces meurtres, envoyée dans une bouteille dans la mer. L’on pourrait considérer la mise en cause de la procédure judiciaire dans ce récit pour ce qu’il en est des sanctions auxquelles les victimes ont échappé, après leur crime commis dans le passé. Une autre hypothèse serait de trouver dans la personne du juge Wargrave une représentation de la loi et donc du système judiciaire. Toutefois, les actes abominables auxquels il a soumis les meurtres de ces personnages ne peut faire office de défense d’une justice égalitaire et légale.

 

Dans le contexte de crime, la principale motivation de chaque enquête est la recherche de la vérité. Dans leur « introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie », Lacan et Cenac défendent que « c’est la recherche de la vérité qui fait l’objet de la criminologie dans l’ordre des choses judiciaires, et aussi ce qui unifie ses deux faces dnt la policière et l’anthropologique. Les mises en responsabilités et  donc les soumissions aux châtiments sont les caractéristiques essentielles de l’idée de l’homme qui prévaut dans une société donnée.

 

Toujours dans la vision de Lacan et Cenac, ils soutiennent que « toute société manifeste la relation du crime à la loi par des châtiments dont la réalisatio, quels qu’en soient les modes, exige un assentiment subjectif. Que le criminel en effet se fasse lui-même l’exécuteur de la punition dont la loi fait le prix du crime, ou que la sanction prévue par un code pénal comporte une procédure exigeant des appareils sociaux très différenciés, cet assentiment subjectif est nécessaire à la signification même de la punition. »

 

 

 

 

 

Chapitre 6. L’ABOUTISSEMENT DES RECHERCHES CRIMINELLES

 

La tenue des recherches criminelles se fait d’après la recherche de la cause du crime. Robert Ph. (1985) propose de procéder la construction de l’objet du crime, en ce sens, l’incrimination légale, menace d’une peine infligée par l’Etat à l’issue d’un procès, reste la définition de départ pour le crime en tant que crime. Le mot crime est simplement défini par son aspect individuel plutôt que collectif comme « un acte contraire au droit; une infraction ; une faute grave; un acte de perversité ». Jurovics (2002).

 

Section 1. L’INTRODUCTION DES DEMARCHES POLICIERES

 

Dans ses fictions cultivées comme dans ses fictions populaires, la littérature romantique confère un profil moderne aux figures du malfaiteur et du justicier. Tout un pathos du bagnard et de l’inspecteur, du crime impuni et de la recherche d’identité, de l’erreur judiciaire et de la vengeance anime le drame et le mélodrame ainsi que les variétés du roman (Dubois 1985).

 

Les démarches policières sont entreprises après la constatation d’un crime commis. Elles se poursuivent selon les procédures de résolutions de l’énigme criminel en jeu. En rappel des éléments constitutifs d’un genre policier, le crime et l’enquête représentent les deux principaux traits du genre. Ces deux éléments sont soumis à une relation de cause à effet. Dans le sens que le crime engendre l’enquête et l’enquête résout le crime.

 

La démarche policière rassure de l’entreprise d’une démarche qui aboutit à un appel à la justice. En effet c’est la procédure qui garantit l’application de la loi afin de retrousser le criminel et l’assigner devant la loi et la justice. Cette procédure se rapporte à un constat de la survenance du crime, la construction des hypothèses à partir des indices, l’inculpation du criminel à partir de la méthode de suspections et l’enquête, et l’assignation devant le juge durant un procès.

 

Les préalables du constat du crime effectués, ce sont les indices qui vont servir à la poursuite de l’enquête, donc de la démarche policière. A partir de ces indices, l’enquêteur construit des hypothèses et poursuit les traces du criminel, afin de procéder à son arrestation, son inculpation au moyen des preuves reconstituées.

