Qui est-ce que la finance verte intéresse ?
Qui est-ce que la finance verte intéresse ?
Introduction
-Mise en place du sujet
-Enoncé du plan
- Finance verte et obligations vertes
- La finance verte
- Définition
- Evolution et situation actuelle
- Risques
- Enjeux dans la finance de marché : double bénéfice environnemental et financier
- Les obligations vertes
- La bourse de Luxembourg : le fer de lance de la finance verte
- D’où sa vient (contexte) ? Réactivité de la Bourse de Luxembourg et comment cela s’est généralisé
- Luxembourg Green Exchange (LGX)
- Comparaison avec les autres bourses
- Qui investit ? Qui est intéressé et qu’est-ce que cela induit ?
- Le problème des obligations (Buy and hold)
- Les obligations vertes peu liquide, peu de transactions (Très demandé sur le marché primaire et peu présente sur le marché secondaire)
- Un investissement pour se donner «Bonne conscience »
Conclusion
Introduction
Selon la définition du Comité Économique et Social Européen concernant la finance verte, « il s’agit de produits d’épargne (comptes courants, comptes à fort rendement, livrets d’épargne, dépôts structurés), de produits d’investissement (institutions d’investissement collectif: fonds et sociétés d’investissements; pensions et assurances: plans et fonds de pension, plans de retraite, assurances – vie ou unit linked; fonds thématiques), d’instruments de financement du crédit et de mécanismes de soutien financier (microcrédits, fonds de roulement, fonds de garantie mutuelle et capital-risque), qui comprennent dans leur conception des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, sans négliger aucunement les objectifs nécessaires en matière de risques et de rentabilité financière ».
La finance verte ou l’investissement social responsable (ISR) fait ainsi aujourd’hui partie intégrante des stratégies courantes de diversification des portefeuilles.
Dans ce mémoire, nous allons essayer de définir qui est-ce que la finance verte intéresse.
Pour essayer d’apporter des éléments de réponse à cette question, la présente étude cherche à définir les différentes réformes nécessaires à une révolution des pratiques financières actuelles, tout en promouvant d’une manière systématique les investissements socialement responsables. Ainsi, la finance contribuera à rendre le concept de développement durable plus attrayant et plus opérationnel.
Ce mémoire contient trois parties :
- Une première partie dans laquelle nous définirons les termes finance verte et obligations vertes.
- Dans la seconde partie, nous développerons la Bourse de Luxembourg avant de la comparer avec les autres bourses.
- La troisième partie concernera les investisseurs ainsi que les problèmes des obligations.
- La finance verte ou l’investissement socialement responsable ISR
- Définition
D’après le Comité Économique et Social Européen[1] « Il s’agit de produits d’épargne (comptes courants, comptes à fort rendement, livrets d’épargne, dépôts structurés), de produits d’investissement (institutions d’investissement collectif: fonds et sociétés d’investissements; pensions et assurances: plans et fonds de pension, plans de retraite, assurances – vie ou unit linked; fonds thématiques), d’instruments de financement du crédit et de mécanismes de soutien financier (microcrédits, fonds de roulement, fonds de garantie mutuelle et capital-risque), qui comprennent dans leur conception des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, sans négliger aucunement les objectifs nécessaires en matière de risques et de rentabilité financière ».
En d’autres termes, la finance verte rassemble les produits et services des marchés financiers dont le but est l’investissement dans des projets qui réduisent l’impact des activités humaines sur l’environnement, notamment la lutte contre le changement climatique à l’échelle planétaire.
En plus des critères financiers traditionnels, l’ISR considère donc les facteurs sociaux, environnementaux, éthiques ainsi que les facteurs de gouvernance (ESG).
La finance verte conjugue ainsi stratégie climat et stratégie financière et consiste en :
- Un désinvestissement des énergies fossiles comme le pétrole, le charbon, le gaz. En effet, ce secteur est considéré comme néfaste pour le climat.
- Un engagement actionnarial : il s’agit pour l’investisseur de faire pression sur les entreprises afin qu’elles adaptent leur modèle à une trajectoire de 2°C du réchauffement climatique.
- Un financement vert, c’est-à-dire une utilisation des flux financiers pour investir dans des infrastructures vertes comme les parcs solaires ou éoliens par exemple.
