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Soins infirmiers et activités occupationnelles à l’hôpital psychiatrique

Soins infirmiers et activités occupationnelles à l’hôpital psychiatrique

Introduction

En 2012, 12 millions de personnes équivalent à 18% de la population française sont  atteintes de ce mal dont 12 millions présentent une pathologie sévère.  Elle est particulièrement importante chez les adultes (24% des cas contre 3,5% des cas chez les enfants) et   dans les prisons où 78,5% des cas sont rencontrés. Pour faire face à cette situation, l’Etat français déploie  13,4 milliards d’euros soit l’équivalent de 8% de ses dépenses de santé pour la prise en charge de ces patients et le coût des médicaments s’élève à 2,2 milliards d’euros[1]. Cela souligne la nécessité d’améliorer la prise en charge de ces patients.

Pourtant, la prise en charge des malades mentaux n’est pas semblable à celle des autres maladies. En médecine générale, la prescription se fait en fonction de données généralisables permettant de tirer des conclusions et de donner le traitement adéquat. Mais de telles démarches ne sont pas toujours observées dans le domaine psychiatrique parce que différents facteurs peuvent influencer le cours de la maladie.

Certes, elle implique le recours à des médicaments, mais aussi à d’autres facteurs tels que l’implication du soignant dans la relation avec le soigné et sa famille, les interactions de l’individu avec son environnement social, la perception ou la représentation du malade mentale pour la société et l’impact de cette  représentation sur leur réaction envers le malade, etc. (Minuchin et Elizur, 2008). La prise en charge des patients atteints de maladies mentales devrait donc intégrer d’autres potentialités du soignant et peut-être aussi du soigné.

Mon intérêt pour la présente étude découle de la constatation que dans tous les pavillons de psychiatrie où je travaillais, des activités inscrites dans le cadre d’un processus de soins sont proposés aux patients. Souvent, elles consistaient en des animations collectives ou individuelles. Toutes ces activités peu importe leur manifestations tentent de privilégier la relation d’aide avec le patient. Ainsi, je me suis posée la question concernant la place de ces activités dans le processus de soin du malade et de déterminer plus particulièrement dans quelles mesures, les activités occupationnelles proposées en service psychiatrique pourraient être thérapeutiques.

Le premier objectif de cette étude est de trouver le moyen ergothérapique susceptible d’améliorer l’état du patient. Le deuxième objectif de notre étude est de déterminer les différents périmètres permettant d’améliorer la prise charge du patient et enfin, de donner les conditions préalables qui sont susceptibles de rendre l’activité proposée au patient thérapeutique.

Notre étude comporte trois parties distinctes. Dans la première partie, nous allons exposer les  définitions et les évolutions connues par l’ergothérapie, l’activité occupationnelle et la sociothérapie. Puis, nous allons exposer les cadres législatifs régissant les activités, les rôles propres des infirmiers. La deuxième partie de l’étude sera consacrée à la présentation des méthodes utilisées pour atteindre les objectifs, ainsi qu’à la présentation des résultats. Enfin, dans la troisième partie de notre étude, nous allons essayer de tracer le cadre conceptuel dans lequel s’inscrit l’étude afin de pouvoir expliquer  nos observations.

  1. Généralités
  2. Quelques rappels

Dans cette partie, nous allons apporter les définitions des termes qui seront fréquemment rencontrés dans le cadre de cette étude. Pour ce faire, il existe deux modalités de définitions : définir d’une manière générale les termes qui sont fréquemment rencontrés et apporter des définitions issues d’études scientifiques pour les termes techniques utilisées en psychiatrie.

  • Définitions générales

Dans le cadre de cette étude, nous allons parler d’un acte de soin, d’une activité qui permet de soigner les malades. Il nous semble pertinent de ce fait de faire la distinction entre la notion d’acte et d’activité.

  • Acte

Du point de vue étymologique, le mot acte vient du latin actum qui signifie chose faite. Le dictionnaire Petit Larousse 2010 donne la définition suivante pour ce terme « Action humaine à caractère volontaire ou involontaire ». L’acte peut être considéré du point de vue psychologique, juridique. Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL)[2], l’acte renvoie  à « La manifestation concrète des pouvoirs d’agir d’une personne, ce que fait une personne »

Mais dans le domaine médical, les termes « actes de soins », « acte infirmier de soins » sont fréquemment évoqués. Le dictionnaire des soins infirmiers et de la profession infirmière définit l’acte de soins infirmiers comme étant « toute intervention reconnue légalement qu’un (e) infirmier (ère)accomplit dans l’exercice de sa fonction ». L’acte infirmier peut encore se décliner en plusieurs formes. Ainsi, on parle d’acte infirmier de soins pour les actes de soins relatifs au rôle propre de ce soignant qui exerce à domicile.

On parle d’acte médical infirmier pour les actes de soins que l’infirmier prodigue en tenant compte des prescriptions médicales pour les infirmiers qui exercent à domicile. Enfin, on parle d’actes conservatoires pour désigner tous les actes de soins réalisés par l’infirmier avant que le médecin arrive dans le cas d’une situation d’urgence (AMIEC Recherche, 2005).

  • Activité

L’acte est différent de l’activité. Le dictionnaire en ligne Larousse[3] donne plusieurs définitions du terme activité :

  • « ensemble des phénomènes par lesquels se manifestent certaines formes de vie, un processus, un fonctionnement
  • Faculté, puissance d’agir, manifestation de cette faculté
  • Action de quelqu’un, d’une entreprise, d’un pays dans un domaine défini, champ d’action
  • Ensemble des actions diverses menées dans un secteur, ou qui se manifestent dans un lieu»

Dans ces différentes acceptions du terme activité par le dictionnaire Larousse, nous voyons que ce terme implique un ensemble d’actions menés dans le cadre d’un domaine précis. Si l’acte peut être volontaire ou non, nous voyons que l’activité, elle, manifeste bien la puissance de l’homme et dépend de sa volonté. Ceci est souligné par la définition donnée par le CNRTL[4] définissant ce terme comme étant le « déploiement actuel du pouvoir ou de la volonté d’action efficace » ou encore comme étant « les manifestations concrètes d’une activité plus ou moins programmée ».

Dans le domaine de la santé, on parle d’  « activités thérapeutiques » pour désigner toutes les activités qui sont proposées aux personnes admis dans un hôpital. Ces activités peuvent être  psychothérapeutiques, sociothérapeutiques ou occupationnelles. Les activités psychothérapeutiques portent sur un handicap particulier du patient et tente de ce fait à l’éduquer ou à le rééduquer. Dans le cadre d’une activité sociothérapeutique, l’infirmier en psychiatrie vise à développer, améliorer et rétablir les capacités relationnelles ou sociales du patient. Les activités occupationnelles pour leur part, ont pour but d’occuper le temps libre du patient afin de tirer des conclusions concernant les rapports que l’individu entretient avec son environnement, son entourage et les différentes ressources à sa disposition (Ivanov-Mazzucconi et al., 2005).

  • Soin

Les actes de soins au même titre que les activités thérapeutiques tournent tous autour du soin prodigué au malade. Dans ce cadre, il nous paraît utile de définir ce terme. Le dictionnaire en ligne Larousse[5] donne une définition du soin comme étant « l’attention que l’on porte à faire quelque chose avec propreté, à entretenir quelque chose ». Mais ce terme peut aussi renvoyer à un devoir obligeant le soignant ou une personne à veiller sur, ou à s’occuper de quelque chose.

Pour l’infirmier, le soin correspond à un « ensemble coordonné, logique, de gestes qui doivent être accomplis avec dextérité, précision et efficacité mais aussi aide, suppléance, encouragement, accompagnement ». La réalisation du soin nécessite la mobilisation de connaissances théoriques et pratiques et des savoir-faire spécifiques en fonction du contexte. Le soin vise à protéger et à améliorer  l’état de santé du patient. Le soin infirmier suppose que celui-ci fasse une surveillance clinique, collecte des informations et applique les prescriptions du médecin. Les soins prodigués par les infirmiers peuvent être des soins de maintenance, des soins préventifs, des soins éducatifs, des soins curatifs, ou des soins de réhabilitation (Potier, 2002).

  • Occuper

Cette étude se focalise sur les activités occupationnelles ce qui renvoie au verbe occuper. Le verbe occuper selon le CNRTL[6], renvoie au fait de remplir ou de se trouver dans un espace ou un lieu. Au sens figuré, occuper une situation renvoie  fait d’ « avoir (un emploi, un rang dans une collectivité donnée dans la société) » ou le fait de tenir ce rang. D’autre part, le fait d’occuper quelqu’un implique le fait de l’employer ou de l’absorber dans la réalisation d’un acte. Occuper quelqu’un veut dire lui « donner, procurer une activité, distraire, (l’) absorber ».

  • Occupation

Dans le cadre de cette étude, l’occupation dans le domaine de la psychiatrie tient un rôle prépondérant. L’occupation selon le dictionnaire en ligne Larousse, renvoie au fait « d’occuper une usine, un lieu de travail » ou encore « ce à quoi on consacre son temps, son activité »[7]. L’occupation pourrait désigner l’  « action de s’occuper, de consacrer son temps, ses soins à quelque chose » ou « ce à quoi quelqu’un consacre son temps, ses soins ; ce qui absorbe quelqu’un ou un de ses attributs ». L’occupation pourrait entre autre désigner l’emploi ou le travail, la préoccupation, l’inquiétude ou le souci d’une personne.

Mais le terme qui sera fréquemment évoqué dans le cadre de cette étude reste l’occupationnel qui est un terme fortement employé en psychiatrie pour désigner une thérapeutique fondée sur l’attribution d’activités artistiques, ludiques, sportives ou du travail au patient afin de lui permettre de s’exprimer et d’avoir une vie relationnelle[8].L’activité occupationnelle se fonde sur le travail qui est considéré comme étant un moyen permettant de réduire les symptômes de la schizophrénie dans la mesure où elle permet l’amélioration de l’état général du patient. Cette activité occupationnelle permet de ré entraîner les habiletés fondamentales de la mémoire de l’individu et notamment, de stimuler l’habileté mentale des malades graves. Il a été observé en effet que l’entraînement mental des individus souffrant de maladies mentales graves dure et que cette démarche permet aussi d’améliorer en générale les capacités cognitives de l’individu (Fiszdon et Bell, 2004). L’activité occupationnelle tente de faire en sorte que l’esprit de l’individu soit capté par son travail ou par son activité afin qu’il devienne passif (Vialaret, 2012).

