Mémoire portant sur la compréhension des élèves pendant les cours.
Lorsqu’une chaussure est trop grande pour une personne, elle risque de fatiguer son propriétaire. Par contre s’il est trop serré, cela causera des ampoules. Il faudra alors une chaussure sur mesure. C’est la même chose pour l’enseignement, il faut qu’elle soit sur mesure pour les élèves. L’enseignement doit permettre aux élèves l’apprentissage et la compréhension des choses afin qu’ils ne se sentent pas étranger. Comment les enseignants se rendent compte de la compréhension des élèves pendant leurs cours? Pour pouvoir y répondre on parlera tout d’abord, du rôle de l’interaction cognitive « élève-professeur » dans le processus de compréhension des cours, ensuite des ressources, moyens et méthodes du corps enseignant pour vérifier le processus de compréhension et enfin des propositions en vue d’améliorer le processus de compréhension des enseignants par leurs élèves
- A) L’importance de la planification de l’activité de l’enseignant avant d’être en classe. 3
- B) La démarche interactive « professeur-élève » : le rôle de l’attitude de l’enseignant en classe. 5
- C) La démarche interactive « élève-professeur ». 6
- D) Les attitudes négatives de l’enseignant : facteurs de blocage sur le processus d’apprentissage de l’élève. 11
- Le manque de confiance des enseignants dû à des connaissances conceptuelles et phénoménologiques de base insuffisantes. 11
- Le fait que la plupart des enseignants agissent en général comme des fournisseurs de renseignements (Brown, 1992) 11
- Les enseignants ne mettent pas en œuvre des innovations de nouveaux programmes ni des méthodologies. 11
- Le manque de cohérence entre les attitudes des enseignants en classe et leur conviction exprimée à propos de méthodes actives d’interaction. 12
- Les enseignants considèrent en général l’échec scolaire comme le résultat d’une carence socio-psychologique due aux conditions sociales de l’enfant et de sa famille. 12
- Les conditions de travail des enseignants. 12
- E) L’importance des compétences de l’enseignant dans le processus de compréhension des élèves 13
- A) Les formes d’interaction orale. 14
- B) L’utilisation de l’écrit et l’exploitation de ses résultats. 16
- Les exercices. 16
- Les travaux dirigés et travaux pratiques. 17
- Les travaux de groupe. 17
- Une bonne utilisation des outils de travail en classe. 18
– les outils classiques : tableau, manuels scolaires…… 18
– les outils modernes : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) 18
- A) La distribution du temps scolaire. 19
- B) Enseigner de la même façon dont les élèves apprennent 21
- C) Harmonisation de l’évaluation du travail des élèves : revoir les critères pédagogiques de notation 23
- D) Créer une culture de confiance entre élèves et enseignants. 25
I] Le rôle de l’interaction cognitive « élève-professeur » dans le processus de compréhension des cours
La planification est souvent définie d‘un point de vue temporel et spatial : c‘est l‘activité que l‘enseignant met en œuvre avant d‘être en classe avec ses élèves, ou encore dans une classe vide. Le premier travail, normatif, de Tyler en propose un modèle linéaire et prescriptif, préconisant de débuter par l‘énoncé des objectifs, puis de continuer en spécifiant l‘organisation des activités d‘apprentissage et leur évaluation. Sont apparus ensuite des travaux descriptifs qui ont montré que le modèle tylerien ne correspondait guère à la réalité. La planification aurait essentiellement pour fonction d‘établir et de peaufiner des routines d‘enseignement et elle semble porter en plus grande part sur le contenu enseigné, puis sur les caractéristiques des élèves et, en moindre part, sur le matériel.
La planification a constitué un objet de recherche particulièrement important dans le cadre des travaux sur la pensée des enseignants. Toutefois, il est curieux, compte tenu des postulats de la recherche sur la pensée des enseignants (en particulier le postulat selon lequel le comportement des enseignants serait guidé par ses jugements et décisions), que la question des liens entre planification et comportement de l‘enseignant en classe ait fait l‘objet de si peu de travaux, alors qu‘il en existe beaucoup dans chacun de ces domaines pris séparément.
La recherche internationale comprend quelques études ayant étudié le lien entre planification et activité en classe qui tendent à établir l‘existence effective, empiriquement observable, d‘un tel lien. Deux types d‘études ont été menés. Les études ayant tenté de manipuler expérimentalement la présence ou l‘absence de planification (en annonçant longtemps à l‘avance versus quelques minutes avant de commencer la leçon quel devait en être le thème, rendant ainsi toute planification quasi impossible) montrent que les enseignants qui ont eu la possibilité de planifier la leçon sont davantage centrés sur les élèves et produisent un enseignement de meilleure qualité. Ainsi, Zahorik (1970)[1] trouve que les enseignants ayant planifié sollicitent leurs élèves plus souvent que les autres, tout en les encourageant moins souvent, et ils demandent plus à leurs élèves d‘approfondir leurs réponses que ceux n‘ayant pas planifié. Dans le domaine de l‘éducation physique, Byra et Coulon (1994)[2] ont montré que les séances planifiées comportent plus de temps alloué à l‘explication des règles du jeu, et les périodes effectives de réflexion des élèves sont également plus nombreuses lors des séances planifiées. A l‘inverse, les séances non planifiées comportent des épisodes plus longs au cours desquels les élèves ont des comportements non liés à la tâche.
