docudoo

Mémoire portant sur la Philanthropie.

Table des matières

INTRODUCTION 2

PARTIE I : Nouvelle Philanthropie 4

Chapitre 1 : Le phénomène de la « Nouvelle Philanthropie » et profil du philanthrope 4

Section 1 : Définition de la philanthropie 4

A- La raison du fort développement de la philanthropie 7

B- Les différentes organisations philanthropiques 7

Section 2 : Profil du philanthrope 9

Section 3 : La nouvelle philanthropie 11

A- Les nouvelles pratiques philanthropiques 12

B- Le nouveau profil des philanthropes 13

C- Spécificités des nouveaux philanthropes 14

D- Nouvelle philanthropie, une nouvelle logique d’aide et de développement 17

Chapitre 2 : Mécanisme des philanthropes privées 20

Section 1 : Impact investing et pouvoir d’influence 21

A- Définition 21

B- Les spécificités des « impact investing » 22

Section 2 : Enjeux de la philanthropie et Venture Philanthropy 24

A- Enjeu de la philanthropie 24

B- La venture philanthropie 25

PARTIE II : La Philanthropie et retour social sur investissement 31

Chapitre 1 : Les nouveaux philanthropes 32

Chapitre 2 : Les motivations des philanthropes 33

Chapitre 3 : La philanthropie moderne et le don traditionnel 37

PARTIE III : Comparaison internationale 40

Chapitre 1 : La philanthropie dans le monde 40

Section 1 : La philanthropie en Amérique 40

A- Définition de la philanthropie américaine 40

B- Les fondations américaines 43

Section 2 : La philanthropie en Europe 44

A- Spécificités 45

B- Les donateurs et les plus grands bénéficiaires des dons des Européens 47

C- Avenir de la philanthropie européenne 48

Section 3 : La philanthropie en Moyen-Orient 49

Chapitre 2 : Comparaison entre USA, Europe et Moyen-Orient 52

Section 1 : USA, Europe 52

Section 2 : USA et Moyen-Orient 53

CONCLUSION 55

Bibliographie 57

 

INTRODUCTION

Depuis près d’un demi-siècle, les gouvernements s’orientent de plus en plus vers le secteur privé et les organisations de la société civile pour la prise en charge de certains services publics. Pour cela, les organismes communautaires sont davantage sollicités pour substituer une partie des programmes sociaux de l’État. C’est dans cette logique qu’apparaissent progressivement les fondations privées de la nouvelle philanthropie. Au tout début, les fondations philanthropiques ont apporté d’importants soutiens et aides au développement dans différents domaines comme l’agriculture, la planification familiale, la santé, etc. Dans ce cadre, les fondations privées et les organismes officiels œuvrant dans le domaine de l’aide au développement accordent une importance particulière à l’amélioration des conditions de vie de la population se trouvant en situation de difficulté, ainsi qu’à l’élargissement des opportunités en la matière.

Un peu partout dans le monde, notamment en Europe, en Moyen-Orient et aux États-Unis, le phénomène philanthropique se développe et vient compléter les actions des états. Il se manifeste sous plusieurs formes en fonction des contextes politiques et historiques dans lesquelles entreprises et particuliers s’invitent dans la gestion de l’intérêt général en apportant des solutions ou plutôt des réponses à des problèmes peu ou mal traités par la collectivité.

Depuis plusieurs années, le secteur de la philanthropie se trouve dans une situation d’ébullition, dans laquelle les rencontres et les échanges s’accroissent et petit à petit la figure du « nouveau philanthrope » ou « philantrepreneur » s’impose. 

Dans ce travail, nous nous intéressant au phénomène de la nouvelle philanthropique avec la problématique : Qui sont ces nouveaux philanthropes ? Quelles sont leurs motivations ?

Afin de répondre efficacement à cette problématique, il est indispensable que ce travail se base non seulement sur des revues de littérature, mais également sur des données réelles reflétant la réalité de la philanthropie. Ces données réelles sont collectées durant la période de stage en entreprise. En effet, le rapprochement entre les missions en stage et la revue de littérature va nous permettre de mettre en évidence des résultats pertinents qui vont nous permettre de répondre plus efficacement à notre problématique en infirmant ou en confirmant les hypothèses de recherche. Dans le cadre de la réalisation de ce travail, nous avons effectué un stage auprès de BNP Paribas Banque Privée durant cinq mois. Durant cette période, nos observations et nos entretiens avec des professionnels nous ont permis de collecter des informations pertinentes pour mieux comprendre le phénomène et les enjeux de la philanthropie. En effet, durant notre présence au sein de BNP Paribas Banque Privée, nous avons pu établir un contact avec l’organe Philanthropie individuelle du groupe BNP PARIBAS : Fondations de l’orangerie. Par ailleurs,  il a été également possible d’échanger avec des banques privées. Des contacts ont également été établis avec le BNP Wealth Management et l’organe de Philanthropie individuelle.

Ce travail se divise en trois grandes parties : la première partie explique dans les détails la nouvelle philanthropie, la deuxième partie quant à elle explique le mécanisme des philanthropes privées et enfin, la troisième et dernière partie se focalise sur une comparaison internationale des pratiques philanthropiques, notamment pour l’Europe, le Moyen-Orient et les États-Unis.

 

PARTIE I : Nouvelle Philanthropie 

Chapitre 1 : Le phénomène de la « Nouvelle Philanthropie » et profil du philanthrope

Avant de parler du phénomène de la nouvelle philanthropie, il se montre plus que judicieux de commencer par la définition du concept. Ainsi, la première section de ce premier chapitre va définir le concept de philanthropie tout en mettant en évidence les différentes formes que peut prendre cette notion. Il est tout de même important de préciser que la philanthropie évolue au fil du temps, notamment en raison du fort développement des nouvelles technologies. Progressivement, sa raison même change et son public aussi. Initialement elle est dite de charité et s’est petit à petit convertie vers une philanthropie qui se caractérise par la recherche d’un impact social.

Section 1 : Définition de la philanthropie 

Le terme « philanthropie » a comme origine les États-Unis où au tout début, il servait à désigner une pratique ancestrale propre aux caractéristiques d’un système social particulier. En arrivant par la suite en Atlantique, la philanthropie commence progressivement à s’imposer en Europe en prenant des caractéristiques s’apparentant à l’état de l’art.

Le mot philanthropie a comme origine le mot « philos » qui veut dire « amour » et anthropos qui signifie être humain.  Chaire Baillet Latour 2014 définit le concept de philanthropie de la manière suivante « La philanthropie est l’ensemble des transferts de ressources (financières, dons en nature, bénévolat,…) librement consentis par des acteurs privés, en vue de servir le bien commun et d’améliorer la qualité de vie des personnes. En Europe, la philanthropie a le plus – 8 – souvent pris la forme de mécénat d’entreprise, de sponsoring, de volontariat ou de dons des particuliers » .

La Chaire Philanthropique définit la philanthropie de la manière suivante : « La philanthropie est généralement définie comme des initiatives privées visant le bien public. La philanthropie se distingue en cela de l’entreprise privée et des pouvoirs publics, puisqu’elle œuvre en faveur de l’intérêt collectif par l’action volontaire d’individus et d’organisations privées. La philanthropie emprunte des formes très variées et se trouve en relation avec différentes traditions philosophiques et religieuses à travers le monde ».

Se présentant comme une expérience existante depuis très longtemps, la philanthropie a un fondement culturel attribuable aux États-Unis. Aux USA, faire un don pour la charité constitue une tradition (Greenfield 1991 2) et nécessite impérativement de la compassion et de la générosité. Ainsi, la philanthropie évolue au sein d’un environnement favorable à son expansion tout en bénéficiant de dispositions constitutionnelles destinées à encourager les œuvres de bienfaisance. Les plus grandes fondations ont commencé à fleurir dès la fin du XIXE siècle aux États-Unis. Parmi ces premières fondations, nous pouvons citer Carnegie, Rockefeller, Kellogg et Ford. Dès le début, ces fondations ont été considérées comme faisant partie d’une « philanthropie scientifique », la première génération philanthropique. À la fin du XXe siècle apparait une nouvelle génération appelée « venture philanthropy », « new philanthropy » et « entrepreneurial philanthropy ».

En se basant sur la composition même du mot philanthropie nous pouvons dire que ce concept est considéré comme une vertu humaine qui se fonde généralement sur l’amour du prochain. Elle peut donc se définir comme une œuvre de bienfaisance menée par une ou plusieurs personnes ayant comme objectif d’améliorer la situation sociale de leurs semblables à travers des dons financiers ou non financiers. La philanthropie vise donc premièrement à favoriser les conditions de vie de l’humanité par le biais de la charité à partir d’actions volontaires au profit des autres. Toutefois, il est important de préciser que la philanthropie ne se limite pas uniquement à des aides financières, mais peut également concerner d’autres ressources personnelles.  

La pratique philanthropique relève donc du volontarisme en action. L’énergie et le temps sont dépensés aimablement par les donateurs. Ils partagent également leurs talents, leurs biens et d’autres ressources matérielles et humaines. Théoriquement, la philanthropie est une action effectuée de manière désintéressée et que la personne ou la fonction qui l’effectue ne recherche en aucun cas ni profit ni aucune forme de reconnaissance. Autrement dit, l’acte philanthropique recherche en premier le bien-être de l’humanité en général et se doit être altruiste. Dans ce cas, si le philanthrope s’attend à une rémunération, que ce soit en nature ou en argent et s’il le conçoit dans le cadre d’échange de service, l’action peut être considérée comme à vocation commerciale et sort définitivement de la philanthropie.

Comme mentionnée ci-dessus, la philanthropie n’a cessé d’évoluer et la forme traditionnelle s’est convertie en une nouvelle philanthropie. La philanthropie traditionnelle se compose généralement de dons ainsi que du sponsoring. Dans ce cas, le principal objectif est l’acte de donner dans le but de financer des projets. Les dons peuvent prendre la forme de dons en temps ou en argent. Par contre la nouvelle philanthropie se compose non seulement de dons, mais également de prêts et d’actions en capital. Elle peut également être constituée de temps, d’expertise et de réseautage. Dans cette nouvelle philanthropie, l’objectif principal ne se résume plus à donner, mais plutôt à rechercher un réel impact dans le cadre du financement des projets. Plus largement, cet objectif tend vers un objectif de croissance.

Bien que considéré au début comme usuel dans les pays anglo-saxons, le concept de philanthropie s’est progressivement apparu en France à travers le rassemblement de trois maitres mots : l’engagement, le mécénat et la générosité. 

Généralement portée par un particulier ou une entreprise qui souhaite optimiser les conditions environnementales dans lesquelles il vit, la philanthropie peut être exprimée de différente manière. En effet, les philanthropes peuvent entreprendre des actions d’intérêt général à travers le financement direct des associations tout en s’impliquant eux-mêmes dans des actions de bénévolat pour ces associations.  

Lorsque les actions d’aide sont menées par des fondations, il s’agit généralement d’une affectation irrévocable d’un patrimoine pour soutenir une cause d’intérêt général. Dans ce cas, la fondation met en œuvre des sommes importantes sous un engagement plus ou moins à long terme. Les fondations ou fonds de dotation peuvent intervenir dans des domaines variés par exemple la remise de bourse d’études, l’aide aux plus démunis, le plaidoyer politique, le domaine médical, les recherches scientifiques ou encore le développement durable. Lorsqu’ils apportent leurs aides, les philanthropes sont de ce fait amenés à dépenser de manière stratégique selon des objectifs d’intérêt général inspirés par les fondateurs mêmes. 

  • La raison du fort développement de la philanthropie 

En Europe, en Asie ou en Amérique latine, la philanthropie connait un développement croissant et est présente un peu partout en venant compléter les actions menées par l’État. Prenant différentes formes selon les contextes politiques, économiques ou historiques,  les philanthropes s’invitent dans le cadre de la gestion de l’intérêt général en apportant des solutions à des problèmes préexistants.

