Mémoire portant sur la distance professionnelle juste pour les infirmiers dans les situations de soins palliatifs.
Existe-t-il une distance professionnelle juste pour les infirmiers dans les situations de soins palliatifs?
INTRODUCTION
En général, un être humain se comporte différemment selon la situation et la circonstance dans lesquelles il se trouve. En effet, il adopte diverses attitudes selon qu’il se trouve en famille, entre amis ou dans le milieu professionnel. Cette situation est un peu normale, surtout en ce qui concerne le travail. Dans certains métiers, il existe une déontologie qui oblige les personnes en exercice à distinguer succinctement la vie privée de la vie professionnelle. A noter que le terme déontologie professionnelle fait référence à l’ensemble de principes et règles éthiques qui gèrent et guident une activité professionnelle. Ces normes, sont celles qui déterminent les devoirs minimums exigibles par les professionnels dans l’accomplissement de leur activité.[1]
Ces règles ont été établies pour maintenir un professionnalisme correct au niveau du travailleur dans l’exercice de ses fonctions. En séparant les deux concepts, cela va permettre à la personne exerçant le métier d’être le plus objectif possible, et d’empêcher les sentiments personnels de s’immiscer dans le travail. Sans cette distinction, il peut exister une confusion au sein du travailleur et ses performances au travail pourraient en être affectées.
Par ailleurs, le fait de mêler la vie personnelle au travail pourrait avoir d’autres conséquences. Cela pourrait effectivement affecter le jugement du travailleur, et ‘amènerait ainsi à prendre des décisions inadéquates, ou à entreprendre des actions non cohérentes avec ce qui devrait être normalement réalisé.
Cependant, il est assez difficile de séparer complètement ces deux concepts. En tant qu’être humain, il est normal d’avoir une vie privée, d’éprouver des sentiments et d’avoir des opinions personnelles à propos d’une situation. C’est pour cela qu’il faut faire preuve de professionnalisme dans l’exercice du métier, et respecter le plus possible les règles et les principes qui le régissent.
Dans la profession médicale, la déontologie tient une place très importante. C’est un domaine très délicat, car des vies humaines sont en jeux dans cette profession. Le respect des règles et des normes établies est donc essentiel pour la bonne marche de l’exercice du métier. Cela concerne tous les métiers dans ce domaine, que ce soit pour les médecins, les infirmiers, les sages-femmes ou toute autre catégorie de personnes travaillant dans le monde la santé. Chaque catégorie a d’ailleurs son propre code de déontologie.
Pour les infirmiers en particuliers, il existe plusieurs documents qui délimitent les règles qui régissent la profession, entre autres le Code déontologique du CII (Conseil International des Infirmières) pour la profession infirmière, ou les règles professionnelles infirmières dans le code de la santé publique.
Dans ces documents, on peut voir les devoirs généraux des infirmiers, leurs droits, leurs responsabilités, leurs comportements à adopter vis-à-vis des collègues, du corps médical et des patients. Sur ce dernier point, il est important de souligner que malgré le fait qu’un infirmier doit être proche de son patient pour lui attribuer les meilleurs soins possibles, il faut quand même garder une juste distance professionnelle pour ne pas être trop proche, et affecter ainsi son professionnalisme.
Par ailleurs, dans les règles professionnelles infirmières dans le code de la santé publique, il est stipulé dans l’article R. 4312-25 que : « L’infirmier ou l’infirmière doit dispenser ses soins à toute personne avec la même conscience quels que soient les sentiments qu’il peut éprouver à son égard et quelle que soient l’origine de cette personne, son sexe, son âge, son appartenance ou non-appartenance à une ethnie, à une nation ou à une religion déterminée, ses mœurs, sa situation de famille, sa maladie ou son handicap et sa réputation. »
Cette règle s’applique à tous les niveaux, surtout dans le domaine des soins palliatifs, qui sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale.[2] En effet, pour ces personnes, l’attention que peut apporter les infirmiers qui les soignent est très importante, pour alléger au maximum leur souffrance et leur inquiétude. Ces infirmiers se doivent donc d’apporter le meilleur d’eux-mêmes, sans toutefois dépasser les limites au niveau de l’aspect relationnel avec ces patients.