Enfin, les élèves font preuve de plus d‘attention, la tâche est mieux présentée par l‘enseignant planifiant, ses indications sont plus précises et son feed-back plus adéquat. Un autre type d‘études s‘est focalisé sur le lien entre certaines caractéristiques de la planification d‘enseignants, réalisée à haute voix, et le comportement de l‘enseignant en classe ainsi que, éventuellement, celui de ses élèves. Ces études postulent qu‘il existe une relation étroite entre planification et action de l‘enseignant en classe : on pourra comprendre ce qu‘a fait l‘enseignant dans sa classe à la lumière de sa planification. Ces études ayant comparé les planifications (traces ou enregistrements) des enseignants avec leur activité en classe mettent en valeur une correspondance entre les aspects de la situation planifiée et ceux de la situation en interaction. Peterson, Marx et Clark (1978) ont établi, sur la base de l‘observation d‘une douzaine d‘enseignants expérimentés de lycée, des corrélations entre les catégories de planification et les catégories de comportement en classe. Ils ont trouvé que plus les enseignants font référence à des objectifs dans leur planification, plus ils mentionnent des buts pendant leur enseignement. Plus les enseignants se centrent sur le contenu durant leur planification, plus ils posent de questions et se centrent sur le contenu en classe.
Plus ils se centrent sur le processus d‘enseignement dans leur planification, plus ils se centrent également sur le groupe d‘élèves dans leur enseignement. Morine-Dershimer (1978)[3], s‘intéressant spécifiquement aux divergences entre la planification de l‘enseignant et son activité en classe, a établi une typologie de profils de traitement de l‘information : les enseignants centrés sur le plan du cours sont ceux pour lesquels il y a une divergence planification/réalité, ils peuvent utiliser le plan du cours et les routines d‘enseignement qu‘ils se sont constitué ; les enseignants centrés sur la réalité sont ceux pour lesquels la divergence est mineure, ils prennent ainsi plus de décisions en temps réel et traitent plus de données provenant des élèves ; enfin, lorsqu‘une différence importante entre planification et réalité apparaît, ces enseignants sont nommés « centrés sur les problèmes » et sont amenés à reporter leurs décisions, ou bien à raccourcir leur leçon. Enfin, Twardy et Yerg (1987)[4], étudiant des séances de volley-ball, ont montré que plus les enseignants planifient le contenu, plus ils tiennent à le présenter sous forme magistrale et moins ils participent au jeu. Ils ont également montré que plus l‘enseignant planifie en détail les exercices, plus il tient à informer ses élèves de ses décisions.
La recherche en France peut se décrire selon quatre « écoles » principales, qui ont étudié la planification de l‘enseignement et ses relations avec l‘activité en classe : Bru et ses collègues, qui s‘inscrivent dans un courant systémique, Altet et ses collègues, qui se réclament de l‘étude des processus contextualisés tout en faisant amplement référence à la systémique et à la pensée des enseignants, Huber et ses collègues, qui se réclament de la didactique professionnelle. Il nous faut ajouter à Ces trois écoles, du champ des sciences de l‘éducation, les travaux de Comiti et ses collègues, qui ont mené des recherches aux problématiques très voisines dans le champ de la recherche en didactique des mathématiques.
Monsieur Bru (1991)[5], lui , s‘est intéressé aux effets de la planification sur l‘activité de l‘enseignant en évaluant l‘écart entre planification et action. Il a demandé à 52 enseignants de réaliser deux planifications de séances de langue écrite les plus opposées possibles, séances qui ont été ensuite observées. Bru a mis au jour trois profils d‘enseignant selon le lien entretenu entre leur planification et leur activité en classe : (a) ceux (24 % des sujets) qui prévoient, dans leur planification, des actions sur de nombreuses variables (au moins cinq sur les onze variables observées), prévisions effectivement réalisées dans l‘action devant les élèves ; (b) ceux (30 % des sujets) qui, comme les précédents, planifient sur de nombreuses variables tout en réduisant le champ de leur action dans la classe ; (c) et enfin (46 % des sujets), ceux qui planifient et mettent en Œuvre leur activité en jouant sur un nombre réduit de variables. Ainsi, il semblerait que certains enseignants soient capables de se représenter une étendue plus ou moins grande de variables ; et qui une fois, en présence de ses élèves peut rassembler une palette de décisions plus ou moins étendue.