  • Définitions utilisées en psychiatrie
  • Ergothérapie

Après avoir survolé les termes qui peuvent être couramment rencontrés, nous allons maintenant définir des termes plus techniques qui sont fréquemment évoqués dans le domaine de la psychiatrie.

La définition de l’ergothérapie peut se décliner sous différents angles. Du point de vue étymologique, ce terme provient du grec therapia  qui désigne le soins et ergon qui signifie activité, ouvrage, travail, réalité. De cette première constatation, nous pouvons donc la définir comme étant le soin par le travail. Elle pourrait être considérée comme étant une discipline thérapeutique qui s’intéresse à la rééducation par l’occupation et par le travail. D’autre part, elle peut aussi constituer à la fois une méthode, une technique de rééducation et de réadaptation (Wagner, 2005).

L’ergothérapie met au centre le travail plus que les activités ludiques notamment à cause de son utilité pour l’individu et son importance pour sa survie et garantit entre autre sa réinsertion sociale. L’activité exercée par l’individu permet de stimuler sa motricité et ses fonctions nerveuses (Wagner, 2005).

L’ergothérapie peut être fonctionnelle ou d’expression. Dans le premier cas, l’ergothérapie est particulièrement utilisée pour apprendre l’individu à faire des activités quotidiennes. Elle convient donc aux personnes qui sont en phase de rééducation et qui présentent des troubles moteurs ou des personnes qui sont admises dans les services de traumatologie. L’ergothérapie d’expression pour sa part, est celle qui est la plus rencontrée dans le domaine de la psychiatrie (de Perrot et Weyeneth, 2004).

L’ergothérapie vise à restituer les principales fonctions de l’individu afin qu’il puisse retourner au sein de la société. La maladie cause inexorablement une rupture de l’individu avec son environnement social. Ainsi, quand il apprend à être autonome et qu’il a acquis toutes les capacités lui permettant de vivre dans son environnement social, il va le réintégrer et reprendre toutes ses activités habituelles (de Perrot et Weyeneth, 2004).

Les activités qui sont utilisées dans le domaine de l’ergothérapie sont en général, des activités manuelles telles que la poterie, la vannerie, le tissage, la confection de tapis, le travail du bois, le dessin et les arts plastiques. Dans cette technique, le patient peut s’intéresser à une activité qu’il ne connaît pas forcément mais pour laquelle, il éprouve de l’intérêt. A travers la réalisation de ces travaux, le patient peut occuper une place dans la société et se sentir utile. Par ailleurs, l’ergothérapie lui permet aussi de développer ses capacités créatrices (de Perrot et Weyeneth, 2004).

Cette technique nécessite l’instauration d’un lieu dans lequel, l’individu peut se retrouver et trouver les équipements nécessaires à la réalisation de l’activité. Etant donné que l’individu présente encore des difficultés à se gérer, elle requiert une certaine fréquentation entre l’ergothérapeute et le patient. C’est une discipline thérapeutique qui nécessite de la technique et une faculté d’adaptation aux besoins du patient (de Perrot et Weyeneth, 2004).

Les maladies mentales détériorent la force de vivre et causent des troubles de l’humeur de l’individu l’empêchant de ce fait, de mener à bien ses entreprises personnelles et professionnelles. L’activité proposée en ergothérapie va constituer un moyen pour le soignant d’approcher son patient et d’établir ensemble une relation orientée vers l’action pour aider le patient à se concentrer, à se regrouper, et à se ressaisir. Le fait de retrouver ces capacités instaure chez le patient l’équilibre et le dynamisme. Les activités peuvent être faites individuellement ou collectivement (de Perrot et Weyeneth, 2004).

Mais il s’avère difficile de trouver la différence entre l’ergothérapie et l’activité occupationnelle. En effet, l’activité occupationnelle n’est pas admise comme un soin alors que l’ergothérapie constitue bien un soin. L’occupation du patient pourrait renvoyer au fait que l’esprit du malade est capté par une activité afin qu’il souffre moins et que son état de santé progresse tandis que l’ergothérapie suppose que l’individu fasse un acte utilitaire qui lui permet de s’identifier par le biais du travail (Vialaret, 2012).

En ergothérapie, non seulement, le travail constitue un outil de socialisation du patient lui permettant de se sentir utile, mais constitue entre autre un moyen permettant de faire l’évaluation du malade, de ses capacités et de ses compétences afin que l’ergothérapeute puisse connaître le niveau de réadaptation de la personne à  son environnement social. Le travail permet aussi au patient de se trouver au centre de sa propre rééducation dans la mesure où il participe activement à la réalisation du travail. Le travail en tant qu’instrument de socialisation constitue un médiateur entre le patient et l’environnement et permet au patient de se confronter aux situations réelles[9].

  • Sociothérapie

Les activités socio thérapeutiques sont des soins qui peuvent viser l’occupation des patients. Elles sont entreprises dans le cadre d’une prise en charge thérapeutique des patients afin qu’il puisse encore préserver ses capacités de vie par le biais des travaux artisanaux, les activités de la vie quotidienne et le loisir. Mis à part l’objectif occupationnel de la sociothérapie, il vise entre autre la thérapie du patient afin qu’il soit autonome (Ouharzoune et Agrech, 2005). La réadaptation de l’individu à son environnement social se fait dans ce cadre par le travail, l’activité, la créativité, l’éducation et la rééducation. La réintégration de l’individu au sein de la société exige que le patient arrive à trouver des centres d’intérêt et à s’exprimer (Garnier et al., 2005).

L’ergothérapie est utilisée pour désigner les soins dispensés par l’ergothérapeute, mais la sociothérapie est celle animée par un éducateur spécialisé (Vialaret, 2012). Cependant, les deux techniques visent les mêmes objectifs. A l’instar de l’ergothérapie, la sociothérapie tente aussi d’optimiser la socialisation et les aptitudes de communication des individus souffrant de maladies mentales en favorisant leur sentiment d’appartenance, à travers des activités récréatives. La sociothérapie permet de tenir en compte des différents soins personnels, des spécificités du régime alimentaire et de la gestion des médicaments par le patient ainsi que sa dépendance dans la relation établie entre le soignant et le soigné. Alors que l’ergothérapie suppose un accompagnement à la réadaptation de l’individu, la sociothérapie suppose un guidage par le médecin des différentes activités du patient. Le patient peut bénéficier d’un traitement au sein du groupe et le médecin constitue dans ce cadre, un coordinateur de l’ensemble, ce qui suppose une bonne connaissance du patient et de son vécu (de Perrot et Weyeneth, 2004).

En sociothérapie, l’activité peut se faire à temps partiel, dans un milieu protégé ou dans le cadre d’un bénévolat afin de permettre aux patients de rencontrer les gens, de structurer son temps et de trouver sa place au sein de la société par la même occasion. Dans le mot sociothérapie, nous voyons la racine « social » qui suppose le processus de socialisation de l’individu. Dans ce cas, l’individu fait partie de la société et doit de ce fait apprendre à affronter les situations difficiles qu’il peut y rencontrer. La sociothérapie permet de ce fait de faire face aux contraintes et aux stress causés par l’environnement (de Perrot et Weyeneth, 2004).

La sociothérapie peut être occupationnelle dans la mesure où elle sert à protéger la capacité de vie de la personne à travers l’accomplissement de travaux artisanaux ou à travers les activités de la vie quotidienne, de la culture ou du loisir. Mais dans certains cas, les activités socio thérapeutiques peuvent s’inscrire dans le cadre thérapeutique individualisé qui permet de protéger, de préserver et de développer l’autonomie du patient, ses aptitudes relationnelles, physiques, gestuelles et ses capacités créatives (Ouharzoune et Agrech, 2005).

La sociothérapie ne consiste pas uniquement à mettre en place des procédés thérapeutiques, mais à mener aussi des analyses permettant de mettre en relief les conséquences sociologiques, économiques et familiales de la maladie mentale. Cette dernière provoque en effet, des désordres au niveau du répertoire comportemental mais affecte aussi les interactions de l’individu avec son environnement. Ainsi, il ne s’agit pas uniquement de se focaliser sur le patient mais aussi sur son environnement social.

Parfois, les proches du patient n’arrivent pas toujours à gérer les troubles et les désordres causés par la maladie et leur réaction peut parfois conduire plus à des impacts négatifs que positifs. La sociothérapie souligne le fait que la réadaptation n’est pas uniquement assumée par les animateurs spéciaux, mais nécessite aussi la contribution du milieu social incluant certes l’établissement de santé, le service de revalidation mais surtout, la famille du patient. La contribution de la famille est un pilier de la réinsertion sociale de l’individu et c’est elle qui conditionne la durabilité et le succès de cette réinsertion.

Dans ce cadre, la sociothérapie propose d’étudier les réactions habituelles du milieu social auquel appartient le patient, afin de pouvoir développer des stratégies efficaces. Certes, la famille tient un rôle prépondérant dans le cadre de cette thérapie et pourtant, il faut noter que la capacité des proches à s’occuper du patient dépend aussi de leur propre équilibre (Seron, 1979).

  1. Bref historique

Bien que l’activité occupationnelle et notamment, l’ergothérapie est actuellement pratiquée dans de nombreuses branches de la médecine, l’utilisation du travail comme étant un moyen de guérison ou de soulagement des malades mentaux remonte bien avant. En effet, en 2600 avant JC, les Chinois ont déjà observé que l’inactivité était à l’origine des maux de l’homme. Ainsi, ils ont préconisé le travail physique pour être en bonne santé. Après, en 2000 avant JC, les Egyptiens ont aussi confirmé les observations des Chinois mais spécifient cette fois-ci le bienfait du travail pour les malades mentaux. Par conséquent, ils ont développé des temples de jeux permettant de soigner les malades souffrant de mélancolie. En 776 avant JC , les Grecs ont aussi soutenu que l’entraînement physique permettait de développer l’individu. Enfin, Hippocrate a mis en exergue le lien existant entre le corps et l’esprit et qui, de ce fait, devrait être intégré dans tous les processus de traitement de la maladie. Les activités physiques permettent en effet de maintenir la mobilité des articulations, de renforcer les muscles et d’améliorer le psychisme.

