docudoo

Prévention des Risques Psychosociaux dans le Secteur Social et Médicosocial : Stratégies et Préconisations

Résumé

La prévention des risques psychosociaux (RPS) est un sujet récurrent ces dernières années avec la constatation qu’ils prennent de plus en plus d’ampleur dans les organisations actuelles. Le but de cette étude est de déterminer les démarches à suivre pour prévenir les RPS des professionnels du secteur social et médicosocial, impliqué normativement dans un contexte d’insatisfaction professionnelle. Ces professionnels se distinguent en effet par leur forte implication dans leur travail, ce qui renforce encore leur stress. Des entretiens semi-directifs ont été menés auprès de cinq travailleurs dans le secteur du social et médicosocial. Ces entretiens ont permis de connaitre que les RPS de ces personnes sont dus principalement par les failles au niveau de l’organisation, le manque de temps et l’insuffisance de communication. Dans cette optique, la prévention des RPS de ces professionnels requiert la mise en place et l’optimisation d’espaces de discussion, le repérage et la fidélisation des toxic handlers constitués principalement par les cadres et les chefs de service, et enfin, la mise en œuvre de stratégie d’accompagnement des professionnels dans leur deuil professionnels dus aux changements qui s’opèrent dans leur environnement de travail.

Mots-clés : RPS, toxic handlers, accompagnement, espace de discussion, social et médicosocial

Abstract

Many studies, actors are interested in prevention of psychosocial risks (PSR) after observing the increase of such phenomena in enterprises these last years. This study aims to determine strategies to prevent PSR in social and medico-social domain. Workers in this domain are characterized by high normative involvement and professional dissatisfaction. Such characteristics causes increase of PSR. Semi-structured interviews were led on five workers in social and medico-social domain. These interviews allow knowing that PSR of those workers are mainly caused by organization failure, lack of time and lack of communication. So, PSR prevention needs the implementation and optimization of discussion space uses, identification and loyalty of toxic handlers constituted by managers and head of department, and finally, the development and application of accompanying strategy for professionals in the context of change in professional environment.

Keywords: PSR, toxic handlers, accompaniment, discussion space, social and medico-social

Introduction

La recherche de la performance économique par les entreprises et de nombreuses associations les pousse à adopter une nouvelle organisation dont le but est de minimiser les coûts tout en assurant la qualité de service et de production. Si cette initiative concourt à la satisfaction des consommateurs et des usagers, il n’en est pas de même pour les travailleurs qui conçoivent ces services. Il a été observé que la performance économique est négativement corrélée avec la santé de nombreux travailleurs. Alors qu’auparavant, la Direction des Ressources Humaines ne se souciait que très peu de cette dimension humaine du travail, ces dernières années, plus d’études et plus d’intérêts ont été accordés à celle-ci. La DRH se trouve dans l’obligation de prendre en considération les impacts de la souffrance au travail et de la santé des travailleurs sur la performance de l’organisation toute entière. Désormais, la notion de Risque Psychosociaux (RPS) a émergé en Europe contraignant les organisations à se pencher un peu plus sur la question de la santé au travail de leurs collaborateurs (Bertrand et Stimec, 2011 : 128).

C’est dans cette optique que des organismes tels que l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail (EU-OSHA), la Fondation Européenne pour l’Amélioration des Conditions de Vie et de Travail (Eurofond) ont mené des études permettant de connaitre les relations entre le travail, la santé et le bien-être des employés. Dans un souci d’amélioration de la santé des employés, des suivis et des contrôles sont désormais menés afin de connaître les mesures prises par les entreprises et les organisations diverses notamment, la politique qu’elles mettent en œuvre pour réduire les RPS chez leurs collaborateurs. Pour l’Union Européenne, il devient impératif que ses Etats membres mettent en œuvre des politiques favorisant les conditions de travail et promouvoir l’emploi, selon l’Article 151 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Cette mesure a été prise parce qu’en Europe, 25% des travailleurs sont stressés au travail et leur santé s’en trouvent altérée[1].

Notre étude s’inscrit dans cette volonté de réduire les RPS dans les organisations. Nous nous intéressons plus particulièrement sur le cas des RPS chez les professionnels du secteur social et médico-social. Très peu d’études en effet se sont intéressées aux différentes stratégies mises en œuvre par ce secteur pour réduire les RPS. Or, les travaux de services à la personne sont des travaux délicats. Les travaux dans ce domaine demandent en effet, une certaine implication de la part des travailleurs. Mais les conditions de travail dans ce secteur sont rudes et une proportion non négligeable des travailleurs montrent une insatisfaction quant à leurs conditions de travail[2]. Or, cela pourrait être source de stress. Cela nous amène à nous poser la problématique suivante : Dans quelles mesures la fonction RH peut-elle prévenir les RPS du personnel impliqué normativement dans un contexte d’insatisfaction professionnelle ?

Notre étude se divise en deux parties distinctes : la revue de littérature et la partie empirique et préconisations. Dans la première partie, nous allons définir la notion d’implication normative et ses liens avec l’insatisfaction professionnelle et les RPS. Par la suite, nous allons tenter de rapporter les différentes stratégies mises en place par les entreprises pour pallier aux RPS notamment, les espaces de discussion, les toxic handlers et la mise en œuvre de l’accompagnement au deuil professionnel. Dans la deuxième partie, nous allons rapporter les résultats d’entretiens menés auprès des professionnels du secteur social et médico-social concernant les stratégies mises en place pour pallier aux RPS. A la fin, nous allons déduire des préconisations.

Partie 1. Revue de la littérature

  1. L’implication normative et l’insatisfaction professionnelle : facteurs pouvant déclencher les RPS

 

  1. L’implication normative
  2. Le concept de l’implication normative

L’implication oblige un individu à adopter un comportement spécifique, lui permettant d’atteindre des objectifs précis. Cette force peut se présenter comme un désir, une pression ou une peur provoquée par la connaissance des pertes liées au refus d’adopter le comportement spécifique ou encore, le sentiment de devoir suivre ce comportement. Ainsi, l’implication de l’individu comporte une dimension affective, calculée et normative[3]. L’implication normative est étroitement associée à l’implication affective (Meyer et Parfyonova, 2010 : 283). Mais dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons à l’implication normative.

L’implication normative constitue une des dimensions de l’implication organisationnelle, c’est-à-dire, l’état psychologique qui va déterminer les rapports entre l’individu et l’organisme pour lequel, il travaille. Wiener et Vardi (1980) cité par Daoud Ben Arab et Masmoudi Mardessi (2011)[4] définit cette forme d’implication comme étant « l’ensemble des pressions normatives internalisées qui poussent un individu à agir dans le sens des objectifs et des intérêts de l’organisation et à le faire, non pas pour en tirer profit mais parce qu’il est bon et moral d’agir ainsi ». C’est ce sentiment d’obligation qui est une des caractéristiques principales dans le cadre de la définition de l’implication normative.

Le sentiment d’obligation de rester fidèle et de se vouer aux engagements envers l’entreprise peut découler des pressions normatives ayant été subies antérieurement par l’individu. Dans cette optique, c’est au niveau du phénomène de socialisation de l’individu lui-même dans le passé, qu’il a déjà retenu cette obligation morale de faire son travail et de rester fidèle à l’entreprise[5]. Dans ce cas, il existe un jugement moral qui permet à l’individu d’attribuer un sens ou une signification normative à son travail ou à ce qu’il fait et dans les décisions qu’il prend. Les jugements moraux vont donc commander l’individu à adopter une certaine norme, un comportement qu’il juge moralement acceptable et devant être réalisé (Kelly et McPherson, 2010 : 197).

En même temps, l’obligation morale que ressent l’individu impliqué normativement découle également de son évaluation de l’équilibre entre efforts fournis et bénéfices lors du contrat psychologique (Dixit et Bhati, 2012 : 39). Ainsi, l’individu impliqué normativement perçoit qu’il est de son devoir de réaliser une action pour atteindre un but précis. Mis dans le contexte de l’entreprise, son implication normative va obliger le salarié à fournir un support et à s’impliquer dans les changements qui s’opèrent au sein de l’entreprise (Meyer et Parfyonova, 2010 : 284). L’implication normative peut également être définie comme étant la motivation de l’employé à se conformer aux normes sociales au sein de l’établissement (Dixit et Bhati, 2012 : 35).

Mais il existe un enjeu relatif à la construction de cette signification des faits et des comportements. Plus particulièrement, une lacune normative peut également être observée. Cette lacune se présente par exemple, lorsqu’une personne ne veut plus se soumettre à une pratique, à adopter un comportement spécifique parce qu’il n’accepte pas les raisons ayant amené à la considération du fait ou de la situation comme étant moralement acceptable. Les jugements moraux vont changer en fonction du vécu de l’individu. Mais dans tous les cas, chaque individu est plus prédisposé à voir qu’un comportement ou un fait est moralement acceptable lorsque celui-ci a des impacts non négligeables sur ce qu’il fait, sa vie, sa prise de décision (Kelly et McPherson, 2010 : 195).

Il accepte aussi plus facilement les raisons ayant conduit au jugement que tel comportement est moralement acceptable pour les choses qu’il a déjà vécu dans sa vie privée ou dans son expérience professionnelle antérieure, ou sur des faits qui sont déjà acceptés par la société. Par exemple, un esprit sportif est très encouragé par la société parce qu’elle en connaît les bienfaits (Kelly et McPherson, 2010 : 195). Nous pourrions également citer dans le cas d’une entreprise, que l’honnêteté est jugé comme étant un comportement moral et à encourager dans l’entreprise parce que cela conduit à une harmonie au sein de l’organisation et à la performance de celle-ci.

Vu sous cet angle, la culture organisationnelle est liée à l’implication normative de l’employé. La culture en effet influence le comportement des individus. De son côté, le comportement est jugé comme étant acceptable ou non par l’employé. Il va juger moralement acceptable qu’il s’investisse pour la réussite de l’entreprise car celle-ci lui a donné certains avantages comme l’expérience, le salaire par exemple. Ainsi, l’implication normative va déclencher un sentiment d’être redevable envers l’entreprise (Sow et al., 2016 : 141). Il faut noter alors que l’implication normative et l’acceptation de certaines normes ou valeurs sont aussi influencées par les expériences antérieures de l’individu. Les expériences et les valeurs inculquées à l’individu par sa famille par exemple, conditionnent la prédisposition de l’individu à se conformer à telle ou telle norme, telle ou telle culture. Il en est de même pour ce qui est l’expérience culturelle de l’individu et les croyances qui en découlent (Dixit et Bhati, 2012 : 39).

  1. Les conséquences de l’implication normative sur l’engagement du salarié

L’implication influence les relations entre le salarié et son employeur. En tant que lien psychologique reliant les deux acteurs, l’implication favorise la décision de l’employé à continuer à faire partie de l’organisation. De même, l’implication influence également la motivation des employés, leur performance, leur volonté à contribuer aux activités de l’organisation. Dans cette optique, l’implication normative est liée positivement avec la loyauté de l’employé envers son employeur. Cette loyauté est la résultante d’un processus de socialisation et de sentiment d’appartenance à l’organisation. Le sentiment d’appartenance va pousser alors l’individu à penser à travers les profits et les bénéfices de l’organisation. L’implication normative favorise entre autres, la fidélité de l’employé et l’adoption de comportements qui soient en adéquation avec les normes du groupe (Dixit et Bhati, 2012 : 36-37).

Les personnes impliquées normativement sont celles qui sont les plus susceptibles de s’engager au travail. Par ailleurs, l’implication et l’engagement sont des termes très proches dans la mesure où ils font allusion à des relations d’échanges entre l’employé et l’employeur. Ce dernier est tenu de donner un salaire et de reconnaître l’employé en échange du travail et des efforts fournis par celui-ci (Thévenet et al., 2009 : 357). Par ailleurs, l’implication a été depuis longtemps été confondue avec le terme « engagement ». Ainsi, il a été nécessaire de montrer que si les deux termes font effectivement allusion à la relation employé-employeur, l’implication se réfère plus à la relation qui existe entre l’individu et l’organisation tandis que l’engagement montre les relations entre l’individu et son emploi. Dans cette optique, le champ d’intervention de l’engagement est moins important par rapport à celui de l’implication qui tient compte de l’organisation entière[6].

Sow et al. (2016 : 143) ont mené une enquête auprès de 105 employés dans le domaine de la santé afin de déterminer le lien entre l’implication normative et le turnover des employés. C’est ainsi qu’ils ont pu démontrer que les employés impliqués normativement sont ceux qui sont les plus susceptibles de rester fidèles à leurs établissements. Cette décision de rester découle de l’attachement moral de l’individu envers l’organisation. Dans cette optique, la réduction du turnover dans les entreprises pourrait se faire à travers la création d’un lien moral entre l’employé et l’entreprise.

D’autre part, l’implication pourrait être considérée comme étant un facteur requis pour enraciner l’engagement chez les salariés. Ces derniers sont en quête de reconnaissance et de valorisation de leurs efforts pour s’engager dans leur métier et ce comportement est fortement recherché par les employeurs parce qu’il empêche le travailleur de quitter l’entreprise. L’implication des employés dans leur travail pourrait être à l’origine de leur engagement et de leur prédisposition à déployer leurs ressources pour atteindre les objectifs de l’organisation. En ce sens, il est intéressant de remarquer que cet engagement ne résulte plus du sentiment d’avoir une obligation morale ou éthique envers l’entreprise, mais de s’engager réellement pour ses convictions personnelles (Garber, 2013 : 45).

L’implication normative d’un employé va l’encourager à avoir une conscience professionnelle, à s’investir dans son travail, à donner le meilleur de lui-même et à honorer son contrat avec son employeur. Mais en même temps, il pense que l’implication normative va aussi pousser son employeur à lui accorder des conditions de vie acceptables au travail, à respecter ses droits, etc. L’implication normative au sein de l’entreprise semble donc renvoyer à une sorte de contrat ou d’obligations de base entre l’employé et son employeur (Guest et al., 2010 : 17). Mais il semble également que la décision de rester au sein de l’entreprise et de respecter ses engagements découle de l’évaluation des pertes et des avantages obtenus si l’employé reste ou quitte l’entreprise. Il existe en ce sens une pression normative qui s’impose à l’individu[7].

L’implication d’une personne l’encourage à donner plus que ce qui est attendu d’elle. Les impliqués sont les personnes qui restent encore dans leurs bureaux même au-delà de l’horaire indiqué par l’établissement. Ce sont ceux qui fournissent le plus de travail et qui donnent beaucoup d’importance dans leur travail. Le contrat psychologique avec l’employeur pousse l’employé impliqué normativement à prendre des décisions et à travailler de manière à atteindre les objectifs de l’entreprise. Par conséquent, ce genre d’employé est loyal, efficace et performant (Véniard, 2011 : 86). De son côté, l’employé demande aussi une certaine position de la part de l’employeur, ce qui détermine les termes du contrat psychologique suivants :

Tableau 1 : Les termes du contrat psychologique (source : Véniard, 2011 : 87)

Obligations de l’employeur Obligation des salariés
Formation

Autonomie

Emploi sûr à court et moyen terme

Salaire au mérite

Possibilité de carrière

Bonnes conditions de travail

Climat social agréable

Loyauté

Confidentialité des informations

Horaires de travail

Performances élevées

Engagement durable

Non départ chez un concurrent

 

  1. L’insatisfaction professionnelle
  2. Le concept de l’insatisfaction professionnelle

Selon le Dictionnaire de Français Larousse, l’insatisfaction correspond à «  un état de quelqu’un qui n’est pas satisfait »[8]. L’insatisfaction professionnelle peut se manifester de différentes manières. Il peut s’agir de l’insatisfaction d’expression de soi c’est-à-dire, une insatisfaction dont l’origine est l’incapacité de l’individu à déployer sa créativité, son intelligence, toutes ses potentiels dans le cadre de son métier. D’autre part se trouve l’insatisfaction de l’impasse managériale qui suppose une insatisfaction résultant du style managérial de l’entreprise, de l’indépendance qu’elle accorde à ses employés et du prestige pouvant être perçu par ceux-ci en travaillant pour le compte de l’entreprise[9].

L’insatisfaction professionnelle a été associée depuis longtemps au stress au travail et à la perception de ne pas trouver sa place au sein de l’entreprise. L’insatisfaction professionnelle est observée lorsque le travailleur a l’impression qu’il ne jouit pas d’une légitimité professionnelle, ce qui suppose un manque de reconnaissance de sa valeur et de sa place au sein de l’établissement. Ajouté à cela, l’insatisfaction est observée quand les conditions de travail sont rudes. Mais la référence au stress pourrait être adoptée par les personnels pour prouver qu’ils assument une lourde charge. Et dans cette optique, ils revendiquent leur légitimité professionnelle pour s’accomplir dans leurs métiers (Loriol, 2010 : 117).

Outre la légitimité professionnelle, les employés ont aussi besoin de s’accomplir dans leur travail. Cet accomplissement passe par la valorisation des activités et des choses qu’ils ont accomplies au sein de l’entreprise. En d’autres termes, l’accomplissement de soi dans son travail requiert la reconnaissance de l’individu en tant que porteur de valeur ajoutée au sein de l’organisation. Il dépend entre autres de la reconnaissance de la place de l’individu au sein de cette organisation. Cela est en relation avec la reconnaissance des réalisations de l’individu. Ainsi, au cas où ces besoins ne sont pas satisfaits, il est probable que l’individu sera aussi insatisfait professionnellement (Foudriat, 2007 : 140).

S’il est difficile de saisir la notion d’insatisfaction professionnelle, il est fréquent d’observer ses conséquences : l’absentéisme des travailleurs, leurs départs de l’entreprise (Grobler et al., 2006 : 128). Il est admis que les salariés insatisfaits de leurs travaux ne s’engagent plus dans leur travail. Si l’absentéisme est la forme la plus fréquente de ce désengagement, il a été observé que les salariés peuvent également manifester une forme d’éloignement mentale afin d’éviter son mal-être. En général, le salarié insatisfait peut partir, s’opposer à ce qu’il juge à l’origine de sa souffrance, rester au sein de l’entreprise, ou prendre de la distance par rapport à celle-ci. L’insatisfaction au travail a été associée à un comportement cynique poussant l’individu à ne plus accorder sa confiance à son entreprise et à avoir une perception négative de celle-ci ainsi que de ses activités (Grima et Glaymann, 2012 : 3).

En d’autres termes, les insatisfactions au travail amènent les travailleurs à adopter des comportements contre-productifs pour l’entreprise. Cela se manifeste à travers la réduction de leurs performances et leurs états de santé. Ainsi, les employés insatisfaits sont les employés infidèles qui cherchent à s’éloigner de l’entreprise. Mais en même temps, ce sont aussi les employés dont l’état de santé est le plus dégradé (Saba et Guérin, 2002 : 101). Il semblerait donc que la définition de l’insatisfaction professionnelle semble plus compréhensible lorsqu’il est considéré à travers les impacts qu’elle provoque au niveau des salariés.

  1. Les différentes causes d’insatisfaction professionnelle

L’insatisfaction professionnelle est le contraire de la satisfaction professionnelle. Cette dernière résulte de la perception par le travailleur qu’il a atteint ses objectifs à travers l’accomplissement de son travail. La satisfaction se produit en effet lorsqu’une personne s’est déjà fait une idée concernant les résultats d’un travail et qu’après celui-ci, il obtient les résultats escomptés. S’il est admis que l’insatisfaction professionnelle est le contraire de la satisfaction, alors elle résulte du fait que l’employé juge que ses missions au sein de l’établissement ne contribuent pas à son accomplissement ni à l’atteinte de ses objectifs. L’insatisfaction professionnelle découle aussi de la détérioration des relations au travail, et de la perception négative du salarié concernant son salaire et le travail qu’il fournit (Amathieu et Chaliès, 2014 : 213 – 216).

Cependant, il a été trouvé que les causes de la satisfaction et de l’insatisfaction peuvent différer. Et dans cette optique, les facteurs qui incitent l’individu à être satisfait de son travail et à rester au sein de l’entreprise seront différents d’un individu à un autre et d’un métier à un autre. Dans le domaine de la santé par exemple, les infirmiers accordent beaucoup d’importance à l’autonomie lors de la réalisation de leur travail. Ainsi, la perception qu’elles occupent un poste « subalterne » à celui du médecin pourrait les démotiver. Certes, il existe de nombreux facteurs comme le salaire, les facteurs qui ont motivé l’infirmière à devenir ce qu’elle est, mais lorsqu’elle se trouve confrontée à un conflit de valeurs, elle se trouve dans l’obligation de choisir entre les valeurs qui lui semblent les plus pertinentes et les plus importantes. Dans le cas de l’infirmière, c’est la remise en question de son rôle propre au sein de l’hôpital qui conditionne sa satisfaction et qui pourrait l’inciter à quitter l’établissement[10].

