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Quels sont les enjeux éthiques de la lutte contre le blanchiment d’argent ?

Problématique

Quels sont les enjeux éthiques de la lutte contre le blanchiment d’argent ?

 

Plan

 

Introduction

Partie 1- La notion de blanchiment d’argent

Chapitre 1- Le blanchiment d’argent, un problème récurrent dans la société actuelle

I-         Définition et déroulement d’un blanchiment d’argent

II-        Les origines du blanchiment d’argent

III-      Les impacts du blanchiment d’argent

Chapitre 2- Les différentes fraudes

I-         Les fraudes fiscales

II-        Les fraudes bancaires

III-      Les fraudes via Internet

Partie 2- Les principales stratégies de luttes contre le blanchiment d’argent  au niveau de l’Europe

Chapitre 1- Les stratégies de lutte mises en place au niveau de l’Union Européenne

I-         Le MONEYVAL

II-        Une approche fondée sur les risques

III-      L’augmentation de la vigilance

IV-      Autres démarches

Chapitre 2- Les stratégies de lutte contre le blanchiment d’argent en France

I-         Les déclarations de soupçon

II-        Le service TRACFIN

III-      Le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC)

Partie 3- Les enjeux éthiques de la mise en place de stratégies de lutte contre le blanchiment d’argent au niveau des banques

Chapitre 1- La mise en place de stratégies de lutte anti-blanchiment d’argent au niveau des banques

I-         Le principe anti-blanchiment de Wolfsberg

II-        Les différentes instructions permettant de lutter contre le blanchiment d’argent publié par la Banque de France

III-      Les lignes directrices de la lutte contre le blanchiment d’argent dans les banques françaises

Chapitre 2- Les enjeux liés à la profession bancaire et la lutte contre le blanchiment d’argent

I-         Le rôle éthique du secret bancaire en opposition avec la lutte anti-blanchiment

II-        La mise en place d’une stratégie de lutte contre le blanchiment d’argent comme élément essentiel pour l’image de l’établissement : la banque gagne-t-elle à lutter contre le blanchiment d’argent ?

Partie 4- Les enjeux éthiques pour les particuliers : la lutte contre l’argent sale au prix des libertés fondamentales?

Chapitre 1- L’institutionnalisation du rôle des banques et leurs manques de transparence

I-         « L’affaire SWIFT »

II-        Les grands fichiers du secteur bancaire

III-      Le manque de transparence des procédures de listing

Chapitre 2- L’usage bancaire des technologies de surveillance

I-         Les fonctions de filtrage et profilage

II-        Les exigences requises des standards de listing en opposition avec la garantie des droits fondamentaux des individus

Conclusion

Bibliographie

 

Introduction

 

La recrudescence des problèmes sécuritaires à l’échelle internationale a multiplié les engagements pris par les différents pouvoirs publics nationaux et internationaux. L’instabilité de la sécurité internationale et les mutations quasi-constantes de ses composantes ont conduit souvent à la redéfinition des crimes et, en même temps, des cibles des dispositifs pour les (ces crimes) combattre. Tous les acteurs publics sont ainsi invités à prouver qu’ils sont du côté de ceux qui luttent contre ces délits qui bouleversent même le rapport de forces dans le monde.

 

Depuis les évènements du 11 septembre 2001, les stratégies de lutte contre la criminalité internationale ont pris une dimension beaucoup plus large par le fait que les pouvoirs publics ont saisi davantage le secteur privé de participer activement dans cette lutte. De temps en temps, il apparait que ce sont surtout les actions engagées, sans que leurs auteurs ou commanditaires se soucient de leur efficience (de ces actions), qui servent d’étalon pour mesurer l’efficacité de la politique élaborée. Cela conduit à remettre en question cette efficacité notamment en considération des effets secondaires de ces dispositifs de sécurité renforcés.

 

C’est dans ce contexte animé par de forte incertitude que la lutte contre le blanchiment d’argent se montre comme un sujet d’actualité. Une question pertinente se pose alors : Quels sont les enjeux éthiques de la lutte contre le blanchiment d’argent ? Cela implique de déterminer l’envergure des problèmes de blanchiment, les dispositifs élaborés pour le combattre mais surtout les incidences de ces derniers autant sur le secteur bancaire que sur les clientèles de ces institutions financières en matière de liberté individuelle.

 

Pour mieux répondre à cette problématique, le présent document est structuré en quatre parties :

  • En premier lieu, il convient d’appréhender le cadre de l’étude en se penchant sur le phénomène de blanchiment d’argent et les principaux motifs conduisant à le combattre ;
  • Ensuite, encore pour mieux cerner les états des lieux, il y a lieu de se focaliser sur la lutte anti-blanchiment dont les différentes politiques et moyens utilisés dans ce sens ;
  • Puis, il est important de discuter des enjeux des stratégies de lutte contre le blanchiment pour les banques ;
  • Finalement, l’étude portera sur des analyses critiques de ces stratégies vis-à-vis des droits fondamentaux des individus.

 

 

  • La notion de blanchiment d’argent

 

Cette partie est consacrée à l’appréhension de l’objet de l’étude, c’est-à-dire de mieux connaitre les composantes essentielles du blanchiment d’argent.

 

  • Le blanchiment d’argent, un problème récurrent dans la société actuelle

 

Lorsque le problème du blanchiment d’argent est évoqué, les opinions se tournent immédiatement vers le secteur bancaire qui semble être le plus exigeant et le plus exigé sur la question, notamment sur les relations que les établissements financiers entretiennent avec leurs clients. En revanche, il faut admettre que le système financier est seulement un élément essentiel, un maillon dans la chaîne de l’industrie du blanchiment d’argent.

 

  • Définition et déroulement d’un blanchiment d’argent

 

Le blanchiment d’argent peut être défini comme la dissimulation des fonds provenant d’activités ou de sources illicites pour les intégrer ensuite dans des activités légales, pour que ces fonds revêtent une apparence non douteuse (Roig, 2014). Il est surtout question de processus de « transformation » pour qu’il n’y ait le moins de trace possible concernant l’origine de ces fonds. Cela apporte alors plus de précision sur la définition du blanchiment d’argent qui serait donc un processus utilisé pour réinjecter dans l’économie légale des produits d’activités illicites, leur attribuant ainsi une apparence légitime.

 

Le code pénal donne aussi une définition plus juridique du blanchiment d’argent : « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect (…). Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. » (Article 324.1 du Code pénal).

 

Les organisations criminelles de toute taille (surtout les importants réseaux) ont désormais un besoin manifeste en matière de blanchiment pour les fonds résultant de leurs activités. Ce besoin augmente proportionnellement à l’importance des sommes, généralement en espèces, que ces organisations veulent intégrer (ou réintégrer) dans le circuit légal. En fait, cet argent « sale » ne leur est pratiquement d’aucune utilité étant encore « en dehors » du circuit économique normal : les détenteurs (de ces fonds) doivent alors recourir à une multitude de techniques pour les « blanchir » afin que ces argents aient l’apparence d’argent gagné honnêtement.

 

Le processus de blanchiment d’argent prend généralement trois étapes essentielles (Collectifs des LutTins, 2004) (Jeanneret, De Selliers, & Chopra, 2003) :

 

  • Phase d’introduction de l’argent, appelée aussi immersion, prélavage ou placement

 

Le but étant de placer l’argent « sale » dans le système bancaire tout en masquant son origine. Cette phase très critique (la plus vulnérable) consiste donc à convertir en monnaie scripturale l’argent (généralement) en espèce, et de volume important. Comme les mesures adoptées par les différentes places financières du monde sont devenues de plus en plus rigoureuses concernant le risque de blanchiment, les blanchisseurs se rapprochent souvent des endroits (des pays) où les contrôles sont relativement moins stricts.

 

De temps en temps, ces blanchisseurs versent les argents sales avec des argents qui ne le sont pas en faisant appel à beaucoup de techniques, telles que des entreprises dont les chiffres d’affaires en espèce sont élevés (restaurant, bijouterie, maison de jeu, etc.). Il existe désormais des lieux qui ne posent pratiquement aucun problème sur la création de société en quelques minutes, comme le Grand Cayman, le Panama, ou le Liberia. Sans établir une liste exhaustive de toutes les techniques usuellement employées par les blanchisseurs, il est possible de citer quelques-unes : le « schtroumpfage (dépôt par « petites » sommes selon le seuil de déclaration), la déclaration de faux gains aux jeux de hasard, la rédaction de fausses factures, le dépôt dans les paradis fiscaux/financiers, l’achat d’objets de valeur, etc.

 

  • La phase de dissimulation, de dispersion, de brassage ou d’empilement

 

L’objectif de cette étape et d’effacer l’origine criminelle de l’argent, de brouiller les pistes avec des transactions complexes, ce qui pourrait même rendre légitime la possession de l’argent. Utilisant un véritable jeu de confusion sur les comptes (Jeanneret, De Selliers, & Chopra, 2003), les blanchisseurs emploient également diverses techniques sur les argents « pré-blanchis » (prélavés). Une des (techniques) plus utilisées consiste à utiliser un réseau de comptes créés sous différents noms qui se trouvent le plus souvent dans les paradis financiers. Pour garantir la discrétion, ces comptes appartiennent généralement à des avocats ou hommes d’affaires (prête-noms) pour faire taire les soupçons. Le passage par des diverses entreprises utilisées comme des boîtes aux lettres est aussi observé souvent, dans le but de créer davantage de confusion.

 

  • La phase d’intégration, de recyclage ou d’essorage

 

Cette dernière étape cherche à réellement introduire (réintégrer ou intégrer) dans l’économie légale l’argent blanchi. Il s’agit alors de rapatrier dans le circuit économique normal l’argent « sale » dès qu’il n’est plus possible de tracer son origine : le criminel est libre alors de le retirer ou de l’investir en toute tranquillité dans le pays de son choix. Dorénavant, le blanchiment d’argent est un phénomène international par nature, et le criminel dispose de plusieurs techniques (encore) pour le rapatriement des fonds dans le pays d’origine, s’il le désire.

 

Parmi les moyens habituellement utilisés par les organisations criminelles pour rapatrier leur argent, il y a la simulation d’aide au développement. Lorsqu’un baron de la drogue veut récupérer son argent en Amérique latine, par exemple, il lui suffit d’utiliser un homme de paille qui affirmera vouloir apporter de l’aide (au développement) au pays concerné.

 

  • Les origines du blanchiment d’argent

 

Selon Blum et al (1998), cité par Jeanneret A. et al (2003), le terme « blanchiment d’argent » est tiré de l’expression « money laundering » née aux Etats-Unis au début du XIXème siècle. A l’époque (dans les années 20, plus précisément), les grandes organisations criminelles voulaient faire revêtir une apparence honnête aux argents fruits de leurs entreprises. Cela leur était tellement utile, notamment pour fuir les poursuites pour fraude fiscale utilisées pour lutter contre des criminels qui ne semblaient pas être imbattables par d’autres voies. Dans cette optique, les « gangs » se sont accaparés d’entreprises de services dont les transactions financières se faisaient en espèces. Cette couverture servait ainsi à mélanger les argents licites avec ceux illicites, puis de déclarer que l’ensemble est le produit de l’entreprise en question. Ces auteurs (cités plus haut) évoquent également que ces organisations criminelles auraient choisi essentiellement des laveries automatiques et des stations de lavage (voiture) ce qui aurait institué le terme « blanchiment ».

 

Historiquement (Jeanneret, De Selliers, & Chopra, 2003), le fait de « blanchir » de l’argent n’est pas du tout nouveau bien que le terme « blanchiment » est relativement récent sur ce domaine. Mais il faut reconnaitre que quelle que soit la forme dont ce phénomène a revêtu, il reste une pratique pour dissimuler la nature des transferts financiers. Ainsi, au Moyen Âge, une période pendant laquelle l’Eglise catholique interdisait, non seulement les différents crimes tels que le vol, l’assassinat, etc. mais également une pratique particulière : le prélèvement d’intérêts sur des prêts d’argent. Pour « blanchir l’argent d’origine criminelle », les marchands et prêteurs cherchaient à cacher les intérêts prélevés ou bien tentaient de donner une autre nature/apparence à l’argent en question.

 

L’analyse de ces pratiques donne des idées sur les mécanismes du blanchiment qui reste quasiment les mêmes jusqu’aux époques contemporains. En effet, ces marchands du Moyen Âge augmentaient les taux de change avec des niveaux suffisants pour dissimuler les intérêts lorsque ces agents négociaient des paiements avec leurs partenaires à l’étranger. Les prêteurs avançaient alors que les intérêts étaient assimilés à une prime de risque ou tout simplement qu’il s’agit des pénalités pour cause de retard dans le paiement. Au préalable, les deux parties s’étaient convenues et organisaient à l’avance le retard qu’ils utilisaient par la suite. Un autre moyen était de prétendre que les intérêts étaient plutôt des profits de société (fictive, n’exerçant pas de réelle activité) : l’argent serait donc emprunté à cette société et remboursé par la suite avec les intérêts sous forme de bénéfices (bien qu’il n’y a réellement aucun bénéfice).

 

Il est important aussi de mentionner que les paradis financiers pratiquement inséparables à ces pratiques (de blanchiment) ont une si longue histoire comparable à celle du blanchiment d’argent lui-même. Ce seraient les pirates des mers qui dérobaient les navires européennes dans l’océan Atlantique au XVIIème siècle qui utiliseraient les premiers ces paradis financiers. En fait, il arrive que ces bandits prennent la « retraite » et décide donc de s’installer à l’étranger. Des cités-Etats dans la méditerranée se rivalisaient même pour les accueillir avec leur argent qu’ils devraient dépenser dans ces endroits. Des fois, les argents criminels de ces pirates leur permettaient d’acheter leur pardon, une amnistie pour rentrer chez eux. En 1612, l’Angleterre accordait une amnistie aux pirates qui décident de se convertir, avec le droit de conserver le produit de leurs activités (d’origine criminelle).

 

Il a fallu attendre la fin du XXème siècle pour voir le blanchiment d’argent réprimé par la loi, en tant qu’infraction en soi. Si auparavant, les biens sous-jacents aux activités criminelles sont tout simplement saisis dans le cadre de la peine attribuée aux auteurs de celles-ci, c’est l’acte de blanchir de l’argent même qui est condamné par la loi, indépendamment de l’infraction origine de l’argent. Les Etats-Unis étaient les premiers à appliquer cette disposition depuis 1986, plusieurs autres pays n’ont pas tardé à les suivre.

 

Deux principales raisons appuient le besoin de blanchiment :

  • D’un côté, les autorités (essentiellement judiciaires et policières) pourraient facilement tracer les origines de ces argents obtenus par des activités criminelles : ces argents constitueraient donc des preuves à la charges des auteurs de ces activités illicites ;
  • D’un autre côté, les autorités seront amenées à saisir ces argents lorsqu’il est établi les preuves incriminant leur origine.

 

Il est possible de classer les capitaux à blanchir en quatre grandes catégories (Vernier, 2013) :

  • Les capitaux faisant l’objet d’exportation en infraction à la disposition réglementaire nationale en termes de sortie de devise et de contrôle de change ;
  • Les capitaux transférés à l’étranger dans le cadre d’une évasion fiscale ;
  • Les capitaux issus d’autres délits ;
  • Les capitaux qui constituent effectivement les produits d’activités criminelles.

 

Cette catégorisation pourrait se résumer en deux classes : d’une part, l’argent noir qui est le produit d’activités légales mais non déclarées, et d’autre part l’argent sale ou gris (Vernier, 2013) qui est le fruit d’activités criminelles (et illégales). Cela met en évidence deux types d’acteurs du blanchiment d’argent : d’un côté, les organisations criminelles, traditionnellement désignées par « mafias » (mafias russes ou albanaises, yakuza japonais, triades chinoises, cartels latino-américains, etc.). D’un autre côté, il y a les acteurs discrets (chefs d’entreprises, banquiers, policiers, etc.) qui œuvrent à travers leurs professions légales qu’ils utilisent à des fins illicites (en matière de blanchiment).