- Une décarbonation des portefeuilles : l’investisseur opte pour les entreprises qui émettent le moins de carbone pour ses investissements.[2]
- Evolution et situation actuelle
Bien avant les grandes catastrophes écologiques, la finance verte a vu ses débuts dès le xviiie siècle. En effet, le mouvement religieux Quaker dénonçait la violence et l’esclavagisme. Plus tard, à la fin du XIXe siècle, certaines communautés religieuses encourageaient leurs membres à fuir les investissements dans les domaines du tabac, de l’alcool et des armes, des domaines cependant à forte rentabilité.
Dans l’économie moderne, le pionnier de l’ISR est l’Eglise Méthodiste, dont les pasteurs Luther Tyson et Jack Corbett créent le Pax World Fund en 1971 aux Etats-Unis, le but étant de ne pas investir dans les entreprises liées à l’armement, qui sont pourtant très performantes.
En 1983, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) intervient et crée le crédit coopératif consistant entre autres en la création d’entreprise dans le tiers-monde.
Parallèlement, Sœur Nicole Reille encourage la Société Meeschaert Asset Management à créer la nouvelle stratégie 50, un fonds commun de placement éthique.
Selon Sœur Nicole Reille, « Ces valeurs, permettent d’investir des fonds en accord avec celles d’une congrégation, à savoir les droits de l’homme, le respect et le développement de la personne qui entraîne la stratégie sociale de l’entreprise et les modes d’implantation dans les pays du tiers-monde. »
Il s’agit donc d’inciter les professionnels dans le monde de la finance à investir autrement car il est impératif de construire une société juste. Il faut maintenant effectuer des placements boursiers respectant les droits de l’homme et l’égalité, minimisant l’impact sur l’environnement, excluant ainsi tous les sujets immoraux, tels l’alcool, l’armement, le tabac, la pornographie, le travail des enfants, le nucléaire, le pétrole, les manipulations génétiques, les tests sur animaux.
Actuellement, l’investissement éthique est devenu un nouveau style d’investissement. Il connait un véritable essor. Ainsi, de grandes entreprises américaines, comme General Motors ou le géant Dow Chemical, ont été contraintes de cesser une partie de leurs activités, à cause de la pression combinée de leurs actionnaires et des consommateurs .
La finance verte continue son développement : taxe carbone, obligations vertes, investissements dans les énergies renouvelables, le fond vert pour le climat. A titre d’exemple, la finance verte représente à elle seule, sur le marché Nord Américain, plus de la moitié du marché financier. En Chine, elle est en forte croissance et les prévisions sont des plus encourageantes.
- Risques
Les investisseurs responsables prennent donc maintenant en compte non seulement les performances financières d’une entreprise, mais aussi sa politique sociale, éthique et environnementale.
La finance verte peut être perçue comme un facteur de pouvoir concurrentiel mais elle peut aussi être un facteur de risque pour les entreprises.
Cependant, le terme « éthique » ne trouve pas de consensus car chaque individu a sa propre valeur, en fonction de ses origines, de ses idées politiques, sociales ou religieuses.
Certains considèrent l’investissement socialement responsable comme une mode.
A titre d’illustration, nous pouvons citer certaines entreprises, qui, en mettant à la disposition de ses salariés du café issu du commerce équitable, s’enorgueillissent d’adhérer au concept vert.
Le flou réside. Les définitions et les critères varient donc d’une entreprise à l’autre, d’un pays à l’autre.
Plusieurs problèmes sont apparus :
- La gestion des fonds d’investissement socialement responsable est onéreuse. En effet, l’intervention d’analystes spécialisés, ainsi qu’une recherche interne et externe sont nécessaires. Par ailleurs, les investisseurs de l’ISR, notamment les congrégations religieuses les fondations ou les ONG sont moins sensibles aux montants des commissions par rapport aux autres investisseurs.
- Les sociétés vertes, moins sensibles à la hausse du coup des gaz à effet de serre, auront des titres moins risqués dus à leur qualité environnementale. Les investisseurs préfèrent payer plus cher les sociétés moins risquées. Ainsi, le rapport rendement-prix sera moins attrayant.
- Les entreprises à faible empreinte carbone sont soumises à l’effet double de la baisse du prix de pétrole : ceci défavorise les entreprises extractrices des énergies fossiles, mais favorise les grands consommateurs des énergies fossiles.
- D’après l’hypothèse de Porter (1991), la performance environnementale entraîne systématiquement des coûts de production plus élevés.[3]
- Avantages et enjeux dans la finance de marché : double bénéfice environnemental et financier
Le principal avantage est bien évidemment l’impact environnemental et climatique.
