Terrorisme Et Prise D’Otages Au Niger: Cas De L’Enlèvement Des Humanitaires Au Niger
TERRORISME ET PRISE D’OTAGES AU NIGER
Cas de l’enlèvement des humanitaires au Niger |
SOMMAIRE
PARTIE I : TERRORISME ET PRISE D’OTAGES AU SAHEL
CHAPITRE I : LE TERRORISME AU SAHEL
SECTION I : TOUT SUR LE TERRORISME
SECTION II : ORIGINES DU TERRORISME AU SAHEL
SECTION III : MANIFESTATIONS DU TERRORISME AU SAHEL
CHAPITRE II : LA PRISE D’OTAGES AU SAHEL
SECTION I : LA PRISE D’OTAGES, TOUT UN BUSINESS
SECTION II : LE SAHEL ET LA PRISE D’OTAGES
SECTION III : ACTEURS DE LA PRISE D’OTAGES AU SAHEL
PARTIE II : ETUDE DU CAS DE L’ENLEVEMENT DES HUMANITAIRES AU NIGER
CHAPITRE I : LA PRISE D’OTAGES AU NIGER
SECTION I : LA FRONTIERE NIGERO-MALIENNE
SECTION II : UN ENLEVEMENT PAS COMME LES AUTRES
CHAPITRE II : ANALYSE SOCIOLOGIQUE DE L’ENLEVEMENT DES HUMANITAIRES AU NIGER
SECTION I : RETRANSCRIPTION INTEGRALE D’UNE INTERVIEW AVEC UN EX-OTAGE
SECTION II : PORTRAIT DE LA PRISE D’OTAGES AU NIGER
SECTION III : MOTIVATIONS DU TERRORISME EN AFRIQUE
INTRODUCTION
Attentats suicides, fusillades, sabotages, assassinats, détournements d’avion, prise d’otages sont autant d’expressions qui envahissent les médias à travers la planète, des termes représentant les modes opératoires du terrorisme. Ce dernier est perçu comme étant le mal sévissant le monde du fait de son caractère globalisé et atomisé. Par ailleurs, étant de plus en plus spectaculaire, redoublant d’intensité et fortement médiatisé, il prend de l’ampleur et marque davantage l’esprit de l’humanité alors plongée dans un climat d’angoisse et de peur permanent.
Auparavant apparenté au monde occidental, au Moyen-Orient et à l’Asie, le terrorisme se meut et concerne, aujourd’hui, non seulement les continents sus cités mais également l’Afrique. En effet, d’importants changements y sont survenus notamment à partir de l’année 2012 où des activités terroristes d’envergure internationale y voient le jour. D’ailleurs, ces activités s’y propagent de manière exponentielle et touchent, par voie de conséquence, un nombre croissant de pays. Toutefois, la menace terroriste est plus exacerbée dans la région du Sahel. L’Afrique devient ainsi le nouveau berceau du terrorisme où la prise d’otages semble être la méthode imparable.
Compte tenu de ces faits, il m’est apparu intéressant d’étudier « Le terrorisme et la prise d’otages au Sahel » en analysant le cas de l’enlèvement des humanitaires au Niger.
Ainsi, la présente recherche tend à porter un regard critique et des travaux de réflexion sur le terrorisme au Sahel par l’étude du cas du Niger. La question principale consiste à comprendre les réelles motivations du terrorisme, plus précisément, de la prise d’otages en Afrique.
Pour ce faire, l’étude a suivie une méthodologie en deux temps :
Dans un premier temps, des recherches documentaires et un examen des littératures existantes ont été réalisées dans le but de réunir les informations nécessaires permettant de cerner le sujet.
Et dans un second temps, l’étude du cas du Niger a été effectuée par le biais de d’observations et à travers l’interview d’ex-otages.
Afin de résoudre la problématique, le travail a été structuré en deux parties :
La première partie concerne le terrorisme et la prise d’otages au Sahel. Cette partie sera subdivisée en deux chapitres : le premier sur le terrorisme au Sahel et le second sur la prise d’otages dans cette même région de l’Afrique.
La seconde partie, quant à elle, sera consacrée à l’étude du cas de l’enlèvement des humanitaires au Niger. Cette partie comptera également deux chapitres : l’un contera la prise d’otages au Niger et l’autre apportera une analyse de cet enlèvement.
PARTIE I : TERRORISME ET PRISE D’OTAGES AU SAHEL
Le Sahel est une bande de terre, souvent apparentée à une ceinture, de 5.500 kilomètres de long qui s’étend de l’océan Atlantique à la Mer Rouge, plus précisément depuis l’embouchure du fleuve Sénégal jusqu’au Haut Nil, et qui recouvre une dizaine de pays africains. L’année 2012 a apporté de profonds changements à cette région devenue un grand centre régional de terrorisme. Structurée en deux chapitres, cette partie tentera de comprendre l’émergence et la manifestation du terrorisme au Sahel puis étudiera le mode opératoire le plus pratiqué dans cette région à savoir la prise d’otages.
CHAPITRE I : LE TERRORISME AU SAHEL
La région sahélienne est aujourd’hui considérée comme le centre du terrorisme en Afrique notamment à cause du fait que la menace terroriste y est le plus élevée surtout depuis les évènements de 2012. Afin de comprendre l’évolution de ce terrorisme au Sahel, il est essentiel d’étudier les origines du terrorisme au Sahel ainsi que ses diverses manifestations dans cette région. Néanmoins, avant de développer ces points, il est intéressant de comprendre ce qu’est le terrorisme.
SECTION I : TOUT SUR LE TERRORISME
Le caractère protéiforme et complexe du terrorisme fait qu’il n’en existe pas de définition universelle. En effet, la notion de terrorisme varie selon la perception, le domaine d’intérêt ou le camp de chacun. D’ailleurs, plus d’une centaine de définitions du terrorisme est recensée dans le monde. Ainsi, tout le monde connait le terme « terrorisme », en a sa perception sans pour autant pouvoir la définir exactement. Toutefois, des critères sont communs à toutes les définitions puisque terrorisme rime souvent avec les mots : violence, victimes civiles, peur, cibles et revendications politiques.
Ainsi, le terrorisme, dans le cadre de notre étude, peut être défini comme le recours à un acte de violence ou de menace de violence sur une population civile afin de contraindre ou intimider une entité cible et pour servir un motif précis en faisant usage de la peur.
A. Histoire du terrorisme
L’histoire du terrorisme remonte à bien plus loin que le XVIIIème siècle, époque où le terme « terrorisme » est né. En effet, il existait déjà dès lors que Brutus assassinat Jules César en 44 avant J-C. Le terrorisme prenait alors la simple forme de meurtre politique. C’est l’évènement du 11 septembre 2001, appelé le mardi noir, qui a changé radicalement la représentation du terrorisme.
En effet, l’attaque des deux tours (World Trade Center) à New York a fait 2.998 victimes et demeure l’attentat le plus meurtrier de l’histoire. Le terrorisme devient en une menace majeure qui se modernise et évolue avec le temps. Par ailleurs, les attentats se multiplient, les cibles deviennent de plus en plus variées et les victimes de plus en plus nombreuses.
Ainsi, le présent visage du terrorisme en est la version moderne parachevée par sa traversée de l’histoire puisque d’assassinat d’un dirigeant politique il est devenu un acte de violence sur une population civile après avoir été un moyen d’expression de revendications puis un moyen de promotion de message politique, religieux, etc.
B. Le terrorisme et l’homme
Le terrorisme met en relation trois groupes de personnes : ceux qui en sont à l’origine ou les terroristes, ceux qui en subissent les conséquences donc les cibles et ceux qui luttent contre également appelés les antiterroristes et les contre-terrorismes.
1. Les terroristes
Un terroriste est, par définition, une personne qui sème la terreur par une action violente pour atteindre un but. Généralement dévouée à une cause qu’elle défend pour diverses raisons, il s’agit d’une personne qui estime que le seul moyen de se faire entendre est le recours à la violence. Toutefois, l’acte terroriste est rarement l’œuvre d’une seule personne appelée alors le « loup solitaire ». Il s’agit souvent de la réalisation d’un groupe de sympathisants ralliés à une même cause.
2. Les cibles
Un acte terroriste fait trois types de victimes : les victimes directes, les victimes indirectes et la cible principale.
Les victimes directes sont les personnes qui subissent la violence. Elles peuvent être choisies au hasard ou être soigneusement sélectionnées, elles sont alors appelées, respectivement, cibles d’opportunité ou cible symbolique/ représentative. Cependant, ces victimes directes sont rarement la principale cible de l’acte terroriste.
En effet, la cible principale de l’acte terroriste est celle à qui s’adresse le message terroriste, les revendications, les appels, etc. Il s’agit d’une entité, une organisation ou une personne dont les terroristes veulent attirer l’attention.
La dernière cible est les victimes indirectes. Ce sont notamment les spectateurs de l’acte terroriste. Le terrorisme suscite le sentiment de peur à ces victimes qui doivent assister impuissants à l’attaque terroriste.
3. Les antiterroristes et les contre-terrorismes
La lutte contre le terrorisme est menée de deux manières : la première axée vers les effets du terrorisme et la seconde vers ses causes. De ce fait selon qu’une personne ou un groupe lutte contre le terrorisme par ses causes ou ses conséquences, il sera qualifié respectivement d’antiterroriste ou de contre-terrorisme.
C. Formes du terrorisme
Les diverses formes du terrorisme sont relatives à trois volets du terrorisme même : sa territorialité, les méthodes et les armes utilisées et les raisons poussant à l’acte terroriste.
1. Le terrorisme selon sa territorialité
La territorialité représente un des aspects particuliers du terrorisme. En effet, les endroits où vivent les terroristes ainsi que les lieux où se trouvent leurs victimes permettent de déterminer différentes formes de terrorisme à savoir :
- le terrorisme national : Les activités terroristes touchent les frontières nationales, victimes et terroristes se trouvent sur le même territoire, dans un même pays.
- le terrorisme transnational : Cette forme de terrorisme pourrait être assimilée à une action d’exportation d’actes terroristes dans des pays étrangers.
- le terrorisme international : Cette forme de terrorisme se caractérise par la dispersion des groupes terroristes à travers le monde et de la variation des victimes. Concrètement, un groupe terroriste s’éparpille à travers le monde ou collabore avec un autre groupe se trouvant dans un pays loin de ses frontières répandant ainsi leurs activités à l’international.
- et le cyber-terrorisme : qui est la manifestation du terrorisme sur les réseaux notamment l’internet. Il consiste à utiliser l’informatique pour paralyser voire détruire des réseaux ciblés.
2. Le terrorisme selon les méthodes et les armes utilisées
Le terrorisme se manifeste sous plusieurs formes selon les méthodes et armes utilisées par les terroristes. Il peut être ainsi distingué trois formes majeures de terrorisme :
- le terrorisme nucléaire qui comme son nom l’indique repose sur la menace nucléaire et implique ainsi soit l’utilisation d’une arme nucléaire contre une population civile soit l’attaque et/ou la destruction d’une centrale nucléaire soit l’utilisation d’une « bombe sale » pour propager des matières radioactives mortelles sur une population civile.
- le super-terrorisme qui utilise des armes de destruction massive (ADM) pour faire un grand nombre de victimes
- et le bioterrorisme qui consiste à diffuser délibérément des germes biologiques (virus, bactéries, toxines, etc.) dans le but de provoquer la maladie ou la mort des victimes.
3. Le terrorisme selon son pourquoi
Sept formes de terrorisme naissent de l’étude des motifs et/ou objectifs des terroristes dans leurs actes :
- Le terrorisme de « droit commun »: il s’agit de troubler l’ordre public en y créant la peur pour assouvir des objectifs criminels.
- Le terrorisme marginal: C’est un terrorisme résultant d’actions effectuées par des fanatiques dans le but d’entamer un processus révolutionnaire sans support populaire.
- Le terrorisme politique: Pratiqué par des partis politiques, ce terrorisme vise à faire connaître leurs revendications, leur mouvement et leurs objectifs.
- Le terrorisme de guérilla: Ce terrorisme sert d’arme lors de guerres révolutionnaires ou de libération et cherche à recueillir le soutien de la population.
- Le terrorisme religieux: Ici, la religion sert de justificatif aux attentats effectués.
- Le terrorisme à cause unique: Il s’agit de terrorisme mené au nom de convictions ou idées autres que politiques et religieuses. Il s’agit donc de médiatiser une cause comme par exemple, les mouvements végétaliens, écologistes, anti-avortement, antispécistes (égalité entre hommes et animaux) et racistes.
- Le terrorisme d’Etat: Il s’agit de terrorisme visant à imposer son pouvoir en utilisant de manière abusive la loi. En effet, l’Etat utilise des mesures d’exception, d’actes de violence envers une partie du gouvernement en évoquant la raison d’Etat pour justifier ces actions inconstitutionnelles ou illégales au nom de l’intérêt public.
SECTION II : ORIGINES DU TERRORISME AU SAHEL
Le terrorisme est en évolution constante en Afrique et il a choisi le Sahel comme nouveau foyer. Ce choix n’est guère le fruit du hasard mais bien parce que la bande sahélienne réunit des facteurs capitaux. A cet effet, cette section tend à déterminer comment le Sahel est devenu l’épicentre du terrorisme en Afrique.
A. Le Sahel, lieu de prédilection du terrorisme
Le Sahel constitue un nouvel horizon propice aux activités terroristes puisque les éléments qui entretiennent la montée du terrorisme y sont réunis.
1. Position géographique stratégique
La région du Sahel est constituée d’une dizaine de pays. En effet, de la Mauritanie à l’Erythrée, elle comprend le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, le Soudan et le Tchad. Certains auteurs ajoutent l’Algérie, l’Ethiopie, le Djibouti, la Somalie et le Cap vert. Le Sahel forme ainsi une ceinture d’environ 5.500 à 7.000 km de long et 400 à 500 km de large entre le désert du Sahara au Nord et la savane au Sud.
Cette étendue de terre qui, en plus d’être vaste, est rude et désertique, ce qui rend le contrôle par l’Etat extrêmement difficile. Par ailleurs, les zones frontalières au Sahel peuvent s’étendre sur plusieurs centaines de kilomètres à l’exemple de la frontière Mali-Mauritanie qui est de 2.200 km ou encore celle de Niger-Nigéria qui est longue de 1.500 km. Or les Etats africains ne disposent pas de structures sécuritaires suffisantes pour y assurer un contrôle effectif. Par conséquent, les routes qui traversent le Sahel sont très vulnérables et favorisent l’ancrage et le développement des activités criminelles et terroristes alors qu’elles constituent des zones de transit. En effet, la porosité des frontières facilite les mouvements des personnes et des biens, licites ou, dans le cas présent, illicites.
2. Hétérogénéité et vulnérabilité des populations
Outre les frontières géographiques, les pays du Sahel sont également séparés par des frontières culturelles. En effet, des différences ethniques naissent différents modes de vie, différentes visions voire des tensions entre les pays. Ce manque de cohésion fait d’eux des cibles faciles pour le terrorisme et les activités criminelles en tout genre. En effet, chaque pays veut être fidèle à ses pratiques, ce que la différence de puissance saille encore plus. Pourtant cette disparité et ce manque d’unicité constituent une porte pour le terrorisme étant donné que les pays du Sahel ne partagent pas un objectif commun, une même stratégie alors que tous connaissent la même difficulté à savoir : sécuriser leur propre territoire.
