Prise en charge des douleurs des résidents dans les EHPAD
Thème : prise en charge des douleurs des résidents dans les EHPAD
Introduction
La société actuelle est marquée par la prépondérance de populations d’âge avancé. L’amélioration de la condition de vie a permis de rallonger l’espérance de vie des populations des pays industrialisés. Cette caractéristique démographique d’aujourd’hui s’accompagne de mesures préventives permettant d’améliorer la qualité de vie des personnes d’âge avancée. Dans cette optique, les établissements accueillant les personnes âgées dont l’EHPAD sont susceptibles d’accueillir de plus en plus de résidents, ce qui les oblige à aménager d’une part l’espace permettant d’accueillir le plus grand nombre de résidents, mais aussi d’organiser leur activités pour répondre aux besoins de ces résidents.
Mais le phénomène de vieillissement s’accompagne fréquemment de maladies et de douleurs. A l’heure actuelle, la société est de plus en plus consciente de la nécessité d’améliorer la prise en charge de la douleur parce que dans un avenir proche, tous les individus vont devenir vieux, et vont subir de ce fait le supplice de la douleur accompagnant la vieillesse. Cette constatation a particulièrement attiré mon attention. C’est ainsi, que dans mon étude, je vais me focaliser sur la prise en charge des douleurs des résidents dans les EHPAD. Il me semble utile en effet, de considérer les particularités des personnes âgées dépendantes, parce qu’elles sont très vulnérables.
Pour faire cette analyse, je vais présenter d’abord, la situation qui m’a interpellée et qui a suscité ma réflexion. Ensuite, je vais développer la notion de douleur, son évaluation chez les personnes âgées dépendantes et la complexité de sa prise en charge. Après, je vais montrer le rôle de l’infirmier dans la prise en charge de cette douleur ainsi que le cadre législatif qui régit la profession infirmière et sa mission dans les EHPAD. Puis, je vais tenter de collecter les informations relatives aux rôles de l’infirmier dans la prise en charge de la douleur dans les EHPAD en faisant une enquête exploratoire à partir de laquelle, je vais formuler mon hypothèse de recherche.
- Situation d’appel
La situation qui m’a interpellé s’est déroulée lors de mon stage du semestre 6 en juillet 2013 dans un EHPAD (Etablissement d’Hébergement des Personnes Agées Dépendantes) dans le Val de Marne. Cet établissement accueille des personnes âgées de 65 ans en moyenne et présentant une perte d’autonomie soit au niveau
- Physique, ce qui nécessite l’aide du soignant pour effectuer les actes de la vie quotidienne
- Cognitive, se manifestant par des désorientations temporo-spatial ou des démences
- De l’état général du patient
L’EHPAD héberge 63 patients répartis dans quatre étages présentant des chambres individuelles. Ils sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire.
Pendant ma première semaine de stage, à la demande de l’infirmière qui m’encadre, je ne devais faire que des observations lors des pratiques de prise en charge des résidents. Ceux-ci consistaient en des préparations, des distributions de médicaments suivis de la surveillance de leur efficacité et de leurs effets secondaires sur le patient, la réfection des pansements, les prises de rendez-vous, etc.
A 8 heures du matin, lors de sa prise de service, l’infirmière considère les transmissions écrites et rejoint les aides soignantes qui étaient déjà en service depuis 7 heures du matin pour faire la transmission orale. Elle prépare son chariot de médicaments, les appareils de glycémie capillaire, l’insuline et le tensiomètre. Après, nous nous dirigeons vers les chambres où les résidents sont installés par les aides soignants et les agents hospitaliers, pour le petit-déjeuner.
Nous arrivons devant la chambre de madame X, âgée de 90 ans, admise à l’EHPAD depuis janvier 2013 pour une perte d’autonomie et démence. L’affaiblissement mental global altère progressivement l’ensemble de ses facultés psychiques, son affectivité et son activité volontaire. La patiente souffre également d’une aphasie ou d’un trouble du langage. Madame X a pour antécédent, un diabète de type 2.
Après avoir frappé à la porte, nous entrons et saluons la résidente. Puis, l’infirmière me présente à madame X. Elle me délègue la surveillance et l’administration du traitement de la résidente. Celui-ci est composé de 1g de Dafalgan®, de deux sachets de Movicol®, 1 comprimé de Diamicron® et 1 comprimé d’Aricept®. L’infirmière sort de la chambre et me demande de la rejoindre après l’administration du traitement de madame X.
Avant de lui administrer le traitement, je demande à la patiente si elle avait mal. N’ayant pas de réponse, je répète ma question en ajoutant des gestes et en touchant chaque partie de mon corps afin qu’elle puisse localiser sa douleur. Mais en guise de réponse elle me sourit. Au même moment, l’infirmière me demande de lui administrer les médicaments. J’ai directement exécuté son ordre. L’infirmière m’a expliqué alors que l’administration des traitements devrait se terminer à 10 heures car à 11 heures, nous faisons la réfection des pansements.
Nous sommes arrivés chez madame Y, âgée de 80 ans, admise en EHPAD pour altération de l’état général avec démence associée à des troubles de comportements (agitation, agressivité, etc.). Les antécédents de madame Y sont nombreux. Elle a une prothèse totale de la hanche droite, suite à une chute à son domicile en 2007. Elle présente aussi une arthroplastie totale du genou gauche en 2008. Avant d’entrer dans la chambre, l’infirmière me prévient du comportement agressif de la résidente et me conseille de me tenir à une distance raisonnable afin d’éviter toute réaction imprévue.
Nous entrons dans la chambre de madame Y. L’infirmière s’approche d’elle et lui demande comment elle va. Madame Y crie et s’agite. L’infirmière se retourne vers l’aide soignante et lui demande d’administrer à la patiente son traitement en même temps que son petit-déjeuner. Son traitement est constitué par 1g de DolipraneÒ, 1 comprimé de VothyroxÒ de 50 µg le matin à jeun et 1 sachet de TransipegÒ de 2,5mg/jour.
Nous poursuivons ainsi jusqu’à la quatrième étage la distribution des traitements. Je constate alors que dans 90% des cas, les prescriptions ou les protocoles médicaux comportaient un antalgique de palier 1. J’ai observé que bon nombre d’ordonnance ont été renouvelés systématiquement sans réévaluer pour autant la douleur du patient. J’ai donc demandé à l’infirmière quel est le déroulement d’une consultation médicale des patients lors du renouvellement de son ordonnance dans le cadre de la prise en charge la douleur.
Le résident doit garder son médecin traitant afin que celui-ci puisse faire son suivi individuel. Par conséquent, la prescription est réalisée par les médecins traitants qui interviennent une fois par mois ou ponctuellement si besoin est. J’ai appris alors que le médecin se base sur les transmissions orales qui ne sont pas toujours correctement interprétées à cause des difficultés liées aux différentes pathologies des patients admis à l’EHPAD.
- Questionnements de départ
J’avais observé lors de mon stage que le traitement de la douleur chez les résidents âgés admis dans les EHPAD consistait en l’administration d’antalgique dont la plupart est de palier I alors que la douleur des patients n’était pas toujours prise en compte lors des consultations. Je me suis donc demandée : Est-ce que les antalgiques prescrits sont toujours efficaces pour traiter la douleur des patients ?
Dans ma situation d’appel, j’ai exposé deux cas de prise en charge de patientes âgées dépendantes. Cela m’a conduite à discerner deux types de comportements différents mais qui pourrait manifester la douleur du patient. D’une part, il y a madame X qui sourit sans répondre et d’autre part, il y a l’agressivité de madame Y. Etant donné que ces deux patientes montrent des troubles cognitives, qui les empêchent de parler ou de s’exprimer correctement, comment l’infirmier pourrait-il évaluer la douleur du patient avant de lui administrer le traitement ? Et comment localiser la douleur au niveau du corps du patient lorsque ce dernier ne parle pas ou quand il est difficile pour le soignant de lui approcher tant il est agressif ?