La crise écologique et financière du début du XXIe siècle ne peut qu’inciter nos économies de marché à un développement durable et à l’urgence de réunir les conditions en vue d’une croissance durable orientée vers le long terme.
La finance verte permet un gain de compétitivité, dans la mesure où il y a eu investissements pour l’amélioration des infrastructures et des équipements.
Les résultats peuvent être rapides. A titre d’exemple, nous pouvons citer l’économie d’énergie par isolation. Ce marché est créateur immédiat d’entreprises et générateur d’emplois, étant donné le nombre de logements anciens à isoler thermiquement en France. Le temps de retour sur investissement est de 3 à 4 ans au lieu de 5 habituellement.
Un autre avantage est la coopération internationale dans différents domaines, notamment la science et la technologie, car les problèmes qui se posent doivent être résolus ensemble.
Si la coopération n’a pas lieu, les coûts de l’action ne seront pas forcément individuellement supportés par chaque pays. Par exemple, le changement climatique est un défi mondial, la coopération s’avère ici indispensable car les pays en développement sont le plus touchés.
Avantages économiques : les coûts de production peuvent baisser. Prenons le cas du géant américain Dow Chemical. Cette entreprise a cessé l’utilisation de produits énergivores et chers en production, notamment le dioxyde de titane dans la production de peinture. Elle tire aujourd’hui ses premiers bénéfices de la chimie verte et de la réduction de l’empreinte carbone.
La rentabilité des entreprises socialement responsable est principalement accès sur le développement durable, donc sur le long terme. Elles contrôlent donc davantage la gestion du risque.
Les rendements des portefeuilles sont rentables dans le cas d’investissements socialement responsables dans 88% des cas. C’est ce qu’a révélé une étude réalisée par Mercer, groupe canadien de consultation en gestion de placements
La finance verte a donc un double avantage : environnemental et financier.
- – Les obligations vertes[4]
D’après le lexique financier, une obligation verte est une « obligation émise par une entreprise ou une entité publique qui sert à financer des projets environnementaux de développement des énergies renouvelables ou d’amélioration de l’efficacité énergétique. Un expert peut être désigné pour vérifier l’utilisation conforme des fonds. Les principaux acheteurs de ce type d’obligations sont les fonds ISR. »
Il s’agit ainsi d’outils phare de la finance verte destinés à la transition bas carbone et à tous projets environnementaux.
Ces produits intéressent donc les investisseurs souhaitant allier productivité financière et impact environnemental positif. L’avantage des Green bonds réside dans le fait qu’ils sont en tous points semblables aux obligations conventionnelles : système de prix, système de remboursement et profil de risque identiques sauf qu’ils génèrent en plus un rendement écologique.
Le but de ces mécanismes financiers consiste donc à financer des projets dans la transition écologique (principalement les investissements en infrastructures) ou à fort impact social.
Mode de fonctionnement des obligations vertes
L’obligation verte est rattachée directement à la direction générale plutôt qu’à la direction de la trésorerie de l’entreprise car la réputation de l’entreprise est mise en cause. Elle permet de mesurer la performance environnementale d’un projet d’investissement comme par exemple le financement d’un parc éolien.
Elle permet également d’évaluer le risque environnemental d’un projet, de noter les flux depuis la trésorerie centrale, et de profiter d’un reporting financier fréquent sur l’utilisation des fonds.
Les obligations vertes paraissent une bonne idée. Comme nous l’avons vu précédemment, l’argent levé par ce moyen est utilisé positivement pour l’environnement. Elles sont donc idéales pour les investissements durables. De plus, elles sont source de profits identiques aux obligations « classiques » comparables, et les investisseurs n’ont pas à payer pour leurs principes.
Les émissions d’obligations vertes sont en nette croissance : les premières ont été émises en 2007. En 2015, elles s’élèvent à $43 milliards de dollars entre 70 & 100 milliards de dollars en 2016 les prévisions sont autour de 5.700 milliards de dollars d’obligations vertes investies en 2020, dans le domaine de l’infrastructure verte[5]. Elles ont donc été reçues avec beaucoup d’enthousiasme et leurs émissions sont en croissance rapide.
Ainsi, elles attirent principalement les acteurs du secteur privé, mais aussi public, afin de financer la transition entre la réduction de l’empreinte carbone et l’économie durable.