 

En termes de paradis financiers, il est évoqué que plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis, tolèrent que les entreprises qui ont leurs sièges sur leurs territoires filialisent dans les paradis fiscaux. Ces derniers, appelés pays offshore, accueillent des marchés financiers spécialisés pour traiter les opérations sensibles : à titre d’exemple, les Bermudes (concernant les assurances et réassurances), les Antilles néerlandaises et îles Caïmans (en matière d’émission internationale), la Malaisie (pour la gestion des patrimoines), l’Anguille (pour le paiement des sociétés internet). Trois tendances en matière de blanchiment d’argent émergent alors dans la société contemporaine (Vernier, 2007) :

  • La légitimation qui amène les criminels à investir, par exemple dans des activités légales, ou dans les œuvres caritatives ;
  • La collaboration entre ces organisations criminelles ;
  • La complexité grâce à l’utilisation d’experts financiers et juridiques.

 

  • Les impacts du blanchiment d’argent

 

Avant de se pencher sur les impacts du blanchiment d’argent, il est intéressant de constater l’évolution du produit annuel mondial des activités criminelles. Certains auteurs, comme Maillard (2001), cité par Vernier (2013), parlent de Produit Criminel Brut ou PCB. Ces auteurs ont avancé que le montant de ce PCB devrait avoisiner les 800 milliards USD en 1996, ce qui donne environ 15% du commerce dans le monde. Deux ans plus tard, il est probable que le seuil de 1 000 milliards USD serait franchi, dont la moitié proviendrait du seul secteur du trafic de drogues (le FMI estime que la somme blanchie représente, en moyenne, 2% du PIB d’un pays) (Porteous, 1998). A la moitié de la première décennie du XXIème siècle, le seuil symbolique de 2 000 milliards USD serait atteint (Vernier, 2013) : le PCB a donc doublé en une décennie. Ce montant (environ 1 500 milliards d’euros) comparé au PIB des grands pays industrialisés placerait la mafia parmi les membres du G8 : elle fermerait la marche après le Royaume-Uni, avec un PCB plus élevé que le PIB de la Russie, que celui de l’Inde et que celui de l’ensemble des pays africains.

 

Tout cela donne déjà une idée sur les coûts directs que les organisations criminelles font subir à la société. A titre d’exemple, toujours selon Vernier (2013), ces activités criminelles occasionnent, entre autres, un taux d’homicides volontaires de 1‰ en Honduras, 0.7‰ au Salvador, etc. avec une moyenne mondiale de 5/100 000 (environ 50 000 assassinats par an au Brésil, la moitié en Colombie, etc.). La croissance du PCB montre à quel point les entreprises criminelles sont prospères, ce qui implique une bonne santé des œuvres de blanchiment d’argent. Il existerait entre 5 000 et 8 000 organisations criminelles en Russie avec 100 000 membres qui contrôlent entre 25% et 40% du PNB du pays (Vernier, 2007). Le Ministère de l’intérieur russe estime que 40% des entreprises privées, 60% des sociétés d’Etat et 80% des établissements financiers sont aux mains de ces organisations criminelles.

 

Par ailleurs, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (un exemple pertinent) ont une similarité par le fait qu’ils sont susceptibles de menacer la stabilité financière (Aninat, Hardy, & Johnston, 2002). En fait, lorsqu’une institution financière est utilisée par des criminels (ou des présumés terroristes) pour blanchir de l’argent, que ce soit volontairement ou non de la part des membres de personnel de celle-ci, la réputation de l’établissement pourrait être plus ou moins salie. Cela impacterait sur les activités de cet établissement qui, suivant sa taille, aura à son tour des incidences plus ou moins fortes sur le système financier. Ce risque lié à l’image pourrait avoir des conséquences sérieuses sur l’économie, puisque la remise en question de l’intégrité d’un établissement financier met généralement en jeu sa viabilité sur le long terme ; cela pourrait ensuite causer des perturbations sur les décisions et l’orientation des investissements.

 

Il faut reconnaitre qu’il existe une sorte d’ambivalence lorsqu’il est question d’approfondir les impacts socio-économiques du blanchiment. Vernier (2007) rapporte que les bénéfices engendrés par le blanchiment d’argent pour les établissements financiers sont comparables à ceux de l’argent licite, affirmant ainsi que la totalité des sommes blanchies serait aux mêmes rangs que les crédits accordés aux pays en développement. Le blanchiment d’argent permet aux cultures de pavot et de coca de tourner, faisant vivre des centaines de milliers d’agriculteurs. Le blanchiment du trafic de drogue rapporte beaucoup plus pour les pays abritant ces crimes que les investissements directs étrangers dans les pays riches, ou les investissements en portefeuille dans les pays émergents. Par exemple, le blanchiment d’argent permettrait aux autochtones de survivre dans l’île de Nieu (à moins de 2 000 habitants, à plus de 4 000 km de la Nouvelle-Zélande), accueillant 300 banques russes.

 

A côté de cette sorte de développement social apporté par le blanchiment d’argent, ce dernier serait également nocif pour l’économie tout en l’étant en matière de bien-être social. Ce phénomène perturbe et risque de bouleverser totalement les secteurs légaux qu’il touche (comme la restauration, par exemple) : des sociétés de ces secteurs sont utilisées par les blanchisseurs pour prélaver les argents sales, mêlant ainsi les intérêts des activités légales avec les produits des crimes. Etant donné que ces sociétés disposent de ressources abondamment et largement élevées que les autres sociétés intègres (qui doivent recourir aux marchés des capitaux pour financer leurs activités), ces dernières sont alors très lésées, se trouvant dans des situations concurrentielles très défavorisées. Les sociétés intègrent risquent de disparaitre, laissant la place à des secteurs devenant monopolistiques, un environnement qui défavorise la demande (en termes de prix, de quantité et de qualité). Les sociétés tombent souvent entre les mains des mafias dans le cadre des privatisations, ces derniers possèdent des ressources financières très importantes, surtout pour les pays de l’Europe orientale (Vernier, 2007).

 

Il faut insister sur le fait que le choix d’investissement (dans l’économie légale) des organisations criminelles est conditionné par la facilité et l’assurance en matière de dissimulation et de protection des argents et non pas par l’optimisation du rendement des capitaux investis. Le blanchiment d’argent dévie ainsi la loi du marché, ne permettant plus à l’allocation optimale des ressources devant contribuer à la croissance économique. L’économie de certains pays dépend, par exemple, de certaines grandes constructions d’immeubles et d’hôtels qui sont érigés, ne tenant pas compte de la demande du secteur mais suivant les besoins à court terme des blanchisseurs (Vernier, 2007). Un simple changement conjoncturel touchant les intérêts de ces criminels (en matière fiscale, par exemple) risque de faire effondrer le secteur concerné.

 

Les impacts du blanchiment d’argent pourraient même être sentis au niveau des agrégats économiques tels que les prix, le taux de change, la croissance, … et sur la politique économique en général. Les effondrements de certaines économies en développement suite à l’application des mesures d’austérités (la « nouvelle politique économique » en Bolivie, le programme d’ajustement structurel au Pérou, etc.) imposées par les bailleurs de fonds ont favorisé la réorientation de ces pays vers la culture et la production de drogue. Les mafias ont alors trouvé des terrains fertiles à leurs activités et c’est l’image du pays tout entier qui est entachée.

 

Au niveau des marchés financiers, les flux d’argent blanchi pourraient avoir des conséquences considérables pour les institutions financières. Ces dernières risquent de souffrir de problèmes de liquidité importants, étant donné que ces flux énormes ne sont pas vraiment dictés par les informations du marché mais par d’autres facteurs externes à celui-ci (à citer par exemple la faillite de European Union Bank à laquelle sont associées des activités criminelles). « L’irrégularité » de ces flux (en termes de temps et de lieu) engendrerait des distorsions artificielles au niveau du taux de change, créant ainsi une sorte d’instabilité monétaire pouvant impacter sur les prix des biens et des actifs.

 

 

Il est clair que le blanchiment est un phénomène mondial qui touche tous les pays de manière diversifiée. Cette infraction, assez récemment reconnue en tant que telle, menace ainsi les équilibres socio-économiques, politiques, voire culturels, avec une intensité en constante croissance.

 

 

  • Les différentes fraudes

 

Afin de mieux apprécier les états des lieux quant aux politiques de lutte contre le blanchiment d’argent (dans la partie suivante), le présent chapitre donne des aperçus sur des caractéristiques spécifiques de ce phénomène. Il est important d’avoir des idées sur l’ampleur des problèmes nécessitant, par endroit, de faire des analyses plus détaillées. Trois domaines liés à la fraude associée habituellement au blanchiment d’argent sont alors choisis pour expliciter certaines spécificités des problèmes sous-jacents.

 

  • Les fraudes fiscales

 

Du point de vue juridique, une fraude fiscale est une « soustraction non-autorisée par la législation fiscale de tout ou partie de la matière imposable d’un contribuable » (Roig, 2014, p. 1). Plus simplement, il y a fraude fiscale lorsque le contribuable paie en dessous du montant qu’il doit en matière d’impôt via des moyens illégaux : il peut s’agir alors de contravention administrative qui consiste à créer une absence de taxation ou bien une taxation incomplète, mais cela pourrait concerner aussi des délits quelconques, tels que de l’escroquerie en matière de contribution ou l’usage de faux (Cassani, 2013). Il est fait tout de même une distinction entre « fraude fiscale » et « évasion fiscale », cette dernière expression décrit la pratique qui consiste à contourner ou à réduire l’impôt via des possibilités occasionnées par les dispositions fiscales elles-mêmes ou leurs lacunes (utilisation d’une autre nationalité, niches fiscales, etc.). La Commission Européenne a d’ailleurs émis des avis explicitant les deux termes, « tax avoidance » et « tax evasion » (Commission Européenne, 2012).

 

Il est important de remarquer une certaine indépendance entre les deux infractions : fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. En fait, comme défini dans le chapitre précédent, le blanchiment d’argent est le fait d’intégrer (ou de réintégrer) dans le circuit économique légal les produits d’une activité criminelle. Le blanchiment d’argent pourrait alors avoir comme activité criminelle sous-jacent tout type d’infraction ou d’activité illégale, dont la fraude fiscale fait partie. Le 5 février 2013, le Parlement européen et le Conseil relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ont émis la proposition que toutes les infractions fiscales pénales, relatives aux impôts directs et indirects, font partie de ces activités criminelles (Article 3-4 du COM [2013] 45 final. 2013/0025 [COD]).

 

Le droit français a généralisé par la loi 96-392 du 13 mai 1996[1] l’application à « tous les crimes ou délits » l’infraction de blanchiment d’argent, y compris les infractions fiscales. C’est l’ordonnance 2009-104 du 30 janvier 2009[2] a complété cette disposition en terme d’obligation de déclaration en matière fiscale. Cette déclaration est rendue obligatoire pour ceux qui soupçonnent qu’un certain montant provient « d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participe au financement du terrorisme » (Article L561-15 du Code monétaire et financier). En outre, le point II de cet article stipule que la déclaration s’étend sur des opérations soupçonnées de provenir d’une fraude fiscale, satisfaisant l’un des 16 critères définis dans l’article D561-32-1 du Code monétaire et financier ; ci-après quelques exemples :

  • L’utilisation de société écran ;
  • L’utilisation de société qui change fréquemment de statut, sans justification par la situation économique de l’entreprise en question ;
  • L’interposition de personnes physiques qui interviennent seulement en apparence pour le compte d’autrui dans une opération financière ; etc.

 

Le blanchiment est une infraction de conséquence à l’égard de la fraude fiscale, c’est-à-dire qu’il est la conséquence de l’infraction initiale, nécessitant l’identification de cette dernière. En revanche, c’est un délit autonome puisqu’il n’est pas requis que le délit originel soit puni ou poursuivi ; il n’est même pas nécessaire de démontrer que celui-ci est punissable pour appliquer le chef de blanchiment de fraude fiscale. Les conditions attribuées au délit général de blanchiment d’argent sont tout simplement applicables aux cas du blanchiment de fraude fiscale. Entre autres, la crise économique de la deuxième moitié des années 2000 a contribué à considérer et renforcer les mesures pour limiter, voire éradiquer le phénomène de fraude fiscale. Dorénavant, le G7 réfléchit sur les dispositions à prendre pour lutter contre l’évasion fiscale, notamment sur les échanges d’informations systématiques entre les services fiscaux des pays membres (du G7). L’objectif touche même la levée du secret bancaire pour pouvoir exploiter les données sur les fortunes gérées à l’étranger des citoyens concernés.

 

La définition juridique du blanchiment d’argent permet de statuer sur le chef de blanchiment de fraudes fiscales :

  • D’un côté, c’est l’œuvre d’une facilitation de la justification mensongère de l’origine des revenus et biens de l’auteur d’un crime offrant à ce dernier un profit direct ou non. Il n’est pas nécessaire de prouver que l’argent objet de la fraude fiscale a financé l’acquisition des biens ou les revenus : il suffit de démontrer que l’auteur possède les biens ou les revenus dont la justification mensongère est facilitée (par tous moyens tels que faux bulletins de salaire, écritures bancaires fictives, etc.).
  • D’un autre côté, c’est le fait de concourir à une opération de placement, de conversion ou de dissimulation des produits d’infractions. Il n’est pas nécessaire que l’auteur tire un profit personnel de l’acte de blanchiment, ni que celui-ci ait une connaissance précise et exacte de la fraude fiscale.

 

La poursuite de la fraude fiscale et celle du blanchiment de l’argent produit par cette infraction peuvent désormais être désynchronisées. Avant même que les administrations fiscales n’aient commencé leurs investigations sur une affaire de fraude fiscale, l’information sur le blanchiment associé peut être ouverte sans problème.

 

  • Les fraudes bancaires

 

L’intérêt de parler des fraudes bancaires réside surtout dans le fait que les blanchisseurs cherchent essentiellement d’utiliser le système financier légal pour effectuer chaque étape du blanchiment d’argent (placement, empilement, essorage – cf. supra). Pour la quasi-totalité des cas, une affaire de blanchiment d’argent est associée à la conversion de monnaie liquide en monnaie scripturale. C’est dans ce contexte que les fraudes bancaires jouent des rôles très importants et sensibles puisque les moindres erreurs (de la part des fraudeurs) risquent de révéler, non seulement tous les éléments du blanchiment en question, mais aussi ceux des crimes sous-jacents.

 

Il n’est pas question d’établir la liste exhaustive de toutes les fraudes bancaires, étant donné que les fraudeurs se dotent toujours de nouvelles techniques pour surmonter les dispositifs de lutte contre les fraudes (en général) et le blanchiment d’argent (en particulier). L’idée est seulement d’avoir une vue d’ensemble du phénomène de fraude bancaire associé au blanchiment d’argent, d’une part, et d’illustrer les explications par des exemples réels. A la lueur des analyses faites pour les fraudes fiscales (cf. section précédente), il est souligné et rappelé que le blanchiment d’argent utilisant (ou facilité par) des fraudes bancaires est une infraction autonome, c’est-à-dire que sa poursuite peut être engagée indépendamment de celle des fraudes qui lui sont associées.

 

Il est possible d’apprécier quatre types de fraudes bancaires (Pons, 2009), qu’elles soient associées ou non à une opération de blanchiment :

  • Les fraudes internes ;
  • Les fraudes externes ;
  • Les fraudes utilisant l’informatique et/ou internet comme support, mais qui recouvrent les deux premiers types de fraudes ;
  • Les fraudes relatives aux placements sur les marchés financiers (bourses) et aux falsifications dans les bilans.