Il faut noter entre autre que la situation qui a suscité mon intérêt se passe au sein d’un EHPAD hébergeant des personnes âgées dépendantes. Il est évident que cette catégorie de patient présente des besoins spécifiques et que ces derniers tendent à augmenter au fil du temps et au fur et à mesure que la dépendance de la personne augmente. La question qui se pose est donc de savoir comment évaluer les besoins des patients pour faire face à la maladie et à la fragilisation de la santé du patient puisque la douleur persiste. Un EHPAD présente-t-il réellement toutes les capacités et les ressources requises pour donner un soin de qualité pour tous les résidents ? Il nous paraît utile de ce fait d’identifier les principaux axes d’amélioration des soins prodigués aux patients.
J’ai pu constater entre autre que les consultations des médecins n’arrivaient pas à tenir compte de l’évolution de la douleur des patients. En effet, les médecins se basent sur les transmissions orales qui peuvent parfois être mal interprétées. Dans ce cas, il faut trouver de prime abord les approches qui permettent d’évaluer la douleur ressentie par le patient, de le localiser par la suite et de la prendre en charge à la fin. Mais les outils d’évaluation sont mal définis. Ceci m’amène à penser que la mise en évidence de la douleur constitue une urgence thérapeutique chez les personnes âgées dans la mesure où elle peut impacter négativement sur la qualité de vie du patient et entraîner des complications telles que les chutes, les confusions, les troubles du sommeil, la dépression, les syndromes régressifs, l’isolement social et la perte d’autonomie (Gires, 2012).
Le traitement administré pour atténuer la douleur peut être médicamenteux ou non. Mais avant de la traiter, il est indispensable que l’infirmier détermine le poids, la fonction rénale, l’état nutritionnel, les thérapeutiques prises par le patient et qui sont susceptibles d’interagir avec le traitement prescrit. Pour illustrer ce fait, le soignant doit déterminer la fréquence morphinique, la date des dernières selles, la régularité des mictions, les troubles digestifs ou les troubles de déglutition, les troubles de sommeil et de la vigilance chez les patients qui sont traités avec la morphine. Tous ces suivis doivent être effectués étant donné que la morphine peut induire des effets secondaires. D’autre part, le soignant doit aussi analyser les confusions, les troubles psycho-comportementales pour éviter les impacts négatifs du traitement sur le patient (Gires, 2012).
Du côté de l’infirmière, j’ai pu observer qu’elle n’utilisait ni un outil ni une technique d’évaluation de la douleur avant et après l’administration des antalgiques. Pourtant, pour prendre en charge la douleur, il faut l’évaluer d’abord. Dans ce cadre, l’évaluation peut se faire par le patient lui-même dans le cadre d’une autoévaluation. Cependant, cette capacité du patient s’estompe avec le temps, ce qui rend la démarche impossible. Dans ce cas, le soignant doit discerner les différents signes physiques et comportementaux qui permettent de déceler la douleur tels que le repli, l’agitation, la réticence pour s’alimenter, les agressivités, les cris, la résistance aux mobilisations ou aux soins d’hygiène.
Dans certains cas, il est également possible de déceler la douleur par l’expression du visage. Quand la douleur n’est pas atténuée, alors la dose d’antalgique est augmentée progressivement. Ces différentes constatations m’amènent à me poser des questions : quelles sont les difficultés matérielles, financières et humaines rencontrées par les soignants qui prennent en charge les personnes âgées dépendantes ? Vers qui l’infirmier doit-t-il se tourner au cas où il rencontre des problèmes ? Existe-t-il des référents douleurs dans le service ? Quel est leur rôle ? Quelles sont les missions et les rôles de l’infirmière en EHPAD ?
Quelles peuvent être les principales causes de la douleur chez les personnes âgées ? Comment évaluer la douleur d’une personne âgée non communicante ? Quels sont les contenus d’un plan de lutte contre la douleur et les différents outils qui permettent d’évaluer la douleur auprès des personnes âgées dépendantes ? Quels sont les différents moyens permettant de prendre en charge la douleur des personnes âgées ? Est-ce que les antalgiques prescrits sont toujours efficaces pour traiter la douleur des patients ? Comment une infirmière en EHPAD peut-elle agir pour soulager la douleur ? A partir de ces différents questionnements émerge la question de départ suivante : Qu’est ce que la douleur ?
Qu’est ce que la douleur ?
La douleur a été définie par l’Association for the Study of Pain (IASP) cité par Muller et al. (2012) comme étant une « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire potentielle ou réelle, ou écrite en les termes d’une telle lésion ». Cette expérience de la douleur varie d’un individu à un autre en fonction de son expérience antérieure, de ses émotions et de son comportement. La douleur peut être aigüe mais parfois, elle persiste. Cela correspond à la douleur chronique qui peut porter atteinte aussi bien à la personnalité du patient qu’à sa qualité de vie. Elle peut impacter négativement sur la vie familiale, sociale et professionnelle de l’individu. La douleur aigüe n’est perçue que pendant une courte durée mais la douleur chronique peut s’étaler sur plusieurs mois (Peoc’h, 2012).
La détection de la douleur est réalisée par les voies nociceptives qui induisent la sensation ou la perception de la douleur par l’individu. Cela remet en cause la subjectivité de la perception de la douleur par le patient lui-même. Par ailleurs, la douleur peut être aussi ressentie par des personnes qui ne communiquent pas, ou par les nouveaux nés mêmes, ce qui ne permet de vérifier que partiellement l’hypothèse de l’expérience de la douleur antérieure (Muller et al., 2012).
D’une manière générale, la douleur provient d’une lésion du tissu. Mais elle peut aussi être induite par la lésion nerveuse et parfois aussi par des perturbations psychologiques. Ce sont les douleurs reliés à la psychologie de l’individu qui sont en lien avec son expérience dans le passé. Ainsi, la douleur continue à persister dans la chair de l’individu sans qu’il n’en souffre physiquement. La plainte douloureuse provient de l’émetteur, mais la variation de cette plainte peut varier en fonction de la personne à laquelle, l’émetteur se plaint. En effet, à travers la communication de sa douleur, la personne qui ressent la douleur, cherche une réponse bien précise de la part de l’autre personne qui l’écoute (Muller et al., 2012). La douleur survient lors d’un accident ou d’une maladie. Mais elle est particulièrement importante dans le cadre d’une fracture ou d’une infection, qui induisent une augmentation de la nociception (Serra et al., 2014).
Les principales causes de la douleur chez les personnes âgées
La douleur est importante chez les personnes âgées à cause de la multitude de maladies qui les attaquent d’une manière générale. Ainsi, 40% à 70% des personnes âgées sont sujettes à une douleur chronique qui augmente avec l’âge. Mais la perception de la douleur peut être plus difficile étant donné que le patient ait déjà une certaine expérience de la douleur et qu’il accepte la douleur comme étant une expérience incontournable et indissociable du processus de vieillissement. Par ailleurs, la souffrance induite par la douleur est parfois peu ou pas communiquée par les personnes âgées, ce qui rend particulièrement difficile son évaluation et sa prise en charge. Mais à la longue, la douleur cause une dépression chez les personnes âgées et peut parfois le pousser à l’alcoolisme, à l’abus de médicaments voire même, à la suicide (Serra et al., 2014).
Mais il a été constaté entre autre, qu’en dehors des maladies auxquelles, les personnes âgées sont sujettes, leurs douleurs ont aussi une origine psychologique. En effet, la douleur peut devenir un message au soignant et aux aidants. Cette douleur psychologique se produit principalement lorsque la personne entre en deuil ou se sépare d’un être ou d’une chose ayant de la valeur morale pour lui. La douleur constitue dans cette optique, un moyen pour attirer l’attention des proches et des soignants. Mais elle constitue entre autre, un autre élément qui permet à la personne de s’approprier une nouvelle identité qu’est celle du malade. Ce nouveau statut lui permet en effet d’avoir un peu plus d’estime de soi. La plainte douloureuse pourrait découler entre autre des troubles affectifs de la personne âgée.
La dépression pourrait aussi favoriser la douleur chronique chez le patient âgée. Cela est illustré par le fait que 50% des patients douloureux présentent un état dépressif majeur. Mais la corrélation entre ces deux faits reste encore sujet à controverse dans la mesure où il est difficile de connaitre si la dépression est effectivement à l’origine de la douleur ou si la douleur est à l’origine de la dépression du patient, les deux cas étant probables. Et pourtant, chez les patients âgés, la dépression est particulièrement causée par les handicaps, les sentiments de devenir une lourde charge pour les autres, le sentiment de manquer de soutien, et l’impression d’être seul. Ainsi, l’individu peut multiplier ses plaintes douloureuses pour bénéficier d’une relation sociale acceptable. La douleur devient aussi un autre moyen de projection de la détresse[1].