Ce fût le psychologue Frederick Herzberg cité par Tahar (2013 : 90 – 91) qui a émis la théorie des deux facteurs ou théorie bifactorielle en ce qui concerne la satisfaction de l’homme au travail. Selon ce psychologue, les facteurs de satisfaction au travail sont différents des facteurs qui conduisent à l’insatisfaction professionnelle de l’individu. Cela l’a conduit à conclure l’existence de deux classes de facteurs ou de besoins conduisant à la satisfaction ou à l’insatisfaction. Ainsi, les facteurs de satisfaction sont des facteurs intrinsèques ou des facteurs moteurs au travail. La satisfaction et la motivation d’un individu dépendent de son intérêt au travail, de sa réalisation de soi, des opportunités de promotion offertes par l’entreprise ainsi que les possibilités de développement personnel. Ces différents facteurs conduisent exclusivement à la motivation de l’individu. Par contre, les facteurs extrinsèques ou facteurs d’hygiène au travail sont ceux qui sont liés à l’insatisfaction au travail. Ces facteurs englobent la politique de l’entreprise, son système de gestion et de supervision, les conditions de travail et la rémunération donnée aux salariés. De ce fait, les facteurs d’insatisfactions sont complètement différents des facteurs de satisfaction et en ce sens, l’abolition des facteurs d’insatisfaction ne conduisent pas à la satisfaction de l’individu.

Parmi les facteurs extrinsèques au travail se trouve par exemple, l’impossibilité ou la difficulté perçue par l’employé pour faire une mobilité. A l’heure actuelle, les salariés aspirent à la mobilité, à évoluer dans leurs carrières, voire dans certains cas, à changer d’emplois. Leur inaptitude à pouvoir se mobiliser pour atteindre cet objectif pourrait être un facteur d’insatisfaction au travail[11]. D’autre part, les écarts entre les attentes de l’employé et ce qu’il vit réellement au sein de l’entreprise sont source d’insatisfaction. Il a été démontré qu’en intégrant une entreprise définie, le candidat est détenteur de compétences qu’il va essayer de développer au cours de son évolution professionnelle. Or, s’il perçoit que ses compétences ne correspondent pas ou ne sont pas à la hauteur des exigences de l’évolution de son métier, alors, il pourrait être insatisfait voire même chercher à quitter son emploi. Ainsi, la différence entre les compétences acquises et les compétences requises pour l’accomplissement d’un travail peut être à l’origine de l’insatisfaction professionnelle de l’individu[12].

L’insatisfaction professionnelle est observée également chez les travailleurs dans le domaine de la santé et du social. Les caractéristiques du métier ainsi que leurs conséquences sur la vie familiale de ces travailleurs peuvent entraîner de l’insatisfaction professionnelle. Ce sont en effet, des métiers qui demandent beaucoup d’engagement et d’implication de la part des travailleurs. L’implication peut être élevée à tel point que le travail peut être au centre de tout l’intérêt de l’individu. Il y a de ce fait, un fort déséquilibre entre la vie professionnelle devenue trop prégnante, et la vie familiale qui n’occupe que la deuxième place du point de vue l’individu. Dans le cas de l’infirmier par exemple, leur insatisfaction professionnelle augmente lorsqu’il ressent que le climat et l’ambiance de travail et ses relations avec ses collègues de travail s’amenuise. Il sent également de l’insatisfaction lorsqu’il ne parvient plus à donner du sens à son travail et à ses efforts ou encore lorsque les charges de travail sont jugées trop intense physiquement ou demandant beaucoup de ressources du point de vue psychosocial. Cela va causer chez lui un sentiment d’être insatisfait (D’Hoore et al., 2012 : 73).

Il a été affirmé en effet, que la surcharge de travail constitue un des facteurs qui favorisent l’insatisfaction professionnelle. La surcharge ne devrait pas uniquement être appréhendée du point de vue quantitatif, mais également qualitatif. Il existe en effet, certains métiers qui demandent un certain investissement. Se produit alors une surstimulation de l’individu qui travaille. Paradoxalement, le manque de travail conduit également à un sentiment d’insatisfaction au travail. En cas d’absence de stimulations normales ou physique, l’individu ne peut plus déployer ses ressources et toutes ses potentialités. C’est le cas par exemple des travailleurs qui font de la routine, sans pouvoir faire preuve de créativité ou d’autonomie dans leur travail. Ces personnes sont celles qui sont prédisposées à être distraite. Or, cela conduit à des accidents de travail (Dolan et Arsenault, 2009 : 60).

Chez les travailleurs du secteur social et médico-social, l’insatisfaction professionnelle provient du sentiment que leur salaire n’est pas adéquat par rapport aux services fournis par les travailleurs dans ce domaine. Ils estiment entre autres, que le salaire n’est pas valorisant dans la mesure où ils encourent des risques professionnels tels que les agressions physiques ou verbaux de la part des patients et de leurs proches. Leur insatisfaction provient entre autres, de la perception qu’ils ne bénéficient pas de suffisamment de soutien notamment, de la part de leurs supérieurs hiérarchiques. L’insatisfaction relative au manque de soutien accroît avec l’âge[13].

  1. RPS
  2. Concept de RPS et leurs impacts sur l’entreprise et sur les collaborateurs

Le Ministère du Travail donne une définition du terme risques psychosociaux ou RPS. Il le définit comme étant « à l’interface de l’individu et de sa situation de travail d’où le terme de risque psychosocial. Sous l’entité RPS, on entend stress mais aussi violences internes (harcèlement moral, harcèlement sexuel) et violence externes (exercées par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés »[14]. Cette définition donnée par le Ministère permet de voir que le terme de RPS est assez flou, et englobe différentes situations de violences envers les salariés. Mais cette définition ne donne pas des délimitations précises du champ de RPS. Néanmoins, cette définition souligne le fait que les RPS sont causés à la fois par des facteurs  personnels et des facteurs professionnels. De même, les manifestations très diversifiées des RPS les rendent difficiles à appréhender. Les RPS sont causés par différents facteurs et se manifestent de différentes manières (Pioché-Roques, 2016 : 24 – 25). Cela conduit à l’établissement d’une typologie des différentes manifestations des RPS. La typologie de ces RPS est présentée dans le tableau suivant :

Tableau 2 : Typologie des RPS (source : Samson, 2010)[15]

Le stress Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face.
Le burn-out

 

L’épuisement professionnel

Etat causé par l’utilisation excessive de son énergie et de ses ressources, qui provoque un sentiment d’avoir échoué, d’être épuisé ou exténué.

 

Expérience psychique négative vécue par un individu, qui est liée au stress émotionnel et chronique causé par un travail ayant pour but d’aider les gens.

La violence Violences internes : agressions physiques et/ou verbales de la part de supérieurs hiérarchiques ou de collègues de travail – Exemples : abus de pouvoir d’un manager, remarques méprisantes, rivalités entre équipes, etc.) ou plus psychologiques (domination, intimidation, persécution, humiliation).

Violences externes : insultes, menaces ou agressions physiques exercées contre une personne sur son lieu de travail par des personnes extérieures à l’entreprise, y compris les clients et qui mettent en péril sa santé, sa sécurité ou son bien-être.

Le harcèlement moral Agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salariés et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral et sexuel – bien que faisant l’objet d’une réglementation spécifique – peuvent être considérés comme des formes de violences internes.

Le harcèlement sexuel Agissements de toute personne (pas uniquement un supérieur hiérarchique) dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.

Gautier et Husser (2013 : 30) parlent d’ « atteintes physiques et mentales provoquées par des conditions de travail difficilement supportables génératrices de stress ». Les conditions pouvant mener aux RPS sont diverses et changent d’un secteur d’activité à un autre. Dans le domaine médicosocial, les RPS provient de plusieurs facteurs organisationnels. Dans ce système, l’encadrement de proximité est de rigueur. Or, cela engendre des failles au niveau de la régulation et altère les relations entre pairs. D’autre part, la prise en charge des usagers dans le domaine médicosocial se réfère à différentes procédures standardisées ou normalisées. Dans ce cadre, les professionnels doivent se plier à ces procédures. Afin de s’assurer de leur conformité aux procédures et aux normes établies, ces personnes subissent des suivis et des surveillances régulières, ce qui engendre une certaine pression. Les professionnels du médicosocial sont amenés à mettre au cœur de leurs activité la dimension relationnelle. Ils doivent écouter les patients, les personnes qu’ils prennent en charge, mais eux-mêmes ne peuvent pas toujours s’exprimer quant à leurs ressentis et leurs souhaits. Les situations de travail ne permettent pas toujours les échanges entre pairs. Dans cette optique, l’isolement peut atteindre les professionnels médicosociaux.

L’isolement chez les professionnels médicosociaux découle d’une part de la difficulté à amener les différentes parties prenantes à discuter et à collaborer lors de la prise en charge. Par ailleurs, les pratiques adoptées pour la prise en charge s’individualisent. C’est le cas par exemple des projets individualisés. Comme la prise en charge devient de plus en plus pluridisciplinaire, alors chaque membre de l’équipe tend à faire valoir ses compétences personnelles. Tous ces faits exposent aux RPS et pourtant, force est de constater que les structures au sein desquelles, ils travaillent ne favorisent pas la prévention des risques[16].

Les RPS ont des impacts sur la santé de l’individu. Ils provoquent souvent des troubles physiologiques comme le manque de sommeil, les tensions, les troubles musculo-squelettiques, les accidents cardiovasculaires, des infarctus et différents autres troubles. Outre les troubles physiologiques, les RPS provoquent aussi chez l’individu des troubles au niveau émotionnel et cognitif. Les personnes qui présentent ces risques sont des personnes qui sont irritables, anxieuses. Elles ont du mal à prendre des décisions et s’ennuient dans leur travail. Déprimées, elles se montrent parfois indifférentes face aux malheurs des autres. Du point de vue comportemental, ces personnes sont aussi susceptibles de ne plus s’engager dans leur travail. Dans leurs lieux de travails, ils s’absentent, se montrent agressifs. Ils ont des difficultés dans leurs relations avec leurs collègues de travail. Alors que les personnes atteintes de RPS sont souvent des personnes très engagées dans leur travail, une fois atteinte de ces risques, ils ne prennent plus d’initiatives et ne font plus preuve de créativité. Leur désengagement est source de baisse de rendement.

Evidemment, ces différents comportements et troubles de l’employé impactent négativement sur l’entreprise. Celle-ci va augmenter comme dit précédemment, les accidents de travail, l’absentéisme. Le désengagement est source de turnover des employés. La démotivation va engendrer la dégradation de la qualité de travail, ainsi que de la productivité des salariés. Les RPS de certains employés affectent le climat, l’environnement et l’ambiance de travail à cause de la morosité de l’employé atteint de RPS. Or, les accidents et les climats de travail négatifs ternissent l’image de l’entreprise. Du point de vue économique, les RPS conduisent à des pertes de 3% du chiffre d’affaires des entreprises. Ce chiffre inclut les dépenses directes et indirectes[17].

  1. Liens entre implications normative, insatisfaction professionnelle et RPS

L’implication normative oblige l’individu à adopter des comportements de manière à fournir le travail prescrit ou le travail attendu par l’employeur. Or, dans la majorité des cas, il existe toujours une différence entre le travail attendu par l’employeur et le travail effectivement fourni. En effet, l’employeur pour s’assurer de la qualité du travail fourni par son employé chaque jour, lui impose des normes à suivre. Or, les normes augmentent la pression sur l’employé. Certes, ce dernier va faire en sorte de donner le meilleur de lui-même pour suivre les normes, pour accomplir ses obligations morales. Et cela engendre des risques psychosociaux[18]. Le surinvestissement du travailleur dans ses missions alors que ses ressources ne le lui permettent pas pourrait favoriser l’apparition de RPS.

D’autre part, il a été observé que les souffrances au travail dues aux mauvaises conditions perçues par le travailleur pourraient conduire à son insatisfaction. Or, les souffrances au travail sont source de RPS et d’insatisfaction (Gautier et Husser, 2013 : 28). L’insatisfaction a été considérée comme étant la résultante de la perception de l’individu qu’il ne dispose plus de moyens et de ressources personnelles lui permettant d’accomplir ses missions au sein de l’entreprise et de le faire bien. Son implication normative le pousse à s’engager fortement dans son travail et à continuer à faire des investissements car cela est moralement requis. Mais ne disposant plus de force nécessaire pour ce faire, il peut rapidement sombrer dans un conflit de valeur au travail. Il n’arrive plus à attribuer du sens à son travail et à sa mission et à sa place au sein de l’entreprise. En ce sens, l’insatisfaction au travail, couplé à une forte implication normative peut être source de RPS[19].

L’augmentation du nombre de stresseurs et les pratiques managériales adoptées par de nombreuses entreprises favorisent l’apparition des RPS. Or, ces pratiques managériales ont été associées aux insatisfactions des salariés. Par ailleurs, c’est le sens du travail lui-même qui est remis en question. En effet, si le travail est une garantie pour le salarié qu’il va pouvoir survivre en ayant un gagne-pain, le travail constitue aussi un moyen pour accéder à un statut social valorisant. Mais ces dernières années, c’est le travail qui semble causer des perturbations au niveau de la vie privée et au niveau de l’individu lui-même. Le travail a été jugé pénible tant du point de vue physique que psychologique. Et cause en ce sens de la souffrance, pouvant être à l’origine de l’insatisfaction professionnelle elle-même reliée à l’augmentation des RPS[20].

D’autre part, il est admis que l’implication normative découle de la socialisation antérieure à l’emploi ce qui implique la vie familiale, la vie scolaire, l’environnement dans lequel a grandi l’individu, etc. ainsi que du processus de socialisation organisationnelle. De ce fait, l’individu impliqué normativement ne va trouver d’autres alternatives que de rester au sein de l’entreprise parce que les normes de l’entreprise sont fortement ancrées dans son esprit. Il pense donc que l’entreprise constitue son seul rempart et ce, malgré les souffrances qu’il endure au sein de l’entreprise. D’ailleurs, l’implication normative renforce la loyauté chez l’individu et va donc l’encourager à ne pas rompre le lien avec l’entreprise quitte à faire des sacrifices. Mais cet attachement peut conduire à l’apparition de RPS, surtout quand l’enjeu est important[21].

Plus les conditions de travail se détériorent, plus, l’individu ressent une altération de sa santé et perçoit une incapacité à bien faire son travail. Dans ce cadre, il va tenter de trouver des moyens et des ressources lui permettant de faire face aux stresseurs qu’il rencontre dans son lieu de travail. Mais la recherche de ces alternatives demande beaucoup d’efforts physique et psychologique, ce qui pourrait conduire à des RPS. Or, les RPS ont été rapportés avoir des effets négatifs tant sur l’individu que sur l’organisation. Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses recherches ont été menées concernant les RPS et les méthodes permettant de les prévenir. Ceci nous conduit à déterminer dans la partie suivante, les différents moyens pouvant être déployés par le salarié pour faire face aux RPS.

  1. Espace de discussion, toxichandler, deuil et l’accompagnement au deuil

 

  1. Espace de discussion
  2. Le concept des espaces de discussion

L’espace de discussion comme son nom l’indique est un espace où sont réalisés des échanges entre les travailleurs au sein d’une même entreprise. Le dialogue y est le centre d’intérêt pour trouver des compromis et pour chercher des solutions aux problèmes discernés. En favorisant les échanges entre pairs, les espaces de discussion sont des moyens permettant de lancer des actions collectives. En étant dédié à la discussion, cet espace offre l’opportunité pour les salariés d’exprimer leurs désirs et leurs souffrances (Detchessahar, 2013 : 59). Conjard et Journoud (2013 : 87) apporte plus de précisions en mentionnant que les espaces de discussion sont des «lieux de prise en charge collective des tensions provoquées par la montée des contraintes dans les organisations ».

Selon le réseau ANACT – ARACT, il existe des caractéristiques propres aux espaces de discussion :

  • « Un espace collectif centré sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles du métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes, etc.
  • Un cadre et des règles co-construites avec les parties prenantes
  • Des espaces inscrits dans l’organisation du travail
  • Des espaces qui visent à produire des propositions d’amélioration ou des décisions concrètes sur la façon de travailler»[22]

Les espaces de discussion ont pour objectif de permettre les échanges entre les professionnels appartenant à une même entreprise sur plusieurs thèmes comme l’expérience de travail, les pratiques, les ressources, les contraintes liées au métier, les raisons et l’essence du travail dans tel ou tel secteur d’activité. Ces échanges visent à améliorer les conditions de travail chez les employés[23].  D’autre part, les espaces de discussion visent également à mettre en évidence les facteurs de tensions au travail et de prendre des mesures adéquates à la situation (Conjard et Journoud, 2013 : 87).

L’espace de discussion est consacré à une forme précise de communication. Il ne s’agit pas d’un monologue, mais d’un dialogue. Il ne s’agit pas non plus d’une forme de communication instrumentale qui vise à influencer la pensée de l’individu. Les échanges qui se réalisent au sein de cet espace portent sur la représentation du travail par l’individu. En  même temps, c’est une forme de communication qui favorise la recherche d’arguments permettant à l’individu de justifier et d’appuyer les représentations qu’il s’est fait du travail ou de l’entreprise (Detchessahar, 2013 : 60 – 61).

La conception d’un espace de discussion dans le lieu de travail découle de l’observation que les conditions de travail peuvent dans certaines mesures mettre à mal les employés. Il est constaté que les entreprises ne disposent pas d’espaces dédiés à la régulation et à la discussion entre les employés. Ainsi, des syndicalistes, ainsi que des chercheurs dans le domaine de la prévention des RPS soulignent la nécessité de favoriser la communication entre pairs. L’état de santé des employés tendent en effet à se dégrader lorsqu’ils ne peuvent pas s’exprimer surtout sur les différents facteurs qui les font souffrir. En d’autres termes, la mise en œuvre d’espace de discussion et l’encouragement des entreprises à mettre en place cette structure répond à une nécessité de maintenir en bonne santé les employés (Conjard et Journoud, 2013 : 84).

D’autre part, une théorie a émergé en ce qui concerne les espaces de discussion. Elle a poussé de nombreux chercheurs à se concentrer sur l’importance de la communication organisationnelle ou workplace conversations. Il est admis que les entreprises sont amenées à établir des espaces et des lieux de débats afin de facilite la conversation et la discussion des collègues de travail. La mise en place de ces espaces pourrait en effet être considérée comme étant un élément qui favorise l’intensité communicationnelle du travail. Or, cette dernière est à la base même de la performance de l’entreprise dans un environnement sans cesse changeant. La mise en place d’espace de communication au sein de l’organisation est un facteur de modernisation organisationnelle (Detchessahar, 2003 : 66).

Il n’est donc pas étonnant que dans leurs stratégies de gestion, les entreprises aient aménagé des espaces permettant de favoriser la communication non seulement entre les cadres, mais aussi l’ensemble des ressources humaines qui constituent l’organisation. La communication ainsi établie est plus complexe parce qu’il s’agit d’un face à face entre les acteurs. Il s’agit entre autres, d’une communication permettant l’expression de l’ensemble des salariés sur un sujet qui les concerne tous. La communication s’en trouve alors intensifiée (Detchessahar, 2003 : 72 – 73).

Avec l’évolution technologique, les espaces de discussion peuvent devenir virtuelles comme les forums de discussion. A l’instar des espaces physiques, les espaces de discussion virtuels permet aussi de réunir différents acteurs dans des disciplines différentes à faire des échanges sur un thème précis (Nault, 2008 : 16).

  1. Mise en place des espaces de discussion

L’installation d’espaces de discussion et son institutionnalisation fait intervenir les managers. Ce sont eux en effet qui jouent le rôle d’interface entre les ressources humaines et la Direction. Ces deux entités présentent souvent des attentes contradictoires, et il appartient au manager d’atténuer voire d’éviter leurs affrontements, mais susciter chez eux le désir d’aller vers les objectifs communs. La mise en place d’espace de discussion  répond à cet enjeu mais elle ne peut être efficace à moins que le manager ne bénéficie d’un bon accompagnement (Conjard et Journoud, 2013 : 86).