Altet (1994a)[6] a examiné les planifications et l‘activité en classe d‘enseignants de collège (français et mathématiques). Nous détaillons ici seulement ce qui a trait au lien planification activité en classe : une fiche de préparation reprenant la méthode de Tyler a été proposée aux sujets, qui l‘ont utilisée ou pas ; puis l‘activité des sujets en classe a été filmée et analysée à l‘aide de grilles. La différence entre la planification et l‘activité en classe de l‘enseignant est nommée par Altet (1994a, p. 123 et sq.) « décalage pédagogique par rapport à la stratégie », décalage faisant partie de « modes d‘ajustement dans l‘action pédagogique ». Altet (1994a) [7] met au jour quatre types de décalages : (a) par rapport à la stratégie, (b) par rapport à l‘objectif, (c) par rapport à la consigne, (d) par rapport aux critères de la tâche. Pour Altet, ce changement est principalement dû à l‘analyse par l‘enseignant de la compréhension des élèves. L‘alternative est la suivante : « Soit l‘enseignant ignore ces réactions [d‘élèves qui ne suivent pas ou vont plus vite] imprévues et suit imperturbablement sa stratégie initiale : non-ajustement ; soit il s‘efforce de s‘adapter aux démarches et réactions des élèves en s‘ajustant à eux, en mettant en place un autre scénario plus approprié. » (Altet, 1994a, p. 124) Quant à Huber et Chautard (2001)[8], ils se sont surtout focalisés sur la gestion des « imprévus » en classe. Ils ont montré que le nombre d‘imprévus par rapport à une séance planifiée, de même que la gestion qui est faite de ces imprévus, peuvent varier beaucoup d‘un enseignant à l‘autre. Ils ont proposé la typologie suivante : (a) gestion informative, peu d‘incidents et d‘imprévus (cours fluide) ; (b) gestion avec de nombreux incidents parasites, mais peu de véritables imprévus (cours heurté) ; (c) gestion avec imprévus nécessitant un diagnostic, mais non suivis d‘un traitement ; (d) gestion avec imprévus nécessitant un diagnostic et un traitement débouchant sur une prise de décision.
Monsieur Comiti et ses collègues ont mené une série de travaux en didactique des mathématiques visant à étudier les régulations du contrat didactique, qui reflète les attentes réciproques de l‘enseignant et de l‘élève par rapport au savoir. Ces auteurs partent du travail de Rousseau (1996), qui s‘intéresse aux équilibres à maintenir dans la relation didactique et aux régulations que l‘enseignant doit effectuer pour maintenir ces équilibres. S‘appuyant sur un principe d‘économie, on pose que l‘enseignant va rester dans l‘orthodoxie, c‘est-à-dire effectuer des régulations qui ne mettent pas en cause son projet. Il peut cependant être amené à sortir de cette logique et, par là même, à changer de situation en agissant sur le milieu ou en changeant le contrat didactique. Ainsi, Comiti et Grenier (1995)[9], Comiti, Grenier et Margolinas (1995), identifient et analysent en termes de milieu des phénomènes liés au décalage entre la situation prévue par l‘enseignant et la situation qu‘il a réellement à gérer : la « résonance » explique l‘importance particulière accordée au traitement de certaines erreurs et le « dédoublement de situation » correspond au cas où enseignant et élèves évoluent dans des situations différentes.
Par la suite, Comiti et Grenier (1997)[10] étudient plus finement les régulations de l‘enseignant pour faire face à ces décalages et précisent quelques contrats locaux, notamment le contrat d‘adhésion et le contrat de production collective.
[1] Zahorik, J. A. (1970). The effect of planning on teaching. The Elementary School Journal, 71, 143-151.
[2] Byra, M., & Coulon, S. C. (1994). The effect of planning on the instructional behaviors of preservice teachers. Journal of Teaching in Physical Education, 13(3), 123-139.
[3] Morine-Dershimer, G. (1978). Planning in classroom reality, an in-depth look. Educational Research Quarterly, 3(4), 83-99.
[4] Twardy, B. M., & Yerg, B. J. (1987). The impact of planning on inclass interactive behaviors of preservice teachers. Journal of Teaching in Physical Education, 6(2), 136-148.
[5] Bru, M. (1991). Les variations didactiques dans l‘organisation des conditions d‘apprentissage. Toulouse, Editions Universitaires du Sud.
[6] Altet, M. (1994a). La formation professionnelle des enseignants. Paris, PUF.
[7] Altet, M. (1994a). La formation professionnelle des enseignants. Paris, PUF.
[8] Huber, M., & Chautard, P. (2001). Les savoirs cachés des enseignants. Paris, L‘Harmattan.
[9] Comiti, C., & Grenier, D. (1995). Two examples of —split situation“ in the mathematics classroom. For the Learning of Mathematics, 15(2), 17-22.
[10] Comiti, C., & Grenier, D. (1997). Régulations didactiques et changements de contrat. Recherches en Didactique des Mathématiques, 17(3), 81-102.
Mémoire de fin d’études de 44 pages.
€24.90