Critiques et limites[6]
Les obligations vertes sont-elle réellement différentes d’obligations conventionnelles ou s’agit-il d’une technique « d’éco-blanchiment » ou greenwashing?
Le greenwashing consiste en ceci qu’afin d’améliorer leur image, certaines entreprises mettent en avant de mineurs projets écologiques, cependant elles continuent à développer des projets néfastes pour l’environnement.
Ceci est sans doute lié au fait que la définition d’obligation verte soit vaste et qu’actuellement, tout comme la finance verte, il n’y a pas de norme universelle. Ainsi, certains investisseurs sont sceptiques vis-à-vis des investissements verts car ils craignent des coûts supplémentaires.
La banque mondiale, premier émetteur d’obligations vertes, le Climate Bonds Initiative et des organismes supranationaux sont en train d’étudier la question afin de trouver un consensus sur la définition des obligations vertes.
En attendant, chaque entreprise peut lever des fonds par l’intermédiaire d’obligations vertes. Il appartient à l’investisseur responsable de déterminer si ces nouveaux investissements profitent bien à l’environnement ou si les projets auraient été financés, avec ou sans le critère environnement.
Cependant, des idées ont émergé.
Selon ICMA Green Bond Principles (GBPs), les obligations vertes reposent sur 4 piliers standards:
- L’utilisation des produits
- Processus d’évaluation du projet et sélection
- Gestion des produits
- Reporting[7]
Il est à noter qu’il existe des Normes sur les obligations climatiques (axées sur les ONG), définissant l’éligibilité en vertu de termes scientifiques.
Par ailleurs, il faut s’assurer que les obligations vertes apportent des fonds supplémentaires aux projets écologiques. Si ce n’est pas le cas, cela signifie que les émetteurs obtiennent leur capital à un faible coût, et donc les projets qui ne l’auraient pas été seront ainsi financés.
Les limites aux obligations vertes existent donc bel et bien :
- « l’éco-blanchiment »
- La non-divulgation
- La complexité intrinsèque de la taxinomie
- Les définitions et comparaisons contradictoires
- La comparabilité difficile
- L’incertitude de la performance environnementale.
- La loi douanière sur le règlement.[8]
Quoi qu’il en soit, les investissements dans ce sens atténueront de toute manière le changement climatique.
A titre d’illustration, il faut noter que, en 2015, 45,8 % des émissions mondiales d’obligations vertes financent les projets sur les énergies renouvelables, 19,6% l’efficacité énergétique , 13,4% les transports à faibles émissions de carbone, 9,3% la gestion durable des ressources en eau et 5,6% les déchets et la pollution. Ces obligations sont donc un instrument de financement important « pour traduire en actes les ambitions du train de mesures – une énergie propre pour tous les Européens- s’inscrivant dans le cadre de l’union de l’énergie et publié le 30 novembre 2016 ».[9]
- La bourse de Luxembourg : le fer de lance de la finance verte
- Contexte d’ouverture
« Le 30 décembre 1927, une Loi est votée concernant la création d’une Bourse de Commerce à Luxembourg. En 1928, la bourse de Luxembourg est née.[10]
La bourse de Luxembourg s’est développée dans le domaine de la cotation et de la négociation de valeurs mobilières de nature et d’origine géographique très variées. Sa réussite est fondée sur son ouverture internationale.
Son principal indice boursier est le LuxX.
En effet, elle est actuellement non seulement le leader mondial dans les cotations internationales, mais aussi la plus grande bourse européenne dans le domaine des obligations internationales. De plus, la bourse de Luxembourg figure parmi les leaders mondiaux en d’autres types d’émissions internationales, comme les certificats représentatifs d’actions par exemple.
Indépendante dans ses prises de décision, elle est capable de prendre des initiatives par rapport au centre financier de Luxembourg.
Son influence internationale est basée sur l’utilisation des moyens modernes de communication.