D’autre part, les populations de la bande sahélienne se sentent abandonnées par l’Etat vu que ce dernier ne peut ni subvenir à leurs besoins de base comme la santé, l’alimentation ou l’éducation, etc., ni assurer la défense des droits de l’homme comme l’égalité sociale, les pratiques non discriminatoires, l’égalité des sexes, etc. Ces populations se trouvent ainsi à la merci de la criminalité. En d’autres termes, étant démunies et désœuvrées, elles constituent à la fois les futures pépinières des terroristes et autres organisations criminelles et leur passeport pour bénéficier des soutiens locaux.
3. Instabilité politique et corruption
Les pays du Sahel sont, depuis des années, le théâtre de crises politiques et humanitaires notamment dues à des défaillances politiques, économiques et/ou sécuritaires. Ce sont par exemple des structures politiques mises en place qui ne respecteraient ni la bonne gouvernance ni l’état de droit mais qui seraient juste une démocratie de façade ou encore la faible protection des pays contre les invasions, trafics ou autres activités criminelles ou l’absence de moyens pour la défense du pays. Ces faiblesses de l’Etat génèrent un mécontentement au sein de la population ou, du moins, une partie qui décide alors d’agir faisant ainsi apparaître des troubles sociaux caractérisés par un coup d’Etat par exemple. Cette instabilité politique semble endémique aux pays du Sahel alors que les conflits sociaux qu’elle génère sont profitables aux terroristes.
Ce fossé entre les Etats et les sociétés est, de plus, accru par un niveau élevé de corruption au sein de ces pays. En effet, la corruption est très répandue dans la région du Sahel et affecte un grand nombre des secteurs des Etats surtout les plus sensibles comme la sécurité alors qu’ils sont incapables de fournir les services de base à leur population. Cet état de fait est à double tranchant puisque les terroristes peuvent profiter de la vulnérabilité des populations mais également trouver des alliés dans l’Etat corrompu même.
4. Carrefour de différents trafics
La région du Sahel est, depuis longtemps, agitée par des trafics en tout genre comme celui des drogues, des armes à feu, des produits industriels, des hydrocarbures, des véhicules, la traite des personnes, la contrebande de cigarettes, le blanchiment d’argent, etc. C’était et c’est une zone d’échanges intenses puisque la porosité des frontières rend possible ces trafics illicites et ainsi l’expansion du terrorisme en Afrique puisqu’il y trouve une importante source de financement.
Ainsi, en empruntant les termes de MILLS G., LEVINE D. et STEWART P. : «l’Afrique a été et restera pour l’avenir prévisible un continent mûr pour des actes terroristes[1] » puisque d’une part « l’Afrique se caractérise par des États défaillants, voire en faillite, des frontières poreuses, une pauvreté largement répandue, des frustrations politiques, une répression du pouvoir central, un radicalisme religieux, un marché « gris » des armes légères, ainsi qu’une corruption endémique. La défaillance des États et corruption de la classe politique ont fait du continent une cible facile pour toutes sortes de groupes terroristes[2] » et d’autre part « Les organisations terroristes sont particulièrement attirées par les États défaillants où dans le Sahel deviennent des «sanctuaires» pour ces organisations, qui trouvent alors des terreaux fertiles «font le lit du terrorisme»[3]»[4].
B. Origine historique du terrorisme au Sahel
Le Sahel est, depuis longtemps, une zone de trafics illicites et de contrebandes. Toutefois, l’histoire du terrorisme au Sahel ne trouve son origine que dans les années 1990 avec la création du FIS ou Front Islamique du Salut, un parti politique algérien militant pour la création d’un Etat islamique.
En effet, en février 1989, Ali BELHADJ déclara : « La démocratie n’existe pas, car la seule source du pouvoir est Allah par l’intermédiaire du Coran, et non le peuple. Si le peuple vote contre la loi de Dieu, ce n’est rien d’autre qu’un blasphème. Dans ce cas, il faut tuer les non-croyants pour la simple raison qu’ils veulent remplacer l’autorité de Dieu par la leur[5] ». Et le 26 décembre 1991, le FIS obtient près de 82% des suffrages exprimés lors du premier tour des élections législatives. Mais prenant conscience que la situation jouait en sa défaveur, l’armée annula ces élections le 11 janvier 1992. S’ensuivit alors une lutte armée contre l’Etat par les sympathisants de la FIS. Le terrorisme au Sahel est né.
C. Du FIS au AQMI
L’origine du terrorisme est donc liée au fanatisme et au radicalisme. Le FIS en a été le générateur et après sa dissolution des groupes se sont succédés pour continuer cette lutte pour l’islamisme radical, le premier était le GIA ou Groupe Islamique Armé.
En juin 1992, des salafistes – des personnes luttant pour le retour aux fondements de l’Islam, et des djazaristes – des personnes qui cherchent à prendre le pouvoir, se réunissent et forment le GIA. Ce groupe commença par un terrorisme de guérilla en prenant l’armée et la police pour cibles à cause de leur adhérence au gouvernement mais également parce que le GIA était considéré comme la branche armée du FIS. Cependant, très vite leurs cibles se sont élargies incluant désormais les civils, les journalistes voire les maîtres d’écoles accusés d’éloigner les jeunes de la vraie pratique de la foi. Toutefois, le groupe s’étant réduit à quelques centaines de combattants en 1998, il fut considéré comme dissout.
Cette réduction en nombre est née de l’existence de dissension interne au GIA. En effet, une partie du groupe estimait que les tactiques brutales du GIA nuisaient à la cause islamiste. Cette faction s’est alors détachée du groupe original et prit le nom de Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC). Ce dernier a eu l’appui populaire en s’engageant à lutter contre le gouvernement sans assassiner aveuglément des civils.
En septembre 2006, le GSPC fusionne avec Al-Qaïda. Il adopte alors le nom d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) en janvier 2007 pour marquer cette alliance. Et si au départ, le but principal de l’AQMI était le renversement du gouvernement algérien et rétablir la loi islamique, l’organisation a étendu ses objectifs et a adopté l’idéologie du djihad mondial.
Tableau 1: Récapitulatif des groupes à l’origine du terrorisme au Sahel
Années d’activités | Organisation |
1989 – 1992 | Front Islamique du Salut (FIS) |
1992 – 1998 | Groupe Islamique Armé (GIA) |
1998 – 2007 | Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) |
2007- aujourd’hui | Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) |
SECTION III : MANIFESTATIONS DU TERRORISME AU SAHEL
Si l’AQMI est le groupe précurseur du terrorisme au Sahel, ce dernier est vite devenu un refuge pour les autres groupes puisque « depuis 2002, la présence de djihadistes internationaux s’est accrue au Sahel, Al-Qaïda cherchant à y créer une zone refuge pour ses cadres et ses militants forcés de s’expatrier suite à la guerre au terrorisme déclenchée par les Américains. En effet, Al-Qaïda, chassé d’Afghanistan, n’étant plus parfaitement en sécurité au Pakistan, cherche des havres sûrs pour y installer des facilités logistiques permettant d’abriter et d’entraîner ses activistes afin de les renvoyer au combat contre les «apostats et les mécréants»[6]». Par ailleurs, la menace terroriste qui y pèse s’accroit vu que le système politique africain pousse « les réseaux terroristes à trouver en Afrique une zone de repli idéale, d’autant qu’aucune politique organisée visant à abattre le terrorisme n’a véritablement été mise en place[7] ». La présente section vise à recenser ces groupes de terroristes actifs dans la zone sahélienne ainsi que leurs modes opératoires pour ensuite transmettre les statistiques de ce terrorisme au Sahel.
A. Les groupes terroristes et leurs modes opératoires au Sahel
Trois groupes terroristes majeurs sévissent au Sahel à savoir l’AQMI, le MUJAO et le Boko Haram. Ces trois groupes illustrent la réalité terroriste au Sahel montrant que c’est le terrorisme religieux qui y prévale étant donné que le premier point qui les réunit est la revendication d’une idéologie islamiste, salafiste et/ou djihadiste. D’autres points sont communs à ces groupes comme des caractéristiques les différenciant existent également. Le tableau ci-après présente notamment leurs origines, objectifs et modes opératoires.
Tableau 2: Tableau synthétique des groupes terroristes actifs au Sahel[8]
AQMI | MUJAO | Boko Haram | |
Signification | Al-Qaida au Maghreb Islamique | Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest | « L’éducation occidentale est un péché » |
Création | Janvier 2007 | Décembre 2011 | 2002 |
Fondateur | Abdelmalek Droukdel | Hamada Ould Mohamed Kheirou | Mohamed Yusuf |
Origines | Fusion du GSPC avec Al-Qaïda | Scission de l’AQMI | Références et idéologie radicale et salafiste |
Objectifs | Renversement des régimes non islamiques
Instauration d’une loi islamique |
Instauration de la loi islamique dans toute l’Afrique | Edification d’un Etat islamique total |
Modes opératoires et activités au Sahel | · Articulés autour de quatre (04) katibas[9] :
– katiba Masked (Nord-Ouest du Sahel), – katiba Tariq ibn Ziyad (Nord-Est de l’Algérie et relocalisation au Sahel), – katiba al-Ansar (Mali et Niger) – et katiba al-Furqang (Nord-Ouest de l’Azawad en Mauritanie) · Prise d’otages · Trafics (drogues, armes, cigarettes, carburants, migrants) · Transfert de savoirs terroristes, formation et soutien logistiques aux organisations terroristes · Lutte armée, guérilla, attentat suicide, enlèvement |
· Spécialisation dans la prise d’otages suivie de demande de rançon
· Attaques contre les forces armées gouvernementales · Attentats suicides · Contrebande |
· Prise d’otages
· Prise d’otages d’« étrangers à la peau blanche -spécialement des expatriés- à Abuja en échange de plus d’argent, d’armes et de munitions » · Attaques à l’aide de flèches empoisonnées · Attentats suicides · Massacres · Armes à feu |
Membres | 1.600 à 2.500 hommes | 500 à 1.000 hommes | 30.000 hommes |
Ces groupes présentent des points de liaison entre eux et une crainte de leur coopération accentuée est présente au Sahel. En effet, le MUJAO et l’AQMI sont déjà liés étant donné que le MUJAO est une faction dissidente de l’AQMI. Il en est de même pour l’AQMI et le Boko Haram, en effet, des liens opérationnels existent entre ces deux groupes puisque l’AQMI sous-traite la prise d’otages étrangers au Boko Haram en lui proposant en échange un soutien logistique et de formation en matière de prise d’otages. Or si cette alliance venait à naître, l’Afrique, notamment le Sahel, serait à la merci du terrorisme.
B. Terrorisme au Sahel en chiffres
A ce point, nous pouvons dire que le Sahel est à la fois un refuge, un champ de bataille et une zone de source de revenus pour les terroristes. A cette image, le terrorisme y connait une activité de plus en plus intense encore plus accru par la rivalité et la concurrence entre les divers groupements terroristes existants. En effet, le nombre d’attaques terroristes y augmentent non seulement en nombre mais aussi en ampleur.
Le graphique ci-après démontre bien l’augmentation du nombre d’attaques terroristes au Maghreb et au Sahel sur plus d’une décennie prenant comme point de départ le 11 septembre 2001, « mardi noir ». En effet, en moins de dix ans, les attaques terroristes y ont augmenté de 500% de 2001, 21 attaques alors, à 2009 où le terrorisme atteint son pic avec 204 attaques. En 2012, les incidents terroristes restent dangereusement élevés malgré la légère baisse par rapport à 2011.
Figure 1: Attaques terroristes au Maghreb et au Sahel depuis le 11 septembre 2001
Source: Yonah ALEXANDER, Terrorism in North Africa and the Sahel in 2012: Global reach & implications, February 2013, USA p. 3/30
Ainsi, depuis le 11 septembre 2001 au 31 décembre 2012, le Maghreb et le Sahel compte 1.432 attaques terroristes faisant de plus de 5.000 victimes dans cette bande sahélienne. Et d’après la figure 2 suivante, ces incidents sont plus exacerbés en Algérie (1.234 attaques), au Tchad (58 attaques), au Mali (54 attaques), au Niger (39 attaques) et en Mauritanie (27 attaques).
Figure 2: Incidents terroristes au Maghreb et au Sahel depuis le 11 septembre 2001
Source: Yonah ALEXANDER, Terrorism in North Africa and the Sahel in 2012: Global reach & implications, February 2013, USA p. 20/30
CHAPITRE II : LA PRISE D’OTAGES AU SAHEL
A partir du chapitre précédent, notamment de sa dernière section, nous pouvons tirer qu’au Sahel, les groupes terroristes sont spécialisés dans la prise d’otages et l’enlèvement. Le présent chapitre tentera de comprendre pourquoi l’enlèvement et la prise d’otages sont les activités privilégiées des terroristes pour ensuite réunir les caractéristiques et les acteurs majeurs de la prise d’otages et de l’enlèvement au Sahel.
SECTION I : LA PRISE D’OTAGES, TOUT UN BUSINESS
Prise d’otages et enlèvements ont toujours existé dans l’histoire sans pour autant avoir leur connotation négative actuelle. Toutefois, les groupes terroristes y ont découvert une arme politique notamment à partir des années 1960, commence alors une série d’enlèvements de personnalités importantes ou de leurs proches. A leurs débuts, les kidnappings étaient de motivation politique et non pécuniaire et ce n’est que récemment que l’enlèvement contre rançon s’est développé. Par ailleurs, les enlèvements à motif criminel ont pendant longtemps limité leur domaine à certains pays du monde laissant croire à des phénomènes isolés mais la donne a rapidement changé. De ce fait, l’objectif de cette section est de comprendre comment la prise d’otages et les enlèvements sont devenus une affaire terroriste internationale florissante.
A. Ancienne garantie de l’exécution de traité
Comme souligné précédemment, la prise d’otage n’est pas un phénomène nouveau. Il a néanmoins connu une évolution au fil du temps. En effet, depuis l’Antiquité à la période des Temps Modernes, l’otage était une garantie à l’exécution des traités militaires ou politiques entre les puissances. Il constituait alors un moyen d’échange consentant entre ces dernières. Il n’était, par conséquent, pas qualifié de prisonnier mais de captif non soumis à quelconque forme de maltraitance. D’ailleurs, à cette époque, un otage jouissait de mobilité et pouvait mener une vie sociale. Toutefois, au cours de la Guerre de Cent ans, la prise d’otages connait sa première évolution. En effet, elle s’exécutait désormais par la force et ce dans le but de monnayer un avantage politique sur l’adversaire ou un gain financier important.
B. Moyen de pression des Etats
Au XIXème siècle, l’otage devient un moyen de pression sur des opposants ou ennemis politiques. En d’autres termes, les otages sont devenus des moyens de chantage pour contraindre les parties adverses. Ainsi, la prise d’otages fait recours à la contrainte et à la force.