Les soins palliatifs possèdent des spécificités qui les différencient des soins classiques. Ils méritent donc d’être étudiés en particulier, de même que les services relatifs à ces soins au sein d’un établissement. De plus, les infirmiers qui travaillent dans ces services se doivent aussi de respecter une juste distance professionnelle dans leur relation avec les patients.
Partie I : Les soins palliatifs
Les soins palliatifs sont des soins réservés à des personnes dont la guérison n’est plus possible. Ces personnes sont donc dans un état de phase terminale d’une maladie et ont un grand besoin de soutien moral pour les accompagner dans leurs derniers jours. De plus, la famille de ces personnes a aussi besoin d’être rassurée, ce qui rend la tâche des soignants encore plus complexe.
La législation française a consacré des textes à ces soins palliatifs. Ainsi, dans l’article L. 1er B de la loi no 99-477 du 9 juin 1999, visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, on peut dénoter la définition suivante : « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »[3]
- Les objectifs des soins palliatifs
Les soins palliatifs et l’accompagnement concernent les personnes de tous âges atteintes d’une maladie grave, évolutive mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Ces personnes peuvent souffrir d’un cancer, d’une maladie neurologique dégénérative, du sida ou de tout autre état pathologique lié à une insuffisance fonctionnelle décompensée (cardiaque, respiratoire, rénale) ou à une association de plusieurs maladies.
Les soins prodigués visent à améliorer le confort et la qualité de vie et à soulager les symptômes : ce sont tous les traitements et soins d’accompagnement physiques, psychologiques, spirituels et sociaux envers des personnes et leur entourage. Les soins palliatifs ont donc quatre objectifs bien définis, qui sont de:
- Soulager la douleur
- Apaiser la souffrance psychique
- Sauvegarder la dignité de la personne malade
- Soutenir son entourage
Soulager la douleur
La plupart des maladies qui n’ont plus d’espoir de guérison sont douloureuses. Les soins palliatifs se doivent d’alléger au maximum ces douleurs. Pour cela, les soignants peuvent utiliser tous les moyens possibles qui sont à leur disposition. Cependant, l’utilisation de ces moyens est soumise à quelques conditions. En effet, il faut une prescription médicale pour pouvoir donner un médicament ou un traitement à un patient.
Généralement, les douleurs sont dues aux modifications qui interviennent dans le corps et l’organisme suite à des maladies. Effectivement, la plupart des maladies entrainent des dysfonctionnements au niveau du mécanisme de l’organisme et peut provoquer des douleurs relativement importantes sur quelques parties du corps.
Il est à noter que la douleur est le principal symptôme avec lequel une maladie peut être décelée. Selon la définition donnée par l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel.
Une personne qui ressent de la douleur éprouve donc une sensation de gêne constante, et qui, selon sa gravité, peut avoir des conséquences sur sa capacité physique, son comportement et même sa santé morale. De par sa nature, l’homme va chercher tous les moyens pour éliminer ou soulager cette sensation.
Les soins palliatifs incluent le soulagement de la douleur dans ses objectifs. Ils visent à donner une sensation de bien-être aux patients malgré l’existence de leurs maladies. Etant donné que ces dernières sont incurables, et que les patients peuvent ne plus avoir de goût à la vie, le fait d’alléger leur souffrance va les aider à passer l’épreuve qu’ils vivent moins péniblement.
Apaiser la souffrance psychique
Même si c’est la maladie elle-même qui est la principale cause de décès des patients admis en soins palliatifs, le fait d’avoir ces maladies et de savoir qu’il n’y a pas de guérison possible peut mettre en péril la santé morale des patients. Etant donné que le patient soit en connaissance du fait qu’il va bientôt mourir, il peut éprouver des inquiétudes, des regrets, des remords, des appréhensions, de la colère et bien d’autres sentiments qui vont affecter son équilibre psychique.
La souffrance psychique peut résulter de différentes situations qui interviennent dans la vie du patient. On peut citer entre autres :
- l’incapacité de se projeter dans l’avenir
- l’incapacité à utiliser les compétences antérieurement acquises
- la solitude affective et relationnelle
- le fait de savoir que la situation ne puisse changer
- l’incapacité d’agir sur son propre destin
Un patient en soins palliatifs est un patient qui peut avoir tout perdu ou avoir le sentiment de tout perdre. Il y a d’abord sa famille et ses proches. Le fait de penser à sa situation vis-à-vis de sa famille et des personnes qu’il aime peut provoquer une dépression. Il est difficile de se faire à l’idée qu’il ne pourra plus les voir dans un avenir proche et inversement. De ce fait, il pourrait avoir un sentiment de repli, d’évitement ou de passivité envers le monde extérieur, et il pourrait même ne plus avoir d’estime de soi.