Mais ce n’est qu’au XVIIIème siècle que ces différentes observations seront mises en œuvre. L’ergothérapie est un concept qui a été appliquée initialement dans le domaine de la psychiatrie. Le fondateur de la psychiatrie, Dr Pinel a mis en place à l’hôpital de la Salpetrière le traitement par le travail vers la fin du XVIIIème siècle. Il a marqué l’histoire par  la libération des malades mentaux ayant été enchaînés à Bicêtre en 1793[10]. Dans ce cadre, il propose des exercices physiques et des activités occupationnelles pour les malades suite à l’observation du fait que les patients qui devaient travailler montraient une progression intéressante de leur santé par rapport aux patients qui ne possédaient pas d’occupations. Foucault a par ailleurs constaté que les personnes atteintes de maladies mentales étaient beaucoup moins dangereuses quand elles étaient actives.

Dans les années 1920, le médecin allemand Simon ne se contente pas uniquement de considérer le rôle du travail dans la guérison du patient mais s’interroge aussi sur l’importance de l’implication du soignant et de son attitude face au malade qu’il prend en charge. Simon stipule que l’état du malade s’améliore quand le soignant s’investit dans la relation avec le patient et que celui-ci devient responsable. Le médecin allemand observe que cette relation est un moyen qui permet de s’affranchir de l’exclusion des malades mentaux. Outre à cela, Simon met en exergue le danger de tenir enfermé le patient souffrant d’une maladie mentale dans la mesure où celui-ci devient inactif, et souffre de l’ambiance défavorable de l’institution. Par conséquent, il peut être est tenté d’adopter un sentiment irresponsable.

A peu près à la même période, Meyer un autre médecin affirme que l’homme entretient des rapports particuliers avec son environnement social. En tant qu’être biologique et psychologique, les travaux proposés dans le cadres des activités occupationnelles doivent permettre à l’individu de s’adapter à son environnement et considérer la dimension bio-psychologique du patient.

En 1958, un autre courant de pensée voit le jour avec Sivadon qui affirme que le travail peut parfois devenir pathogène pour le patient. Pour qu’il devienne thérapeutique, il doit s’inscrire dans le cadre d’un processus thérapeutique et être défini de ce  fait par des professionnels. Pour ce faire, il propose de faire une activité thérapeutique en groupe déterminé en fonction du degré de sociabilité de l’individu et d’adapter par la suite l’activité proposée au patient au niveau de sociabilité des patients.

Dans cette nouvelle acception, le travail thérapeutique est considéré par Tosquelles (1967) comme étant une resocialisation du patient dans la mesure où il permet d’entrer en contact avec des personnes externes. C’est en fonction du degré de sociabilité des patients et en fonction de leurs besoins que les activités doivent être déterminées. Il met en relief entre autre, l’importance de la triade patient – soignant et activité qui vont constituer ensemble la base du processus thérapeutique[11].

Les années 1970 ont été marquées par l’existence de nombreuses controverses dans le domaine de l’ergothérapie et pourtant, à partir des années 1980 tout semble se remettre en place. L’histoire et l’évolution de l’ergothérapie ne peut pas pour autant ignorer les modifications qui s’opèrent au sein de l’environnement des patients. Les années 1990 sont marquées par l’évolution des besoins et des comportements des patients. La société occupe désormais de plus en plus d’importance si bien que les séjours dans les établissements psychiatriques ont été fortement diminués pour laisser les malades regagner leurs maisons et rejoindre leurs familles. Avec le développement de la technologie, les patients ne se contentent plus de « subir » les différents traitements qui leurs sont prodigués : ils veulent connaître, il est un acteur dynamique de sa propre guérison.

Ainsi, les différentes techniques de rééducation et de réadaptation dans le domaine de l’ergothérapie exige une nécessité de réduire autant que faire se peut les séjours et l’amélioration de l’obligation d’évaluation. L’ergothérapie doit aussi permettre l’information des patients et la participation active du malade. Désormais, les activités thérapeutiques ont été mises à jour et les apports technologiques ont été intégrés dans le domaine de l’ergothérapie. Enfin, cette technique doit aussi tenir compte du retour du patient à domicile et l’accomplissement de son projet de vie. Dans le domaine psychiatrique, l’ergothérapie doit aussi favoriser l’échange relationnel entre le soignant et le soigné. Durant cette décennie, les centres d’accueil thérapeutiques ont été multipliés dans le secteur de psychiatrie en général[12].

Actuellement, l’ergothérapie est encore pratiquée mais n’est pas uniquement considérée comme étant une simple prise en charge d’un patient souffrant de maladie mentale et un processus de réadaptation de l’individu, mais surtout comme étant un accompagnement thérapeutique permettant d’accompagner le souffrant dans son processus de réadaptation[13].

  1. Cadre législatif

Dans le domaine de la santé mentale, les infirmiers possèdent déjà des rôles propres mais mis à part ces différents soins, l’infirmier doit aussi  accomplir les activités sociothérapeutiques individuelles ou de groupe, selon l’article R. 4311 – 6 du code de la Santé publique.

Les textes de lois régissant la santé mentale visent toutes  à protéger le malade et  à améliorer son état. La loi n° 2011 – 803 du 5 juillet 2011 donne des indications en ce qui concerne les droits et la protection des personnes qui sont admis dans les services psychiatriques et  aux différentes modalités de leur prise en charge. Ainsi, les personnes qui présentent des troubles mentaux peuvent bénéficier d’une prise en charge pouvant se présenter sous forme d’hospitalisation dans un établissement spécialisé, ou à domicile avec des modalités de soins ambulatoires attribué par un établissement. Mais dans ce dernier cas, il devrait y avoir des  programmes de soins définissant les types de soin, les lieux dans lesquels, ils seront dispensés, leur périodicité[14].

L’article L. 3211 – 2 – 2 stipule que l’admission d’une personne en soin psychiatrique nécessite son hospitalisation. La première journée suivant son admission, un médecin doit  faire son examen somatique au patient et construire un certificat médical mentionnant son état mental et la nécessité ou non de le maintenir dans l’établissement de soin. Puis un autre certificat est réalisé les 72 heures qui suivent son admission. Après, le médecin qui le prend en charge doit décider de la forme de prise en charge adaptée au malade. La prise en charge peut être modifiée par le psychiatre qui fait le suivi du patient, mais cela requiert l’établissement d’un certificat médical circonstancié selon l’article L. 3211 – 11.

Les articles L. 3212-1 et L.3212-5 stipulent que quand une personne est atteinte d’une maladie mentale, le directeur d’un établissement ne peut lui attribuer des soins psychiatriques à moins que ses troubles mentaux ne lui permettent pas de prendre des décisions ou quand son état exige des soins immédiats et une surveillance médicale constante qui implique une hospitalisation complète. L’article L. 3212 – 3 stipule qu’en cas d’urgence, il est possible pour la direction de l’établissement de l’admettre à titre exceptionnel et avec la demande d’un tiers, la personne présentant des troubles dans l’hôpital psychiatrique.

La levée des soins psychiatrique est régie par l’article L. 3212 -9 affirmant que le directeur de l’établissement peut arrêter les soins psychiatriques quand la commission départementale des soins psychiatriques l’a demandé ou quand une tierce personne l’a demandé[15].

Mais ces différentes lois suscitent des questionnements en ce qui concerne la nécessité de prendre en charge, de soigner et de protéger le patient tout en respectant son choix. Dans ce cadre, le conseil constitutionnel a mis en relief la nécessité de réformer la loi de 1990 relative aux soins sans consentements dans un service psychiatrique étant donné que le malade est incapable de prendre une décision tout seul.

Dans ce cadre, il est désormais admis que les juges de libertés et de la détention (JLD) peuvent intervenir pour retenir une personne au sein de l’établissement sans son consentement pendant un délai de plus de 15 jours.

Les rôles propres de l’infirmier en psychiatrie montrent des similitudes avec ceux des autres infirmiers exerçant dans d’autres services. L’article R. 4311 – 5.démontre que l’infirmier a l’obligation de donner des soins permettant d’identifier les risques et d’assurer le confort et la sécurité du patient ainsi que ceux de ses proches. Cela implique l’information du patient et de son entourage. En premier lieu, l’infirmier doit veiller à l’hygiène de la personne et de son environnement, et doit surveiller aussi son équilibre alimentaire. L’infirmier a l’obligation de discerner et d’évaluer les risques de maltraitance subis par le patient. L’administration des médicaments quand ces derniers ne sont pas des piqûres doit être assistée par l’infirmier et il doit bien vérifier que le patient les prend. Après l’administration des médicaments, l’infirmier doit suivre les effets des médicaments sur le patient et doit aussi entreprendre l’éducation de celui-ci.

L’infirmier doit soigner et surveiller les patients dans leur milieu et en tenant compte de leur état. Dans ce cadre, l’installation du patient doit se faire en fonction de sa pathologie et de son handicap. Le repos et le sommeil des patients doivent aussi être surveillés par l’infirmier. Il assiste et aide le patient à se lever et à marcher.

La connaissance du patient est un point essentiel pour les soignants dans ce cadre, l’infirmier doit collecter les données qui sont susceptibles d’être exploitées pour améliorer sa prise en charge. Par ailleurs, l’infirmier doit aussi faire le suivi des paramètres servant à la surveillance du malade à savoir sa température, ses pulsations, sa pression artérielle, son rythme respiratoire, son volume de la diurèse, son poids, ses mensurations, ses réflexes pupillaires, ses réflexes de défense cutanée, son état de conscience ainsi que l’appréciation de la douleur. Les bandages et les pansements doivent être suivis régulièrement. Les escarres doivent être surveillés et soignés.

Au cas où le patient pris en charge est mis sous contention ou présente des dispositifs d’immobilisation, l’infirmier doit surveiller son état pour déceler d’éventuels signes de complications. Les scarifications, les injections et les perfusions doivent être surveillées de près. Les patients qui ont subi des ponctions sont surveillés.

L’infirmier doit vérifier les fonctions vitales du patient et les maintenir en recourant autant que faire se peut aux moyens non invasifs. A cet effet, les médicaments sont à limiter. Les troubles sensoriels doivent être surveillés. Les cathéters, les sondes et les drains sont vérifiés. Les dispositifs médicaux réutilisables doivent être désinfectés.

D’autre part, l’infirmier doit veiller à l’accueil du patient. Dans ce cadre, l’écoute est essentielle afin de pouvoir le réorienter si besoin est. L’infirmier doit fournir non seulement des actes de soins mais doit aussi apporter de l’aide et du soutien psychologique. Les troubles de comportement du malade doivent être discernés.

