Concilier la vie privée et professionnelle : Enjeux sociétaux et politiques
Introduction
La conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle est au cœur de nombreuses études. La société est consciente de la nécessité de trouver des alternatives pour que les travailleurs puissent répondre aux exigences du métier tout en ayant une vie privée épanouie (Deschênes, 2012 : 50). Il n’est donc pas étonnant que de nombreux pays avancés se lancent dans la mise en place de stratégies permettant de concilier la vie privée et la vie professionnelle. L’Union Européenne encourage ses pays membres à adopter des politiques pour atteindre l’égalité entre l’homme et la femme. Par la même occasion, elle cherche également à inciter ses pays membres à concilier la vie professionnelle et la vie privée de leurs travailleurs. Cela passe par une considération des différences entre les hommes et les femmes dans leur rémunération et leurs conditions de travail. La conciliation de la vie privée et la vie professionnelle implique le mode de garde des enfants, l’accès des personnes à charges à des structures d’accueil, etc. (Burri, 2010 : 217).
A l’instar de ce qui est observé dans d’autres domaines professionnels, la médecine est également confrontée aux enjeux de la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. Mais si les études abondent concernant les stratégies mises en place par les entreprises pour concilier le travail et la vie de famille (Grodent et Tremblay, 2013 : 117 ; Skinner et Chapman, 2013[1]), il n’en est pas de même pour la conciliation de la vie privée et vie professionnelle dans le domaine médical. La médecine est une profession qui demande beaucoup d’implication de la part des praticiens pour pouvoir prendre en charge les souffrances et les maladies des patients qu’ils prennent en charge. Les contraintes liées au métier de médecin sont abordées dans la plupart des études, mais peu s’intéressent aux stratégies mises en place par ces travailleurs pour concilier la vie privée et la vie professionnelle.
Dans cette étude, nous nous intéressons à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle par les femmes gynécologues obstétriciennes. Il est intéressant de s’intéresser aux conditions permettant la conciliation vie privée et vie professionnelle chez les gynécologues obstétriciennes dans la mesure où la société actuelle est témoin de la féminisation de la profession médicale et de l’évolution du statut et de la place de la femme au niveau professionnel et au niveau de la société (Hudry, 2011 : 185). Et pourtant, il existe des zones d’ombres concernant la répartition des tâches entre les femmes et les hommes médecins dans la sphère professionnelle et dans la sphère privée. De même, peu ou pas d’études ont abordé la question de la conciliation de la vie privée et la vie professionnelle. Notre étude tente alors de répondre aux questions suivantes : Comment les gynécologues obstétriciennes gèrent-elles la conciliation vie professionnelle et vie privée ? et Quel est l’impact de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée sur l’épuisement professionnel chez la gynécologue obstétricienne ?
La présente étude vise à mettre la lumière sur les conditions de travail des gynécologues obstétriciennes et d’analyser par la suite, les possibles difficultés auxquelles, elles se heurtent dans leurs tentatives de conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. Par la suite, elle tente d’évaluer les efforts et les ressources à la disposition de ces femmes gynécologues obstétriciennes pour concilier leur travail et leur vie de famille, et les possibles impacts de ceux-ci sur les risques d’épuisement professionnel. Pour atteindre ces objectifs, nous allons étudier dans la première partie de notre travail, la différenciation sexuée du travail dans le monde médical. Par la suite, la deuxième partie va réviser les études concernant la conciliation vie privée et la vie professionnelle chez les médecins et plus particulièrement, chez les gynécologues obstétriciennes. La dernière partie est consacrée à l’analyse des entretiens semi-directifs menés auprès de femmes gynécologues obstétriciennes.
Partie 1. La différenciation sexuée du travail dans le monde médical
- Présentation de la femme dans le domaine de la santé
- Le plafond de verre
- Les stéréotypes et la place de la femme dans le monde médical
- Le plafond de verre
Si des efforts ont été entrepris pour aller vers une parité homme-femme dans le domaine de la médecine, force est de constater que ce monde est marqué par la domination masculine. Le stéréotype de la femme au foyer persiste encore jusqu’à nos jours et l’histoire a montré que bien que la société ait montré son intérêt pour défendre l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, il reste un long chemin à parcourir pour parvenir à cet objectif. Ainsi, les femmes qui ont tenté de briser ce stéréotypes se sont heurtées à l’hostilité voire même au rejet de leurs collègues comme Elizabeth Blackwell. Certes, elle a eu son diplôme, mais a rencontré beaucoup de mal pour trouver un poste (Fabre, 2010 : 14 – 15). La première femme médecin belge Anne Catherine Albertine Isala Van Diest a également connu le même sort. Elle a dû à la fois faire face au refus de l’inscription des femmes dans les universités et le non obtention d’autorisation pour exercer dans son pays natal, l’obligeant ainsi à exercer à l’extérieur avant qu’un arrêté royal n’autorise l’exercice de sa profession (Montesi, 2014 : 45 – 48).
Même après l’autorisation d’exercer, les femmes médecins ont toujours eu du mal à faire valoir leurs compétences. Pendant la guerre par exemple, les hommes partaient au front et les femmes les substituaient pour certaines tâches qui, normalement, devraient revenir aux hommes. L’implication des femmes dans la guerre et aussi, dans la médecine a été acceptée par la société vu qu’elles n’avaient pas leur place dans le milieu d’homme. A l’époque de la première guerre mondiale, les femmes n’avaient pas le droit d’ausculter le patient et plus particulièrement, lorsque celui-ci est un homme. La société a jugé qu’elle avait des capacités intellectuelles inférieures à celles de l’homme. Néanmoins, comme il n’y avait plus de choix, les femmes étaient de plus en plus nombreuses à devenir médecins en Espagne (Martin Moruno, 2011 : 62 – 63).