Depuis plusieurs années, il est constaté que le financement public pour les associations diminue progressivement. Dans ce sens, une étude menée par IPSOS  démontre que la baisse des financements publics des associations concerne environ huit associations sur dix et durant la période de l’année 2015, il est constaté que quatre associations sur dix ont ressenti une aggravation de cette diminution.

Dans le cadre du financement public, il faut noter que l’octroi de financement à travers l’appel à projets prend le dessus par rapport aux financements permanents. Les associations ne peuvent donc plus compter sur les financements permanents et sont obligées de penser en termes de projet alors que cela a pour effet de bouleverser leur organisation interne. 

En se sentant instrumentalisées par les appels à projet du gouvernement, les associations doivent désormais réaliser des projets à objectif souvent sociétal tout en faisant face à une rude concurrence étant donné que seule l’association qui obtient le projet bénéficie du financement. Par conséquent, la majorité des associations se tourne davantage vers des financements privés provenant d’institutions privées ou d’entreprises et voit la philanthropie comme une alternative. Les associations qui privilégient la philanthropie au lieu du financement public par appel à projets considèrent que la philanthropie prend progressivement d’importance et que cette alternative leur permet de ne plus dépendre d’une seule et unique source de financement.

  • Les différentes organisations philanthropiques

Comme mentionné en début de section, le modèle philanthropique traditionnel se définit premièrement par le don, altruiste et désintéressé, ainsi que par la posture du donateur. Dans ce contexte, le devenir du don ainsi que son impact n’est pas ou peu important ; c’est le geste même du don qui grandit le donateur.  C’est cela qui explique le fait que le don est désintéressé, pas en termes de motifs, mais plutôt en termes d’objet.

Traditionnellement, il existe plusieurs organisations qui composent la philanthropie et qui sont en interaction tout en étant soumises à des principes et des règles qui sont relativement communes :

  • Les donateurs de temps 

Le don de temps est généralement connu comme du bénévolat. Dans le cadre d’une action philanthropique, le bénévolat est considéré comme un service rendu à travers « l’entremise d’un groupe ou d’un organisme à but non lucratif ou de bienfaisance ». Donner son temps et rendre service sont des pratiques traditionnelles, toutefois, le bénévolat réalisé par des institutions et des organisations n’est apparu qu’à la moitié du XXe siècle. Libre et non rémunéré, le bénévolat s’est toujours inscrit dans le cadre d’une division de travail auprès d’organismes de bienfaisance et à but non lucratif.

  • Les donateurs d’argent

Les donateurs d’argent sont particulièrement actifs dans le domaine religieux. Les plus grands donateurs ont souvent les caractéristiques suivantes : des pratiquants religieux actifs (46%), des personnes âgées plus 75 ans  (32%), des veufs et des veuves (32%), des titulaires de diplôme universitaire (33%) et des personnes à revenu élevé (33%). 

  • Les fondations philanthropiques

La fondation se présentant souvent sous une forme de fiducie charitable existe depuis l’antiquité. Mais en raison du fort développement du capitalisme, elle s’éloigne de plus en plus de la charité. Cette situation a commencé à être observée en Angleterre quand les biens de l’Église sont usurpés au début du XVIIe siècle et que les différents problèmes sociaux prennent de l’ampleur. Les fondations sont généralement associées à des œuvres de bienfaisance.

  • Les organismes de bienfaisance et à but non lucratif

Les organismes de bienfaisance à but non lucratif rassemblent plusieurs bénévoles. Ils œuvrent généralement dans le domaine de la santé, de l’éducation, du bien-être, de la religion et dans les bénéfices à la communauté. 

Section 2 : Profil du philanthrope 

Une étude menée par BNP Paribas concernant la philanthropie met en évidence quelques caractéristiques dominantes concernant le profil des philanthropes ainsi que les motivations qui les animent.  Les principaux profils définis sont les suivants :

  • Croyant
  • Humaniste 
  • Activiste 
  • Héritier 
  • Passionné 
  • Venture philanthropist
  • L’entrepreneur ou self-made-man

Pour les philanthropes, la « santé » constitue la principale cause à l’exception de ceux de l’Asie qui privilégient l’environnement. Dans ce cas, les philanthropes cherchent généralement une relation de collaboration avec des organismes philanthropiques ou de simples philanthropes.

Tableau 1 : Principale cause philanthropique

Source : Indice BNP Paribas 2016 De La Philanthropie Individuelle

 

La seconde plus grande motivation des philanthropes est de chercher à réaliser des résultats durables en passant par trois étapes essentielles : maintenir l’accompagnement, éradiquer le problème et créer un programme auto-suffisant.

Ces causes sont motivées par des objectifs à atteindre comme montré dans l’étude menée par BNP Paribas en 2016 :

Tableau 2 : Les objectifs des actions philanthropiques 

Source : Indice BNP Paribas 2016 De La Philanthropie Individuelle

 

Le premier objectif pour les philanthropes est de mettre en œuvre un programme ou une initiative durable, c’est-à-dire des actions d’aide continue. Ensuite, leurs actions visent à éradiquer le problème lorsqu’il est possible. Enfin, ils ont également comme objectif de mettre en place un programme ou une initiative autosuffisante comme un programme d’enseignement de compétences entreprenariat. 

 

Tableau 3 : Les facteurs qui influencent les dons

Source : Indice BNP Paribas 2016 De La Philanthropie Individuelle

 

Pour atteindre leurs objectifs, les philanthropes s’appuient généralement sur des ressources externes tout en favorisant une collaboration accrue entre eux.

Par ailleurs au fil du temps, les fondations privées souhaitent de plus en plus démontrer leur efficacité. Ce souhait leur pousse progressivement à modifier leurs pratiques, leurs valeurs et leurs missions.  En effet, compte tenu de leurs aides, les philanthropes veulent davantage juger et décider eux-mêmes quant à l’utilisation de leur don. Dans ce contexte, leurs actions philanthropiques se présentent souvent comme un travail qui prévaut dans le milieu des affaires.

Section 3 : La nouvelle philanthropie 

Les différents types d’organisation et de mise en œuvre de la philanthropie changent progressivement face aux nouvelles méthodes fondées sur la « nouvelle » philanthropie en privilégiant des actions « axées sur le marché » dans l’objectif de répondre aux problèmes de développement. Le concept nouveau dans cette nouvelle philanthropie est notamment l’existence d’un lien direct entre le « don » et les « résultats » et surtout la participation directe des donateurs dans la mise en œuvre des actions philanthropiques et dans les communautés d’action publique.

Souvent, la nouvelle philanthropie est associée aux effets de la nouvelle technologie de l’information et de la communication alors que les fondations qui appartiennent au mouvement de la nouvelle philanthropie s’accordent plutôt sur le fait qu’elles diffèrent des fondations anciennes, car elles apportent une réforme qui insiste sur les principes utilisés dans le domaine des affaires dans le cadre de leurs pratiques philanthropiques. La nouvelle philanthropie nécessite ainsi la détermination d’objectifs bien précis se rapportant à des problématiques ciblées et bien délimitées sur la base de rendements évalués et déterminés à l’avance.

Dans ce contexte, la nouvelle philanthropie se présente comme une action privée qui consiste non seulement à faire des dons ou à apporter un soutien à des organisations existantes, mais également à percevoir la contribution comme étant un investissement qui aura d’éventuelles retombées. Ce qui marque ce mouvement est alors que les acteurs essayent davantage et progressivement de supprimer les frontières existant entre les secteurs à but lucratif et à but non lucratif à travers des services dans une logique de marché et qui profite à chaque partie.

Par ailleurs, cette nouvelle philanthropie a également fait naitre de nouveaux types d’acteurs, notamment dans le domaine du développement international, tout en développant de nouveaux rôles et de nouveaux rapports, particulièrement dans le domaine d’actions publiques et de développement, ainsi que de nouveaux sites d’action publique en modifiant les réseaux d’action publique existants.

Cependant, même si ces nouveaux éléments apportés à la philanthropie traditionnelle semblent favoriser le domaine de la philanthropie, de l’entreprise ou encore de la politique, ils soulèvent de nombreux problèmes et de polémiques. Par exemple, il y a le fait que les organismes ou plutôt les fondations impliquées ont des caractéristiques assez différentes des philanthropes traditionnels en termes d’identité et d’engagement en tant qu’entreprises commerciales ainsi que leur champ d’action caritative et sociale. 

  • Les nouvelles pratiques philanthropiques 

La nouvelle philanthropie apporte une nouvelle façon de concevoir le don permettant aux philanthropes de recourir à des types de pratiques commerciales. Elle présente ainsi une distinction précise entre plusieurs formes de philanthropies, notamment la philanthropie classique, la « venture philanthropy », le « social investment », l’ « impact investing » et le « socially responsible Investment ». Ces différentes formes de philanthropie se distinguent selon leur objectif. Ainsi, l’objectif varie d’une forme à l’autre et peut se présenter sous divers aspects : recherche d’un impact social uniquement afin de créer de la valeur sociale, recherche d’un impact social optimal tout en visant un faible rendement financier, recherche d’un rendement financier optimal, mais avec un impact social ou encore recherche d’un rendement financier avec l’objectif de créer de la valeur financière.

  • Philanthropie classique : 

Appelé également « impact only », la philanthropie classique a comme principale vocation la création de la valeur sociale. D’une certaine manière, il s’agit d’une philanthropie caritative, mais insiste plus sur les moyens et non sur les résultats.

  • Venture philanthropy : 

La venture philanthropy se présente comme un support financier et non financier dans l’objectif de bénéficier d’un impact social. Le support non financier prend souvent la forme de compétences en termes de stratégies, marketing et coaching. En outre, il peut également s’agir de ressources humaines, de réseautage, de consultance, de récolte de fonds ou encore de gouvernance. Les entreprises classiques ont donc un rôle important à jouer dans ces dons de compétences.

  • Impact investing 

L’impact investment est destiné non seulement à optimiser l’impact social tout en réalisant un minimum de rendement financier, mais également à optimiser le rendement financier en combinant un minimum de rendement social. 

  • Socially Investment :

Le socially Investment est une forme de philanthropie qui vise principalement à rechercher un impact social optimal avec pour objectif de réaliser un faible rendement financier. Les philanthropes qui choisissent cette forme de philanthropie sont souvent les organisations à but sociétal qui ont pour objet de réinvestir la totalité de leurs bénéfices dans le cadre de leur activité ou qui ont pour intention de distribuer ce bénéfice à des causes sociétales. 

  • Socially responsible Investment 

Appelé également finance first, le Socially respnsible Investment vise à apporter un soutien aux organisations qui opèrent dans le domaine environnemental ou social à travers une gouvernance sur la base d’un principe de solidarité. Dans cette forme de philanthropie, le philanthrope vise également à la réalisation d’un rendement. Cet objectif peut s’expliquer par le fait que le financement du secteur associatif s’ouvre de plus en plus au monde privé comme les familles, les entrepreneurs et les fondations qui sont souvent à la recherche d’un certain retour financier.

  • Le nouveau profil des philanthropes

Les riches donateurs deviennent de plus en plus nombreux et beaucoup plus généreux. Ces derniers se soucient davantage de l’efficacité et souhaitent en permanence s’assurer de l’impact réel de leurs dons. Actuellement, un acte philanthropique recherche premièrement la performance comme c’est le cas d’un investissement.