D’autre part, le patient peut regretter également les choses matérielles dont il a eu possession comme sa maison, sa voiture, son argent ou sa fortune. Il en est de même pour son travail, ses projets, ses ambitions ou ses rêves.
Il est vrai qu’un traitement psychologique ou même psychiatrique est plus adapté à cette situation, mais les soins palliatifs se doivent d’être polyvalents et englober plusieurs domaines. Par ailleurs, le fait qu’il y a un grand nombre de soigneurs et de traitants pourrait augmenter encore plus les inquiétudes qui subsistent chez le patient.
Sauvegarder la dignité de la personne malade
Toute personne a une dignité et pour un patient en soins palliatifs qui peut tout perdre, c’est la dignité humaine qui peut lui rester. La dignité fait référence à une qualité qui serait liée à l’essence même de chaque homme, ce qui expliquerait qu’elle soit la même pour tous et qu’elle n’admette pas de degré. D’ailleurs, dans la déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 1er stipule que : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »[4]
Par ailleurs, dans cette même déclaration universelle des droits de l’homme, on peut lire dans l’article 22 : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays. »[5]
Cela démontre que la sauvegarde de la dignité d’une personne passe par ses droits les plus basiques. Même si un patient se trouve en soins palliatifs, il possède des droits et le respect de ces droits l’aide à garder sa dignité.
Soutenir son entourage
L’entourage d’une personne souffrant d’une maladie inguérissable peut subir aussi des traumatismes psychiques. En effet, il devra vivre avec le fait de la personne qu’il aime ne sera plus de ce monde dans un avenir proche. De plus, le fait de voir le malade dans son état, perdant petit à petit ses capacités antérieures, ainsi que le sentiment d’être inutile, impuissant ou incapable d’agir, peut provoquer des inquiétudes, des angoisses et même de la dépression.
Pourtant, dans les soins palliatifs, la famille prend une grand part dans les soins du patient. De plus, si un retour en domicile est prévu, c’est la famille qui va s’occuper principalement du malade. Cela requiert une excellente forme physique et une bonne force morale. La forme physique est très utile car les soins peuvent être fatiguant et le temps de sommeil et de récupération peut être réduit lors de la prise en charge d’un malade.
Par ailleurs, une excellente morale est aussi très importante, car il faut accompagner le patient dans sa maladie et lui montrer de la gaité, du bon vivre, et ne surtout pas éprouver des inquiétudes ou de l’angoisse. Cela est primordial pour que patient garde lui aussi le moral et adopte un comportement normal.
- Les particularités des soins palliatifs
Etant donné que les patients admis en soins palliatifs sont des cas particuliers, ce type de soins possède de ce fait des spécificités qui ne sont pas communs aux autres services de soin. Tout d’abord, les soins palliatifs doivent s’organiser autour de la volonté et des souhaits des malades, et non pas par rapport aux normes du service.
Les soins palliatifs visent à alléger au maximum la souffrance des patients sous toutes ses formes, que ce soit physique ou morale. De plus, le concours de la famille et des proches est vivement souhaité, voire même indispensable.
Les soins prodigués dans une unité de soins palliatifs, sont articulés autour :
- des soins psychologiques : parole, écoute, présence silencieuse, musicothérapie, décoration personnalisée de la chambre d’hospitalisation, accompagnement spirituel…,
- des soins corporels : sophrologie, massages de détente…,
- des soins médicaux : la lutte contre la douleur est une priorité et tous les moyens connus à ce jour sont appliqués sans restriction. Il en est de même pour la réhydratation sous-cutanée, la nutrition, les soins infirmiers, les soins adaptés aux exigences de la maladie…,
- des soins environnementaux : en laissant une place privilégiée à l’entourage qui devient un partenaire indispensable à la prise en charge du malade.
Il faut donc une haute technicité de soin et un travail pluridisciplinaire pour pouvoir mener à bien les tâches qui incombent aux soins palliatifs. C’est une discipline très particulière qui nécessite de l’engagement et un grand dévouement. Cependant, les implications doivent avoir des limites pour maintenir un professionnalisme et respecter les principes et les normes en vigueur.