Evaluation de la douleur chez une personne âgée non communicante
Le vieillissement s’accompagne de nombreux troubles dont le déficit cognitif qui affecte les différentes capacités de la personne âgée. Les patients âgés sont plus exposés au risque de ne plus pouvoir s’exprimer. Or, cela porte atteinte à l’évaluation de la douleur. Dans ce cadre, les soignants doivent adopter des outils d’hétéro-évaluation de la douleur[2]. Etant donné que les patients ne soient pas toujours en mesure de s’exprimer, alors l’infirmier est encouragé à faire des évaluations en se basant sur des indicateurs comportementaux. L’observation des signes comportementaux de la douleur chez les patients âgés constituent donc le pilier de cette hétéro-évaluation de la douleur (Lewis et al., 2011).
Les différents outils qui permettent d’évaluer la douleur auprès de personnes âgées dépendantes
L’évaluation de la douleur chez les personnes âgées dépendantes s’avère particulièrement difficile étant donné qu’elles peuvent parfois ne plus communiquer avec les personnes extérieures en ce qui concerne leurs douleurs. Ainsi, les méthodes permettant d’évaluer leur douleur ne se basent plus uniquement sur la perception de la douleur par le patient, mais se base entre autre sur l’utilisation d’outils de détection et d’hétéro-évaluation de la douleur. Ces outils se fondent sur la sensibilisation, le monitoring systématique de la douleur par les équipes[3]. Cette hétéroévaluation se fait à travers les outils comme le Doloplus 2, l’ECPA 2, le PACSLAC-F, l’Algoplus, le Painad[4].
- Le Doloplus regroupe dix items qui sont regroupés dans trois groupes dont le retentissement somatique, le retentissement psychomoteur, le retentissement psycho-social. Chaque item est coté de 0 à 3 et le score total est de 0 à 30. La personne présente une douleur lorsque son score est compris entre 5 et 30[5].
- L’ECPA ou Evaluation Comportementale de la Douleur chez la Personne Agée non Communicante comprend 8 items qui sont regroupés dans deux dimensions notamment, l’observation avant les soins et les observations pendant les soins. Chaque item est noté de 0 à 4 et le score est compris entre 0 et 32. Cette échelle permet de connaitre l’efficacité de l’antalgique[6].
- PACSLAC-F (Pain Assessment Checklist for Seniors with Limited Ability to Communicate) est une échelle de mesure de la douleur basée sur 60 items qui sont classés en 4 catégories dont l’expression faciale, les activités et les mouvements du corps, le comportement – personnalité-humeur, et autres[7].
- L’Algoplus permet d’évaluer la douleur aigüe chez les personnes âgées atteintes de troubles de communication verbale. Elle comporte 5 items. Une réponse positive à chaque item équivaut à un point. Le score supérieur ou égal à deux suppose la présence de douleur[8].
- PAINAD ou Pain Assessment In Advanced Dementia comprend 5 items: la respiration, les vocalisations négatives, le langage corporel, l’expression faciale et la consolabilité. Le score varie de 0 à 10. Elle est utilisée aussi bien pour les douleurs aigües que les douleurs chroniques[9].
Les moyens de prise en charge de la douleur chez les personnes âgées
Après avoir mentionné les différents outils qui permettent de mesurer la douleur du patient, je vais présenter maintenant les moyens de prise en charge et l’enjeu de celui-ci chez les patients âgés. La prise en charge de la douleur chez les patients âgés se fait de deux manières complémentaires. La première prise en charge de la douleur repose sur un traitement médicamenteux basé sur l’administration d’antalgiques. Mais l’administration de médicaments doit être précédée de l’analyse du poids du patient, de sa fonction rénale, de son état nutritionnel. Les différents médicaments ingérés par le patient doivent être analysés afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’interactions médicamenteuses (Puisieux, 2012).
Cependant, la douleur ne comporte pas toujours une dimension physique, ce qui permet de mettre en évidence la nécessité de recourir à des traitements non médicamenteux. Ces traitements non médicamenteux englobent :
- Les interventions cognitives rassemblant l’entraînement cognitif, la réadaptation cognitive et la stimulation cognitive
- La thérapie psychosociale qui se base sur le vécu du patient dans le passé et sur l’empathie
- La stimulation sensorielle par l’aromathérapie, la musicothérapie, la luminothérapie et la méthode Snoezelen
- L’activité physique
- La thérapie faisant appel aux nouvelles technologies
- La combinaison de différentes approches permettant de mettre en œuvre des prises en charges spécifiques.
Cependant, l’efficacité de ces approches non médicamenteuses reste encore à prouver (Coley et al., 2013).
Les limites des antalgiques à longue durée dans le traitement de la douleur des patients
La prise en charge de la douleur par le biais des médicaments chez les personnes âgées s’avère particulièrement difficile étant donné que ces dernières assimilent très lentement les médicaments qui leurs sont administrés. Or, la douleur ressentie est susceptible d’augmenter avec l’âge. Dans cette optique, les soignants peuvent augmenter les doses mais cela pourrait augmenter aussi les effets secondaires (Lewis et al., 2011).
Il a été rapporté entre autre, que les antalgiques n’arrivent pas à soulager les maux des patients dans deux tiers des cas, chez les patients cancéreux. Parfois aussi, les traitements avec les antalgiques ne tiennent pas toujours compte de l’état de santé des patients. Pour illustrer ce fait 80% des patients cancéreux présentent des douleurs paroxystiques et pourtant, 22% d’entre eux uniquement, bénéficient d’un opioïde fort[10].
D’autre part, la polymédication est fréquente chez les personnes âgées. Une personne peut prendre plusieurs antalgiques en même temps et pourtant, cette démarche pourrait conduire à des interactions négatives des antalgiques utilisés par le patient (Lewis et al., 2011).
Plan de lutte contre la douleur
Etant donné que la société actuelle soit de plus en plus consciente de la nécessité de prendre en charge la douleur, la lutte contre la douleur a fait l’objet de plusieurs actions. Dans cette optique, il y a le plan national de la prise en charge de la douleur 2006 – 2010. Ce plan national a pour objectif d’optimiser la prise en charge de la douleur plus particulièrement, chez les personnes qui sont vulnérables telles que les enfants, les adolescents, les personnes polyhandicapées, les personnes âgées ou en fin de vie. Mais cette amélioration de la prise en charge de la douleur chez les patients ne peut se faire à moins que les soignants ne soient eux-mêmes formés pour avoir des habiletés qui les permettront de déceler, de mesurer et de prendre des mesures permettant de prendre en charge la douleur des patients.
Dans cette optique, le plan national d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006 – 2010 vise aussi à améliorer la formation pratique initiale mais aussi continue des soignants. Il cible entre autre l’amélioration des modalités de traitement. Dans cette optique, le plan vise à améliorer l’utilisation de la prise en charge par le biais des médicaments, mais tente aussi d’optimiser le recours à l’adoption de méthodes non pharmacologiques. Enfin, ce plan a pour objectif de bien structurer les filières de soins de la douleur, et de la prise en charge de la douleur chronique rebelle.
Des mesures sont prises afin d’améliorer la prise en charge des personnes âgées. En effet, il a été constaté que la douleur était tardivement détectée chez cette population. Dans ce cadre, il est nécessaire d’améliorer de prime abord, le repérage, le diagnostic et le traitement de la douleur des personnes âgées. Le plan a permis de faire une synthèse des connaissances et de la situation nationale en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées. Par la suite, les acteurs peuvent mettre en œuvre, des outils de diagnostics et d’évaluation, mais également, des outils permettant la formation et l’actualisation des pratiques de soins dans les EHPAD. C’est ainsi que l’URML Ile-de-France a conçu l’outil de repérage et d’évaluation du patient douloureux. La conception de cet outil a été faite en collaboration avec le SFTED, le SFGG, la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d’Ile-de-France (DRASSIF), l’Union Nationale des associations de formation médicale et d’évaluation continues (UNAFORMEC) ainsi que le réseau francilien « Lutter contre la douleur ».