Le statut et le positionnement des philanthropes manquent souvent de clarté, notamment sur le plan financier, organisationnel ou moral. Ce changement de profit s’explique en grande partie par l’existence d’un double changement d’éthique au niveau de la conception même du rapport entre la quête de profit, l’aide et le caritatif. D’une certaine manière, les philanthropes privés, fondations ou particuliers, se montrent toujours volontaires à prendre en charge des responsabilités socio-éthiques qui ont toujours été à la charge des entités gouvernementales, organisations de la société civile ou des agences d’État. Cependant, les nouveaux philanthropes n’ont pas vraiment l’intention de renoncer totalement à la possibilité de réaliser du profit. Dans le même sens, il y a par exemple le fondateur de la chaine CNN  Ted Turner qui déclare qu’« en réalité, certains domaines visant à rendre le monde meilleur se prêtent très bien à des opérations à but lucratif. Pourquoi devrions-nous craindre cela ? ».

  • Spécificités des nouveaux philanthropes

Afin de mieux comprendre le mécanisme de la nouvelle philanthropie ainsi que le profil des nouveaux philanthropes, nous allons nous baser sur l’exemple de Bill Gates, le premier homme le plus riche au monde. Ce dernier explique les grandes lignes de son approche de la philanthropie, notamment le capitalisme créatif. Dans son discours durant Forum économique mondial de Davos l’homme a expliqué son approche : « les gouvernements, les entreprises et le secteur associatif œuvrent de concert pour étendre la portée des forces du marché, de sorte que davantage de personnes puissent tirer profit ou obtenir une reconnaissance du travail qu’elles réalisent pour atténuer les inégalités dans le monde » à travers lequel il souhaite faire entendre que : là où les États, les organisations multilatérales et les ONG traditionnelles ont échoué, le marché peut réussir. Avec cette phrase, il a ajouté « Le défi qui nous incombe désormais est de concevoir un système où les forces incitatives du marché, notamment celles liées au profit et à la reconnaissance, servent de moteur afin que ces principes facilitent l’action en faveur des pauvres ». Bill Gates fait passer une toute nouvelle conception de la philanthropie dans laquelle il minimise la frontière entre le bien public et le monde des affaires. Dans le même sens la Clinton Global Initiative ou (CGI) s’explique également en affirmant que les méthodes traditionnelles en termes d’aide semblent ne plus suffire pour lever les défis majeurs mondiaux vu le concept actuel en précisant que les solutions axées sur le marché sont particulièrement prometteuses afin de résoudre les problèmes non seulement sur un plan systémique, mais également sur une très large échelle. Toutefois, les approches apportées par la nouvelle philanthropie ne sont qu’à un stade de balbutiement et que les entreprises sont encore en phase de recherche et de développement à travers l’objectif d’aboutir à des pratiques commerciales efficaces sur le plan social et environnement tout en ayant la possibilité de réaliser des profits. Il précise également que les ONG sont les premières à mettre en œuvre des modèles qui se basent sur l’entreprise et qui permettent d’envisager une viabilité sur le long terme.

Toutefois, ces discours prononcés vont à l’encontre d’autres capitalistes qui les accusent de négliger intentionnellement les causes de l’inégalité. Par exemple Zizek (2008, p. 20) fait remarquer que pour pouvoir donner, le capitaliste doit d’abord commencer à prendre, car le marché se présente généralement comme un espace rédempteur dans lequel il est possible d’explorer de nouvelles solutions alternatives au problème du développement. Ces nouvelles pratiques philanthropiques sont considérées par Edwards (2008) comme une « philanthrocapitalisme » dans laquelle la fusion entre philanthropie de risque et l’entreprise sociale aboutissent à une nouvelle « rationalisation économique du don ».

Il est de ce fait constaté que les nouveaux philanthropes ont acquis leur fortune de milliardaires par le biais d’activités menées dans le système capitaliste et ils ont tendance à croire qu’il est possible de transférer leur philosophie entrepreneuriale au service caritatif. Également, leur activité philanthropique se base sur leur volonté de « faire plus avec moins » et fait apparaitre un mélange d’altruisme et de calcul. On assiste donc actuellement à une restructuration du domaine de développement international ainsi qu’à un changement d’orientation à travers lequel les philanthropes passent d’une volonté de corriger les inégalités pour répondre aux exigences du marché à une volonté d’établir des liens avec celui-ci.

Les nouveaux philanthropes sont également marqués par leur ambition de relever de grands défis se présentant souvent comme des remèdes miracles. Appelés également « silver bullets », ces remèdes miracles se présentent comme des solutions à caractère générique, modulable et ciblé et sont conçus de manière à être mis en œuvre sans tenir compte du contexte. Dans ce contexte, les grands défis vont au-delà du concept de créer tout un ensemble de priorités axées vers la réalisation d’objectifs et insistent sur l’aptitude de certaines technologies à s’adapter et à évoluer rapidement. Leur mis en œuvre nécessite également le recours à tous les outils ainsi que toutes les méthodes permettant de financer le changement social. Cependant, les grands défis menés par les nouveaux philanthropes cachent des questionnements essentiels en rapport avec l’orientation des projets à travers laquelle les bénéficiaires et les personnes chargées de la mise en œuvre des projets tentent de connaitre à l’avance la rapidité et la date de leur exécution. Dans le même sens, l’OMD ou les objectifs du millénaire pour le développement mis en place par l’ONU offrent un axe de travail destiné à relever les grands défis et à mettre en place les silver bullets. Il existe également d’autres exemples dans lesquels les fondations et les organisations philanthropiques tentent sans cesse d’ajuster leurs priorités tout en réorganisant leurs portefeuilles d’investissement suivant ce modèle. Il y a par exemple la Fondation Bill & Melinda Gates qui a décidé d’adopter cette approche dans d’autres domaines, notamment la santé, par la mise en œuvre du programme « Grands défis pour la santé mondiale », et plus récemment dans le domaine de l’éducation

Aux États-Unis, les silver bullet sont représentées premièrement par les Charter Schools américaines. Ces dernières sont considérées comme une solution à  la fois souple, fiable, efficace et rapide et leurs actions se portent essentiellement sur le marché afin d’apporter des solutions au problème de l’échec scolaire et des inégalités afférentes. Les solutions apportées sont modulables et transférables. Les Charter Schools sont très à l’avance concernant l’innovation en éducation et sont pilotent dans ce domaine, et elles sont même en mesure de piloter les projets et de les mettre en œuvre avec rapidité et fidélité. Le premier constat est le lien direct entre le don et l’action publique. Ensuite, il est remarqué que les donateurs s’impliquent davantage dans les communautés d’action publique tout en mettant en œuvre une approche plus « concrète » de l’utilisation des dons.

Ainsi, les nouveaux philanthropes interviennent au sein d’une sphère « parapolitique » dans laquelle ils ont la possibilité de déterminer leurs propres priorités en matière d’action publique. Michael Petrelli, de l’Institut Thomas B. Fordham a déclaré récemment qu’il n’est pas arbitraire de dire que « les priorités de la Fondation Gates sont devenues les priorités de la nation en matière d’éducation », car les philanthropes d’aujourd’hui sont bien plus que des donateurs, car ils peuvent voter avec leur dollars : cela constitue une intervention directe de l’action philanthropique en termes de politique éducative. Il est tout même important de noter que cette nouvelle situation philanthropique n’est pas sans conséquence, notamment d’ordre pratique et conceptuel face au concept de démocratie ainsi qu’à la question de savoir qui se trouve à l’origine de la mise en œuvre des politiques et qui sert d’intermédiaire à leur mise en œuvre dans la sphère publique, donc la gouvernance philanthropique. Cette gouvernance philanthropique détermine la manière dont les philanthropes, par le biais de leurs actions et de leurs organisations non lucratives, apportent des modifications en ce qui concerne la mobilisation des ressources, le sens même de leurs actions ainsi que la création de nouvelles techniques d’élaboration des politiques et d’exercer une certaine influence au niveau de l’orientation des politiques à mener dans divers contextes, voire de déterminer cette orientation.

Le tableau présenté ci-après met en évidence les caractéristiques majeures des nouveaux philanthropes :

Tableau 4 : Les nouveaux philanthropes

Source : MAGDAE

  • Nouvelle philanthropie, une nouvelle logique d’aide et de développement

Le phénomène de nouvelle philanthropie a engendré non seulement de nouvelles pratiques philanthropiques mais également une nouvelle logique d’aide et de développement. En effet, la nouvelle philanthropie s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle configuration et apporte une nouvelle logique d’action, notamment dans le domaine de l’aide et du développement. Elle fait également partie d’un ensemble de rapports se rapportant à des problèmes de développement et aux grands défis relevés par les philanthropes.  Ces rapports et cette logique sont appelés « philanthropie de réseaux ». Ce concept de philanthropie de réseau s’apparente au fait que les nouvelles organisations philanthropiques sont considérées non pas de manière individuelle comme étant des acteurs isolés, mais plutôt comme des nœuds reliés entre eux et qui se mobilisent en fonction des logiques de réseaux, mettent en œuvre leurs propres priorités et structurent leurs liens de manière fluide et diverse. L’apparition de ces réseaux philanthropiques a pour effet de bouleverser et de repeupler la communauté d’action publique en ce qui concerne l’aide et le développement. Ces réseaux ont également pour effet d’établir des liens entre les intérêts et les activités des entreprises, des gouvernements, du monde de la philanthropie ainsi que des agences non-gouvernementales sur la base de nouvelles méthodes. Dans ce contexte, rapprocher les intérêts de la philanthropie et de l’entreprise dans le domaine du développement international nécessite impérativement des efforts de mobilisation et de mise en réseaux.

Par exemple au cours de la dernière décennie, les actions menées par les intervenants clés dans le domaine de la philanthropie comme Bill Clinton et Bill Gates ont permis de restructurer les réseaux internationaux qui existent déjà à travers de nouveaux sites ainsi que de nouvelles opportunités pour le développement du capitalisme créatif. D’une certaine manière, ces sites peuvent être considérés comme des « nœuds générateurs » destinés à optimiser de nouveaux liens ou d’en créer les conditions nécessaires. Il y a par exemple le Forum mondial sur la philanthropie (GPF, Global Philanthropy Forum) qui est exemple de nœud générateur et qui a pour objectif de bâtir une communauté de donateurs et d’investisseurs sociaux qui agissent pour des causes à l’échelle internationale tout en favorisant et promouvant le caractère stratégique de leur travail. Le GPF vise par ailleurs à sensibiliser les donateurs par rapport aux problèmes de fonds tout en les mettant en relation avec d’éventuels partenaires financiers et divers agents du monde entier. En continuant de rénover une communauté d’apprentissage, le GPF vise également à multiplier le nombre de philanthropes qui auront un rôle fondamental dans la mobilisation de causes internationales.  

La principale activité des nœuds générateurs est donc d’apporter beaucoup plus de facilité dans les relations de partenariats, dans la mise en œuvre de nouveaux projets et dans la définition des priorités en matière d’investissement. En mobilisant de nombreux donateurs et partenaires, ils visent également à créer des réseaux à l’intérieur des réseaux en se basant sur le capital symbolique et économique des différents participants. Ces réseaux internes sont destinés à être des intermédiaires dans le cadre de la mobilisation en faveur de l’action publique ainsi qu’au partage d’expériences.

En outre, il est également important de préciser que la nouvelle philanthropie nécessite la mise en œuvre de nouveaux outils ainsi que de nouveaux supports d’informations destinés à faciliter les investissements et surtout à évaluer les retours sur investissements. Cela a favorisé la création d’un ensemble de sociétés à but non lucratif et d’organisations internationales. Nous pouvons par exemple citer l’agence Geneva Global, l’organisation Rockefeller Philanthropy Advisors ou encore le Projet Objectifs du Millénaire des Nations Unies) qui œuvrent dans la proposition de services de conseil et de consultations aux organisations philanthropiques.