En respectant ses valeurs fondamentales basées sur la solidité, la transparence, la technologie et la réglementation, elle s’est fixé plusieurs objectifs :
Tout d’abord, elle souhaite « rester une bourse de référence dans le domaine de la cotation des valeurs immobilières internationales, » puis elle veut continuer à « offrir des produits et services innovants, adaptés à tout moment aux exigences de ses clients » afin de pouvoir « exercer son métier dans un climat de confiance avec tous les intermédiaires: autorités de régulations, professionnels et investisseurs ». [11]
Au début des années 2000, la Banque mondiale diagnostique un changement climatique qui concerne la planète entière, principalement les pays du sud. Selon elle, les progrès récents en espérance de vie, la réduction de la pauvreté, l’amélioration des conditions en matière de santé ainsi que le développement de l’agriculture pourraient être vains. Il est donc impératif d’agir, et vite. Pour cela, il faut penser à une coopération internationale révolutionnaire.
Ainsi, sur le plan politique, ont lieu les « Conferences of Parties. »
Sur le plan économique, ce sont des flux financiers. La Banque Mondiale émet alors le “Strategic Framework for Development and Climate Change”[12], dont le but est la stimulation et la coordination des efforts du secteur public et du secteur privé. Les green bonds sont nés.
La banque européenne d’investissement (BEI) ayant lancé les obligations vertes, le Luxembourg Stock Exchange saisit cette opportunité. En juillet 2007 elle est la 1ère bourse à coter une obligation verte.
Puis, l’année 2008 est marquée par la crise. Les thèmes du changement climatique et de la transition énergétique montent en puissance. L’émission d’obligations vertes se généralise alors : les investisseurs institutionnels, dont ceux des pays nordiques, s’intéressent à ce type d’instruments.
Les grandes entreprises considèrent les obligations vertes comme étant une source de financement complémentaire, offrant un accès à une base d’investisseurs plus large, pour financer des mesures d’efficacité ayant une dimension environnementale.
Aujourd’hui, la Chine abritant les plus gros emprunteurs, enregistre 40% des émissions En décembre 2015, la Bourse de Luxembourg est la première bourse à niveau international pour la cotation des obligations vertes.
En 2016, elle cote la 100e obligation verte (Green Bond), puis, elle devient partenaire de l’Initiative Climate Bonds. Le 27 septembre, La Bourse de Luxembourg lance LGX, la première Bourse verte au monde ».[13]
- Luxembourg Green Exchange (LGX)
La bourse de Luxembourg est donc la première bourse au monde à avoir une plateforme dédiée aux obligations vertes. Seuls les projets cent pour cent verts y seront acceptés, cette bourse étant entièrement dédiée aux investissements visant à lutter contre le réchauffement climatique.
L’accès à cette plateforme est exclusivement réservé aux investisseurs qui consacreront la totalité des fonds levés à des investissements verts, notamment les valeurs mobilières vertes.
Ainsi, les titres concernant l’expérimentation animale pour les produits cosmétiques et les produits non médicaux, les tests médicaux sur les espèces en voie de disparition, les combustibles fossiles, la production d’énergie nucléaire, le commerce de faune et flore protégées, n’auront pas accès à LGX. Cependant, si une entreprise est active dans le pétrole, par exemple, elle peut avoir accès à LGX à condition que ses projets soient verts et que tous les critères d’éligibilité soient respectés.
Le LGX semble être un succès. A la première ouverture, 114 obligations vertes étaient cotées en bourse, pour un montant de 45 milliards de dollars. En comparaison avec le Climate Bond Initiative estimé à 100 milliards de dollars en 2016, le LGX occupe une place prépondérante dans le marché des obligations vertes mondiales, et son avenir est au beau fixe.
Plusieurs critères doivent être remplis pour l’éligibilité au Luxembourg Green Exchange, conformément au Climate Bonds Initiative (CBI) et l’International Capital Market Association (ICMA):
- « Une auto-labellisation en tant qu’instrument vert ou équivalent (par exemple par rapport au climat). L’émetteur doit indiquer clairement, au cours du processus d’application, la nature verte de la valeur mobilière;
- Utilisation des fonds levés. Il est obligatoire que les fonds soient exclusivement utilisés pour le financement ou le refinancement de projets qui sont 100% verts;
- Revue « ex-ante » et reporting « ex-post« . L’émetteur doit s’engager à fournir à la fois une analyse « ex-ante » externe réalisée par un tiers indépendant, et des rapports « ex-post » – une exigence sans précédent sur les marchés des capitaux mondiaux. »[14]
- Comparaison avec les autres bourses
Comme nous l’avons vu précédemment, Le Luxembourg Stock Exchange est avant tout une bourse de cotation (seule une cinquantaine d’entreprises sont cotés, dont la moitié sont des sociétés luxembourgeoises), il compte plus de 40.000 cotes -dont 2% sont des actions – issues de plus de 100 Etats et émises en 55 devises. Ce qui fait aussi une particularité de la Bourse de Luxembourg: «La plupart ne font des transactions qu’en une ou deux devises»[15],.