L’article R. 4311 – 6 spécifie les rôles de l’infirmier en psychiatrie. L’infirmier doit en effet accomplir tous les actes mentionnés dans l’article R 4311 – 5, mais doit entre autre veiller à l’accueil du patient et de ses proches. En psychiatrie, l’infirmier doit mettre en place des activités sociothérapeutiques individuelle ou en groupe. Etant donné l’état du patient, alors l’infirmier doit faire une surveillance en chambre d’isolement. Enfin, il doit aussi surveiller et apprécier les engagements thérapeutiques du médecin, et de l’infirmier ou celui de l’infirmier et du patient.

D’autre part, tous les infirmiers possèdent des devoirs généraux envers le patient qui sont mentionnés dans

  • L’article R 4312 – 2 stipulant le respect de la vie et de la personne humaine. La dignité et l’intimité du patient et de ses proches doivent être respectées.
  • L’article R. 4312 – 3 ne donne pas le droit à l’infirmier de faire des actes professionnels pour lesquels, il n’est pas compétent.
  • L’article R. 4312 – 4 relatif à l’observation du secret professionnel. L’infirmier ne doit pas divulguer les informations qui lui ont été révélées, ni celles qu’il a vu, lu, entendu, constaté ou compris.
  • L’article R. 4312 – 5 obligeant l’infirmier à préserver autant que faire se peut la confidentialité des soins qu’il a prodigués au patient.
  • L’article R. 4312 – 6 obligeant l’infirmier à assister les personnes blessées et en péril.
  • L’article R. 4312 – 7 relatif à la nécessité de protéger le patient contre les sévices et les privations quitte à alerter les autorités médicales ou administratives compétentes pour les mineurs de 15 ans
  • L’article R. 4312 – 8 stipulant que le patient a le droit de s’adresser au professionnel de son choix et que l’infirmier ne doit pas s’y opposer.
  • L’article R.4312 – 10 imposant à l’infirmier la mise à jour et le perfectionnement de ses connaissances professionnelles. D’autre part, il ne doit pas utiliser de nouvelles technologies qui sont susceptibles de porter atteinte à l’état de santé du patient, ou susceptible de lui faire courir un risque pouvant être évité.
  • L’article R. 4312 – 11 qui affirme la nécessité de respecter les règles d’hygiène pendant les soins, la stérilité des matériels médicaux et la propreté des locaux. Les déchets liquides et solides doivent être éliminés
  • L’article R. 4312 – 17 affirme que l’infirmier ne doit pas exploiter sa situation professionnelle pour tenter d’obtenir un avantage ou du profit pour lui-même ou pour ses proches.
  • L’article R. 4312 – 25 affirme que l’infirmier doit prodiguer ses soins de manière égale à toutes les personnes peu importe ses sentiments envers le patient, l’origine de ce dernier, son sexe, son âge, son appartenance ethnique, religieuse ou son appartenance à une nationalité, ses mœurs, sa situation familiale, sa maladie, son handicap et sa réputation
  • L’article R 4312 – 26 stipule que l’infirmier doit agir uniquement en fonction de l’intérêt du patient.
  • L’article R. 4312 – 32 affirme que l’infirmier doit informer le patient ou son représentant légal les moyens ou les techniques qui sont exploitées pour le soigner si ces derniers le demandent[16].
  1. Méthodologie

Après avoir survolé les généralités concernant l’activité occupationnelle et son utilisation dans la médecine psychiatrique, nous avons pu montrer les différents courants de pensées en ce qui concerne cette pratique. Maintenant, nous devons vérifier les théories découlant de ces différents écrits par une étude empirique.

Pour ce faire, nous avons couplé deux méthodes. Dans un premier temps, nous avons fait une étude quantitative qui a pour support l’entretien. Cette enquête est effectuée au niveau des professionnels de santé. Cette démarche a été entreprise afin de connaître les représentations de ces activités occupationnelles par les soignants.

Dans un deuxième temps, nous avons essayé d’évaluer de manière objective les impacts de l’activité occupationnelle pour le patient. Afin d’atteindre cet objectif, nous allons étudier certaines expériences professionnelles concernant les soins occupationnels. Cette démarche permet de connaître si effectivement les activités occupationnelles sont bien efficaces et de connaître par conséquent si la pratique de cette activité puisse encore être rentable.

  1. Exploitation du questionnaire et commentaires

Nous cherchons à recueillir les réactions des professionnels de santé dans le domaine. Pour faire notre enquête, nous avons élaboré un questionnaire envoyé aux professionnels de santé.

Etant donné que l’activité occupationnelle englobe des pratiques très vastes, il nous a paru plus pertinent d’enquêter sur le vécu du professionnel dans le domaine de son activité. Les professionnels de santé étaient aussi questionnés en ce qui concerne le fonctionnement des activités occupationnelles au sein de leur établissement, et le rôle qu’ils tiennent dans les hôpitaux et des difficultés qui peuvent être rencontrés dans la mise en place de l’activité occupationnelle.

  • Le dépouillement

375 questionnaires ont été distribués et pourtant, 110 seulement ont été retournés à l’expéditeur. La répartition de ces réponses en fonction des établissements de soins sont les suivants :

  • Un établissement psychiatrique privé en Isère, près de Grenoble a renvoyé 18 réponses
  • Un CHS à Lyon (69) a permis de collecter 44 réponses
  • Une clinique psychiatrique privée à Lyon (69) a donné 7 réponses
  • Un CHS à Ajaccio (2A) a permis d’obtenir 34 réponses
  • Un centre psychothérapique privé au Nord d’Isère (38) avec 7 réponses
  • Les restrictions

Par la suite, nous avons analysé une problématique découlant d’une situation professionnelle déterminée qu’est l’ergothérapie occupationnelle en service de psychiatrie. Cette démarche nous a permis de construire un cadre de formations dans lequel chaque soignant pouvait se retrouver.

  • L’exploitation des données
  • Composition de la population étudiée

Figure 1: Répartition des infirmiers en psychiatrie en fonction de leur année d’obtention du diplôme

Nous avons cherché à comprendre les différentes influences de l’année d’obtention du diplôme des infirmiers qui ont été enquêtés dans le but de connaître si les écarts entre les différentes lois et les pratiques de leur époque d’obtention du diplôme et de la situation actuelle pouvaient impacter sur la prise en charge des patients admis en soins psychiatriques. Nous voyons sur cette figure que la plus importante part est représenté par les infirmiers ayant obtenu leur qualification depuis 10 à 15 ans (35%), suivie par celles des infirmiers ayant obtenu leur diplôme il y a 15 à 20 ans (30%) et enfin, les infirmiers ayant obtenu leur diplôme depuis plus de 20 ans (20%). La plus faible part est représentée par ceux qui ont obtenu leur diplôme depuis plus de 30 ans.

Nous pourrions supposer alors que les personnes ayant été enquêtées ont été formées dans des cadres législatifs et des besoins différents de ceux qui sont rencontrés par les personnes qui ont obtenu leur diplôme récemment. Cependant, elles présenteraient des acquis professionnels solides qui leur permettraient de faire face aux différentes situations complexes auxquelles elles pourraient être confrontées. Dans cette optique, elles auraient rencontrées plus de situations professionnelles qui leur permettent d’agir et d’adopter une posture adaptée par rapport aux infirmiers qui ont été diplômés récemment.

Etant donné que les parcours professionnels peuvent varier d’un individu à un autre, nous avons tenu à connaître le nombre d’années d’exercice de l’infirmier répondant en service psychiatrie. Le diplôme peut en effet être obtenu  sans que l’individu n’ait exercé au sein de ce service. Ceci est représenté sur la figure suivante :

Figure 2 : Répartition des infirmiers en fonction de leurs années d’expérience en service psychiatrie

Sur cette figure, nous pouvons voir que les répondants dans la grande majorité des cas (50% à 53% des cas), possèdent plus de 10 ans d’expérience en psychiatrie. Les personnes ayant entre 5 et 10 ans d’expérience dans ce service représentent entre 30% et 32% des enquêtées. Les personnes qui ne sont intégrés au sein du service que depuis moins de 1 an ne constituent que 5% des personnes enquêtées.

Ceci nous permet de dire que les personnes que nous avons interrogées sont des personnes qui ont toutes comme nous l’avons supposé, de l’expérience professionnelle assez solide dans le domaine de la psychiatrie mais qui, par contre, pourraient être tentées de se focaliser sur les pratiques adoptées auparavant et de négliger les nouveaux apports de la technologie et des recherches actuelles. Par ailleurs, la formation des infirmiers ayant été diplômés  il y a dix ans et plus est différente par rapport à celle qui est proposée aux infirmiers actuellement. Ainsi, nous devons tenir compte de ces écarts dans les réponses qui suivent puisque la formation et les différents contextes de transmission de compétences par les anciennes générations est différents de celles de générations actuelles et influencent de ce fait, leur perception et leur manière d’appréhender la situation.

  • Représentation du mot ergothérapie pour les infirmiers

Nous avons supposé que la perception de la notion d’ergothérapie pouvait influencer sa pratique par les infirmiers du service psychiatrique. C’est la raison pour laquelle, nous avons recensé les différentes représentations (occupation, loisir, éducation, animation) de ce terme pour les infirmiers. Leurs réponses sont synthétisées sur la figure suivante :

Figure 3 : Représentation de l’ergothérapie pour les infirmiers enquêtés

Nous pouvons constater à partir de cette figure que dans 60% des cas, l’ergothérapie est assimilée à une activité occupationnelle ou à une animation. 31% des infirmiers l’assimilent à l’éducation des patients et 3% uniquement la considèrent comme étant un loisir. Nous tenons à remarquer cependant, que pour les répondants, l’ergothérapie ne fait pas allusion au travail, ce qui entre en contradiction avec la définition que nous avons fait de la notion dans la première partie de notre étude.

  • Application de l’ergothérapie dans le domaine psychiatrique

Figure 4 : Proportion d’infirmiers pratiquant l’ergothérapie dans le service psychiatrique

98% des enquêtés affirment pratiquer l’ergothérapie au sein de leur service. Etant donné la différence entre la perception des soignants et la définition que nous avons proposée au début de notre étude, il nous paraît utile de montrer les différentes formes et les applications de l’ergothérapie par les répondants.

  • Démarche « d’ergothérapie » selon les infirmiers du service psychiatrique

Figure 5 : Différentes démarches « d’ergothérapie »affirmée par les infirmiers du service psychiatrique, sur les 98% de réponses positives

Sur cette figure, nous pouvons constater que les infirmiers ont plusieurs manières de pratiquer « l’ergothérapie ». Mais dans tous les cas, cette notion est assimilée à un recueil de données concernant le patient. 80% des répondants affirment que l’ergothérapie correspond au fait de faire le point sur les capacités du patient. 60% des infirmiers estiment que cette technique consiste à faire des activités en fonction des initiatives des patients et 20% d’entre eux jugent que cette technique correspond à la prescription médicale. 1% l’assimilent au projet de service et 1% pensent qu’il s’agit d’un projet individualisé pour le patient.