 

Essentiellement, ce sont les deux premières catégories de fraudes qui seront abordées dans cette section, la troisième étant associée à la section suivante (la quatrième dépasse un peu le cadre de la fraude bancaire concernée par la présente étude). Les fraudes internes sont relatives au comportement des collaborateurs dans l’établissement en question, des acteurs très connaisseurs du milieu et ont une certaine compétence dans les manipulations des opérations bancaires. Livolsi et Israël (2014) indiquent ainsi, dans leur article concernant les opérations douteuses (sur la voie du blanchiment d’argent) réalisées et « permises » par une banque de Monaco[3], que les suspects comme étant des fraudeurs-blanchisseurs peuvent aller d’un gestionnaire de compte jusqu’aux dirigeants mêmes de l’établissement[4]. Il se pourrait que l’ensemble même des structures de l’établissement soit corrompu (à l’image de la banque citée par les mêmes auteurs, dans laquelle trois employés qui auraient donné l’alerte blanchiment ont été renvoyés).

 

Les opérations de blanchiment d’argent nécessitent souvent (voire pour la plupart des cas) une complicité de la part du personnel de la banque. Une ouverture illégale de comptes ne serait pas réalisable dans certains cas sans l’aide d’un acteur interne. Les auteurs susmentionnés ont ainsi rapporté des cas d’ouvertures de compte qui ne suivent pas le processus normal : les argents de certains nouveaux clients, de montants suffisamment élevés pour éveiller les soupçons des gestionnaires, sont d’abord versés dans des comptes « internes » de la banque avant d’être transférées vers leurs propres comptes (à leurs noms) qui ne sont créés que plusieurs jours après le versement.

 

Pour ce qui concerne les fraudes externes, les fraudeurs utilisent donc des moyens strictement extérieurs à la banque dont de faux documents, essentiellement. Ces auteurs pourraient être des particuliers (personnes physiques) ou des sociétés dites « écrans ». Ces moyens servent nécessairement à l’ouverture de comptes, à l’obtention de prêts, et à l’usage des services bancaires (pour toute opération de banque) (Pons, 2009). Mais d’habitude, les initiatives externes sont appuyées par les soutiens d’acteurs internes à la banque, surtout dans les systèmes au sein desquels les dispositifs anti-blanchiment sont sévères.

 

D’ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’intégrer l’argent criminel dans le circuit financier par diverses techniques, mais il faut surtout effacer les traces douteuses susceptibles de mener vers l’origine des fonds, objets des opérations bancaires. Certaines banques vont jusqu’à organiser l’empilage des fonds prélavés. Dans les enquêtes réalisées par Livolsi et Israël (2014), la banque en question permet l’ouverture et la gestion de comptes au nom d’une société-écran siégeant au Panama, gérée par un cabinet spécialiste dans le montage offshore. Le système d’empilement, plutôt classique, qui consiste à transférer les sommes versées vers d’autres comptes vise à faire disparaitre l’identité du donneur d’ordre. Le compte initial n’est pas fermé aussitôt puisque l’ouverture et la fermeture d’un compte doivent toujours faire l’objet d’une déclaration auprès des responsables de la sécurité financière. Il est très usuel également d’envoyer les grosses sommes d’argent vers une société de jeux (dans des lieux offshores généralement) puis de les récupérer sous forme de chèque bancaire.

 

En somme, les fraudes bancaires et les opérations de blanchiment d’argent associées deviennent de plus en plus complexes et cela ne facilite pas les tâches des gendarmes anti-blanchiment. Cette difficulté d’appréhension de la fraude bancaire prend plus d’ampleur avec la désintermédiation des opérations financières, des liaisons entre des acteurs qui ne sont pas toujours des banquiers, et des choix des banques qui décident de diversifier vers d’autres activités non-bancaires (traditionnellement parlant). La complexité des opérations complique (voire ne permet pas) la réalisation de contrôles dans certains cas ou, au mieux, remet de tels contrôles au second plan (Pons, 2009).

 

  • Les fraudes via Internet

 

Certes que le blanchiment consiste essentiellement en l’intégration de l’argent en espèce dans le système bancaire pour que le propriétaire (de l’argent) puisse profiter pleinement de son butin sur le circuit légal. Mais, les organisations criminelles profitent également du développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) pour réaliser une bonne part de leurs activités illégales. Il est indiqué une nette hausse du nombre de sites marchands en ligne dans l’hexagone, soit une augmentation de 17% pour 2012 par rapport à l’année précédente[5]. Cela aurait probablement propulsé le développement de certaines pratiques frauduleuses, dont le blanchiment d’argent. Parmi les techniques nouvelles très utilisées par les blanchisseurs figure les titre-restaurants, ces titres de paiement représentant une liquidité abondante avec une très faible traçabilité de l’origine de l’argent.

 

Mais, en parlant du blanchiment d’argent en ligne, il faut aussi parler du scam (un blanchiment partiellement en ligne) avec sa nouvelle forme. Le donneur d’ordre (le véritable blanchisseur, le scammeur) entre en contact par internet (courrier électronique ou réseaux sociaux, en l’occurrence) avec un individu, appelé « mule ». Cette dernière devrait par la suite faciliter les opérations que le scammeur cherche à réaliser : pour éviter les risques liés aux tâches (notamment la traçabilité des actions), celles-ci sont effectuées par la mule (aux risques et périls de celle-ci) moyennant un pourcentage (de 5 à 10%) qu’elle déduit sur le montant total de la transaction (Paget, 2009). Au fil du temps, les mules ne sont plus des personnes naïves, innocentes et inconscientes de la nature de ces opérations, bien qu’elles (les mules) ne disposent pas d’informations exactes et suffisamment complètes concernant leur travail. C’est surtout à travers une offre d’emploi envoyée sur internet qu’un scammeur recrute ses mules, avec une description très professionnelle du « métier » de « travailleur indépendant ».

 

Les monnaies électroniques se trouvent également au premier plan sur les moyens utilisés par les criminels, notamment les monnaies virtuelles. Il faut se rappeler de quelques caractéristiques de ces monnaies virtuelles par rapport aux monnaies électroniques classiques :

  • les virtuelles sont créées de toute pièce (dont les bitcoins, les dollars Linden, etc.) donc n’ont pas de cours légal,
  • elles sont utilisées généralement au niveau d’une communauté (virtuelle), sans supervision,
  • ce sont des devises non réglementées, émises par des sociétés non financières, sans garanti de remboursement,
  • en plus des risques opérationnels, elles présentent aussi des risques juridiques, de liquidité et de crédit.

 

Malgré les importants risques qu’elles présentent pour les investisseurs, cette forme de monnaie n’est pas prête de disparaitre. Le directeur de l’IRS, Richard Weber, l’équivalent du fisc français aux Etats-Unis, affirmait que le légendaire Al Capone utiliserait ces services en ligne si ceux-ci existaient à son époque (Paget & Hart, 2013). La monnaie virtuelle présente beaucoup d’avantage pour les blanchisseurs, notamment en ce qui concerne l’anonymat des acteurs dans les transactions. A citer, par exemple, l’affaire d’achat anonyme de stupéfiant sur le site Silk Road, avec une émission d’un million de dollars de bitcoins à partir de la bourse d’échanges électroniques « The Company »[6]. Quant aux monnaies électroniques, les criminels les utilisent généralement (comme outils de blanchiment) pour acheter des marchandises afin de les revendre ensuite.

 

 

En somme, le blanchiment d’argent est un domaine très vaste et en constante évolution : ce phénomène est l’un des importants animateurs du monde de la finance, et plus particulièrement celui de la banque. Les effets néfastes de cette pratique conduisent les autorités financières à insister sur la performance des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent.

 

 

  • Les principales stratégies de luttes contre le blanchiment d’argent au niveau de l’Europe

 

Toujours pour bien appréhender le cadre de l’étude, il est important d’avoir une bonne notion sur les stratégies et moyens utilisés pour lutter contre le blanchiment d’argent. L’étude portera donc sur les dimensions internationale et nationale de cette lutte.

 

  • Les stratégies de lutte mises en place au niveau de l’Union Européenne

 

Il existe plusieurs normes et directives émises au niveau international sur lesquelles les politiques et les stratégies adoptées (par un pays, une institution, ou un professionnel donné) en matière de blanchiment d’argent se basent. Il ne serait pas possible de réaliser des études complètes de toutes ces dispositions et recommandations internationales ; il est surtout nécessaire d’en apprécier quelques-unes afin d’appréhender la problématique, c’est-à-dire de considérer les éléments susceptibles de nourrir les enjeux de la lutte contre le blanchiment d’argent.

 

  • Le MONEYVAL

 

MONEYVAL est un organe spécial du Conseil de l’Europe investi de trois grandes attributions :

  • Il est chargé de réaliser certaines évaluations de la conformité des pays avec les principales normes internationales en termes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;
  • Cet organe est également à la charge de l’appréciation de l’efficacité de mis en œuvre de ces diverses normes ;
  • Il formule des recommandations à l’endroit des pays évalués (adressées aux autorités nationales de chaque pays) concernant les améliorations nécessaires (en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme) à leurs systèmes respectifs.

 

Plus simplement, MONEYVAL cherche principalement à permettre une amélioration de la capacité en matière de lutte anti-blanchiment (et de financement du terrorisme) des autorités nationales à travers :

  • Un processus d’évaluation dynamique ;
  • Des examens par les pairs ;
  • Suivi régulier des rapports.

 

L’évaluation réalisée par MONEYVAL concerne :

  • Les pays membres du Conseil de l’Europe mais, qui ne sont pas membres du GAFI (Groupe d’actions financières sur le blanchiment de capitaux) ou qui deviennent membres de ce groupe et demandant toujours l’évaluation par MONEYVAL (faisant un total de 29 pays) ;
  • Certains pays non membre du Conseil de l’Europe, dont Israël ;
  • D’autres Etats tels que les Dépendances de la Couronne britannique (Guernesey, l’Île de Man, et Jersey) et le Saint-Siège (avec la Cité du Vatican).

 

MONEYVAL offre donc un cadre d’amélioration de la lutte anti-blanchiment, non seulement dans le contexte européen mais étendu à l’échelle mondiale. Cet organe réalise ainsi des cycles d’évaluation mutuelle des Etats et territoires impliqués. Trois cycles d’évaluation mutuelle ont été déjà bouclés et le quatrième cycle devrait être terminé en 2014 (MONEYVAL, 2014) :

  • Le premier cycle (avril 1998 à décembre 2000) a été basé sur les recommandations du GAFI de 1996 : 22 Etats ont fait l’objet d’examen.
  • Le deuxième cycle (2001 à 2004) reprenant essentiellement les recommandations de 1996 (GAFI) mais considérant surtout les critères relatifs aux pays qui n’ont pas été coopératifs : 27 Etats du Conseil de l’Europe ont alors fait l’objet d’évaluation.
  • Le troisième cycle (2005 à 2009) s’est basé toujours sur les recommandations du GAFI révisées en 2003. En outre, ce cycle d’évaluation a pris en considération la conformité à la troisième Directive anti-blanchiment de l’Union Européenne (2007) : 28 Etats du Conseil de l’Europe ont été évalués, avec le Saint-Siège et Israël.
  • Le quatrième cycle (2009 à 2014) se penche sur l’effectivité de la prise en compte des recommandations du GAFI (révisées en 2003) ainsi que d’autres pour lesquelles chaque juridiction est notée « non conforme » ou « partiellement conforme » dans le cycle précédent.

 

La méthodologie utilisée par MONEYVAL se concentre sur quatre points essentiels, à savoir :

  • Une évaluation de la conformité de chaque juridiction vis-à-vis des normes internationales pertinentes sur le plan financier, juridique et répressive via un processus d’évaluation mutuelle : entre autres, les recommandations du GAFI de 2003, la convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée de 2000 (Convention de Palerme), la convention du Conseil de l’Europe en matière de blanchiment d’argent (Convention de Strasbourg), la directive européenne sur la prévention de l’utilisation du système financier pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Directives 2005/60/CE et 2006/70/CE) ;
  • La publication (nécessairement après évaluation) des rapports contenant les recommandations à des fins de renforcement des systèmes nationaux de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; la publication expose également les capacités de coopération de chaque juridiction à de telle lutte sur le plan international ;
  • Le suivi des rapports d’évaluation, surtout via des procédures de conformité renforcées dans une optique d’adoption par les Etats évalués des recommandations devant améliorer leurs systèmes respectifs (lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme).
  • Des études de typologie sur les moyens, les techniques et les tendances des pratiques de blanchiment et de financement du terrorisme.

 

Il s’agit alors d’un processus d’évaluation qui devrait aboutir par une amélioration nette de la situation de chaque pays concerné. Les opérations d’évaluation sont réalisées par une équipe comprenant 5 membres dont, un membre du Secrétariat de MONEYVAL, un évaluateur juridique, un évaluateur des dispositifs de répression, et deux évaluateurs financiers. Avant que cette équipe effectue une visite sur site, un questionnaire d’évaluation mutuelle est envoyé à chaque pays suite auquel ce dernier devrait fournir des informations complémentaires (dont des statistiques) avec les dispositions réglementaires touchant le domaine du blanchiment d’argent et du financement de terrorisme.

 

La visite sur site (pour chaque pays concerné) dure généralement huit (8) jours ; ceci offre à l’équipe d’évaluation des opportunités de dialogue avec les autorités publiques sur place, les organes de régulation, les institutions pertinentes du secteur privé et des ONG. Le rapport d’évaluation à la suite de la visite est présenté et discuté avec le pays concerné avant la soumission pour adoption par une réunion plénière. Une année après la publication du rapport pour le site en question, le pays devrait soumettre un rapport décrivant les mesures nouvellement prises démontrant ainsi la considération du rapport d’évaluation. Un pays MONEYVAL (distinct de la juridiction évaluée) est désigné comme rapporteur (s’agissant d’une évaluation mutuelle) qui devrait poser les questions pertinentes lors de l’analyse en réunion plénière du rapport émis par le pays évalués. Si la plénière ne déclare pas sa satisfaction quant aux réponses fournies par les représentants du pays évalué, ce dernier est invité à compléter les informations/réponses requises. D’autres dispositions sont prises si les réalités constatées ne parviennent pas à atteindre les progrès attendus, dont les Procédures de conformité renforcées (PCR).

 

Désormais, les PCR devraient répondre à un processus graduel comprenant cinq étapes :

  • Le Président de MONEYVAL informe et attire l’attention du chef de la délégation du pays évalué sur les points non-conformes avec le document de référence ;
  • Le Président de MONEYVAL informe et attire l’attention du Secrétaire général sur cette non-conformité d’un des pays MONEYVAL ;
  • Le Secrétaire général de MONEYVAL attire, à son tour, l’attention du gouvernement du pays concerné à ce problème de non-conformité ;
  • Un ou des missionnaires spéciaux de MONEYVAL visite le pays soumis aux PCR, appuyant le message du Secrétaire général ;
  • Une déclaration officielle est faite publiquement étalant le non-respect par l’Etat concerné du référentiel de MONEYVAL.

 

Pour les pays ayant reçu une trentaine de notations « non conforme » et/ou « partiellement conforme » (NC/PC) dans le troisième cycle d’évaluation mutuelle, mais qui présentent des états des lieux proche du seuil des PCR, ces dernières ne sont pas instituées. En revanche, ces pays (dont 5 ont été maintenus à cette procédure NC/PC en 2013) sont invités à prendre les mesures conséquentes pour corriger les lacunes constatées. En conclusion, MONEYVAL constitue un outil de normalisation internationale des éléments sensibles aux problèmes de blanchiment d’argent (et de financement du terrorisme). Le rapport annuel d’activités de cet organe affirme un bilan positif en matière de réactivité des juridictions évaluées sur les recommandations émises par MONEYVAL à leur endroit (25 sur 33 juridictions ont procédé activement au suivi MONEYVAL, en 2013).