Son second pilier est l’information. Sa bonne réputation semble être acquise. Elle est aussi forte de sa diversification de la place financière et de l’économie en général.
Les émissions d’obligations vertes se démocratisent dans le monde.
La Chine, appuyée par l’Inde, incite à l’émission d’obligations vertes consacrées à l’environnement. Celles-ci y sont financées par des initiatives publiques. La première obligation verte d’une banque chinoise a été émise à la bourse de Luxembourg.
Ainsi, les obligations LuxSE sont émises en 20 devises différentes, et les taux séduisent les souscripteurs car ils sont entre 15 et 60 points supérieurs au marché.
Aux Etats-Unis, le « Brownfields Demonstration Program for Qualified Green Building and Sustainable Design Projects », les obligations vertes sont principalement consacrées à décontaminer les sites industriels et les entreprises. Elles sont appuyées par une baisse d’impôts.
En France, les premières obligations vertes sont été émises en janvier 2017 et elles sont destinées à financer des projets environnementaux, pour une échéance juin 2039, avec « un rendement de 13 points de base au-dessus de l’OAT » [16]
A la bourse de Québec, le gouvernement canadien émet des obligations vertes en février 2017,s dans le but de lever des capitaux destinés à la protection de l’environnement, à la réduction des émissions de GES, à l’adaptation aux changements climatiques. Cependant, elles n’ont aucun impact sur la réduction de dette du Québec.
En Afrique, la bourse de Johannesburg (JSE) a émis ses premières obligations vertes en 2014, devant échoir en 2024, d’un montant de 143 millions de dollars : elles sont destinées au financement de toilettes et urinoirs à faible consommation d’eau, aux endroits populaires comme les marchés ou les bureaux pour gérer les réserves d’eau limitées de la ville, transformer les déchets organiques en énergie (combustibles), la réduction de la consommation d’électricité, en installant des compteurs « intelligents ».[17]
A ce jour, au total le montant total des obligations vertes émises s’élève à 100 milliards de dollars dans le monde.[18]
La carte suivante indique la répartition géographique des émissions d’obligations vertes dans le monde.[19]
- Qui investit ? Qui est intéressé et qu’est-ce que cela induit ?
- a- Le problème des obligations vertes
Dans ce paragraphe, nous allons aborder le «Buy and hold », stratégie d’investissement passive consistant pour un investisseur d’acheter des actions et de les garder en portefeuille pour une période longue non déterminée, quelque soit les fluctuations du marché.
Le premier frein consiste en ceci que, d’après une étude récente de Barclays[20], sur le marché secondaire, une prime de 20 points de base devrait être payée par les investisseurs afin d’acheter des obligations vertes.
De plus, à cause de la forte demande des investisseurs, de la pénurie d’approvisionnement ainsi que de la stratégie d’achat et de détention « buy and hold » des investisseurs institutionnels, force est de constater que les obligations vertes sont plus volatiles.
En effet, il a été montré que « la volatilité des prix des obligations vertes était similaire ou légèrement supérieure à celle de leurs homologues grises »[21] (obligations non vertes), même si cela dépend fortement de l’émetteur.
Par ailleurs, les premières émissions d’obligations vertes ont toutes été accompagnées d’une courbe d’apprentissage de la part des émetteurs. Et un travail initial a été nécessaire pour le lancement des premières obligations vertes.
De plus, selon que les émetteurs soient publics ou privés, les risques et limites d’une obligation verte varient.
« En effet, la barrière classique lorsque l’émetteur ou le garant est une entité publique, est la limite de la capacité d’emprunt. Dans ce cas, il y a également des barrières propres à l’investissement vert : notamment, la capacité propre à émettre en place des projets verts et celle à assurer un suivi des projets et des processus de reporting.