 

« Dans les pays Anglo-Saxons, les « Forensic Sciences » (Sciences criminelles) sont définies comme l’ensemble des procédés ou techniques mis en oeuvre à la suite de la survenance d’un fait judiciaire et visant par la recherche, le rassemblement et l’exploitation scientifique des indices, à en comprendre les mécanismes en vue d’en identifier les personnes en présence (auteurs ou victimes) ce qui permet la constitution de preuves exploitables au cours du procès pénal. » (Boursier)

 

 

Par ailleurs, un certain nombre d’éléments recueillis, l’enquêteur établit des constats pour constituer un lien logique entre ces éléments. « L’apprentissage du constat constitue le chapitre central de la police technique. Le but est de recueillir sur place les données du problème, en obéissant à des règles logiques, et en s’adaptant à la fugacité les preuves, les traces, les témoignages; et à des règles techniques, celles-ci se déroulant dans un ordre rationnel immuable : photographie des lieux et des sujets, relevé des traces, description écrite des lieux, établissement d’un plan, récolement des témoignages. »

 

On peut constituer un certain nombre d’indices qui entrent en jeu lors d’une résolution d’enquête policière. ce sont des éléments du réel retranscrit dans le polar. Il est évident qu’en fonction de l’évolution de la criminalistique, les descriptions de l’enquête dans les romans s’aligneront à ces progrès techniques, allant même jusqu’aux règles de faire. Ces éléments sont notamment (Diaz 2005) : la balistique, les documents, les empreintes digitales, l’identification des véhicules, l’entomologie légale, l’anthropométrie.

 

L’évolution de la science et de la technologie a permis de développer le cadre d’investigation policière et de rajouter d’autres éléments de preuves à l’inculpation du criminel, entre autre, la biologie légale, l’identification humaine, l’anthropologie légale, l’odontologie légale, l’informatique et l’intelligence artificielle…

 

L’évolution des techniques au niveau des démarches policières peut être soutenue par deux facteurs : d’une part le besoin de faciliter l’accès à la résolution du crime, et d’autre part la tentative de remédier aux erreur de déductions par faute de moyens plus précis. Cette dernière joue d’élément d’explication dans « Sanctuaire » de Faukner qui voit deux personnages du roman inculpés pour des crimes qu’ils n’ont pas commis. Pour Goodwin par exemple, le simple constat de son portefeuille de crime le condamne sans que la police ait à relever des preuve de sa culpabilité ou de son innocence.

 

Section 2. LA RECHERCHE DE JUSTICE

 

Rappelons que cette analyse interprète le roman policier comme un support de transcription du réel dans l’imaginaire. En ce sens, le roman policier se propose d’être un support de critique sociale et judiciaire afin de montrer comment certains délits ou crimes dans la société échappe à la justice, et à quel point l’implication d’un individu dans un crime qu’il soit coupable ou non le condamne pour cause des faits qui lui incombent. D’autant plus qu’il n’y a pas de justice typique. Le jugement sur la culpabilité et les sanctions, plutôt subjectives, résultent des procédures engagées pour défendre ou inculper l’accusé.

 

Pour reprendre les propos de Hunout (1987), la recherche judiciaire considère un nombre de déterminants et conditions des décisions judiciaires. la décision judiciaire apparaît comme une conduite de choix raisonnée et argumentée dans un contexte institutionnel spécifique. Cela étant « décision judiciaire et décision de justice diffèrent selon leur nature de telle sorte que « la décision judiciaire désigne l’ensemble des processus décisionnels proprement dits, considérés individuellement ou au sens d’une pratique organisationnelle ; la décision de justice renvoie au contenu de la décision et au texte la consignant. »

 

Leclercq avance l’idée de la justice commutative et de la justice générale. Si la justice commutative concerne la justice qui règle les relations entre individus, et qui maintien entre eux la paix, La justice générale est la vertu par laquelle l’homme se voue à l’œuvre du progrès humain, à ce que les auteurs scolastiques appellent « le bien commun ». La justice commutative se fonde sur l’égalité entre les hommes e la justice générale prend l’homme tout entier et le consacre au bien commun de l’humanité.