Une autre forme de la nouvelle philanthropie est le don Mark Zuckerberg et sa femme, Priscilla Chan où ils souhaitent redonner 99% de leurs actions Facebook qui se réfère particulièrement au « giving back » de la philanthropie américaine dans sa forme la plus traditionnelle. Toutefois, selon Alexandre Lambelet, cela s’opère de manière à articuler très étroitement le domaine charitable et celui de l’entrepreneuriat, car le don est ici remplacé par un don d’actions, une pratique qui a déjà été utilisée par Bill Gates et Warren Buffet). La société nommée The Chan Zuckerberg Initiative (L.L.C) est une société à responsabilité limitée et comparée à une fondation, elle dispose d’une structure hybride et permet de réaliser une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne l’allocation des fonds tout en prenant part à des initiatives économiques et de s’engager librement au sein d’actions de lobbying destinées à soutenir des politiques publiques ou autres. 

Le tableau présenté ci-après résume les différences fondamentales entre la philanthropie traditionnelle et la nouvelle philanthropie :

Tableau 5 : Typologie et exemples de philanthropes

Source : François Brouard et Sophie Larivet Sprott Centre for Social Enterprises

 

Chapitre 2 : Mécanisme des philanthropes privées

Depuis longtemps, les modèles philanthropiques français et américains ont toujours été considérés de manière opposée. Cette opposition s’apparente en grande partir à celle de l’État et du marché. Toutefois, les deux pays partagent une même conviction, le soutien de la philanthropie privée qui se manifeste selon plusieurs formes : dons, volontariat ou du bénévolat.

Aujourd’hui, la puissance publique n’a plus le monopole de l’intérêt général, et les différences entre logiques philanthropiques, entrepreneuriales et gouvernementales tendent à s’estomper.

L’investissement de fortunes privées dans le domaine social, au moyen de fondations, s’est fortement développé au début du XXe siècle aux États-Unis.

Les fondations privées et les organismes officiels d’aide au développement accordent généralement une importance particulière à l’amélioration des conditions de vie de la population qui se trouve dans une situation de pauvreté. Ils cherchent également à élargir les opportunités en la matière et font souvent face à des défis similaires en matière de sélection et de supervision des projets. Pour cela, ils doivent tenter de concilier la réalisation d’objectifs immédiats à la nécessité d’un développement des capacités sur le long terme.

Cependant n’ayant pas besoin du financement des organismes publics, les fondations privées limitent les contacts avec ces organismes. Par ailleurs grâce à la philanthropie, il a été possible de financer des activités novatrices dans différents secteurs en rapport avec le développement. Elles sont indépendantes des gouvernements et donc disposent d’une certaine liberté, notamment en ce qui concerne la prise de pouvoir et peuvent également s’intéresser librement à des programmes dont les bénéfices ne seront perceptibles qu’à long terme.

Afin de mieux comprendre le mécanisme de la philanthropie privée nous allons nous focaliser sur l’impact investing et son pouvoir d’influence ainsi que sur les enjeux de la philanthropie et Venture Philanthropy 

Section 1 : Impact investing et pouvoir d’influence

  • Définition

Bien que l’activité existe déjà depuis des décennies, l’impact investing est un concept inventé en 2007 et se présente comme une nouvelle catégorie d’investissement, et occupe une place importante depuis quelques années que ce soit dans les pays développés ou dans les pays en développement. Généralement, un « Impact Investing se définit comme une approche de l’investissement ayant comme principal objectif de répondre à un besoin social tout recherchant éventuellement un retour financier « modéré ».

Selon le GIIN (Global Impact Investing Network), « les impact investing sont des investissements effectués dans des entreprises, des organisations et des fonds avec l’intention d’obtenir un impact social et environnemental mesurable, parallèlement à un rendement financier. » Cette définition diffère de celle de la philanthropie et de l’investissement socialement responsable.

Les fonds d’impact investing se composent de fonds qualifiés d’instruments d’investissement socialement responsable, d’outils d’investissement dans la microfinance ainsi que de fonds de capital-risque. Les fonds d’impact investing sont souvent gérés par des sociétés de gestion d’actifs spécialisées ou encore par des institutions financières. Il existe également de nombreux acteurs qui collaborent aux activités de « renforcement du secteur », à l’exemple des fondations comme Rockefeller, Omidyar Network et Bill et Melinda Gates ou encore des réseaux comme Global Impact Investing Network (GIIN).

Dans la philanthropie, l’impact Investing accompagné d’une Philanthropie Collaborative sont considérés comme les deux principales tendances qui permettent d’établir des changements durables entre les philanthropes. 

Tableau 6 : Les approches les plus importants pour des résultats durables

Source : Indice BNP Paribas 2016 De La Philanthropie Individuelle

  • Les spécificités des « impact investing »

Comparés aux investisseurs classiques, les investisseurs d’impact ne se distinguent pas des outils de financement qu’ils mettent en œuvre, ni du marché ou des produits sur lesquels ils se focalisent, mais plutôt par la nature de leurs motivations. Ainsi, les investisseurs d’impact sont classés suivant deux catégories distinctes :

  • Les investisseurs qui privilégient premièrement l’impact tout en visant à maximiser l’impact social et environnemental. Généralement, ces types d’investisseur sont prêts à accepter des rendements moindres par rapport au taux du marché ; 
  • Les investisseurs qui considèrent beaucoup plus l’aspect financier et qui tentent de toujours faire appel à  des outils d’investissement proposant des rendement ou des taux de marché supérieurs tout en cherchant à produire un impact social ou environnemental. Comparés aux organisations financées à travers des outils d’investissement de la microfinance, l’investissement d’impact concerne plutôt un groupe de bénéficiaires plus varié.

Par ailleurs, l’investissement d’impact couvre sept grands domaines comme démontré par une enquête menée par J.P. Morgan et GIIN en 2013 :

Tableau 7 : Allocation sectorielle de l’impact investing dans le monde

Source : Michel Teller, Patrick De Rynck, « Le Fonds Venture Philanthropy », Rapport d’impact 2015, Fondation Roi Baudouin

 

Souvent cantonné à la microfinance l’impact investing s’étend sur d’autres domaines à partir de 2009 alors qu’à cette époque, le domaine de la microfinance est de plus en plus touché par la crise financière.

Dans un contexte d’impact investing, les investisseurs prennent petit à petit conscience que leur argent a une utilité plus large et plus globale que la seule maximisation de leurs profits. En effet, leurs investissements disposent d’un réel pouvoir d’influence qui néanmoins doit s’effectuer dans la plus grande transparence.  L’impact investing a vu le jour aux États-Unis il y une dizaine d’années et est né dans le domaine de la phianthropie, notamment à travers la forte impulsion de la Fondation Rockefeller. Ce type d’investissement offre un mode de financement qui vise une massification de l’impact comme effectué actuellement par les fonds de microfinance. Depuis quelques années, l’impact investing a commencé à se développer en Europe à travers des fonds et de gestionnaires de fortunes spécialisés.

Section 2 : Enjeux de la philanthropie et Venture Philanthropy 

  • Enjeu de la philanthropie 

Nous constatons également que les différentes évolutions connues par la philanthropie sont loin d’être uniformes et engendrent de nombreuses tendances que ce soit en termes de recherche d’une meilleure efficacité c’est-à-dire un effet de levier financier, d’appui sur de nouveaux modes d’expression que de changement des philanthropes concernés et d’apparition de nouveaux opérateurs. Il semble ainsi évident qu’il existe quatre grands aspects qui agrémentent ces nouvelles tendances : 

  • La recherche d’une plus grande efficacité 

La recherche d’une plus grande efficacité est premièrement favorisée par les différentes évolutions des outils financiers qui sont mis en œuvre dans le domaine de la philanthropique. Cela s’explique notamment par l’avènement de la crise financière qui a eu comme première conséquence de faire chuter les revenus des dotations des fondations, des fonds de dotation et surtout le niveau de revenu des philanthropes individuels qui les alimentent en flux réguliers ou en dons. Depuis, la problématique à laquelle les philanthropes font face est devenue le fait de poursuivre leur mission à fond constant ou décroissant en cherchant un effet de levier maximum.

  • La facilitation de la philanthropie par la mise en œuvre de différents outils techniques et sociaux 

Ce second aspect se réfère à l’utilisation grandissante de l’internet et du web. Depuis, la tendance traditionnelle est passée à une tendance plus classique d’utilisation de site Internet comme moyen de communication avec la possibilité de faire un don tout en étant sollicité constamment au travers des moteurs de recherche ou de sites.

  • La mise en œuvre d’une approche nouvelle de la philanthropie fondée sur une segmentation établie sur d’autres critères que celui des revenus 

Ce troisième aspect se base sur une approche nouvelle de la philanthropie dans laquelle la segmentation des philanthropes par les revenus est passée à une segmentation basée sur d’autres critères. Actuellement, la philanthropie intervient au sein de bénéficiaires ciblés selon leur capacité de don.

La nouvelle approche a pour objectif de favoriser un transfert philanthropique de richesses à un groupe ou communauté qui dispose d’une structuration de la philanthropie sur la base de différents critères : l’affinité ou l’identité accompagnée de différents critères de revenus et de soutien en fonction d’une cause philanthropique.

  • Une maturation progressive du secteur philanthropique.

Ce quatrième et dernier aspect se réfère à une maturation progressive du domaine philanthropique qui se développe selon deux hypothèses : un approfondissement de la connaissance du secteur philanthropique et une professionnalisation du secteur, notamment avec l’arrivée de nouvelles catégories d’acteurs qui accompagnent les philanthropes et les mécènes dans le cadre de leur participer à l’intérêt général.

  • La venture philanthropie

La venture philanthropy est une forme de philanthropie qui peut être observée dans toutes les catégories sauf lorsqu’il s’agir de créer de la valeur financière. Les philanthropes qui optent pour ce canal, individus ou sociétés, souhaitent généralement offrir de l’aide dans le domaine du management tout en voulant exercer un certain niveau de contrôle dans le projet qu’ils soutiennent. 

Si le concept de venture philanthropy commence à être entendu un peu partout, les caractéristiques qui la distinguent de la philanthropie traditionnelle ne sont pas toujours évidentes. Appelé également capital risque philanthropique, la venture philanthropie ne peut être assimilée à une catégorie juridique, fiscale ou financière, ni un métier, elle fait référence en transposant certains concepts. Selon Barbara Kible, du Monitor Institute, la venture philanthropy est une métaphore, un outil de communication plutôt qu’un concept scientifique. Ce concept trouve son origine aux États-Unis au cours des années 90. 

 Elle se définit également comme un processus de financement et d’accompagnement de projets financés provenant de méthodologie de capitaux à risque et nécessite une forte implication des  financeurs qui apportent leur expertise et leur savoir-faire pour aider au développement des projets financés. La venture philanthropie œuvre ainsi dans le renforcement d’OPS ou d’organisations à profit social à travers des actions de soutien qui peuvent prendre la forme financière ou non financière dans l’objectif d’accroitre l’impact social. Généralement, l’approche de la venture philanthropy fait appel à toute une panoplie d’instruments financiers (« dons », fonds propres, prêt, etc.), tout en accordant une attention particulière à l’impact sociétal en tant qu’objectif ultime.

Si aux États-Unis, la venture philanthropy se développe contre la philanthropie classique, il existe de nombreux convergences et de consensus en France et en Europe entre les deux approches. En effet, la venture philanthropy se trouve encore à un stade de lancement en France et en Europe, car son succès s’obtient dans la durée et nécessite un temps de transformation et d’adaptation ainsi qu’un fort potentiel de souplesse permettant d’adapter le savoir-faire de la philanthropie traditionnelle aux différentes modalités spécifiques de la venture philanthropy. 