La mise en place d’espace de discussion s’est faite entre autres, au sein de certaines entreprises à travers les réunions d’équipe. Il faut noter que les caractéristiques des espaces de discussion vont dépendre des caractéristiques notamment la taille de l’entreprise elle-même. Or, certaines d’entre elles ne peuvent pas se permettre de faire de nombreux investissements pour l’établissement d’un espace de discussion. Dans cette optique, elles ont opté pour des réunions d’équipe qui ne requièrent pas beaucoup de temps, mais dont le contenu devrait être réorienté vers la conversation autour du travail (Conjard et Journoud, 2013 : 93). Mais il existe aussi d’autres espaces qui peuvent servir d’espaces de discussion. Ils peuvent être moins formels et très diversifiés car l’entreprise de par son organisation permet d’avoir plusieurs espaces dédiés à la discussion concernant le travail. Ces différents espaces sont présentés sur le tableau suivant :

Tableau 3 : Les différents espaces où l’on peut parler du travail (source : ANACT, 2015)[24]

Type d’espace Fonction (s)
Comité de direction/réunion d’équipe Activité de régulation, travail de management, conversation stratégique/opérationnelle
Groupe projet Démarche participative et expérimentation matricielle
Espaces informels Régulation autonome et soutien du collectif
Formation et réseau externe Professionnalisation et soutien externe
Groupes de partage de pratiques pour les manageurs Echanges de pratiques et soutien de ses pairs
Entretiens annuels d’évaluation et/ou entretien professionnel Travail de management, régulation individuelle
Instances représentatives du personnel : CE, CHSCT, DP Expression des salariés (concertation – négociation – expérimentation)

La conception d’un espace de travail s’inscrit dans le cade de la politique d’entreprise. Ainsi, la mise en œuvre d’un espace de travail passe par 4 étapes montrées sur le tableau suivant :

Tableau 4 : Les quatre étapes de la conception d’un espace de discussion (source : https://espace-chsct.fr/toutes-les-actualites-du-chsct/mettre-place-espaces-de-discussion-travail/)

Etapes Actions Points de vigilance
1. Analyser le contexte et définir la finalité Définir la finalité visée dans la mise en discussion du travail : une meilleure régulation, de la concertation sociale, la résolution d’un problème donné, le développement professionnel d’un métier ou d’une catégorie de salariés.

Il s’agit d’une démarche concertée, différents acteurs sont à impliquer : les ressources humaines, le management, les représentants du personnel, les salariés et le cas échéant, les préventeurs.

Le dirigeant qui met en place ce projet doit être conscient que la création (ou l’activation) d’un espace de discussion (EdD) constitue pour les salariés et leurs managers une possibilité d’agir sur le travail. C’est leur donner du pouvoir d’agir sur le travail.
2. Faire le lien avec l’existant Conduire un état des lieux des espaces de communication et/ou discussion existants en prenant en compte :

– le fonctionnement

– les caractéristiques

– les effets produits

– le bilan

De façon concertée, prendre une décision : optimisation de l’existant et/ou création de nouveaux espaces.

Cette étape pourra être réalisée en groupe de travail, complété par des entretiens avec des acteurs-clés (RH, direction, IRP, managers impliqués) et éventuellement, à partir d’observations de terrain.
3. Construire une ingénierie Se mettre d’accord sur la définition d’un cahier des charges de l’espace de discussion qui précise le périmètre de la discussion, les objets, les acteurs impliqués, la temporalité, le mode et les outils d’animation, le lien avec les instances de dialogue social (CHSCT, CE, DP…) et les processus de décisions, l’existence (ou non) et le format d’un compte-rendu, ses destinataires. Il s’agit de prendre soin de l’amont et l’avant des espaces de discussion : en amont, la conception du cadre politique de ces espaces, de son inscription dans le système d’acteurs, ses finalités, etc. ; en aval, les modalités de renouvellement des EdD, les modalités de traitement des produits de la discussion et le retour des décisions et actions envisagées.
4. Expérimenter, évaluer, déployer « Tester » à petite échelle (unité, site, etc.) ces nouveaux EdD sur une période de temps définie, afin de favoriser un caractère de réversibilité et permettre un apprentissage collectif. Mettre en place un dispositif d’évaluation « embarquée » (processus d’auto-évaluation en continu) et une vigilance sur le déploiement futur à l’échelle de l’organisation. La confiance est un élément clef. Elle se construit dans le temps et naît d’une bonne interrelation au sein du groupe mais aussi d’actions prises par l’organisation.

Parler du travail ne va pas de soi. Envisager une formation et/ou des outils spécifiques pour animer la discussion sur le travail peut s’avérer utile.

D’après ce tableau, la mise en œuvre des espaces de discussion commence par l’analyse du contexte et la finalité de ces espaces. Cela passe par des concertations entre les différentes parties prenantes. Par la suite, il convient de faire le lien entre ce qui a été décidé et qui existe réellement. Cela revient à déterminer quels sont les espaces de discussion déjà à la disposition des salariés et s’il est nécessaire de créer de nouveaux espaces ou d’apporter seulement des améliorations au niveau des espaces de discussion existants. Dans la troisième étape, il s’agit de construire un espace de discussion proprement dite et de construire une ingénierie qui l’accompagne. Dans ce cadre, il faut déterminer les caractéristiques des espaces de discussion pour que les discussions puissent avoir lieu et que les sujets abordés portent bien sur le travail. Ensuite, il est nécessaire de déterminer dès à l’avance les différentes démarches permettant de valoriser les résultats de ces discussions dans un but d’amélioration de la qualité de vie au travail. La dernière étape consiste à expérimenter, évaluer et déployer les résultats issus dela discussion et de la mise en œuvre d’actions concrètes[25].

  1. Les impacts des espaces de discussion sur les collaborateurs

En permettant aux salariés de communiquer, les espaces de discussion contribuent à l’éradication des RPS. Une étude faite au sein des salariés de La Poste a révélé que ces employés subissaient un fort stress et étaient exposés à des RPS à cause de l’acculturation due à l’émergence du numérique et les bouleversements que cela cause sur leur conception de leur travail. Ainsi, l’entreprise a mis en place un système d’accompagnement à l’acculturation numérique. Cette démarche d’accompagnement s’est faite à travers des démarches de communication[26]. Cela prouve que la communication est essentielle pour appuyer les employés vulnérables, susceptibles de présenter des RPS.

L’espace de discussion permet de pallier au mal-être de l’individu suite à une mauvaise perception du travail et de la perception d’une mauvaise expérience professionnelle. En favoriser le soutien psychologique par les pairs, les espaces de discussion permet d’encourager les salariés les fragilisés par les risques liés au travail et de construire en même temps son identité métier qui aurait pu être perdu à cause de son surinvestissement professionnel. C’est dans cet espace que l’employé vulnérable va prendre conscience du travail réel qu’il a fourni ainsi que les travaux fournis par les autres et leurs places au sein de l’entreprise. En d’autres termes, l’espace de discussion est source de reconnaissance du travail de chaque acteur au sein de l’entreprise. Or, la reconnaissance est un pilier de la satisfaction et du bien-être au travail (Conjard et Journoud, 2013 : 84).

Les RPS sont associés au manque de reconnaissance et à l’insatisfaction au travail. Dans ce cadre, la mise en place d’espaces de discussion permet aux employés de faire valoir leurs compétences et de se faire reconnaître pour leurs potentiels et le travail qu’ils fournissent. Les échanges dans ces espaces sont des opportunités pour le salarié de modifier la conception de son travail en fonction de son expérience. Pour les dirigeants d’entreprise, les espaces de discussion est un élément qui leur permet de connaitre leurs limites (Bertrand et Stimec, 2011 : 143).

Les espaces de discussion en tant qu’espace de régulation et moyen d’expression ne visent pas seulement à redonner sens au travail, mais également à dénoncer les pratiques managériales à l’origine des maux des employés. Ainsi, ils favorisent le développement de pratiques et de contradictions qui promeuvent l’apparition des RPS dans les lieux de travail. La mise en place d’espaces de discussion répond à la nécessité de mettre en œuvre une ingénierie sur la discussion centrée sur le travail destinés à identifier et à discerner les causes des tensions au sein de l’organisation. Une fois leurs causes déterminées, il pourrait être plus facile pour le manager et les parties prenantes dans la prévention des risques et de l’altération des relations au travail de prendre des mesures adéquates à la situation. Mais en faisant intervenir ainsi différents acteurs, les espaces de discussion conduisent à la délocalisation partielle de la prise de décision qui était auparavant centralisée au niveau de la Direction[27].

L’institutionnalisation des espaces de discussion conduit entre autres à la réduction de la perception des écarts entre travail attendu et travail effectivement réalisé. Cela se fait à travers la recherche de compromis et d’alternatives pour surmonter les difficultés au travail. Les espaces de discussion entraînent entre autres, une régulation des tensions qui peuvent s’installer dans les différents services au sein d’un même établissement, voire même, au sein d’un même service. C’est donc un outil de gestion des ressources humaines et surtout, un outil de management (Conjard et Journoud, 2013 : 85).

Dans cette optique, les espaces de discussion permettent de rapprocher les managers et leurs équipes. Par la même occasion, elles permettent aussi d’animer les équipes. Pour le manager de l’entreprise ou de l’établissement, les espaces de discussion et l’encouragement des employés à s’exprimer à travers ces plateformes constituent des démarches importantes pour allier la performance recherchée par la Direction et la qualité de vie au travail, chère aux yeux des employés[28].

L’ANACT (2015)[29] pour sa part, discerne quatre conséquences des démarches de mises en œuvre d’espaces de discussion. Il s’agit de

  • La régulation collective de l’activité du travailleur : En effet, les espaces de discussion permet de réunir les différentes parties prenantes qui sont sur un même projet et qui présentent de ce fait, des objectifs communs. Ainsi, un individu peut éprouver beaucoup de difficultés à gérer lui-même la situation problématique à résoudre, mais avec la collectivité, cette démarche pourrait plus être efficace à condition que les différents acteurs qui concertent fassent une analyse approfondie de la situation avant de déployer des moyens pour réaliser la prise en charge ou le projet.
  • La concertation sociale qui donne aux salariés l’opportunité pour agir sur les conditions et le contenu de leurs travaux. A travers cette concertation sociale, les employés peuvent désormais développer de nouvelles méthodes ou de nouvelles normes pour optimiser les résultats.
  • La résolution du problème à travers le diagnostic et l’identification des différentes sources de problèmes au sein de l’entreprise. Une fois que les facteurs de risques ont été identifiés, il est plus facile de mettre au point des stratégies permettant de les éradiquer.
  • Développement professionnel du salarié à travers les échanges sur les expériences et les pratiques des collaborateurs ou d’autres personnes qui œuvrent dans ce domaine. Mais pour que les discussions soient centrés sur le travail et puissent apporter leurs fruits, il est indispensable que l’établissement fournisse les temps et les différentes ressources nécessaires pour le développement professionnel. D’autre part, il est également indispensable d’installer un climat de confiance au sein du groupe et d’animer celui-ci.

Les espaces de discussion ont été rapportés dans la littérature comme étant des moyens permettant de prévenir les RPS et d’aider les employés en souffrance. Ils apportent un certain nombre d’avantages aussi bien pour les travailleurs que pour l’ensemble de l’organisation. Ainsi, nous posons comme première hypothèse :

 

H1 : La fonction RH participe à la prévention des RPS en organisant des espaces de discussion pour que le personnel puisse échanger sur les pratiques professionnelles réelles au regard des pratiques professionnelles souhaitées.

 

  1. Toxic handler
  2. Le concept des toxic handlers

La notion de toxic handlers provient de la constatation de personnes qui peuvent aider les autres à traverser une période difficile. Les problèmes sont en effet considérés comme étant des toxines qui viennent porter préjudice à la production de l’entreprise. Les toxines sont constituées par les émotions négatives perçues par les employés et résultant de causes diverses et nombreuses. Parmi elles se trouvent par exemple, les problèmes familiaux qui troublent la réalisation des missions par l’employé. Les toxines ne proviennent pas uniquement des problèmes individuels mais également des pressions issues de l’environnement interne et du contexte dans lequel se trouve l’organisation. Par exemple, les émotions négatives augmentent parallèlement avec la concurrence, la compétition entre les acteurs sur le même marché, etc. L’employé peut devant ces faits devenir frustré, triste, amer ou colérique à tel point qu’il devient difficile pour eux de travailler normalement (Kulik et al., 2009 : 696).

L’ampleur des conséquences de ces émotions négatives sur les employés peut être importante s’il n’existe pas de toxic handler qui vont aider leurs collaborateurs à surmonter les difficultés. Ces derniers contribuent donc à atténuer les impacts des émotions négatives pour que celles-ci ne deviennent pas toxiques pour l’organisation entière (Kulik et al., 2009 : 696). Les toxic handlers peuvent occuper des postes différents dans l’établissement. Les toxic handlers sont des managers qui supportent les personnes tristes, frustrées ou encore en colère pour que le travail puisse continuer au sein d’une organisation. Les entreprises font appel à eux par exemple, lorsqu’elles prennent des décisions et des mesures drastiques qui vont causer de la peine à leurs collaborateurs, comme lors des périodes de réduction de personnel (Gandolfi, 2009 : 191).

Les toxic handlers ont donc pour principale mission d’aider leurs collègues de travail qui souffrent. Ces personnes sont aptes à repérer les personnes qui souffrent au travail et de communiquer avec les personnes qui souffrent pour les aider à surmonter les épreuves. Après la crise, les toxic handlers font encore appel à leur capacité de communication pour rétablir les déstabilisations qui ont pu être causées par le trouble discerné chez les collègues de travail (Koninckx et Teneau, 2010 : 162). Les toxic handlers peuvent être les gestionnaires des ressources humaines dans la mesure où les employés viennent vers eux pour parler de leurs problèmes, des difficultés qu’ils traversent et les impacts de celles-ci sur leur productivité. Le gestionnaire les écoute et à travers cette démarche, il les aide à surmonter leurs problèmes. Par ailleurs, prendre soin des autres fait partie des attributions des professionnels de la gestion des ressources humaines (Kulik et al., 2009 : 695).

Le mode d’action des toxic handlers passe par plusieurs étapes. En effet, quand l’entreprise traverse une période difficile (en cas de crise par exemple), le employés peuvent également souffrir des impacts de ces bouleversements internes à l’entreprise (comme le stress subis par les instabilités d’emplois, l’insécurité de l’emploi, la forte pression émotionnelle sur les salariés pour différentes raisons). Pendant ces périodes, l’entreprise ne peut faire preuve de résilience ou de persistance et de persévérance à moins qu’elle ne compte en son sein des toxic handlers qui vont aider les autres ressources humaines à surmonter le coup (Koninckx et Teneau, 2010 : 126).

Les toxic handlers ont une forte capacité de persuasion. Ils vont alors influencer la vision de leurs collègues pour avoir une vision plus optimiste de la situation. Quand la vision change, il est évident que les comportements des individus changent également. Si l’établissement ou l’entreprise est donc en mesure de détecter les toxic handlers, alors ils sont en mesure de changer la vision de la situation par ceux-ci. Outre à cela, de par leur capacité de discernement, les toxic handlers sont également des personnes aptes à identifier les ressources rares. Ainsi, ils sélectionnent les personnes qui sont susceptibles d’adhérer à ses objectifs et qui, par conséquent, vont aussi influencer et aider leurs collègues. En même temps, dans la gestion des ressources humaines, les toxic handlers contribuent à la rétention des ressources rares de l’établissement. Le mode d’action du toxic handler peut donc être résumé comme suit : l’influence de la vision des employés vulnérables mais détenant des ressources requises par l’entreprise, afin de les amener à une vision plus optimiste ; puis, stimulation des personnes ainsi sensibilisée pour contribuer à la performance de l’organisation (Koninckx et Teneau, 2010 : 126 – 127).

Vu les tâches qui leur incombent, tous les employés n’ont pas les mêmes compétences émotionnelles pour faire face aux problèmes traversés par leurs collaborateurs. Pour accomplir cette tâche, il faut que le toxic handler ait une empathie qui leur permet d’écouter leurs collègues et pour identifier leurs réactions. Les toxic handlers ont la capacité d’évaluer les émotions négatives des employés et de connaître à quel moment celles-ci peuvent devenir toxiques. Ils peuvent trouver des situations ou éviter les situations susceptibles de transformer les émotions de leurs collègues en toxine pour l’organisation tout en protégeant leurs collègues. Leur démarche consiste soit à éviter qu’une situation stressante ne se produise, soit à empêcher que les messages toxiques ne viennent chez les employés et ne causent leur dépression ou leur démotivation (Kulik et al., 2009 : 696).

Ces aptitudes du toxic handlers proviennent du fait qu’ils sont aussi passés par des expériences négatives qui ont renforcé leur intelligence émotionnelle et leurs capacités à surmonter les problèmes et celui de leurs pairs. En général, les toxic handlers sont des personnes qui ont connu des épreuves difficiles dans leurs vies personnelle et professionnelle. Du fait qu’ils sont passés par là, ils sont plus à même de comprendre et d’avoir de la compassion pour les autres. Mais en même temps, ils ont aussi développé une bonne capacité à s’épanouir et ce, malgré les difficultés organisationnelles. En d’autres termes, les toxic handlers sont des personnes qui sont passés par des périodes de deuils personnels ou professionnels (Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2014 : 98).

  1. Les différents types des toxichandlers

Trois types de toxic handlers ont été distingués par Teneau :

  • les porteurs de confiance : Ils agissent au niveau des différentes facettes de la confiance : la confiance en soi, la confiance relationnelle, la confiance sociétale et la confiance de marché. Cette première catégorie aide donc les professionnels vulnérables à avoir plus de confiance en eux-mêmes, en l’organisation ou encore en leurs collègues de travail. Ce sentiment de confiance pourrait les aider à surmonter les problèmes.
  • les porteurs de souffrance : La souffrance au travail provient de la trop lourde charge de travail. La charge de travail englobe les demandes psychologique, mentale, émotionnelle, psychique du travail. La souffrance est également associée au stress du à la perception d’une trop grande différence entre les contraintes perçues venant de l’environnement de l’individu et des exigences requise à l’individu. Il faut une certaine adaptabilité pour pouvoir y faire face. D’autre part, il y a le traumatisme vicariant c’est-à-dire, les changements qui se produisent chez le travailleur ayant subi des traumatismes. Ceci va conduire par exemple au surmenage de l’individu. Lorsque toutes les ressources sont épuisées alors la fatigue devient chronique. Elle prend une dimension importante. C’est donc à tous ces phénomènes que luttent les toxic handlers porteurs de souffrance.
  • les porteurs de compassions : Les toxic handlers appartenant à cette catégorie développement la pleine conscience lui permettant de résoudre le problème d’autrui. Les porteurs de compassion regroupent dans la majorité des cas, les travailleurs sociaux et praticiens[30]. Les porteurs de compassions agissent au niveau de l’individu, du collectif et de l’organisation. Au niveau individuel, il repère les individus qui souffrent et cherche des solutions pour abolir les causes de la souffrance. Au niveau collectif, les porteurs de compassion lancent la discussion autour des difficultés traversées par le groupe de travailleurs. Il est un acteur essentiel dans la mise en place de démarches permettant d’aider le collectif dans ses problèmes. Au niveau organisationnel, ils mettent en place des structures telles que les cellules d’écoute pour aider les travailleurs qui souffrent. Dans certains cas, ils favorisent la réalisation de démarches RSE au sein de l’entreprise pour que celle-ci soit plus attentive aux perceptions et aux vécus des employés (Teneau et Dufour, 2013 : 82 – 83).
  1. Les actions des toxic handlers dans la prévention des RPS

Dans la prévention des RPS, les toxic handlers ont pour mission d’atténuer la souffrance des personnes qui souffrent au travail. Pour ce faire, les toxic handlers procède de différentes manières en fonction de la situation et de l’état de la personne à aider. Ils peuvent faire une écoute empathique, proposer des solutions aux problèmes, prévenir les souffrances, porter les besoins et les souffrances exprimés par les autres employés ou reformuler les messages délicats. L’écoute avec empathie suppose que le toxic handler écoute en prenant une position neutre. Il ne détient pas un statut particulier par rapport à l’individu qu’il écoute et qui lui permet d’apporter un jugement quelconque. La compassion et l’attention sont deux leviers de la réussite de l’écoute. Ainsi, le toxic handler ne va pas sanctionner ou apporter des jugements ou des propos désobligeants à l’encontre de son interlocuteur au risque de vexer celui-ci, mais va seulement l’aider à surmonter l’épreuve et à rétablir l’ordre (Koninckx et Teneau, 2010 : 172).

En ce qui concerne la proposition de solutions, les possibilités sont autant diverses que les situations qui peuvent se présentent. Après avoir écouté les raisons du désarroi de leurs collègues, les toxic handlers peuvent leur proposer des solutions. Ces dernières peuvent être très simples à réaliser. Il y a des conseils techniques par exemple qu’ils peuvent donner pour réduire le stress ou le temps perdu ou encore pour avancer un peu plus vite lorsque l’individu travaille, etc. Mais comme les souffrances ont leur origine, les toxic handlers peuvent directement agir au niveau de ces sources de souffrances. C’est ainsi qu’ils réorientent par exemple leurs collègues de travail à intégrer un autre service où la pression est moins forte (Koninckx et Teneau, 2010 : 172).