 

Par ailleurs, « la notion devient plus claire lorsque l’on considère la justice générale au sens objectif : elle s’identifie avec l’ordre. La justice consiste en ce que l’ordre règne parmi les hommes et en ce que l’humanité elle-même occupe la place qui lui revient dans l’ordre universel. Elle suppose donc l’organisation des efforts humains pour accomplir l’œuvre humaine. Que chacun prenne sa place dans l’ensemble, rende les services qu’il est à même de rendre, voilà l’ordre, et voilà la justice générale. »

 

John Rawls (1971) constitue une référence en matière de théorie de la justice. Son apport consiste à apporter des éléments d’amélioration des théorie de la justice et qui sont loin de satisfaire. « Les règles de justice sont construites en référence aux institutions sociales; elles sont par la suite affinées pour inclure les rapports entre les individus et les institutions, et finalement pour s’appliquer aux rapports entre les individus. »

 

Le premier aspect de critique des théories classique concerne Sidgwick (1907). Selon Sidgwick, une société est proprement ordonnée, et par le fait même juste, quand ses institutions majeures sont conçues de manière à produire la plus grande balance nette de satisfactions. Une proposition susceptible de critique par rapport à la transposition du contexte individuel sur un contexte d’ensemble d’individus. Le principe de base de la théorie de Rawls ignore donc le sacrifice d’un individu pour le bien des autres.

 

Pour reprendre la formulation finale des principes de Rawls (), on constate :

  • Premier principe : Chaque personne a droit au système d’égales libertés fondamentales le plus étendu possible, tant qu’elles sont compatibles avec un système de libertés similaires pour tous.

 

  • Second principe : Les inégalités sociales et économiques doivent être réglées pour servir les intérêts des moins favorisés, en accord avec le principe de justes économies ; et être reliées à des positions et emplois ouverts à tous dans des conditions d’égales opportunités.

 

  • Première règle de priorité: la priorité de la liberté

Les principes de justice doivent faire l’objet d’un ordonnancement, et, conséquemment, la liberté ne peut être limitée que dans l’intérêt de la liberté elle-même. Il y a deux cas : une liberté réduite doit renforcer le système général de libertés partagées par tous; et une liberté inégalement distribuée doit être acceptable pour ceux qui en possèdent le moins.

 

  • Seconde règle de priorité : la priorité de la justice sur l’efficacité et le bien-être

Le second principe de justice est préalable au principe d’efficacité et à celui de la maximisation de la somme d’avantages ; et les justes opportunités sont préalables au principe de différence. Il y a deux cas : une inégalité d’opportunités doit accroître celles de l’individu ayant le moins d’opportunités : et un taux excessif d’économies doit atténuer le fardeau de ceux qui en portent les souffrances.

 

  • Dans la conception générale, les biens sociaux, liberté et opportunité, revenu et richesse, de même que les bases du respect de soi, doivent être distribués égalitairement, à moins qu’une distribution inégale de certains ou de tous ces biens soit de nature à avantager le moins favorisé.

 

La recherche de justice est basée sur la conception et la fonction de cette justice. C’est ce qui condition l’ordre et la paix entre les communautés sociales. C’est un concept qui s’avère plus ou moins délicat, du fait il est toujours assez difficile de faire valoir l’égalité de droit de chacun et d’éviter de recourir à la situation d’exclusion. D’une certaine manière ce sont les faits eux-mêmes qui induisent à ces conclusions. Chaque individu de la société a le devoir de respecter cet ordre établi. A son infraction, le consensus qui maintien le respect de droit de chacun est interrompu.

 

Les théories de Rawls ne s’appliquent pas directement aux principes de justice pénale ; Rawls s’intéresse particulièrement au thème de la loi en tant qu’institution sociale. Rawls avance l’idée que « lorsque le caractère juste des tribunaux criminels est mis en doute, c’est généralement parce que les règles procédurales, supposées uniformes, ne sont pas appliquées correctement. » L’évaluation de principes justes de la justice elle-même s’avère plus difficile à moins d’une comparaison des systèmes pour déterminer lequel est le plus juste d’entre eux.