Bien que la convention de Genève ait formellement interdit le recours aux prises d’otages, en 1949, ces dernières tendent à se multiplier surtout à partir de la période d’après-guerre pour des conflits asymétriques. En effet, en plus d’être utilisée par les Etats à la recherche de moyen de pression, la prise d’otage commence à être utilisée par les groupes terroristes. L’enlèvement est alors une monnaie d’échange pour négocier la libération de prisonniers, la livraison d’armes, la fin d’un conflit, etc.
Cette utilisation de la prise d’otages comme moyen de pression des Etats est encore active de nos jours en prenant la forme de kidnapping de ressortissants étrangers pour faire une pression politique sur le gouvernement du pays d’origine des otages. En outre, ces enlèvements d’étrangers connaissent une hausse particulière. Selon une étude britannique, un total de 150 étrangers été kidnappé entre 2008 et 2012 par des groupes terroristes.
C. Source de financement des activités terroristes
Au cours des années 1990, une nouvelle motivation de la prise d’otages émerge. En effet, les enlèvements sont de plus en plus assortis d’une demande de rançon qui, à son tour, s’accroit de manière exponentielle en termes de valeur. En d’autres termes, l’otage n’est plus considéré comme un être humain mais est réduit à sa valeur marchande, notamment pour les groupements terroristes et criminels. Ainsi, en complément d’autres trafics criminels comme le trafic d’armes, de drogues, le blanchiment d’argent, etc. les terroristes renflouent leurs caisses via les enlèvements et les sommes qu’ils obtiennent à partir de ces différents trafics vont leur servir à financer l’organisation et la réalisation de leurs activités terroristes, leurs futurs attentats, le recrutement de nouveaux membres, l’entretien de leurs camps, l’achat d’armes et de moyens de communication, etc.
Selon une étude australienne, une rançon est versée dans 64% des cas de kidnapping dans le monde. Cette rançon se monterait d’ailleurs à plusieurs millions de dollars et d’euros. A titre d’exemple, « Dans les huit dernières années, les organisations terroristes auraient ainsi collecté environ 120 millions de dollars(…) En 2003, 32 touristes européens enlevés ‘valaient’ 6 millions d’euros ; en 2008, 2 touristes autrichiens, 2 millions d’euros ; puis 3 à 5 millions d’euros pour deux diplomates canadiens la même année… Même dans le cas d’échanges d’otages européens contre des islamistes emprisonnés, le MUJAO (mouvement jihadiste d’Afrique de l’Ouest) évoque désormais une somme de 15 millions d’euros [par otage]. [10]»
Toutefois, les enlèvements ne sont pas tous dénaturés de motivations politiques, bien que la majorité réponde à une volonté financière. Des prises d’otages peuvent ainsi poursuivre en même temps des objectifs politiques et des objectifs économiques soit une imbrication des motivations. La prise d’otages prend alors une forme hybride.
D. Forte médiatisation
Tout comme les attentats terroristes, la prise d’otages bénéficie d’une forte médiatisation. Pourtant ces divers médias et réseaux sociaux, ces technologies de l’information participent indirectement à l’essor de la prise d’otages. Tout d’abord parce que toute médiatisation amplifie la pression exercée par les enlèvements, ensuite elle fait surtout augmenter le montant des rançons, surtout si les victimes sont ressortissantes d’un État démocratique et enfin, les terroristes tendront à prendre pour cible directe des personnalités à forte capacité médiatique pour leur valeur marchande élevée.
E. Fléau international
Les prises d’otages et enlèvements concernent aujourd’hui le monde entier mais non plus quelques pays uniquement. En effet, à cause de la mondialisation, ces activités terroristes se sont multipliées traversant des frontières de plus en plus estompées. « Pour Rachel Briggs, l’accélération de la mondialisation « a également créé de nouvelles opportunités pour les ravisseurs en apportant de nouvelles victimes potentielles à haute valeur ajoutée[11] » à l’occasion de l’ouverture de nouveaux territoires économiques, de l’accroissement de l’aide humanitaire et du développement du tourisme. Ainsi, l’expatriation grandissante dans des zones à risque de personnels occidentaux de grandes multinationales, mais aussi de PME sous-traitantes, souvent moins bien protégés, accroît les vulnérabilités. Même tendance avec la multiplication des ONG de toutes natures dont les terrains d’action sont majoritairement des zones en proie à l’insécurité.[12] »
Malgré l’absence de statistiques fiables sur les prises d’otages, le nombre de kidnappings est estimé entre 12.000 et 30.000 par an dans le monde entier. Ces enlèvements sont souvent réalisés pour des motifs purement criminels. D’ailleurs une étude américaine conclut que 1.283 cas de kidnappings à motivation terroriste ont été comptés dans le monde en 2012 et que dans 6% des cas, une prise d’otages se termine par la mort de ces derniers.
D’autre part, ces enlèvements sont de moins en moins pratiqués en Occident pour se déplacer en Afrique qui a connu une forte augmentation du taux d’enlèvement passant de moins de 10% en 2004 pour arriver à plus de 20% en 2012 comme l’indique la figure 3 suivante.
Figure 3: Enlèvements par continent
Source : Control Risks
Ce déplacement de l’activité terroriste et de la prise d’otages en Afrique s’explique par l’instabilité politique et la faiblesse de l’autorité de l’État africain (police, armées, justice) ainsi que l’existence de ressortissants étrangers (touristes, ONG, expatriés, aides humanitaires) attirant inexorablement les terroristes.
C’est ainsi que la prise d’otages est devenue une véritable industrie du crime d’autant plus que, de nos jours, ces enlèvements servent de plus en plus à des fins purement criminelles même si de façade les groupes terroristes se justifient par une finalité politique ou par d’autres causes pour masquer leur entreprise mafieuse.
SECTION II : LE SAHEL ET LA PRISE D’OTAGES
Le Sahel représente actuellement quelques 3.000.000 km² de zone d’enlèvement en Afrique. En effet, la ceinture sahélienne, en quelques années, a battu tous les records en termes de prise d’otages que ce soit en nombre ou dans la manière. Les cibles directes vont notamment des simples touristes aux fonctionnaires du gouvernement en passant par les employés de sociétés, les collaborateurs étrangers d’organismes humanitaires, et les diplomates. Par voie de conséquence, cette bande de terre est considérée comme le centre des enlèvements du monde. La question qui se pose ici est de savoir comment le Sahel est arrivé à cet état de fait.
A. Timeline des prises d’otages au Sahel de 2003 à 2012[13]
La première prise d’otages au Sahel s’est produite en février-avril 2003. Le GSPC a alors enlevé, dans le sud de l’Algérie, 32 touristes européens dont 16 Allemands et 04 Suisses. A la suite d’une opération militaire algérienne près de Tamanrasset, 17 de ces otages furent libérés. Quant au reste des otages, il a été libéré quatre mois plus tard, en août 2003, au nord du Mali à l’exception d’une Allemande qui a succombé dans le désert. Une rançon de cinq millions d’euros a, notamment, été versée pour la libération de ces otages, un versement qui a incité les islamistes à commettre d’autres prises d’otages et a ainsi plongé le Sahel dans un cercle vicieux.
En janvier 2007, le GSPC fut rebaptisé AQMI et un an plus tard, après quatre années sans prises d’otages donc, le groupe commence à procéder à des enlèvements constants découvrant dans la prise d’otages un modèle commercial lucratif. Ainsi, depuis 2008, l’AQMI s’est régulièrement engagé dans des opérations d’enlèvement au Mali et au Niger dans la région sahélienne comme en Tunisie et en Mauritanie dans la région du Maghreb. Le groupe a, par ailleurs, commencé à gagner des millions d’euros par le biais du rançonnement d’otages occidentaux.
Ces premières prises d’otages depuis 2003 sont notamment : l’enlèvement de deux touristes autrichiens dans le Sud de la Tunisie le 22 février 2008 et le kidnapping de deux diplomates canadiens près de Niamey, au Nord du Niger, le 14 décembre 2008, à savoir l’envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Robert FOWLER, et son secrétaire, Louis GUAY. Les Autrichiens furent libérés après huit (08) mois et les Canadiens après quatre (04) mois, dans les deux cas après le versement des rançons.
L’année 2009 marque une recrudescence des enlèvements au Sahel. En effet, à partir de cette année, les prises d’otages s’y amplifient.
Le 22 janvier 2009, quatre (04) touristes européens sont enlevés au Mali dont deux Suisses, un Allemand et un Britannique. Le Britannique, Edwin DYER, fut exécuté en juin tandis que les trois (03) autres ont été libérés en avril et en juillet de la même année. Cette exécution a marqué le sérieux et la vraisemblance de la menace terroriste au Sahel.
En novembre 2009, deux enlèvements ont été commis. Dans le premier, trois (03) Espagnols membres de l’ONG Barcelona Accio Solidaria sont enlevés, un premier otage sera libéré en mars tandis que les deux autres ne le seront qu’en août. La libération de ces humanitaires espagnols était liée à un versement de sept (07) millions d’euros de rançon en plus de l’extradition, de la Mauritanie au Mali, de Sid Ahmed Ould Hamma qui, deux mois auparavant, a été condamné à une peine de prison de douze (12) ans à Nouakchott. Le second enlèvement concerne le Français Pierre CAMATTE, un sexagénaire qui a été enlevé dans son hôtel au Mali par des maliens puis revendu à l’AQMI. Il est relâché le 23 février 2010 après la libération de quatre (04) membres de l’AQMI détenus au Mali.
Le 17 décembre 2009, un couple d’Italiens sont enlevés en Mauritanie et seront libérés le 16 avril 2010.
En avril 2010, un Français, Michel GERMANEAU est enlevé au Nord du Niger. Il est exécuté le 25 juillet 2010 en représailles des raids menés par la France pour la libération de l’humanitaire.
Le 16 septembre 2010, cinq Français, un Togolais et un Malgache, employés d’Areva et de Satom, sont enlevés dans un site d’extraction d’uranium à Arlit au Niger. La Française, Françoise LARRIBE, le Togolais, Alex AWANDO et le Malgache, Jean-Claude RAKOTOARILALAO, sont libérés en février 2011. Les quatre Français restants, Pierre LEGRAND, Daniel LARRIBE, Thierry DOL et Marc FERET, le seront le 29 octobre 2013. Pour ces libérations, la France aurait déboursé près de 25 millions d’euros en rançon, l’AQMI ayant réclamé 90 millions d’euros pour la libération des quatre derniers otages, si au départ le versement devait être de 7 millions d’euros accompagné de la libération de djihadistes détenus en France et du retrait de la loi française sur le port du voile.
Le 07 janvier 2011, l’AQMI enlève deux jeunes Français de 25 ans, Antoine LEOCOUR et Vincent DELORY, au Niamey (Niger). Ils sont exécutés au lendemain de l’échec d’une opération militaire franco-mauritanienne destinée à les libérer près des frontières maliennes.
Le 04 février 2011, l’Italienne, Maria Sandra MARIANI, et son chauffeur sont kidnappés près de la ville de Djanet en Algérie. Ils sont libérés plus d’un an plus tard, le 17 avril 2012.
Le 24 septembre 2011, deux Français, Serge LAZAREVIC et Philippe VERDON, sont kidnappés à Hombori au Mali par l’AQMI. Le premier est encore captif au Sahel tandis que le second a été retrouvé mort d’une balle dans la tête en juillet 2013.
Le 23 octobre 2011, trois humanitaires européens sont enlevés dans un camp de réfugiés près de Tindouf en Algérie par le MUJAO. Ils sont libérés après le paiement d’une rançon de 30 millions d’euros et la libération de trois (03) membres du groupe emprisonnés en Mauritanie.
Le 25 novembre 2011, un touriste allemand est tué en tentant de résister à ses ravisseurs à Tombouctou au Mali. Les hommes armés kidnappent toutefois les trois autres touristes -un Suédois, Johan GUSTAFSON, un Néerlandais, Sjaar RIJKE et un Britannique ayant la nationalité sud-africaine, Stephen MALCOLM – qui étaient avec lui.
En avril 2012, sept (07) diplomates algériens sont enlevés par le MUJAO à Gao au Mali. Trois de ces diplomates ont été libérés le 11 juillet 2012, trois se trouvent encore entre les mains des ravisseurs et le vice-consul, Taher TOUATI, a été exécuté en août 2012 par le MUJAO.
Le 14 octobre 2012, six personnes dont cinq humanitaires sont enlevées à Dakoro dans le Sud du Niger par le MUJAO. Cinq humanitaires nigériens ont été libérés le 3 novembre 2012 tandis que le sixième otage d’origine tchadienne, Aimé SOULEMBAYE, est décédé à la suite d’une blessure par balle reçue lors de son enlèvement.
Le 20 novembre 2012, un Français d’origine portugaise, Gilberto Rodrigues LEAL, est kidnappé à Kayes au Mali par le MUJAO. Il est déclaré mort en avril 2014.
Le 20 décembre 2012, un ingénieur Français, Francis COLLOMP, est enlevé au Nigéria dans l’Etat de Katsina près de la frontière du Niger par une trentaine de membres d’ANSARU, un groupe dissident de Boko Haram qui ont attaqué une installation de la compagnie « Vegnet Co. ». Il réussit à s’échapper en novembre 2013.
B. Bilan de neuf années d’enlèvements au Sahel
Ces diverses prises d’otages reflètent tant les connexions régionales que l’ambition des groupes terroristes au Sahel. L’étude chronologique de ces neuf (09) années d’enlèvements précédemment décrites permet, par ailleurs, d’avoir une vision globale sur ces activités, particulièrement sur leur ampleur humaine et financière.
1. Bilan humain
Pour pouvoir sortir le bilan humain, nous avons créé le tableau 3 suivant scindant les enlèvements entre au Sahel entre 2003 et 2012 retracés à partir de l’historique.
Tableau 3: Bilan humain des enlèvements au Sahel entre 2003 et 2012
Période d’enlèvement | Pays de capture | Organisation | Nombre d’otages | Otages retenus | Otages libérés | Otages décédés |
Février – Avril 2003 | Algérie | GSPC | 32 | – | 31 | 1 |
22 février 2008 | Tunisie | AQMI | 2 | – | 2 | – |
14 décembre 2008 | Niger | AQMI | 2 | – | 2 | – |
22 janvier 2009 | Mali | AQMI | 4 | – | 3 | 1 |
26 novembre 2009 | Mali | AQMI | 1 | – | 1 | – |
29 novembre 2009 | Mauritanie | AQMI | 3 | – | 3 | – |
17 décembre 2009 | Mauritanie | AQMI | 2 | – | 2 | – |
19 avril 2010 | Niger | AQMI | 1 | – | – | 1 |
16 septembre 2010 | Niger | AQMI | 7 | – | 7 | – |
07 janvier 2011 | Niger | AQMI | 2 | – | – | 2 |
04 février 2011 | Algérie | AQMI | 2 | – | 2 | – |
24 septembre 2011 | Mali | AQMI | 2 | 1 | – | 1 |
23 octobre 2011 | Algérie | MUJAO | 3 | – | 3 | – |
25 novembre 2011 | Mali | AQMI | 4 | 3 | – | 1 |
Avril 2012 | Mali | MUJAO | 7 | 3 | 3 | 1 |
14 octobre 2012 | Niger | MUJAO | 6 | – | 5 | 1 |
20 novembre 2012 | Mali | MUJAO | 1 | – | – | 1 |
20 décembre 2012 | Nigéria | ANSARU
(Boko Haram) |
1 | – | 1 | – |
TOTAL | 82 | 7 | 65 | 10 |
D’après ce tableau, en neuf ans, il y a eu au Sahel, au minimum, 18 enlèvements pour 82 otages dont sept (07) sont encore entre les mains des groupes terroristes, 65 libérés et dix (10) décédés.