Les toxic handlers défait un lourd poids qui pèse sur les personnes fragiles et vulnérables. Il est évident qu’en s’exprimant ainsi, ces derniers sont déjà soulagés. Leurs angoisses s’en trouvent diminuées. Et comme les pratiques managériales ou les décisions prises par la Direction sont souvent source d’angoisse et de ressentiment de la part des salariés, les toxic handlers sont également considérés comme étant les employés les plus prédisposés à pouvoir communiquer à leurs pairs, les décisions graves sans susciter de vives réactions chez les employés (Koninckx et Teneau, 2010 : 172).

La tâche qui incombe aux toxic handlers est lourde dans la mesure où ils sont amenés à prendre en charge les souffrances et les ennuis, les soucis de leurs collaborateurs. Leurs activités les exposent en effet, aux risques psychosociaux caractérisés par la fatigue physique et émotionnelle. En voulant enlever les émotions toxiques chez leurs pairs, ils courent également le risque d’être exposés au même risque. En plus, ils peuvent présenter une fatigue émotionnelle et physique voire même, un burnout (Kulik et al., 2009 : 695 – 697).

Dans cette optique, ils mettent en place certaines stratégies pour éviter les risques.  Pour y parvenir, ils prennent une bonne distance par rapport à ces derniers pour qu’ils puissent mieux supporter le malheur des autres (Gandolfi, 2009 : 194). D’autre part, l’organisation fait en sorte que les toxic handlers détiennent les ressources nécessaires pour éviter leur fatigue émotionnelle (Kulik et al., 2009 : 708). En cas d’usure professionnelle causant de la fatigue physique, psychologique et professionnelle, les toxic handlers n’ont d’autres choix pour ne pas sombrer à leur tour dans la maladie, qu’en prenant leur distance par rapport à l’entreprise et par rapport aux dirigeants qui, parfois, peuvent profiter de leurs compétences pour asseoir leurs contrôles sur les autres professionnels. Or, ces faits favorisent les stress et la personne ne peut plus surmonter la situation même s’il s’agit d’un toxic handler (Koninckx et Teneau, 2010 : 173).

Les toxic handlers sont des personnes ressources importantes lors des crises rencontrées par les entreprises. Ils interviennent pour aider les personnes en souffrance au travail et jouent le rôle d’interface entre les dirigeants et les salariés. Ils peuvent agir par compassion mais dans d’autres cas, ils peuvent apporter de la confiance au travailleur ou encore absorber les souffrances endurées par les employés. Dotés d’intelligence émotionnelle, ils peuvent venir en aide à travers leur écoute et leur empathie à leurs pairs. Dans cette optique, notre deuxième hypothèse s’annonce comme suit :

 

H2 : La fonction RH participe à la prévention des RPS en valorisant la reconnaissance des toxic handlers qui, par leur intelligence émotionnelle savent transformer des émotions parasites en questionnements constructifs et apporter des solutions aux problèmes rencontrés.

 

  1. La notion de deuil
  2. Le concept du deuil professionnel

Les changements qui s’opèrent au niveau de l’environnement de travail conduisent les employés à adopter certaines stratégies comme le coping par exemple pour faire face aux situations difficiles. Dans d’autres cas, les employés ou l’individu en général,  lorsqu’ils se trouvent confrontés devant une situation désagréable mais sur laquelle, ils ne peuvent pas agir, alors ils peuvent se refouler et se plier à ce qui se passe. Certains autres entrent dans une période de deuil (Massoudi, 2009 : 34).

Le deuil a été longtemps associé à la perte d’un être chère, mais il a été constaté que tout processus de changement va entraîner un deuil dont le but est de surmonter la perte (Tableau 5). De plus, le deuil sera d’autant plus difficile que la perte subie est perçue comme étant importante ou moins importante selon l’individu. L’individu tisse en effet, des liens avec son environnement, son travail, son statut, si bien que la perte ou le changement de ceux-ci va être perçue comme étant une perte nécessitant un travail de deuil. Celui-ci va permettre à l’individu à renouer de nouveaux attachements avec une nouvelle situation (InterAFOCG, 2006 : 25).

Tableau 5 : Quelques manifestations du deuil (InterAFOCG, 2006 : 25)

Personnel Professionnel
–          Perte d’une personne

–          Perte d’un objet

–          Perte d’un « statut »

–          Changement de l’image de soi

–          Perte d’illusions, de croyances

–          Changement de travail, licenciement

–          Changement de poste, de fonction

–          Baisse de rendement

–          Départ en retraite

–          Perte d’un collègue

–          Changement de local, de bureau…

Ce tableau montre que le deuil professionnel se produit lorsqu’il y a un changement dans le domaine professionnel. Ces changements sont sources de stress, ce qui nécessite du temps pour l’individu afin qu’il puisse se réadapter. Les changements peuvent être dans certains cas positifs comme la promotion par exemple, ou la réorientation de l’individu vers un poste qui est plus valorisant, etc. Néanmoins, même si ces changements sont positifs, ils s’accompagnent toujours de stress, ce qui conduit au travail de deuil pour gérer le changement (Zablocki, 2009 : 167).

Le deuil professionnel est un travail d’adaptation à perte d’un travail[31]. Il peut être considéré comme étant « un processus psychologique interne pour faire face aux pertes de la vie : il est à accepter, à reconnaître, à « laisser faire » » (Chabert, 2005 : 102). La notion de deuil a en effet été associée à la perte d’un membre de la famille, d’un ami, d’un être cher. Rapporté au lieu de travail, le deuil se produit lorsque l’individu perd son emploi. Une vague d’émotions l’envahissent alors. Dans ce cadre, le deuil professionnel ne peut être séparé de l’analyse des émotions, ce qui conduit à la conception d’un modèle combinant à la fois les dimensions du deuil tel qu’elles ont été conçues par Kübler-Ross, et des dimensions de la perte d’emploi. Dans cette optique, il est nécessaire de prendre compte des facteurs qui intensifient ou atténuent les émotions. Ainsi, le modèle intègre des variables modératrices ou variables contextuelles et des variables de conséquences ou variables intrinsèques.

Les variables modératrices sont des variables qui peuvent intensifier ou au contraire, atténuer les émotions liées à la perte d’emploi. Parmi elles se trouvent par exemple, les sources de licenciement, la manière avec laquelle le licenciement s’était réalisé, le support à la disposition de l’individu licencié, la famille, les services de réaffectation, la crise, etc. Les variables de conséquence pour leur part, regroupent les dimensions relatives à l’individu telles que les perceptions de l’individu quant à la sécurité de son emploi, son engagement et les facteurs qui lui convainquent de rester fidèle à son entreprise, son identité, son prestige et son statut social[32]. Ces différentes dimensions sont représentées sur la figure suivante :

Figure 1 : Les dimensions du deuil et de la perte d’emploi (source : Joanette et Brunel, http://www.arianesud.com/content/download/2083/9462/file/JOANNETTE%20-%20BRUNEL%20deuil%20perte%20emploi%20cadre.pdf)

Cette figure montre les liens entre perte d’emploi, variables modératrices, variables de conséquence et le modèle de deuil de Kübler- Ross.

  1. La courbe de deuil

Kübler-Ross a développé la courbe de deuil montrant les différentes étapes par lesquelles, les individus passent en cas de perte d’un proche. La psychologue a déterminé les principales étapes suivantes : le déni, la colère, le marchandage, la dépression, l’acceptation et l’espoir. Ces différentes étapes sont indispensables puisqu’elles constituent des mécanismes de défense de l’individu. La durée de chaque étape peut durer en fonction de l’individu[33].

Figure 2 : La courbe de deuil conçu par Elisabeth Kubler Ross (source : http://coachingetcarriere.com/wp-content/uploads/La-courbe-du-deuil-E-Kubler-Ross.pdf)

D’après cette figure, le deuil commence après l’annonce de la perte. A ce moment, l’individu entre dans un état de choc et de sidération. Il va passer alors par le déni, la colère, la peur et la dépression. Il va sombrer par la suite dans une période de tristesse. Puis après, il va accepter la situation. Il va adopter par la suite une attitude de pardon. Ensuite, il va chercher le sens et du renouveau qui va le conduire vers la sérénité et la paix avec lui-même.

Le deuil suppose que l’individu développe des stratégies qui lui permettent de faire face au choc provoqué par la perte de l’emploi ou d’une connaissance. Dans le domaine du travail, le deuil professionnel se produit aussi quand l’individu a été licencié de son travail et qu’il cherche un moyen pour pallier à cela. En fonction des caractères de l’individu qui le vit, le deuil peut avoir différentes manifestations chez les personnes. Ainsi, même si l’auteure a mentionné la présence de ces différentes étapes dans un ordre précis, il y a des nuances. Les personnes qui font leur deuil ne passent pas toujours par toutes les étapes présentées sur le schéma. De même, les professionnels ne doivent pas vivre toutes les étapes citées sur ce schéma[34]. Mais comme nous pouvons le constater sur la figure précédente, le deuil généralement passe par plusieurs étapes que nous allons reprendre un à un.

  • La sidération : C’est la première phase qui fait suite à l’annonce de la perte. Cela conduit à un état de choc pouvant provoquer selon l’individu, un malaise voire même, des maladies. Cette première phase peut durer plusieurs jours.
  • Le déni : C’est une étape marquée par le fait que l’individu n’accepte pas la situation. Dans la plupart des cas, les individus ne réalisent pas ce qu’il leur arrive. Ils nient farouchement ou au contraire, se montrent silencieux tout à coup et évite d’aborder le sujet. Le déni demande beaucoup plus de temps. Il peut s’étaler sur plusieurs mois et s’accompagne souvent de trouble du comportement alimentaire et du sommeil.
  • La colère : Pendant cette phase, l’individu est en colère, il peut même éprouver de la rage à l’idée de ne pas avoir pu changer la situation. Cette colère est souvent manifestée auprès de l’environnement. Les proches subissent alors la colère de la personne en deuil.
  • Le marchandage : Cette période est marquée par la culpabilité de la personne sur les raisons ayant conduit à la situation de perte. Il souhaite désespérément inverser la situation. Mais comme ils ne peuvent pas faire cela, ils s’investissent dans d’autres choses pour oublier. Ainsi, certaines personnes s’investissent trop dans leur travail ou leurs activités. D’autres fuient en faisant des voyages, sans qu’ils ne parviennent à oublier.
  • La tristesse : C’est une période marquée par la dépression, le repli sur soi, les troubles de comportement. Durant cette période, l’individu a le sentiment que sa douleur s’intensifie. Cette impression est renforcée par la honte et la culpabilité. Durant cette période, l’individu à l’impression qu’il n’y a plus rien excepté la douleur. En fonction du profil de l’individu, la tristesse peut s’étaler sur plusieurs mois voire même plusieurs années.
  • L’acceptation : C’est la période pendant laquelle, l’individu parvient à oublier, à penser et à passer à autre chose. Il commence à s’intéresser à sa vie et à vouloir continuer de vivre. Il perçoit alors ce qu’il a perdu comme quelque chose qu’il a intériorisé et fait désormais partie de lui (Chabert, 2005 : 99 – 101).
  1. L’accompagnement au deuil

Comme il est source de stress et de sentiment de perte, le changement est une étape que l’individu cherche à éviter. Et pourtant, la société actuelle tend à favoriser les changements : changements de mode de vie, changements au niveau du style managérial et de leadership, changements de mode de communication, changement de travail et mobilités, changements de procédures, changements de besoins des usagers et des consommateurs, changements des méthodes de contrôles, etc. Afin de pouvoir répondre aux exigences des usagers, les organisations se trouvent dans l’obligation d’adapter leurs services et leurs procédures. Les changements sont observés au niveau de l’organisation du travail. Les entreprises sont donc à l’affût d’employés qui sachent s’adapter rapidement à ces évolutions dans la sphère professionnelle. Or, cela est source de stress et de désorientation chez les employés. Dans ce cadre, les toxic handlers jouent un rôle pour aider leurs pairs à faire face à ces changements. Ces ressources favorisent la résilience organisationnelle. De par leur capacité d’écoute et leur empathie, ces personnes sont aptes à accompagner leurs pairs pour faire leurs deuils. Ils les rassurent sur le fait que cette situation ne constitue pas une fin en soi et pourrait même devenir une voie pour améliorer sa situation professionnelle[35].

La fonction d’accompagnement au deuil incombe à des professionnels qui détiennent certaines compétences et présentant une posture leur permettant d’accompagner la personne en deuil (Paul, 2016 : 74). Plusieurs postures sont requises en effet pour qu’une personne puisse devenir accompagnateur. Il doit adopter une posture de non – savoir c’est-à-dire qu’il ne se sent pas tout-puissant devant l’autre et qu’il ne fasse pas de discours de domination par rapport à l’autre à accompagner. Il se positionne pour favoriser le dialogue avec l’accompagné, ce qui renvoie une fois de plus à une relation d’égal à égal. L’accompagnateur adopte par ailleurs une posture d’écoute, et une posture tierce. Dans cette optique, l’accompagnateur n’appartient pas ou n’influence pas les comportements de l’accompagné de manière à adopter la vision de telle ou telle personne, mais d’agir librement, en fonction de ce qu’il cherche. Il adopte enfin, une posture émancipatrice supposant qu’il favorise l’autonomie et la liberté de l’accompagné (Paul, 2016 : 93-95).

L’accompagnement au deuil correspond à un accompagnement émotionnel au changement. Cela consiste principalement à écouter l’individu endeuillé. Dans ce cadre, les pairs qui ont subi des pertes similaires dans le cadre du changement peuvent écouter l’individu et lui donner des conseils pour qu’il se remette de la situation. Dans ce processus, les personnes qui viennent en aide à la personne endeuillée cherchent à transmettre à celle-ci leurs émotions positives pour contrer l’émotion négative de l’employé en situation de crise (Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2014 : 88).

Le toxic handler présente une intelligence émotionnelle qui lui permet d’accompagner son collègue de travail à faire son deuil quand celui-ci est en état de choc. Non seulement, ils sont aptes à encourager les salariés en deuil, mais en même temps, ils contribuent aussi à la restructuration du service. Ils aident aussi bien les employés que les dirigeants des entreprises à surmonter l’épreuve difficile du changement (Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2014 : 98).

Dans le domaine du social et médicosocial, les deuils sont fréquents chez les travailleurs. Ces derniers doivent en effet subir de nombreux changements, mais il n’est pas rare qu’ils subissent aussi la perte des personnes qu’ils prennent en charge. A cela s’ajoute, la souffrance de ces derniers, obligeant ainsi les professionnels sociaux et médicosociaux à les accompagner et à s’investir pour les aider à surmonter la rude épreuve. Et pourtant, force est de constater que devant la perte de ces usagers ou de leurs souffrance, les professionnels se sentent également en désarroi. Ils connaissent leurs limites et ne trouvent pas souvent les mots ni les gestes qui pourraient aider les autres à surmonter la situation (Mohaër, 2009 : 101).

L’identification de personnes susceptibles d’accompagner l’individu qui subit la perte est une des démarches d’accompagnement au deuil. Mais d’autres conditions sont également requises. D’autres critères ont été identifiés : la gestion du temps nécessaire pour que l’individu fasse son deuil (déprogrammation) et accepte le changement (reprogrammation). Le temps est nécessaire pour atténuer la résistance au changement que peut éprouver l’individu. Cela passe par trois étapes distinctes : l’instant de voir, le temps de compréhension et enfin, le moment de conclure. Ces trois étapes correspondent à la période où l’individu est en état d’alerte et cherche à répondre au changement, puis prend du temps pour comprendre les choses et accepte le changement (Lebailly et Simon, 2007 : 71-74).

Le changement organisationnel s’accompagne d’une impression de perte de la part des salariés. Et la perte requiert une période de deuil pour que l’individu puisse se remettre de cette perte du point de vue professionnelle. Mais le deuil professionnel est un  processus complexe qui peut prendre plusieurs mois à se mettre en place avant que l’individu n’accepte la situation et s’intéresse même à autre chose que ce qu’il a perdu. Dans ce périple, il a besoin d’être accompagné. L’accompagnement requiert l’intervention d’une personne dotée d’une capacité émotionnelle. Dans ce cadre, notre troisième hypothèse s’annonce comme suit :

 

H3 : La fonction RH participe à la prévention des RPS en organisant un accompagnement structuré par des personnes dotées de compétences psychologiques afin de relater le déroulement et permettre l’accompagnement au deuil.

Partie 2. Partie empirique et préconisations

  1. Méthodologie
  2. L’entretien semi-directif
  3. Principes de l’entretien semi-directif

L’entretien semi-directif est une méthode qualitative qui permet donc de comprendre une situation, un évènement, un fait, etc. C’est une approche dont le but est d’apporter des explications, de faire des interprétations, de connaître un phénomène. L’entretien semi-directif est réalisé à travers une entrevue, une conversation entre le chercheur (celui qui pose les questions) et la personne ressource (celui qui répond). Cette démarche consiste à faire une co-construction de sens au fait observé et/ou étudié (Imbert, 2010 : 24).

En général, l’entretien semi-directif se passe entre deux personnes. La réussite de l’entrevue nécessite le respect de certaines conditions telles que l’écoute, l’empathie, le partage de connaissance et la reconnaissance des domaines de prédilection des deux parties qui interagissent. D’une part, le chercheur a ses compétences, ce qui lui permet de comprendre et d’écouter son interlocuteur. D’autre part, la personne ressource dispose aussi de nombreux savoirs que son interlocuteur cherche à recueillir. Elle détient de nombreuses informations concernant un domaine précis, ce qui fait d’elle la personne ressource (Imbert, 2010 : 25).

L’entretien semi-directif requiert entre autres, l’existence d’une juste distance entre le chercheur et la personne ressource. La discussion se fait dans le respect de l’éthique ce qui suppose le respect de son interlocuteur, la demande d’audience, le respect de l’anonymat si son interlocuteur le demande, etc. Pour que la personne ressource puisse s’exprimer librement, la confiance entre les deux personnes est requise. Il faut que les deux parties soient à l’aise pour écouter et pour parler. C’est cette condition qui déterminer la fiabilité des données collectées lors de l’entrevue (Imbert, 2010 : 25).

Contrairement à ce qui se passe dans le cadre d’un questionnaire, l’entretien semi-directif se fait en posant des questions ouvertes. Toutefois, il est également possible que le chercheur pose des questions dont la réponse est déjà connue (Imbert, 2010 : 26). Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est indispensable que le chercheur fasse une petite introduction concernant son étude et les objectifs qu’il poursuit. Par la suite, il aborde les différentes thématiques et sous-thèmes dans les questions ouvertes. Toutes les questions posées cherchent alors à comprendre ou à acquérir une connaissance précise[36].

  1. Avantages de l’entretien semi-directif et justification du choix

L’entretien semi-directif est une méthode qualitative qui permet à la personne interviewée, de s’exprimer librement sur un thème précis. Dans cette optique, il peut répondre à son aise, selon son point de vue en ajoutant à ses propos les détails qui lui semblent pertinents pour répondre à la question posée. C’est une méthode adaptée lorsqu’il s’agit d’étudier un phénomène ou une situation  complexe[37]. L’entretien semi-directif est une approche qui permet à l’interviewer de collecter des informations qualitatives de bonne qualité. Il s’agit d’informations de bonne qualité parce que ce sont des données concernant les thèmes d’études et répondant aux objectifs fixés par le chercheur. Les relances faites durant la discussion permettent à l’interviewer en effet, d’éviter les hors sujets (Imbert, 2010 : 24).

L’entretien semi-directif est une approche simple à conduire et ne nécessite pas beaucoup de budget. Sa réalisation requiert un nombre restreint de personnes. Il permet donc une plus grande aisance par rapport à l’entretien dirigé, et plus de précisions sur les informations collectées par rapport à l’entretien libre. C’est une démarche pertinente pour comprendre et décrire les processus psychologiques. Avec cette méthode, le chercheur collecte les données directement à partir de la personne ressources. Il peut collecter différents types d’informations notamment : les connaissances, les opinions, les réactions de l’interviewé face à un fait. Par ailleurs, c’est aussi une démarche qui permet de faire une analyse en profondeur des motivations ou des raisons qui poussent l’individu à avoir telle ou telle vision de la chose[38].

Notre étude a pour objectif de comprendre les différentes approches que la DRH pourrait mettre en place pour prévenir les RPS chez les personnes impliquées normativement et qui sont insatisfaits professionnellement. Dans cette optique, nous ne cherchons pas à quantifier les impacts des mesures prises par la DRH, mais bien de comprendre les enjeux liés à la prévention des RPS afin de déterminer les démarches à suivre pour le prévenir. Dans ce cadre, le choix de la méthode par entretien semi-directif nous semble pertinent pour expliquer les enjeux et déterminer les alternatives chez une population composée par les professionnels du secteur social et médicosocial.