 

Cette volonté de pratique judiciaire juste renvoie à la constitution de caractéristiques d’un ensemble de lois :

  • les actions prescrites et proscrites peuvent raisonnablement être exercées ou évitées par les hommes;
  • ceux qui font les lois et donnent les ordres agissent de bonne foi relativement au premier critère;
  • la bonne foi des autorités doit être reconnue par ceux qui sont assujettis aux dispositions de la loi;
  • le système légal doit reconnaître l’impossibilité de se conformer à la loi comme un élément de défense; notre liberté serait menacée si nous étions passibles de sanctions pour des actes hors de notre contrôle.

 

« De façon plus générale, les systèmes légaux sont nécessaires à l’encadrement de la conduite des hommes rationnels pour jeter les bases d’une coopération sociale. Un système de fonctionnement social basé uniquement sur le volontariat serait instable; la peur partagée par tous que les autres membres de l’organisation ne tiennent pas leurs engagements serait un risque constant pour le fonctionnement du système tout entier. Les coûts des systèmes de justice sont de deux ordres: les coûts économiques devant être supportés par les impôts, et les coûts relatifs aux erreurs et excès de fonctionnement du système judiciaire. » (Rawls 1971).

 

« L’impact différentiel de la théorie de Rawls entre les deux cultures citées pourrait résider dans la tradition philosophique propre aux deux nations. Les Américains, du moins la branche des civils libertarians, accordent une priorité absolue à l’individu et à ses droits. Pour eux, l’inspiration apportée par une théorie individualiste de la justice fut énorme. La théorie de la justice de Rawls est essentiellement dirigée vers le fonctionnement des institutions sociales, mais son point de départ et de référence reste toujours l’individu et ses droits. » (Ouimet 1989)

 

Trouver une place à cette théorie de justice dans le polar se situe au niveau des perspectives de construction de la société. Encourager l’application du principe de liberté et d’égalité de droit peut induire à envisager une réduction des crimes et donc des cas forcés de l’exclusion. Cela étant, le besoin d’évolution croissante des systèmes sociaux eux-mêmes ne permet pas de figer un idéal de justice dans la société.

 

Section 3. POUR UNE CRITIQUE DU SYSTEME SOCIAL

 

Pour ainsi introduire un point de vue critique du système pénal, le contexte du polar renvoie, d’une part à suggérer une appréciation des décisions de justice et même de la procédure à laquelle elles sont attachées, une appréciation qui, d’une manière générale propose des décision plus juste de la loi sociale, une appréciation qui, dans le contexte réel, se voit limitée par les différents éléments de pratiques de droits ; d’autre part, il est question de retracer les possibilité de dégénération du système.

 

L’élément clé de la structure juridique, politique ou administrative est la personne du juge. Hunout propose que « la recherche sur les juges, historiquement, a d’abord été l’expression de la préoccupation exclusive de la structure juridique sous laquelle les juges opèrent, puis d’un intérêt sociologique pour la décision comme processus politique, au sens large, notamment en référence à la sélection des juges, à la représentativité des juges par rapport aux différents groupes sociaux, ou au rôle des groupes de pression. »

 

 

 

 

CONCLUSION

 

Le crime devient un fait déterminant de la société. C’est dans cette optique que le XIXe siècle a vu apparaitre un surcroit en volume des récits de crime, appuyé par l’évolution des médias. Le récit du crime devient alors une culture de société. Et l’on ne saurait ignorer les publicité de crimes nourrissant les faits divers de la presse. Le genre policier a trouvé naissance dans l’observation de ces faits qui inondent le quotidien social.

 

Une des premières hypothèses issues de cette analyse redéfinit le contexte social comme un milieu favorable au crime. Si le crime augmente en nombre et en importance, c’est que la société elle-même se révèle être un facteur déterminant de sa réalisation. Ensuite, l’analyse s’engage à définir l’exclusion comme une conséquence logique de cette tendance à la criminalité. Le fait est que le maintien de l’ordre et de la paix dans la société se fait à a conscience de la responsabilité de chacun. Intenter à cet ordre social renvoie à une mise en marge de l’individu du criminel.