Partie II : Les services de soins palliatifs
Dans un hôpital ou tout autre centre de santé, les services soins palliatifs tiennent une place importante. Ces services doivent s’appuyer sur un ensemble de réponses graduées permettant d’adapter finement la prise en charge aux besoins des personnes en mettant en priorité l’accent sur la proximité lorsque les soins sont simples, en privilégiant l’adossement à des plateaux techniques plus conséquents lorsque les soins requis deviennent plus complexes et en facilitant la fluidité des passages d’un mode de prise en charge à un autre entre le domicile, les structures médicosociales et les établissements de santé (équipes mobiles de soins palliatifs, réseaux et hospitalisation à domicile).
Concernant les chiffres, on peut constater que l’offre de soins palliatifs hospitalière est en constant développement depuis 2002, bien qu’elle reste en deçà de la demande et soit caractérisée par des inégalités régionales marquées. Fin 2007, on comptait en France 4028 lits de soins palliatifs en établissements de santé et 337 équipes mobiles. Entre 2005 et 2007, le nombre de lits total de lits a cru de 48%. Les dépenses de soins palliatifs se sont élevées en 2006 à 553 millions d’euros au sein des structures de court séjour des établissements publics et privés sous dotation globale, soit une progression annuelle de 34% par rapport à 2005. Dans les établissements privés commerciaux de court séjour les dépenses engagées ont été de 79 millions d’euros en 2006.[6]
Au-delà de ces aspects quantitatifs, il convient de rappeler que le développement de la culture palliative, et la manière dont ces soins sont mis en œuvre par les équipes (ce qui implique notamment de disposer de personnels de santé formés aux soins palliatifs et à la douleur et fortement motivés) apparaissent tout aussi déterminants que le développement quantitatif de l’offre de structures : on peut ainsi avancer l’idée que le développement des soins palliatifs relève moins des structures que d’une culture.
Si l’offre hospitalière apparaît désormais bien structurée, elle demeure à développer quantitativement. Certains secteurs de l’hôpital (soins de suite et réadaptation, unités de soins de longue durée, hôpitaux locaux) n’ont pas toujours bénéficié d’un l’effort identique à celui entrepris pour les activités de court séjour.
Les soins palliatifs dans les structures médico-sociales sont pour leur part encore quasi balbutiants. Les soins palliatifs en ville n’ont pas connu les développements espérés en dépit d’une certaine augmentation du nombre de réseaux qui restent en nombre insuffisant pour assurer une couverture du territoire français. La participation des professionnels de santé libéraux reste par ailleurs difficile.
De ce fait, la possibilité de mourir à domicile, souvent réclamée par les Français dans les enquêtes d’opinion, reste rarement mise en œuvre, d’autant que le maintien à domicile d’une personne en fin de vie génère pour la famille une charge considérable, matérielle, financière et
psychologique, rarement compatible avec l’exercice professionnel des aidants naturels.
- Les obligations des soignants
Dans le décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, l’article R 4311-2 stipule que : « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle :
1° De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;
2° De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ;
3° De participer à l’évaluation du degré de dépendance des personnes ;
4° De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l’application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l’initiative du ou des médecins prescripteurs ;
5° De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »
Cet article délimite les obligations des infirmiers qui sont en charge des patients, quels que soient les services concernés. Cependant, pour les soins palliatifs, l’attention apportée aux patients doit être plus poussée. Il doit y avoir par exemple plus d’empathie envers le malade. L’empathie est une notion désignant la capacité d’une personne à comprendre les sentiments et les émotions d’une autre personne, sans se faire parasiter par un état affectif ou émotionnel « sympathique ».
Selon Carl Rogers (1902-1987), un psychologue humaniste, L’empathie (ou verbalisation) s’exprime par des messages verbaux et non verbaux. Les messages verbaux consistent en la répétition ou la reformulation des éléments clés d’une problématique exprimée par le client. Le thérapeute est capable de comprendre une situation non pas depuis son cadre de référence, mais depuis celui de son client.
Toujours selon Carl Rogers, l’empathie consiste à percevoir le cadre de référence interne d’une personne avec précision et avec ses composantes et significations émotionnelles de façon à le ressentir comme si l’on était cette personne, mais cependant sans jamais oublier le «comme si».