  1. Les spécificités de la venture philanthropie

Selon EVPA ou European Venture Philanthropy Association, la venture philanthropie se compose des éléments suivants :

  • Un engagement important : cet engament se forme à travers les relations directes et pragmatiques entre le management des organisations à profit social et les venture philanthropes ;
  • Un développement de la capacité organisationnelle et opérationnelle des organisations du portefeuille à travers le financement des frais d’exploitation de base plutôt que de projets spécifiques ; 
  • Un financement sur mesure : la venture philanthropie utilise un éventail de mécanismes de financement conçus sur mesure afin de répondre efficacement aux besoins de l’organisation soutenue ; 
  • Un soutien non financier : en plus des dons en argent, la venture philanthropie offre également des services à valeur ajoutée comme une planification stratégique pour renforcer le management ;
  • Une implication de réseaux : l’implication en réseau permet d’offrir  des compétences et des ressources diverses et souvent complémentaires aux entités bénéficiaires ; 
  • Un soutien pluriannuel : le soutien pluriannuel consiste à prendre en charge un nombre limité d’organisations pour une durée de 3 à 5 ans, puis un désengagement dès que les organisations arrivent à une certaine autonomie sur le plan financier et opérationnel ;
  • Une évaluation des performances : l’évaluation consiste à  mettre l’accent sur une bonne planification d’entreprise, des résultats sociaux mesurables, la réalisation d’étapes jalons, ainsi que la transparence et la responsabilité financière.

Les organisations de venture philanthropy ou d’investissement social ont pour objet de canaliser le financement des investisseurs ainsi que des co-investisseurs à travers un soutien financier destiné à plusieurs organisations bénéficiaires comme l’atteste le schéma présenté ci-après :

Figure 1 : Rôle de l’organisation de venture philanthropy / d’investissement social

Source : « Venture Philanthropy » et investissement social en Europe 2012/2013

 

Le soutien non financier peut être octroyé par l’organisation venture philanthropy ou d’investissement social elle-même ou par des organisations et individus externes. Les organisations qui bénéficient de ce soutien non financier sont ensuite amenées à développer plusieurs projets susceptibles de cibler des secteurs particuliers, notamment celui de la santé, de l’éducation, de l’environnement, de la culture, de la recherche médicale, etc. Les principaux bénéficiers sont souvent des groupes sociaux défavorisés représentés par les personnes qui souffrent d’invalidité, les femmes, les enfants, etc.

L’impact social attendu dans ce genre d’aide et de soutien est ensuite mesuré à travers l’évaluation de l’évolution de la vie des bénéficiaires qui ont profité des actions menées par les organisations bénéficiaires. La contribution de l’organisation venture philanthropie est également à évaluer par rapport à l’amélioration qui sera constatée. Par ailleurs, en aidant et en favorisant les organisations bénéficiaires, les organisations venture philanthrope génèrent tout naturellement un impact social. En effet, en bénéficiant de l’appui des OVP, les organisations bénéficiaires seront plus aptes à aider leurs bénéficiaires cibles tout en améliorant leur efficacité et surtout la portée de leurs activités. Toutefois, il est important de préciser que les investisseurs en venture philanthropie concentrent le plus souvent leur attention sur la rentabilité sociale de leur investissement plutôt qu’une rentabilité financière.

Il est également important de préciser que la venture philanthropie/investissement social ne constitue qu’un outil parmi tous les instruments d’investissements social et de philanthropie. Le phénomène de venture philanthropie a récemment commencé à se développer en Europe au cours de cette décennie. En Europe, elle se présente comme un concept qui s’engage en faveur de l’investissement social et aussi l’octroi de dons pour des OPS ou Organisations bénéficiaires à profit sociétal ou encore pour les organisations caritatives à but non lucratif. 

Figure 2 : Mécanisme de la Venture philanthropy 

Source : French American Foundation-France, décembre 2008

 

  1. Les fonds Venture Philanthropy

Le Fonds Venture  Venture Philanthropy  vise principalement à apporter un soutien structurel à des associations ou des entreprises d’économie sociale. Pour bénéficier de ce soutien, les organisations doivent se confronter à un enjeu de développement ou de maintien de leur impact sociétal. Elles doivent également identifier et mettre en évidence des opportunités et assurer un meilleur développement de l’impact sociétal en rapport avec leur mission. Cela se traduit généralement à travers un besoin de renforcement structurel ainsi qu’une volonté de favoriser les activités menées par l’organisation dans la durée. Dans ce cas, le Fonds venture pilanthropy propose un service d’accompagnement pour une durée de trois ans aux organisations bénéficiaires. Ainsi, la démarche de venture philanthropy se résume comme suit :

Tableau 8 : Démarche venture philanthropy

Source : Michel Teller, Patrick De Rynck , « Le Fonds Venture Philanthropy », Rapport d’impact 2015, Fondation Roi Baudouin

Le financement des impact investing est issu de diverses sources dont les investisseurs publics et les bailleurs en sont les principaux acteurs, il y a également les investisseurs institutionnels et les particuliers qui y participent, mais seulement à un tiers de la totalité

Les principaux investisseurs qui jugent que les « impact investing » permettent de mobiliser les investissements privés pour établir des objectifs de développement constituent des acteurs majeurs dans le soutien des investissements à haut risque. 

Au cours de ces dernières années, l’intérêt porté par les investisseurs à l’impact investing s’est largement accru et a engendré une forte augmentation des actifs ainsi qu’une amélioration de l’infrastructure du secteur.

Cependant, il existe certains enjeux qui nécessitent une attention particulière. Il y a par exemple l’information concernant les résultats financiers et sociaux de ce type d’investissement qui est particulièrement rare, voire indisponible. En ce sens, Global Impact Investing Rating System (GIIRS) et Impact Reporting and Investment Standards tentent d’apporter une plus grande attention quant à la normalisation de l’évaluation de l’impact même si des convergences continuent de subsister par rapport au fait de savoir la façon dont les investisseurs suivent systématiquement l’impact social. Ainsi, certaines mesures d’évaluation de la performance ont été mises en œuvre à l’exemple du Microfinance Information Exchange. Cette plateforme permet de promouvoir le secteur de la microfinance et a eu comme principal d’optimiser l’évaluation financière et sociale entre les institutions et les régions.

En synthèse, la venture philanthropy repose sur le principe d’apporter un soutien de manière plus ciblée et globale à un groupe d’organisations en visant un fort impact social. Le principal enjeu est la construction d’un secteur social particulièrement performant par le biais de financement ainsi qu’à travers la montée en compétences de quelques organisations à fort potentiel.

 

PARTIE II : La Philanthropie et retour social sur investissement 

L’apparition de nouvelles grandes fortunes comme Intel, Oracle, Apple, Sun Microsystems, AOL, Yahoo, Amazon, a engendré une première constatation : le nouveau capitalisme. Ces nouveaux riches pensent généralement en termes de maximisation des profits tout en cherchant à parvenir à une rationalité optimale. 

Parmi les nouveaux millionnaires, il est remarqué une forte considération quant à l’obligation quasi statutaire pour une entreprise florissante de faire correspondre son nom à une fondation ou à une action philanthropique. Dans ce contexte, Marc Abelès rappelle que cela correspond tout à fait à la grande tradition philanthropique américaine et dans laquelle il est pressenti que  les associations souhaitent sanctifier un argent gagné aux dépens du travail exploité, ou de viser la seule évasion fiscale.

Toutefois, il est constaté qu’il y a bien cet esprit proprement américain d’initiative privée, et des actions caritatives viennent s’ajouter à l’action publique ou la remplace. Actuellement, c’est cet esprit qui domine dans la multiplication étonnante des fondations philanthropiques. 

Pour plusieurs philanthropes, la recherche d’impact social continue de faire son chemin au point que plusieurs considèrent que l’idée de vouloir guider leur démarche philanthropique continue de faire son chemin. Par exemple en se basant sur le concept d’« altruisme efficace », Peter Singer affirme « qu’une action est bonne si elle a les meilleures conséquences possibles pour tous ceux qui en sont affectés ».

Chapitre 1 : Les nouveaux philanthropes 

La philanthropie se présente, pour beaucoup de personnes fortunées, comme une nouvelle façon de léguer leur patrimoine sur le long terme tout en bénéficiant d’un impact positif sur la société.  Les différentes évolutions du secteur philanthropique a fait émerger de nouveaux philanthropes qui s’associent généralement à des motivations et des exigences nouvelles. Le développement de la nouvelle philanthropie a été favorisé par l’arrivée de nouveaux dispositifs réglementaires et fiscaux. Ces nouveaux dispositifs offrent une multitude de possibilités de s’engager dans le secteur philanthropique. 

Aujourd’hui, le secteur de la philanthropie est en phase d’ébullition dans laquelle les rencontres et les échanges ne cessent de se multiplier. L’image du « nouveau philanthrope » ou « philantrepreneur » produit un pouvoir d’aimantation pour de nouveaux acteurs. 

La majorité des nouveaux philanthropes semblent s’entendre autour d’une exigence renforcée d’efficacité, tandis que les plus avancés privilégient davantage la recherche d’une plus-value sociale impliquant la création d’alliances nouvelles.

Figure 3 : Typologie dynamique des philanthropes d’aujourd’hui

Source : Centre d’Etude et de Recherche sur la philanthropie

 

Par ailleurs, il est également constaté que la philanthropie devient de plus en plus innovante et les philanthropes se lacent progressivement dans des projets utilisant de nouveaux outils financiers dans l’investissement de nouveaux secteurs tel que la presse tout en captant l’attention de nouveaux acteurs comme les jeunes, les femmes, les magnats chinois, indiens, moyen-orientaux. En ce sens, les nouveaux philanthropes accusent les donateurs traditionnels comme lents et ne faisant pas preuve d’opacité (Seghers, 2009). 

 

Chapitre 2 : Les motivations des philanthropes

Traditionnellement, les philanthropes sont motivés par des causes caritatives qui tournent autour de la recherche d’un bien être de la société comme présenté par le tableau présenté ci-dessous. 

Tableau 9 : Principale motivation 

Source : Indice BNP Paribas 2016 De La Philanthropie Individuelle4

 

La fierté est un autre facteur qui motive la philanthropie. En effet, chaque personne, notamment celles qui ont réussi financièrement et/ou socialement éprouvent souvent un besoin de se faire connaitre et avoir la considération de ses pairs. Dans ce cas, seules les personnes fortunées peuvent créer des institutions qui par la suite deviendront des « monuments » marquant leur générosité ainsi que leur volonté de favoriser le bien-être de l’humanité.

Par ailleurs, d’autres études ont mis en évidence certains éléments auxquels les donateurs obéissent et à partir desquels il est possible de dresser une typologie de sept types de motivations : 

  • les communautaires pour plus de 26% des philanthropes : dans ce premier contexte, les philanthropes cherchent premièrement à apporter leur aide à des concitoyens par des actions sociales de proximité.
  • Les « fervents » pour 21% des philanthropes : dans  ce cas, les philanthropes sont animés de motivations religieuses ou spirituelles.
  • Les « investisseurs » pour 15% des philanthropes : les grands donateurs sont aussi intéressés par les avantages fiscaux.
  • Les mondains pour 11% des philanthropes : certains philanthropes cherchent principalement à s’occuper par l’organisation d’événements caritatifs.
  • Les reconnaissants pour 10% des philanthropes : les philanthropes qui recherchent de la reconnaissance sont généralement d’anciens bénéficiaires ont le souhait est de rendre à la société le gain reçu ;
  • Les altruistes 9%. des philanthropes : ce sont des donateurs qui sont véritablement désintéressés ;
  • Les dynastiques pour 8% des philanthropes : pour lesquels la philanthropie relève de la tradition familiale.

Ces différentes motivations sont exprimées de manière non exhaustive, mais, quels que soient le profil et l’origine des philanthropes, leurs actions sont généralement caractérisées par deux types de tendance :

  • Au lieu de donner gratuitement à des organisations établies, les philanthropes préfèrent créer leur propre fondation afin qu’ils puissent contrôler efficacement l’affectation et surtout l’impact de l’argent donné ;
  • La « culture du résultat », une tendance qui domine et anime tous les acteurs du secteur confondu (donateurs, conseils, et organisations caritatives).