 

La société prend recours auprès de la justice pour restituer cet ordre social, intenté par la volonté malfaisante du crime. C’est en général, dans ce contexte que surgit la notion d’exclusion. La justice apparait comme le point d’arbitrage entre le crime et l’ordre social. Toutefois, la société elle même ne prévoit de consensus de réintégration de ces individus exclus. Ce qui laisse subsister une dimension de retrait du criminel par rapport à l’ordre social et de continuation des actes de malfaisance, donnant l’impression de l’existence d’un monde à part  du crime et des exclus.

 

L’absence de ce système de réintégration offre un support bien évident de critique du  système social, qui condamne les exclus à la mort. Ces exclu sont représentés dans ce cas d’analyse par la personne des criminels ou du moins de ceux qui sont rattachés à un crime. Outre le crime leur statut d’exclu se confirme parleur vision différente de l’ordre social. Un autre élément qui appuie la théorie des exclu dans le polar c’est la soumission à la justice qu’elle soit sociale, individuelle ou judiciaire.

 

Bien que le polar soit un pur fruit de l’imaginaire, ses fondements basés sur l’observation des faits sociaux lui acquiert le rôle de support critique de la société. Son expansion, remarquable depuis le XIXe siècle confire le sens du crime ou du moins du besoin d’interprétation de la justice que chaque lecteur et même l’auteur éprouvent. L’existence de nombreuses collections d’éditeurs consacrées à ces œuvres démontre que la culture du polar ne saurait être délaissée, serait-ce pour justifier un besoin d’existence criminelle dans la société ou plutôt un encouragement aux transgressions sociales ?