Ceci nous permet de dire que la pratique de l’ergothérapie dans son sens exact n’est pas fréquente dans le domaine psychiatrique. Par ailleurs, l’ergothérapie n’est pas assimilée à un projet de service ou à un projet individualisé pour chaque patient, mais est plutôt perçue comme étant une meilleure connaissance du patient.

Figure 6 : Les différentes formes d’ergothérapie pratiquées par les infirmiers du service psychiatrique

La forme d’ergothérapie que nous avons le plus rencontrée dans les services psychiatriques est l’art thérapie englobant les activités de bricolage, de collage, de peinture et de décoration. Elle représente 82% des cas. Elle est suivie par le sport qui représente 10% des cas et le reste (8%) rassemble les différentes activités réalisées dans la vie quotidienne.

Figure 7 : Fréquence de la pratique d’ergothérapie dans les services psychiatriques

L’ergothérapie n’est pas une activité quotidienne des soignés. Il existe même des services qui ne la pratiquent jamais (4%). Mais dans la plupart des cas, ces activités sont pratiquées une fois par semaine (47%). 37% des services la pratiquent occasionnellement et 12% l’adoptent une fois par mois. Ceci nous permet de dire que malgré une mauvaise représentation de la notion même d’ergothérapie, les soignants dans les services psychiatriques l’adoptent sans en avoir connaissance. Et cette pratique se fait généralement d’une manière fréquente.

Nous allons maintenant considérer le temps alloué à ce genre d’activité sur la figure suivante

Figure 8 : Durée des séances d’ergothérapie

Dans 92% des cas, l’ergothérapie prend plus d’une heure et dans 7% des cas seulement, elle ne nécessite que moins d’une heure. Ceci nous permet de dire que non seulement les pratiques d’ergothérapie est fréquente dans les services psychiatriques mais il démontre entre autre que lorsqu’elle existe, le temps qui lui est consacré est assez long.

Figure 9 : Temps alloué par l’infirmier pour l’ergothérapie sur ses 35 heures de travail hebdomadaire

Pour la plupart des soignants (71%), entre 1 heure et 5 heures parmi les 35 heures de travail hebdomadaire sont allouées à l’ergothérapie. 4% parmi eux consacrent moins d’une heure sur les 35 heures de travail hebdomadaire pour l’ergothérapie et 25% ne se prononcent pas.  Pour la grande majorité des cas, le bilan des séances ne se fait pas d’une manière systématique. Elle demande une préparation et une organisation au préalable. Or, cette préparation nécessite du temps important qui sera pris sur les 35 heures hebdomadaires.

Au fil de notre enquête, nous avons pu établir entre autre que les infirmiers psychiatriques ayant obtenu leur diplôme avant 1995 pratiquent beaucoup plus l’ergothérapie par rapport à la jeune génération. En effet, les jeunes diplômés se concentrent beaucoup plus sur des activités purement curatives ou des activités de maintenance qui sont essentiellement dispensées suite à une prescription médicale.

Dans le cadre de l’organisation de ces différentes activités, il a été constaté que les infirmiers rencontrent plusieurs obstacles. Dans la plupart des cas, ce sont les moyens financiers, les locaux qui manquent et empêchent ou limitent la réalisation de ces activités. Mais d’autres infirmiers se plaignent de manquer de temps ou de ne pas posséder la formation requise qui les permet d’attribuer cette activité aux patients.

En ce qui concerne la perception de l’ergothérapie comme étant occupationnelle ou thérapeutique, il a été observé que 90% des enquêtés pensent que l’ergothérapie est une activité improvisée et s’impose de ce fait comme étant une activité occupationnelle. Cependant, ils estiment aussi qu’il s’agit aussi d’une activité thérapeutique puisqu’elle permet de structurer le patient, de développer le côté relationnel entre le soignant et le soigné et entre les soignés eux-mêmes. C’est une activité qui permet la socialisation de l’individu. Pour le soignant en particulier, ces séances constituent des outils privilégiés permettant d’avoir une meilleure connaissance globale du patient concernant essentiellement ses capacités physiques et intellectuelles.

Figure 10 : Perception de l’ergothérapie comme étant une activité individuelle ou collective selon les infirmiers psychiatriques

92% des enquêtés pensent que l’ergothérapie est une activité individuelle réalisée par le soignant qui conduit l’activité en question. 1% parmi eux pensent qu’il s’agit d’un travail collectif donc fait en équipe. 7% ne se prononcent pas.

  • Le bilan général

A travers cette enquête, nous avons pu déceler que les infirmiers surtout ceux qui ont obtenu leur diplôme depuis 10 ans et plus et qui disposent d’une certaine expérience professionnelle, pratiquent l’ergothérapie qui est assimilée dans ce cadre comme étant une activité occupationnelle ou une activité d’animation. Dans ce cadre, l’activité est pour la grande majorité des cas individuelle pour permettre une bonne connaissance du patient et l’établissement d’une bonne relation entre le soignant et le soigné. Cette activité demande un certain investissement de la part du soignant notamment, pour la préparation de la séance.

L’art thérapie est l’activité la plus prisée dans le service psychiatrie. Certes, il s’agit d’une activité principalement occupationnelle mais le soignant doit aussi considérer le côté thérapeutique qui va lui permettre d’aider le malade. Dans cette optique, l’occupationnel pourrait devenir thérapeutique si à court terme, l’activité est pratiquée tous les jours sur une plage horaire suffisante. Elle pourrait aussi devenir thérapeutique si le patient participe activement. Nous avons établi en effet, que l’ergothérapie est pratiquée une fois par semaine et pendant une durée de plus d’une heure. A notre avis, cette fréquence n’est pas suffisante à court terme, ce qui nécessite une pratique quotidienne et la motivation du patient à accomplir cette activité. Cependant, pour que le patient y parvienne, le soignant doit s’investir profondément dans l’accompagnement de celui-ci dès leur admission au sein du service psychiatrique.

A moyen terme, il est possible de faire valoir les compétences des participants en interne et en externe. Certes, le patient peut ressentir un accomplissement personnel dans la réalisation du travail mais nous pensons qu’il serait plus motivé à développer ses talents si les produits de ses efforts sont valorisés. Dans ce cadre, nous supposons, que l’état de santé du patient pourrait s’améliorer puisque son activité lui permet d’avoir une certaine identité au niveau de la société qui ne se réduit plus uniquement à l’établissement de santé, mais aussi à d’autres horizons.

Certes, les démarches pour accompagner les patients s’avèrent difficiles et demandent de ce fait beaucoup d’investissement de la part du soignant et pourtant, ces investissements doivent être particulièrement élevés pour les patients en difficulté. Leurs parcours doivent être matérialisés par l’établissement d’une feuille de suivi dans le Dossier de Soins Infirmiers (DSI).

A long terme, les soignants sont amenés à développer les notions d’auto-évaluation pour les patients, par le biais de la remédiation cognitive. La remédiation cognitive permet en effet, d’améliorer les performances cognitives de l’individu afin qu’il puisse réussir son insertion sociale et professionnelle. Cette technique a pour objectif de pallier aux troubles cognitifs tels que les troubles de la mémoire, la difficulté d’attention, les troubles au niveau des fonctions exécutives et de la cognition sociale qui empêchent les personnes souffrant de  psychoses chroniques à se prendre en charge et impactent de ce fait, négativement sur leur fonctionnement social.

La remédiation cognitive a pour objectif entre autre d’améliorer les compétences cognitives de l’individu au cours de séances. Mais les compétences qui sont réacquises par l’individu au cours de cette technique devraient être transférées à sa vie quotidienne. C’est la raison pour laquelle, cette technique de remédiation doit être couplée avec des outils de réhabilitation psychosociale ou la psychoéducation.  La remédiation cognitive pourrait constituer une technique efficace pour aider les patients présentant des troubles mentaux. Par ailleurs, son efficacité a été démontrée pour le traitement des malades atteints de schizophrénie (Vianin, 2013). Dans notre cas, nous avons envisagé d’utiliser des outils psycho-éducatifs d’entraînements aux habiletés sociales et de communications. A la fin, le soignant étudie les possibilités d’activités porteuses d’énergie et de vitalité pour chacun.

  1. Restitution d’activités et d’expériences occupationnelles en psychiatrie

Nous avons démontré les points de vue des soignants en ce qui concerne l’ergothérapie : leurs représentations de la notion, les différentes activités qu’ils font, la fréquence et la durée de ces activités, le temps qu’ils consacrent à la préparation de chaque séance. Maintenant, nous allons voir ce qui se passe du côté du patient. Afin de démontrer ce qu’est une activité d’ergothérapie occupationnelle, nous allons nous référer à quatre exemples individuels et collectifs, des types d’ateliers menés avec des patients psychotiques. L’atelier collectif consiste à préparer le carnaval tandis que les ateliers individuels se réfèrent à la culino-thérapie, à la sortie à l’extérieur de l’hôpital et à l’esthétisme. Après avoir exposé le déroulement de ces séances, nous allons en prouver les bienfaits.

  • Une activité collective : le carnaval

Après les fêtes de fin d’année et suite à la demande de certains patients qui ont déjà fait une expérience similaire quelques années auparavant, un projet de carnaval est né. La préparation de cette activité s’est étalé du 15 janvier jusqu’à la fin du mois de février. Elle a lieu chaque dimanche ou samedi après-midi et dure 2h 30. La préparation du carnaval s’est étalée sur cinq séances.

  • 1ère séance

Elle était consacrée au choix du thème et des décorations. Nous avons réfléchi sur les costumes possibles et le menu (repas ou goûter). Nous avons aussi pensé à l’organisation horaire et nous avons fixé une date. 11 personnes sur 17 ont participé à cette séance. Le thème choisi était les pays du monde. Chacun a mis sur papier le costume qu’il voudrait mettre pour le carnaval : cow- boy, indien, hindou, asiatique, espagnol, péruvien, etc. Chacun a aussi pensé au type de vêtement qu’il pourrait fournir pour la réussite du projet. Ensuite, des idées de décors ont été avancées avec l’idée de mettre en place différents drapeaux permettant d’illustrer le carnaval à travers le monde.