D’un autre côté, lorsque l’émetteur ou le garant est une entité privée, les barrières sont celles perçues par l’investisseur :
- D’une part, le besoin de liquidité de l’outil, le besoin d’une taille critique, les risques de défaut du projet et/ou de l’entité émettrice dont : les risques opérationnels et technologiques, les risques pays, change, etc., les règles comptables et prudentielles (ex: Bâle III)
- Et d’autre part il existe le risque de réputation : si le projet financé n’aboutit pas ou n’est pas vraiment vert, les risques réglementaires comme par exemple la réduction des tarifs de rachat, le besoin d’une expertise interne notamment lorsque les actifs sont appuyés sur l’obligation et enfin, il peut y avoir un manque de retour d’expérience. »[22]
Et enfin, les émetteurs sont dans l’obligation de montrer les bénéfices environnementaux réalisés.
- b- Les obligations vertes peu liquide, peu de transactions (Très demandé sur le marché primaire et peu présente sur le marché secondaire)
Avant d’aborder ce sujet, il convient de définir dans un premier temps marché primaire et marché secondaire.
Le marché primaire constitue le marché où les actions sont émises pour la première fois : l’entreprise émet ainsi des obligations à des investisseurs ou elle peut augmenter son capital avec des actions, en échange de capitaux.
Les titres ou obligations émis au marché primaire peuvent à leur tour être échangés entre investisseurs, et ce librement, sur les marchés secondaires. La propriété des titres ou des dettes est ainsi transférée d’un investisseur à l’autre, d’où l’intérêt pour les entreprises ayant utilisé le marché primaire, de faire en sorte que le marché secondaire se porte bien, cette dernière influençant directement la première.
Le Climate Bond Initiative avait prévu le total des émissions d’obligations vertes à 100 milliards de dollars en fin d’année 2016, or elle ne s’élève qu’à 8.8 milliards de dollars.[23]
Au niveau du marché primaire, les obligations vertes sont très demandées, alors que les offres ne suivent pas. La rareté des obligations émises pourrait être liée aux facteurs suivants :
La plupart des green bonds concerne les secteurs de l’environnement. Selon Orith Azoulay[24], « il faudra que ce segment s’ouvre à des émetteurs dans des domaines plus diversifiés, notamment les industries électro-intensives, grandes consommatrices d’énergie, comme le ciment, le papier, l’acier… »
De plus, en raison des régulations de Bâle II[25], les banques se trouvent dans l’incapacité de mettre à disposition un capital suffisant dans le domaine des obligations vertes.
Au niveau du marché secondaire, les obligations vertes sont peu présentes. Ceci pourrait s’expliquer par les raisons suivantes :
Tout d’abord, comme nous l’avons vu précédemment, « les investisseurs pourraient payer une prime de 20 points de base pour se procurer des obligations vertes sur le marché secondaire. ».
Ensuite, l’intégrité du marché devrait être assurée par la transparence des émetteurs. Ceci pourrait également constituer un frein au niveau du marché secondaire.
Par ailleurs, de par l’effet de rareté, les green bonds sont souvent plus chers que la dette classique sur le marché secondaire.[26]
Ainsi donc, les projets en rapport avec l’environnement, l’augmentation de la demande ainsi que l’application du COP21 à Paris sont les principaux facteurs de la croissance du marché des obligations vertes. Les principaux émetteurs, tels les banques, les entreprises ou les agences seront ainsi poussés à créer des projets verts requérant du financement.
Et M. Bartels de conseiller « de n’émettre que des obligations vertes qui répondent aux critères éprouvés, qui évitent une amélioration de l’efficacité environnementale inférieure à celle du marché, qui soient étroitement liées aux grands défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés, tels que le changement climatique et la rareté de l’eau, et ne financent pas de projets controversés. »
- Un investissement pour se donner «Bonne conscience »
Il peut arriver que le terme « obligations vertes » soit utilisé abusivement par les émetteurs : en effet, l’écologie est utilisée pour des fins marketing : c’est l’éco blanchiment ou greenwashing. Ces entreprises créent des labels verts non officiels en interne ou certaines investissent dans des missions qui ne produisent pas de bénéfices environnementaux.
Conclusion
La tendance est actuellement à la prise de conscience face au changement climatique. La première bourse ayant très vite réagi est la bourse de Luxembourg, avec le lancement du Luxembourg Green Exchange, et l’émission des premières obligations vertes au monde.
Par la suite, parce qu’il y a plusieurs enjeux dans la finance de marché, la finance verte intéresse actuellement beaucoup d’investisseurs : pour diversifier le portefeuille, pour ses performances, pour le double bénéfice environnemental et financier qu’il apporte, pour l’avenir que la protection de l’environnement promet. Ce dernier constitue ainsi parmi les principaux critères dans le choix d’investissement.