 

  • Une approche fondée sur les risques

 

L’approche fondée sur le risque fait partie des points principaux sur lesquels sont axées les recommandations du GAFI en matière de lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme. Cette approche doit être entamée et mise en œuvre à tous les niveaux par tous les pays devant se conformer à ces recommandations. Sauf mention contraire explicite, les risques abordés dans cette étude sont relatifs au blanchiment d’argent et peuvent toucher également le financement du terrorisme. Ainsi, chaque pays doit être en mesure d’identifier, d’évaluer en permanence les risques auxquels il est exposé et doit réagir en conséquence. Les mesures à prendre devraient nécessairement se baser sur l’adaptation des systèmes existants, notamment législatifs, suivant la nature de chaque risque identifié et analysé.

 

La première recommandation du GAFI stipule que les expériences en matière de blanchiment de capitaux de chaque secteur touché directement par ce phénomène doivent être considérées. En fait, plus un secteur donné présente une expérience importante et une capacité élevée sur ce domaine (du blanchiment), plus efficace sera la discrétion relative à cette approche par les risques (Groupe d’Action Financière, 2012). Principalement, cette approche cherche à obliger les acteurs opérateurs concernés (institutions financières, entreprises et professions non financières désignées) à mettre en œuvre les mesures de vigilance renforcées adaptées à chaque risque élevé détecté.

 

Avec l’approche fondée sur les risques, les politiques de lutte contre le blanchiment d’argent insistent donc largement sur des mesures préventives, relativement à d’autres dispositions plutôt curatives. Les mesures conséquentes à mettre en œuvre au niveau national varient selon le poids attribué à chaque risque considéré (Grijseels, 2012) :

  • Lorsqu’il est reconnu qu’un certain risque est d’un niveau élevé, les autorités compétentes doivent appliquer des mesures renforcées ;
  • Lorsqu’un risque donné est jugé faible, ces autorités sont autorisées de n’appliquer que des mesures dites « simplifiées ». Lorsque le niveau faible du risque est démontré sous certaines conditions (dans des cas réservés à des institutions financières ou des entreprises non financières limitativement désignées) ou lorsque ce niveau faible est attribué au caractère occasionnel ou limité de l’activité financière d’une personne (physique ou moral), le pays peut choisir de ne pas appliquer certaines dispositions avancées par les recommandations du GAFI.

 

L’approche fondée sur les risques est un moyen optimal qui offre plus d’efficacité au système interne à chaque pays avec des coûts relativement faibles. En fait, cette approche permet de cibler les actions à entreprendre tout en les adaptant aux ressources disponibles et aux risques considérés. A l’image d’une entreprise qui alimente et met à jour sa cartographie des risques, chaque pays doit faire autant pour les menaces de blanchiment de capitaux à travers ses dispositifs nationaux d’évaluations des risques.

 

De manière analogue, les établissements financiers et les entreprises et professions non-financières impliquées plus ou moins directement avec le blanchiment d’argent doivent aussi procéder à l’identification et l’évaluation des risques sur ce domaine. Les évaluations doivent être documentées pour pouvoir suivre leur fondement et leur mise à jour, et surtout afin de les communiquer aux autorités de contrôle en matière de lutte anti-blanchiment. Bien entendu, l’étendue et la nature des analyses de risques varient en fonction des activités commerciales de chaque entité concernée (entreprise, professionnel ou institution). Sont notamment appréciés en particulier :

  • Les risques relatifs à la clientèle ;
  • Les risques liés au pays (ou zone/région) de résidence ou d’implantation ;
  • Les risques concernant les produits et services ;
  • Les risques inhérents à toute opération et aux canaux de distribution.

 

Ainsi, ces entités concernées sont tenues d’élaborer des politiques, des outils de contrôle et des procédures leur permettant de gérer et de limiter les risques de manière efficace. Toutes les dispositions prises (qu’elles soient simplifiées ou renforcées) doivent être en conformité avec les obligations nationales en matière de lutte anti-blanchiment et des directives émises par les autorités de contrôle sur ce domaine.

 

Outre l’approche fondée sur les risques dans le cadre de la vigilance à l’égard de la clientèle, il faut aussi considérer l’approche fondée sur les risques en matière de contrôle établie par la 26ème et la 27ème recommandation du GAFI. Il convient, en matière de lutte anti-blanchiment, d’apporter une distinction entre le processus général devant être suivi par une autorité de contrôle et le processus spécifique relatif à une institution particulière.

 

Pour le processus général, l’autorité de contrôle doit avoir à sa disposition les informations complètes des risques existant dans le territoire de son ressort, ainsi que le profil de risque de chaque institution dont elle a la charge de contrôle. Cette autorité doit pouvoir accéder à toute information pertinente sur les risques auxquels est exposée chaque institution à contrôler, aux niveaux national et international. Les informations comprennent généralement celles des clients, des produits/services, et la qualité du service de conformité de l’institution en question. Le processus général de contrôle doit être dynamique, c’est-à-dire qu’il devrait y avoir une réévaluation périodique (régulière ou suite à d’évènements importants concernant l’institution à contrôler)

 

Pour le processus spécifique il est important de mentionner le niveau de discrétion accordée à chaque établissement contrôlé compte tenu de l’approche fondée sur les risques. Le processus est spécifique en ce qu’il est défini proprement par cet établissement.

 

  • L’augmentation de la vigilance

 

Toujours en se basant sur l’approche fondée sur les risques, la 10ème recommandation du GAFI souligne le devoir de vigilance de certaines entités spécifiquement désignées (institutions financières, entreprises et professions non financières) concernant leurs clients. Ces entités sont ainsi tenues de prendre les dispositions nécessaires de vigilance vis-à-vis de leurs clients pour l’un ou plusieurs des critères ci-après :

  • Les clients établissent des relations d’affaires ;
  • Un client réalise une ou des opérations occasionnelles :
  • D’un montant au-dessus du seuil défini (15 000 euros ou USD) ;
  • Pour tout virement électronique dans les contextes définis par la 16ème recommandation du GAFI, principalement les virements transfrontaliers et nationaux, les paiements de couverture et ceux en série.
  • Il est établi un soupçon de blanchiment d’argent concernant le client en question ;
  • Ces entités désignées émettent un doute aux informations fournies par leurs clients, surtout pour les données d’identification.

 

Ces entités susmentionnées doivent alors effectuer les mesures suivantes pour chaque client relevant de l’une ou plusieurs des critères ci-dessus :

  • D’abord, il faut identifier le client et procéder à la vérification des données sur son identité en utilisant des sources indépendantes et fiables. Dorénavant, la tenue de compte anonyme ou sous de nom fictif manifestement doit être formellement interdite.
  • Procéder ensuite à l’identification du bénéficiaire effectif des transactions réalisées par ce client de sorte que les entités susmentionnées possèdent des informations satisfaisantes sur le correspondant de leur client douteux. Pour un client qui est une personne morale et/ou une construction juridique, il y a lieu de comprendre l’organisation (en termes de propriété et de contrôle) de celui-ci.
  • Il faut également comprendre l’objet et les caractéristiques de la relation d’affaires, le cas échéant.
  • Finalement, la vigilance sur la relation d’affaires doit être maintenue constante, nécessitant ainsi une veille en permanence sur les opérations pendant toute la vie de cette relation d’affaires. Entre autres, il est impératif de vérifier continuellement la cohérence des informations détenues sur le client concerné, notamment sur son profil de risque, ses activités et l’origine des fonds utilisés.

 

Les risques identifiés devraient être classés en « élevés » ou « faibles », dont ci-après quelques exemples illustratifs :

  • Risques élevés : Relations d’affaires se déroulant dans un cadre non-habituel (entre deux endroits géographiquement éloignés sans que soit établi le bien fondé des opérations, par exemple), des activités commerciales utilisant un montant relativement élevé en espèce, des clients non-résidents, opérations impliquant un pays identifiés comme douteux (en PCR MONEYVAL, par exemple), opérations se déroulant entre absent(s) ;
  • Risques faibles : des entreprises publiques, des contrats d’assurance-vie avec une prime relativement faible (inférieur à 1000 euros annuellement), opérations impliquant un pays disposant de dispositifs efficaces en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

 

  • Autres démarches

 

Sans établir la liste de toutes les recommandations du GAFI, sur lesquelles se base la majeure partie des normes principales concernant le blanchiment d’argent, il est intéressant de distinguer quelques points émergeants. Dès la première et la seconde recommandation, la coordination des politiques et stratégies en matière de lutte anti-blanchiment est évoquée ; une coordination qui devrait se manifester :

  • Au niveau national à travers une politique nationale en la matière coordonnée par une autorité spécifique qui devrait mettre à jour cette politique régulièrement ; cette autorité privilégierait certaines entités dans l’élaboration et la mise à jour de la politique nationale, dont les responsables gouvernementaux directement impliqués à la lutte anti-blanchiment, les autorités judiciaires, et les autres autorités compétentes en la matière ;
  • Au niveau international, comme mentionner dans la 35ème à la 40ème recommandation du GAFI appelant à la coopération entre agences gouvernementales.

 

Il est également constaté que les révisions de la 24ème et la 25ème recommandation du GAFI implique un renforcement des mesures de transparence. A citer, par exemple, l’obligation d’utilisation du registre des sociétés qui doit inclure toutes les entreprises créés sur le territoire national. Les institutions financières, les entreprises et les professions non financières désignées doivent avoir à leur disposition les informations contenues dans ce registre. Aussi, chaque société doit disposer les informations élémentaires concernant, entre autres, son actionnariat. L’autorité de contrôle doit avoir accès à de telles informations de sorte à ce qu’elle bénéficie de la transparence concernant les actionnaires et les bénéficiaires effectifs de chaque société créée dans son périmètre d’action. Par ailleurs, la recommandation du GAFI (dont la 16ème) stipule que la transparence doit être un des principes de base, dans les virements électroniques, par exemple (disponibilité et fiabilité des informations, non seulement sur le donneur d’ordre mais aussi sur les bénéficiaires).

 

Désormais, la divulgation d’information dans le cadre de dénonciation des suspects en matière de blanchiment d’argent ne se limite pas à ces quelques cas cités. Les recommandations du GAFI considèrent, entre autres, les cas de corruption, des personnes politiquement exposées et des infractions fiscales pénales. Cela met en évidence l’importance des requêtes et des analyses de données personnelles dans les mesures recommandées par les normes internationales, dans le cadre de lutte contre le blanchiment d’argent.

 

 

  • Les stratégies de lutte contre le blanchiment d’argent en France

 

Les recommandations et directives émises par des institutions internationales sur le domaine du blanchiment d’argent sont généralement transposées par le législateur français en dispositions réglementaires nationaux. Les politiques et mesures prises par les autorités nationales en la matière se basent surtout sur le concept de déclaration de soupçon et sur les actions de certains Services particuliers tels que le TRACFIN et le Service Central de Prévention de la Corruption.

 

  • Les déclarations de soupçon

 

A défaut de définition explicite du soupçon dans les textes législatifs ou réglementaires, il y a lieu d’apprécier certains articles à ce sujet. En application de l’article L561.2 du Code monétaire et financier, des types d’organismes financiers sont tenus de faire une déclaration de soupçon auprès de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers), tels que les établissements de crédits, les personnes exerçant des activités de conservation ou de gestion d’instruments financiers, les établissements de paiement, les changeurs manuels, etc. Suite à d’analyse réalisée qu’ils effectuent systématiquement sur les informations concernant leurs clients, ces organismes financiers doivent alors examiner toutes les opérations suspectes avant de les adresser à TRACFIN (à voir par exemple, l’article L561.15 du Code monétaire et financier).

 

Le II de l’article L561.15 du Code monétaire et financier indique que les organismes financiers cités dans L561.2 doivent déclarer toute les « opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale ». L’obligation de déclaration est aussi étendue aux infractions devant être sanctionnées d’une peine privative de liberté supérieure à un an. Dans leur communiqué sur les Lignes directrices conjointes de l’Autorité de contrôle prudentiel et de Tracfin sur la déclaration de soupçon, l’ACP (Autorité de contrôle prudentiel) et le TRACFIN insiste qu’il ne faut pas non plus écarter « tout soupçon sur l’origine des sommes » (ACP – TRACFIN, 2010). Les dispositifs mis en place par un des organismes financiers (cité dans L561.2) doivent donc leur permettre de dire qu’il a de « bonnes raisons » d’émettre un soupçon sur une certaine opération. Cela dit, les négligences, ou toute autre raison handicapant le dispositif devant permettre d’appréhender les éléments déterminants du blanchiment, ne peuvent pas exonérer la responsabilité de l’organisme financier. Dorénavant, la déclaration doit se baser sur la bonne foi du déclarant (l’organisme financier) supposant ainsi que le soupçon repose sur des indices concrets et non seulement sur la conviction personnelle.

 

Le soupçon peut alors être défini comme la résultante de l’appréciation d’un flux financier qui apparait comme douteux et provenant d’une origine probablement délictueuse grave, ce qui en constitue la ou les « bonnes raisons » requises par la loi. Sous peine d’irrecevabilité, les conditions fixées par le décret 2013-480 du 6 juin 2013 doivent être satisfaites dans une déclaration. Quant aux règles de transmission de la déclaration, celles-ci sont fixées par l’arrêté dit « ERMES » du 6 juin 2013. Ainsi, l’article R561.31 (I et II) du Code monétaire et financier établit que la déclaration peut être faite :

  • verbalement auprès de TRACFIN, en présence du déclarant (article R561.23 du décret 2013-480 ou R561.31 du Code monétaire et financier), ou
  • par écrit (lettre dactylographiée), signé, conformément au formulaire disponible en ligne (site du TRACFIN ou plateforme ERMES) (article R561-31.I du Code monétaire et financier)

 

L’article R561.31.III stipule que la déclaration de soupçon doit impérativement comporter, outre les éléments concernant le déclarant (profession, éléments d’identification, coordonnées professionnelles) :

  • les éléments permettant d’identifier le client ;
  • le bénéficiaire effectif de l’opération, le cas échéant ;
  • l’objet et la nature de la relation d’affaires, si tel est le cas ;
  • la description de l’opération ainsi que les éléments résultant d’analyse conduisant à réaliser la déclaration ;
  • le délai d’exécution si l’opération n’a pas encore été réalisée ;
  • si le client est une personne physique : l’activité professionnelle et les composants du patrimoine du client ;
  • si le client est une personne morale : le numéro d’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés, la forme juridique et le secteur d’activités du client.

 

Au vu de ces éléments, les conditions de recevabilité de la déclaration de soupçon ne portent pas sur des composantes de fonds, mais seulement sur des éléments de forme. Mais en tout cas, l’obligation de déclaration à l’endroit des organismes financiers met en jeu les données personnelles des clients, et donc la liberté individuelle de ces derniers.

 

  • Le service TRACFIN

 

Le TRACFIN ou Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers est une cellule de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. A l’origine, cette cellule à compétence nationale est rattachée à la Direction générale des douanes et droits indirects ; TRACFIN est désormais sous-tutelle du Ministère des Finances et des Comptes publics.

 

Globalement, TRACFIN est un service de traitement des informations à caractère financier, ayant pour mission la lutte contre le blanchiment d’argent, les circuits financiers clandestins et le financement du terrorisme. Les moyens utilisés par cet organe de traitement sont la collecte, l’analyse, l’enrichissement et l’exploitation de tout renseignement susceptible d’aboutir à l’origine ou bien la destination illégale des opérations financières. Le TRACFIN obtient les renseignements à partir de diverses sources :

  • Les déclarations faites par les organismes financiers (institutions financières, entreprises et professions non financières), principalement : ces déclarations comportent essentiellement les sommes inscrites dans les livres de ces organismes concernant des opérations (ou tentatives d’opérations) suspectes de par leurs origines délictueuses ;
  • Les données mises à dispositions par les administrations partenaires ;
  • Les cellules étrangères de renseignements.