  1. La mise en œuvre de l’entretien semi-directif
  2. Présentation de l’échantillon étudié

L’échantillon étudié provient tous du secteur médicosocial alors il nous semble utile de parler ici des caractéristiques de ce secteur d’activité. Le secteur social et médicosocial regroupe différentes activités de services dédiés à des personnes d’âge différents et présentant diverses difficultés. Les établissements dans le domaine du social et médicosocial offrent des prises en charge aux usagers, en fonction de leurs besoins. Les établissements sociaux et médicosociaux peuvent relever du domaine public ou privé. Le financement des activités de ces établissements est obtenu à partir de l’assurance maladie, des collectivités territoriales dont les départements et les communes, de l’Etat et des caisses d’allocations familiales.

Ces dernières années, les besoins en services provenant du secteur social et médicosocial tendent à s’accroître à cause du vieillissement de la population, de l’intensification de l’exclusion sociale, la stagnation du chômage. Ainsi, le secteur est en forte demande de capital humain pour fournir les services auprès des usagers. A cela s’ajoute la précarité de certains travailleurs, la souffrance psychique due à l’intensification des exigences des employeurs et des consommateurs, l’augmentation des demandes de logement, la force numérique des travailleurs pauvres ou en souffrance. Désormais, les travailleurs sociaux et médicosociaux sont invités à intervenir aussi auprès des personnes âgées et des handicapés.

Par conséquent, les travailleurs sociaux doivent faire preuve d’une grande adaptabilité au changement de contexte et à la diversification des pratiques professionnelles. Ils n’interviennent plus uniquement au niveau de l’individu, mais aussi au niveau de la collectivité notamment, au niveau des quartiers, des communes, etc. Ils entrent désormais dans les affaires des entreprises pour les encourager à revoir leurs stratégies d’insertion professionnelle pour les personnes qui sont défavorisées. Mais dans leurs démarches, ils doivent faire face au changement de statut des usagers qui prennent part à tous les projets et les prises de décision.

Les travailleurs dans le secteur social et médicosocial doivent donc avoir une bonne capacité d’écoute, de la disponibilité pour aider les autres, l’autonomie, l’investissement personnel, la capacité et le goût pour entrer en contact avec les usagers, la capacité d’adaptation de prise d’initiatives, le déplacement et la disposition de moyens de déplacements, la capacité à travailler à des horaires flexibles. Les travaux réalisés par ces travailleurs sont rapportés comme étant pénibles[39].

Les travailleurs qui offrent des services d’aide à la personne se positionnent en tant qu’accompagnateurs des personnes qu’ils prennent en charge. L’accompagnement suppose une écoute attentive et une forte capacité d’observation. Cela nécessite entre autres, des échanges, des interactions avec les usagers et leurs aidants naturels, leur respect et l’attention qui se manifeste à travers le déploiement des moyens et des ressources autour de l’usager (Mohaër, 2009 : 100).

Nous avons mené notre étude auprès de cinq répondants qui travaillent tous dans le domaine médicosocial. L’échantillon est composé de trois femmes et de deux hommes dont l’âge varie entre 28  et plus de 60 ans. Les personnes interrogées ont une ancienneté d’au moins sept ans, ce qui leur donne assez de recul en ce qui concerne leurs travaux et les risques qui sont liés à l’accomplissement de ceux-ci. Par conséquent, ces répondants sont les plus à même de répondre à nos questions. Leurs profils et leurs parcours professionnels sont présentés sur le tableau qui suit.

Tableau 6 : Profil des répondants

Sexe Age Profession Parcours professionnel
1 Féminin Plus de 60 ans Retraitée depuis un an d’une grande association d’aide à domicile, consultante dans le secteur privé sur les RPS Elle a débuté en tant qu’infirmière pour devenir une directrice du pôle médicosocial dans un établissement d’aide à domicile, comptant 110 salariés répartis dans 9 services différents. Elle a occupé ce poste pendant 15 ans.
2 Masculin 43 ans Educateur spécialisé Parcours initial en informatique électronique. En parallèle, il est animateur de centres de vacance pour les adolescents. Cela va lui donner l’envie  et la vocation de travailler en tant qu’éducateur spécialisé.

Actuellement, il est éducateur spécialisé dans un établissement social et dans un établissement médicosocial dans le secteur privé depuis 10 ans. Il a effectué son premier emploi dans le secteur hospitalier en province. Pour des raisons familiales, il a décidé de s’installer et de travailler en Ile-de-France. C’est son déménagement qui lui a conduit à quitter son poste.

3 Féminin 28 ans Fonctionnaire à l’hôpital de Sèvre depuis 2012, employée en tant qu’auxiliaire Elle a fait un double cursus en tant qu’auxiliaire de puériculture et aide-soignante.

Elle travaille dans un service de maternité composé de 30 sages-femmes, 30 auxiliaires, 10 aides-soignantes et 1 cadre supérieur et un chef de service. Le cadre supérieur s’occupe de 28 auxiliaires et de 10 aides-soignantes.

4 Femme 28 ans Chef de service, cadre dans une association dans le secteur social et médicosocial depuis 2010. Elle a fait toute sa carrière dans le social. Il n’existe pas de service RH à proprement parler, mais une gestion administrative du personnel au siège.

L’association pour laquelle elle travaille compte plusieurs petites structures comptant en moyenne entre 11 et 18 salariés. Ces structures sont réparties dans toute l’Ile-de-France. un directeur d’établissement gère le personnel pour les structures.

Elle se trouve dans une structure dans le 91 et travaille avec des jeunes mineurs et majeurs pris en charge par l’aide social à l’enfance qui sont soit hébergés en foyer, soit hébergés et mis en situation d’autonomie dans des appartements d’un à trois pièces.

5 Masculin 50 ans Infirmier diplômé d’Etat depuis 2005, dans le service public dans un CHS hôpital psychiatrique en Savoie Il a travaillé pendant presque 20 ans dans deux entreprises privées dans le domaine de la communication avant de reprendre ses études en tant qu’infirmier.

A changé d’orientation professionnelle après une grande remise en question. Il voulait se rapprocher de l’humain, se sentir utile et être en contact avec les gens.

Il a décidé de passer le concours d’infirmier pendant trois ans. Un stage en psychiatrie lui a donné l’envie d’aller plus loin dans ce domaine. Il a alors souhaité travailler dans ce domaine à sa sortie d’étude.

 

  1. Conduite de l’entretien semi-directif

L’entretien semi-directif a commencé par la prise de contact auprès des cinq personnes ressources. Cette première approche permet de demander leur consentement et de mettre déjà la discussion dans son contexte, à travers la présentation de nos missions et le cadre du projet. Une fois les conditions de réalisation des entretiens déterminés, nous avons pu faire les entrevues.

Dans le cadre de notre étude, nous avons amené les répondants à faire un récit de leur parcours professionnels et de mentionner les caractéristiques liés à leurs métiers principalement, les difficultés rencontrées par les personnels, les possibles structures mises en place par leurs établissements pour pallier à ces inconvénients et enfin, les possibles préconisations pour améliorer les conditions de travail des salariés dans le domaine médicosocial.

  1. Résultats et discussion
  2. Analyse de la perception des RPS et évaluation de l’insatisfaction professionnelle chez les répondants

Avant de parler de la perception des RPS dans le domaine médicosocial  à travers les propos des répondants, nous allons d’abord déterminer les raisons qui les a motivés à entrer dans ce domaine. Cela pourrait en effet, montrer partiellement l’implication normative des répondants.

Tableau 7 : Principales motivations des salariés à travailler dans le domaine médicosocial

Répondants Motivations
1. consultante sur les RPS Elle a toujours voulu travailler pour aider les autres. Ses parents étaient également dans le médical, donc il était logique qu’elle soit dans le médical. Elle a intégré la profession pour le respect des valeurs familiales.
2. éducateur spécialisé C’est grâce à son premier métier d’animateur des centres de vacances qu’il a eu l’envie et la vocation de travailler dans le domaine médicosocial en tant qu’éducateur spécialisé. Ce sont des raisons familiales qui l’ont conduit à travailler en Ile-de-France.

Il se perçoit comme étant une personne très impliquée dans son travail. Il s’inscrit à vie dans l’emploi dans lequel, il postule. Il a choisi ce métier par vocation.

3. auxiliaire de puériculture Elle a choisi ce métier car elle voulait travailler en contact des personnes. Elle veut aider les gens et être dans le soin.
4. chef de service et cadre dans une association dans le secteur social et médicosocial Elle a une personnalité très orientée vers l’humain. Elle est sensible à l’injustice et présente une forte empathie. De ce fait, il était essentiel pour elle de faire un travail qu’elle considère comme étant utile et intelligent. Elle affirme elle-même dans ses propos la nécessité pour elle que son travail ait un sens et soit en adéquation avec ses principes et valeurs : « Vu que plus d’un tiers de notre vie est utilisé pour travailler, donc c’est essentiel de faire un travail cohérent avec ses valeurs ».

Elle se questionne sur l’éthique de son travail. Cet aspect est très important pour elle. Elle est une personne engagée dans le travail. Elle est très motivée, mais elle est également frustrée dans son travail à cause des problèmes qu’elle rencontre dans la gestion des ressources humaines.

Aujourd’hui, elle est consciente que son travail lui prend plus d’énergie que ce qu’il lui rapporte. Néanmoins, elle pense que son travail est utile, éthique et intelligent. Il est donc cohérent avec sa personnalité. En ce qui concerne la perception qu’elle a de son travail, elle pense qu’elle accomplit bien son travail globalement.

5. infirmier diplômé d’Etat Il travaille dans le domaine médicosocial parce qu’après mûre réflexion, il a su qu’il voulait se rapprocher de l’humain. Il voulait se sentir utile et être en contact avec les gens. C’est la raison qui l’a poussé à faire des études d’infirmier pendant trois ans. Mais ce fût son stage en psychiatrie qui lui a donné l’envie d’aller plus loin dans ce domaine et à travailler dans ce domaine après ses études. Il est passionné de son travail et le vit pleinement.

Les travailleurs médicosociaux qui ont répondu à nos questions sont toutes très motivées, très engagées et très impliquées dans leur travail. La principale motivation pour la majorité d’entre eux est le contact avec les gens. Ce sont en général, des personnes qui sont très attachées à des valeurs morales et des principes qu’ils ont déjà acquis à une époque antérieure. De ce fait, ils recherchent tous à faire en sorte que ces valeurs soient appliquées à travers leurs métiers. Et c’est le métier de service à la personne qu’ils jugent le plus adapté à cela.

Mais nous voyons d’autre part, que ces personnes endossent aussi de lourdes charges de travail tant du point de vue physique que du point de vue émotionnel. C’est surtout la répondante n°4, la cadre qui est la plus consciente du déséquilibre entre les ressources dont elle dispose et les ressources réellement acquise par elle à travers son travail. Il semblerait alors, qu’elle soit déjà entrée dans un contexte où les charges de travail, l’implication normative pourrait la pousser à se surinvestir. Cela pourrait l’exposer à des RPS. Nous avons déterminé l’implication normative des répondants, et aussi leur motivation au travail. Mais nous ne savons pas ce qui se passe du côté des employés dans leurs services. Ainsi, nous allons maintenant analyser les différentes contraintes liées au métier de chaque répondant et recueillir par la suite leurs propos concernant ces contraintes et leurs possibles impacts sur l’état de santé des salariés notamment, les RPS.

Tableau 8 : Les contraintes liées aux métiers dans le domaine social et médicosocial et leurs impacts sur l’état de santé des salariés

Répondants Contraintes liées au métier Impacts sur l’état de santé des employés
1. consultante sur les RPS – Le personnel d’aide à domicile (aides ménagères) n’était pas formé pour faire face, seul, à des personnes malades, ayant des pathologies importantes.

– Il n’y avait que peu de budget alloué aux aides ménagères contrairement aux personnels de soins

– Tous les problèmes remontaient jusqu’à la Direction d’établissement car, la direction était proche du terrain et de tous les services, mais la Direction Générale reste très éloignée.

– Une des difficultés majeures pour la Direction est de trouver l’équilibre entre la rentabilité de l’association et le fait d’être dans un service à la personne et de prendre soin du personnel. Le financement est réalisé par le Conseil Général sur l’aide à domicile. Les personnes malades bénéficient de l’APA correspondant à un certain nombre d’heures (faible budget), tandis que pour les services de soins, c’est un budget global.

– Problème régulier de violence des malades sur le personnel. Un problème difficile à résoudre.

– Avec le développement important de l’association, la direction s’est éloignée peu à peu des salariés et le côté humain a été négligé surtout, sur le personnel cadre.

– Pression très importante sur les cadres intermédiaires qui se répercute sur le personnel d’intervention. Les cadres intermédiaires est le personnel le plus malmené dans l’entreprise, donc, c’est le personnel qui souffre le plus. Ils ne se mettent pas beaucoup en arrêt maladie car ils ont conscience du service rendu et ne souhaitent pas faire supporter leurs absences aux personnels d’intervention et aux malades. Outre à cela, il n’y a pas de groupe d’analyse de pratiques pour les cadres.

– Or, les cadres forment, gèrent les réunions, les plannings, les problèmes, coordonnent le personnel. Ils doivent faire face à la violence des familles et des patients. Peu de turnover est observé, mais le personnel d’intervention subit des maltraitances.

– A son arrivée dans le service, il y avait beaucoup d’arrêts maladies, beaucoup de remplacements, beaucoup d’épuisement des équipes.

– Sentiment d’être isolés par la Direction générale

– Accidents de travail car il s’agit d’un service à domicile. Les accidents sont dus aux risques routiers.

– troubles musculosquelettiques

– stress causés par les violences verbales ou physiques venant des patients et de leurs familles, ou par le sentiment de ne pas être écoutés

– souffrance des cadres. Leur implication normative les pousse à s’impliquer toujours malgré les charges de travail et la souffrance associée à cela

2. éducateur spécialisé – confrontation à un public difficile : personnes déficientes et atteintes de troubles de personnalité et du comportement.

– Il doit s’armer de patience avec ce public. Il doit faire preuve de dévouement, faire les choses à leur place quand c’était difficile.

– L’équipe est stable. Il n’y a pas de turnover. Les salariés se plaisent. La cohésion et la solidarité sont observées au sein de l’équipe, mais celle-ci est fragile.

– La charge de travail est lourde psychiquement. Le personnel n’a pas de moyens pour décompresser et de ne pas porter une lourde responsabilité tout seul.

– C’est un travail qui demande de l’engagement total et de la motivation qui dure dans le temps car, l’individu va passer par des moments difficiles où il est amené à trouver des solutions.

– La population accueillie est de plus en plus jeune avec des problèmes psychiatriques qui poussent les professionnels à sortir de leurs champs d’action. Or, en étant seuls, c’est difficile d’accomplir cette mission.

– violence des patients envers les personnels

– Quel que soit le milieu où le travailleur exerce, le temps de pause et le temps de recul sont nécessaires pour réfléchir et voir ce qui se passe. Or, dans le quotidien, les personnels avancent sans pouvoir mettre du sens.

– Fréquents déplacements dans tout Paris. Parfois, le personnel se déplace pour rien car la personne visitée n’est pas présente.

– C’est un travail très solitaire. Il ne peut donc se faire à moins d’avoir un bagage antérieur.

– isolement du personnel dans ses missions

– fatigue physique et psychologique à cause des charges de travail

– incapacité à donner du sens à son travail

3. auxiliaire de puériculture – Pas suffisamment de temps pour faire correctement son travail

– L’organisation est difficile car c’est un travail spontané. Les accouchements ne se prévoient pas. Mais les déclenchements sont détectés plus tôt. Il est donc impossible de prévoir le nombre d’accouchements par jour.

– Alors que le protocole prévoit qu’un accouchement doit se faire en présence d’une sage-femme et d’une auxiliaire, certains se font avec une sage-femme seulement à cause du manque de personnel. Les procédures ne sont pas suivies.

– Les difficultés sont exposées à la Direction, mais les réponses obtenues ne sont pas concrètes. Certaines solutions sont trouvées par les salariés eux-mêmes.

– De juin jusqu’en août, il y a de nombreux accouchements. Or, cette période correspond au congé des salariés. Par conséquent, il n’y a pas assez de moyens humains pour renforcer les équipes. Les renforts d’été ne sont pas possibles car les quotas sont déjà atteints.

– Les maternités se font actuellement sans infirmière. Par conséquent, les auxiliaires ont un double travail. La même contrainte est subie par les sages-femmes. Il y a excès au niveau des missions accomplies si bien que les personnels peuvent faire des erreurs.

– Les auxiliaires font souvent la réanimation des nouveaux nés alors que c’est le travail du pédiatre.

– Pas de réunions institutionnelles qui permettraient d’exposer les problèmes.

– Conflits entre auxiliaires, sages-femmes et cadre supérieur

– Le syndicat n’est pas en mesure de trouver des solutions aux problèmes rencontrés.

– Pas d’espace pour parler sauf, un weekend organisé par le personnel. Mais cela ne s’est produit qu’une fois.

– Violence de la part des patients ou de leurs familles en cas de décès pendant l’accouchement.

– épuisement des équipes qui causent des conflits entre les salariés

– beaucoup d’arrêts maladie. Or, pendant les arrêts maladie, le personnel présent doit remplacer les absents. Par conséquent, les personnels sont souvent rappelés sur leur repos pour le remplacement. Ce n’est pas payé en heures supplémentaire, mais en heures d’avance.

– sentiment de ne pas être écoutés

– sentiment d’être abandonné à leurs problèmes

– Les fausses couches et les morts nés sont des situations qui stressent le personnel. Les plus anciennes ont plus du mal à déconnecter et veulent comprendre pourquoi et comment.

4. chef de service – Relation de travail difficile avec la hiérarchie

– Pas beaucoup de retours positifs. La direction ne comprend pas qu’il y a une différence entre le prescrit et le réel.

– Pas assez valorisé par la hiérarchie, donc, elle doute d’elle-même.

– Pas assez soutenue par la Direction. Le contrôle est important sur les tâches effectuées et elle doit justifier en permanence le choix pris. La confiance est difficile.

– Des reproches d’ordre personnels sont faites. Il y a donc des tensions dans les relations entre les collègues de travail. Les décisions qu’elle prend sont souvent critiquées et elle se trouve seule face à des situations humaines à gérer. Par conséquent, il n’ya pas de solutions uniques.

– La charge émotionnelle est très importante. Dans le travail, il y a beaucoup d’émotions.

– Violence de la part des usagers à gérer. La pression est très importante dans le travail et les travailleurs se trouvent souvent seuls face à des situations complexes. Or, les décisions prises sont souvent critiquées.

– La discussion avec les collègues sur les problèmes rencontrés est indispensable. Mais les équipes sont trop petites et le poste est unique dans chaque établissement. Les autres établissements sont éloignés. Même si les problèmes rencontrés présentent des similarités, les personnes qui font le même métier n’échangent pas sur leurs pratiques. Elles ne se rencontrent jamais. Donc, le personnel doit faire face à la solitude importante sur les problèmes rencontrés.

– Il y a une solidarité entre les collègues de l’établissement, mais il s’agit de petites équipes donc chacun a beaucoup de travail. Les salariés sont très engagés si bien qu’ils n’osent pas se mettre en arrêt maladie pour ne pas faire supporter leurs charges de travail aux autres.

– Petit temps formel d’une heure par semaine pour échanger avec les collègues sur les problèmes rencontrés en présence de la Direction.

– Pas de proposition de rupture conventionnelle donc, le travailleur doit donner sa démission s’il souhaite partir. Par ailleurs, il y a très peu d’évolution. La seule solution s’il souhaite changer c’est donc de démissionner.

– fatigue psychique

– isolement

– métier qui prend beaucoup d’énergie, ce qui est très usant. La tension interne avec la Direction et le travail deviennent encore plus usants lorsqu’il n’y a plus de confiance.

– Elle se sent infantilisée par la Direction et super contrôlée.

– Elle souhaiterait changer de travail. Elle arrive à bout de souffle, épuisée et démotivée. Elle souhaite avoir un peu plus de distance avec le terrain. Elle se donne beaucoup dans le travail. Maintenant, elle cherche un autre emploi du fait qu’elle ne se sent pas suffisamment valorisée.

5. infirmier diplômé d’Etat – Horaires décalées. Mais cela est plaisant.

– La rencontre avec la maladie mentale et les patients peut être difficile car il n’est pas suffisamment formé sur la question. Il faut donc savoir ses propres limites et connaître celles des autres pour savoir quelles sont les personnes à actionner dans des situations qu’il est incapable de gérer humainement ou professionnellement.

– Difficultés réelles en termes de moyens humains et financiers. Cela se ressent en termes de personnels : fermeture d’une unité de 26 lits. Les patients sont réorientés mais pas toujours dans le bon secteur. Le service est surchargé.