L’outil a été diffusé sur Internet afin que les praticiens puissent l’utiliser. Puis, une campagne permettant de former les praticiens a été mise en place dans les différents départements. Mais cette formation n’a pas reçu beaucoup de succès étant donné que des associations de formation continue et du centre antidouleur s’y sont opposé. Ainsi, elle n’a pu attirer qu’un faible nombre de médecins et n’a pu être mise en place que pendant deux jours seulement. De ce fait, la réalisation de la formation pour les praticiens se heurte parfois à des obstacles quant à sa diffusion, son accessibilité et son non interfaçage avec les logiciels médicaux[11].
La communication du traitement au patient qui présente des douleurs
Après avoir mentionné un plan de lutte contre la douleur, je vais exposer maintenant les différents rôles de l’infirmier vis-à-vis du patient, en commençant par son rôle dans la communication du traitement au patient. L’information du patient fait partie de ses droits fondamentaux. Il doit être informé en ce qui concerne la douleur. Dans le meilleur des cas, le patient doit être prévenu de la douleur qu’il va endurer après un acte de soin. La douleur doit être signalée dès qu’elle est détectée chez le patient.
De même, l’infirmier doit aussi communiquer au patient les modalités d’évaluation de l’intensité douloureuse ainsi que des modalités qui permettent de la prendre en charge: type de traitement antalgique, la voie d’administration des médicaments, les effets secondaires, les traitements non médicamenteux qui peuvent être ajoutés à la prise en charge médicamenteuse. Mais il est indispensable que le soignant parvienne à convaincre le patient de bien suivre son traitement antalgique[12].
Etant donné que le patient n’arrive pas toujours à comprendre les informations communiquées par le soignant à cause de ses troubles cognitifs, il est nécessaire de tenir informé son entourage. Dans cette optique, il est nécessaire de faire une surveillance toutes les heures qui suivent l’administration du médicament afin d’évaluer l’efficacité antalgique et les différents effets de ce médicament sur le patient[13].
Le rôle de l’infirmier en EHPAD pour soulager la douleur
L’infirmier en EHPAD a pour mission d’évaluer et de suivre la douleur des résidents. Mais il ne doit pas uniquement se focaliser sur l’évaluation de la douleur, mais aussi sur sa prise en charge. Pour ce faire, il est nécessaire que l’infirmier arrive à reconnaitre la douleur de la personne et à l’évaluer. Puis, quand la douleur et sa cause ont été identifiées, il est nécessaire de déterminer les moyens qui permettent de la soulager, en tenant compte de la personne dans son entièreté.
Pour l’aider à faire ses différentes démarches de prise en charge de la douleur et plus particulièrement, dans l’administration des antalgiques, l’infirmier suit les prescriptions du médecin. Au cas où le médecin n’a pas encore fait de prescription, alors l’infirmier se conforme aux protocoles de prise en charge de la douleur qui a été déjà établi et signé par le soignant. Cependant, ces différents protocoles doivent encore être adaptés à la personne[14].
Les différentes constatations montrent que l’infirmier tient un rôle important dans la surveillance, la détection, l’évaluation et la prise en charge de la douleur qui devient de plus en plus fréquente quand le résident avance en âge. Par ailleurs, la mise en place de stratégies permettant de lutter contre la douleur fait partie des attributions de l’infirmier en EHPAD. Cependant, il lui revient de discerner les méthodes et les moyens qui sont les plus adaptés pour prendre en charge la douleur des patients qui sont admis au sein des EHPAD.
Un soin et une prise en charge adapté suppose une analyse minutieuse de la situation du patient. De plus, la prise en charge de la douleur suppose aussi une communication avec le patient et avec ses proches parce que les plaintes douloureuses du patient manifestent leur besoin d’équilibre relationnel. Cela demande de l’investissement en temps et de l’implication de la part de l’infirmier. Or, la société actuelle souffre d’une pénurie de soignants obligeant l’équipe soignante à prendre en charge un nombre important de patients. La question qui se pose est donc de savoir : Comment l’infirmière en EHPAD peut-elle effectuer un soin de qualité dans le cadre de la prise en charge de la douleur lorsqu’elle est responsable de 63 patients ?
- Le travail de l’infirmier en EHPAD
- L’EHPAD
Avant de parler du rôle de l’infirmier dans les EHPAD (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), il est nécessaire de rapporter les caractéristiques de ces établissements. L’EHPAD est un établissement qui accueille les personnes âgées dépendantes. Il attribue des soins de base et des soins infirmiers aux résidents. Mais la structure et l’organisation de ces soins sont déterminées par les autorités du département comme le préfet et le conseil général (Belmin et al., 2011).
L’EHPAD permet d’accueillir les résidents et leurs familles. Les soins qui sont prodigués aux résidents au sein de ces établissements s’inscrivent dans le respect de leurs droits. Cela suppose le respect du choix et la considération de sa détermination, réduction voire proscription des matériels de contention et refus de la privation de la liberté. Les soins en EHPAD sont assurés par une équipe médicale et des infirmiers qualifiés. D’autre part, l’EHPAD permet aussi d’assurer un hébergement et des repas de bonne qualité (Selmès, 2011).
Les résidents sont aidés dans leur vie quotidienne à travers l’établissement d’un projet de vie personnalisé en fonction de ses particularités. L’EHPAD propose entre autre des activités ludiques et récréatives permettant d’animer les résidents. Et il assure l’accompagnement en fin de vie aussi bien pour le patient que pour sa famille. Cet accompagnement consiste particulièrement en un soutien psychologique du patient et de sa famille pour affronter l’inévitable. Mais cette démarche peut être réalisée par l’équipe interne ou externe (Selmès, 2011).
- Le rôle propre
Le rôle propre de l’infirmier correspond à ses interventions qui ne relèvent pas des prescriptions du soignant. Dans cette optique, il est admis que l’infirmier peut prendre des décisions pour donner les soins au patient, en se basant sur sa capacité de discernement. Parmi ces rôles propres de l’infirmier figurent l’éducation à la santé, la formation, l’encadrement des stagiaires, la prévention des maladies et l’hygiène des personnes qu’il prend en charge et les recherches. Mais dans sont rôle propre, l’infirmier doit toujours considérer les particularités du patient (Benoist, 2013).
Le rôle propre suppose que l’infirmier soit en mesure d’accomplir des actes qui lui permettent d’entretenir la vie du patient et la qualité de cette vie par le maintien de son autonomie. En EHPAD, l’infirmier a pour rôle de donner des soins d’hygiène de la personne et de son environnement. Il surveille aussi l’hygiène et l’équilibre alimentaire du résident et surveille aussi les possibles maltraitances qui sont subies par les personnes admises en EHPAD.
Etant donné que les patients n’arrivent pas toujours à administrer leur propre médicaments, alors, l’infirmier en EHPAD surveille que les résidents ont bien pris leur médicaments qu’il s’agisse d’une injection ou non. Puis, il assure la surveillance des impacts de ces médicaments sur l’état de santé du patient. Pour les patients qui ne peuvent plus manger, l’infirmier se charge de l’administration de leur aliments par le sonde gastrique et de le changer. Une vigilance particulière est accordée aux patients qui sont en assistance nutritive entérale ou parentérale.
Puis, l’infirmier doit aussi surveiller l’élimination intestinale et urinaire par le biais des sondes vésicales. De même, plus d’attention est accordée aux patients qui subissent une dialyse rénale ou péritonéale, à ceux qui sont placés dans un milieu stérile. Les personnes âgées doivent bien être installées pour prévenir l’apparition des plaies de pression, mais aussi pour pallier aux risques de gênes. L’infirmier procède donc à l’installation du patient en fonction de sa pathologie et de son handicap.
Le rôle propre de l’infirmier renvoie entre autre à l’hygiène du patient. Dans cette optique, il doit préparer et surveiller le repos et le sommeil du patient. A son réveil, l’infirmier en EHPAD doit lever le patient et l’aider à faire des marches pour assurer son autonomie et pour le rééduquer. Les pansements non médicamenteux sont aussi réalisés par l’infirmier. Les sécrétions du patient doivent être aspirées et au cas où il présente des difficultés pour respirer, l’infirmier se charge de la ventilation manuelle instrumentale par masque. Au cas où le résident est sous défibrillateur semi-automatique, l’infirmier se charge de sa surveillance.