 

Une information reçue par TRACFIN est analysée, enrichie et orientée. Ensuite, le Service peut procéder à un travail d’enquête à travers d’actes d’investigations effectués dans le cadre d’étude documentaire. Ces opérations devrait permettre de contextualiser le soupçon, objet de la déclaration et/ou de l’enrichir pour en évaluer la pertinence. Au cours d’une opération relative à un dossier ouvert, il est possible que le Service envoie des droits de communication aux sujets assujettis au dispositif de lutte anti-blanchiment qui pourraient apporter des informations pertinentes. Après qu’une enquête soit finalisée, les informations finales sont externalisées :

  • Soit à l’autorité judiciaire, dans le cadre d’une transmission judiciaire ;
  • Soit aux administrations partenaires ou aux cellules étrangères de renseignement financier, dans le cadre d’une transmission spontanée.

 

Toutes les informations obtenues ainsi bénéficient également du même régime de confidentialité que les données des déclarations de soupçon. Ainsi, TRACFIN garantit une confidentialité stricte des informations qui lui sont parvenues. En principe, le Service est tenu de ne jamais divulguer les déclarations de soupçon ; même dans le cadre d’une externalisation des données, TRACFIN s’engage à ce que les sources à l’origine de toutes les informations reçues n’apparaissent pas.

 

Statistiquement, le Service a reçu un peu moins de 29 000 informations en 2013, dont plus de 27 000 sont issues de déclarations de soupçon. Le nombre de déclarations reçues progresse de 6% par rapport à l’année précédente. TRACFIN a émis 1 326 notes d’informations, dont plus de 1/3 sont adressées à l’autorité judiciaire. Environ 43 000 actes d’investigations sont effectués durant cette année (TRACFIN, 2014).

 

Avec le caractère quasiment international du blanchiment d’argent, et donc des flux financiers et des circuits associés, il est plus que nécessaire de développer la coopération internationale en la matière. TRACFIN communique donc avec des homologues étrangers (essentiellement européens) et d’autres Cellules de renseignement financier (CRF) dans le monde. Utilisant deux réseaux de communication sécurisés, TRACFIN échange des informations avec 28 CRF de l’Union Européenne (au niveau régional) et avec 140 CRF du groupe Egmont. Le Service a reçu près de 950 informations venant de CRF étrangères et a envoyé pratiquement le double suite aux requêtes de ses homologues étrangers (TRACFIN, 2014).

 

  • Le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC)

 

Avant de parler de ce Service, il convient de se pencher sur les relations qui devraient lier le blanchiment d’argent avec la corruption. Cette dernière est définie comme l’action d’offrir, de solliciter, ou encore d’accepter (de manière directe ou non) une commission illicite ou un quelconque avantage affectant la réalisation normale d’une fonction ou du comportement du bénéficiaire (de la commission ou de l’avantage). Il existe alors deux types de corruption :

  • la corruption active qui est l’œuvre du corrupteur proposant ou accordant un avantage,
  • la corruption passive qui est le fait de l’individu corrompu sollicitant ou acceptant l’avantage.

 

Très rapidement, la corruption pourrait constituer une infraction sous-jacente au blanchiment d’argent pour légitimer l’argent gagné de cette manière. En effet, une corruption pourrait (dans la majorité des cas, probablement) faire occasionner un flux financier, nécessitant par la suite (pour la personne corrompue) le recours aux techniques de blanchiment d’argent, surtout pour des montants élevés de pot-de-vin. A ce titre, les dispositifs anti-blanchiment devraient contribuer significativement à la détection des infractions de corruption (avec les obligations de vigilance et de déclaration, en l’occurrence).

 

Le législateur français entend d’ailleurs, par la loi 2004-130 du 11 février 2004, à faire déclarer auprès de TRACFIN toute somme ou opération susceptible de provenir d’une infraction de corruption. Le délit de corruption encourt une peine privative de liberté généralement supérieure à un an (article L152.6 du Code du travail), ce qui satisfait les conditions de déclaration obligatoire de l’article L561.15 du Code monétaire et financier.

 

Dans l’étape d’empilement des argents pré-blanchis, les fonds provenant de la corruption empruntent des circuits qui passent souvent par les notaires et les agents immobiliers dans les investissements immobiliers. Il en est de même pour les professionnels gérant des biens de grandes valeurs ou des œuvres d’art (technique d’achat pour revente) (SCPC – TRACFIN, 2008).

 

Créé en 1993, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) est à composition interministérielle (Service composé de magistrats judiciaires, financiers et administratifs, et d’administrateurs civils et autres fonctionnaires), placé sous la tutelle du Ministère de la justice. Cet organe a un rôle essentiellement préventif, n’étant pas investi de pouvoir d’investigation ni de poursuite. Le SCPC jouie d’une large autonomie fonctionnelle, mais il n’est pas financièrement indépendant.

 

Apparu telle une cellule d’experts, ce Service réalise des prestations d’expertise et de renseignement au bénéfice des autorités publiques. Le SCPC fait toujours partie des participants aux débats sur le thème de corruption, et essentiellement sa prévention dans tous les domaines. Comme missions (SCPC, 2014), il est en charge :

  • de la centralisation et exploitation des informations indispensables pour une détection et prévention efficace de toute forme de corruption (passive ou active) ; cela concerne également la détection et la prévention de prise illicite d’intérêt, de concussion, de trafic d’influence et de favoritisme. Le SCPC pourrait alors saisir le procureur de la République à partir du moment où les informations concluent en un cas suspect de corruption ;
  • de l’assistance et du conseil aux autorités politiques, judiciaires, ou administratives (sur demande émanant de ces autorités) ;
  • d’apporter ses avis sur les mesures à prendre pour prévenir les faits de corruption.

 

Il est important de savoir que les informations recueillies par ce Service sont synthétisées, puis les analyses et la typologie des fraudes résultant de cette synthèse font l’objet d’une publication annuelle (rapport d’activités), diffusée publiquement. Le SCPC pourrait aussi émettre des propositions de réformes au gouvernement concernant la politique de prévention de la corruption. Les avis et concours prêtés par le Service est soumis au principe de confidentialité ; tous les membres sont également soumis au secret professionnel.

 

Le SCPC travaille en étroite collaboration avec TRACFIN, une coopération qui s’est surtout manifestée par la rédaction d’un manuel commun (Guide d’aide à la détection des opérations financières susceptibles d’être liées à la corruption, en 2008 avec une édition révisée pour 2014). Les relations entre les deux Services portent essentiellement sur l’information et la formation des professionnels qui sont tenus de réaliser la déclaration de soupçon en matière de blanchiment d’argent, l’intégration des fonds issus de la corruption extranationale.

 

 

Les autorités nationales et différents organes d’influence internationale contribuent à déployer un climat favorable à la lutte contre le blanchiment d’argent. Cette lutte met surtout l’accent sur des actions à titre de prévention mais faisant intervenir activement les organismes financiers nominativement désignés pour divulguer des informations personnelles sur leurs clients dans le cadre de la déclaration de soupçon.

 

 

  • Les enjeux éthiques de la mise en place de stratégies de lutte contre le blanchiment d’argent au niveau des banques

 

Cette partie est consacrée à la mise en exergue de l’importance de la lutte anti-blanchiment, d’un côté, et les rôles des banques dans cette lutte ainsi que les impacts de leurs interventions, notamment vis-à-vis de ses propres intérêts.

 

  • La mise en place de stratégies de lutte anti-blanchiment d’argent au niveau des banques

 

Il est important de prendre en compte les différentes politiques et mesures prises pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent dans les établissements bancaires, que ces mesures soient prises à l’initiative de ces institutions ou bien (qu’elles) leur sont imposées par des autorités spécifiques.

 

  • Le principe anti-blanchiment de Wolfsberg

 

Suite à une implication manifeste des grands groupes bancaires dans des affaires douteuses en matière de blanchiment d’argent, dix grandes banques internationales se sont réunies le 30 octobre 2000 dans le centre de formation de Wolfsberg de l’UBS, pour s’imposer une poignée de règles non contraignantes. Il en ressort les principes dits de Wolfsberg qui devraient régir les relations de ces banques avec leurs clientèles fortunées, des particuliers ou des entreprises.

 

La connaissance des clients constitue l’essentiel des différents points évoqués dans ces principes, notamment pour la gestion des grosses sommes d’argent. Plus particulièrement, il est mentionné la nécessité de connaitre les bénéficiaires de chaque compte, les structures de propriété des entreprises impliquées, etc. Cette initiative s’inscrit dans une alternative pour mieux répondre aux problèmes pratiques que cette « connaissance du client » soulève au niveau des banques. Ces problèmes se place à deux niveaux (Chavagneux, 2001) :

  • Les banques n’ont pas toujours les moyens suffisants pour réaliser les collectes des informations nécessaires ;
  • Aussi, il leur manque souvent du temps pour faire les investigations nécessaires : entretemps, un blanchisseur aurait déjà transféré son argent dans une autre banque.

 

Les principes de Wolfsberg regroupent alors les banques pour atténuer ces problèmes et surtout pour éviter les conflits commerciaux, étant entendu que ce sont des banques concurrentes. Sans établir tous les points de ces principes, il serait profitable de mentionner quelques-uns qui pourraient apporter des éléments conséquents pour la présente étude. Il est intéressant de savoir que la responsabilité de surveillance évoquée dans ces principes revient d’abord au gestionnaire de la relation de correspondant bancaire, mais également à « une personne au moins, occupant un poste hiérarchique plus élevé » (The Wolfsberg Group, 2014, p. 2) que ce gestionnaire, et finalement à un personnel compétent devant effectuer un examen de conformité de la relation en question avec les politiques de ces principes (de Wolfsberg). En somme, cette responsabilité revient nécessairement aux experts, aux spécialistes.

 

Ces principes anti-blanchiment pour les banques correspondant insistent surtout sur le devoir de vigilance et l’approche fondée sur les risques qui stipulent que chaque client associé à un risque élevé soit soumis à une vigilance sévère. Il faut noter qu’un client de services de banque correspondante est un établissement financier utilisant les services de la banque correspondante dans ses opérations de transaction pour le compte d’un (ou de plusieurs) de ses propres clients. A l’établissement d’une relation de correspondance bancaire, une banque devrait vérifier les mesures de vigilance en fonction d’un certain nombre de critères indiqués dans les principes, à savoir :

  • Le domicile du client de service de correspondance bancaire : le risque dépend notamment de la juridiction compétente associée à ce client appliquant des normes suffisamment rigoureuses ou non ;
  • Les structures de propriété et de gestion du client de services de correspondance bancaire (forme juridique, transparence de la structure de propriété, …) ; à vérifier également l’existence de personnes politiquement exposées (PPE) au niveau de la direction ou parmi les propriétaires de ce client ;
  • Les activités et les types de clientèle du client de services de correspondance bancaire : se pencher alors sur la part des clients à haut risque dans le chiffre d’affaire de cet établissement correspondant ;
  • La nature des contrôles appliqués par le client de services de banque correspondante en matière de blanchiment d’argent ;

 

Les banques devront également s’assurer (dans le cadre de ces principes de Wolfsberg) que son client (de services de banque correspondante) n’utilise pas ses services dans une relation d’affaires avec une banque fictive. L’institution financière qui ratifie ces principes devrait envoyer un représentant pour vérifier qu’un tel client n’est pas une banque fictive, lorsque les autres mesures n’apparaissent pas satisfaisantes. Il faut se rappeler qu’une banque fictive :

  • n’a pas d’adresse fixe dans la juridiction où elle exerce ses activités ;
  • n’a aucun employé travaillant en plein temps à cette adresse ;
  • n’a pas procédé à la conservation de documents d’exploitation (à cette adresse) ;
  • n’est pas soumise à l’inspection de la part de l’autorité lui ayant délivrée une licence.

 

Les informations ci-après doivent être analysées dans le cas de procédure de vigilance renforcée, c’est-à-dire avec des clients présentant des risques élevés :

  • la propriété et la direction de l’établissement correspondant : l’origine de son patrimoine y compris l’historique et les grandes modifications récentes de sa structure de propriété ; de manière analogue, il est faut considérer également l’expérience des membres de la direction ;
  • l’implication d’une PPE dans cet établissement ;
  • la qualité des dispositifs de contrôles anti-blanchiment de cet établissement et la conformité de ces outils aux normes internationales reconnues ;
  • le niveau de vigilance de cet établissement à l’égard de ses propres clients de services de banque correspondante.

 

Toutes ces mesures devraient être appliquées (par les banques ayant ratifié les principes de Wolfsberg) à chaque nouveau client de facilité de banque correspondante. Les données concernant tout ceci alimenteraient leurs bases de données respectives qui seront mises à jour autant que besoin. Par ailleurs, les principes de Wolfsberg insistent également sur la nécessité de déclaration de toute activité suspecte ou inhabituelle, suivant la loi en vigueur dans chaque pays d’implantation des banques du Groupe Wolfsberg.

 

  • Les différentes instructions permettant de lutter contre le blanchiment d’argent publiées par la Banque de France

 

Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, la Banque de France a émis un certain nombre d’instructions à l’endroit d’établissements financiers, entreprises et professions non financières. Concernant particulièrement les institutions bancaires, il s’agit principalement de l’instruction 2012-1-04 du 28 juin 2012 relative aux informations sur le dispositif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement des activités terroristes, révisée par l’instruction 2014-1-06 du 2 juin 2014. Généralement, ces instructions consistent en des questionnaires à remplir par ces entités, nommées « organismes financiers » dans la présente section. Vraisemblablement, ces questionnaires sont destinés à :

  • Constituer une base de données pour mieux apprécier les évolutions des variables importantes et notamment pour suivre les incidences des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux mises en œuvre par les autorités compétentes en la matière ; la guide méthodologique mentionne que les éléments que ces questionnaires contiennent vont faire par la suite l’objet de publication à titre d’informations générales.
  • Attirer l’attention et inciter les responsables de ces organismes financiers (les dirigeants, de manière implicite, et les responsables directs en matière de lutte anti-blanchiment de chaque structure, directement) à être conscient de leurs obligations dans ce domaine, notamment concernant la déclaration de soupçon.
  • Aider et diriger les responsables de lutte anti-blanchiment de ces organismes financiers dans les tâches qui leur incombent ; ces instructions comprennent désormais des questionnaires (à remplir et à adresser impérativement à l’Autorité de contrôle prudentiel) et d’une méthodologie d’utilisation.

 

Les informations demandées par ces instructions pourraient être classées en deux grandes catégories :

  • Des informations concernant l’organisme financier déclarant ainsi que les responsables des dispositifs anti-blanchiment de cet organisme ;
  • Des informations relatives aux clients et éventuellement des correspondants de l’organisme ;

 

Pour la première catégorie, ces instructions cherchent à vérifier et à apprécier l’existence et la qualité des dispositifs anti-blanchiment du déclarant avec parfois des questions de recoupement et/ou de précision (identités des responsables, classification des risques dont des variables/modalités spécifiquement requises par la loi, les procédures relatives à la lutte anti-blanchiment et leurs modalités, communication des informations et formation du personnel, des précisions sur des statistiques particulières). L’Autorité de contrôle prudentiel se souci aussi de la fiabilité et de l’efficacité des dispositifs anti-blanchiment en insistant sur des requêtes d’informations concernant le système de contrôle interne de l’organisme.

 

Plus particulièrement, les instructions visent à s’assurer de l’application à la lettre par l’organisme de ses devoirs de vigilance à l’égard de sa clientèle (identification du client et des bénéficiaires effectifs, informations sur l’objet et la nature des relations d’affaires, renseignements sur d’éventuelles PPE). Il en est de même pour les obligations déclaratives avec des questions à répondre obligatoirement sur l’existence ou non de vérification faite par l’organisme que des mentions explicites de certaines données personnelles des clients soupçonnés de réaliser un blanchiment d’argent figurent dans les déclarations (identité de ces clients, bénéficiaires effectifs éventuels, objet et nature des relations d’affaires).