  • 2ème séance

Entre la première et la deuxième séance, deux personnes n’étaient plus hospitalisées. Ainsi, sept personnes dont cinq étaient issues de la première séance étaient venues participer. Cette séance était consacrée à la réalisation de la décoration. Pour ce faire, nous avons mis un atelier de peinture. Chacun choisit un pays et a peint le drapeau de ce pays afin de réaliser une fresque qui va faire le tour de la salle à manger qui sera en même temps le lieu de travail. Nous avons alors réalisé 110 drapeaux au cours des cinq séances. Pour améliorer le décor, deux participants lancent une recherche sur Internet afin de voir les différents carnavals à travers le monde. Les photos relatives à chaque manifestation sont ainsi enregistrées et une Map monde géante a été achetée pour montrer le lieu correspondant à chaque thème.

  • 3ème séance

Cette séance faisait suite à la précédente et se consacrait à la réalisation de décors. 5 personnes issues des séances initiales et deux autres hospitalisées récemment se sont intéressées à la séance. Nous avons poursuivi la peinture des drapeaux et avons confectionné des guirlandes multicolores pour décorer le plafond. Les patients ont entre autre réalisé des masques colorés pour décorer le mur. Mais nous avons constaté que certains patients ne pouvaient pas exécuter des gestes fins et ne pouvaient donc pas réaliser ces activités. Afin de les faire participer, nous avons instauré un atelier sarbacane et confettis. Le choix des costumes pour les 17 patients hospitalisés ont été déterminé lors de cette séance.

Chaque participant doit réfléchir à son costume et doit choisir un autre pour ceux qui ne participent pas. Aussi bien les infirmiers que les patients doivent amener les matériels de déguisement. Nous avons déterminé par ailleurs l’ordre du jour. Dans cette optique, nous avons déterminé que le jour du carnaval, il y aura

  • L’installation des décors, maquillage et habillage de chacun le matin.
  • Un repas à thème réalisé par deux patientes et une infirmière le midi. Ce repas est composé de taboulé (oriental), hamburger (Etats-Unis), frites (Belgique), tiramisu (Italien). Puis, il y aura un défilé de costumes et élection du plus beau d’entre eux avec remise de coupes et lâcher de ballons.
  • Bal masqué, goûter avec frappes et beignets confectionnés dans le service
  • 4ème séance

Elle était destinée à l’essayage des costumes et la finalisation de la préparation des décorations.

  • 5ème séance

Elle correspond au jour du carnaval. Les cinq patients de départ étaient présents et étaient toujours très impliqués. Ils ont mis en place le décor et ont réalisé le repas avec l’aide d’une infirmière et d’une ASH (Agent de Service Hospitalier).

Les cinq patients qui se sont investis dans chacune de ces séances sont des personnes psychotiques hospitalisées depuis longtemps dans l’unité de soin.  Pour parvenir à leur fin, elles ont dû faire preuve d’assiduité, de persévérance, de régularité, de respect du cadre, de respect des autres et des consignes qui étaient mis en place. A travers cette activité, elles ont pu libérer leurs émotions, et oublier leur maladie. Le jour du carnaval a constitué pour elles, des moments d’échanges, de calme, d’apaisement et d’instants exceptionnels. Cette activité collective les a permis entre autre de retrouver la confiance en eux-mêmes et aux autres, leur dignité en s’impliquant dans cette activité. C’est un autre moyen permettant de retrouver les différents processus de vie.

Il nous paraît utile de préciser dans le cadre de cette activité collective les bases de la réussite. Il s’agit notamment des engagements dans la durée, le respect du cadre, de l’autorité, des autres, et de la vie privée de chacun. Par ailleurs, les participants ont dû faire preuve de souplesse, d’adaptabilité de leur proposition en fonction de chaque situation.

Certes, le soignant a aidé le patient dans cette activité, mais elle a demandé beaucoup plus d’investissement de la part de l’individu. C’est la manifestation d’un engagement réciproque entre le soignant et le soigné. Le soignant a précisé en effet qu’il proposait son aide aux soignés mais étant donné qu’il s’agit de leur fête, les patients sont amenés à imaginer, à penser, et à réaliser ce qu’ils ont imaginé. De son côté, l’infirmier fournit son savoir-faire et les moyens permettant de réaliser les décors. Ceci évoque entre autre le partenariat entre les patients pour réussir le projet.

Bien que cette activité soit collective, l’aide proposé par les soignants a été personnalisé pendant les échanges. C’est une technique permettant d’améliorer l’estime de soi du patient et qui lui a permis de découvrir et de s’ouvrir à l’autre. Dans cette relation, l’engagement des deux parties était volontaire mais la notion de don de soi a été effacée puisque le soignant ne doit pas risquer de détruire le lien avec le patient par une création de dette.

A première vue, cette activité est occupationnelle mais elle a permis de construire de liens très forts et de la sérénité pour les participants. Pour la réussir, les soignants ont dû analyser les difficultés pour le patient à communiquer et à faire confiance à autrui. Bien qu’elle soit réalisée en groupe, il a été trouvé qu’elle a permis  à chaque participant de réapprendre le fonctionnement démocratique au sein d’une institution, d’une communauté.

  • Première activité individuelle : la culino-thérapie

La culino-thérapie a été régulièrement réalisée tout au long d’une année par une patiente de 57 ans, hospitalisée depuis 2001 en mode SPDT (soins psychiatrique sans consentement à la demande d’un tiers). Elle a été diagnostiquée sur un terrain de débilité à Paris en 1993. Elle fait des manipulations à travers son discours et ses attitudes et souffre également de troubles du comportement compulsif (syndrome de Diogène). Elle se positionne souvent en victime auprès des soignants et pense que tous ses malheurs proviennent d’autrui. La patiente s’intéresse particulièrement aux feuilletons télévisés, aux commérages inhérents à la vie du pavillon, et la cuisine. Elle aime en effet les bons repas. Mais elle ne se sent pas malade et refuse de reconnaître le côté pathologique de sa maladie. Elle pense que ce sont les autres qui la croient malade. Son ressenti de ce fait, est du type persécutif avec trouble de l’idéation et du cours de la pensée.

Quatorze séances ont eu lieu pendant une année tous les  dimanches et les jours fériés. A chaque séance, nous devions réaliser une recette qui peut être choisie par le patient ou par l’infirmier. Le patient doit réaliser un plat (entrée, dessert ou plat principal) pour 20 personnes qui correspond à l’effectif moyen du service.

L’enjeu pour le soignant était la conservation des praxies de la personne puisqu’elle a depuis longtemps séjourné à l’hôpital. Mais cette activité a été choisie par la patiente elle-même. Etant convaincue de sa capacité à s’autogérer et de pouvoir vivre à l’extérieur de l’établissement avec son compagnon, elle devait évaluer le plus concrètement possible ses difficultés, ses ressources, ses habiletés. Elle avait besoin d’exprimer son vécu et d’accepter l’idée qu’elle avait besoin d’aide, d’écoute et de mettre en mot ses difficultés et de dégager par la même occasion ses émotions latentes.

Quand nous nous sommes mises d’accord sur le plat à réaliser, nous avons déterminé le budget alloué à ce projet tout en veillant à s’adapter aux règlements du service en ce qui concerne le lieu et le moment de réalisation, le respect des normes d’hygiène, etc. La culino-thérapie nécessite à la fois, un cadre, du temps de préparation, du temps pour l’action, du temps pour le partage de résultats, du temps pour conclure et pour préparer la prochaine séance.

A travers cet atelier, nous avons travaillé sur la confrontation du patient à la réalité externe, la structuration et la valorisation des produits, le rapport du confectionneur et du consommateur au plaisir. La culino-thérapie a permis de développer le sens de la créativité, de communication, des aptitudes générales et des capacités cognitives du patient. La patiente a pu sortir en un an, un livret exposant l’ensemble des plats qu’elle a réalisés. Ce livret est individuel, nominatif. Il a été donné à la patiente afin qu’elle puisse la décorer et la compléter lors d’autres séances.

Mais pour réussir cet atelier, nous avons dû évaluer le risque. Le soignant a dû aussi émettre des hypothèses cliniques, de déterminer le rapport projectif et subjectif de l’acteur, l’orientation de ses actions, et l’efficience de ses actes. Ces séances permettent entre autre d’évaluer le patient.

  • Seconde activité individuelle : les sorties informelles du pavillon

Cette sortie a été réalisée avec une patiente, madame M. , âgée de 51 ans, de petite taille et de présentation générale négligée. Elle est dépendante au tabac, diabétique non insulinodépendante. Elle ne fournit pas beaucoup d’énergie et ne se présente pas toujours au repas, ce qui fait qu’elle soit souvent en état d’incurie. La patiente est diagnostiquée  oligophrène c’est-à-dire qu’elle présente une faiblesse d’esprit l’empêchant d’acquérir son autonomie et de s’adapter socialement[17]. Ses premières troubles sont apparues à l’âge de 20 ans. Elle aurait alors été classée comme schizophrène simple avec évolution lente, sur un niveau limité, débutée par une période hallucinatoire de type psychédélique c’est-à-dire provoquée par l’absorption d’hallucinogènes[18].

Elle est hospitalisée depuis 2008 en SPDT avant d’être admise en Hospitalisation Libre (HL). N’ayant pas de famille, elle se plaint de l’isolement, de l’enfermement et du manque de contact avec l’extérieur. Elle a manifesté cependant son souhait de pouvoir sortir faire ses courses, d’aller manger un repas qu’elle aura choisi et de retrouver une vie semi-normale.

Pour répondre à ses aspirations, nous avons décidé de mettre en place un programme de  sorties progressives, à types occupationnelles puisqu’elles se basent sur la recherche de plaisir pour la patiente. En même temps, nous cherchons à faire prendre conscience à la patiente la nécessité de prendre soin de son aspect physique (peut-elle sortir si son apparence est négligée ?). Elle doit aussi veiller à prendre en charge son traitement puisqu’une personne ne peut pas sortir si elle n’a pas pris son petit- déjeuner puisqu’elle risque de faire un malaise à cause de son diabète. Enfin, la patiente a été conscientisée sur son avenir (peut-elle retourner vivre avec son ancien compagnon même si elle entretenait avec lui des relations téléphoniques ?) Nous avons établi un contrat moral par rapport à l’incurie, et avons considéré le respect des règles de vie en collectivité et la bonne observance du traitement.