77,78% de ces enlèvements ont été au Mali (33,33%), au Niger (27,78%) et en Algérie (16,67%). En outre, ces trois pays ont retenus 90,24% des otages enregistrés avec l’Algérie en tête pour 45,12%, le Mali qui le suit avec 23,17% et le Niger qui le suit de près avec 21,95%. De ce fait, ces pays sont considérés comme des zones rouges et comme foyer des enlèvements dans la bande sahélienne.
Aussi, depuis 2008, après un grand vide entre 2003 et 2007, les enlèvements et prises d’otages ont augmenté de manière considérable dans la région du Sahel comme nous l’indique le graphique suivant obtenu à partir de l’analyse du tableau 3.
Figure 4: Variations du nombre d’otages et d’enlèvements au Sahel entre 2003 et 2012
Par ailleurs, cette figure nous apprend qu’il y a moins d’enlèvements que de personnes enlevées nous permettant ainsi de déduire que les enlèvements se font en grands nombres, probablement pour mieux faire pression sur les entités cibles.
Toutefois, du tableau 3 toujours et si l’on ne considère pas le Français qui s’est échappé des griefs de ses ravisseurs par lui-même, 78,05% des otages ont été libérés, mais à quel prix ?
2. Bilan financier
Comme nous l’avons expliqué dans les chapitres et sections précédents, les enlèvements cachent toujours des motifs politiques et/ou financiers même si au final c’est le motif criminel qui va être de plus en plus dominant. Entre 2003 et 2012, c’est la motivation pécuniaire qui a dominé au Sahel. La prise d’otages contre rançon est devenue la principale source de financement des groupes terroristes et la sanction est immédiate, comme nous pouvons le constater dans l’historique, si les autorités tentent de résister au chantage. La majorité de la libération des otages au Sahel est ainsi donc liée au respect des conditions des preneurs d’otages. Le tableau suivant, en fait justement l’état.
Tableau 4: Rançons et contrepartie octroyés pour la libération des otages au Sahel
Période de libération* | Otages libérés* | Types d’otages* | Nombre d’otages libérés* | Durée de captivité* | Rançon versée ou contrepartie** |
13 mai 2003 | 10 Autrichiens, 06 Allemands, 01 Suédois | Touristes | 17 | 1 à 3 mois | 4,6 à 5 millions d’euros |
18 août 2003 | 9 Allemands, 04 Suisses, 01 Néerlandais | Touristes | 14 | 4 à 6 mois | |
Octobre 2008 | 02 Autrichiens | Touristes | 2 | 8 mois | 2 millions d’euros |
Avril 2009 | 02 Canadiens | Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et son secrétaire | 2 | 4 mois | 4 à 5 millions d’euros + libération de 04 combattants islamistes |
Avril et juillet 2009 | 02 Suisses, 01 Allemand | Touristes | 3 | 3 à 6 mois | 2,5 à 3 millions d’euros |
Mars et Août 2010 | 03 Espagnols | Humanitaire (ONG) | 3 | 4 à 9 mois | 7 millions d’euros + extradition d’un islamiste détenu au Mali |
23 février 2010 | 01 Français | Touriste | 1 | 3 mois | Libération de 04 islamistes |
16 avril 2010 | 02 Italiens | Touristes | 2 | 4 mois | 3,5 millions d’euros |
Février 2011 et octobre 2013 | 05 Français, 01 Togolais, 01 Malgache | Employés d’Areva et de Satom | 7 | 5 à 25 mois (2,08 ans) | 25 millions d’euros |
Avril 2012 | 01 Italienne, 01 Algérien | Touristes | 2 | 14 mois | – |
Juillet 2012 | 02 Espagnols, 01 Italienne | Humanitaires | 3 | 9 mois | 30 millions d’euros + libération de 03 islamistes détenus en Mauritanie |
Juillet 2012 | 03 Algériens | Diplomates | 3 | 3 mois | 15 millions d’euros + libération de prisonniers |
3 novembre 2012 | 05 Nigériens | Humanitaires | 5 | 18 jours | – |
Novembre 2013 | 01 Français | Ingénieur | 1 | 11 mois | Rien (s’est échappé) |
TOTAL/ MOYENNE | 65 | 18 jours à 2 ans | 50 à 90 millions d’euros | ||
*Données tirées d’articles publiés sur le web ou dans les quotidiens relatant chaque enlèvement |
D’après ce tableau, de 2003 à 2012, les enlèvements au Sahel ont rapporté entre 50 et 90 millions d’euros aux preneurs d’otages soit donc près de 1,5 millions d’euros par otage.
Les cibles choisies étaient très diversifiées allant de simples touristes à de hautes personnalités comme des diplomates ou des représentants internationaux, ces derniers ayant plus de poids en valeur que les touristes. Cependant, la majorité capturée était des touristes. Parmi les otages libérés, d’ailleurs, 69,23% étaient des touristes et 16,92% des humanitaires. En outre, les victimes ne sont libérées qu’après le respect des conditions imposées par les ravisseurs.
SECTION III : ACTEURS DE LA PRISE D’OTAGES AU SAHEL
Les prises d’otages au Sahel sont souvent associées à quatre (04) noms : AQMI, MUJAO, Boko Haram et Abou ZEID.
1. AQMI, acteur principal
Sur les 18 enlèvements enregistrés dans le tableau 3, l’AQMI en a réalisé à elle seule 13 des opérations de kidnapping et a enlevé une soixantaine d’étrangers. Cette organisation aurait, « en 2011, reçu en moyenne, selon le gouvernement américain, 5,4 millions d’USD par otage libéré.[14] ». Ainsi, entre 2003 et 2012, l’AQMI aurait totalisé 89 millions d’USD de rançon à travers toute l’Afrique, selon le service de renseignements américain privé Stratfor.
Ces rançons énormes, se montant à plusieurs millions, approvisionnent les caisses de l’AQMI et constituent une de ses principales sources de financement. En effet, l’AQMI peut récolter plus de 50 millions d’euros par l’enlèvement d’étrangers, une forte récompense pour peu d’effort. Les prises d’otages constituent donc une source de revenus autre que la contrebande, le trafic de drogues et le trafic d’armes.
Avec ses nombreux enlèvements, les rançons énormes qu’il exige et surtout sa sanction immédiate si ses conditions ne sont pas respectées, l’AQMI est le groupe terroriste le plus craint en matière de prise d’otages au Sahel.
2. MUJAO et Boko Haram, sources de compétitivité
Le MUJAO et le Boko Haram sont des groupes terroristes dont la montée est de plus en plus considérable. Ces groupes sont, par ailleurs, spécialisés dans la prise d’otages et sont reliés à l’AQMI. En effet, l’AQMI tend à sous-traiter la prise d’otages à ces groupes en échange de son soutien logistique ou en formation. Enfin, la rivalité entre les trois groupes suscite une compétitivité entre eux.
3. Abou ZEID, visage du terrorisme au Sahel
Abou ZEID est un des chefs les plus radicaux de l’AQMI. Il est le visage qui se cache derrière la majorité des enlèvements au Sahel et est considéré comme le spécialiste de la prise d’otages. Il a notamment orchestré l’enlèvement des Autrichiens en 2008 ou encore celui de l’envoyé spécial des Nations Unies et de son secrétaire la même année.
Mais son nom restera collé à celui d’Edwin DEYER, un otage britannique qu’il a décapité suite au refus du gouvernement britannique de libérer Abou QOTADA, un chef terroriste détenu dans une prison à Londres, malgré de nombreux mois de négociations. Cet assassinat marque à la fois une nouvelle ère pour le terrorisme au Sahel, le début de l’accroissement des enlèvements mais surtout la naissance d’un nouvel architecte du terrorisme dans le monde.
PARTIE II : ETUDE DU CAS DE L’ENLEVEMENT DES HUMANITAIRES AU NIGER
Le terrorisme est une plaie qui a jeté son dévolu sur le sol africain notamment sur la région sahélienne où il se répand de plus en plus. D’ailleurs, outre les divers trafics existant, les enlèvements et les prises d’otages y sont devenus monnaie courante mettant, particulièrement, sous les feux des projecteurs deux pays frontaliers : le Niger et le Mali comme dans le cas de l’enlèvement des humanitaires en 2012. Ce dernier constitue, par ailleurs, le noyau de cette deuxième partie qui veut apporter une analyse de cette prise d’otages et d’en dégager un portrait représentatif.
CHAPITRE I : LA PRISE D’OTAGES AU NIGER
Ces dernières années, le Niger est souvent le théâtre d’enlèvements. Le présent chapitre vise à relater un de ces enlèvements, celui des humanitaires survenu en octobre 2012 après avoir décrit brièvement le Niger et sa relation avec le Mali.
SECTION I : LA FRONTIERE NIGERO-MALIENNE
Le Mali et le Niger sont deux pays enclavés sur la carte de l’Afrique qui partagent 821 km de frontières à l’Est. Ce sont deux Etats qui semblent avoir tout en commun – démographie, économie, environnement ou sécurité – mais que, en réalité, tout sépare.
A. Mali, berceau du MUJAO le spécialiste des enlèvements
Le Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest ou MUJAO est un groupe né d’une scission de l’AQMI. Il a officiellement annoncé son existence après l’enlèvement des humanitaires à Tindouf, le 23 octobre 2011, libérés plus tard contre une rançon. C’était la première attaque du MUJAO. Son objectif principal est, comme son nom l’indique, d’étendre géographiquement l’insurrection djihadiste dans toute l’Afrique de l’Ouest.
En début 2012, profitant du soulèvement des mouvements rebelles dans le Nord du Mali, le MUJAO s’est emparé de cette zone aux côtés de l’AQMI et de l’Ansar ed Dine (Défenseur de l’Islam), tous trois adeptes de l’application rigoriste de la charia ou loi islamique. Il a saisi les villes de Gao et de Bourem et s’est fourni en armes à partir des arsenaux maliens. Il s’est ainsi fortement armé avec des mitrailleuses lourdes, des lance-grenades, des mortiers, du TNT, des explosifs artisanaux, des jumelles de vision nocturne et des moyens de communication. Depuis, son fief est la ville de Gao, la ville malienne la plus proche du Niger, où il est devenu le maître absolu en évinçant le Mouvement National de la Libération de l’Azawad (MNLA) par des combats meurtriers.
Les membres du MUJAO sont principalement issus de l’Afrique noire. En effet, le MUJAO recrute au Maghreb, en Algérie mais aussi « parmi les jeunes Nigériens vivant dans la région du fleuve. Dans ce pays très pauvre, les djihadistes donnaient entre 100 et 150 dollars et une arme aux nouvelles recrues. Lorsque la guerre a commencé au Mali, plusieurs centaines de jeunes idéologiquement peu convaincus sont rentrés chez eux. Les autorités de Niamey les surveillaient de près. Elles craignaient que certains de ces jeunes « démobilisés » ne soient embrigadés au sein de réseaux dormants que le MUJAO pourrait réveiller à tout moment. Le danger est d’autant plus réel que le mouvement djihadiste entretient des liens étroits avec un autre groupe islamiste, la secte nigériane Boko Haram [15]». Il a également gardé d’étroites relations avec l’AQMI et l’Ansar ed-Dine.
Le groupe s’est illustré par de divers trafics notamment des trafics de drogues mais surtout par des prises d’otages en commençant d’abord par le territoire malien puis en s’étendant de plus en plus en dehors. En effet, il se tient responsable de l’enlèvement des/ du:
- Trois (03) humanitaires européens, deux Espagnols et une Italienne, le 23 octobre 2011 dans la région du Tindouf ;
- Sept (07) diplomates algériens au consulat de Gao, le 05 avril 2012 ;
- Cinq (05) humanitaires au Niger le 14 octobre 2012 ;
- Franco-portugais, Gilberto Rodrigez LEAL, le 20 novembre 2012 au Mali.
Le MUJAO a ainsi occupé plus de 50% du territoire malien en 2012 avant d’en être en partie chassé par une intervention militaire internationale en Janvier 2013.
Figure 5: Occupation du Mali par le MUJAO en 2012
Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/nihile/091112/mali-quest-ce-que-le-MUJAO
Toutefois, le MUJAO garde ses capacités de nuisance au Mali bien que la majeure partie du groupe s’est réfugiée au Niger où ils ont des connexions.
B. Niger, scène d’enlèvements
Bien que le Niger n’abrite pas formellement des organisations criminelles comme l’AQMI, le MUJAO ou l’Anssar ed-Dine, ses quelques 1.267.000 km² constituent néanmoins « un théâtre d’opération de ces bandes armées, coutumières des trafics de drogues et surtout de la prise en otage d’Occidentaux transférés par la suite au Mali voisin.[16] ».
Comme d’autre pays du Sahel et ailleurs en Afrique, le Niger est en proie à la corruption, l’instabilité, la violence et le terrorisme. En outre, l’état de paupérisation, le manque de représentation des administrations publiques voire leur absence, la difficulté de sécurisation compte tenu de sa superficie et de la porosité des frontières et la vulnérabilité du peuple font de ce pays un lieu privilégié pour les crimes en tout genre mais surtout pour les opérations d’enlèvement.
En effet, depuis 2008, le Niger, surtout en son Nord et parfois au Sud, constitue le principal terrain d’enlèvements des organisations terroristes. Ces derniers semblent y aller que pour une « pêche aux otages occidentaux» puisqu’ils ne restent sur le territoire nigérien que le temps nécessaire aux ravisseurs pour rallier leur fief du Nord-Mali.
Les principaux enlèvements au Niger sont notamment ceux du:
- 14 décembre 2008: Enlèvement deux (02) diplomates canadiens par l’AQMI au Niger même ;
- 22 janvier 2009: Enlèvement de quatre (04) touristes européens (deux Suisses, un Allemand et un Britannique) dans la zone frontalière entre le Mali et le Niger orchestré par l’AQMI ;
- 19 avril 2010: Enlèvement du Français Michel GERMANEAU et son chauffeur algérien, dans le Nord du Niger par l’AQMI ;
- 16 septembre 2010: Enlèvement de sept (07) salariés des groupes français AREVA et SATOM dans la région minière d’Arlit, dans le Nord du Niger par l’AQMI ;
- 7 janvier 2011 : Enlèvement de deux (02) Français à Niamey, la capitale du Niger, par l’AQMI ;
- 14 octobre 2012: Enlèvement de six (06) travailleurs humanitaires à Dakoro, au Niger, par le MUJAO.