Également l’étude confiée par l’Offre philanthropie de BNP Paribas Wealth à Marc Abélès et Jérôme Kohler, ont mis en évidence d’autres facteurs qui motivent les philanthropes. Les valeurs sont au centre de la volonté philanthropique. Ces valeurs s’apparentent souvent à des valeurs familiales étant donné que la philanthropie est considérée comme le socle de la cohésion familiale tout en étant une valeur d’éducation transmise. Les valeurs religieuses constituent également un facteur qui structure le don. La démarche du philanthrope est ainsi considérée comme une aventure spirituelle et se présente le plus souvent comme une quête individuelle qui est motivée par des facteurs personnels, autrement dit un moyen d’expression en tant qu’individu. Sept caractéristiques différentes animent donc les actions philanthropiques à savoir : le croyant, l’humaniste, l’activiste, l’héritier, le passionné, le « venture philanthropy », l’entrepreneur ou le « self made man », le mondain, et enfin le « réseauteur »

Toutefois, même si ces différents éléments s’inscrivent dans la motivation des philanthropes, il ne faut pas oublier l’autre forme de philanthropie qui est le « philanthrocapitalisme » s’inscrivant dans une tendance globale se rapportant à l’accroissement des inégalités et à l’enrichissement des plus riches.

Toutefois, ces différents facteurs qu’ils soient instinctifs ou émotionnels n’arrivent à justifier que d’une manière globale l’action philanthropique. C’est le facteur religieux qui est jusqu’à présent le facteur le plus directe et le plus clair, car généralement, la religion repose à la fois sur le désintéressement et la perspective d’une récompense ultérieure. 

Le tableau présenté ci-après présente les principales motivations des philanthropes européens et anglo-saxons :

Tableau 10 : Approche comparée des motivations des grands philanthropes européens et Anglo-Saxons

Source : Mission/Mars Abélès et Jérome Kohler, Grandes fortunes et philanthropie en Europe Continentale, France, Espagne, Italie et Belgique, mai 2009

 

Chapitre 3 : La philanthropie moderne et le don traditionnel 

Comme expliqué par Baudrillard, le mot « moderne » doit être considéré en fonction des termes auxquels il s’applique. Dans le cadre de philanthropie elle peut se référer à l’art, la religion, une période historique, l’État, etc. Ainsi, lorsque nous faisons référence à la « philanthropie moderne », ce n’est pas forcément dans le sens d’une philanthropie de la période moderne, mais plutôt d’une nouvelle forme de philanthropie disposant des caractéristiques du moderne. 

Selon une étude d’histoire étymologique menée par Warren au Canada français de 1850 à 1950, il est possible de mettre en évidence quatre niveaux sémantiques dans le concept de modernité : le moderne, le modernisme, la modernisation et la modernité (Warren, 2005). Le « moderne » prend donc davantage le sens de favorisant le progrès que ce soit en terme technique, moral ou dans le domaine de la civilisation.

Par ailleurs, une société est considérée comme moderne lorsqu’elle est impliquée au sein d’une transformation continue de ses structures sociales tout en étant dans le cadre d’une dissolution incessante des traditions. 

Cette conception de la modernité engendre un effet marquant en termes traditionnelle dans la mesure où l’industrialisation, l’arrivée d’une société de marché et la montée en puissance d’une classe bourgeoise offrent déjà des éléments fondamentaux permettant d’avancer son effet sur la philanthropie privée. Les acteurs modernes sont ainsi considérés non seulement comme des individus donnant volontairement, mais également comme des groupes qui s’obligent mutuellement.

Depuis la Première Guerre mondiale et durant les décennies suivantes, les philanthropes mettent en œuvre progressivement des procédés se rapportant au marketing de masse, et davantage,  font appel à des entreprises spécialisées dans le domaine de collecte de dons. Ce caractère moderne accompagné d’une créativité institutionnelle a eu comme effet de pousser incessamment la philanthropie à se renouveler tout en s’adaptant aux différentes difficultés sociales posées à chaque époque.

Afin de mieux comprendre ce phénomène de philanthropie, il se montre judicieux de prendre le cas des actions menées par les fondations américaines, car aujourd’hui ce sont les  États-Unis qui sont considérés comme la première puissance mondiale dans le domaine de la philanthropie. Les fondations américaines se basent généralement sur une mission d’utilité publique, donc d’intérêt général. Ce statut leur permet de recevoir des dons déductibles d’impôts, car elles sont considérées comme appartenant à l’économie sociale. À côté des riches personnalités de l’industrie, des millions d’Américains, même avec des moyens moins importants s’engagent dans la philanthropie.

En Amérique, cette culture philanthropique est favorisée par plusieurs facteurs :

  • Une population nombreuse d’immigrants pauvres ;
  • D’importantes opportunités d’accumulation de richesses à travers la croissance de l’économie ;
  • Un système fiscal encourageant les dons ; 
  • Un fort développement du capitalisme.

Dans ces contextes, les principes du don sont particulièrement liés à la besogne. Delon Weber, 1964 : « Le système capitaliste a besoin de ce dévouement à la vocation de gagner de l’argent »  et le contredon, c’est à dire, « le retour » se traduit comme la reconnaissance du philanthrope par rapport à la communauté qui a contribué à sa réussite personnelle.

La philanthropie moderne se présente donc comme étant un concept associé à un principe de la communauté. Ainsi, donner est « un idéal moral ou spirituel à atteindre » tout en étant une action délibérée de donner de l’argent, du temps, du service ainsi qu’une obligation visant à maintenir des relations de solidarité entre les riches et les personnes en situation de pauvreté. L’éthique des philanthropes, qui peuvent être des créateurs de fondations ou de riches particuliers, est destinée à reconnaître qu’avec leurs fortunes, ils ont premièrement des devoirs et surtout des responsabilités. Cela dit, le choix des fondations n’est donc pas neutre et porte le plus souvent sur des projets se rapportant au bien commun comme: les bibliothèques, le savoir, les arts et la culture. Le don ne se présente donc pas comme un acte intuitif ou spontané, mais plutôt comme un acte rationnel. Il s’exprime à travers la volonté du philanthrope d’agir dans le progrès de l’humanité. Ainsi, les philanthropes ont pour objectif de rechercher non seulement à  aider, mais également à agir dans un cadre politique étant donné qu’ils visent généralement à réformer la société, notamment à travers l’avancée des connaissances, donc en considérant avec beaucoup d’attention la question d’état des sciences sociales. Pour cela, ils proposent des opportunités permettant de supprimer la pauvreté et de diminuer les situations d’inégalité sociale en ouvrant la voie à un monde dans lequel la charité ne se présente que rarement et ne semble souvent pas nécessaire. 

 

PARTIE III : Comparaison internationale

Depuis le début des années 2000, nous constatons un important essor des organisations philanthropiques à l’échelle mondiale. Depuis ce développement grandissant des actions philanthropiques, de plus en plus de travaux de sciences sociales ont tenté de démontrer la manière dont la philanthropie s’est constituée au XIXe siècle en relation avec divers milieux sociaux. 

Cette troisième et dernière partie donne un aperçu de la philanthropie à l’échelle mondiale, notamment aux États, en Europe et en Moyen-Orient.

Chapitre 1 : La philanthropie dans le monde

Afin de mieux apprécier le phénomène de philanthropie à l’échelle mondiale, nous allons prendre le cas des États-Unis, de l’Europe et du Moyen-Orient.

Section 1 : La philanthropie en Amérique

La philanthropie américaine se présente en quelque sorte comme un modèle pour le développement des fondations françaises. En effet, l’Amérique dispose d’une pratique philanthropique ancienne avec des formes d’organisation très codifiées et très élaborées.

  • Définition de la philanthropie américaine

Actuellement, les vrais philanthropes, d’un point de vue étymologique du terme, ne représentent qu’une minorité parmi ceux qui se dénomment ainsi. Les philanthropes sont des personnes ou des fondations qui sont généralement fortunées et qui ont pour principale motivation une attente de retour. Ce phénomène ne se cache pas totalement, car en plus de vouloir le bien de l’humanité, plusieurs philanthropes cherchent un tout autre intérêt. 

Aux États-Unis, les philanthropes sont des personnes physiques ou morales qui ne le sont pas vraiment et qui s’attendent souvent à des « contredons » ou à une autre forme de compensation.

Les manuels américains s’accordent souvent à décrire la philanthropie de la manière suivante : « don de temps, de talent ou d’argent, pour le bien public » sans donner aucune autre explication qui reflète davantage la réalité. 

Pour mieux comprendre l’état d’esprit du philanthrope américain, il est important de faire une distinction entre charité et philanthropie même si à première vue, ces deux termes sont liés et disposent de nombreux points communs. Aux États-Unis, « on distingue la charité, qui se veut une action directe sur la pauvreté, et la philanthropie qui travaille, elle, à modifier les causes de cette situation. (…). Il s’agit de traiter le mal à sa racine, et distribuer inconsidérément les dollars par millions ne suffit pas ». Ainsi, comparé au concept de charité, la philanthropie ne signifie pas aumône aux pauvres, mais plutôt une forme d’aide offerte à ceux qui veulent s’aider eux-mêmes. Cela dit, les actions philanthropiques ne s’adonnent pas sans raison à une cause de n’importe quelle manière, peu importe l’impact de la contribution. Celle-ci doit posséder un caractère utile s’accompagnant d’un effet à la fois ponctuel et sur le long terme.

S’il est considéré comme un concept auquel on fait appel pour s’adresser à la générosité des gens, aux États-Unis, la philanthropie s’apparente à une notion de développement, un terme qui rassemble à la fois diverses actions qui permettent à une organisation de développer ses ressources financières au-delà de leurs propres ressources. À cela s’intègre « fundraising », qui en français, signifie « collecte de fonds » ou « levée de fonds ».  Le « fundraising » sert à entretenir des relations avec les donateurs actuels et futurs. 

La fundraising a donc comme origine une culture américaine privilégiant les valeurs d’entraide et de solidarité entre des individus au sein d’un pays où l’État Providence n’a jamais eu sa place. Le fundraising, se présente comme un processus de sollicitations et de collecte financière sous forme de dons de particuliers, d’entreprises, de fondations ou d’organismes gouvernementaux avec comme principal de mobiliser des ressources privées tout visant : « la croissance des recettes nettes de collecte en vue d’une meilleure réalisation des objectifs statutaires ».  Depuis longtemps, le fundraising s’apparentait au concept développement du secteur social et humanitaire. Puis petit à petit, le secteur a développé des techniques de marketing direct appliquées à la levée de fonds.

Actuellement, nous pouvons distinguer plusieurs techniques de collecte de fonds dont l’intérêt dépend des caractéristiques de l’association, de sa cible et de sa cause. Ainsi, d’autres nouvelles techniques viennent compléter les modes traditionnels de collecte de fonds. Ces nouvelles techniques sont pour une grande partie liée à la professionnalisation du métier et aux nouvelles technologies :

  • Le marketing direct 
  • L’e-fundraising 
  • Les stratégies grands donateurs 
  • Les partenariats 
  • L’événementiel thématique (notamment sportif…) 
  • Les legs 
  • Le street fundraising

Le recours à ses méthodes s’est particulièrement développé depuis que l’État a commencé à se désengager et a baissé les subventions. Progressivement, le fundraising s’étend vers des domaines de plus en plus variés à savoir : le domaine culturel,  la recherche, et plus récemment à celui de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, avec l’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les techniques de fundraising sont actuellement en phase avec une nouvelle génération de philanthropes qui sont plus mondialisés et plus en relation avec l’économique numérique.