Trois sorties ont été effectuées pendant un mois et demi. La première a été faite à l’occasion d’une foire à Ajaccio, pendant 4 heures. La seconde a duré six heures et a compris un repas au restaurant. Ceci a permis de confronter la patiente à la population et à la réalité et par la suite, nous nous sommes rendus dans une grande surface pour faire les courses. La troisième sortie consistait à retourner dans son ancien lieu de vie pour rencontrer son compagnon qui est devenu plus un ami qu’un compagnon étant donné les circonstances de son hospitalisation qui a causé leur rupture. Cette journée a été la plus longue puisque le trajet aller-retour prenait 5 heures.

Les sorties sont des activités pragmatiques mais aussi relationnelles. Elles permettent de réapprendre certaines compétences défaillantes de la patiente. Elles ont permis de faire intervenir le fonctionnement globale de la patiente à travers :

  • Sa cognition : mémoire, orientation, discours, concentration, attention, organisation du temps, opération de calcul du budget, la volonté, les capacités décisionnelles, capacités à faire ou redécouvrir les apprentissages
  • La dimension motrice corporelle : contrôle de soi, contrôle gestuel, spontanéité, liberté, indépendance, coordination, capacités à se détendre, capacité à prendre du plaisir
  • La dimension sociale relationnelle : qualité du contact, rôle et intégration, présentation, savoir-faire relationnel
  • La dimension affective : thymie (humeur)[19], abattement, découragement, lassitude, estime de soi, confiance, désir, intérêt
  • L’engagement mutuel entre la patiente et les soignants. Cette activité l’impliquait totalement comme partenaire et actrice de son propre soin. La patiente a désormais pris conscience qu’elle peut entreprendre des actions et elle a pu avec les soignants définir de manière claire les intentions de chaque partie.
  • Troisième activité individuelle : Séance d’esthétisme

Bien qu’elle soit organisée dans le pavillon, cette activité ne s’est jamais inscrite dans un cadre précis et ne répond pas à des objectifs clairs. Elle a été réalisée par  une patiente de 22 ans, d’origine étrangère et arrivée en France à l’âge de 7 ans. Elle a été élevée dans sa prime enfance par ses grands-parents au Portugal. La patiente est souvent en état d’incurie et présente une obésité. Elle  présente une forte instabilité émotionnelle, une mégalomanie, et une érotomanie ponctuée de phases dépressive ou maniaques.

Avant sa majorité, elle a été hospitalisée en pavillon d’enfants pour actes de violence à l’école, pour fugues multiples. Son hospitalisation a été faite à la demande de la justice, de la cellule familiale et notamment, par sa mère qui se trouve dans l’incapacité de lui procurer le confort matériel et psychologique dont elle avait besoin. Son passage en secteur adulte est marqué par l’augmentation de ses hospitalisations parfois en mode obligatoire, souvent de courte durée. Elle fait souvent aussi des fugues alors qu’elle ne possède pas de lieu de vie auquel se raccrocher.

Etant donné qu’elle soit jeune, elle s’est particulièrement intéressée à la mode, aux bijoux, et au maquillage. Elle est toujours venue participer sans sollicitations particulière dans cette activité. Des échanges fructueux se sont alors mis en place. Nous avons déterminé les objectifs des soins. Sa maladie n’empêche pas la patiente de mobiliser ses ressources et ses capacités à progresser. Le fait de s’organiser, de s’occuper d’elle pourraient la motiver pendant des moments qui peuvent parfois apparaître comme étant futiles,  à entreprendre une activité qui la satisfasse. Mais cette activité lui permet entre autre, d’améliorer l’image qu’elle renvoie aux autres.

L’expression catharsis est une forme d’auto thérapie constaté dans ce type d’atelier. La catharsis correspond à une « méthode thérapeutique qui vise à obtenir une situation de crise émotionnelle telle que cette manifestation critique provoque une solution du problème que la crise met en scène »[20]. Cette notion renvoie à la purification des affects d’une personne hystérique suite à une hypnose. En effet, il est admis que l’hystérie de l’individu résulte du fait que ces affects soient cachés et provoquent des scènes entraînant l’hystérie. Un travail d’identification entamée par l’individu lui permet,  à travers des passions exprimées dans une fiction imaginée par le patient, de se faire purifier par la catharsis (D’Eau et Haddad, 2011).

La proposition de moments de détente, de plaisir permet d’éduquer d’une manière informelle la patiente en ce qui concerne son hygiène. Elle la pousse à réinvestir sur ses activités habituelles de vie et  lui donne un support qui lui permet de progresser dans ses praxies. La stratégie clinique élaborée par rapport au vécu psychotique de la patiente a été  de permettre une liberté d’expression. Elle cherche l’alliance en parlant de représentation rassurante. La patiente prend conscience en effet qu’elle est une personne et qu’elle doit prendre soin d’elle-même à travers le maquillage. Cette activité permet entre autre d’intégrer l’individu dans son environnement symbolique et réel. Les séances d’esthétique en effet, permettent à l’individu de faire ses propres projections et de percevoir ses peurs.

Au fur et à mesure de l’avancement des séances, la patiente qui se caractérisait par son agression verbale s’est améliorée progressivement. Ainsi, il n’y avait plus de confrontation entre le soignant et le soigné, ni une tentative de fuite de la part de celle-ci. La patiente a pu entre autre adopter une attitude d’expression. Elle peut comprendre ce que la séance lui a apporté, ce qu’elle a pu entendre, ce qui a pu ne pas lui convenir. La séance lui a permis d’obtenir une attention, une reconnaissance et de renforcer aussi son estime de soi. Cela lui permet de lutter contre ses conflits internes, et de  faire face aux vexations vécues antérieurement par le biais de la blessure narcissique et de lutter contre le sentiment d’indifférence.

L’activité a permis de faire sortir toutes les émotions humaines : colère, tristesse, peur, joie, etc. Elle a permis aussi à la patiente d’extérioriser les situations traumatisantes personnelles qu’elle a subies notamment, sa déception, sa sensation d’être victime, sa perte de l’estime de soi qui se sont accumulées au fil du temps et a entraîné l’agressivité à l’endroit de l’institution, du soignant qui la représente, de sa famille qui l’a abandonnée, et à l’endroit de la société en général. La séance d’esthétisme lui a permis de réfléchir à sa propre situation.

Les apports des différentes activités que nous venons d’exposer sont synthétisés dans le tableau suivant :

Tableau 1 : Impacts des activités ergothérapiques sur les patients souffrant de troubles mentaux

Activités Type Ressources mobilisées Impacts sur l’état de santé du patient Impacts sur la socialisation du patient
Carnaval Activité collective Assiduité

Persévérance

Régularité

Respect des autres, des consignes, du cadre

Engagement

Adaptabilité

Flexibilité

Partage

Imagination

Disponibilité

Amélioration de l’estime de soi

Développement de la créativité

Amélioration des compétences cognitives

Découverte de l’altérité

Optimisation des échanges avec autrui

Partenariat entre patients et soignants

Culino-thérapie Activité individuelle Disponibilité

Partage

Aptitudes générales du patient

Compétences cognitives

Créativité

Sens de l’évaluation

Acceptation par la patiente du fait qu’elle ne peut pas se gérer seule

Evaluation de ses difficultés

Evaluation de ses ressources

Expression de son vécu

Evacuation des émotions latentes

Optimisation de la capacité à évaluer ses actes et son état de santé

Partage avec le soignant ou le consommateur ce qui implique une meilleure ouverture aux autres

Sortie Activité individuelle Analyse de l’image que le patient renvoie aux autres

Respect des normes d’hygiènes en société

Respect des autres

Analyse de la situation

Maîtrise de soi

Capacité décisionnelle

Aptitude à gérer son budget et son temps

Disponibilité

La patiente fait plus attention à son apparence extérieure

Respect des normes d’hygiène et de mode de vie (alimentation, observance)

Amélioration de la cognition

Amélioration des fonctions motrices c’est-à-dire contrôle des gestes, coordination des différentes fonctions, etc.

Amélioration de l’estime de soi

Engagement dans chacune des décisions

Détente

Plaisir

Optimisation de la socialisation par le contact direct avec le monde extérieur

Amélioration de la capacité de l’individu à faire face aux difficultés pouvant être rencontrés dans le monde extérieur

Découverte de nouveaux horizons

Esthétisme Activité individuelle Créativité

Capacité à se projeter dans son environnement

Capacité à communiquer, à s’exprimer

Disponibilité

Meilleure estime de soi

Satisfaction

Détente

Plaisir

Investissement dans les activités quotidiennes

Liberté d’expression

Diminution de l’agressivité

Amélioration de l’image qu’elle donne aux autres

 

A travers ces quatre exemples, nous pouvons constater que l’ergothérapie ne conduit pas uniquement à l’amélioration de l’état général du patient et de ses aptitudes, mais permet entre autre d’optimiser l’insertion de l’individu au sein de la société. Dans trois cas sur quatre, nous avons montré que l’ergothérapie permet d’améliorer la créativité de l’individu. Ceci permet de le satisfaire et de le motiver et en même temps, à prendre soin de l’image qu’il donne aux autres, à apprendre à se contrôler et à respecter les règles.

Dans la plupart des cas, nous pouvons constater que l’état de santé des patients s’est amélioré parce que l’activité leur procure du plaisir et qu’ils se trouvent par conséquent, absorbés dans cette activité. Or, cet « oubli » leur permet aussi d’oublier leur maladie. Ceci a été constaté notamment pour le cas du carnaval, de la sortie. Mais pour la culino-thérapie, l’activité a conduit à une autoévaluation de la patiente et sa réalisation de ses vulnérabilités, de son incapacité à se gérer.

A partir de ces différentes constatations, nous pouvons déduire que les activités occupationnelles peuvent devenir thérapeutiques si elles s’inscrivent dans une démarche collective dans laquelle, le patient attend un retour, ou une restitution profitable. Elle peut devenir thérapeutique si le soignant est apte à s’interroger sur les dires du patient et ce qu’il a restitué. Par ailleurs, les activités occupationnelles peuvent aussi devenir thérapeutiques si le soignant se focalise sur les habiletés, le cognitif notamment la concentration, et le symbolique c’est-à-dire, l’interprétation du patient. Nous avons vu que dans les trois cas d’activité individuelle, les individus présentaient des réticences au début mais le soignant a su déceler ce qui les motive, ce qui leur fait plaisir et qui pourrait susciter alors leurs intérêts. Si cette condition est remplie, alors les patients s’investissent et peuvent de ce fait, améliorer leur état de santé.