Plus tard, en 1975, Rogers ajoute qu’il s’agit là d’un processus d’entrée dans le monde perceptif d’autrui qui permet de devenir sensible à tous les mouvements des affects qui se produisent en lui. En résumé, l’empathie pourrait être une écoute active neutre et bienveillante.[7]
- Les motivations des soignants à travailler dans ces services
Malgré le fait que travailler au sein d’un service de soins palliatifs peut être pénible, en côtoyant des patients en fin vie et tout ce que cela implique, cela peut aussi être très enrichissant. En effet, il s’agir d’un travail pluridisciplinaire qui implique à la fois le savoir-faire technique, la capacité relationnelle envers le patient, mais aussi son entourage, et enfin, la compétence en matière de suivi des soins.
Les soins palliatifs permettent d’apprendre beaucoup de choses sur la vie, la psychologie humaine et les maladies. Ils donnent aussi l‘occasion de découvrir d’autres façons de prendre en charge ou de prendre soin. De ce fait, certains infirmiers qui souhaitent développer leur carrière et acquérir de nouvelles expériences sont attirés à travailler dans les services de soins palliatifs.
Par ailleurs, sur le plan relationnel, ceux qui travaillent dans ce service sont amené à nouer des relations étroites avec les patients, ainsi que leur famille. Cela peut donner un gain considérable d’estime de soi par soi-même, mais aussi de l’estime de soi par les autres.
Dans l’ouvrage intitulé « L’infirmier(e) et les soins palliatifs : Prendre soin : éthique et pratiques », édite par la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), il existe une autre forme de motivation. Ci-après un extrait de cet ouvrage :
« Les unités de soins palliatifs ont une mission de recherche sur la fin de vie, amis en dehors de ce type de structure, tout service qui pratique les soins palliatifs a, en raison de la jeunesse de cette discipline, le besoin et l’envie, sinon de participer, du moins de s’informer sur les travaux de recherche. La participation des équipes aux collèges de la SFAP, aux coordinations des équipes mobiles ou aux divers congrès en témoigne. L’expérimentation et la vulgarisation de nouvelles techniques de soin apportent de l’intérêt, de la rigueur, mais aussi de l’espoir pour les soins de confort. Les soins palliatifs sont une médecine d’avenir et la recherche stimule l’investissement des soignants dans le sens de leur motivation initiale. »[8]
Cela démontre qu’il existe des recherches qui sont effectués sur les soins palliatifs et que les soignants qui y travaillent contribuent grandement dans l’avancée de ces recherches. C’est aussi une grande source de motivation pour beaucoup d’infirmiers.
D’autre part, ce même ouvrage parle d’une autre motivation qui est la célébration de la vie. Même si la souffrance est omniprésente lorsqu’on parle de soins palliatifs, la reconnaissance des patients et de leur famille peut constituer un grand réconfort. D’ailleurs, l’ouvrage le mentionne clairement dans l’extrait suivant :
« Les soins palliatifs confrontent journellement le soignant à la souffrance et à la mort, surtout s’ils sont l’activité unique du service. En contrepartie, la vie est ici célébrée, mise en valeur, et la tendresse et la chaleur d’être ensemble donnent de l’importance à l’instant présent. La reconnaissance des familles et des patients est un puissant réconfort. Le sentiment de faire œuvre utile est une gratification évidente. Ces bénéfices secondaires renforcent la motivation de départ et expliquent que, si le soignant persévère dans ses soins, c’est que le fléau de la balance penche en faveur du plaisir qu’il y trouve. La motivation, qui était une condition pour commencer, devient ainsi un levier pour tenir dans le temps. »[9]
- Les dérives qui peuvent apparaître au cours des soins
Lors de l’exercice de son travail, un infirmier se doit d’apporter un soutien moral aux patients admis dans les services de soins palliatifs. Dans un article intitulé « Qualité de soi, qualité des soins ; quels liens, quelles limites ? », écrit par le Dr Maurice Abivien et Marie-Fleur Bernard, il est stipulé que « Il faut apprendre à décentrer son regard de ce qui va faire mourir pour rester attentif à la vie présente chez le mourant. Il ne faut pas que le miroir de nos yeux lui renvoie l’image de sa déchéance. »[10]
Cela implique que les soignants doivent toujours afficher de l’optimisme auprès des patients, et aussi de créer des liens avec eux pour pouvoir les rassurer et leur éprouver de la compassion.