Les observations de l’infirmier concernant le patient doivent être recueillies afin d’être utilisés pour mettre en place des stratégies permettant de le soigner. La collecte des données concernant la température, la pulsation, la pression artérielle, le rythme respiratoire, le volume de la diurèse, le poids, les mensurations, les réflexes pupillaires, le réflexe de défense cutanée et l’évaluation de la douleur. L’infirmier doit aussi écouter le patient et l’orienter. L’infirmier doit entre autre donner un soutien psychologique au patient et surveiller les troubles de comportements qui peuvent survenir[15].
- Le rôle prescrit
Le rôle prescrit de l’infirmier implique la nécessité d’une prescription médicale. Dans cette optique, les infirmiers accomplissent l’acte technique comme les injections, les aérosols, etc. pour administrer le médicament qui a été prescrit par le soignant. Dans cette démarche, il peut être assisté par l’aide-soignante ou non. Mais au cas où l’infirmier ne suit pas la prescription médicale, alors il doit se conformer au protocole écrit qui a été établi par le soignant afin d’administrer le médicament au patient.
Après l’ingestion du médicament, l’infirmier s’assure de l’état du patient surtout ceux qui présentent des troubles cognitifs. Puis, dans certains cas, le médicament est difficile à ingérer pour le patient. L’infirmier doit donc le signaler au médecin pour avoir l’autorisation d’écraser les médicaments. Ensuite, il le mentionne dans le dossier du patient pour adapter la forme galénique sous laquelle, le médicament sera administré par le patient[16].
- Le rôle délégué
Le rôle délégué de l’infirmier renvoie aux actes que l’infirmier accomplit aussi sous la prescription d’un médecin. Parmi le rôle délégué de l’infirmier se trouve la délivrance des médicaments, la réalisation d’une ponction, la pose de sonde et de cathéters et les prélèvements sanguins[17].
- Les concepts d’écoute, communication, observation, empathie
Dans le cadre d’une relation de soin, l’infirmier doit procéder à la communication et à l’écoute active du patient. En effet, cette démarche permet de créer une relation de confiance entre le soignant et le soigné. L’écoute suppose que l’infirmier soit apte à écouter attentivement ce que le patient veut partager avec lui. Ainsi, il doit écouter les différents propos du patient afin de pouvoir les interpréter et les aider. Une écoute sincère permet entre autre de répondre aux besoins en soins des patients. Mais cela ne peut se faire à moins que l’infirmier ne porte pas de jugements sur la personne qui parle. Il doit éloigner les différents bruits qui peuvent perturber l’écoute. Il est indispensable que le soignant fasse l’écoute d’une manière naturelle sans avoir l’impression d’être sous contrainte. Il est aussi nécessaire de considérer l’écoute du ton employé par la personne ainsi qu’aux mots qu’il emploie (Potter et Perry, 2010).
L’écoute active fait partie de la stratégie de communication thérapeutique et se trouve à la base de toutes les relations d’aide. Mais cette communication doit aussi s’accompagner de l’empathie. Cette démarche implique une communication à l’autre personne de ses perceptions et de ses sentiments. L’empathie suppose que l’infirmier ne juge pas la personne. Parfois, l’infirmier peut informer le patient de ses apparences, de ses comportements. Lors de la discussion avec le patient, l’infirmier ne doit pas évoquer des propos qui risquent de vexer le patient au risque de ne plus l’encourager à parler (Potter et Perry, 2010).
D’autres techniques peuvent être déployées par l’infirmier afin d’aider le patient. Parmi ces techniques se trouve la transmission de l’espoir qui permet à l’aidé de toujours croire et d’espérer la guérison. Il y a entre autre l’humour qui permet de détendre la tension qui peut être causée par la maladie, les émotions, l’environnement dans lequel se trouvent le soignant et le soigné. Par ailleurs, l’humour permet aussi de donner un sentiment de maîtrise de soi par le patient. L’infirmier peut faire un toucher thérapeutique dans le cadre de la communication thérapeutique. Le toucher thérapeutique traduit une sollicitude, de la tendresse ou de l’encouragement du patient. Mais cette démarche ne peut pas être évoqué au cas où le patient est méfiant ou en colère (Potter et Perry, 2010).
- La personne âgée
- Généralités concernant la personne âgée
La personne âgée est une personne qui fait face à une tournure importante de sa vie. En effet, c’est une période marquée par un changement de la vie et du statut social. Dans cette optique, la personne âgée doit faire le deuil de plusieurs choses dont l’image de son corps qui se détériore sous le poids des années et à cause des maladies. Mais c’est aussi une période marquée par des insuffisances de ressources notamment financières, contraignant le sujet à plus dépendre de ses enfants, ou des acteurs externes. Cela constitue aussi un élément qui affecte son image de soi. Enfin, il y a l’incontournable approche de la fin de vie, qui est une expérience douloureuse aussi bien pour les personnes âgées que pour les personnes qui les entourent : les aidants et les soignants.
Tous ces faits contribuent à la modification de l’interprétation et de la représentation de la douleur chez les personnes âgées. Or, il a été établi que la perception de la douleur est dépendante de l’expérience et de la perception ainsi que de la représentation que l’individu s’en fait. Les personnes âgées acceptent facilement, la douleur comme étant une composante principale de leur vieillissement et tendent à ne pas trop l’exprimer. Mais à cause de leur fragilité, les personnes âgées sont aussi celles qui n’arrivent plus à supporter des douleurs de forte intensité[18].
- La personne âgée dépendante
La dépendance chez les personnes âgées est fréquente à cause de la sénescence, la fragilisation de l’organisme et à cause de l’apparition de nombreuses maladies lors du vieillissement. Parmi les maladies qui invalident les personnes âgées se trouvent les maladies neurodégénératives, les accidents vasculaires cérébraux, l’insuffisance cardiaque et respiratoire, les maladies causant les troubles psychomoteurs et les maladies qui portent atteinte à la vision.
Les personnes âgées dépendantes tendent à être exclues par leur entourage à cause de la lourdeur de leur prise en charge. Ainsi, cette catégorie de personnes présente souvent des problèmes au niveau de leur statut social, de leur relation sociale. Par ailleurs, leur handicap affecte aussi leur image de soi, ce qui ne fait qu’aggraver la modification des relations qu’elles entretiennent avec les autres personnes. Par ailleurs, leur entrée dans les établissements de soin comme l’EHPAD les affecte profondément parce qu’elles se séparent de leur domicile pour entrer dans un endroit qui peut parfois paraître hostile. Etant donné que ces personnes soient invalides, elles sont plus susceptibles de subir la maltraitance.
Mais la dépendance n’affecte pas uniquement la personne âgée dépendante mais aussi ses proches. En effet, ces derniers modifient leur perception et leur considération de la personne âgée dépendante. La dépendance entraîne en effet des bouleversements au niveau de la relation entre le soigné et les aidants naturels de celui-ci dans la mesure où les enfants deviennent les parents qui s’assurent du bien-être du patient. Or, cette aide accordée aux patients qui sont admis dans les EHPAD nécessite le déploiement de ressources financières (Puisieux, 2012).
- La douleur des personnes âgées dépendantes
La prise en charge de la douleur est particulièrement pointue au niveau des patients chroniques, des personnes hospitalisées et des personnes qui sont vulnérables physiquement. Pour les personnes âgées, le défaut de prise en charge pourrait être considéré comme étant une forme de maltraitance ou un défaut de soin (Sera et al., 2014).
La prise en charge de la douleur peut parfois être inadaptée à la situation du patient parce que le patient et ses aidants ont toujours la représentation de la douleur qui est inévitable lorsqu’une personne vieillit. Par conséquent, les personnes qui entourent le malade pensent qu’aucune méthode ne pourra plus y remédier (Lewis et al., 2011).