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

  • Barbance Maryse, 1993, Le rapport psychologique à la loi, au crime et à la peine dans la société de droits, A partir de la théorie
  • freudienne, Déviance et société, Vol. 17 – N°2, p. 105-115.
  • Barthes, Seuil, 1970, voir surtout p. 91-92.
  • Benveniste Emile, 1996, Problèmes de linguistique générale, 1, Tel Gallimard.
  • Bourcier D., Du roman policier à la criminologie: traces et abduction, p. 103-118.
  • Cario R., 1997, Pour une approche globale et intégrée du phénomène criminel, Editions L’Harmattan, 256 p
  • Chocard A-S., Juan F., 2002, Les meurtres-suicides, Revue de la littérature, Forensic n°12.
  • Christie Agatha, Dx petits nègres, 1934.
  • Coste D., 1984, Exercice des fonctions cardinales du personnage et unité du récit, in P.E.Q., p 14-16
  • Crime et châtiment dans le roman populaire de langue française du XIXe siècle: actes du colloque international de mai 1992 à Limoges, Presses Univ. Limoges, 1994 – 426 p
  • Diaz C., 2005, La police technique et scientifique, Paris, PUF, Que Sais-je ?
  • Dubois J., 1985, Naissance du récit policier, Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 60, p. 47-55.
  • Dubois Jacques, 1985, Naissance du récit policier, Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 60, p. 47-55.
  • Faulkner William, Sanctuaire, 1931.
  • Ferrand V.C., 1982, Exclusion et sous prolétariat, ed Programme 7, PUF, 124p
  • Gelly C., 2004, De William Faulkner à James Hadley Chase : appropriation et mutation du genre policier, Erea.
  • Hamon, 1977, in Reuter Y., 1988, L’importance du personnage, Pratiques n°60, p. 12
  • Herrenschmidt Olivier, 1978,  A Qui profite le crime ? Cherchez le sacrifiant. Un désir fatalement meurtrier, L’Homme, tome 18 n°1-2. p. 7-18.
  • Hunout Patrick, 1987, La psychologie sociale des décisions de justice: une discipline en émergence, Déviance et société, Vol. 11 – N°3. p. 271-292.
  • Jongman R.W., 1978, Dame justice aussi a d’humaines faiblesses, De l'(in)égalité sociale devant la justice, Déviance et société, Vol. 2 – N°4, p. 325-347.
  • JUROVICS Y., 2002, Réflexions sur la spécificité du crime contre l’humanité, , Paris, LGDJ, p. 725 – 726.
  • Kalifa Dominique, 1995, Crimes, Fait divers et culture populaire à la fin du XIXe siècle, Genèses, 19, p. 68-82.
  • Lacan J., Cenac M., Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie, Revue française de psychanalyse.
  • Lagrange Hugues, 1995, Robert Philippe, et al., Les comptes du crime, Revue française de sociologie, 36-3, p. 563-565.
  • Leclercq Jacques, 1926, Note sur la justice., Revue néo-scolastique de philosophie, 28° année, Deuxième série, N°11, p. 269-283.
  • Lenoir R., 1974, Les exclus. Un français sur dix, Paris, Seuil, p. 30.
  • Liard Véronique, 2011, Histoires de crimes et société, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 270 p
  • Lipmann, 1922, in DESCHAMPS J.-C, L’attribution de la catégorie sociale, Berne, P. Lang, 1977, p. 46 ss.
  • Louis-Guérin Christiane, 1984, Les réactions sociales au crime : peur et punitivité, Revue française de sociologie, 25-4, p.
  • 623-635
  • MADAN, M., 1785, Thoughts on executive justice , London, p. 127, 131.
  • Mathieu Nicole,  1997, Pour une nouvelle approche spatiale de l’exclusion sociale, Strates.
  • Mondiano Patrick, Quartier peru, 1984.
  • Ouimet Marc, 1989, La théorie de la justice de John Rawls, Déviance et société, Vol. 13 – N°3, p. 209-218.
  • PANOUSSIS, LE ROMAN POLICIER PRÉSENTE-T-IL UN INTÉRÊT CRIMINOLOGUE ?
  • Pires A.P., 1979, Le débat inachevé sur le crime: le cas du congrès de 1950, Déviance et Société, Genève, vol. 3, No 1, p. 23-46
  • Poslaniec C., Houyel C., 2001, Activités de lecture à partir de la littérature policière, Hachette.
  • Ramsay Malcolm, 1979, L’évolution du concept de crime. L’étude d’un tournant : l’Angleterre de la fin du dix-huitième siècle, Déviance et société, Vol. 3 – N°2. p. 131-147.
  • RAWLS J., 1971, A theory of Justice, Massachussets, The Belknap University Press of the Harvard University Press.
  • Reuter Y., 1988, L’importance du personnage, Pratiques n°60, p. 3-22.
  • Rioux Jean-Claude, 1986, Crime, nature et société dans le roman de la Restauration, Romantisme, n°52. pp. 3-18.
  • Robert Philippe, 1985, Au théâtre pénal, Quelques hypothèses pour une lecture sociologique du « crime », Déviance et société, Vol. 9 – N°2. p. 89-105.
  • Robert Philippe, 1995, Paradigme ou stratégie: Pires et la conception du crime, Déviance et société, Vol. 19 N°3, p. 267-278.
  • SIDGWICK H., 1907, The Methods of Ethics.
  • Sindaco, 2007 , Compte rendu de Rohrbach (Véronique), Politique du polar.
  • Soubiran F., Robert Ch.-N., 1983, Ces signes qui font la délinquance, Déviance et société, Vol. 7 – N°4., p. 299-316.
  • Todorov Tzvetan, 1966, Les catégories du récit littéraire, Communications, 8, p. 125-151.
  • Vareille J. C., 1986, Préhistoire du roman policier, Romantisme, n°53. Littérature populaire, p. 23-36.
  • Wahnich Sophie, 1996, L’errant, entre liberté et exclusion Archéologie d’une figure de l’exclu, Politix. Vol. 9, N°34, p. 29-46.
  • Wrésinski J., 1973, Dans nos murs le défi du quart monde, Preuves, p. 18.
  • Wrésinski J., 1987, Grande pauvreté et précarité économique et sociale, Rapport au Conseil économique et social, p. 57.
  • Wrésinski J., Grande pauvreté et précarité économique et sociale, op. cit., p. 94.

 

 

Nombre de pages du document intégral:76

24.90

Retour en haut