 

Finalement, les instructions contiennent également des requêtes d’informations sur les éventuels obstacles à la communication des données requises par l’Autorité de contrôle prudentiel. Ces obstacles pourraient provenir de l’intérieur même de la structure organisationnelle de l’organisme financier, ou bien de l’extérieur. Ce dernier cas étant probable pour les groupes bancaires ayant des filiales à l’étranger, suivant les normes et politiques de lutte anti-blanchiment des juridictions compétentes et les dispositions concernant la divulgation des données personnelles dans ces autres pays d’implantation des filiales, en l’occurrence.

 

  • Les lignes directrices de la lutte contre le blanchiment d’argent dans les banques françaises

 

De brèves analyses au niveau des lignes directrices concernant la lutte anti-blanchiment de capitaux dans le domaine de gestion de fortune démontrent à quel point le niveau d’exigence relativement aux risques est élevé. Tout d’abord, la gestion de fortune est une prestation de nature bancaire offerte par un organisme financier et répondant à un double critère :

  • La gestion patrimoniale ou celle des ressources économiques d’une personne dont le montant est au-dessus d’un certain seuil défini selon l’appréciation de l’organisme financier ;
  • L’offre particulière de services, de produits et/ou de conseils par rapport à l’offre à destination de l’ensemble de la clientèle de l’organisme.

 

Les lignes directrices de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) donnent des explications plus détaillées sur l’approche fondée sur les risques et sur les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle devant être mises en œuvre par les banques. Ces lignes directrices soulignent ainsi les modalités de définition des critères de risques et la classification de ces derniers (selon une approche multicritère). L’ACPR insiste sur la nécessité d’une mise à jour régulière de cette classification ainsi que ces critères de risques. Les éléments suivants présentent des risques particulièrement élevés en matière de blanchiment d’argent, quant aux activités de gestion de fortune :

  • Des services et produits offerts : Montages juridiques complexes de produits, gestion personnalisée, etc.
  • Des conditions particulières dans les opérations réalisées : somme très importante, demande de confidentialité très élevée jusqu’à faire obstacle aux obligations en matière de lutte anti-blanchiment, actifs gérés à l’extérieur, opérations internationales, opérations fréquentes ;
  • Des caractéristiques des relations d’affaires : personne physique, bénéficiaire effectif d’une personne morale, PPE, clients non-résidents, etc.
  • Des canaux de distribution empruntés, soit au niveau du groupe (comme la bancassurance, par exemple) ou ailleurs (comme les partenariats, par exemple).

 

Plus particulièrement, concernant les relations d’affaires, l’ACPR encourage à l’établissement d’un profil de risque. Pour cela, il y a lieu de considérer :

  • Les caractéristiques des clients en étudiant, entre autres, ceux dont les activités sont plus exposées au risque de blanchiment de capitaux ou à la corruption, ceux faisant l’objet d’une déclaration de soupçon, ceux figurant sur une liste internationale ;
  • La nature des produits et des services ;
  • Les conditions qui régissent les opérations et les canaux de distribution, dont plus particulièrement le recours à des tiers.

 

Les lignes directrices appellent surtout à la vigilance des organismes financiers, spécialement sur trois paramètres clés :

  • L’origine et la destination des fonds avec des justifications à l’appui ;
  • La fourniture de justificatifs et la qualité de ceux-ci, à la demande de l’organisme ;
  • Les éventuelles entremises par un tiers.

 

L’identification et la vérification du bénéficiaire effectif (le cas échéant) et de la nature et de l’objet d’une relation d’affaire devrait être faites en permanence. En tout cas, tout organisme financier est tenu d’avoir une connaissance approfondie de tous ses clients autant que nécessaires. Cette connaissance devrait être réactualisée fréquemment puisque cela aurait une incidence importante sur le respect des obligations concernant les mesures de vigilance qui incombent à l’organisme. Outre que régulièrement, tout évènement significatif doit amener à de telle mise à jour de la base clientèle. La fréquence de mise à jour devrait être proportionnelle aux niveaux de risques associés aux différents clients de l’organisme. En revanche, les lignes directrices mentionnent que les collectes et traitement des informations recueillies doivent respecter les principes de confidentialité au niveau de l’organisme. Ce dernier peut rencontrer des difficultés dans la collecte des données indispensables mais l’ACPR souligne qu’aucune de ces difficultés ne doit empêcher l’application des directives contenues dans le Code monétaire et financier en matière de lutte anti-blanchiment.

 

La qualité des informations sur les clients doit revêtir deux caractéristiques :

  • Elles doivent être approfondies, incluant notamment la résidence fiscale, les différentes parties et intervenant dans les relations d’affaires, le fonctionnement attendu des comptes, l’origine des fonds, les revenus, l’activité, l’origine du patrimoine des clients (surtout pour les personnes morales) ;
  • Elles doivent être précises, comprenant par exemple les détails de la situation professionnelle.

 

Par ailleurs, l’ACPR met l’accent sur les rôles des dirigeants de l’organisme financier, à savoir. Principalement, les organes de gouvernance doit assurer l’évaluation et le contrôle périodique de l’efficacité des politiques et les dispositifs ainsi que tous les outils de contrôle interne et de lutte contre le blanchiment de capitaux.

 

Concernant la déclaration de soupçon, les lignes directrices apportent plus d’éclaircissement sur les procédures à suivre. Toute opération anormale doit faire l’objet d’une analyse systématiquement en procédant à des requêtes d’information et des demandes de justification auprès de l’intéressé (le client). Il est important de préciser que la déclaration de soupçon ne devrait pas être considérée comme une finalité : le but est de lever les doutes sur la licéité des opérations. C’est à défaut de cette levée de doute qu’intervient la déclaration de soupçon au TRACFIN. L’ACPR souligne qu’il « ne saurait y avoir de déclarations automatiques fondées sur des critères prédéterminés (par exemple, présence d’un patrimoine d’affectation, mention de certaines activités professionnelles, etc.) sans que l’organisme effectue une analyse de la cause du soupçon de l’opération particulière » (ACPR, 2004, p. 11).

 

  • Les enjeux liés à la profession bancaire et la lutte contre le blanchiment d’argent

 

Etant donné le champ (vaste) d’activité et les missions attribués à la banque dans la lutte contre le blanchiment d’argent, il y a lieu de discuter de l’intérêt de la banque à tenir ses engagements.

 

  • Le rôle éthique du secret bancaire en opposition avec la lutte anti-blanchiment

 

La loi bancaire française de 1984 stipule que « tout membre d’un Conseil d’administration ou d’un Conseil de surveillance, ainsi que toute personne qui a un titre quelconque et qui participe à la gestion d’un établissement de crédit ou qui est employée par celui-ci, est tenu au secret professionnel » (article L511.33 du Code monétaire et financier). Le texte français condamne la violation de cette obligation comme l’explicite l’article 226.13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». En outre, il est interdit à la banque de communiquer à toute personne privée les informations sur la situation et les mouvements du compte de ses clients, sous peine de condamnation.

 

Il est intéressant de savoir que les informations sur les clients sont tenues, conservées et gérées surtout dans des supports informatiques. L’utilisation de ces données est uniquement réservée pour la gestion des clients, c’est-à-dire qu’aucune divulgation à un tiers des contenus de cette base clientèle ne devrait point être tolérée sous aucun prétexte. En revanche, chaque client a le droit d’exiger de son banquier la communication des renseignements qui le (client) concerne et de demander de rectifier les éventuelles erreurs.

 

Ainsi, le droit français pose le principe du secret professionnel, c’est-à-dire que tout professionnel a le devoir d’exercer son activité dans la discrétion totale. La confidentialité est la base de la déontologie et de la compétitivité des professionnels. Les articles 109.1 du Code de procédure pénale et 434.1, 434.3 et 434.11 du Code pénal affirment même que le secret prime sur les obligations de témoignage et/ou de dénonciation. Il faut toutefois noter que tout cela n’implique pas qu’il n’y a aucune possibilité de déroger à cette règle.

 

En effet, plusieurs types de personnes sont habilités à exiger de la banque la communication de certaines informations relatives à sa clientèle. D’abord, à titre d’exemple pour les personnes privées, il y a :

  • Les co-titulaires d’un compte joint concernant les détails des opérations réalisées sur ce compte, dont les noms des bénéficiaires des émissions de chèques tirés ;
  • Les ayants droit d’un client, c’est-à-dire des personnes ayant des intérêts communs avec ce dernier, peuvent demander des informations dans le cadre de cette communauté ;
  • Les héritiers d’un défunt doivent avoir connaissance de la nature de toutes les opérations dans le compte qu’ils vont hériter ; les opérations relevant de la vie privée du défunt doivent, en revanche, rester confidentielles ;
  • Aussi, les cautions, les mandataires, les relations commerciales, les saisies-attributions, … qui occasionnent la mise à disposition de certains tiers un certain type d’informations.

 

A l’égard de la personne publique, la dérogation au principe de secret professionnel est beaucoup plus large. L’administration fiscale a, par exemple, un droit général de communication des écritures comptables d’une banque : les inspecteurs des impôts peuvent ainsi consulter les comptes de tout contribuable ainsi que les comptes des membres de sa proche famille. Aussi, toute ouverture (modification ou clôture) de compte doit faire l’objet d’une déclaration mentionnant, entre autres, l’identité du titulaire. A l’égard des douanes, la banque est tenue de communiquer presque tout document concernant ses clients, jusqu’à faire ouvrir les coffres. Vis-à-vis de la justice, les banques sont tenues de remettre n’importe quel document qui leur est demandé et de répondre à toute question qui leur est posée.

 

Il faut tout de même apprécier une sorte de nuance entre la notion de secret professionnel avec celle de secret bancaire. Cette dernière notion est généralement attribuée à la Confédération de Suisse qui l’a intégré même avec la protection de la personnalité, un des droits élémentaires de l’Homme. La Loi Fédérale sur les Banques stipule ainsi, dans l’article 47 que celui qui aura relevé le secret bancaire sera puni d’un emprisonnement et d’une amende, et cela a permis la protection efficace des clients ; les autorités étrangères ne pouvaient même pas réaliser de pression sur une banque (suisse) pour que celle-ci leur remet les informations sur les éventuels transferts d’argents[7]. Cependant, sur ordonnance sur référé civil, notamment lors de requêtes d’informations pour clarifier un délit, par exemple, les banques sont obligées de déroger à ce principe (de secret bancaire) : le secret bancaire tombe généralement en matière pénale. Les administrations fiscales elles-mêmes n’ont pas l’autorisation d’exiger de la banque des renseignements individuels concernant ses clients, sauf généralement dans deux cas : en matière de succession en ligne indirecte et pour le recouvrement de créances fiscales (RGD du 24 mars 1989 sur la consécration réglementaire). Les autorités nationales de supervision financière ont aussi un droit de regard sur les banques, dans le cadre de leurs compétences et sous réserve de respecter la confidentialité des données, dans un but de surveillance prudentielle (en matière de gestion des risques).

 

Cependant, le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent constitue un des grands points communs entre les deux notions (secrets professionnel et bancaire) puisque le banquier (suisse) est également tenu d’avertir la CSSF en cas de soupçon d’une opération constituant un blanchiment d’argent. L’appréciation au cas par cas conduisant à de telle divulgation d’informations dans ce sens ne constituerait pas alors une violation du secret bancaire et exonère le déclarant de toute responsabilité (civile, pénale, disciplinaire).

 

Le secret bancaire protège ainsi toutes les informations que le client confie à son banquier dans le cadre des fonctions de ce dernier. Ces informations incluent également celles sur la situation financière et le patrimoine du client. Font partie alors des informations protégées par le secret bancaire toutes les données générées par l’établissement bancaire lui-même comportant des éléments permettant d’identifier les clients, telles que la position de compte, les différentes opérations effectuées sur celui-ci, etc.

 

Mais, la tendance se déplace du côté de la levée du secret bancaire, surtout dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Certains auteurs parlent même d’invention de prétexte par certains Etats qui veulent utiliser tous leurs pouvoirs pour voir l’effectivité de l’accès à l’information (Afschrift, 2009). Beaucoup de pays qui ont auparavant défendu le secret bancaire au profit de leurs clients ont déjà fait entendre qu’ils ne tarderont pas à faire de la concession pour trouver un compromis sur le sujet. Le problème pour les opérateurs financiers des pays tels que la Suisse et le Luxembourg, c’est que des administrations fiscales étrangères feront des demandes de renseignements d’ordre général sans toutefois détenir d’informations préalables sur l’identité de l’établissement bancaire susceptible d’abriter le compte litigieux.

 

Le problème pour la France ne se pose pratiquement pas puisque les législations donnent des précisions assez détaillées sur le sujet. Aussi, les pays qui ont ratifié les recommandations du GAFI se sont engagés à adopter les quatre principes majeurs ci-après dans leurs législations respectives (Voilqué, 2009) :

  • Les établissements financiers seront des partenaires du système étatique dans la lutte contre le blanchiment de capitaux ;
  • Ces établissements financiers seront déliés du secret bancaire ;
  • La collaboration entre ces établissements implique la bonne connaissance de leurs clients respectifs et la nature des opérations que ces derniers réalisent ;
  • Ces opérateurs financiers seront soumis à la déclaration obligatoire auprès de cellules de renseignements financiers concernant toute opération suspecte.

 

A l’aune de la levée du secret bancaire, les composantes de la relation de la banque avec leurs clients sont en phase de mutation. La banque aurait même l’idée de jouer un double jeu : la servitude pour ses clients et les engagements qu’elle doit tenir en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (et contre le financement du terrorisme).

 

  • La mise en place d’une stratégie de lutte contre le blanchiment d’argent comme élément essentiel pour l’image de l’établissement : la banque gagne-t-elle à lutter contre le blanchiment d’argent ?

 

Il convient de mentionner le fondement intellectuel de l’obligation concernant le secret professionnel qui s’inscrit dans une volonté d’instaurer une protection aussi bien de l’intérêt individuel que de l’intérêt général (d’ordre collectif). Cela permet d’apprécier les intérêts des banques qui devraient parfois arbitrer entre deux options dont l’une lui accorderait sûrement plus d’avantages que l’autre : adopter ou non les dispositifs renforcés de lutte contre le blanchiment de capitaux.

 

En fait, d’un côté, les professions telles que celles de la banque nécessite un niveau de confiance très élevé de la part des clients. Les législateurs veulent probablement poursuivre des objectifs dans ce sens lorsqu’ils ont statué sur le secret professionnel. Pour construire cette confiance, les jeux de la concurrence sont lancés pour les établissements financiers qui tentent alors d’attirer l’attention des gros clients. Dans la majorité des cas, ce sont les offres associées à un niveau de confidentialité élevé (jusqu’à garantir le maximum d’inaccessibilité des tiers aux informations de compte), qui intéressent ce genre de client. La forte concurrence dans le secteur incite les banques à observer de moins en moins les principes de vigilance et d’approche fondée aux risques. En effet, les demandes les plus lucratives et avantageuses pour une banque risquent d’être accaparées par une concurrente qui se trouve dans les juridictions où ces principes prévalent peu, là où les dispositifs anti-blanchiment sont les moins contraignants.

 

A croire aux chiffres relatifs au blanchiment d’argent dans le monde, force est de reconnaitre que les établissements financiers dans les paradis financiers semblent tirer énormément de profit en misant sur des mesures anti-blanchiment presque dérisoires. En fait, même dans une même juridiction ayant établi des règles très contraignantes en matière de blanchiment, l’asymétrie d’information entre les différents établissements financiers ravive les tentations de baisser la garde (en estimant que les autres établissements en font autant). La prévention de l’attrition pourrait alors se substituer à la lutte contre le blanchiment avec ces craintes qui s’inscrivent notamment dans une logique de recherche d’intérêts individuels au détriment de l’intérêt général.