Cependant, il existe des limites à ne pas franchir lors de la création de liens entre les soignants et les patients. Les différentes règles qui régissent le métier d’infirmier, ainsi que le code de déontologie délimitent clairement la qualité de la relation que doit avoir un malade et un infirmier.
Dans les services de soins palliatifs, on peut rencontrer parfois des dérives concernant ces règles. En effet, il peut arriver que les soignants aient du mal à prendre de la distance professionnelle avec les patients en fin de vie. L’implication affective est très forte, les soignants en souffrent, s’épuisent, et ont du mal à passer le relai. Ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et font beaucoup d’heures supplémentaires.
De ce fait, ils manquent de discernement pour poser le projet de vie des patients. Ils dérapent et prennent position dans les conflits familiaux des patients. Parfois même, ils se servent des situations de soins palliatifs pour soigner leur propre blessure narcissique, leur propre traumatisme.
Ces situations sont préjudiciables pour le métier d’infirmier et démontrent un manque de professionnalisme. Il faut établir une juste distance professionnelle entre les patients et les soignants, pour éviter un dysfonctionnement au sein du service, de faire du favoritisme, et d’éprouver des sentiments inadéquats dans l’exercice du métier.
Partie III : La juste distance professionnelle entre les patients et les soignants au sein des services de soins palliatifs
La juste distance professionnelle est très importante dans la plupart des métiers qui ont un rapport avec les relations humaines. Pour les soignants travaillant dans les services de soins palliatifs, elle est primordiale pour pouvoir rester dans un professionnalisme correct. Mais quel est au juste la distance professionnelle pour un soignant, et quels peuvent être les moyens à utiliser pour la trouver ?
- Définition de la juste distance professionnelle
Dans le terme juste distance professionnelle, il y a le mot distance qui signifie écart entre deux points ou deux moments. Or, dans le contexte des soins palliatifs, la distance professionnelle semble être contradictoire avec le fait que les soignants doivent se rapprocher des patients pour les aider à trouver du confort physiquement et moralement. C’est pour cela que le terme « juste » entre enjeu. En effet, il faut trouver la distance appropriée qui convienne aux soins, pas trop près pour éviter la création de liens trop fort, mais pas trop loin non plus pour pouvoir donner les soins requis correctement.
Dans le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert, la distance professionnelle se définit «comme la limite morale et psychologique à l’expression des valeurs personnelles dans le cadre de l’activité professionnelle.»[11] Toutefois, étant donné qu’il s’agit de soins palliatifs, on peut considérer que la juste distance professionnelle arbore le même concept que la distance thérapeutique.
Le terme thérapeutique a des rapports avec les mots guérir, soigner, traiter et aider. La distance thérapeutique peut donc constituer un paradoxe pour les soignants. Peut-on à la fois être proche et loin à la fois dans une relation d’aide? Selon le philosophe Alexandre Jollien, la distance thérapeutique appliquée de manière brutale relève de la maltraitance. Il faut donc aborder la distance professionnelle d’une manière délicate.
A partir de cette distance professionnelle, le soignant peut se protéger d’être déstabilisé par la souffrance du patient car elle rejoint sa souffrance. On a donc besoin de se protéger de soi. Cependant, se couper de soi et de l’autre crée l’absence de compassion, et cela peut impliquer que la personne aidée est isolée.
Il faut noter que la notion de distance professionnelle intègre plusieurs concepts essentiels qui sont :
- l’espace
- le recul
- l’attitude permettant une différenciation de l’autre
- la relation
- le lieu d’équilibre
Avec tout cela, la distance professionnelle peut avoir des conséquences négatives sur les soignants. En effet, ils pourront ressentir un sentiment d’insécurité, vouloir fuir, s’éloigner des patients, éprouver de la frustration et leur savoir être et leur créativité pourraient être paralysés.
Par ailleurs, la juste distance professionnelle ne peut se dissocier de l’empathie, mais toutefois, il ne faut pas se laisser trop envahir affectivement par l’autre, sous peine de perdre cette distance. Le soignant perd alors sa capacité à aider, et il n’est plus capable d’apporter au patient l’aide dont il a besoin, puisque lui-même devient demandeur de cette aide.
Ce dernier point est le risque le plus flagrant lorsque la juste distance professionnelle n’est pas respectée. En effet, le soignant devient aussi une personne à aider, surtout moralement. Il est considéré comme faisant partie des proches des patients et passe donc de l’autre côté de la barrière qui sépare les aidants des aidés.