  • Les fondations américaines 

Aux États-Unis, la tradition philanthropique remonte à très longtemps, pour ne pas dire aux origines du pays. Depuis le début, la philanthropie a toujours occupé une place centrale dans la prise en charge de l’intérêt général. En Amérique, la philanthropie a pris une place capitale de telle manière qu’elle figure dans le patrimoine génétique et quiconque s’y soustrait est regardé d’un mauvais œil. Sans forcément avoir le soutien de l’État, les philanthropes américaines sont en charge de la communauté à travers le développement de fondations par cause, ou des fondations communautaires qui interviennent au sein d’un territoire délimité en intervenant dans différents domaines : écoles, universités, musés, affaires sociales, etc. 

Agissant pour la survie de la communauté, les philanthropes américaines se font connaitre publiquement que ce soit en termes d’activités ou d’engagement. Leurs noms sont publiés tous les quinze jours dans le journal qui suit l’action philanthropique (The Chronicle of Philanthropy) avec indication du montant de leur engagement, national ou international.  À titre d’indication, les cinquante plus gros philanthropes américains ont versé plus de 9 milliards de dollars en 2011.

Aux États-Unis, le plus emblématique du philanthrope individuel est notamment le cas du projet du fondateur de Microsoft. Jusqu’à ce jour, ce dernier a réalisé une donation totale de 36 milliards de dollars à sa Fondation Bill & Melinda Gates. Par ailleurs, pour apporter son aide aux américains les plus démunis, Bill Gates a lancé une campagne destinée aux plus riches intitulée The Giving Pledge avec comme objectif de donner la moitié de leur fortune à des causes ou à des fondations.

Chiffres clés de la philanthropie aux États-Unis

Les principaux secteurs bénéficiaires

 

Section 2 : La philanthropie en Europe

Un peu partout en Europe, le secteur des fondations se montre particulièrement florissant. Toutefois, les attitudes en termes de dons des particuliers sont considérés comme fortement disparates, notamment en raison de l’existence d’une importante diversité des facteurs qui les entourent, à savoir : les héritages historiques et culturels, les contextes socio-économiques, les structures étatiques et des cadres fiscaux. Il n’existe donc pas un exemple parfait du philanthrope ou du donateur européen, ni même de modèles dominants.

Aujourd’hui, tous les pays européens semblent tous être d’accord sur le rôle de la philanthropie privée dans le cadre d’une intervention au profit de l’intérêt général, comme ce qui est attesté par l’intégration de dispositifs d’incitation fiscale. L’incitation fiscale instaurée par le gouvernement a pour principal objectif d’encourage les fondations ou personnes qui œuvrent déjà dans des actions de don pour faire accroitre le montant versé plutôt que de favoriser l’effectif des donateurs. Par exemple pour la France, le système de déductibilité se montre particulièrement avantageux comparé à ses voisins européens. Au sein de plusieurs autres pays, une fraction de l’impôt est directement versée aux organisations religieuses ou vers le secteur caritatif. En Allemagne, à l’impôt dû s’ajoute une taxe religieuse à hauteur de 8 à 9%.

En Europe, si un certain nombre de pays se conforme à la philanthropie traditionnelle, l’image des fondations est avant tout jeune, ce qui témoigne la progression de la culture philanthropique tout en démontrant l’évolution des cadres juridiques et fiscaux qui s’appliquent au secteur. Ce qui caractérise les fondations européennes c’est qu’elles font souvent appel à des ressources autres que la dotation initiale comme les collectes ou les legs et elles disposent d’une organisation qui se base sur un modèle de flux. Également, le rapport à la capitalisation a connu une certaine évolution dans la mesure où les philanthropes optent davantage pour un rythme de dépense dynamique tout en recherchant un impact social rapide plutôt que l’exigence de pérennité.

  • Spécificités

Le tableau présenté ci-après donne un aperçu des philanthropes européens :

Tableau 11 : Profil des philanthropes européens 

Source : BNP Paribas Indice De La Philanthropie Individuelle

Graphique 1 : Les donateurs européens

Source : Chiffres 2012. Charitable Giving in America : Some Facts and Figures. National Center for Charitable Statistics, Observatoire de la Fondation de France / CERPhi – Avril 2015

 

En Europe, les principaux pays donateurs sont le Pays-Bas, la Suisse, la Pologne et la Suède. Les pays qui se situent à l’Europe du Nord se trouvent en haut du classement et ceux qui se situent en Europe du Sud comme l’Italie ou l’Espagne sont en bas de la liste. L’Espagne représente un taux particulièrement faible par rapport aux autres pays, soit 19%. La France quant à elle se situe à la sixième place avec 49% de donateurs. Cette proportion place le pays au-dessus de la proportion moyenne de donateurs, qui est de 44%, pour les 10 pays représentés plus haut. Il est tout de même important de préciser que la position occupée par le Royaume-Uni, en 5ème place, devance la France à seulement une différence de 6 points. Ben que ces différentes proportions ne montrent en rien les montants des dons dans chaque pays concerné, elles donnent tout de même un aperçu assez significatif de la façon dont les européens se sentent par rapport au fait de contribuer volontairement au bien de la communauté et les raisons peuvent varier : sentiment de devoir social, volonté de soutenir une cause particulière, engagement auprès du secteur associatif, etc

Graphique 2 : Montant des dons européens 

Source : Chiffres 2012. Charitable Giving in America : Some Facts and Figures. National Center for Charitable Statistics, Observatoire de la Fondation de France / CERPhi – Avril 2015

  • Les donateurs et les plus grands bénéficiaires des dons des Européens 

En Europe, il existe de nombreux réseaux nationaux de fondations :

Source : Chiffres 2012. Charitable Giving in America : Some Facts and Figures. National Center for Charitable Statistics, Observatoire de la Fondation de France / CERPhi – Avril 2015

 

Par ailleurs, il faut noter qu’il n’est pas possible d’estimer la répartition de la totalité des dons européens par domaine. Par contre, en considérant le volume des dons octroyés par différents pays ainsi que du poids des causes prioritaires mises en avant par les donateurs, il est possible de déduire le fait suivant : les organismes religieux britanniques recueillent près d’un euro donné en Europe sur douze, également les organismes humanitaires allemands qui œuvrent à l’échelle internationale obtiennent près d’un euro donné en Europe sur douze. 

  • Avenir de la philanthropie européenne

Il existe plusieurs études qui soulignent l’idée qu’il y aurait surement un essor de la générosité en Europe. Premièrement, les organismes collecteurs de fonds européens témoignent déjà d’une grande confiance quant à l’avenir des donations européennes malgré l’existence d’une conjoncture économique assez complexe. Le rapport « Fundraising in Europe 2013/2014 » publié par la European Fundraising Association démontre également que les professionnels de la collecte de dix-sept pays européens commencent déjà à faire état de leurs prévisions pour l’avenir. Si en 2012, ils n’étaient que 25% à prévoir que la collecte de dons va progresser, ils ont gagné en nombre et sont arrivés à 53% en 2013. Même si ces professionnels sont conscients de la difficulté de la conjoncture économique et que celle-ci constitue un véritable frein au développement du don, ils sont tout de même confiants de la croissance de la générosité européenne. 

Par ailleurs, du côté des plus grands mécènes, les estimations se montrent également encourageantes, car la culture philanthropique européenne est en ce moment en plein essor. Cette situation est également indiquée par l’Individual Philanthropic Index à travers lequel BNP Paribas construit un indice philanthropique en collaboration avec Forbes Insight. Cet indice philanthropie est appliqué au niveau de quatre grandes régions du monde, à savoir les États-Unis, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie, en se basant sur une enquête menée auprès d’individus qui disposent d’un patrimoine équivalent ou au-delà de cinq millions de dollars. L’enquête effectuée n’a pas permis de mettre en évidence des informations exactes sur les montants des dons octroyés par les grands mécènes, mais elle a permis d’évaluer avec une certaine précision la façon dont les plus grands philanthropes sont appréhendés au niveau de ces régions, notamment sur la base de différents éléments à savoir : l’intention de don présente et future, la considération de l’engagement philanthropique à travers l’innovation et la mesure de l’impact du don et aussi la volonté des philanthropes à afficher au grand public leur geste de don.

Après les enquêtes effectuées, l’indice montre que l’Europe se trouve à la deuxième position et est devancé par les États-Unis sur l’ensemble des indicateurs. Toutefois, elle se situe en première position en termes d’innovation. Par ailleurs, même si les plus riches Européens sont encore très peu nombreux à rejoindre la communauté du Giving Pledge, une action lancée par Warren Buffet et Bill Gates et destinée à mobiliser davantage les plus riches à donner au minimum la moitié de leur fortune à des causes d’intérêt général et à annoncer leurs actions au grand public, ils affichent davantage des gestes de mécénat tout en éprouvant le désir de jouer un rôle majeur dans le cadre des défis majeurs relevés par les sociétés d’Europe à travers un engagement dans la durée.

Toutefois, cet essor ne se montre encore que très discrètement dans de nombreux pays d’Europe dans lequel la peur d’engendrer une certaine forme de suspicion constitue un frein non négligeable, même si le potentiel de grande générosité se montre particulièrement considérable. Nous pouvons par exemple prendre le cas du Royaume-Uni, un pays où l’affichage de la grande philanthropie est assumé : il est constaté que 10% des plus fortunés ne représentent encore qu’un peu plus de 20% de l’ensemble des dons, alors que leurs fortunes sont estimées à plus de 50% des richesses.

Section 3 : La philanthropie en Moyen-Orient 

Pour le Moyen-Orient, il n’existe que très peu données concernant la philanthropie. Cette situation peut s’expliquer par le fait que les fortunés de cette région sont fortement très ancrés dans une doctrine qui s’applique au zakat dans laquelle l’action de donner c’est à dires les donations ne peuvent pas être vantées et leur auteur ne doit en chercher aucun bénéfice personnel. Toutefois,  il est tout même possible de mettre en évidence quelques caractéristiques concernant les pratiques philanthropiques dans cette région

  • Au Moyen-Orient, la foi religieuse constitue la principale motivation des philanthropes (63 %). 
  • La philanthropie a généralement besoin de création de richesse. Le Moyen-Orient, comme l’Asie et l’Amérique Latine, connaît une importante augmentation de leurs richesses durant ces dernières années et pensent que cette croissance va continuer dans les années à venir.  D’après le Wealth Report 2013 de Knight Frank, pour ces trois régions, le nombre de riches disposant d’une fortune supérieure à 30 millions d’USD va croître de 58% d’ici 10 ans. En même temps, le rapport souligne qu’une augmentation de la richesse ne signifie pas forcément un accroissement du nombre des philanthropes.
  • En plus de la création de richesse, la philanthropie a également besoin de reconnaissance. Comme rappelé par la tradition musulmane, la reconnaissance des pairs s’effectue dans une grande discrétion. Cependant la concurrence qui apparait entre les particuliers jouera sans aucun doute un rôle important à l’avenir tout particulièrement pour les plus grands donateurs. Nous pouvons par exemple prendre le cas de Sheikh Mohamed bin Zayed, Prince Héritier d’Abu Dhabi, qui a décidé d’annoncer sa contribution à hauteur de 50 millions d’USD lors du sommet mondial de la vaccination, fin avril à Abu Dhabi.
  •  La philanthropie a aussi besoin de connaissance. L’existence d’un sentiment de méfiance ou de défiance entre donateurs et ONGs se présente comme un frein aux actions de donation alors même que, les compétences et les connaissances sont disponibles. Dans de nombreux cas, les donations sont guidées par l’instinct ou par les obligations. Cette situation peut être considérée comme une insuffisance d’ambitions et/ou de lucidité par rapport aux résultats escomptés. Toutefois, le développement de nouveaux réseaux à l’exemple de l’AVPN à Singapour ou encore l’édition du nouveau magazine Philanthropy Age au Moyen-Orient, témoignent en quelque sorte que les initiatives ne manquent pas pour partager ces savoirs et pour optimiser les échanges propices à la création de valeur. 