La finance verte intéresse donc les banquiers, les assureurs, les investisseurs car tous ont pris conscience des intérêts à s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Cependant, il est important de définir universellement les obligations vertes afin de créer des capitaux destinés exclusivement aux porteurs des vrais projets en rapport avec la lutte contre le réchauffement climatique.
Annexe
Les documents suivants[27] indiquent respectivement les principaux secteurs où sont émises les obligations vertes et la répartition géographique des émissions vertes dans le monde.
Bibliographie
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- Beat Bürgenmeier (2015). Finance verte, Marketing ou révolution? Nouvelles normes, nouveaux standards, Presse politique et universitaire romande
- Beat Bürgenmeier (2015). Finance verte, Marketing ou révolution? Politiques environnementales de la finance. Presse politique et universitaire romande.
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- Michaël Porter and Class Van der Linde. (1995). Toward a New Conception of the Environment Competitiveness Relationship. Journal of Economic Perspective
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12- Stefan Aykut, et Amy Dahan (2015). Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales. Presse de Sciences Po (P.F.N.S.P)
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- Edouard Pflimlin, journal Le monde du 22 décembre 2016
- Patricia Crifoet Nicolas Mottis (2011), L’investissement socialement responsable en France : opportunité « de niche », ou placement « mainstream » ? Annales des Mines – Gérer et comprendre n° 104
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- Richard Robert, Paris Innovation Review, 14 Octobre 2016
- The Cost of Being Green, septembre 2015, Barclay
- CDC Climat Recherche, point climat n°14, mai 2012
[1] CESE, Avis du Comité économique et social européen sur le thème « Produits financiers socialement responsables » (2011/C 21/06) avis d’initiative, point 3.1.1,
[2] Caroline Gallez et Aurore Moroncini (2003). Le manager et l’environnement : outil d’aide à la décision stratégique et opérationnelle. Lausanne, PPUR Presse politique et universitaire romande (Collection Gérer l’environnement)
Céline Merlin-Brogniart, Pierre Le Masne, Marc-Hubert Depret (2009). Développement durable et responsabilité sociale des acteurs, éditions L’Harmatan
[3] Michaël Porter (1991). America’s green strategy. Scientific American, vol. 264
Michaël Porter and Class Van der Linde. (1995). Toward a New Conception of the Environment Competitiveness Relationship. Journal of Economic Perspective
[4] Zoe Knight (2015), Le développement d’une « finance 2 °C » et l’exemple des greens bonds, revue d’économie financière n° 117
Christian Arnsperger (2013), Fonder l’économie écologique. Revue d’éthique et de théologie morale hors série n°276
OECD Organisation for Economic Cooperation and Development (2010), L’éco-innovation dans l’industrie : favoriser la croissance verte, stratégie de OECD pour l’environnement.
[5] Edouard Pflimlin, journal Le monde du 22.décembre 2016
[6] Noël Amenc, La finance verte est une illusion, journal Le monde du 10 décembre 2015
[7] ICMA Green Bond Principles (GBPs)
[8] Document du Luxembourg stock exchange, janvier 2016
[9] Commission européenne – Communiqué de presse IP/16/4217, 2 décembre 2016
[10] https://www.bourse.lu/historique-bourse-de-luxembourg
[11] https://www.bourse.lu/historique-bourse-de-luxembourg
[12] Richard Robert , Paris Innovation Review, 14 Octobre 2016
[13] https://www.bourse.lu/historique-bourse-de-luxembourg
[14] Document du Luxembourg Stock Exchange, janvier 2016
[15] Hubert Grignon Dumoulin
[16] Pour Reuters, Michael Turner, Yann Le Guernigou pour le service français, édité par Yves Clarisse
[17] Jocelyne Sambira (2015), Afrique Renouveau
[18] Lead actualité, 21 avril 2017
[19] Initiatives pour des obligations climatiques
[20] The Cost of Being Green, septembre 2015
[21] The Cost of Being Green, septembre 2015
[22] CDC Climat Recherche, point climat n°14, mai 2012
[23] Marina Alcaraz, Finance et marchés
[24] Orith Azoulay, analyste chez Natixis
[25] Ratio Bâlle II = Fonds propres réglementaires / (Risque de crédit + risque de marché + risque opérationnel) = 8%
[26] Emmanuel Weyd, gérant chez Eiffel Investment Group
[27] Initiative pour des obligations climatiques
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