– Difficulté d’accueil. Cela n’est pas toujours possible car il n’y a pas toujours de places. Le service ne peut donc pas forcément répondre aux besoins des patients. Pour le personnel, cette situation est injuste.

– La réduction de l’effectif de service ne permet pas l’organisation d’activités pour les patients et leur permettre d’aller mieux, pour les amener à recréer une vie sociale.

– La réinsertion du patient fait partie de la qualité des soins, mais cela n’est plus possible à cause du manque de personnels. Le traitement médicamenteux ne peut pas suffire à lui seul. Le projet de soins sur la partie réinsertion permet de stabiliser la situation du patient, de l’accompagner dans une revalorisation de soi, dans la reprise d’une vie normale. C’est un temps nécessaire pour soigner les patients mais ce temps est de plus en plus difficile à prendre voire n’est plus possible de prendre. C’est très frustrant et difficile à vivre pour le personnel soignant.

– Il est demandé au salarié d’être plus vigilant.

– Parfois, le travailleur part au plus pressé et n’a pas le temps de faire correctement son travail.

– Le métier consiste à observer, écouter, rendre compte, faire le lien avec le médecin, et ces temps sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre. Le travail est moins qualitatif, si bien que les patients reviennent plus souvent. Ils ne se stabilisent pas dans leurs pathologies.

– La cadre de santé qui manage l’équipe du service est une ancienne infirmière qui connait parfaitement le métier. Elle a passé la formation de cadre de santé. Mais elle subit la pression de la Direction concernant l’aspect budgétaire. Elle doit également faire face à une équipe professionnelle qui est en souffrance…. Elle est également en très grande souffrance parce qu’elle n’est pas entendue. Elle se retrouve entre le marteau et l’enclume.

– L’encadrement souffre également du manque de personnel puisque lorsque certains cadres sont en arrêt maladie, les collègues cadres reprennent les fonctions des absents.

– Le métier demande un investissement à 200% mais le résultat est décevant et culpabilisant.

– Pression constante exercée sur les équipes.

– Les solutions trouvées sont uniquement des solutions d’organisations. L’ensemble de l’équipe est très solidaire, n’attendant pas l’aval du cadre. Chacun pallie aux absences des autres, modifient leurs congés, réévaluent leurs plannings, décalent leurs jours de repos. Les problèmes d’effectifs ne sont jamais solutionnés.

– Manque de temps pour faire correctement son travail. On rajoute à la souffrance du patient, sa souffrance.

– Les risques d’erreurs sont plus fréquents.

– Travailler tous les weekends n’est pas une solution compatible avec la vie de famille.

– La direction va aller en fermant les structures et ce n’est pas comme ça qu’on pourra faire des soins de bonne qualité. Tout est lié à l’économie et on oublie l’humain.

– Il existe une salle de pause où l’équipe se réunit pour discuter pendant 10 minutes par jour. Mais il est difficile de se réunir tous en même temps.

– il existe des groupes de travail sur des thèmes précis comme la qualité de vie au travail, la mobilité. Ils ont très écoutés mais pas forcément entendus.

– Pour faire un bon travail, il est important que le patient tisse un lien de confiance avec le soignant donc, il est important que les équipes soient stables.

– fatigue

– sentiment d’injustice

– frustration du personnel

– Dans le métier, il y a beaucoup d’arrêts travail, beaucoup d’arrêts pour problème physique mais aussi dus à la violence rencontrée dans les services. Le personnel absent n’est pas remplacé. Ce sont les salariés qui pallient au remplacement. Ils décalent leurs horaires et son surchargés. Beaucoup de collègues sont en burnout.

– Les accidents de travail sont également importants. La direction souhaite diminuer ces accidents non pas en mettant en place des actions ou des moyens supplémentaires, mais en contrôlant le personnel, en regardant s’ils font bien le bon geste. C’est très mal vécu par les salariés.

– Il y a de plus en plus de jours où on repart insatisfait de notre travail.

– souffrance au travail

– déception et sentiment de culpabilité après les résultats insatisfaisants

– C’est un métier épuisant physiquement, psychiquement et intellectuellement

– Les salariés consultent beaucoup le médecin de travail.

Les propos des répondants mettent en évidence deux principales constatations : d’une part, la pénibilité et la lourde charge de travail qui incombent aux personnes qui travaillent dans le domaine social et médicosocial ; d’autre part, la forte pression à cause de l’organisation de travail et de la recherche de marge financière au détriment de l’aspect humain du travail et de la prise en charge. La plupart des personnes interrogées sentent de la souffrance dans la réalisation de leurs travaux.

Les RPS sont très présents dans le secteur social et médicosocial. D’ailleurs, tous les répondants ont fait allusion ou ont clairement mentionné au moins une des manifestations de RPS à cause des conditions de travail  trop rudes et de l’organisation de travail ne donnant pas aux personnels de la marge de manœuvre. Et pourtant, les employés ne prennent pas de mesures qui leur permettent de surmonter l’épreuve. Les répondants ont rapporté par exemple que nombre de leurs collègues de travail même, si leur état de santé se dégrade, n’osent pas prendre un arrêt maladie. Cela provient du fait, qu’ils ne veulent pas faire supporter aux autres la charge de leur travail, mais parce qu’ils jugent également que ce comportement serait en contradiction avec les objectifs de leurs établissements.

Ce comportement pourrait refléter une forte implication normative de la part des travailleurs sociaux et médicosociaux, ce qui les empêche d’adopter des comportements qui va nuire au bon fonctionnement de l’équipe et à l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Or, cela pourrait altérer encore plus leur état de santé. Des comportements similaires ont été rapportés chez les travailleurs d’une entreprise équipementier reconnue mondialement. Afin d’atteindre ses objectifs économiques, l’entreprise a adopté un style de management qui encourage la réduction du temps non productif. Cette démarche ne laisse pas de pause pour les employés et cause des pressions qui impactent sur leur état de santé. Les employés souffrent physiquement et de manière chronique sans oser s’arrêter, évoquant le fait que leur arrêt maladie ne va pas permettre à l’entreprise d’atteindre ses objectifs économiques.

De tels comportements résultent du fait que l’entreprise n’a pas permis à ses employés de s’exprimer alors qu’ils subissent des contradictions en ce qui concerne les objectifs de l’entreprise et leur état de santé au travail, ainsi que du manque de reconnaissance (Bertrand et Stimec, 2011 : 131). Ce fait a été soulevé principalement par la répondante n°4 qui ne se sent « pas valorisée par la hiérarchie ». Le stress des employés provient entre autres, des contradictions entre l’exigence de productivité et de la nécessité de qualité et de sécurité (Bertrand et Stimec, 2011 : 134). D’ailleurs, cela a été mentionné par le répondant n°4 qui affirme que « La direction ne comprend pas qu’il existe une différence entre ce qui est prescrit et le réel ».

Ces différentes constatations corroborent les résultats de l’enquête menée auprès des personnels du secteur du social et médicosocial qui stipulent que ces employés sont insatisfaits de leurs travaux et éprouvent du mal-être causé par le manque de temps et de moyens, ainsi que le manque de ressources humaines. Ces différents manques sont à l’origine de l’incapacité de l’individu à bien faire son travail et conduit à la perte de sens que l’individu attribue à son travail. Au début, les professionnels avaient une vision positive et très valorisante de travailler dans un domaine qui offre des services à la personne. Mais au fur et à mesure, cette image presque idéalisée s’est estompée. Les dysfonctionnements institutionnels favorisent la perte de sens et de valeurs attribuée au travail[40].

  1. Analyse de la mise en place des espaces de discussion et de son impact sur la prévention des RPS

Notre revue de littérature a mis l’accent sur la nécessité de mise en œuvre d’espaces de discussion pour permettre de pallier aux RPS. Nous avons rapporté que le management par la communication notamment, par la mise en place d’espaces de discussion qui permettent aux employés les plus fragiles de s’exprimer sur les pratiques de travail et de bénéficier du soutien de leurs pairs. Les espaces de discussions sont principalement dédiés pour aider les employés qui présentent des risques. Dans notre cas, nous ne savons pas si les établissements sociaux et médicosociaux mettent en œuvre des espaces et aménagent du temps pour permettre aux employés de se rencontrer et de discuter concernant les pratiques de travail, les conditions de travail et de s’exprimer sur les possibles améliorations à entreprendre pour améliorer la situation dans le lieu de travail et éviter les risques de RPS. Ainsi, nous avons recueilli dans les propos des répondants, les stratégies mises en œuvre par les établissements en matière d’espaces de discussion et nous allons analyser par la suite, les impacts de ceux-ci sur les répondants.

Tableau 9 : Propos des répondants concernant les espaces de discussion

Répondants Espaces de discussion Impacts sur les répondants
1. consultante sur les RPS – Réunions

– Mise en place de groupes d’analyses de pratiques pour le personnel d’aide à domicile et du personnel de soins

– Réduction des arrêts maladies
2. éducateur spécialisé – Espaces pendant des temps de réunions à travers lesquels, il est possible d’échanger sur des situations.

– Rencontres régulières toutes les trois semaines avec la Direction pour lister les objectifs de travail, recentrer les priorités dans les axes de travail.

– Depuis peu, il y a des groupes d’analyse de pratiques avec un psychiatre.

– Echanges entre les professionnels d’une équipe

– Chaque professionnel est différent dans sa personnalité et dans son travail. Cette diversité permet d’avoir des points de vue différents. L’équipe est une force. Il est possible de se tourner vers ses collègues en cas de problème pour trouver des solutions, pour être soulagé et pour aborder les problèmes différemment.
3. auxiliaire en puériculture – Pas de réunion institutionnelle qui permettrait d’exposer les problèmes.

– Pas d’espace pour parler sauf un weekend organisé pour le personnel à la suite d’un problème où il y a eu des accidents afin de permettre de discuter de tous les problèmes rencontrés. C’était la première fois que cela a été organisé et la dernière fois.

– En 2016, il y a eu une journée de rapprochement des équipes avec des ateliers et du sport organisé par la chef de service. Cela se fait une fois par an.

– Dîner de service organisé pendant lequel, les employés ont parlé de tout ce qui va bien et de tout ce qui ne va pas bien.

– Les salariés ne se sentent pas écoutés. Les problèmes ne sont pas résolus.

– Ce weekend a permis aux salariés de déculpabiliser et de parler. Il a permis l’apaisement des équipes.

– La journée d’apaisement reste insuffisante. Les travailleurs ont le sentiment d’être abandonné à leurs problèmes.

 

4. chef de service – Discussion avec des collègues sur les problèmes rencontrés.

– Petit temps formel d’une heure par semaine pour échanger avec les collègues sur les problèmes rencontrés en présence de la Direction.

– Les équipes sont trop petites et le poste est unique dans chaque établissement. Les autres établissement sont éloignés mais rencontrent des problèmes similaires. Les personnes qui font le même métier n’échangent pas sur leurs pratiques, ne se rencontrent jamais, donc, il y a une importante solitude.
5. infirmier diplômé d’Etat – Il existe une salle de pause où l’équipe se réunit pour discuter pendant 10 minutes par jour.

– Groupe de travail sur des thèmes précis comme la qualité de vie au travail, la mobilité.

– Difficulté de se réunir tous en même temps.

– L’équipe soignante est écoutée, mais pas forcément entendue.

Les propos des répondants laissent penser qu’il existe des espaces de discussion, des temps, des espaces physiques permettant aux professionnels de faire des échanges sur les pratiques de travail, sur les problèmes qu’ils rencontrent. La répondante n°3 a été la seule à évoquer l’inexistence d’espaces de discussion, mais elle a pu dire toutefois qu’il y a des évènements informels qui permettent aux employés de se rencontrer et de discuter à propos de ce qui va et de ce qui ne va pas dans le domaine professionnel. Mais pendant une courte durée de 10 minutes par jour, les professionnels cherchent à se détacher un peu de leurs services pour se réunir, discuter du travail, échanger sur les problèmes rencontrés sur le lieu de travail. Ce fait est en adéquation avec les observations de Bertrand et Stimec (2011 : 140) qui stipulent que certaines organisations favorisent plus les espaces de discussion informels que les formels. Cela pourrait traduire la volonté des dirigeants de ces organisations à réduire le style de management participatif. Cependant, en favorisant les espaces de discussion informel, les employés peuvent tirer des avantages. Il a été constaté en effet que ces espaces informels permettent aux salariés une régulation autonome de leur organisation et de leurs problèmes. Par ailleurs, nous avons déterminé que ce sont effectivement les équipes qui s’arrangent entre elles pour pallier au manque d’effectif et pour trouver une alternative pour chaque problème.

La présence de ces différentes opportunités pour laisser les employés s’exprimer pourrait traduire la prise de conscience des établissements sociaux et médicosociaux sur la nécessité de mettre en œuvre des plateformes permettant la rencontre et la discussion entre pairs. Cependant, nous pouvons constater que la plupart de ces espaces de discussions s’inscrivent dans le domaine informel. Il semble plus s’agir de l’initiative des employés pour chercher des solutions devant un problème qu’ils ont identifié plutôt que de l’initiative de la DRH. Les opportunités de discussion entre pairs ne sont pas des réunions officielles dans des espaces bien déterminés à l’avance. Les réunions formelles entre les collègues de travail selon les propos du répondant n°5, sont moins fréquentes. La répondante n°3 a même insisté sur le fait que les réunions institutionnelles ne sont pas réalisées, ce qui ne permet pas aux employés de s’exprimer. Elle a souligné entre autres, que la réunion pour parler du travail s’est réalisée uniquement sous contrainte parce qu’il y a eu un accident de travail. La mise en place d’espace de discussion semble donc être minimisée aussi bien par la DRH que par la Direction de l’entreprise. Cela nous amène à analyser les impacts de la présence de ces structures permettant l’expression  des employés apportent pour ceux-ci.

Les espaces de discussion, tels que les répondants les décrivent sont des espaces qui ne les satisfont pas. Deux répondants (n°1 et n°2) sur cinq seulement ont mentionné des impacts positifs des espaces de discussion sur les arrêts maladies et sur l’amélioration des pratiques et le recherche de solutions aux problèmes rencontrés. Les trois autres restent insatisfaits des résultats obtenus. Cela peut s’expliquer de différentes manières. Selon les répondants, les espaces de discussion sont moins fréquents. Le temps alloué à la rencontre avec les pairs et aux échanges sur les pratiques de travail est insuffisant pour exposer toutes les facettes des besoins des salariés en matière de communication.

L’organisation du travail et la charge qui incombe aux professionnels du secteur social et médicosocial ne les permet pas de se rencontrer et de faire des échanges. La répondante n°4 a mentionné la distance entre équipes et entre personnes qui effectuent le même métier. Normalement, deux personnes qui effectuent le même travail peuvent avoir des expériences similaires. Dans ce cas, leur rencontre et leurs échanges pourraient les aider à améliorer leurs pratiques professionnelles et à résoudre leurs problèmes. Mais force est de constater que cette rencontre n’est jamais possible à cause de l’organisation de travail si bien qu’il appartient à chacun de résoudre le problème selon ce qu’il entend, selon son point de vue sans avoir la possibilité d’aborder les préconisations et les points de vue d’autres acteurs. Le répondant n°5 a fait allusion à ce même problème d’organisation de travail qui empêche la réalisation de ces réunions entre les collègues pour discuter des problèmes rencontrés dans le cadre du travail. Il dit qu’il est impossible pour toute l’équipe de se réunir en même temps.

Deuxièmement, il y a un autre problème inhérent à la mise en place d’espaces de discussion au sein des établissements sociaux et médicosociaux. Il s’agit du manque d’implication de la Direction et des supérieurs hiérarchiques à discuter et à mettre en œuvre les solutions conçues par la collectivité. Cela pourrait expliquer les raisons pour lesquelles, le répondant n°5 pense que « L’équipe soignante est écoutée mais pas forcément entendue ». Ses propos ont été confirmés par la répondante n°3 qui dit : « Ce weekend a permis aux salariés de déculpabiliser et de parler. Il a permis l’apaisement des équipes. Mais la journée d’apaisement reste insuffisante. Les travailleurs ont le sentiment d’être abandonnés à leurs problèmes ».

  1. Analyse des toxic handlers et de leur valorisation au sein des établissements

Tableau 10 : Identification des personnes mentionnées par les répondants comme étant des personnes ressources à approcher en cas de problème

Répondants Personnes qui aident en cas de problème
1. consultante sur les RPS Les cadres gèrent les réunions, les plannings, les problèmes. Il y a peu de turnover au niveau des cadres, mais connaissent des problèmes de maltraitances sur le personnel d’intervention.
2. éducateur spécialisé – L’aide des collègues pour faire face aux difficultés notamment, celle de la violence, est indispensable pour tenir dans les moments difficiles.

– L’équipe est une force. Il faut savoir reconnaître qu’on est limité dans son champ d’action et trouver qu’on peut se tourner vers ses collègues en cas de problèmes pour trouver des solutions, pour être soulagé et aborder les problèmes différemment.

3. auxiliaire de puériculture – Pendant les arrêts maladies, le personnel présent doit remplacer les absents.

– Discussion auprès de la cadre pour trouver des solutions et organiser les choses un peu mieux

– Flexibilité de s’organiser entre collègues lorsqu’il y en a un qui ne tient plus

– Un dîner de service organisé…. Organisé par la chef de service, mais ce n’est pas suffisant

4. chef de service Solidarité entre collègues de travail
5. infirmier diplômé d’Etat – L’ensemble de l’équipe est très solidaire, n’attend pas l’aval du cadre. Chacun pallie aux absences les uns des autres, modifie son congé, réévalue son planning, décale son jour de repos. Il y a une entraide sur la planification. Lorsqu’un collègue craque, les autres collègues trouvent des solutions et se mobilisent pour le remplacer.

Ce tableau montre que seulement deux personnes sur les cinq répondants ont pu donner une personne ressource capable d’aider les travailleurs lorsqu’ils sont en souffrance dans leurs lieux de travail. Pour la répondante n°1, il s’agit du cadre, et pour la répondante n°3, il s’agit du chef de service. Pour tout le reste, les acteurs qui interviennent en cas de problème sont les collègues. Ils n’apportent pas de profils particuliers en ce qui concerne les personnes qui sont les plus à même de les aider en cas de difficulté. Ils parlent uniquement des « collègues », sans désigner une personne en particulier. Dans cette optique, il semblerait que les établissements sociaux et médicosociaux ne possèdent pas encore de toxic handlers qui pourraient aider leurs personnels à surmonter les épreuves difficiles. Mais cette constatation est en adéquation avec les observations de l’intersyndical du social et du médico-social (2016)[41] qui montrent que les travailleurs dans ce secteur bénéficient plus du soutien de leurs pairs que de la part de leurs supérieurs hiérarchiques.

  1. Analyse des différentes approches mises en œuvre par les entreprises pour accompagner le deuil professionnel

Tableau 11 : Personnes impliquées et accompagnement des professionnels dans le secteur social et médicosocial

Répondants Personnes ressources Démarches d’accompagnement
1. consultante sur les RPS Formateurs Formation du personnel d’aide à domicile pour qu’ils connaissent les différentes maladies
Psychologue extérieure Mise en place de rendez-vous mensuel avec la psychologue extérieure pour les salariés qui le souhaitent. Ces séances ont pour but d’aider les salariés à verbaliser les problèmes rencontrés afin de les rapporter à la Direction sans trahir la parole des salariés.
2. éducateur spécialisé Groupe d’analyse de pratiques avec un psychiatre Ecoute les salariés et pose des hypothèses de réflexion et d’actions lorsqu’il y a des problèmes.
3. auxiliaire de puériculture
4. chef de service
5. infirmier diplômé d’Etat Médecin de travail Les salariés consultent beaucoup le médecin de travail.

D’après les propos recueillis, le deuil professionnel chez les professionnels qui travaillent dans le domaine social et médicosocial ne provient pas de la perte d’un emploi, mais surtout, des bouleversements organisationnels. Ces changements sont caractérisés par une intensification du travail des personnels, une forte dominance de l’aspect financier et budgétaire sur l’aspect humain du travail consistant à délivrer des services à la personne. Ces différents faits ne laissent pas de marge de manœuvre pour les travailleurs. D’ailleurs, lorsqu’ils ont été questionnés sur leur perception de l’organisation et du travail, tous les répondants se sont plaints de mauvaises conditions de travail. Le deuil professionnel pourrait donc être causé chez eux, par la perte de conditions de travail, de sens, de valeurs du travail et plus particulièrement, du service à la personne à cause de la focalisation sur l’aspect rentabilité financière et le rapport qualité/prix.