Il faut noter entre autre le plaisir que les patients ont éprouvé à travers ces différentes activités. Ceci pourrait constituer une récompense ou une motivation pour le patient à s’investir pour réaliser une activité et pour atteindre l’objectif qui a été initialement fixé. Dans les activités occupationnelles, le désir constitue aussi une base permettant d’attirer l’attention de l’individu.

Pour le soignant dans une unité psychiatrique, l’occupationnel devient thérapeutique quand il s’investit dans l’accompagnement de l’individu. Nous avons montré que le soignant guide, oriente l’activité, mais ce sont surtout les patients qui réalisent la plupart du travail. Ils imaginent, analysent leurs ressources et mettent en œuvre l’action. Il est nécessaire donc, que le soignant croie au potentiel du patient. Ceci permet aussi de renforcer les relations entre le soignant et le soigné ce qui implique l’ouverture d’espaces transitionnels dans lequel, le respect de la réalité environnementale est respectée.

  • Cadre conceptuel

Occupationnel et thérapeutique ?

La distinction entre les activités occupationnelles et les activités thérapeutiques a toujours été un sujet à controverse. La raison à cette controverse réside sur le fait qu’en tant que soignant les activités ne doivent pas se limiter à occuper l’esprit des malades mentaux, mais par-dessus tout, doivent veiller à soigner le malade. L’occupationnel ne peut donc pas être thérapeutique puisqu’une activité thérapeutique est considérée comme étant un soin. La thérapeutique mobilise des ressources tandis que l’occupationnel relève plus de la distraction de l’individu. Cependant, ce qui est occupationnel peut parfois devenir thérapeutique. Ainsi, le décret du 17 juillet 1984, article 3,  met l’accent sur le rôle propre de l’infirmier consistant à établir une relation d’aide thérapeutique et l’organisation d’activités occupationnelles à visées thérapeutiques. Puis, à partir de l’année 1993, l’acception d’activités comme étant occupationnel a été abandonnée pour faire place à une nouvelle acception : activités à visée sociothérapique (Vialaret, 2012).

Dans les quatre exemples que nous avons montré, nous avons exposé le fait que l’activité au début peut très bien viser la seule satisfaction, la recherche du plaisir et pourrait de ce fait être considérée comme étant de simples distractions, des activités occupationnelles. Et pourtant, lors de notre synthèse, nous avons pu établir que loin d’être de simples jeux, les impacts de ces activités sur les diverses fonctions de l’individu étaient notables. Ils impactaient sur leur cognition, sur leur fonctions motrices, sur leur capacité d’analyse. Par ailleurs, ils influençaient aussi positivement les processus de socialisation de l’individu. Dans ce cadre, nous pourrions assimiler ces activités à des activités occupationnelles mais ayant des objectifs sociothérapiques.

Mais dans cette démarche la question qui se pose est le rôle du travail dans l’ergothérapie. Nous avons démontré dans notre analyse que l’ergothérapie n’est pas considérée par les soignants comme étant du travail, mais plutôt comme une activité d’animation ou d’occupation des patients. Alors qu’est-ce que l’ergothérapie ? S’agit-il d’une démarche de désaliénation puisque le patient devient acteur dynamique de l’évolution de son état ? Quelle est la place de l’activité pour le patient et pour le soignant ?

Dans ce cadre, l’activité constitue pour les ergothérapeutes, un moyen thérapeutique permettant de faire l’évaluation des capacités et des compétences du patient en psychiatrie. Elle est thérapeutique dans la mesure où la bonne connaissance de l’individu permet au soignant de l’adapter à son environnement social. L’activité entreprise avec le patient doit répondre à des objectifs précis et doit permettre de cerner les points à retravailler avec le patient.

L’activité est thérapeutique si elle intègre un  objectif permettant de confronter le patient à la réalité. Elle constitue l’interface entre le patient et son environnement et aide le patient à trouver des repères sur lui et sur son environnement. Cette démarche n’aboutit pas à une meilleure connaissance de soi-même et de son environnement par le patient, mais surtout l’aide à surmonter les difficultés pouvant être rencontrés.

L’activité engendre tous ces bienfaits mais elle correspond uniquement à un outil de l’ergothérapie. Dans cette optique, l’outil ne peut pas devenir thérapeutique à moins qu’elle n’intègre certaines conditions. Ainsi, l’activité possède une valeur thérapeutique lorsqu’elle met en relation le soignant et le soigné et entre les soignants et entre les soignés. L’activité se trouve en effet à la base de ces différentes relations qui influent sur l’environnement du malade. En d’autres termes, l’activité occupationnelle, pour devenir thérapeutique, doit comporter une valeur thérapeutique. Il faut noter cependant que l’activité ne peut devenir thérapeutique que lorsque le patient y accorde de l’intérêt. La motivation constitue une ressource permettant au patient de s’investir dans l’activité[21].

Conclusion

A l’issue de cette recherche, nous pouvons constater que l’ergothérapie tient un rôle important dans le rétablissement des personnes présentant des troubles mentaux, ainsi qu’à leur processus de socialisation. Les activités qui sont entreprises à cet effet, ne constituent pas de simples distractions, animations ou occupations, mais jouent aussi un rôle dans l’amélioration de l’état du patient. L’activité est le médiateur ente le patient et son environnement, et un outil de l’ergothérapie qui ne peut devenir thérapeutique à moins qu’elle ne permette de tisser des liens privilégiés entre le patient et le soignant, et qu’elle n’arrive à susciter l’engagement et l’intérêt des deux parties.

Le soignant doit être en mesure de discerner les centres d’intérêt du patient et de lui trouver une activité adapté, tenant compte de ses habiletés et de ses compétences mais aussi de ses représentations symboliques. Le soignant est amené dans ce cadre à se référer à données cliniques résultantes d’observations structurées. Les antécédents des décisions prises par le soignant et les conséquences de ces dernières sur le patient doivent être analysés.

Cette étude permet aux soignants qui exercent en service psychiatrique, de trouver un autre moyen permettant d’améliorer l’état général du patient. A travers les analyses cliniques, le soignant peut aisément adapter les soins aux besoins réels du patient. Mais cette étude permet entre autre d’envisager la collaboration des infirmiers en psychiatrie à évoluer et à coopérer avec d’autres corps de métiers médicaux et paramédicaux. L’enjeu de la réussite de l’ergothérapie repose donc sur la capacité du soignant à tenir compte des spécificités du patient, de la maîtrise des outils, mais aussi, de la formation continue des soignants. Les infirmiers pourraient améliorer leur prise en charge par le biais de la formation continue et les méthodes rationnelles de fonctionnement permettant d’améliorer les conditions d’hospitalisation et de travail.

Dans cette étude, nous avons exposé les perceptions des infirmiers en psychiatrie et nous avons mis en évidence les différentes activités occupationnelles et leurs impacts positifs sur le patient. Toutefois, nous n’avons pas pu dégager de manière concrète les différentes démarches permettant de rendre ces activités plus thérapeutiques. Nous avons entre autre avancé des hypothèses en ce qui concerne les conditions qui permettent de passer au stade de l’occupationnel vers le thérapeutique. Cependant, ces hypothèses restent généralisées, alors que la prise en charge des patients en service psychiatrique est individuelle. Ceci ouvre la voie à de nouvelles perspectives fondées sur les facteurs conditionnant le passage de l’occupationnel vers le thérapeutique. Nous avons affirmé entre autre que la réussite des activités occupationnelles résidait sur la capacité de l’infirmier à discerner le centre d’intérêt du patient, ce qui n’est pas une entreprise facile. Dans ce cadre, nous pourrions mener une étude dans le but de déceler les différents éléments d’évaluation du patient et qui permettent de cibler ses centres d’intérêts.

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[1] Les chiffres de la santé mentale 2012, http://www.bicycle-asso.org/informations/MaladieMentale.php consulté le 15 janvier 2014

[2]http://www.cnrtl.fr/lexicographie/acte, consulté le 11 janvier 2014

[3]http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/activit%C3%A9/947 consulté le 11  janvier 2014

[4]http://www.cnrtl.fr/definition/activit%C3%A9 consulté le 11 janvier 2014

[5]http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/soin/73236, consulté le 11 janvier 2014

[6]http://www.cnrtl.fr/definition/occuper consulté le 11 janvier 2014

[7]http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/occupation/55508 consulté le 12 janvier 2014

[8]http://www.cnrtl.fr/definition/occupation consulté le 12 janvier 2014.

[9] ANDREOLI J, (2000), Dépasser l’occupationnel pour que l’acte devienne thérapeutique, DEE, Institut de formation en ergothérapie de Rennes, http://www.jp.guihard.net/IMG/pdf/occupationnel.pdf, consulté le 12 janvier 2014.

 

[10] Historique de l’ergothérapie, http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2013/07/4.rapport-Th%C3%A9rapies-compl%C3%A9mentaires1.pdf consulté le 12 janvier 2014.

[11] ANDREOLI J, (2000), Dépasser l’occupationnel pour que l’acte devienne thérapeutique, DEE, Institut de formation en ergothérapie de Rennes, http://www.jp.guihard.net/IMG/pdf/occupationnel.pdf, consulté le 12 janvier 2014.

[12]  Historique de l’ergothérapie, http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2013/07/4.rapport-Th%C3%A9rapies-compl%C3%A9mentaires1.pdf consulté le 12 janvier 2014.

 

[13] ANDREOLI J, (2000), Dépasser l’occupationnel pour que l’acte devienne thérapeutique, DEE, Institut de formation en ergothérapie de Rennes, http://www.jp.guihard.net/IMG/pdf/occupationnel.pdf, consulté le 12 janvier 2014.

[14] La réforme de la loi relative aux soins psychiatriques, http://www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques.html, consulté le 12 janvier 2014.

[15]http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf//jopdf/2011/0706/joe_20110706_0001.pdf?ref=1389546278486, consulté le 12 janvier 2014.

[16] Décret n° 2004 – 802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V : Annexe, http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/decret-nd-2004-802-du-29-juillet-2004-relatif-aux-parties-iv-et-v-annexe.html

[17] Oligophrénie, http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/oligophrenie consulté le 14 janvier 2014

[18] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/psych%C3%A9d%C3%A9lique/64810 consulté le 14 janvier 2014.

[19] http://www.cnrtl.fr/definition/thymie consulté le 14 janvier 2014

[20] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/catharsis/13791 consulté le 14 janvier 2014

[21] ANDREOLI J,  (2000), Dépasser l’occupationnel pour que l’acte devienne thérapeutique, DEE, Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes, http://www.jp.guihard.net/IMG/pdf/occupationnel.pdf consulté le 14 janvier 2014.

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