- Les outils d’évaluation de la douleur et sa prise en charge
Etant donné que les personnes âgées ne soient plus toujours aptes à exprimer leur douleur, l’infirmier et les autres soignants doivent montrer plus de vigilance dans le cadre de la prise en charge mais surtout, dans l’évaluation de la douleur. Pour mesurer la douleur ressentie par ce genre de patient, il est nécessaire de mettre en place des indicateurs comportementaux qui permettent dans un premier temps de déterminer que la personne ressent effectivement de la douleur. Dans ce cadre, pour les personnes qui ne peuvent pas s’exprimer, l’évaluation de la douleur passe par :
- L’autoévaluation de sa propre douleur par le patient, ce qui suppose que l’infirmier ne doit pas supposer que le patient soit inapte à jauger sa douleur. Dans le cadre de l’autoévaluation, le patient peut se contenter d’exprimer qu’il ressent de la douleur
- L’infirmier doit chercher par la suite, les causes probables de cette douleur
- L’infirmier évalue ensuite les comportements du patient qui pourraient suggérer une douleur tels que les grimaces, le froncement des sourcils, le frottement de la région douloureuse, les gémissements ou l’agitation
- Obtenir des informations supplémentaires concernant la douleur auprès des proches aidants des patients âgés
- Mise en essai d’analgésique et évaluation du comportement du patient afin de connaitre si le traitement est efficace.
Par ailleurs, l’évaluation de la douleur peut aussi passer par le PACSLAC (Lewis et al., 2011).
L’échelle PACSLAC permet de faire une hétéro-évaluation. Cette échelle d’évaluation de la douleur est particulièrement utilisée pour mesurer les douleurs aigües et chroniques des personnes âgées qui sont atteintes de démence avancées et qui ne peuvent plus communiquer de ce fait. Cette échelle regroupe 60 items qui sont classés dans 4 catégories dont les expressions faciales, les activités et les mouvements du corps, le comportement-personnalité-humeur et autres. Les différents items peuvent avoir un score entre 0 et 1 et le score le plus élevé est de 60. Les différents items et les catégories sont représentés comme suit :
Expressions faciales
- Grimace
- Regard triste
- Visage renfermé
- Changement au niveau des yeux (ex. plissés, vides, brillants, augmentation des mouvements)
- Sourcils froncés
- Expression de la douleur
- Visage sans expression
- Mâchoires serrées
- Visage crispé
- Bouche ouverte
- Front plissé
- Nez froncé
Comportement, personnalité, humeur
- Agression physique (ex. pousser les autres ou des objets, griffer, frapper avec ses mains ou avec ses pieds)
- Agression verbale
- Refuse d’être touché
- Interdiction aux autres d’approcher
- Air fâché ou mécontent
- Lance des objets
- Augmentation de la confusion
- Anxieux
- Visage bouleversé
- Agité
- Impatient, irritable
- Frustré
Activités et mouvements du corps
- Mouvements constants
- Mouvements de recul
- Nervosité
- Hyperactivité
- Marche sans arrêt
- Errance
- Tentative de fuite
- Refus de bouger
- Bousculade
- Diminution de l’activité
- Refus des médicaments
- Mouvements lents
- Comportements impulsifs (ex. mouvements répétitifs)
- Absence de collaboration ou résistance aux soins
- Protège le site de la douleur
- Touche ou soutient le site de la douleur
- Claudication
- Poings serrés
- Position fœtale
- Raideur ou frigidité
Autres
- Pâleur du visage
- Rougeur du visage
- Yeux larmoyants
- Transpiration excessive
- Tremblements
- Peau froide et moite
- Changements au niveau du sommeil
- Diminution du sommeil ou augmentation du sommeil durant le jour
- Diminution ou augmentation de l’appétit
- Cris et hurlements
- Appel à l’aide
- Pleur
- Gémissement ou plaintes
- Son spécifique ou vocalisation liée à la douleur (ex. aïe, ouille)
- Marmonnements
- Grognements (source : http://www.antalvite.fr/pdf/Echelle%20PACSLAC-F.pdf)
Comme il s’agit d’un outil d’hétéro-évaluation, alors une seule personne peut effectuer la mesure de la valeur même s’il ne dispose pas de beaucoup d’informations concernant le patient. Mais elle comporte aussi des biais. En effet, cette échelle ne permet pas de confirmer la présence ou l’absence de la douleur.
La prise en charge de la douleur est particulièrement difficile chez la personne âgée étant donné sa vulnérabilité. La douleur peut évoluer en une douleur chronique difficile à gérer. Or, les traitements médicamenteux des personnes âgées peuvent parfois causer des problèmes. C’est ainsi que les espaces de Snoezelen ont été avancés pour soulager la douleur des personnes d’âge avancé. Ces espaces permettent la stimulation sensorielle multiple des personnes âgées. Cependant, leur efficacité reste encore mal évaluée (Serra et al, 2014).
De même, la prise en charge de la douleur chez les patients âgés devient difficile à cause de la modification de leur métabolisme. Ainsi, les médicaments qui sont administrés prennent du temps pour être assimilés par l’organisme. Cela augmente le taux d’effets secondaires. Devant cet état de fait, l’infirmier pourrait être tenté de donner une faible dose d’antalgique pour soulager la douleur du patient (Lewis et al., 2011).
- Cadre législatif
- Loi sur le travail de l’infirmier
La mise à jour de la loi sur les infirmiers et les infirmières en 2002 permet de ré-définir le rôle et la mission de l’infirmier. Cela a permis le développement de nouvelles compétences pour l’infirmier. Mais cette loi permet aussi de souligner l’autonomie de l’infirmier dans l’exercice de sa profession. Dans cette optique, il ne suit pas uniquement ce que dit le médecin, mais s’impose comme étant un professionnel qui peut collaborer avec le médecin et avec d’autres professionnels de la santé. Ainsi, l’infirmier collabore avec d’autres acteurs externes et internes à l’établissement pour prendre en charge un patient. Cette révision de la loi sur les infirmières et les infirmiers a aussi permet de renforcer la contribution de l’infirmier dans la surveillance clinique et le suivi des patients (Potter et Perry, 2010).
L’article 36 de la Loi sur les infirmiers et les infirmières mentionne que : « l’exercice infirmier consiste à évaluer l’état de santé d’une personne, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir la santé, de la rétablir et de prévenir la maladie ainsi qu’a fournir les soins palliatifs ».
La reconnaissance des certaines compétences de l’infirmière se traduit à travers sa capacité à faire des examens diagnostics, à appliquer des techniques diagnostiques invasives qui comportent des risques, de prescrire les médicaments et les substances qui peuvent soulager ou guérir le patient, de mettre en œuvre des traitements médicaux et d’utiliser des techniques sophistiquées (Potter et Perry, 2010).
Etant donné que le cas qui nous intéresse se passe en EHPAD, alors l’accomplissement des activités de soins de l’infirmier doit tenir compte des droits du résident. Ceci est mis en relief par la charte du résident en EHPAD. Cela suppose que l’admission du résident au sein d’un EHPAD doit être faite avec son consentement. Dans tous les actes de soins qui sont fournis, les soignants doivent faire preuve de respect de la dignité, de l’identité et de la vie privée du résident. Mais il faut noter aussi la nécessité pour les soignants de respecter le choix des patients. En ce sens, le résident est libre d’exprimer ses choix et ses souhaits.
D’autre part, l’admission du résident au sein de l’établissement fait de celui-ci son domicile. Les personnels de l’EHPAD doivent donc faire des aménagements afin que l’individu puisse y obtenir un espace personnel. Une fois admis au sein de l’EHPAD, ce dernier se met au service du résident, ce qui implique la satisfaction de ses besoins et de ses désirs. Dans cette optique, il est nécessaire que l’établissement encourage le résident à prendre des initiatives en proposant des activités individuelles et collectives lors des projets de vie. Le souci de la qualité de vie des résidents pousse l’établissement à assurer des soins infirmiers et médicaux adaptés à la situation du patient et à son état de santé.
Mais la prise en charge ne concerne pas uniquement les personnes âgées dépendantes, mais aussi leur famille. Les différentes activités de l’établissement sont aussi concertées avec la famille des intéressées, des bénévoles et de leurs amis. Parfois, le résident peut aller en-dehors de l’institution et à son retour, le personnel doit s’assurer qu’il retrouve sa place. Les résidents doivent disposer des ressources personnelles. Ils sont aussi en mesure de parler d’exprimer ce qu’ils ressentent[19].