Ces faits marquent une tendance au Niger, les Occidentaux sont les plus pris pour cibles par des groupes terroristes. Cela va de simples touristes à des diplomates. Ceci « pour négocier avec leurs pays la libération de leurs activistes en détention ou pour exiger le versement de rançons taillées à plusieurs millions d’euros devant servir à financer leurs opérations criminelles. Les négociations aboutissent parfois dans le sang, par la liquidation pure et simple de l’otage ou des assauts qui tournent au drame, lorsque se révèlent infructueuses des négociations qui prennent parfois plusieurs années pour se dénouer.[17] »
Compte tenu de ces faits, les risques d’enlèvement au Niger sont jugés élevés surtout pour les Occidentaux que ce soit dans les grandes villes ou dans les zones résidentielles surtout que des franchises actives de l’AQMI sont basées tout près de ses frontières et ont, à leur palmarès, le kidnapping avec succès de visiteurs étrangers faisant de l’ensemble du pays dans une zone rouge.
SECTION II : UN ENLEVEMENT PAS COMME LES AUTRES
Largement évoquée par les journaux locaux comme internationaux, la date du 14 octobre 2012 marquera à jamais l’histoire du Niger. Un enlèvement s’y est produit, un enlèvement pas comme les autres. Cette section décrit les évènements et la fièvre qu’il y a eu autour.
A. Caractéristiques de l’enlèvement
Toutes les caractéristiques de l’enlèvement commis ce 14 octobre 2012 lui sont particulières.
1. Un enlèvement d’humanitaires africains au Niamey
Six personnes, à savoir cinq Nigériens et un Tchadien sont enlevés à Dakoro (750 km du Niamey) dans le Sud-Est du Niger le dimanche 14 octobre 2012 vers 22h30.
Ces victimes sont notamment des humanitaires travaillant pour le compte de l’ONG Bien Etre de la Femme et de l’Enfant Nigériens (BEFEN), une organisation partenaire des Médecins Sans Frontière (MSF) et de l’association tchadienne Alerte-Santé, des ONG spécialisées dans les domaines de la santé et de la malnutrition. Ils se trouvaient ainsi dans la région pour aider les enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition et de paludisme au Niger.
Mais alors qu’ils dormaient dans leur maison d’accueil appartenant à l’organisation humanitaire CARE International, des hommes armés investirent de force l’habitat et les enlevèrent. Selon le secrétaire général du Dakoro, Abou MAHAMANE, la plupart de ces hommes avaient la peau claire et quelques-uns la peau noire ; parlaient arabe, tamasheq et haoussa, des langues difficiles dans le secteur, et portaient la tenue des moudjahidines et finalement, étaient venus à bord de deux véhicules tout terrain.
Lors de l’enlèvement, des coups de feu ont été tirés et un des otages a apparemment été blessé. En effet, selon un quotidien africain, « Le Tchadien a probablement tenté de résister et a été blessé mais il a quand même été embarqué[18] ».
Ravisseurs et otages ont ensuite pris la direction de la frontière malienne vers le Nord du Niger.
2. Perte de trace et recherche active des ravisseurs
Malgré le peu d’informations sur les ravisseurs, leur traque se poursuit afin de les neutraliser et d’éviter leur passage en territoire malien. Pour cela, les autorités nigériennes ont déployé de forts moyens militaires au sol comme dans les airs qui « quadrillent une vaste zone incluant tout l’ouest d’Agadez et le nord de Tchintabaraden, jusqu’à la frontière malienne. (…) Armée, gendarmerie et garde nationale sont mobilisés, assurent les autorités de Niamey, qui espèrent intercepter les deux véhicules avant qu’ils ne franchissent la frontière malienne.[19] »
Cependant, malgré les efforts consentis par les autorités, la traque n’aboutit pas. D’après le secrétaire général du Dakoro, « les ravisseurs ont filé droit vers la région d’Agadez, dans le nord du Niger, frontalier du Mali, et les forces de l’ordre ont perdu leur trace vers la zone d’Abala, à environ 300 kilomètres au sud d’Agadez, dans la région de Tahoua. (…)Des renforts sont arrivés sur place à Dakoro. Il reste encore des humanitaires africains, le site a été sécurisé par les renforts venus de Maradi et de Tahoua [20]»
3. Messages aux ravisseurs
Parmi les six (06) personnes enlevées, cinq (05) appartiennent à l’ONG BEFEN et à l’association Alerte-santé. « Dans un communiqué conjoint, les deux organisations « demandent leur libération et prioritairement celle de leurs collaborateurs qui auraient été blessés lors de cet incident ». En outre, elles « rappellent qu’elles sont des ONG médicales qui n’ont d’autre objectif que de juguler les situations les plus précaires et ce, en toute indépendance politique » et « impartialité »[21] »
Les proches de l’otage tchadien Aimé SOULEMBAYE, celui-ci identifié comme étant le blessé par balle, inquiets pour sa vie, ont également exprimé un message aux ravisseurs, lors d’une interview, où ils leur demandent « de le libérer afin qu’il puisse revenir prendre en charge les enfants démunis dont il s’occupait à titre humanitaire.[22] »
A son tour, le président nigérien, Mahamadou ISSOUFOU, rapporte le quotidien gouvernemental « Le Sahel », s’est exprimé à la fois aux ravisseurs et aux Nigériens en ces termes :
« Enlever le personnel humanitaire d’une ONG chargée de lutter contre le paludisme notamment au bénéfice des enfants de moins de cinq ans, n’est-ce pas un crime ? N’est-ce pas agir directement contre les intérêts de notre peuple qu’on veut priver de services sociaux de base dans l’éducation, la santé, le secteur de l’eau et celui de l’alimentation ? Notre peuple doit se mobiliser comme un seul homme pour traquer ces bandits, ces mécréants sans foi ni loi[23] », un message à la fois condamnateur et mobilisateur suivant les concernés.
4. Aucune revendication
Les moyens utilisés et la destination prise par les ravisseurs après leur forfait supposaient que l’enlèvement était un méfait terroriste. Cependant, plusieurs jours après l’enlèvement, aucune organisation terroriste n’a revendiqué l’acte ni réclamé le versement de rançon. Par ailleurs, l’identité même du groupe terroriste auteur du crime est inconnue.
B. Les rumeurs sur l’enlèvement
De nombreuses rumeurs sont nées après le forfait des ravisseurs allant de l’identité des ravisseurs aux raisons de l’enlèvement d’autant plus que les journaux et divers médias ont largement commenté dessus.
1. Un enlèvement préparé
La RFI évoque un rapt très bien préparé en énonçant en ces termes que : « Plusieurs sources concordantes affirment que les ravisseurs ont séjourné pendant plusieurs jours à Dakoro et ont bien observé le terrain.[24] »
2. Spéculation sur l’identité des ravisseurs
Le Dakoro où s’est produite la prise d’otages se trouve à la croisée des terrains d’opération de trois groupes terroristes à savoir l’AQMI, le MUJAO et le Boko Haram rendant flou l’identification de l’auteur du rapt. Des spéculations naissent alors.
L’hypothèse que ce soit le Boko Haram fut vite écartée car bien que le Dakoro soit « situé dans la zone de Maradi, capitale économique du Niger et grande ville de cette région frontalière du Nigeria, le grand pays voisin où opère le groupe islamiste Boko Haram[25]. », la direction qu’ont pris les ravisseurs et les otages lors de leur fuite est opposée à leur siège.
Les premiers soupçons pesaient sur l’AQMI malgré le fait que ce soit des Africains qui ont été enlevés mains non pas des Occidentaux comme le groupe en a coutumes. En effet, tout portait à croire que l’enlèvement était leur œuvre. Tout d’abord, parce que le Niger a déjà été frappé par des enlèvements commis par l’AQMI ensuite lors de la brève poursuite militaire, les ravisseurs ont pris la direction de la frontière malienne, zone réputée pour être le royaume de divers trafiquants et de groupes terroristes dont l’AQMI, puis le mode opératoire et la description des ravisseurs correspondaient et enfin parce que c’est dans les montagnes du Nord du Mali que se trouve la base de l’AQMI. Le rapt peut donc être l’œuvre du groupe, la seule tache étant que les personnes enlevées sont des Africains, des proies inhabituelles pour celui-ci.
Une troisième hypothèse évoque le MUJAO comme auteur de l’enlèvement. Tout d’abord parce que ce groupe a déjà kidnappé des Africains en les personnes des sept (07) diplomates algériens à Gao. Par ailleurs, le Mali, dont les ravisseurs se sont pressé d’atteindre est un pays où il règne en maître. Compte tenu de ces faits, « la rumeur courait qu’ils avaient été kidnappés par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), qui contrôle le nord du Mali voisin avec les islamistes d’Ansar Dine et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). [26]»
3. Spéculation sur les raisons de l’enlèvement
La région du Dakoro est réputée pour être un territoire calme, il n’y a eu, selon les autorités, aucun signe prémonitoire pour un tel enlèvement et la population était stupéfaite des évènements se demandant pourquoi enlever des humanitaires africains qui prenaient en charge les mères et les enfants africains, cela n’avait, à leurs yeux, aucun sens. Les spéculations sur les motifs de l’enlèvement sont ainsi allées de bon train.
a. Règlement de compte
La première raison qui a été évoquée était le règlement de compte. Cette hypothèse est par ailleurs appuyée par le cabinet du Premier Ministre Brigi RAFINI, dans un communiqué publié le 15 octobre 2012 et qui affirme que « Cet acte s’apparente plus à un règlement de comptes qu’à un enlèvement [27]».
b. Stratégie de démoralisation
Comme le relève, L’Observateur, un quotidien burkinabé, « Six Africains… Une première au Sahel où, mis à part les trois Algériens que détient le MUJAO, il n’y en avait que pour les Occidentaux, cibles favorites des ravisseurs.[28]»
Comme l’explique Le Pays, un autre quotidien burkinabé, « L’enlèvement des travailleurs humanitaires africains qui intervient surtout dans un contexte de finalisation de l’opérationnalisation de l’intervention militaire contre les terroristes du Nord-Mali, peut répondre aussi à une stratégie de démoralisation. AQMI peut vouloir se servir des otages africains pour décourager les pays africains, notamment ceux voisins du Mali, de soutenir l’opération militaire dans ce pays. Tout comme il a réussi, par la détention d’otages français et la menace de porter atteinte à des intérêts français, à limiter la participation de la France à la future action militaire au Mali à une simple assistance technique et logistique. Les terroristes ont, en tout cas, déjà prouvé leur capacité à déstabiliser des régimes.[29] » Ce que surenchérit par ailleurs le site Guinée Conakry Infos : « la première piste qui se dessine quasi naturellement, c’est bien celle des islamistes qui se sont établis au nord du Mali. Cela se justifie tout d’abord par le fait que, menacés par une probable intervention militaire étrangère, les Djihadistes d’Aqmi, du MUJAO et d’Ansar Dine, pourraient se servir des otages comme boucliers humains. Ce serait en plus un moyen de pression pour dissuader les pays dont les ressortissants ont été enlevés, de prendre part à la Mission de la Cédéao au Mali. [30]» et qui conclut que « quels que soient les auteurs de ce rapt, il donne une idée de l’ampleur de la menace qui pèse sur toute la région sahélienne. Ceux qui pensaient que la crise au nord du Mali resterait éternellement circonscrite dans ce pays, peuvent alors réviser leur analyse. Il est désormais évident qu’aucun pays n’est à l’abri. Pas même la Mauritanie ou l’Algérie. [31]».
Le titre du quotidien L’enquêteur est également évocateur annonçant que « MUJAO vise le président ISSOUFOU MAHAMADOU [32] ». Selon ses termes, « Il y a quelque temps déjà, le MUJAO avait mis notre président en garde pour ses prises de position guerrières concernant le septentrion malien. Mieux, les insurgés salafistes du Nord Mali avaient sans ambigüité menacé de s’en prendre à la quiétude de nos compatriotes, si le magistrat suprême s’entêtait dans sa posture va-t-en guerre. Et voila que maintenant quatre de nos concitoyens sont enlevés à Dakoro. [33]»
c. Une pénurie d’étrangers en Afrique
Cet enlèvement d’humanitaires africains peut s’également s’expliquer par le fait que l’état sécuritaire en Afrique a fait fuir les touristes et autres étrangers. Aussi, « Les otages occidentaux se faisant rares, les terroristes enlèvent à présent des humanitaires africains, venus des pays voisins.[34] » En effet, « Les ressortissants occidentaux commencent visiblement à observer les consignes de sécurité qui leur ont été données concernant les zones dans lesquelles opèrent les extrémistes. Ils sont ainsi devenus une denrée rare dans ces localités[35] » et les terroristes se trouvent alors obligés de « tenter une autre expérience pour voir ce que vaut réellement un otage africain en termes de rançon. [36]»
d. Des otages de fortune
Une quatrième théorie soulevée dans cet enlèvement est qu’une erreur a été commise par les ravisseurs ou un évènement fortuit a changé la donne.
Dans le cadre d’intervention d’ONG humanitaires, la région du Dakoro accueille souvent des ressortissants étrangers. En effet, « Un autocollant de l’ONG OCHA, avec un drapeau de l’Union européenne, sur le portail de l’ONG, aurait attiré l’attention des informateurs des ravisseurs et une mission de travail, partie de Niamey, arrivée à Dakoro, a fini par convaincre les complices des ravisseurs de la présence éventuelles d’Occidentaux à Dakoro.[37] »
D’ailleurs, quelques jours après l’enlèvement, un officiel de la préfecture de Dakoro indique que « les ravisseurs recherchaient un anthropologue italien ayant travaillé pour Médecins Sans Frontières et resté dans la zone. [38]» Plus précisément, leur cible était le Docteur Francisco[39], un anthropologue italien qui a longtemps séjourné dans la région du Dakoro et qu’ils savaient, était présent, dans la région au moment du rapt. Cependant par fruit du hasard, la nuit de l’enlèvement, il n’était pas rentré dans la case qui lui a été destinée mais avait dormi dans un campement nomade à cause de sa tournée humanitaire qui a duré jusqu’à la tombée de la nuit. Compte tenu de ces faits, « en passant à l’acte, les ravisseurs se sont rendus compte qu’ils s’étaient trompés, et comme le Tchadien a résisté et a créé la panique, il fallait se dégager, en emmenant de force tous ceux qui étaient présents, sauf le gardien. [40]»
Cet évènement fortuit permet de mettre à l’abri le Docteur des MSF, en effet, il a été escorté à Maradi avant de regagner aussitôt le Niamey, alors que la poursuite des ravisseurs continue mais « à défaut d’avoir pu mettre le grappin sur des occidentaux dont la valeur marchande est toujours plus consistante, ce sont six pauvres travailleurs humanitaires (…) qui ont fait les frais des ravisseurs.[41] » comme le relève le quotidien Le Démocrate.
SECTION III : 03 NOVEMBRE 2012 : LIBERATION DES OTAGES, UNE PRECISION SUR LES EVENEMENTS MAIS TOUJOURS DES QUESTIONS EN SUSPENS
Après 18 jours de captivité, les humanitaires africains, enlevés le 14 octobre 2012, retrouvent leur liberté. Après de nombreuses spéculations sur le qui et le pourquoi de cet enlèvement, les questions allaient enfin trouver réponses.