 

Mais il ne faut pas non plus, d’un autre côté, oublier les coûts énormes pour les banques qui choisissent de léser la lutte anti-blanchiment pour attirer plus de gros clients. Délaisser l’intérêt général porterait énormément atteinte sur l’image d’un établissement, avec les conséquences néfastes que cela engendrerait. En effet, il ne faut pas oublier que les risques de réputation sont classés parmi les menaces majeures pouvant même détruire complètement l’avenir d’une banque. Certains scandales dans ce sens sur des filiales européennes ont ainsi contraint de grands groupes à se débarrasser de segments pourtant très lucratifs puisqu’il semble que les « mauvais » choix de risquer l’image ne valait pas la peine[8]. Dans ce cas, la surestimation des coûts de la tolérance à des pratiques proches du blanchiment d’argent incite les banques à mieux considérer et à privilégier l’intérêt général (relativement aux intérêts individuels).

 

Par ailleurs, il y a de fortes raisons de penser que le choix de renforcer les dispositifs anti-blanchiment pourrait même être bénéfique à une banque. C’est encore la notion de confiance qui devrait donner plus de force à cette hypothèse : le fait que le public (à entendre par là et essentiellement, les clients potentiels et réels, ainsi que les autorités de contrôles et les partenaires) accorde plus de confiance à une banque par rapport à une autre devrait accroitre le succès relatif de la première.

 

Cette hypothèse semble être vérifiée par les comportements de certaines juridictions qui veulent instaurer plus de confiance (via nécessairement la conformité aux normes internationales sur la lutte contre le blanchiment d’argent) dans leurs systèmes financiers (en demandant l’évaluation par MONEYVAL, par exemple). Certes que de tels comportements sont les résultantes directes des décisions émanant des autorités publiques en place. Mais ces dernières auraient probablement estimé que ces choix seraient beaucoup plus bénéfiques également pour les établissements financiers se trouvant sur leurs territoires respectifs, sans quoi ces institutions risquent de fermer leurs portes au grand dam de l’économie de ces pays.

 

  • Les enjeux éthiques pour les particuliers : la lutte contre l’argent sale au prix des libertés fondamentales?

 

L’essentiel de cette partie discute de la place des droits fondamentaux de l’homme dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il faut reconnaitre que les actions entreprises par les établissements bancaires dans ce sens ne sont pas sans conséquence sur leurs clientèles respectives.

 

Avant de se concentrer sur ce sujet assez épineux, il est important d’insister sur la relation d’interdépendance entre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. A première vue, ces deux « infractions » semblent être indépendantes (l’une de l’autre), une constatation matérialisée par la quasi-distinction qui leur est attribuée, impliquant une nécessité de citer toujours (distinctement) l’une lorsque l’autre fait l’objet de moyen de lutte. En effet, à priori, les flux occasionnés par ces deux processus (blanchiment d’argent et financement du terrorisme) devraient emprunter « parfois » un même circuit mais dans de sens considérés comme opposés. En revanche, il ne faut pas nier la forte liaison entre les deux, au moins pour deux raisons :

  • Il n’est pas prouvé que les origines des fonds destinés à financer le terrorisme soient exclusivement non-délictueuses ; des éléments laissent même croire que la prolifération des actes dits terroristes profite aux « autres » infractions très lucratives nécessitant, par la suite, le blanchiment des « butins » ;
  • Les moyens destinés à être utilisés dans des actes terroristes ne sont pas tous illégaux (achat d’armes au marché noir, par exemple) surtout pour les incursions dans les zones ciblées nécessitant la « légitimation » des fonds.

 

Cela implique alors la considération nécessaire (voire une forte implication) du blanchiment d’argent même si les dispositifs discutés semblent être spécialement dédiés à la lutte anti-terrorisme. Après tout, les deux infractions font l’objet d’une même politique de lutte, nécessairement au niveau des banques où il n’y a pas à mentionner distinctement l’une en écartant l’autre.

 

  • L’institutionnalisation du rôle des banques et leurs manques de transparence

 

Les banques constituent désormais une arme intelligente entre les mains des pouvoirs publics pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dans ce sens, ces établissements sont contraints de suivre des tendances et des politiques qui ne sont pas toujours légitimes face aux besoins en matière de droits fondamentaux des individus. Le choix des points à aborder est animé d’une volonté d’apprécier dans son ensemble l’environnement de sécurité dont les dispositifs utilisent des données à caractère personnel. Même si ces points ne sont pas exclusifs au domaine du blanchiment d’argent, il importe d’analyser les impacts possibles des outils et procédures utilisés par les établissements financiers.

 

  • « L’affaire SWIFT »

 

L’affaire SWIFT démontre à quel point la liberté individuelle des individus est mise en cause par les dispositifs de lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme. Le SWIFT (ou Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) est une société faisant interface entre les différents établissements financiers répartis dans le monde. A sa création en 1973, cette entreprise établit à Belgique était au centre de plus de 200 banques d’une quinzaine de pays. Plus précisément, SWIFT offre des services de messageries automatisées à tous les établissements financiers clients permettant ainsi d’échanger des informations standardisées.

 

En 2014, plus de 10 500 organismes financiers établis dans 215 pays sont interconnectés via cette société. En juillet 2014, près de 480 millions de messages financiers standardisés sont échangés, faisant une moyenne journalière de plus de 21 millions avec une progression de 9,8% relativement à 2013 (sur une période de 7 mois)[9]. Ces données démontrent l’importance grandissante de SWIFT pour le système de paiement à l’échelle internationale. A préciser que cela met aussi l’accent sur le rôle crucial de cette société dans la manipulation des données personnelles des clientèles de ces organismes financiers, étant entendu que ces messages sont indissociables aux informations identitaires des individus concernés (tels que noms des bénéficiaires et des commanditaires ainsi que leurs coordonnées, outre les informations sur les opérations financières).

 

Le New-York Times a dévoilé le 23 juin 2006 l’existence d’un programme utilisant les données de SWIFT à des fins de surveillance financière réalisée par le gouvernement des Etats-Unis. Ces importantes données ont désormais été exploitées par le Terrorist Finance Tracking Program durant 4 ans avant que ce dernier soit mis à la connaissance du public, des clients des banques en l’occurrence. C’était alors SWIFT qui a transféré des copies des messages stockés sur ses serveurs à l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), la division du Trésor américain chargé du programme.

 

Sans se focaliser sur les aspects purement juridiques de l’affaire, il est tout de même important de noter le caractère non-consensuel, même aux Etats-Unis, de l’utilisation de ces données financières qui transitent à travers SWIFT (Amicelle & Favarel-Garrigues, 2009) :

  • Le Congrès n’aurait pas été consulté avant l’application de ce programme de surveillance utilisant ces données ; l’OFAC se défend en faisant référence au décret présidentiel lui donnant autorisation d’utiliser toute mesure appropriée pour l’identification et la poursuite des terroristes et ceux qui les soutiennent (décret 13224) ; SWIFT aurait alors été contraint de transmettre les données demandées par l’OFAC suivant des critères de dates et de pays, essentiellement ;
  • La présidence américaine ainsi que beaucoup d’opinion politique de son entourage (dont le républicain Peter King) ont évoqué la légitimité de ce programme, jusqu’à faire accuser le révélateur de traitrise en temps de guerre. Les poursuites contre SWIFT et les autres acteurs impliqués à cette affaire ont été stoppées nettement (avec le State Secret Privilege) par le gouvernement fédéral.

 

Etant donné que SWIFT a son siège au Belgique, cette entreprise est soumise aux législations européennes dont celle sur la protection des données personnelles. Pourtant, le Parlement européen n’a pas non plus été informé de cette transmission de données (à considérer, par exemple, la résolution de cet organe vis-à-vis de cette affaire, le 6 juillet 2006). Les questions de souveraineté économique face à des actes d’espionnage (industriel et économique) qui se sont manifestés par la mise à disposition à un pays tiers des données confidentielles concernant les citoyens européens. En outre, la Commission belge sur la protection de la vie privée a conclu en septembre 2006 que de telles pratiques secrètes, réalisées massivement et de façon systématique dans une période assez longue telle qu’elles ont été faites par l’OFAC est une violation des principes de base de la juridiction européenne (avis n°37 du 27 septembre 2006 de la Commission de la protection de la vie privée, relatif à la communication de données personnelles suite aux demandes contraignantes de l’OFAC).

 

Les condamnations se sont succédées, à l’instar du G29 (rassemblant les représentants des autorités indépendantes nationales de protection des données des pays membres de l’Union Européenne). Ce groupe a insisté sur deux infractions :

  • Le fait de contourner le processus existant devant assurer le contrôle indépendant de l’utilisation de ces données financières, d’une part ; et
  • L’incompatibilité de l’usage commercial (à l’origine) de celui relatif à la sécurité du traitement de ces données avançant ainsi les probables répercussions directes d’un tel abus sur la vie privée des personnes concernées.

 

Au lendemain de ce scandale, les établissements financiers européens ont pris le soin d’informer leurs clients (sur leurs sites internet, principalement) de la teneur du problème : les autorités américaines pourraient avoir accès aux données transitant par SWIFT. Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD – un organe de l’Union Européenne) a ensuite insisté sur le silence de la Banque Centrale Européenne qui aurait eu connaissance de l’existence du Terrorist Finance Tracking Program.

 

Il n’est pas question de discuter des effets de ces condamnations sur l’affaire en question mais seulement de mettre en avant les enjeux de la divulgation des informations sur les clients dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. D’ailleurs, pratiquement toutes les condamnations prononcées et les poursuites engagées ont été par la suite neutralisées, faisant place à de nouveaux accords transatlantiques. Ces accords sont alors vus comme des moyens pour légitimer, voire rendre légal l’utilisation (secrète) des données financières SWIFT pour le programme anti-terroriste américain.

 

Pour protéger sa réputation, SWIFT a annoncé ensuite (2007) la restructuration de l’architecture technique de sa messagerie, projetant la délocalisation des données européennes vers un nouveau centre en Suisse. La préparation plutôt secrète d’un autre accord visant à maintenir l’accès américain à ces données a conduit le Parlement européen à opter pour un mécanisme de réciprocité. Cela consisterait à obliger les services américains à communiquer à leurs homologues européens (sur demande formulée par ces derniers) des informations financières pertinentes. L’affaire SWIFT est une manifestation du bras de fer entre les opinions plutôt humanistes et celles qui priment les questions sécuritaires même au prix de la liberté individuelle.

 

  • Les grands fichiers du secteur bancaire

 

La banque leur demande un certain nombre de renseignements personnels et concernant leurs situations financières à l’occasion d’une demande d’ouverture de compte ou de prêt. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)[10] insiste que seules les données pertinentes en termes de gestion de compte et de crédit peuvent être détenues par ces organismes financiers, en principe. Aussi, et outre certaines informations légalement désignées à transmettre à certaines institutions publiques, seule la banque en question peut accéder à ces données, dans le cadre de la relation entre elle et les clients. Mais la CNIL note qu’il n’est pas illégal que la banque communique ces informations, le cas échéant, à d’autres banques (ou autres organismes financiers) du même groupe (ou ayant une même maison-mère) que la première. Mais de tel partage de données devrait s’inscrire dans une logique de maitrise de risque client (risque de non-remboursement, par exemple).

 

En revanche, la loi oblige les banques de transmettre au Ministère de l’économie et des finances les ouvertures, les modifications et les fermetures de comptes dans leurs établissements respectifs. Cela constitue ainsi le Fichier des Comptes Bancaires et Assimilés (FICOBA) qui devrait être accessible aux services fiscaux ainsi qu’aux créanciers (sous conditions). Il ne faut pas non plus oublier le fichier de vigilance (TRACINFO) qui recense les déclarations faites par les organismes financiers au TRACFIN.

 

Par ailleurs, il existe des « grands fichiers » qui sont soumis à la gestion technique de la Banque de France, mais cette dernière n’a pas de pouvoir de vérification sur les inscriptions à effectuer sur ces fichiers à la demande des organismes financiers. Ces grands fichiers sont :

  • Le Fichier Central des Chèques (FCC) qui contient les interdictions d’émission de chèques (suite à de chèques sans provision) statuées par les banques et par la justice. Les informations concernant un client dans ce fichier doit être conservées pendant 5 ans au plus, puis la banque doit effectuer une demande auprès de la Banque de France pour la radiation du client (sur le FCC) ;
  • Le Fichier Central des Chèques – volet Carte Bancaire, qui n’est autre qu’un sous-fichier du FCC, relatif à des incidents liés à l’utilisation abusive des cartes bancaires faisant ensuite l’objet d’un retrait (de ces cartes) ;
  • Le Fichier National des Chèques Irréguliers (FNCI) concerne les oppositions sur chèques ;
  • Le Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP) : outre les incidents de remboursement caractérisés, les mesures faisant suite à une constatation de surendettement sont aussi inscrites dans ce fichier. A préciser que ce sont les éléments d’identité du client, le nom de la banque demandant l’inscription (de son client), le motif d’inscription et la date estimée de radiation qui figurent sur le FICP. A la régularisation de l’incident (constituant le motif d’inscription), le créancier doit informer la Banque de France pour la radiation de l’individu concerné, même si le délai de conservation de 5 ans n’est pas encore expiré.

 

Bien que tous ces fichiers ne soient aucunement liés au phénomène de blanchiment d’argent, les traitements et les éventuelles défaillances dans la gestion de ces fichiers donnent des idées sur les impacts probables du « fichage » en général (incluant les cas de blanchiment) sur la vie privée de la clientèle bancaire. Pour apprécier de telles incidences, il convient de se limiter au cas du FICP sans prétendre à des analyses exhaustives. D’ailleurs, ce sont les réclamations (parvenant à la CNIL) relatives à ce fichier qui seraient les plus nombreuses relativement aux autres du même type (dont le FCC).

 

En 2007 (Inspection Générale des Finances & Inspection Générale de la Banque de France, 2008), les plaintes effectuées par des personnes concernant leur inscription sur le FICP s’élèvent à 2,52 personnes pour 10 000 par an (454 plaintes sur 1 800 000 personnes inscrites). A première vue, ces statistiques semblent accorder une efficacité relative des dispositifs utilisés (ces statistiques semblent présenter des nombres relativement faibles), mais l’approfondissement des quelques cas de litiges donne un aperçu sur certaine négligence de la part des banques qui sont alors tentées de sous-estimer les problèmes associés. Toujours sur la base des statistiques de 2007, 113 plaintes (soit le quart) ont abouti à un défichage (radiation). La CNIL a procédé à 19 avertissements dont 10 pour cause de fichage tardif et 6 défichages tardifs. 4 cas de ces avertissements concernent un fichage injustifié, soit une plainte sur 48.

 

En outre, les particuliers peuvent également envoyer leurs réclamations (sur le FICP, le FCC et le FNCI) auprès de la Banque de France dont une partie de celles-ci est traitée par le Service des grands Fichiers d’Incidents de Paiement Relatif aux Particuliers (SFIPRP). Parmi ces réclamations reçues par ce Service (5 200 en 2007) figurent :

  • des problèmes d’identifications, à savoir l’usurpation d’identité (20%) et d’erreurs causées par des cas d’homonymies ;
  • des cas de défaut d’information préalable du particulier par l’établissement (avant son inscription sur le FICP) ;
  • les conséquences du manque de synchronisation d’information entre les banques qui utilisent la copie mensuelle et la Banque de France : il arrive qu’une banque refuse d’accorder de crédit à une personne qui a été déjà informée par la Banque de France comme étant radiée du FICP.