- Loi concernant la douleur
La loi du 4 mars 2002 ou loi Kouchner donne le droit à toute personne d’être soulagée de sa douleur. En effet, l’article L. 1110 – 5 du code de la santé publique informe que « …Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée… ». Cette loi permet d’améliorer la prise en charge des patients et de renforcer le respect de leur droit. Mais la mise en application de la loi Kouchner conduit entre autre à la précision des droits et des rôles des différents acteurs dans le cadre de la prise en charge du patient. Cependant, force est de constater que les patients ne sont pas toujours satisfaits des décisions et des actes de soins qui sont prodigués par les infirmiers et les autres soignants dans le cadre de la prise en charge de la douleur[20].
Néanmoins, l’application de cette loi permet de reconnaitre le soulagement de la douleur comme étant un droit fondamental de la personne et de considérer cette démarche comme étant une priorité pour les établissements de santé. Dans ce cadre, elle a permis d’ouvrir la voie à des plans permettant de mettre en œuvre des programmes d’actions permettant de prendre en charge la douleur[21].
- Loi en lien avec la loi du 22 mars 2002 relatifs aux droits des malades et à la qualité du système de santé
Mais la loi du 4 mars 2002 renvoie aussi au fait que les patients détiennent des droits pour jouir d’un système de santé de bonne qualité. Cette loi permet entre autre d’attribuer un nouveau statut à l’usager. Dans cette optique, ce dernier constitue un acteur incontournable pour le système de santé. Dans ce cadre, les patients doivent être informés de leurs droits. De même, ils peuvent aussi intervenir et s’exprimer en ce qui concerne le système de santé. Cela permet d’améliorer les structures de conciliation et de médiation, au même titre que les droits du patient.
C’est ainsi que les droits du malade et de la qualité du système de santé ont été construits à l’issue de concertation avec les associations qui travaillent dans le domaine de la santé. Cette rencontre avait pour objectif de rassembler les textes existants relatifs aux droits des malades et de les compléter. Par ailleurs, ces concertations visent aussi à mettre en place des dispositifs qui permettent de faciliter l’application de ces droits fondamentaux des malades et l’amélioration de la qualité du système de santé.
Etant donné que la mise en œuvre des différentes Lois n’a pas permis de mieux conscientiser les usagers en ce qui concerne leurs droits, les concertations entre les différents acteurs avaient aussi pour but d’inciter le débat public et l’information des citoyens concernant leurs droits. Enfin, la mise en œuvre de cette loi a aussi permis d’instaurer un dispositif de conciliation et de règlements, permettant de résoudre les problèmes relatifs aux accidents médicaux, aux infections nosocomiales. Cette démarche permet aussi d’indemniser les dommages qui ne sont pas dus à des fautes professionnels.
Cette loi constitue une première démarche pour élaborer d’autres lois dont :
- La loi n° 2004 – 806 du 9 août 2004 encourageant la participation des usagers dans l’établissement de politiques publique de santé
- La loi n° 2005 – 370 du 22 avril 2005 qui donne le droit au patient de refuser le soin et d’organiser les personnes qui sont en situation de fin de vie
- La loi n° 2008 – 1330 de financement de la sécurité sociale pour 2009 permettant de résoudre les conflits liés aux victimes du virus de l’hépatite C causée par une transfusion sanguine
- La loi n° 2009 – 879 du 21 juillet 2009 qui souligne le droit des usagers à des soins sûrs et des soins de qualité.
- La loi n° 2010 – 2 du 5 janvier 2010 qui donne des droits à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français
- La loi n° 2011 – 803 du 5 juillet 2011 qui donne le droit à la protection des personnes qui sont soignées dans les services psychiatriques[22]
- Enquête exploratoire
- Choix et outil de la méthode d’enquête
Pour faire la démarche exploratrice, j’ai choisi de faire une enquête semi-directive. Comme son nom l’indique, l’enquête semi-directive est composée de questions ouvertes donnant libre cours à la pensée de l’interlocuteur. Il peut donc exprimer tout ce qu’il souhaite en se basant sur le questionnaire qui peut être écrit ou non. Dans cette optique, le chercheur ne cherche pas à influencer ses réponses ni à le guider dans le fil de son discours, mais se contente de le suivre. Dans cette optique, le chercheur intervient seulement quand il y a écart entre le sujet de recherche et le discours du répondant (Blanchet et Chardenet, 2011).
Ce mode d’enquête me permet de laisser l’interviewé s’exprimer librement. Cela va me permettre d’obtenir des réponses plus ouvertes sur différentes dimensions. Mais à la différence d’une enquête qui se fait par le biais des questions fermées, cet entretien semi-directive me permet d’intervenir pour ramener la discussion au sujet de recherche, afin qu’il n’y ait pas de hors sujet. Par ailleurs, cette enquête me semble la plus appropriée pour connaitre les pensées profondes de mon interlocuteur.
Pour réaliser cette enquête, j’ai utilisé une montre qui me permet de respecter le temps de discussion qui devrait s’étaler sur 45 minutes. J’avais aussi utilisé un enregistreur qui me permet d’enregistrer la discussion et de faciliter par la suite la transcription de l’enquête afin de faciliter son analyse ultérieure. Enfin, pour ne pas oublier les différents thèmes de ma recherche et les différents points essentiels qui devraient ressortir de la discussion avec la personne ressource, j’ai utilisé la grille d’entretien suivante
Questions | Thème |
Depuis combien de temps exercez-vous en EHPAD ? | Expérience professionnelle justifiant le choix de la personne ressource |
Est-ce que votre représentation de la personne âgée n’interférerait pas sur votre savoir professionnel ? | Les influences de la représentation de la personne âgée sur sa prise en charge |
Quel rôle infirmier trouvez-vous le mieux adapté pour prendre en charge la douleur des personnes âgées dépendantes ? et pourquoi ? | Posture de l’infirmière pour prendre en charge une personne âgée dépendante |
Que vous évoque le mot douleur ? | Perception de la douleur par l’infirmier |
Quels moyens utilisez-vous pour détecter la douleur chez les personnes âgées dépendantes ? Et quels sont leurs intérêts pour la prise en charge de la douleur ? | Outils de mesure de la douleur |
- Choix de la personne à enquêter
Je me suis focalisée sur une infirmière de 45 ans, qui a exercé le métier d’infirmier depuis 26 ans, et qui est admise dans le service accueillant les personnes âgées depuis 20 ans. Le choix de cette personne me semble bien adapté pour collecter les informations étant donné son ancienneté. Par ailleurs, elle me semble aussi la mieux placée pour me fournir des informations concernant la prise en charge de la douleur dans les EHPAD étant donné qu’elle a déjà suivi plusieurs formations concernant la douleur.
- Objectifs de l’enquête
L’enquête a été menée dans le but de jauger les connaissances de l’infirmière et de comparer ce qu’elle a acquis en théorie et ce qu’elle pratique effectivement dans l’exercice de son métier. Cette enquête vise entre autre à situer l’implication de l’infirmier dans le cadre de la prise en charge de la douleur chez les personnes âgées dépendantes qui sont admises en EHPAD.
- Limites de l’outil de l’enquête
Dans le cadre de mon étude, je n’ai pu enquêter qu’une seule personne à cause de la réduction du personnel soignant. Par ailleurs, notre discussion a été perturbée par des bruits comme les sollicitations de la répondante lors de notre entretien. Or, cela pourrait rompre le fil d’idée du répondant. De même, le temps qui a été alloué à la discussion avec la personne ressource a été limitée.
- Résultats
Le profil de la répondante
La répondante a exercé le métier d’infirmier depuis 25 ans mais elle travaille en EHPAD depuis 20 ans. La répondante a choisi de travailler dans un EHPAD étant donné qu’elle-même a été mise en contact depuis son enfance à des personnes âgées notamment ses grands-parents. Cela lui procure des connaissances concernant la personne âgée.
Les influences de la représentation de la personne âgée par l’infirmier sur la qualité de la prise en charge du patient
La répondante a mentionné le fait que la prise en charge des personnes âgées n’était pas influencée par la perception et ses représentations de cette catégorie d’âge.
Le rôle de l’infirmier dans la prise en charge de la personne âgée
L’infirmier a son rôle propre qui implique l’autonomie dans l’exécution de certaines tâches. Ce rôle renvoie à la notion de liberté de prendre une décision concernant le soin à attribuer à la personne âgée. Dans ce rôle propre, la répondante a mentionné la compréhension du comportement du patient dans le cas d’un refus. Puis après, l’infirmier sera en mesure de prendre des décisions. Dans le cas d’un patient qui refuse le soin, la répondante a mis l’accent sur le rôle de la communication, l’écoute et l’apaisement des patients afin de trouver un compromis avec lui.