A. Un rapt signé MUJAO
Concernant l’identité des ravisseurs, un ex-otage a confirmé la rumeur qui courait le Niger et le Mali depuis le kidnapping au Dakoro. Cette rumeur désignait le MUJAO, un groupe islamiste armé qui contrôle le Nord malien aux côtés de l’AQMI et l’Ansar ed-Dine, comme responsable du rapt. L’ex-otage a notamment affirmé que : « Ce sont les gens du MUJAO qui nous ont enlevés.[42] ».
Le chef d’orchestre de l’opération est « un moudjahidine d’origine qatarienne et ancien lieutenant de l’armée pakistanaise. Avec un groupe d’autres « Afghans », il est arrivé dans le nord du Mali il y a quelques mois pour prêter main forte à ses frères islamistes pour le jihad. [43]»
B. A la recherche d’un « Blanc »
D’après un ex-otage, « ce sont les gens du MUJAO qui nous ont enlevés. Ils croyaient qu`il y avait un Blanc parmi nous[44] ». Les ravisseurs étaient donc réellement à la recherche d’expatriés occidentaux.
C. L’enlèvement conté par un ex-otage
Selon un des ex-otages, le 14 octobre 2012 aux alentours de 22h 30 – 23h, des hommes armés à bord de véhicules tout terrain font irruption dans un centre humanitaire situé à Dakoro dans le nord du Niger. Dès leur entrée, les terroristes se sont mis à crier : « Où sont les Blancs ? Où sont les Blancs ? » N’en ayant pas trouvé sur place, ils ont alors enlevé les six responsables africains du centre, cinq médecins de nationalité nigérienne employés par l’ONG BEFEN et un Tchadien travaillant pour le compte d’une ONG de son pays d’origine, épargnant les malades et les travailleurs secondaires. Le Tchadien, Aimé SOULEMBAYE, qui avait tenté de résister a alors reçu trois balles.
Après les avoir embarqué de force dans leurs véhicules, les ravisseurs ont aussitôt pris la route en direction du Nord. A 20 km de Dakoro, le Tchadien a succombé à ses blessures soit quelques minutes seulement après l’enlèvement. A la frontière nigéro-malienne, les ravisseurs obligent les otages à descendre puis à enterrer le corps de l’humanitaire et de prier avant de franchir ladite frontière. Leur destination finale sera alors une base du MUJAO, une branche d’Al-Qaïda dirigée par Abou ZEID, dans le Nord du Mali.
D. 18 jours de détention
Lors des quinze jours suivant l’enlèvement, « Le commando du MUJAO et ses otages sont restés coincés dans les montagnes nigériennes avant d’être exfiltrés par des nomades complices des islamistes.[45]» Les otages ont, par la suite, vécu des conditions difficiles pendant leur détention dans les montagnes : « Nous avons passé près de 20 jours sans nous laver et nous mangions de manière précaire (…) On avait un espace d’une quinzaine de mètres (…) Les ravisseurs parlaient l’arabe et certains parlaient l’anglais [46]» décrivent-ils. Toutefois, lorsque les ravisseurs « ont compris que nous étions des musulmans, ils sont devenus plus gentils avec nous. Nous mangeons et buvons ensemble. Ils ne nous ont pas maltraité, ni physiquement ni moralement[47] ».
E. Une libération soudaine et particulière
Les ravisseurs n’ayant rien revendiqué, l’Etat n’ayant jamais versé de rançon, les raisons, qui ont poussé les kidnappeurs à libérer les otages, restent encore inconnues aujourd’hui. Mais en évoquant les conditions de leur libération, les otages partagent la même version. Ils confient que leurs kidnappeurs les ont déposés à quelques kilomètres de la frontière du Niger et de là, ils ont rejoint par bus le premier poste militaire nigérien de la zone pour être ensuite escortés par la gendarmerie nationale à Niamey où ils sont reçus par le Président de la République.
En outre, « A l’unanimité, les cinq otages ont affirmé que leur libération s’est faite de manière subite et sans préparation. En les déposant à une trentaine de kilomètres de la frontière nigérienne, les responsables du MUJAO, selon les otages, se sont excusés de leur acte. De la nourriture et de l’argent pour le transport leur ont été remis avant que les ravisseurs ne leur indiquent, depuis les montagnes, la direction du Niger.[48] » Ces faits rendent encore plus intriguant la libération de ces humanitaires.
F. Bilan : cinq libérés, un décédé
Lors de cette prise d’otages, sur les six humanitaires kidnappés, cinq ex-otages, fatigués mais en bonne santé et entourés des responsables de l’ONG BEFEN, ont regagné leurs familles, libres, tandis que leur collègue, Aimé SOULEMBAYE, y a perdu la vie.
CHAPITRE II : ANALYSE SOCIOLOGIQUE DE L’ENLEVEMENT DES HUMANITAIRES AU NIGER
Plusieurs théories ont été développées lors de cet enlèvement au Niger allant d’un règlement de compte à une erreur sur la personne. Ce dernier chapitre apportera une analyse des évènements lors de ces 18 jours à travers les faits et la littérature afin de tirer un portrait fidèle de cet enlèvement d’humanitaires africains au Niger.
SECTION I : RETRANSCRIPTION INTEGRALE D’UNE INTERVIEW AVEC UN EX-OTAGE
Dans l’optique de dissocier les hypothèses et les faits réels, une interview articulée autour de quatre (04) thèmes a été menée auprès d’un ex-otage. Ce sont une quinzaine de question qui vise à retracer les évènements sous un autre regard, celui d’une victime directe.
A. Thème 1 : L’enlèvement
- Quelles sont les raisons qui vous ont amené au Dakoro (Niger) en ce temps-là ?
J’étais coordinateur d’un projet humanitaire de prise en charge de la malnutrition aiguë sévère et des pathologies pédiatriques avec les ONG BEFEN et ALIMA.
- Comment décrivez-vous cet enlèvement ? (Récit des évènements)
On revenait juste d’une enquête de sécurité alimentaire avec des membres de l’ONG ACTED arrivés deux jours plutôt. On voulait travailler ensemble dans le cadre de la prévention de la malnutrition car eux sont spécialisés dans la prévention. Rentrés vers 19 h, on était fatigué et nous sommes donc rentrés nous coucher un peu tôt. La maison avait quatre (04) chambres : notre administrateur (le décédé) occupait la première chambre en entrant, Hassane venu me remplacer (j’étais en fin de mission et on était en passation) la seconde et ma chambre était en face de celle des deux cadres de ACTED. Vers 22h, j’ai entendu un grand bruit dans le salon, je m’étais d’abord dit que c’étaient les gardiens et leurs amis qui jouaient. Puis j’ai entendu « kou tahi da chi ! » ou « Amenez-le ! » et je m’étais dit que c’était un cambriolage ! Je me suis précipité dans la douche et j’ai appelé le commissaire de police qui vivait dans la maison en face de chez nous pour lui dire qu’on est attaqué. Immédiatement, ils ont cassé ma porte et je suis sorti. Ils étaient quatre (04) ou cinq (05) de teint clair (des touaregs). J’étais en culotte et je leur ai fait signe de me laisser prendre ma chemise et celui qui semble être le chef m’a dit non et m’a fait signe d’avancer avec sa kalachnikov. En sortant j’ai remarqué que le gardien (Petit qui nous fait aussi les courses) était debout en sang, mais compatissant.
- Qui ont été vos ravisseurs et que recherchaient-ils ?
Ce sont des islamistes. J’ai d’abord pensé que c’étaient des voleurs de voitures (quelques années plutôt MSF s’était fait voler un de ses 4×4 sur le même projet).
Plus tard, on a su (ils nous l’ont dit) qu’il cherchait un Américain dénommé Tim, un évangéliste. Ils nous ont dit que c’était un type grande taille qui convertissait les gens au christianisme. Ce Tim était parti au moins trois (03) ans plutôt. On a eu la malchance de loger dans la maison voisine de celle qu’occupait Tim, les portes étant identiques et à juste à peine deux (02) mètres l’une de l’autre. Ils sont entrés dans les deux maisons. Donc on était au mauvais endroit et au mauvais moment.
- Pourquoi, selon vous, vos ravisseurs s’en sont pris à des humanitaires africains ?
C’était une erreur de cible comme expliqué plus haut.
B. Thème 2 : La détention
- Où avez-vous été emmenés ? Quelles étaient vos conditions de détention ?
Nous avons été emmenés dans le Nord Mali à environ 150 km de Gao, on l’a su quand on nous ramenait vers Gao.
Après deux (02) jours de péripéties (le terrain était marécageux et on s’était embourbé pendant deux jours), nous étions à la troisième nuit à un point de rencontre avec un autre groupe (une cinquantaine de personnes) et là on a été présenté à leur Emir pour être jugés. Il a vite compris qu’on n’était pas des chrétiens mais des musulmans.
Le gars qui les a conduits à Dakoro est un touareg nigérien qui nous a dit qu’il est resté plus d’un an à Dakoro et connait parfaitement le chef-lieu de région qui est Maradi. Ce gars a essayé de nous enfoncer et nous a menacé (intimidations) en langue haoussa que si on ne disait pas la vérité, ils allaient nous tuer ou nous garder là voire 20 ans. Il disait que là c’était le bout du monde et personne ne peut s’y aventurer pour venir nous chercher. Lui parlait haoussa mais les autres non. Il a pris Abdourahmane, l’un de nous qui lors de l’interrogatoire a paniqué et bredouillait (lui est Zarma et parlait mal le haoussa), armé son fusil et partait avec lui dans l’obscurité pour le tuer mais un jeune l’a arrêté en lui faisant comprendre que la langue n’est pas une preuve de la foi. Ce gars était un vrai hypocrite et on a tous souhaité qu’il soit démasqué et tué par ses collègues, il ne voulait pas perdre la face. C’est lui qui nous a parlé de Tim et devant l’Emir il a essayé de faire comprendre qu’on travaillait pour ce Tim, donc qu’on était des chrétiens et qu’on convertissait les gens au christianisme.
On était dans des montagnes, en pleine nature, sous un hangar minuscule coincé entre deux montagnes. On était gardé par un groupe d’enfants (certains avaient à peine 10 ans) avec à leur tête un adulte et un ado. Ça ressemblait plus à une école coranique. On n’était pas maltraités et nous mangions ce que nos geôliers mangeaient (des pâtes spaghettis, du riz avec sel et beaucoup d’huile, du pain qu’ils fabriquaient eux-mêmes avec du lait, de l’eau de marigot extrêmement sale (on voyait des têtards dedans)).
- Comment avez-vous été traités ?
Correctement à mon avis car on n’était pas maltraités et nos geôliers ne vivaient pas mieux.
- Comment occupiez-vous votre temps?
En apprenant des versets du Coran et en faisant prière à Dieu pour qu’on soit libéré. De temps en temps on rigolait quand même en se racontant des histoires drôles.
- Etiez-vous avec d’autres otages ? Avez-vous été séparés de vos collègues lors de votre détention ?
Non, on était juste entre otages de Dakoro donc cinq. Et non, à aucun moment nous étions séparés.
- Avez-vous déjà songé ou eu l’opportunité de faire une tentative d’évasion ?
Oui, on y songe tout le temps surtout quand on voit les enfants seuls (les adultes quittent le plus souvent dans la journée et partent chercher de l’eau je crois). Il y a toujours un véhicule 4×4 Hilux blanc garé, mais on a su qu’il était en panne car il fallait le pousser sur une longue distance avant qu’il ne démarre. Mais aussi la nuit car on était à une cinquantaine de mètre de nos geôliers mais ils se positionnent sur les montagnes et tirent toutes les nuits, on a vite compris qu’il y avait d’autres mini-bases tout autour.
- Comment avez-vous vécu votre détention, d’un point de vue psychologique et moral, surtout que vous avez assisté au décès d’un de vos collègues ? Comment avez-vous surmonté tout cela ?
Pour la mort de Aimé (on a vécu ensemble dans la même maison seuls pendant 8 mois), lors de la détention on ne le sentait pas assez. Il y avait un certain détachement et surtout qu’on pensait qu’on allait y passer aussi. Ça a commencé à être difficile à la libération et surtout quand nos équipes nous ont accueillis à la présidence. C’est seulement là que je me suis vraiment rendu compte qu’il ne reviendrait plus et jusqu’à présent je n’arrive pas à m’y faire. Je ne peux toujours pas rester quand on évoque son nom (c’est une des raisons pour lesquelles j’ai cessé d’aller voir la psy), là je pleure encore …
Je n’ai toujours pas encore surmonté à mon avis car je fuis les psys. J’ai toujours de la sympathie pour mes ravisseurs (quand il y a des frappes au Mali je m’inquiète pour certains d’entre eux, je souhaiterai les rencontrer dans un autre contexte par exemple et sans rancune, je reste persuadé qu’ils ne sont pas de mauvaise intention. A la limite, je les considère comme des innocents manipulés) et je ne peux plus me rendre à Dakoro, je crains toujours une répercussion dont j’ignore la nature.
C. Thème 3 : La libération
- Que pouvez-vous nous dire sur votre libération ?
Pure chance. Le fait qu’on était musulmans a beaucoup joué à mon avis et a même été le seul facteur décisif.
On priait tout le temps et notre geôlier était très compatissant. On a eu la visite de deux de leurs superviseurs à moto, on a parlé anglais (j’étais le porte-parole du groupe) et on a senti que c’était positif à partir de cet instant. Deux jours plus tard, un véhicule était venu se garer et a passé toute la journée avec nos geôliers. A la tombée de la nuit, ils nous ont embarqués pour nous emmener à Gao. Ils étaient deux dont un jeune d’à peine 20 ans et un trentenaire très pieux dans un Land Cruiser tout neuf.
La sortie de Gao a été difficile car on a été refoulé au niveau des check points. Même lorsque qu’ils sont revenus chercher un des chefs pour les accompagner avec un convoi (il y avait même un 4×4 surmonté d’un fusil mitrailleur 12/7), on nous a quand même refusé le passage. Il a fallu qu’on passe par une voie dérobée pour sortir de Gao.
Nos ravisseurs se sont excusés et nous ont demandé de leur pardonner quand même.
- Pensez-vous qu’une contrepartie a pu être accordée aux ravisseurs (versement de rançon, satisfaction de revendications des kidnappeurs, etc.) ? Pensez-vous qu’il y avait eu des négociations (avec l’Etat, avec d’autres groupes terroristes) ? Avez-vous été amenés à faire des preuves de vie ?
Non. Personne ne savait entre les mains de qui on était. On a compris que le gouvernement ne savait même pas entre les mains de qui nous étions, il n’y avait pas eu de contact.
Non, à aucun moment
D. Thème 4 : Et après ?
- Le retour à la « normale » a-t-il été difficile ?
Oui, beaucoup plus difficile qu’on ne peut l’imaginer. Il faut l’avoir vécu pour se rendre compte des répercussions psychologiques que cela peut avoir et c’est pareil pour mes autres camarades d’infortune.