De ce fait, il est très important pour les soignants de trouver tous les moyens possibles pour trouver la juste distance professionnelle et de les mettre en œuvre.
- Les moyens pour trouver la juste distance professionnelle
Afin de garder une juste distance professionnelle entre les soignants et les patients dans les services de soins palliatifs, il faut savoir respecter certaines règles comme:
– savoir et connaître ses limites en tant que soignant
– savoir passer le relais aux autres soignants
– faire preuve d’empathie et non de sympathie
– connaître les limites de la relation soignant/soigné et ne pas les franchir
Face à des patients atteints de pathologies graves, confronté à l’éventuel décès du patient et surtout face à ses propres angoisses de mort, le soignant va s’en défendre. La mort et la maladie grave lui rappelle son statut de « mortel ». De ce fait, il est impossible que ces mécanismes de défense n’entrent pas en jeu, l’important est d’en avoir conscience et que ceux-ci ne l’empêchent pas de prodiguer des soins de qualités.
Des mécanismes de défense peuvent concernent plusieurs points tels que :
– Le mensonge : consiste à travestir la vérité, en donnant sciemment de fausses informations sur la nature de la gravité de la maladie.
– La banalisation : le soignant reconnaît une certaine vérité mais celle-ci, partielle et tronquée, se focalisera sur une seule partie du sujet en souffrance, ce qui revient à traiter la maladie avant de traiter le malade en privilégiant uniquement la souffrance physique au détriment de la souffrance psychique.
– L’esquive : le soignant ne peut faire face à la maladie et à la souffrance psychique du patient, ne peut ni faire face au malade ni aborde sa pathologie. Le soignant est en permanence hors sujet, hors de la réalité, dévie la conversation et n’apporte jamais de réponse au questionnement du patient.
– La « fausse » réassurance : entretenir chez le patient une sorte d’espoir, simulé et artificiel alors que le malade lui-même n’y croit plus.
– La rationalisation : retranchement du soignant derrière son savoir médical avec des explications dans un langage professionnel non accessible au patient.
– L’évitement : mécanisme d’évitement assimilé à un comportement de fuite (peut revêtir différentes formes) ou le soignant peut aussi nier la présence du patient en le considérant uniquement comme un objet de soin.
– La dérision : autre comportement de fuite et d’évitement qui désoriente le patient et le réduit au silence.
– La fuite en avant : le soignant se décharge de toute la vérité, il dit tout et tout de suite.
– L’identification projective : Ce mécanisme consiste à attribuer à l’autre certains traits de soi-même ou une ressemblance globale avec soi-même, le soignant se substitue au malade et transfère sur lui certains aspects de sa personnalité.
Ces mécanismes peuvent être efficaces pour tenir une juste distance professionnelle, mais il faut les accompagner de plusieurs autres attitudes, afin de répondre aux exigences du métier, en tant que soignant. Ainsi, il doit réaliser :
- de l’écoute active : recevoir avec empathie, donc bienveillance et neutralité, l’émotion, et permettre par la reformulation au patient de cheminer sur les causes de son sentiment. La reformulation c’est répéter avec d’autres mots à l’autre ce qu’on a compris de ce qu’il venait de nous dire, afin de lui permettre de « l’entendre ». Donc de ce fait, continuer son cheminement par rapport à son besoin, son problème.
- de l’écoute : simplement entendre, écouté et recevoir la souffrance.
- de l’entretien d’aide : « Avec écoute, empathie, sans interprétation ni projection. Cerner la demande, guider l’entretien. Avoir un objectif dans l’ici et le maintenant. Comprendre le pourquoi de l’angoisse et aider à dire »[12]
- Le toucher (mode de communication) : Contact direct, permet un contact physique entre une personne et son environnement, entre soignant/soigné. Selon les situations, il permet de capter l’information mais est aussi un mode d’intervention lors des différents soins.
CONCLUSION
Chaque métier a ses particularités et ses propres principes et règles. Pour le métier d’infirmier, il en existe également et sont bien définis dans les documents légaux. Pour ceux qui travaillent au sein des services palliatifs, ces règles sont encore bien particulières. En effet, il faut que les soignants gardent une juste distance professionnelle envers les patients pour atteindre les objectifs escomptés.