Ce tableau montre que deux personnes sur les cinq interrogés n’ont pas donné de démarche particulière permettant d’accompagner les salariés dans les changements causés par la considération et la primauté de l’aspect financier sur l’aspect humain de la prise en charge. Pour les autres répondants, l’accompagnement et l’aide apporté aux salariés consistent à faire appel à des personnes étrangères pour écouter les salariés et offrir des pistes d’amélioration de leurs conditions de travail. La répondante n°1 a avancé deux types de personnes qui peuvent améliorer les conditions de travail des salariés : les formateurs qui donnent des formations pour aider le personnel à domicile à perfectionner leurs pratiques ;  et la psychologue qui va aider les salariés à extérioriser leurs ressentis. Le répondant n°2 a également mentionné le psychiatre comme étant un acteur clé dans le cadre de l’accompagnement des salariés. Il y a entre autres, le rôle du groupe d’analyse de pratiques sur la réflexion et l’amélioration des conditions de travail des salariés. Puis, il y a le médecin de travail qui a été mentionné par le répondant n°5.

D’après ces constatations, les actions d’accompagnement des salariés consistent principalement à se tourner vers un médecin, un expert qui va aider les employés à extérioriser leurs ressentis. Il n’existe pas d’actions permettant de résoudre le problème de fond qu’est le changement au niveau de l’organisation du travail, ce qui engendre de la souffrance au travail. Il faut remarquer entre autres, que les souffrances pour lesquelles, les salariés demandent une consultation chez les psychiatres et les médecins de travail ne proviennent pas uniquement des changements organisationnels, mais aussi des caractéristiques du métier lui-même. Les répondants ont déjà évoqué toutes les difficultés qu’ils rencontrent dans l’accomplissement de leur travail et la souffrance qu’ils endurent pour pouvoir assurer encore leurs missions. Ces caractéristiques inhérentes aux travaux dans le secteur social et médicosocial requièrent aussi de l’accompagnement de la part de médecins. Ces différentes démarches sont celles qui ont été prescrites par la Direction des établissements, mais les employés ont aussi leurs propres souhaits et leurs points de vue concernant l’axe d’amélioration des conditions de travail, de prévention des RPS et de diminution de stress au travail.

Tableau 12: Les points de vue des répondants concernant les axes d’amélioration des conditions de travail et de la prévention des RPS

Répondants Suggestions d’amélioration
1. consultante sur les RPS – Mettre en place des formations sur les postures à adopter

– Lancer des actions plus importantes sur les cadres intermédiaires qui n’ont pas de groupe d’analyse de pratiques afin de leur permettre de se sentir plus à l’aise, plus reconnus et pour qu’ils se sentent plus soutenus et plus soutenant vis-à-vis du personnel d’interventions.

2. éducateur spécialisé
3. auxiliaire de puériculture – Révision de la gestion des plannings

– Recrutement d’infirmières

-Verbaliser tout ce qui ne va pas et demander aux personnels quelles sont les solutions qu’ils souhaitent mettre en place

– Consultation d’un psychiatre sur son temps de travail permettrait d’évacuer

4. chef de service – Elle souhaite qu’on lui fasse plus de confiance dans ses choix. Elle souhaite être valorisée.

– Plus de formation pour combler ses lacunes par exemple, comment faire face à la violence ?

– Supervision des cadres : Un clinicien extérieur à l’institution permettrait de décharger la charge psychique et de parler des problèmes extérieurs.

– Prévoir des rencontres formelles avec les collègues qui font les mêmes métiers pour échanger sur les difficultés rencontrées, des espaces de discussion pour échanger sur les pratiques.

– Remettre des réunions institutionnelles avec la Direction Générale qui vient donner les grandes orientations et uniformiser les pratiques entre les établissements.

– Voir un psychiatre pour aider à relativiser et à prendre de la distance.

5. infirmier diplômé d’Etat Dans son ancien service, il était possible pour les salariés de consulter un psychiatre extérieur à l’hôpital qui recevait en groupe afin de parler des problèmes rencontrés au travail. Il souhaiterait mettre en place cette possibilité car cela avait bien fonctionné.

Certaines des solutions avancées par les répondants ont été déjà mentionnées comme étant pratiquées au sein de certains établissements comme la consultation d’un médecin extérieur à l’institution par exemple, ou encore la formation des professionnels concernant les postures à adopter devant telle ou telle situation. Mais il faut retenir que la formation des personnels n’a été mentionné qu’une seule fois dans les propos des répondants lorsqu’ils ont été questionnés concernant les démarches mises en place pour accompagner les travailleurs en difficulté. D’autre part, il y a les demandes concernant les réunions institutionnelles et le renforcement de la communication entre les pairs qui sont amenés à intervenir sur des situations similaires. C’est ici qu’émerge encore la question de l’espace de discussion, jugé trop insuffisant ou inefficace par les répondants.

D’après les propos des répondants, l’amélioration des conditions de travail pour éviter les RPS et pour accompagner les collègues en difficulté passe forcément par la révision de l’organisation des activités au sein de l’établissement social et médicosocial. C’est ainsi, que certains répondants mentionnent la révision des plannings et la reconsidération des ressources humaines à la disposition du service. Nous avons relevé lors de nos échanges avec les répondants concernant les difficultés rencontrées par le service, certains d’entre eux ont parlé du manque d’effectif. Outre à cela, nous avons rapporté également le cas des arrêts maladies qui ne peuvent être palliés à moins que d’autres collègues de travail ne substituent les absents. Et cette démarche conduit souvent à des manques au niveau de l’effectif d’où la nécessité de mettre en place des stratégies permettant d’avoir des ressources humaines en nombre suffisant pour répondre aux demandes.

  • Préconisations
  1. La mise en place d’un espace de discussion

Les résultats que nous avons collecté a permis de montrer que les employés dans le secteur du social et médicosocial peuvent effectivement faire discuter entre eux et parler de leurs problèmes à leurs pairs. Ils ont mentionné le fait que les réunions avec la Direction est une des opportunités permettant aux employés de s’exprimer. Pourtant, force est de constater que ces espaces de discussion n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi, la question qui se pose n’est plus de savoir comment mettre en place des espaces de discussion au sein de ces établissements parce que les différents acteurs peuvent déjà se parler entre eux et s’exprimer,  mais de connaître les démarches à suivre pour qu’ils soient plus efficaces et parviennent à pallier aux RPS des personnels.

Il semble donc que la mise en place d’espace de discussion ne devrait pas être séparée de la révision de l’organisation. Les études de Bertrand et Stimec, (2011 : 143) soulignent la nécessité de coupler ces deux démarches pour que les espaces de discussion soient plus efficaces. D’autre part, quelques uns de nos répondants ont mentionné le fait que les discussions peuvent avoir lieu. Les acteurs peuvent s’exprimer mais ils ne sont pas toujours entendus surtout, de la part de la Direction. Or, ce sont ces personnes qui sont les plus à même de comprendre et connaitre les différentes démarches pouvant améliorer leurs cas. Dans cette optique, il faut encourager l’écoute attentive de toutes les parties prenantes qui prennent part aux discussions.

  1. Le repérage des toxic handlers et la valorisation de leurs savoirs

Le repérage des toxic handlers constitue une démarche importante pour que l’organisation puisse encore retenir et valoriser ses collaborateurs. Ils sont les piliers de la réussite des changements qui surviennent dans les organisations. Ils sont aussi des personnes ressources qui aident leurs pairs dans le désarroi. Mais leur identification s’avère difficile. Selon Jacquinot et Pellissier-Tanon (2014 : 98), les toxic handlers sont des personnes qui sont passées par des épreuves difficiles et qui, de ce fait, ont développé des stratégies et des compétences leur permettant de faire face aux épreuves difficiles et en même temps, d’aider leurs collaborateurs. Cette description est très importante, mais il nous semble qu’elle ne soit pas complète et exhaustive dans la mesure où tout le monde passe toujours par des épreuves difficiles même si la perception et la durée de deuil pour affronter la situation change d’un individu à un autre. Il nous faut donc trouver d’autres critères pour identifier les toxic handlers.

Teneau et Dufour (2013 : 81) ajoutent des éléments permettant de distinguer les toxic handlers. L’étude des deux auteurs leur a permis de constater que les toxic handlers sont principalement des managers car, ce sont ceux-ci qui sont les plus prédisposés à faire preuve de compassion durant les périodes de crise. En étant à l’interface de la Direction et des équipes de terrain, ils sont plus prédisposés à aider les autres et à trouver des solutions qui conviennent aussi bien à l’une qu’à l’autre de ces deux parties. Par ailleurs, ils sont les mieux placés pour aider leurs collaborateurs parce qu’ils sont des interfaces entre la Direction et les collaborateurs. Les toxic handlers sont des personnes qui ont une ancienneté élevée au sein de l’entreprise, ce qui leur donne une bonne connaissance des stratégies, des faiblesses, de la culture et des valeurs de l’entreprise. Cette ancienneté leur permet entre autres, de développer de bonnes relations avec l’ensemble des employés. Les toxic handlers sont des personnes épanouies et présentent un bien-être. Les toxic handlers sont des personnes qui apportent des décisions positives pour l’entreprise en plus particulièrement, pour la Direction.

Selon nos répondants, les cadres et les chefs de service sont les mieux disposés à connaître leurs conditions de travail. De ce fait, les cadres et les chefs de service pourraient servir de toxic handlers puisque ce sont eux qui connaissent à la fois, les décisions de la Direction et les souhaits des salariés. Par ailleurs, de par leur expérience, ils sont aussi les personnes les plus à même de comprendre et d’avoir de la compassion pour leurs pairs. Les personnels d’intervention à notre avis, ne peuvent constituer un toxic handler parce qu’ils ne disposent pas de temps pour l’écoute des personnels en souffrance.

Mais outre le repérage de toxic handlers, il s’avère indispensable pour l’organisation de mettre en place des stratégies pour les faire reconnaître et de les retenir. Il a été rapporté en effet, que le rôle des toxic handlers n’est pas reconnu tout au moins de manière officielle par les entreprises. Par conséquent, nombre d’entre eux quittent l’organisation après la restructuration. Ils assument leurs rôles de toxic handlers pendant un premier temps et quand la situation retourne à la « normale », ils décident d’encourager le service des ressources humaines pour continuer leurs missions (Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2014 : 98).

Et pourtant, nos répondants ont mentionné que les cadres et les chefs de service souffrent au travail. Ils sont malmenés parce qu’ils subissent la pression de la Direction et encaissent la violence des usagers et de leurs accompagnateurs. Il a été observé pourtant, qu’un faible turnover est enregistré chez les personnels cadres, mais leur souffrance peut susciter chez eux des comportements qui impactent sur les personnels d’intervention. Certains répondants ont avancé la nécessité d’appuyer les cadres en leur proposant aussi un groupe d’analyse des pratiques. Mais outre à cela, il est nécessaire de mettre en place aussi des stratégies pour les accompagner.

Dans cette optique, la révision de l’organisation de travail doit être faite. La question de la réorganisation du travail nécessite la prise en considération de la structure globale de celle-ci. Or, cette structure change d’un établissement à l’autre. Dans cette optique, il nous est difficile de donner une préconisation générale quant à la réorganisation de l’activité au sein des établissements. Cela demande encore d’autres études sur chacun des établissements afin de dégager une démarche personnalisée. Nous pensons en effet, que la réorganisation dépend des caractéristiques propres à l’établissement et à son activité.

  1. La mise en place d’une organisation pour l’accompagnement au deuil

Les répondants se sont plaints de manque de ressources et de moyens leur permettant de mener à bien leurs missions. Le manque de temps pour l’échange avec d’autres professionnels, le manque de ressources humaines leur contraignant de réduire leurs temps de pause ou leurs congés, ont été évoqués par les répondants. Mais par-dessus tout, ils se sont plaints de la perte de la dimension humaine de leur travail, causant ainsi une perte de sens et une perte de valeur même du travail dans le domaine du service à la personne. Cela pourrait être à l’origine de la démotivation de l’individu et son intention de quitter l’organisation. Cela pourrait s’expliquer par une faille au niveau du changement organisationnel, un trop brusque changement dans les conditions de travail marqué par la recherche d’une meilleure rentabilité économique au détriment de la qualité de travail qui, pourtant, est chère aux yeux des travailleurs dans le domaine social et psychosocial. Il est semble impératif dans ce cadre d’accompagner les travailleurs aux changements.

L’accompagnement au changement va permettre à l’individu en effet, de s’adapter un peu plus aux nouvelles conditions de travail et aux nouveaux critères requis par le travail. Certains auteurs ont avancé que l’accompagnement au changement devrait se faire à travers la formation des professionnels aux nouvelles technologies. Outre à cela, la communication est indispensable pour rassurer les employés mais aussi pour les aider dans leurs démarches. Dans cette optique, il faut retenir que le changement ne signifie pas un changement drastique qui passe par la méconnaissance des compétences des personnels. Au contraire, l’accompagnement des professionnels devrait tenir compte de leurs expériences pour que la personne ne sombre pas dans l’autodévalorisation ou la mésestime de soi (Bertrand et Hansez, 2010 : 231).

  • La formation

La formation et la reconnaissance de ces compétences et de sa place au sein de l’organisation ont été tout deux évoqués par les répondants lorsqu’ils ont été questionnés sur les possibles démarches à adopter pour améliorer les conditions de travail et réduire les RPS chez les salariés. Il nous faut alors analyser les possibilités de mettre en œuvre la formation au sein des établissements sociaux et médicosociaux. Il y a deux contraintes qui se posent pour la réalisation de formation des travailleurs sociaux et médicosociaux : la contrainte temps et la contrainte budgétaire d’ailleurs évoqué par une des répondantes.

Le temps constitue un élément majeur pour pouvoir se développer professionnellement pour pour garantir l’employabilité dans un contexte de changements rapides dans les organisations et les besoins des usagers. Mais les professionnels du social et du médicosocial manquent énormément de temps car ils ont une très lourde charge de travail. Dans notre étude, nous n’avons pas pu quantifier la charge de travail des personnes qui travaillent dans ce secteur. Néanmoins, leurs propos laissent penser qu’ils ne disposent pas de beaucoup de temps pour se réunir afin de discuter des problèmes, pour avoir du temps à eux. En cas d’arrêt maladie de leurs pairs, ils se trouvent dans l’obligation de les remplacer par solidarité.

Par ailleurs, les personnes qui sont interrogées sont des personnes impliquées normativement et leurs comportements au travail au même titre que leur motivation au travail dépend principalement du sens qu’ils attribuent à leur travail. Dans ce sens, il pourrait être difficile pour eux de « lâcher » leurs pairs lorsqu’ils se trouvent dans une situation difficile. Ils sont contraints de les remplacer. Mais ils perçoivent aussi qu’il est moralement correct qu’ils donnent un service de bonne qualité aux personnes qu’ils prennent en charge. Et dans ce cadre, ils s’impliquent énormément dans leur travail même si celui-ci ne leur permet pas d’avoir du temps pour eux et même si celui-ci représente une charge physique, psychologique et émotionnelle considérable.

Le manque de temps reflète entre autres, une faille au niveau de l’organisation. Les répondants ont mentionné le manque de personnels. Dans cette optique, il semble indispensable de recruter les personnels afin de partager les tâches et alléger les charges de travail du personnel. De cette manière, les arrêts maladies pourraient être réduits. Pour l’établissement, il s’agit alors de mettre en œuvre des stratégies RH orientées vers la gestion des compétences dans lesquelles, il n’est plus seulement question de répondre aux besoins actuels en matière de compétences, mais aussi d’anticiper les besoins pour le futur. Dans le sens où les demandes des usagers vont augmenter pour les années à venir, il serait envisageable d’augmenter le nombre de personnels et de les former par la suite pour qu’ils acquièrent les compétences et les postures à adopter devant les différentes situations qui peuvent se présenter.

Nous avons évoqué entre autres, le problème budgétaire. La répondante n°1 a apporté une démarche qui nous semble intéressante pour aider les autres établissements à mettre en œuvre une formation pour leurs collaborateurs : la mutualisation des budgets alloués à la formation des différents personnels pour que chacun puisse bénéficier de la formation tout en réduisant les coûts. Mais d’autre part, la formation peut aussi se faire à travers les interactions entre pairs. Dans ce cas, elle coûterait moins chères mais apporterait de la valeur ajoutée à l’organisation puisque les expériences des professionnels pourraient être partagées. Les savoirs expérientiels ainsi acquis peuvent être directement exploités par les employés.

Les répondants ont évoqué le fait que les échanges de pratiques avec leurs pairs, le partage d’expériences pourrait les intéresser. Ainsi, cette démarche a pour avantage d’être simple à mettre en œuvre, mais aussi de motiver les participants. Il faut reconnaitre en effet, que les travailleurs vont plus s’impliquer dans la formation si celle-ci répond à leurs besoins et leurs attentes. Dans ce cadre, il s’agit d’aménager du temps et de l’espace pour réunir les travailleurs issus de différents établissements afin qu’ils puissent échanger sur leurs expériences.

Du point de vue contenu de la formation, plusieurs thèmes peuvent être abordés :

  • Posture à adopter pour faire face à la violence des usagers et de leurs proches aidants afin de maîtriser celle-ci
  • Optimisation de l’organisation des activités dans les établissements du secteur social et médicosocial
  • La souffrance au travail et les démarches à suivre pour les éviter
  • L’évolution des besoins des usagers vis-à-vis du service à la personne : projection d’avenir

La formation peut se faire donc sous-forme d’atelier faisant appel à un ou des animateurs. De même, les participants sont amenés à discuter avec leurs pairs concernant leurs expériences antérieures et les démarches qu’ils ont suivies pour remédier aux problèmes.

Dans un contexte d’évolution technologique, il serait envisageable d’exploiter les avantages de cette évolution sur la formation et les échanges entre pairs. La formation en ligne ou la mise en ligne d’informations concernant les sujets qui intéressent les individus semblent intéressants. En effet, avec les solutions en ligne, l’individu peut consulter les informations quand il rentre chez lui ou quand il dispose d’un peu de temps libre. Les recherches sur Internet est fortement encouragé. Par ailleurs, ce comportement est bénéfique pour mettre à jour les connaissances des professionnels et pour pouvoir échanger avec leurs pairs qui peuvent travailler dans des établissements différents. C’est une démarche qui permet entre autres de connaître les raisons, les possibles conséquences et la posture à prendre face au changement imminent.

  • La communication

La communication prend une place prépondérante dans les démarches d’accompagnement au deuil. Nos répondants ont rapporté que la communication manque beaucoup dans leurs établissements à cause des charges de travail. Par ailleurs, il semblerait que la Direction des établissements dans le domaine du social et du médicosocial négligent cet aspect. Pour eux, d’après le récit des répondants, communiquer se limite à transmettre des informations aux collaborateurs. Certes, il est important de transmettre des informations concernant les conditions de travail, les normes de travail, les nouvelles exigences des usagers et d’autres parties prenantes. Mais il est indispensable que la Direction parvienne à écouter et à entendre les plaintes et les souhaits des salariés.

Il s’agit donc ici, de modifier la perception même de la communication. Cette dernière devrait signifier écoute attentive et discussion entre deux interlocuteurs. Cela demande du temps et de l’espace, ce qui nous renvoie une fois de plus à la nécessité d’optimiser les espaces de discussion pour qu’ils puissent vraiment être source d’interactions et d’échanges entre collègues de travail concernant les souffrances et les conditions de travail. D’autre part, nous ne pouvons parler de communication visant à aider le personnel en souffrance sans faire allusion au toxic handler qui, par leur compassion, leur empathie, leur capacité d’écoute va aider leurs pairs à verbaliser ce qu’ils ressentent et à décharger leurs émotions négatives. La communication demande entre autres du temps pour que les échanges se fassent calmement. Cela nous renvoie une fois de plus à la nécessité de revoir l’organisation de travail dans les établissements sociaux et médicosociaux.

  • L’aide extérieure

Quelques répondants ont parlé de l’aide de personnes extérieures notamment des psychiatres pour aider le personnel à évacuer les émotions négatives. Or, cette démarche n’a pas été retrouvée chez les autres établissements. Les employés souhaitent qu’ils puissent consulter ces experts en cas de crise. Il nous semble pertinent de ce fait que les établissements permettent à leurs collaborateurs de consulter autant qu’ils en ont besoin, les psychiatres extérieurs afin qu’ils dégagent les émotions négatives causées par les conditions de travail. La consultation découle de l’initiative de l’employé. Mais il semble intéressant également que les supérieurs hiérarchiques détectent les personnes en souffrance au travail et les dirige directement vers les psyschiatres et les médecins de travail.

Mais il est difficile d’identifier les personnes qui souffrent au travail et celles qui sont déjà atteints de RPS. De ce fait, il est indispensable de déterminer des indicateurs permettant de discerner les souffrances au travail, la pénibilité du travail telle qu’elle est perçue par les collaborateurs, afin de pouvoir prendre des décisions adaptées aux conditions réellement vécues par les salariés. Dans cette démarche, la DRH pourrait se faire aider par les psychologues et les médecins de travail.