Par ailleurs, le tableau présenté ci-après donne un aperçu des différentes caractéristiques des philanthropes du Moyen-Orient :

Tableau 12 : Profil des philanthropes au Moyen-Orient

Source : BNP Paribas Indice De La Philanthropie Individuelle

 

Chapitre 2 : Comparaison entre USA, Europe et Moyen-Orient

Section 1 : USA, Europe

Comparé à celui des États-Unis, le pourcentage du  nombre de donateurs européens qui est de 44% et le montant de l’ensemble des dons évalué à 22,4 milliards d’euros sont particulièrement moins élevés. Toutefois, le nombre de fondations est beaucoup plus élevé en Europe : 129 975  en contre 104 107 aux États-Unis. Il est également remarqué que les fondations européennes sont beaucoup plus dynamiques, car : l’indice de vitalité c’est-à-dire le ratio dépenses/actifs, est en de 12%, contre 7% aux États-Unis.

Le tableau présenté ci-après donne beaucoup plus de détails sur les philanthropes américains et les philanthropes européens

Tableau 13 : Comparaison entre les philanthropes américains et européens

Source : Chiffres 2012. Charitable Giving in America : Some Facts and Figures. National Center for Charitable Statistics, Observatoire de la Fondation de France / CERPhi – Avril 2015

 

Au niveau des montants de la générosité des particuliers, c’est-à-dire des données concernant la part de la population donatrice, il est remarqué que l’Europe se trouve à un niveau plutôt faible par rapport aux États-Unis soit 44,3% de donateurs sur la totalité des dons apportés. Pour les USA, le montant de la générosité des particuliers est évalué à 95,4% de donateurs.

Pour l’Europe, c’est le Royaume-Uni qui arrive en tête parmi les pays européens en termes d’indicateurs au don et part de la générosité des particuliers/PIB avec 0,56% du PIB. Le pays se trouve loin devant les autres pays européens, mais reste tout de même loin des chiffres américains. Par ailleurs, quelques nuances sont également constatées au niveau des idées reçues quant à l’hégémonie américaine en termes de philanthropie.  Le montant total des sommes engagées par les fondations européennes notamment pour les neuf pays étudiés un peu plus haut soit 54 milliards d’euros, se trouve au même niveau que celui des fondations américaines qui est de 71 milliards de dollars pour les États-Unis, soit 53,5 milliards d’euros. 

En termes de valeur relative, il est de ce fait constaté que les fondations européennes sont autant engagées dans les activités philanthropiques que celles de son homologue américain. Et même si le patrimoine philanthropique des États-Unis est beaucoup plus important que celui de l’Europe, l’affectation de cette richesse à des actions d’intérêt général se montre beaucoup plus dynamique en Europe. Également, l’indice de vitalité des fondations démontre que la moitié des pays européens enregistre un indice de vitalité philanthropique plus important que celui des États-Unis.

La France par exemple enregistre un ratio dépense/actifs de 34% lui valant le titre de pays européens dont les fondations sont les plus dynamiques.  Il faut noter que ce ratio est quatre fois plus élevé que celui des fondations américaines qui est évalué à 8,6%. 

 

Section 2 : USA et Moyen-Orient

Aux États-Unis comme au Moyen-Orient, les philanthropes justifient leurs actions de générosité à travers le fait que ces actions sont pour eux des expériences personnelles dans le domaine d’intérêt public.  Au niveau de ces deux régions, il est également remarqué que la foi religieuse fait partie des premiers facteurs de motivation des philanthropes. Également, les États-Unis et le Moyen-Orient se distinguent en déclarant que la recherche d’un changement social fait partie des trois principales causes pour leurs actions philanthropiques. Même si plusieurs caractéristiques semblent être identiques pour les deux pays, il existe tout de même des convergences :  

  • En matière de dons promis à des causes philanthropiques, les États-Unis se trouvent très loin devant le Moyen-Orient. Toutefois, le Moyen-Orient enregistre des progressions beaucoup plus rapides
  • Si les États-Unis ont un certain niveau de conscience de leur propre richesse leur poussant à faire augmenter leurs dons pour plus de 50%, pour le Moyen-Orient c’est à hauteur de 72%. 
  • Lorsqu’ils effectuent des dons dans le cadre d’une action religieuse, plus de 50% des philanthropes du Moyen-Orient sont prêts à attendre plus de vingt-cinq années pour constater les impacts de leurs actions philanthropique. 

 

Pour ces trois pays, les données de BNP Paribas de 2016, à l’échelle mondiale, démontre que les États-Unis se trouvent en tête de liste en termes de philanthropie.

 

Source : Indice BNP Paribas 2016 De La Philanthropie Individuelle

 

CONCLUSION

Tout au long de ce travail, nous avons pu constater que la philanthropie se base généralement sur un concept d’aide et de soutien social pour le développement et relève d’un volontarisme en action. L’action philanthropique se compose de dons, en temps ou en action. 

Toutefois, il est remarqué que l’apparition de la nouvelle philanthropie a apporté un élément nouveau à ce concept de base, notamment la recherche d’impact social à travers des prêts et des actions en capital. Cette nouvelle philanthropie fait apparaitre également de nouvelles pratiques à savoir : la « venture philanthropy », le « social investment », l’ « impact investing » et le « socially responsible Investment ». Dans cette nouvelle philanthropie, le statut des donateurs manque souvent de clarté et se base sur le rapport : profit, aide et charité.

L’exemple le plus frappant dans cette nouvelle philanthropie est celui de Bill Gates qui explique la philanthropie à travers le capitalisme créatif tout en minimisant la frontière entre le bien public et le monde des affaires. Il y a également la Clinton Global Initiative qui affirme que les méthodes traditionnelles en termes d’aide semblent ne plus suffire pour lever les défis majeurs mondiaux vu le concept actuel tout en précisant que les solutions axées sur le marché sont particulièrement prometteuses. Par ailleurs, les nouveaux philanthropes sont également marqués par leur ambition de relever de grands défis se présentant souvent comme des remèdes miracles. Les nouveaux riches de la nouvelle philanthropie pensent généralement en termes de maximisation des profits tout en cherchant à parvenir à une rationalité optimale. Les nouveaux philanthropes s’associent généralement à des motivations et des exigences nouvelles.

Aux États-Unis, les philanthropes sont des personnes physiques ou morales qui s’attendent souvent à des « contredons » ou à une autre forme de compensation. Aux États-Unis, le plus emblématique du philanthrope individuel est notamment le cas du projet du fondateur de Microsoft. Jusqu’à ce jour, ce dernier a réalisé une donation totale de 36 milliards de dollars à sa Fondation Bill & Melinda Gates. En Europe, certains pays se conforment à la philanthropie traditionnelle et les philanthropes sont motivés par l’héritage familial et le sens du devoir. En Europe, le montant total des dons est largement inférieur à celui des États-Unis, mais en termes d’innovation, les pays européens sont plus dynamiques. Également, les fondations européennes sont beaucoup plus engagées dans les activités philanthropiques que celles de son homologue américain.

En Moyen-Orient, les philanthropes justifient leurs actions de générosité par les actions qu’ils considèrent comme des expériences personnelles dans le domaine d’intérêt public et la foi religieuse fait partie des premiers facteurs de motivation des philanthropes. Comparé aux États-Unis, le montant des dons pour des causes philanthropiques est beaucoup moins faible en Moyen-Orient.

 

Bibliographie

  • Alexandre Lambelet, « La philanthropie », Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Contester », 2014
  • Alexia Blin, « La philanthropie en Amérique », Revue d’étude américaine, 2012
  • Anheier, h. k. et D. Leat  « Creative Philanthropy : Toward a New Philanthropy for the Twenty-First Century », New York, Routledge, 2006
  • Antonio Olmedo et Stephen Ball, « Nouvelle philanthropie, capitalisme social et développement international : Les nouvelles façons de concevoir le « don », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 2011
  • Baudrillard, Jean. Brunn, Alain. Lageira, Jacinto. « Modernité », Encyclopédia Universalis, 2012
  • Bill&Melinda Gates Fondation, « K-12 Education Strategy Overview », Charter Schools américaines, 2015
  • BROOKS S., LEACH M., LUCAS H. & MILLSTONE E. : « Silver Bullets, Grand Challenges and the New Philanthropy ». STEPS Working Paper 24. Brighton: STEPS Centre., 2009
  • ByShelly Banjo, « Not Your Parents’ Philanthropy », Dow Jones & Company, Inc. All Rights Reserved, mars 2010
  • Chaire Baillet Latour « Philanthropie et investissement social ». Liège, Liège, Belgique, 2014
  • CHARBONNEAU, M., « Revue de la littérature et périodisation de l’histoire moderne des fondations philanthropique en Europe et aux États-Unis: les cinq âges de la philanthropie », Montréal, Cahier du CRISES no 1114, 2014
  • Eduscol, « Argent et engagement social : les activités philanthropiques » Ministère de l’éducation nationale (DGESCO), octobre 2012
  • Francis Charhon, « La Philanthropie. DES Entrepreneurs de Solidarité », Fondapol, L’innovation politique, juin 2012
  • Forbes Media LLC, « The World’s Billionaires », 2016
  • Gérard Gendre. « L’essence du fundraising. Des lettres et des dons », n°26, Télos Conseil, Mars 2007
  • Groupe de réflexion, « l’opportunité de la philanthropie », 2014
  • Jean-Louis Delvaux Et Serge Raicher, « Les Nouvelles Tendances De La Philanthropie », Rapport Moral Sur L’argent Dans Le Monde, 2010
  • JY Bodin, « « Réseaux sociaux et e-collecte : quelle stratégie web pour les organisations caritatives ? », Web éditorial – 2011
  • Lisa Hehenberger, « Venture Philanthropy et investissement social en Europe 2012/2013 » L’enquête d’ EVPA, avril 2014
  • Mayada El-Zoghbi et Henry Gonzalez, « Point de convergence de l’investissement d’impact et de la micro finance », CGAP, 2013
  • Mertens, S., & Marée, M. «  Comment se finance le secteur associatif ? » Centre d’Economie Sociale, 2011
  • M. Benoît Lévesque, « Éléments De Synthèse Et Perspectives D’avenir Pour La Philanthropie: un système et une culture plurielle », INSTITUT MALLET, 2014
  • Michel Teller, Patrick De Rynck , « Le Fonds Venture Philanthropy », Rapport d’impact 2015, Fondation Roi Baudouin
  • Monitor Institute. « Investing for Social and Environmental Impact: A Design for Catalyzing an Emerging Industry » San Francisco : Monitor Deloitte, 2009
  • Observatoire de la Fondation de France / Centre d’étude de recherche sur la philanthropie « Panorama de la philanthropie en Europe », avril 2015
  • OCDE, « Fondations philanthropiques et coopération pour le développement », Comité d’Aide au Développement, 2013
  • SMITH Adam, « La richesse des nations », Livre I, chap.2, 2010
  • STEPHANIE STROM, « What’s Wrong With Profit ? », article publié dans The nEw Uork times, novembre 2006
  • Sylvère PIQUET, « Le Mécénat Et La Philanthropie Sont-Ils Des Concepts Légitimes Pour L’entreprise ? », REVUE FRANÇAISE DU MARKETING – Décembre 2015
  • Warren, Jean-Philippe. « Petite typologie philologique du « moderne » au Québec (1850-1950). Moderne, modernisation, modernisme, modernité » Recherches sociographiques, vol. 46, n° 3, 2005
  • Weber M. « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », Paris, Plon, 1964
  • Yvan Comeau, « Chaire de recherche Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique », Université Laval, 2010

 

Mémoire de  fin d’études de 59 pages.

24.90

Retour en haut