Tout ce que cela engendre comme syndrome d’évitement (je ne peux plus me rendre à Dakoro car la dernière fois ça s’est mal passé je m’étais réveillé en pleurs en plein milieu de la nuit) et actuellement c’est la première fois que j’en parle depuis des mois. On commet sans se rendre compte des actes antisociaux : J’ai fait la prison deux mois après… ; j’ai fait des conduites à risque, voire suicidaires : plus de 1000 km la nuit seul en roulant parfois jusqu’à 180km/h, j’étais agressif et j’ai même frôlé le divorce (violences conjugales)… ; mon travail ne m’intéressait plus ; j’avais de gros coup de fatigue …refus de continuer le suivi psy pour ne pas me souvenir de cet évènement, bref la liste est longue et quand je pense aux autres otages qui ont passé beaucoup plus de temps que nous, je me dis tout simplement qu’un retour à une vie normale est tout simplement impossible.
- Que représente pour vous aujourd’hui la liberté ? Cet enlèvement vous a-t-il changé ?
La chose la plus importante après la vie.
Oui, ça a complètement changé mes priorités, ma famille est devenue plus importante que le travail, et que toute autre chose. Mes enfants et ma famille passent avant tout maintenant !
- Avez-vous des choses à ajouter dont nous n’aurions pas discuté ?
Un travail de fond doit être fait pour libérer tous les otages du monde (quelques soit les conditions) et surtout les accompagner car les répercussions sont inimaginables.
Autres chose : nos ravisseurs étaient de toutes les nationalités : Libyens, Soudanais, Pakistanais, Nigériens, Maliens, Nigérians (il y avait un Nigérian noir « baban Kadidja » qui a été très gentil avec nous, c’est lui qui dirige la prière). Ils parlaient plus Anglais et Arabe, pas Français.
SECTION II : PORTRAIT DE LA PRISE D’OTAGES AU NIGER
A la suite d’une analyse factuelle et littéraire ainsi que d’une interview menée auprès d’un des ex-otages, un portrait de l’enlèvement au Niger a pu être dégagé mettant en exergue le profil des terroristes, celui des otages et le mode opératoire des kidnappeurs.
A. Profil des terroristes
En parcourant les sections précédentes, les caractéristiques suivantes concernant les ravisseurs du 14 octobre 2012 ont pu être sorties. Les terroristes :
- Sont issus de différentes nationalités : Libyens, Soudanais, Pakistanais, Nigériens, Maliens, Nigérians ;
- Sont regroupés sous toutes les catégories d’âge allant de l’enfant à l’adulte comme le souligne notre interviewé : « On était gardé par un groupe d’enfants (certains avaient à peine 10 ans) avec à leur tête un adulte et un ado. »
- Parlent plusieurs langues notamment l’Anglais, l’Arabe, l’Haoussa, le Tamasheq mais pas le Français
- Sont des partisans de l’islam radical et appartiennent au MUJAO.
Cette grande diversité de profils chez les ravisseurs retient particulièrement l’attention puisqu’elle rend impossible la caractérisation voire l’existence d’un seul et unique profil terroriste. Néanmoins, la cause islamiste que partagent les ravisseurs est une caractéristique qui mérite d’être soulevée ici.
En effet, les ravisseurs étaient des djihadistes qui visaient d’abord un chrétien évangéliste américain nommé Tim mais résultat d’un tragique concours de circonstance, ce furent cinq humanitaires africains musulmans qu’ils ont kidnappé. Aussitôt qu’ils ont compris que leurs otages partageaient les mêmes convictions qu’eux, ils les ont traité comme s’ils étaient leurs pairs et les ont relâché plus tard sans les avoir maltraités ni émis de revendications et leur ont même présenté des excuses. Ceci témoigne non seulement que les terroristes peuvent faire preuve de professionnalisme (un comportement d’exigence vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres) mais également du fait qu’ils étaient plus tournés vers la motivation religieuse du rapt que dans l’objectif de servir une finalité criminelle bien que l’un d’eux s’y penchait plus.
Toutefois, les ravisseurs n’ont pas hésité à tirer sur un des humanitaires, blessures ayant par ailleurs conduit son décès, alors qu’il tentait de leur résister lors du rapt. Ceci démontre la forte motivation et la réactivité des ravisseurs. Cette réactivité des terroristes est également témoignée par le fait même qu’ils n’aient pas hésité à enlever six humanitaires africains quand ils ont découvert qu’il n’y avait pas de « blancs » dans le site d’enlèvement. Ceci fait aussi montre d’un certain esprit d’initiative pour les ravisseurs.
En outre, bien qu’ils soient repartis avec un tout autre butin, les ravisseurs ont prémédité leur acte, leur mission était bien circonscrite et ils avaient à leur disposition la logistique nécessaire prouvant la préparation de l’acte. Les terroristes étaient donc bien organisés. De plus, ils se sont rabattus uniquement sur les cadres africains présents témoignant une nouvelle fois de leur professionnalisme (capacité à s’organiser même en de circonstance inattendue).
En somme, les ravisseurs étaient des personnes de diverses nationalités de tout âge maîtrisant plusieurs langues, des fanatiques religieux motivés, dotés d’une forte réactivité, démontrant un certain esprit d’initiative, ayant un sens de l’organisation et du professionnalisme mais surtout très attachés à leur mission.
B. Profil des otages
« Ce sont les gens du MUJAO qui nous ont enlevés. Ils croyaient qu`il y avait un Blanc parmi nous », « Dès leur entrée, les terroristes se sont mis à crier : « Où sont les Blancs ? Où sont les Blancs ? » » sont autant de phrases prouvant que la première cible des ravisseurs était un « Blanc ». Ce que confirme d’ailleurs notre interviewé : « Plus tard, on a su (ils nous l’ont dit) qu’il cherchait un Américain dénommé Tim, un évangéliste. ». Ainsi par « Blancs », les ravisseurs faisaient référence aux Occidentaux. Mais parce qu’ils se trouvaient « au mauvais endroit et au mauvais moment » et comme il n’y avait aucun occidental dans les lieux, les ravisseurs s’en sont pris aux cadres africains. Trois faits sont notamment marquant ici :
- La première est que le premier choix des kidnappeurs était un ressortissant américain. Les Occidentaux sont ainsi les cibles privilégiées des ravisseurs sans doute en raison de leur importante valeur marchande. En d’autres termes, ce sont les plus cotés à la bourse des rançons.
- Ensuite, ils recherchaient un évangéliste chrétien. Le second critère des ravisseurs étaient ainsi la religion et le métier même de la cible puisque celle-ci, en plus de ne pas être musulman, travaillait à reconvertir les gens au Christianisme, une autre religion que l’Islam donc à éradiquer.
- Enfin, il tient lieu de soulever que les ravisseurs ont soigneusement sélectionné leurs otages en choisissant les « responsables » africains mais non pas n’importe qui et encore moins tous ceux qui se trouvaient sur le site malgré le fait que ce soit une prise d’otage improvisée. Il peut être ainsi conclu que les otages doivent revêtir une certaine importance, une certaine valeur marchande.
En somme, trois critères dominent pour établir le profil des cibles des terroristes : le pays d’origine, la religion et la valeur marchande que la personne peut revêtir.
C. Mode opératoire
Le rapt a eu lieu à Dakoro au Niger, les otages ont été de suite acheminés vers le Nord Mali puis détenus dans une montagne malienne et finalement libérés à Gao (Mali). L’enlèvement du 14 octobre 2012 a donc fait intervenir deux (02) pays voisins. Les ravisseurs se sont notamment servis du Niger seulement comme d’un champ où cueillir les otages avant de les emmener à leur base au Mali profitant de la porosité de la frontière nigéro-malienne.
SECTION III : MOTIVATIONS DU TERRORISME EN AFRIQUE
L’étude de l’enlèvement des humanitaires au Dakoro en octobre 2012 nous amène à conclure que l’on assiste aujourd’hui à une africanisation du terrorisme où le rapt est le mode opératoire le plus utilisé et les cibles plus que sélectionnées.
A. Africanisation du terrorisme
Par africanisation, il est entendu l’accroissement de la participation des Africains dans un domaine donné, ici le terrorisme. En effet, s’étant déplacé en Afrique, le terrorisme ne s’est pas contenté d’y faire son lit mais aussi de recruter localement. En d’autres termes, le terrorisme en Afrique n’est plus pratiqué uniquement par les gens qui viennent d’ailleurs, les Africains y prennent part, mais pourquoi ?
La principale raison réside dans le fait que les terroristes ont su exploiter les difficultés politiques, socio-économiques, sécuritaires, etc. existantes en Afrique comme :
- La pauvreté, les privations, la violence et l’instabilité politique ;
- La corruption endémique et la mauvaise gouvernance ;
- La mauvaise surveillance et la porosité des frontières nationales,
- La faiblesse de la coopération inter-agences au niveau des autorités nationales et l’insuffisance de coopérations internationales[49]
Pour être plus explicite, entre :
- D’un côté, les terroristes à majorité islamistes qui ont profité de la vulnérabilité des populations et des Etats pour s’installer et y puiser les ressources nécessaires à leurs organisations, qui se sont vus offerts des opportunités criminelles lucratives du fait des réalités politiques et économiques des Etats africains qualifiés comme étant « faillis » ou « faibles » ;
- Et de l’autre côté, les Africains fatigués de leur situation (pauvreté, chômage, instabilité de l’Etat, corruption, etc.) à l’affût d’une vie meilleure, de reconnaissance et en majorité de religion musulmane,
La rencontre était inévitable.
Les deux parties partagent la même conviction religieuse qui est l’Islam et trouvent une complémentarité dans leurs intérêts: l’une pour arrondir ses rangs (recruter plus de militants) et l’autre pour y trouver un accomplissement personnel, assouvir un de ses besoins, un de ses désirs comme le témoigne Abd al Malik, un islamiste : « Qu’est-ce qui peut attirer un jeune vers ça ? On a besoin d’être reconnu, d’être accepté, d’avoir l’estime des gens. Quand on vient d’un certain quartier, qu’on est Noir et qu’on vit une certaine discrimination au quotidien, lorsque quelqu’un nous tend la main, on y va. D’une certaine manière, j’ai été instrumentalisé par des gens et, moi, j’ai instrumentalisé une certaine vision de l’islam parce que ça m’arrangeait bien, ça me donnait un statut. [50]»
L’africanisation du terrorisme est donc le fruit de conditionnements sociaux et de l’environnement social. Elle ne peut plus être niée et est d’ailleurs confirmée par le fait même que le MUJAO, un des groupes terroristes majeurs en Afrique et auteur de l’enlèvement des humanitaires au Dakoro, soit composé en majorité d’Africains comme le souligne notre interviewé : « Nos ravisseurs étaient de toutes les nationalités : Libyens, Soudanais, Pakistanais, Nigériens, Maliens, Nigérians ».
B. Des otages plus que sélectionnés
Lors de l’étude du cas de l’enlèvement des humanitaires en octobre 2012 au Niger, un paradoxe est soulevé : les ravisseurs vivaient de manière assez précaire « dans des montagnes, en pleine nature, sous un hangar minuscule coincé entre deux montagnes (…) nous mangions ce que nos geôliers mangeaient (des pâtes spaghettis, du riz avec sel et beaucoup d’huile, du pain qu’ils fabriquaient eux-mêmes avec du lait, de l’eau de marigot extrêmement sale (on voyait des têtards dedans) » et pourtant ils disposaient d’une logistique assez fournie notamment des véhicules (4×4 de marque) et des armes sophistiquées (kalachnikov, fusil mitrailleur 12/7). La question qui demeure est comment ils ont réussi à se procurer de telles fournitures surtout que ces matériels, le maintien de l’organisation terroriste (entretien des membres et de leurs familles) et l’exécution même du rapt exigent des montants considérables.
La réponse qui s’impose est que derrière le motif de la religion se cache une motivation plus financière, une motivation pécuniaire de la prise d’otages. Tout d’abord parce que parmi les méthodes de financement existantes (contrebande, trafic d’armes, blanchiment d’argent, etc.), la prise d’otage est la plus généreuse. Et ensuite parce que les ravisseurs, même dans un contexte d’improvisation, ont soigneusement sélectionné leurs cibles suivant la valeur marchande qu’elles pourraient avoir (Faute de « Blanc », ils ont enlevé uniquement les cadres africains).
1. Suivant le critère « Rançon »
Il est évident que les terroristes accordent plus d’importance aux otages occidentaux qu’ils appellent « Les Blancs » à cause de leur valeur marchande en termes de rançon. Mais il ne s’agira pas non plus de n’importe quel « Blanc » mais surtout des « Blancs » dont le pays paie bien, ce qui explique la forte sélectivité pratiquée par les terroristes. « Kidnappers are very selective in choosing which government to extort. [51]» Les preneurs d’otages ne captureront ainsi par exemple si possible pas de britannique puisqu’après l’assassinat de l’otage anglais Edwin DYER, le Premier Ministre britannique, Gordon BROWN, a déclaré : « This tragedy reinforces our commitment to confront terrorism. It strengthens our determination never to concede to the demands of terrorists, nor to pay ransoms[52] » (cette tragédie renforce notre engagement à combattre le terrorisme et notre détermination à ne jamais accepter les demandes des terroristes ou à payer des rançons)
2. Suivant le critère « Religion »
La religion est un facteur non négligeable étant donné que les terroristes commettent leurs méfaits au nom de l’Islam et se sont donné comme missions de faire revenir à l’Islam rigoriste tous les musulmans et d’étendre leur religion dans le reste du monde comme le souligne notre interviewé à l’évocation de leur libération : « Le fait qu’on était musulmans a beaucoup joué à mon avis et a même été le seul facteur décisif (…) Nos ravisseurs se sont excusés et nous ont demandé de leur pardonner »
CONCLUSION
Le Sahel, longue bande de 4 millions de km², regroupe les pays les plus exposés à la menace terroriste en Afrique. Par ailleurs, du fait de sa géographie et de ses caractéristiques, il est vite devenu le refuge voire le sanctuaire des groupes terroristes où les prises d’otages se perpétuent.
Concernant justement les prises d’otages dans cette ceinture sahélienne, deux pays se démarquent à savoir le Niger et le Mali, étant donné que le premier a plus d’une fois été le théâtre de rapts et de prises d’otages et le second est réputé pour accueillir la base des spécialistes de l’enlèvement, le MUJAO, et être ainsi le lieu de séquestration des otages. Or seule une frontière de 821 km sépare ces deux pays.
Ces faits accompagnés de la forte recrudescence du recours à la prise d’otages, des montants astronomiques tournant autour et du rapt inédit d’humanitaires africains au Niger ont retenu particulièrement notre attention et nous emmènent à nous questionner sur les réelles motivations du terrorisme, notamment de la prise d’otages en Afrique et des raisons de la participation des Africains à leur propre terrorisme.
Nos recherches approfondies nous apprennent ainsi que :
- la prise d’otages est plus qu’un instrument, plus qu’un mode opératoire des terroristes en Afrique puisqu’il s’agit de toute une industrie servant plus à financer leurs activités criminelles par le biais des rançons obtenus en échange des otages soigneusement sélectionnés selon leur valeur marchande ( préférence pour les Occidentaux et ceux dont le pays paient bien);
- les Africains prennent de plus en plus part au terrorisme du fait de leur environnement et de leurs conditionnements sociaux.