Il faut noter que les soins palliatifs visent à donner le plus de confort possible aux malades qui sont en fin de vie. Cela implique donc l’établissement de relation plus ou moins proche entre les soignants et les patients. Cependant, il faut bien appréhender le degré de ces relations, afin de ne pas dépasser la juste distance professionnelle.
Pour le soignant, le risque avec le dépassement des limites est de devenir également une personne à aider. Ce qui est nuisible pour la bonne marche du service dans lequel il se situe, mais également pour sa qualité de travail. Cependant, il existe de nombreux infirmiers qui n’arrivent pas à discerner ces limites, et ce malgré les règles établies, les formations octroyées et les différents conseils des différents intervenants au sein d’un service ou d’un centre hospitalier.
Il est vrai qu’avec les objectifs des soins palliatifs, qui sont de soulager la douleur, apaiser la souffrance psychique, sauvegarder la dignité humaine et soutenir l’entourage des patients, il est difficile de ne pas nouer des relations étroites, mais les soignants se doivent de maintenir une distance correcte afin de préserver son intégrité.
Par ailleurs, il faut noter que les soins palliatifs possèdent des spécificités qui sont peu communes. Ils requièrent un grand dévouement, du savoir-faire technique, de l’aisance relationnelle et de la capacité à rassurer les patients. De plus, quelle que soit la situation qui se prévaut, le soignant doit toujours monter un visage positif.
Travailler au sein d’un service de soins palliatifs peut donc constituer un grand défi pour un soignant. Pour certains, c’est une source de motivation. En effet, ce service permet d’acquérir des expériences importantes, mais il peut également procurer de l’autosatisfaction en recevant la reconnaissance des patients et de ses familles. De plus, différents responsables médicaux effectuent constamment des recherches sur les soins palliatifs et le fait de travailler dans ce service peut permettre l’avancée de ces recherches.
Cependant, malgré les règles qui existent, on peut constater parfois des dérives au sein de ces services de soins palliatifs. Il y a des soignants qui dépassent les limites prescrites en matière de distance professionnelle. Ils établissent des liens trop forts et ne se retrouvent plus dans la peau du soignant, mais dans la position de patient.
Il existe des moyens pour pallier à ces dérives et il faut les mettre en œuvre. Il faut connaître les limites, savoir déléguer à d’autres soignants si l’on sent que la relation tend à devenir trop impliquée et utiliser différents mécanismes de défense pour freiner ces types de relation.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages et documents
- Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012, par le ministère de la santé de la république française, édité le 13/06/2008
- Journal Officiel Numéro 132 du 10 Juin 1999
- Les conceptions de l’empathie avant, pendant et après Rogers, BRUNEL Marie-Lise et MARTINY Cynthia
- L’infirmier(e) et les soins palliatifs : Prendre soin : éthique et pratiques, SFAP
- Qualité de soi, qualité des soins : quels liens, quelles limites ?, Dr Maurice Abivien, Marie-Fleur Bernard, Revue L’aide-soignant, n°11 décembre 1998, page 14 à 18
- Dictionnaire Le Nouveau Petit Robert
Internet
- http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ontologie_professionnelle
- http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a1
- Quel est le travail de l’infirmier lors d’un entretien ? http// :psychiatriinfirmière.free/ infirmière/ témoignage soignant/70.htm
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ontologie_professionnelle
[2] Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012, par le ministère de la santé de la république française, édité le 13/06/2008
[3] Journal Officiel Numéro 132 du 10 Juin 1999
[4] http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a1
[5] http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a1
[6] Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012, par le ministère de la santé de la république française, édité le 13/06/2008
[7] Les conceptions de l’empathie avant, pendant et après Rogers, BRUNEL Marie-Lise et MARTINY Cynthia
[8] L’infirmier(e) et les soins palliatifs : Prendre soin : éthique et pratiques, SFAP, page 58
[9] L’infirmier(e) et les soins palliatifs : Prendre soin : éthique et pratiques, SFAP, page 58
[10] Qualité de soi, qualité des soins ; quels liens, quelles limites ?, Dr Maurice Abivien, Marie-Fleur Bernard, Revue L’aide-soignant, n°11 décembre 1998, page 14 à 18
[11] Dictionnaire Le Nouveau Petit Robert
[12] Quel est le travail de l’infirmier lors d’un entretien ? http// :psychiatriinfirmière.free/ infirmière/ témoignage soignant/70.htm
Mémoire de fin d’études de 21 pages.
€24.90