Mais l’infirmière possède aussi un rôle qu’elle doit exercer, ce qui relève de l’obligation. Cela correspond à son rôle prescrit. Cela implique certes, que l’infirmier accomplisse tous les actes qui lui sont demandés. Mais cela ne traduit pas pour autant que le médecin seul prenne les décisions concernant le résident. Les décisions sont prises avec l’équipe soignante pour la prise en charge médicamenteuse de la douleur des patients. Mais dans tous les actes qu’elle a accomplis, l’infirmière s’est appuyée sur son savoir-faire, qui lui permet d’agir devant telle ou telle situation. Puis, elle a parlé aussi d’un certain calme.
Perception de la douleur par l’infirmière
La répondante a souligné le fait que la douleur est « propre à chacun ». Elle a souligné entre autre, l’existence de plusieurs formes de douleurs dont la douleur physique qui est interprétée différemment d’une personne à une autre, la douleur psychologique qui est également interprétée de manière différente d’une personne à une autre. Cette douleur peut être exprimée comme étant un mal-être, un repli sur soi ou une sensation désagréable.
Les moyens permettant de détecter la douleur auprès des personnes âgées dépendantes
La répondante a mentionné trois échelles d’évaluation de la douleur pour les patients âgés dépendants. Il y a l’EVA (échelle visuelle analogique qui permet de noter la douleur du patient de 0 à 10. Cependant, cette mesure ne peut pas être appliquée aux personnes âgées dépendantes à cause de sa difficulté de manipulation. La deuxième échelle d’évaluation de la douleur est la Doloplus qui comporte de nombreux items, ce qui requiert de ce fait, la présence de deux personnes pour réaliser l’évaluation. Or, les personnels dans les EHPAD sont parfois réduits. Enfin, il y a l’Algoplus qui est plus simple à manipuler. Cette échelle est en général utilisée lors des pansements, mais elle est aussi adaptée aux besoins des cas des résidents. Chaque outil de mesure de la douleur peut présenter des failles mais l’important est de l’adapter à chaque cas.
- Analyse de l’enquête exploratrice
A partir de l’enquête exploratoire que j’avais effectuée, j’ai pu déduire que l’expérience constitue un élément clé dans la prise en charge du patient. Mon interlocutrice est une personne qui a travaillé depuis 26 ans au sein de l’EHPAD. Cela lui permet d’acquérir selon ses propres termes, des « savoirs faire » qui lui permettent de prendre la décision la plus adaptée devant telle ou telle situation. Mais cette expérience ne découle pas uniquement de son ancienneté au sein du service mais aussi, de sa vie personnelle. Ici, la répondante est une personne qui était en contact avec ses grands-parents. Cela me laisse supposer que sa vie avec ses grands-parents lui a attribué non seulement, de l’aisance pour parler, communiquer et vivre aves les personnes d’âge avancé, mais aussi, de superposer son savoir théorique avec son savoir expérientiel.
Les propos avancés par la répondante mentionnent bien le rôle prescrit et le rôle propre de l’infirmier. Et pourtant, elle ne fait pas allusion au rôle délégué que j’ai évoqué dans le cadre de ma revue de littérature.
En ce qui concerne la posture de l’infirmière dans la prise en charge de la douleur des patients âgés, la répondante a mis l’accent sur le concept d’autonomie dans la prise de décisions mais cela pourrait aussi s’étendre sur les actes de soins prodigués au patient. Cela renvoie à la communication, à l’apaisement, à l’écoute des patients. Evidemment, le médecin ne dicte pas toujours à l’infirmier, ce qu’il doit faire pour assurer une meilleure qualité de vie au résident, mais l’infirmier doit être en mesure de lui procurer des soins d’hygiène et d’assurer l’accompagnement au quotidien du résident. Mais dans tous les actes qu’il effectue, l’infirmier est amené à mettre en œuvre ses différents savoirs. Le savoir faire constitue un autre élément clé de la prise en charge de la douleur du patient âgé dépendant, que j’ai pu déduire de l’enquête.
Dans le cadre de la représentation et de la perception de la douleur, la répondante a souligné la subjectivité de la douleur. Cela se reflète à travers la variation de la différence de la perception de la douleur d’une personne à une autre. Par ailleurs, la répondante confirme ce qui a été dit dans la littérature lorsqu’elle parle de deux formes de douleurs : physique et psychologique. Mais si la douleur est subjective alors, cela m’amène à penser que la prise en charge de la douleur devrait aussi être propre à chaque individu et devrait de ce fait, être personnalisée. Par ailleurs, la littérature a mentionné la nécessité pour l’infirmier de bien connaitre le patient, ses antécédents, etc. afin de lui donner une prise en charge adapté à sa situation, à ses besoins et à ses attentes.
Enfin, dans le thème de la mesure de la douleur chez les personnes âgées dépendantes en EHPAD, j’ai pu tirer une autre notion qu’est l’adaptation. Comme la répondante l’a affirmé, les méthodes comportent des inconvénients, mais tous les moyens ne peuvent pas être utilisés par l’infirmier dans la mesure où ils sont trop difficiles à manipuler où ils requièrent trop de ressources humaines ou trop de temps. Cela ouvre la voie à une autre dimension que je n’ai pas encore pu mettre en évidence lors de ma revue de la littérature. En effet, l’évaluation de la douleur devrait être adapté au patient, mais cette enquête m’a permis de voir qu’elle requiert aussi la disponibilité de toutes les ressources chez les soignants, avant de mettre en œuvre des méthodes de mesure et des activités d’élimination de la douleur chez les patients.
Formulation des hypothèses
Ces différentes notions qui émergent de l’analyse de l’enquête exploratoire me conduisent à analyser la notion de savoir-faire et d’expérience dans le cadre de la prise en charge de la douleur du patient. Cela me conduit à la première hypothèse qui s’annonce comme suit : L’expérience du soignant lui permet d’acquérir les différents savoirs qui sont à l’origine de l’amélioration de la prise en charge du patient douloureux.
Mais cette première hypothèse laisse supposer que les jeunes infirmiers qui rentrent ne disposent pas de savoirs pouvant leur permettre d’accomplir le rôle. Cela me donne la deuxième hypothèse suivante : les infirmiers récemment détenteur de diplôme doivent combiner leurs connaissances et leurs expériences professionnelles et privées pour aider le patient à surmonter la douleur.
Conclusion
Cette étude m’a permis de saisir toute la complexité de la prise en charge des résidents en EHPAD. En effet, j’ai pu en conclure que les patients qui sont admis dans ces établissements présentent souvent des douleurs qui peuvent parfois être chroniques. Elle m’a permis aussi de déterminer les différents outils d’évaluation et de prise en charge de la douleur, ainsi que les différentes stratégies mises en œuvre pour lutter contre la douleur. Ces éléments sont particulièrement importants dans le cadre du renforcement et de l’amélioration de la prise en charge de la douleur. Dans cette démarche, l’infirmier joue un rôle important dans la mesure où elle se charge de la détection, de l’évaluation et de la prise en charge de la douleur par le biais des antalgiques, mais aussi par des techniques non médicamenteuses basées sur la communication et l’empathie.
J’ai pu déduire de cette étude, que différentes mesures ont été entreprises pour lutter contre la douleur. Mais force est de constater que ni les mesures juridiques, ni les mesures techniques élaborées par les EHPAD n’ont pas encore pu satisfaire les besoins des résidents. Ceci pourrait être reflété à travers la prise en charge que j’avais mentionnée dans ma situation d’appel, que dans les failles que j’ai pu apercevoir lors de mon enquête exploratoire. Cela semble montrer la nécessité de trouver d’autres voies d’amélioration de la prise en charge de la douleur dans les EHPAD. J’étais partie du fait que les soignants en EHPAD assumaient de lourdes charges. Il serait donc intéressant d’étudier dans le cadre d’une étude plus approfondie : Comment optimiser l’organisation des soins en EHPAD pour améliorer la prise en charge de la douleur des patients ?
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