Elles nous ont également permis d’établir un portrait de la prise d’otages en Afrique à partir de l’étude de cas de l’enlèvement au Niger et cela malgré les singularités qui ont rendu difficile l’établissement d’un profil-type des terroristes et des victimes.
L’enjeu qui a été de mettre en lumière les motivations de la prise d’otages en Afrique et les motifs de l’africanisation du terrorisme ont toutefois été mis en exergue justifiant le fait que le terrorisme n’a jamais été un simple problème social, c’est-à-dire, « un phénomène qui, pour des raisons sociales particulières, devient un problème socialement constitué comme important et qui appelle une action ou une intervention » mais un problème sociologique immuable dans le temps et dans l’espace. Et si certains auteurs estiment qu’il « est aujourd’hui préférable de définir les actes de terrorisme, plutôt que d’en chercher les motivations », nous sommes d’avis contraire, et nous considérons que le terrorisme constitue un objet sociologique dont « la construction ne consiste pas simplement à prendre la réalité sociale comme elle se donne. Cela suppose un travail souvent laborieux qui vise à découvrir derrière les apparences des faits sociaux liés entre eux par des relations nécessaires [53]»
D’ailleurs, de la même façon que la singularité de l’africanisation du terrorisme a généré le présent mémoire, il serait intéressant d’étudier le cas des « loups solitaires », ces hommes et femmes discrets qui se radicalisent et agissent seuls et qui sont tout autant redoutables.
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
Tableau 1: Récapitulatif des groupes à l’origine du terrorisme au Sahel 9
Tableau 2: Tableau synthétique des groupes terroristes actifs au Sahel 10
Tableau 3: Bilan humain des enlèvements au Sahel entre 2003 et 2012. 18
Tableau 4: Rançons et contrepartie octroyés pour la libération des otages au Sahel 20
Figure 1: Attaques terroristes au Maghreb et au Sahel depuis le 11 septembre 2001. 12
Figure 2: Incidents terroristes au Maghreb et au Sahel depuis le 11 septembre 2001. 12
Figure 3: Enlèvements par continent 15
Figure 4: Variations du nombre d’otages et d’enlèvements au Sahel entre 2003 et 2012. 19
Figure 5: Occupation du Mali par le MUJAO en 2012. 23
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v ONEP. Le Président de la République reçoit les cinq humanitaires enlevés à Dakoro : le chef de l’Etat se félicite de la libération des otages et déplore la mort du ressortissant tchadien, publié le 03 novembre 2012 sur le site lesahel.org |
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v Pourquoi et comment devient-on terroriste, http://www.profbof.com/terrorisme/psychanalyse.htm |
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v RFI. Six employés d’une ONG enlevés dans le Sud-Est du Niger. Article publié le 15 octobre 2012 |
v Site guinéen, http://www.guineeconakry.info/ |
v Six employés d’une ONG enlevés dans le Sud-Est du Niger, dépêche du 15 octobre 2012 sur le site PressAfrik.com |
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v STRINGER, David. Edwin DYER : British hostage killed by Al Qaeda in Mali – Gordon BROWN, article publié le 03 juin 2009 sur le site http://www.huffingtonpost.com/ |
v STRINGER, David. Edwin DYER : British hostage killed by Al Qaeda in Mali – Gordon BROWN, article publié le 03 juin 2009 sur le site http://www.huffingtonpost.com/ |
v Wikipédia. fr.wikipedia.org/ |
TABLE DES MATIERES
PARTIE I : TERRORISME ET PRISE D’OTAGES AU SAHEL.. 4
CHAPITRE I : LE TERRORISME AU SAHEL.. 4
SECTION I : TOUT SUR LE TERRORISME.. 4
- Histoire du terrorisme. 4
- Le terrorisme et l’homme. 5
- Les terroristes. 5
- Les cibles. 5
- Les antiterroristes et les contre-terrorismes. 5
- Formes du terrorisme. 5
- Le terrorisme selon sa territorialité. 5
- Le terrorisme selon les méthodes et les armes utilisées. 6
- Le terrorisme selon son pourquoi 6
SECTION II : ORIGINES DU TERRORISME AU SAHEL.. 7
- Le Sahel, lieu de prédilection du terrorisme. 7
- Position géographique stratégique. 7
- Hétérogénéité et vulnérabilité des populations. 7
- Instabilité politique et corruption. 8
- Carrefour de différents trafics. 8
- Origine historique du terrorisme au Sahel 9
- Du FIS au AQMI. 9
SECTION III : MANIFESTATIONS DU TERRORISME AU SAHEL.. 10
CHAPITRE II : LA PRISE D’OTAGES AU SAHEL.. 13
SECTION I : LA PRISE D’OTAGES, TOUT UN BUSINESS. 13
- Ancienne garantie de l’exécution de traité. 13
- Moyen de pression des Etats. 13
- Source de financement des activités terroristes. 14
- Forte médiatisation. 14
- Fléau international 14
SECTION II : LE SAHEL ET LA PRISE D’OTAGES. 16
- Timeline des prises d’otages au Sahel de 2003 à 2012. 16
- Bilan de neuf années d’enlèvements au Sahel 18
- Bilan humain. 18
- Bilan financier 19
SECTION III : ACTEURS DE LA PRISE D’OTAGES AU SAHEL.. 21
- AQMI, acteur principal 21
- MUJAO et Boko Haram, sources de compétitivité. 21
- Abou ZEID, visage du terrorisme au Sahel 21
PARTIE II : ETUDE DU CAS DE L’ENLEVEMENT DES HUMANITAIRES AU NIGER.. 22
CHAPITRE I : LA PRISE D’OTAGES AU NIGER.. 22
SECTION I : LA FRONTIERE NIGERO-MALIENNE.. 22
SECTION II : UN ENLEVEMENT PAS COMME LES AUTRES. 25
- Caractéristiques de l’enlèvement 25
- Un enlèvement d’humanitaires africains au Niamey. 25
- Perte de trace et recherche active des ravisseurs. 25
- Messages aux ravisseurs. 26
- Aucune revendication. 26
- Les rumeurs sur l’enlèvement 26
- Un enlèvement préparé. 27
- Spéculation sur l’identité des ravisseurs. 27
- Spéculation sur les raisons de l’enlèvement 27
- Règlement de compte. 27
- Stratégie de démoralisation. 28
- Une pénurie d’étrangers en Afrique. 28
- Des otages de fortune. 29
- Un rapt signé MUJAO.. 30
- A la recherche d’un « Blanc ». 30
- L’enlèvement conté par un ex-otage. 30
- 18 jours de détention. 31
- Une libération soudaine et particulière. 31
- Bilan : cinq libérés, un décédé. 31
CHAPITRE II : ANALYSE SOCIOLOGIQUE DE L’ENLEVEMENT DES HUMANITAIRES AU NIGER 32
SECTION I : RETRANSCRIPTION INTEGRALE D’UNE INTERVIEW AVEC UN EX-OTAGE 32
- Thème 1 : L’enlèvement 32
- Thème 2 : La détention. 33
- Thème 3 : La libération. 34
- Thème 4 : Et après ?. 35
SECTION II : PORTRAIT DE LA PRISE D’OTAGES AU NIGER.. 36
SECTION III : MOTIVATIONS DU TERRORISME EN AFRIQUE.. 38
- Africanisation du terrorisme. 38
- Des otages plus que sélectionnés. 39
- Suivant le critère « Rançon ». 39
- Suivant le critère « Religion ». 39
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES. 41
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET WEBOGRAPHIE. 42
[1] Mills. G., « Africa’s new strategic significance », in Washington Quarterly, volume 22, n°4, autumn, 2004, p.166.
[2] Lévine. D., « États défaillants et le terrorisme », le Comité 6 de la 57ème session nationale de l’IHEDN, Institut des Hautes Études de Défense Nationale, p.4, consulté sur le site : www.ihedn.fr.
[3] Stewart. P., «Weak States and Global Threats: Fact or Fiction? », Washington Quarterly, Volume 29, n° 2, 2006, p.45.
[4] AGUISOUL, Sofian « Le Sahel africain dans la filière terroriste », Les cahiers de l’Institut de Documentation et de Recherche sur la Paix (IDRP), Décembre 2010, p.27-33
[5] FOWLER, Robert. « Ma saison en enfer : 130 jours de captivité aux mains d’Al-Qaïda », Edition Québec Amérique inc., 2013, 442p.
[6] RODIER. A., Chasse aux djihadiste d’Al-Qaida, Centre français de Recherche sur le Renseignement (CFRR), avril 2005.
[7] RODIER. A., L’infiltration d’Al-Qaida en Afrique, Centre français de Recherche sur le Renseignement (CFRR), juin 2004.
[8] Données issues du site fr.wikipedia.org/
[9] Katiba signifie unité combattante
[10] CONESA, Pierre. Une géopolitique du kidnapping, in Libération du 27 décembre 2012
[11] BRIGGS, Rachel. The kidnapping business, in The Policy Center, 2001
[12] FIORINA, Jean-François. Géopolitique du kidnapping : L’économie de la rançon en plein essor, in CLES du 19 septembre 2013.
[13] Pour ressortir cet historique, nous avons étudié chaque enlèvement et récolté les données à partir d’articles du web et de quotidiens
[14] NÜNLIST, Christian. L’enlèvement contre rançon pour financer le terrorisme, in Politique de sécurité : analyses du CSS, n°141, octobre 2013, 4p.
[15] DUTEIL, Mireille. Afrique : Le MUJAO, la relève de l’AQMI, in Chroniques de l’Afrique et du Proche-Orient du 23 mai 2013
[16] PANA. Situation sécuritaire au Niger, in Actualités et informations : Actualités africaines, du 14 janvier 2014
[17] PANA. Situation sécuritaire au Niger, in Actualités et informations : Actualités africaines, du 14 janvier 2014
[18] ROGER, Benjamin. Niger : Six Africains dont cinq humanitaires enlevés, in rubrique L’internationale du quotidien Liberté, n° 6128 du 16 octobre 2012 p.9
[19] FRI. Niger : la traque des preneurs d’otages se poursuit publié le 15 octobre 2010
[20] ROGER, Benjamin. Niger : Six Africains dont cinq humanitaires enlevés, in rubrique L’internationale du quotidien Liberté, n° 6128 du 16 octobre 2012 p.9
[21] ROGER, Benjamin. Niger : Six Africains dont cinq humanitaires enlevés, in rubrique L’internationale du quotidien Liberté, n° 6128 du 16 octobre 2012 p.9
[22] Interview de Serge MBAITELEM, cousin de l’otage tchadien Aimé SOULEMBAYE du 17 octobre 2012 par la RFI
[23] PANA. L’enlèvement des humanitaires largement commenté par les journaux du Niger, in Panapress du 20 octobre 2012.
[24] RFI. Six employés d’une ONG enlevés dans le Sud-Est du Niger. Article publié le 15 octobre 2012
[25] Niger : Six personnes, dont cinq humanitaires, enlevées, publié le 15 octobre 2012 sur le site LePoint.fr
[26] Niger : Cinq humanitaires nigériens libérés, publié le 03 novembre 2012 sur le site LePoint.fr
[27] Niger : cinq travailleurs humanitaires enlevés publié le 15 octobre 2012 sur le site éthiquesetsociétés.com
[28] Rapt au Sahel sans distinction de race, dans le quotidien L’observateur
[29] Enlèvement d’Africains au Niger dans le quotidien Le Pays
[30] http://www.guineeconakry.info/
[31]http://www.guineeconakry.info/
[32] PANA. L’enlèvement des humanitaires largement commenté par les journaux du Niger, in Panapress du 20 octobre 2012.
[33] PANA. L’enlèvement des humanitaires largement commenté par les journaux du Niger, in Panapress du 20 octobre 2012.
[34] Association Tamoudre. Quand les blancs se font rares, AQMI enlève les Africains publié le 17 octobre 2012 sur le site http://www.tamoudre.org/
[35] Association Tamoudre. Quand les blancs se font rares, AQMI enlève les Africains publié le 17 octobre 2012 sur le site http://www.tamoudre.org/
[36]Association Tamoudre. Quand les blancs se font rares, AQMI enlève les Africains publié le 17 octobre 2012 sur le site http://www.tamoudre.org/
[37] Six employés d’une ONG enlevés dans le Sud-Est du Niger, dépêche du 15 octobre 2012 sur le site PressAfrik.com
[38] Association Tamoudre. Niger : Libération des cinq nigériens, l’otage tchadien est mort publié le 03 novembre 2012 sur le site http://www.tamoudre.org/
[39] RFI. Niger : Les preneurs d’otages étaient bien à la recherche d’Occidentaux publié le 16 octobre 2012 sur le site rfi.fr
[40] Six employés d’une ONG enlevés dans le Sud-Est du Niger, dépêche du 15 octobre 2012 sur le site PressAfrik.com
[41] PANA. L’enlèvement des humanitaires largement commenté par les journaux du Niger, in Panapress du 20 octobre 2012.
[42] De BOISSEGUIN, C. Niger : Libération des humanitaires enlevés par le MUJAO publié le 03 novembre 2012 sur le site youmag.com
[43] RFI. Niger : Les cinq otages nigériens ont été libérés publié le 03 novembre 2012 sur le site rfi.fr
[44] AFP. Cinq humanitaires nigériens libérés au Niger, l’otage tchadien est mort publié le 03 novembre 2012 sur le site LeParisien.fr
[45] RFI. Niger : Les cinq otages nigériens ont été libérés, publié le 03 novembre 2012 sur le site rfi.fr
[46] RFI. Niger : Les ex-otages reçus par le Président Mahamadou ISSOUFOU, publié le 03 novembre 2012 sur le site rfi.fr
[47] ONEP. Le Président de la République reçoit les cinq humanitaires enlevés à Dakoro : le chef de l’Etat se félicite de la libération des otages et déplore la mort du ressortissant tchadien, publié le 03 novembre 2012 sur le site lesahel.org
[48] RFI. Niger : Les ex-otages reçus par le Président Mahamadou ISSOUFOU, publié le 03 novembre 2012 sur le site rfi.fr
[49] GAFI et GIABA. Financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest, Rapport, Octobre 2013. 52p.
[50]Pourquoi et comment devient-on terroriste, http://www.profbof.com/terrorisme/psychanalyse.htm
[51] NÜNLIST, Christian. Kidnapping for ransom as a source of terrorism funding,, in CSS Analysis in Security Policy, n°141, octobre 2013, 4p.
[52] STRINGER, David. Edwin DYER : British hostage killed by Al Qaeda in Mali – Gordon BROWN, article publié le 03 juin 2009 sur le site http://www.huffingtonpost.com/
[53]KI-KHUABI, Frédéric Bola. La question du terrorisme international : « Nécessité d’une analyse sociologique pour la reconnaissance d’un conflit social », article publié en juin 2006 sur le site http://www.editions-harmattan.fr/
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