 

Bien que le FICP ait ainsi fait l’objet d’évaluation en 2008 (Inspection Générale des Finances & Inspection Générale de la Banque de France, 2008), et probablement de mesures prises en conséquence, les incidents « mineurs » sont toujours d’actualité. A citer par exemple les cas de fichage illégal au FICP causant la mise en demeure de la banque fautive[11], et ceux de non-respect des principes de fonctionnement du FICP et d’atteinte à la confidentialité des données de clientèle bancaire, entre 2012 et 2014[12]. Parmi ces derniers cas, la CNIL aurait recensé des cas (publiés sur le site officiel de la CNIL, www.cnil.fr) de :

  • motif infondé conduisant à l’inscription des particuliers sur le FICP ;
  • persistance de l’inscription malgré que les particuliers aient déjà régularisé leurs situations ;
  • consultation par les banques du FICP à des fins non-professionnelles ;
  • réception par des particuliers par erreur d’informations confidentielles relatives à d’autres particuliers.

 

Tout cela montre désormais que c’est surtout la gestion et l’utilisation de ces données à caractère personnel qui posent le plus de problème. Cela laisse donc imaginer les problèmes de ce genre concernant le cas de listing relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

 

  • Le manque de transparence des procédures de listing

 

Il y a beaucoup de raison de douter de l’efficience du filtrage effectué par les banques de par les procédures de listing associées à ce dispositif censé lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le manque de transparence dans la « désignation » des personnes devant figurer dans les listes noires (relatives essentiellement au terrorisme) serait un responsable du non-respect de la liberté individuelle. Au lendemain des attentats du World Trade Center, le lancement de la « guerre contre le terrorisme » par les américains fut assorti d’une liste où 27 noms des « terroristes mondialement et spécialement désignés », des individus qui auraient des liens avec Al-Qaida et consorts (décret présidentiel 13224 du 23 septembre 2001). Très rapidement, cette liste validée est rallongée notamment avec la multilatéralisation des procédures (de listing) dès lors que le Conseil de Sécurité de l’ONU a été saisi de l’affaire : la résolution 1267 du 15 octobre 1999 a intégré dans la liste les hommes des Talibans. Les modifications des procédures n’ont pas tardé à voir le jour, à l’exemple de la résolution 1390 de janvier 2002 qui délie les personnes ciblées à un territoire particulier.

 

En réalité, nombreuses sont les victimes apparemment injustes de la faiblesse des preuves ayant conduit à l’établissement de ces listes, à l’image de certains systèmes de transfert de fonds et de plusieurs associations de bienfaisance musulmanes. La gestion de la liste noire européenne dépendait ainsi du clearing house, un groupe informel se réunissant sur proposition de noms de la part des pays membres de l’Union européenne et d’autres encore. Le Comité des représentants permanents (COREPER), composés d’ambassadeurs des pays membres (de l’Union), approuve la liste ainsi constituée pour être discutée et publiée par le Conseil de l’UE. Les personnes figurant sur cette liste noire avant 2007 n’ont pas été informées, ni de leur inscription sur la liste, ni des motifs ayant conduit à cette action.

 

Les diverses annulations d’intégrations de certains noms dans cette liste démontrent les failles, voire la faible fiabilité des procédures de listing adoptées[13]. Le Tribunal saisi de l’une des affaires a ainsi indiqué, entre autres, une violation des droits de la défense (Amicelle & Favarel-Garrigues, 2009). Un autre argument permettant de contester les procédures de listing qui risquent également d’être adoptées par la plupart des banques est la confidentialité même des éléments sur lesquels se base la désignation des personnes dont les avoirs doivent être gelés.

 

  • L’usage bancaire des technologies de surveillance

 

Les incidences potentielles de l’utilisation des outils à la pointe de la technologie dans la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme constituent à peine un sujet de profonde discussion au niveau des banques. Cependant, la tendance à l’informatisation (de pratiquement tout) accompagnée d’une réduction progressive de l’effectif devrait inciter davantage ces opérateurs à se pencher sur la recherche de compromis entre la standardisation des outils de travail et la préservation de la liberté individuelle (de la clientèle, essentiellement).

 

  • Les fonctions de filtrage et profilage

 

De manière analogue au filtrage en utilisant les listes noires pour appliquer les sanctions financières dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, essentiellement, les banques procèdent également à de filtrage vis-à-vis des personnes politiquement exposées PPE. Ces dernières désignent les responsables politiques (gouvernants, chefs de parti, dirigeants des sociétés d’Etat) avec leur entourage (familles et proches). Voyant alors un segment lucratif, les fournisseurs de programmes informatiques se sont mis à produire des dispositifs de collecte et de traitements basés sur des informations publiques. D’autres listes et filtres sont élaborés par la banque elle-même avec, par exemple, le classement établi annuellement par Transparency international, les listes des pays ayant un niveau de risques élevé en matière de drogue ou encore des paramètres territoriaux comme l’embargo.

 

Les analystes des banques témoigneraient souvent des problèmes techniques concernant le filtrage en dénonçant notamment les fausses alertes déclenchées par les homonymies. L’origine des erreurs proviennent parfois des données utilisées qui souffrent d’éléments d’identification pertinents. Les risques de faux positifs (risque alpha) et de vrais négatifs (risque beta) sont réels : les sanctions pourraient frapper les mauvaises personnes alors que celles qui figurent vraiment sur les listes pourraient ne pas être repérées. Certaines listes comporteraient des informations erronées de sorte que des dizaines de milliers de noms (24 000 selon le département de la Justice américain) ne mériteraient pas de figurer sur les listes noires (dont celle du FBI) (Amicelle & Favarel-Garrigues, 2009).

 

Dès fois (pour ne pas généraliser les cas), l’utilisation des outils manifestement inefficients[14] est fonction des moyens à la disposition des banques. Etant donné que les coûts des investigations et de l’évaluation ne pourraient pas être complètement couverts par ces établissements bancaires sans que ces derniers se sentent lésés, les premières propositions offertes par ces outils seront acceptés, et cela sans vérification. Le risque est encore plus élevé puisque les producteurs de ces outils ne sont aucunement tenus de la fiabilité des informations qu’ils intègrent dans leurs programmes. Il est peu probable que les listes utilisées soient actualisées régulièrement. Le texte listant les produits frappés d’embargo est de moins en moins fiable puisqu’il contient souvent des éléments banals, conduisant parfois à qualifier d’absurde l’utilisation de ces outils.

 

En ce qui concerne le profilage, il faut savoir que c’est une technique d’évaluation comportementale destinée à repérer le fonctionnement inhabituel (pour ne pas utiliser improprement le mot « atypique ») d’un compte. La technique s’appuie alors sur des typologies (de personnes, nécessairement). C’est en calculant ensuite l’écart entre les données observées et les données théoriques obtenues avec la corrélation de ces typologies que les « anomalies » seraient détectées. A l’origine, cette technique est surtout utilisée en marketing pour prédire les comportements des clients (réels ou potentiels) puis, peu à peu, se conçoit comme un outil pour apprécier globalement le dossier d’un client.

 

Dans la lutte anti-blanchiment et anti-terrorisme, le profilage dépend alors du paramétrage se basant sur des critères réglementaires précis, tels que le niveau seuil au-delà duquel l’analyste devrait faire preuve d’une vigilance renforcée. La priorité de l’établissement bancaire constitue aussi un critère supplémentaire suivant les directives en matière de risque des organes de gouvernance (concernant un secteur particulier, par exemple). Vient ensuite l’intuition, l’appréciation personnelle de l’analyste (et des responsables de conformité) ainsi que d’autres paramètres standards (comme le risque pays, par exemple).

 

Le risque que le profilage soit une source d’entrave à la protection de la vie privée provient surtout des négligences de la part des fournisseurs des outils (essentiellement) mais également de la part des professionnels. Le fait qu’un certain profil soit pris en compte puisqu’il correspond à celui d’un terroriste pourrait même constituer un danger puisqu’il n’est pas démontré de manière absolue et exacte l’unicité ou l’exclusivité de tel profil. Tout cela pointe du doigt comme potentiellement nuisible à la liberté individuelle cette volonté de systématiser les procédures avec des outils standards dans la lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

 

  • Les exigences requises des standards de listing en opposition avec la garantie des droits fondamentaux des individus

 

La CNIL partage l’idée que l’automatisme au niveau de l’élaboration des outils et au niveau du traitement des données alimente considérablement le risque de nuire aux droits fondamentaux de chacun. Cette standardisation dans les dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent (et de financement du terrorisme) se matérialise notamment avec la combinaison du filtrage et du profilage. Ce risque augmente constamment au fil du temps, proportionnellement au développement du marché des outils de détection des PPE, en l’occurrence.

 

La CNIL s’est souciée de la protection des données à caractère personnel manipulées par les établissements bancaires. Elle a attiré l’attention sur au moins trois risques majeurs, toujours dans le cadre de la lutte anti-blanchiment (CNIL, 2003) :

  • D’abord, l’usage pratiquement abusif, exagéré, disproportionné de ces outils standards de détection, conduisant à des prises de décision à l’encontre de la liberté individuelle qui devrait impliquer des droits de circuler, de percevoir des revenus, de préserver une bonne image vis-à-vis de la société, d’exercer des activités économiques, …
  • Ensuite, le non-respect de la confidentialité des informations : de quantité énorme de données personnelles circulent désormais au sein des entreprises fournisseurs de ces outils standards de détection, ne respectant plus les normes en matière de protection des données personnelles ;
  • Enfin, le détournement de finalité de l’utilisation de ces outils et de ces données, du domaine sécuritaire vers la prospection commerciale. Ainsi, il parait que nombreuses banques compenseraient les coûts relatifs aux dispositifs anti-blanchiment et anti-terroriste par l’exploitation de ces outils pour avoir une meilleure connaissance de leurs clientèles. A rappeler que le contrat d’utilisation des données personnelles collectées initialement par la banque lors de la mise en relation avec un client n’inclut pas ces exploitations dans le domaine de marketing (au profit de la banque).

 

Par ailleurs, la CNIL a reçu de nombreuses plaintes démontrant l’insouciance des banques dans l’utilisation de leurs outils devant permettre de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il y a même des éléments qui amènent à penser que ces établissements financiers se laissent aller dans l’exploitation de ces outils pour profiter abusivement de la naïveté présumée de leurs clientèles. Ainsi, les questionnaires adressés à ces dernières comportent trop souvent des requêtes d’informations qui n’ont visiblement aucun rapport avec le blanchiment, ni avec le terrorisme. L’Association française des usagers de banques (AFUB) a d’ailleurs dénoncé le contenu de ces questionnaires, à l’exemple de la question sur le « nombre d’enfants » du client.

 

 

En somme, il semble que les dispositifs pour la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les banques sont loin d’atteindre la perfection concernant les exigences en matière de préservation des droits des individus. Dès fois, il semble difficile de concilier ces deux types d’objectifs (lutte anti-blanchiment et liberté individuelle) sur divers plan, mais souvent, ce sont les comportements de certains établissements bancaires mêmes qui ne permettent pas de trouver les points optimaux d’entente.

 

Conclusion

 

Le blanchiment d’argent est un phénomène tangible et en pleine croissance de manière analogue au développement économique d’un pays mais avec des incidences désagréables surtout sur le plan économique des pays concernés. Etant une infraction autonome, il est associé souvent à diverses fraudes, que celles-ci lui sont sous-jacentes ou bien un moyen intégré même dans le processus (de blanchiment). Les politiques et stratégies mises en place au niveau national se basent essentiellement sur les directives, recommandations et normes internationales dont les éléments principaux sont l’approche fondée sur les risques et la vigilance vis-à-vis de la clientèle.

 

Il faut connaitre qu’il existe des enjeux importants autour de la mise en œuvre de cette lutte contre le blanchiment d’argent. Les multiples dispositions prises à l’initiative des banques ou de la part des autorités de contrôle et de régulation démontrent l’importance des rôles de ces établissements bancaires dans cette lutte. D’ailleurs, le renforcement des dispositifs anti-blanchiment nécessite un certain sacrifice de la part de ces institutions financières, dont l’abandon des profits que le secret bancaire devrait leur offrir. En contrepartie, l’affirmation de leur engagement dans ce sens devrait leur conférer des avantages conséquents suite à une amélioration de leur réputation.

 

Les analyses en profondeur des impacts des mesures prises au sein des établissements bancaires montrent également des enjeux éthiques non négligeables de la lutte contre le blanchiment de capitaux vis-à-vis des particuliers. Il semble que ce sont surtout les moyens utilisés et les actions entreprises dans cette lutte, et non pas nécessairement la lutte elle-même, qui posent les problèmes en matière de droits fondamentaux des individus. L’usage des outils qui tendent à standardiser et à systématiser les tâches intégrées dans les dispositifs anti-blanchiment est l’un des composants actifs à l’encontre de la liberté individuelle, des clients des banques en l’occurrence.

 

Il est alors relativement difficile de trouver une situation optimale, conciliant la servitude à l’égard des autorités de contrôle exigeant un ferme engagement dans la lutte contre l’argent sale, d’une part, et la préservation des droits fondamentaux individuels, d’une part. La question de rechercher les moyens non seulement efficaces mais surtout efficients est alors plus que d’actualité, impliquant ainsi la réduction significative des coûts en matière de liberté individuelle. Cela requiert probablement un partenariat engagé et fort entre les secteurs privé et public pour que chacun s’approprient de cette lutte tout en veillant à protéger les droits des individus. Le cadre général et les éléments devant composer ce partenariat méritent une étude approfondie.

 

 

Bibliographie

 

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[1] Loi relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime.

[2] Ordonnance relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

[3] Les deux auteurs attirent l’attention sur la banque monégasque Pasche, une filiale intégrale du Crédit-Mutuel CIC que ce dernier a lâché en catastrophe en novembre 2013 (rachetée par la banque luxembourgeoise Havilland).

[4] Entre autres et outre le nom d’un certain Olivier Giaume, un gestionnaire de compte, cité par les auteurs, celui de Christophe Mazurier, Président de la banque, figure également dans leur article.

[5] Statistiques attribuées à TRACFIN dans son rapport pour l’année 2012, citées par LEVACHER S. dans son article « Tracfin : de plus en plus de fraude via les titres-restaurants et l’e-commerce », sur le site « m.cbanque.com » (http://m.cbanque.com/actu/39191/tracfin-de-plus-en-plus-de-fraude-via-les-titres-restaurants-et-e-commerce).

[6] A voir par exemple, l’article de Duquesne M., « Bitcoin : blanchiment et autres fraudes financières », 3 février 2014, sur le site « journaleuse.com » (http://journaleuse.com/2014/02/03/bitcoin-blanchiment-fraudes-financieres/).

[7] Dans les limites des établies par les vingtaines de conventions bilatérales de non-double imposition

[8] A considérer, par exemple, les affaires de la banque Pasche, à Monaco, qui ont finalement conduit la maison-mère (Crédit Mutuel) à la lâcher en 2013.

[9] Statistiques sur le site internet officiel de SWIFT (www.swift.com).

[10] www.cnil.fr

[11] Fichage illégal au FICP attribué à la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ayant conduit le CNIL à la mise en demeure le 28 avril 2014 (www.cnil.fr).

[12] Avertissement à l’endroit de CREDIT AGRICOLE pour cause de dysfonctionnements constatés relatifs au FICP dans la période 2012-2014 (Délibération de la formation restreinte n° 2014-299 du 7 août 2014 prononçant un avertissement à l’encontre de la société CA CONSUMER FINANCE (CREDIT AGRICOLE).

[13] A considérer par exemple l’affaire T.228/02 concernant l’Organisation des Moudjahidines du peuple iranien, avec l’arrêt du tribunal le 12 décembre 2006.

[14] Il est question d’efficience plutôt que d’efficacité puisque l’important n’est pas seulement de réduire le risque de blanchiment et de terrorisme mais aussi (et surtout) de protéger la liberté individuelle.

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