Conclusion

Les professionnels du secteur social et médicosocial sont exposés à des risques élevés de RPS dus aux conditions spécifiques de leur travail (charge émotionnelle, psychologique et physique), et à leur forte implication normative. Ces professionnels accordent beaucoup de sens et de valeurs à leur travail qui consiste à fournir du service à la personne. L’aspect relationnel prime dans leur métier. Et pourtant, force est de constater qu’avec la contrainte de coupler la logique de la qualité de service avec la logique financière, il est difficile pour ces personnes de donner beaucoup de place à la relation que ce soit avec les usagers, ou avec leurs collègues de travail. Etant impliqués normativement, ces situations les stressent et causent leur insatisfaction professionnelle. En même temps, ces faits ôtent tous les sens et les valeurs qu’ils attribuent à leur travail. Ils se plaignent de la déshumanisation du travail même dans le service à la personne.

En étant en contact direct avec les usagers, la qualité du service rendu par ces professionnels dépend de leur bien-être et de leur satisfaction au travail. La prévention de leurs RPS requiert la mise en place de quelques stratégies par la DRH. Ces stratégies font appel à différents acteurs : les cadres et les chefs de services qui peuvent faire office de toxic handlers, l’optimisation de la mise en place et de l’utilisation d’espaces de discussion et l’accompagnement des professionnels dans le deuil causé par les pertes suite aux changements organisationnels et aux changements de sens du travail en lui-même. Etant vulnérables eux-mêmes, les toxic handlers ont aussi besoin d’accompagnement. Cela passe par une révision de l’organisation même des activités au sein de chaque établissement. La communication dans les espaces de discussion garantit la réussite et l’implication des parties prenantes dans la réalisation des solutions qui sont dégagées lors de ces rencontres. Mais il faut pour cela, de l’écoute attentive. L’accompagnement suppose entre autre, la formation, la communication et la révision de l’organisation.

Du point de vue académique, notre étude a contribué à la compréhension des spécificités et des enjeux de la prévention des RPS dans le secteur social et médicosocial. Elle a permis de comprendre la complexité de la mise en œuvre de stratégies de prévention des RPS. Elle a permis entre autres de discerner quelques approches permettant de prévenir les RPS chez les personnels du secteur social et médicosocial. Du point de vue managérial, notre étude a participé à la distinction des démarches pouvant être adoptées dans le but d’améliorer la qualité de travail des professionnels du secteur social et médicosocial. Elle a permis entre autres, de comprendre les différentes difficultés rencontrées par chaque partie prenante dans ce domaine, leurs souffrances et leurs souhaits. Ces informations sont importantes pour prendre les décisions et pour mettre en œuvre des stratégies de prévention des RPS notamment par la DRH.

Toutefois, notre étude comporte aussi des limites. Nous avons avancé la nécessité de réviser l’organisation des établissements. Et pourtant, cela ne pourrait se faire à moins que les spécificités de chaque domaine d’activité et en fonction des spécificités structurelle et organisationnelle de chaque établissement. Cela requiert donc des études plus approfondies et plus ciblées. D’autre part, nous avons mentionné le fait de déterminer des indicateurs permettant de mesurer le stress, la souffrance et les RPS au travail des professionnels du secteur social et médicosocial. Cette approche peut se faire en collaboration avec les médecins de travail et le psychiatre. Ainsi, il est encore indispensable de compléter notre étude par une approche quantitative destinée à déterminer ces indicateurs. En d’autres termes, la démarche de prévention des RPS reste encore un long chantier parce qu’elle s’inscrit au cœur même du sens attribué au travail, et touche l’organisation toute entière des établissements du secteur social et médicosocial.

Bibliographie

  • Amathieu, J. et Chaliès, S. 2014. « Satisfaction professionnelle, formation et santé au travail des enseignants », Carrefours de l’éducation, (38) : 211 – 238.
  • Bertrand, F. et Hansez, 2010. « Facteurs d’insatisfaction incitant au départ et intention de quitter le travail : analyse comparative des groupes d’âges », Le travail humain, 73 (3) : 213 – 237.
  • Bertrand, T. et Stimec, A. 2011. « Santé au travail. Voyage en pays de lean management », Revue française de gestion, 5 (214) : 127 – 144.
  • Chabert, R. 2005. Transmission d’entreprise : optimiser la prise de relais. Pearson Education France, Paris, 159p.
  • Conjard, P. et Journoud, S. 2013. « Ouvrir des espaces de discussion pour manager le travail », Management & avenir, 5 (63) : 81 – 97.
  • Detchessahar, M. 2003. « L’avènement de l’entreprise communicationnelle », Revue française de gestion, 1 (142) : 65 – 84.
  • Detchessahar, M. 2013. « Faire face aux risques psycho-sociaux : quelques éléments d’un management par la discussion », Négociations, 1 (19) : 57 – 80.
  • D’Hoore, W., Robert, A., Braeckman, L., Vlerick, P., Burnay, N. et Hasselhorn, H. 2012. Santé et sécurité pour un emploi de qualité. Academia Press, Gent, 179p.
  • Dixit, V. and Bhati, M. 2012. “A study about employee commitment and its impact on sustained productivity in Indian auto-component industry”, European journal of business and social sciences, 1 (6): 34 – 51.
  • Dolan, S. et Arsenault, A. 2009. Stress, estime de soin, santé, travail. Presses de l’Université du Québec, Canada, 329p.
  • Foudriat, M. 2007. Sociologie des organisations : la pratique du raisonnement. 2ème éd. Pearson Education France, Paris, 333p.
  • Gandolfi, F. 2009. “Executive downsizing: the experience of executioners”, Contemporary management research, 5 (2): 185 – 200.
  • Garber, P. 2013. The manager’s employee engagement toolbox. ASTD Press, Alexandria, 128p.
  • Gautier, L. et Husser, J. 2013. « Contribution psychanalytique à l’approche des risques psychosociaux liés aux conditions de travail », RIMHE : Revue interndisciplinaire management, homme & entreprise, 1 (5) : 28 – 42.
  • Grima, F. et Glaymann, D. 2012. « Une analyse renouvelée du modèle Exit, Voice, Loyalty, Neglect : apports d’une approche longitudinale et conceptuellement élargie », M@n@gement, 15 (1) : 2 – 41.
  • Grobler, P., Wärnich, S., Carrell, M., Elbert, N., Hatfield, R. 2006. Human resource management in South Africa. 3rd Thomson Learning, London, 128p.
  • Guest, D., Isaksson, K. and De Witte, H. 2010. Introduction. In: Guest, D., Isaksson, K. and De Witte, H. (Eds.), Employment contracts, psychological contracts, and employee well-being: an international study. Oxford University Press, Oxford, pp. 1 – 24.
  • Imbert, G. 2010. “L’entretien semi-directif : à la frontière de la santé publique et de l’anthropologie », Recherche en soins infirmiers, 102 : 23 – 34.
  • Inter AFOCG. 2006. Guide pour l’accompagnement : bien vivre les changements sur les fermes. Educagri éditions, Dijon, 87p.
  • Jacquinot, P. et Pellissier-Tanon, A. 2014. « Faire son deuil, susciter la joie : un processus de partage social d’émotions positives – Les leçons de l’intégration de personnes handicapées en matière de cohésion d’équipe », RIMHE : Revue interdisciplinaire management, homme & entreprise, 3 (12) : 83 – 100.
  • Kelly, E. and McPherson, L. 2010. The naturalist gap in ethics. In: De Caro, M. and Macarthur, D. (eds.), Naturalism and normativity. Columbia University Press, New York, pp. 193 – 204.
  • Koninckx, G. et Teneau, G. 2010. Résilience organisationnelle : rebondir face aux turbulences. Editions De Boeck Université, Bruxelles, 296p.
  • Kulik, C., Cregan, C., Metz, I. and Brown, M. 2009. “HR managers as toxin handlers: te buffering effect of formalizing toxin handling responsibilities”, Human resource management, 48 (5): 695 – 716.
  • Lebailly, M. et Simon, A. 2007. Pour une anthropologie de l’entreprise : éloge de la pensée sauvage. 2ème éd. Pearson Education France, Paris, 236p.
  • Loriol, M. 2010. “La construction sociale du stress : entre objectivation, subkectivité et régulations collectives des difficultés au travail », Nouvelle revue de psychosociologie, 2 (10) : 111 – 124.
  • Massoudi, K. 2009. Le stress professionnel : une analyse des vulnérabilités individuelles et des facteurs de risques environnementaux. Peter Lang, Bern, 199p.
  • Meyer, J. and Parfyonova, N. 2010. “Normative commitment in the workplace: a theoretical analysis and re-conceptualization”, Human resource management review, 20: 283 – 294.
  • Mohaër, F. 2009. “L’accompagnement du deuil par les professionnels de l’aide à la personne », Etudes sur la mort, 1 (135) : 99 – 102.
  • Nault, G. 2008. “Le forum de discussion : réflexions sur son potentiel collaboratif en enseignement supérieur », Pédagogie collégiale, 21 (4) : 16 – 19.
  • Paul, M. 2016. La démarche d’accompagnement : Repères méthodologiques et ressources théoriques. De Boeck Supérieur, Louvain-la-Neuve, 160p.
  • Pioché-Roques, A. 2016. Les risques psychosociaux au travail : état des lieux et perspectives. L’Harmattan, Paris, 217p.
  • Saba, T. et Guérin, G. 2002. La gestion des cadres au lendemain des départs massifs à la retraite : le cas du secteur de la santé et des services sociaux. In : Lamonde, F., Audet, M., Bernard, M., Laflamme, R. et Larocque, A. (Eds.), La gestion des âges : face à face avec un nouveau profil de main-d’œuvre. Les presses de l’Université de Laval, Sainte-Foy, pp. 93 – 120.
  • Sow, M., Anthony, P. and Berete, M. 2016. “Normative organizational commitment and its effects on employee retention”, Business and economic research, 6 (1): 137 – 147.
  • Tahar, M. 2013. Management, composants et processus. Publibook, Paris, 372p.
  • Teneau, G. et Dufour, N. 2013. « L’organisation de la compassion en entreprise, un rôle managérial émergent », Management & avenir, 4 (62) : 72 – 90.
  • Thévenet, M., Dejoux, C., Marbot, E., Normand, E. et Bender, A-F. 2009. Fonctions RH : politiques, métiers et outils des ressources humaines. 2ème éd. Pearson Education France, Paris, 480p.
  • Véniard, A. 2011. « Implication et employabilité : un engagement réciproque entre salarié et employeur à construire », Management & avenir, 9 (49) : 84 – 101.
  • Zablocki, B. 2009. Du stress au bien-être et à la performance. Edipro, Liège, 217p.

[1] Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail et Eurofond, Risques psychosociaux en Europe : prévalence et stratégies de prévention, https://osha.europa.eu/fr/tools-and-publications/publications/reports/executive-summary-psychosocial-risks-in-europe-prevalence-and-strategies-for-prevention

[2] Intersyndicale social – médico – social 44. 2016. Pour une réelle expression des salarié – e – s du social et du médico-social, http://www.sud-sante-sociaux-44.fr/wp-content/uploads/2016/06/Rapport-denqu%C3%AAte-version-finale.pdf

[3] Lacroux, A. L’implication dans les valeurs du travail : vers une approche multidimensionnelle ? https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00683453

[4] Daoud Ben Arab, S. et Masmoudi Mardessi, S. 2011. « L’implication organisationnelle : levier pour la performance financière ? une étude dans le contexte tunisien », Revue libanaise de gestion et d’économie, n°6, http://ac.els-cdn.com/S1999762011700349/1-s2.0-S1999762011700349-main.pdf?_tid=49d3ceb0-1f60-11e7-b1ca-00000aab0f02&acdnat=1491988587_a5f39a6b5276496dbf10986700f5b4b5

[5] Pasquier, D. et Valéau, P. « Implication organisationnelle, anxiété et états affectifs au travail », https://www.researchgate.net/profile/Daniel_Pasquier/publication/234101824_Implication_organisationnelle_anxiete_et_etats_affectifs_au_travail/links/0fcfd50f19a5c99f03000000.pdf

[6] Charles-Pauvers, B. et Peyrat-Guillard, D. L’implication (ou l’engagement ?) au travail : quoi de neuf ? https://www.agrh.fr/assets/actes/2012-charlespauvers-peyratguillard.pdf

[7] Organisational commitment, http://uir.unisa.ac.za/bitstream/handle/10500/1133/04chapter3.pdf

[8] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/insatisfaction/43278

[9] Bonnet, J. et Brau, R. 2012. L’entreprise innovante, un symbole pour son créateur. Working paper 2012 – 34, https://www.researchgate.net/profile/Jean_Bonnet/publication/301754905_L’entreprise_innovante_un_symbole_pour_son_createur/links/5725f5d208ae586b21e0441c/Lentreprise-innovante-un-symbole-pour-son-createur.pdf

[10] Lheureux, F. 2010. Représentations professionnelles, satisfaction au travail et choix de carrière des personnels infirmiers : le rôle des valeurs d’autonomie, http://s3.amazonaws.com/academia.edu.documents/38613224/Lheureux_2010_-_Representations_professionnelles__satisfaction_au_travail_et_choix_de_carriere_des_IDE.pdf?AWSAccessKeyId=AKIAIWOWYYGZ2Y53UL3A&Expires=1499965270&Signature=wZQzIKJ5S4VnLAz1LqZGKi6ufjM%3D&response-content-disposition=inline%3B%20filename%3DRepresentations_professionnelles_satisfa.pdf

[11] Wasmer, E. 2012. Insatisfaction au travail : sortir de l’exception française, http://www.institutmontaigne.org/res/files/publications/etude_insatisfaction_au_travail.pdf

[12] Branche-Seigeot, A. et Giret, J-F. 2013. Le niveau de compétences de base peut-il expliquer le déclassement ou le surclassement sur le marché du travail ? Documents de travail de l’IREDU, n° 2013 – 3, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00821843/document

[13] Intersyndicale social – médico – social 44. 2016. Pour une réelle expression des  salarié – e – s du social et du médico-social, http://www.sud-sante-sociaux-44.fr/wp-content/uploads/2016/06/Rapport-denqu%C3%AAte-version-finale.pdf

[14] Ministère du travail. 2010. Les RPS : de quoi parle-t-on ? http://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/prevention-des-risques/risques-psychosociaux/article/les-rps-c-est-quoi

[15] Samson, L. 2010. 6 points fondamentaux dans la gestion des risques psychosociaux. Editions Tissot, https://static.convergencerh.com/medias/4/Les_risques_psychosociaux.pdf

[16] La prévention en action pour la santé des salariés et des entreprises. Guide méthodologique pour la prévention des Risques psychosociaux, http://www.sante-securite-paca.org/documentation/pdf_documentation/prevention_action/risques_psychosociaux.pdf

[17] Samson, L. 2010. 6 points fondamentaux dans la gestion des risques psychosociaux. Editions Tissot, https://static.convergencerh.com/medias/4/Les_risques_psychosociaux.pdf

[18] Grosjean, V. 2009. Trente ans après l’arbre des causes : ergonomie et bien-être au travail. L’ergonomie face au mal être des opérateurs, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00676955

[19] Brunet, S. 2013. « La prévention des risques psychosociaux : avis du Conseil économique, social et environnemental », Journal officiel de la République Française,  séance du 14 mai 2013, http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2013/2013_12_prevention_risques_psycho.pdf

[20] Brillet, F., Sauviat, I. et Soufflet, E. 2017. Risques psychosociaux et qualité de vie au travail. Dunod, Malakoff, https://www.dunod.com/sites/default/files/atoms/files/9782100760541/Feuilletage.pdf

[21] Carrier-Vernhet, A. 2012. Implication organisationnelle et épuisement professionnel :  une analyse par la théorie de la conservation des ressources, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00770161/document

[22] ARACT Occitanie. SQVT 2015 : Retour sur la table ronde « Les espaces de discussion en entreprise » du mardi 16 juin 2015, http://midact.aract.fr/DETAIL/SWAM_24_PORTAIL/SWAM_24_ARTICLES?p_thingIdToShow=42773670

[23] ANACT. 2015. Comment mettre en place un espace de discussion sur le travail ? https://www.anact.fr/comment-mettre-en-place-un-espace-de-discussion-sur-le-travail

[24] ANACT. 2015. 10 questions sur les espaces de discussion, https://www.anact.fr/file/5570/download?token=JKlomoVo

[25]  Comment mettre en place des espaces de discussion sur le travail, https://espace-chsct.fr/toutes-les-actualites-du-chsct/mettre-place-espaces-de-discussion-travail/

[26] Blanc, E. 2016. « Une communication des organisations comme facteur de protection des risques psychosociaux liés à l’acculturation numérique (Groupe La Poste) », Communication & organisation, 1 (49) : 191 – 201, http://www.cairn.info/revue-communication-et-organisation-2016-1-page-191.htm

[27] Van Belleghem, L. et Forcioli Conti, E. 2015. Une ingénierie de la discussion ? Chiche ! Actes du 50ème Congrès internationale de la Société d’Ergonomie de la Langue Française, du 23 au 25 septembre 2015, Paris, https://www.researchgate.net/profile/Laurent_Van_Belleghem/publication/281836320_Une_ingenierie_de_la_discussion_Chiche/links/55fa834308ae07629e01a88b.pdf

[28] Van Belleghem, L. et Forcioli Conti, E. 2015. Une ingénierie de la discussion ? Chiche ! Actes du 50ème Congrès internationale de la Société d’Ergonomie de la Langue Française, du 23 au 25 septembre 2015, Paris, https://www.researchgate.net/profile/Laurent_Van_Belleghem/publication/281836320_Une_ingenierie_de_la_discussion_Chiche/links/55fa834308ae07629e01a88b.pdf

[29] ANACT. 2015. 10 questions sur les espaces de discussion, https://www.anact.fr/file/5570/download?token=JKlomoVo

[30] Teneau, G. psychologie positive et modernité : Quelle place pour la compassion, http://www.psychologie-positive.com/wp-content/uploads/2013/congres/04_gilles_teneau.pdf

[31] Le deuil professionnel, https://coachetose.wordpress.com/au-travail/le-deuilpro/

[32] Joanette, N. et Brunel, M-L.  Identification des étapes émotionnelles liées à la perte d’emploi de cadres à l’aider du modèle de deuil de Kübler-Ross, http://www.arianesud.com/content/download/2083/9462/file/JOANNETTE%20-%20BRUNEL%20deuil%20perte%20emploi%20cadre.pdf

[33] Joanette, N. et Brunel, M-L.  Identification des étapes émotionnelles liées à la perte d’emploi de cadres à l’aider du modèle de deuil de Kübler-Ross, http://www.arianesud.com/content/download/2083/9462/file/JOANNETTE%20-%20BRUNEL%20deuil%20perte%20emploi%20cadre.pdf

[34] Elisabeth Kübler – Ross – Le chemin de deuil, http://coachingetcarriere.com/wp-content/uploads/La-courbe-du-deuil-E-Kubler-Ross.pdf

[35] Pautet, C. 2017. Le toxic handler : un acteur clé de la résilience organisationnelle, http://www.lettreducadre.fr/14727/le-toxic-handler-un-acteur-cle-de-la-resilience-organisationnelle/

[36] Godfroid, T. 2012. Préparer et conduire un entretien semi-directif, http://crulh.univ-lorraine.fr/sites/crulh.univ-lorraine.fr/files/documents/Tiphaine%20Godefroid.pdf

[37] Groupe d’Etude et de Recherche Sociales. Le questionnaire et l’entretien semi-directif, http://gers-sociologie.fr/methodes/le-questionnaire-et-lentretien-semi-directif/

[38] ESEN. Entretien, http://www.esen.education.fr/conseils/recueil-de-donnees/operations/construction-des-outils-de-recueil/entretien/

[39] Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, Ministère de la jeunesse et des solidarités actives. 2010. Guide des activités et des métiers du secteur social, médicosocial et petite enfance, http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_activites_et_metiers_du_secteur_social_medico_social_et_petite_enfance_sept_2010.pdf

[40] Intersyndicale social- médico – social 44. 2016. Pour une réelle expression des salarié-e-s du social et du médico-social, http://www.sud-sante-sociaux-44.fr/wp-content/uploads/2016/06/Rapport-denqu%C3%AAte-version-finale.pdf

[41] Intersyndicale social- médico – social 44. 2016. Pour une réelle expression des salarié-e-s du social et du médico-social, http://www.sud-sante-sociaux-44.fr/wp-content/uploads/2016/06/Rapport-denqu%C3%AAte-version-finale.pdf

Nombre de pages du document intégral:79

24.90

Retour en haut