Leurs successeurs semblent plus chanceux car, au fil du temps, la perception de la femme et de l’égalité de son droit à celui de l’homme a évolué. En effet, entre 1880 et 1900, les lois ont été modifiées de manière à permettre aux femmes d’exercer dans des métiers exclusivement réservés aux hommes dont la médecine. C’est alors que commence la féminisation de la profession médecine dans le XIXème siècle. Mais il faut attendre les années 1960, pour que la vitesse de féminisation des activités s’accélère. Ainsi, de plus en plus de femmes deviennent médecin. Toutefois, cette féminisation du travail de médecin trahit la persistance du stéréotype de la femme manifestée à travers le plafond de verre. Certes, la femme peut intégrer la sphère médicale, mais elle ne peut accéder que très rarement à des postes stratégiques. En d’autres termes, la société n’exclut plus la femme de la sphère médicale, mais atténue voire empêche sa progression dans sa carrière. Il est admis que la femme de par son caractère doux et attentive, est bien placée pour prendre soin des malades, mais elle ne possède pas pour autant la force physique lui permettant d’honorer les charges de travail exigées par la profession de médecin[2].
Par ailleurs, le stéréotypage en fonction du genre veut que les leaders soient tous des hommes. En effet, il est accepté que ce sont les hommes qui sont les mieux placés pour occuper un poste à responsabilité et pour mener des équipes de par leur nature comme la force de persuasion, le courage, l’affirmation de soi. Pourtant, la société actuelle compte aussi des femmes courageuses qui cherchent à s’affirmer. Mais la réaction des observateurs devant le même comportement va changer de façon notable selon le genre. Ainsi, si l’homme se montre agressif dans ses méthodes, il sera jugé comme étant un leader ambitieux alors que le même comportement chez la femme est interprété comme une arrogance. De ce fait, les subalternes souvent acceptent plus des ordres et des décisions provenant d’un homme que d’une femme. Malgré l’effort de cette dernière pour s’affirmer dans le domaine médical, les observateurs notamment ses collègues et les acteurs externes vont plus se focaliser sur son manquement à mettre en valeur ses valeurs féminines comme la sensibilité et la gentillesse. Dans cette optique, en cas de manifestation d’autorité, elle risque fort de heurter la pensée des autres en violant l’image attribuée à la femme par la société (Borkowski, 2011 : 57). D’autre part, il existe des disciplines où les femmes sont faiblement présentées. Les hauts échelons de la médecine restent peu accessibles aux femmes[3].
Au-delà de ces aspects, il existe également des stéréotypes concernant les comportements des médecins envers les patients. Cette différence conduit entre autres, à des changements au niveau des comportements des patients envers le médecin. Dans le domaine de la communication avec les patients par exemple, les médecins hommes montrent moins d’intérêt en ce qui concerne l’aspect émotionnel, contrairement à la femme. Les femmes pour leur part, cherchent à impliquer le patient dans la discussion et ce comportement facilite les échanges avec celui-ci. Elles se montrent plus chaleureuses et parviennent plus aisément à avoir l’accord du patient. Les patients eux aussi adoptent des comportements différents en fonction du genre du médecin qui les prend en charge[4].
Et même dans leurs pratiques professionnelles, il a été observé que les femmes et les hommes se comportent très différemment. Dans la dentisterie par exemple, les femmes sont considérées comme étant plus sensibles aux douleurs des patients tandis que le sexe opposé se montre plus agressif. A cela s’ajoute le fait que les médecins hommes pensent souvent que les patients peuvent supporter la douleur, contrairement aux médecins femmes (Wolf et Ramseier, 2012 : 129). Dans ce cas, il est possible que les patients soient plus confiants lorsqu’ils sont pris en charge par un médecin femme que par un médecin homme. Ainsi, le stéréotype de la femme n’est pas toujours négative surtout, du point de vue des patients qui trouvent en elle, du réconfort et plus d’assurance par rapport à ce qui est observé chez l’homme.
Par ailleurs, le plafond de verre dans le monde médical se manifeste également à travers la différence de salaire entre les femmes et les hommes médecins. Une étude menée auprès de 1729 médecins aux Etats-Unis a montré qu’effectivement, les femmes n’avaient pas le même niveau de salaire que leurs collègues hommes. Cela vient d’une part, du fait que les femmes sont peu nombreuses à accéder aux disciplines qui offrent un salaire élevé. Seules, celles spécialisées dans la gynécologie et obstétrique ont un salaire élevé. Ce fait pourrait être une manifestation du fait que les carrières avec des opportunités sont moins accessibles aux femmes (Jagsi et al., 2012 : 2416).
- La sphère professionnelle médicale, un lieu de domination masculine
La profession médicale est un domaine souvent associé aux hommes. Cela est particulièrement vérifié dans certaines disciplines comme la chirurgie. En 2013, la chirurgie comptait une femme contre cinq hommes (Zolesio, 2013 : 172). Il faut se rappeler toutefois que la domination masculine n’est pas un phénomène nouveau. La reproduction du genre et l’attribution de différentes tâches en fonction du genre a toujours été un sujet d’actualité. Et dans ce rapport de force entre les genres, la domination masculine est un phénomène observé dans tous les domaines. Les études anthropologiques montrent qu’il n’existe pas de facteurs particuliers qui conduisent à la domination de la femme par l’homme. Les comportements et les compétences varient en fonction de l’individu lui-même, de ses études, de ses expériences, de son environnement, mais ne dépend pas de son sexe. Ainsi, la domination masculine semble être un facteur hérité d’une société à une autre et d’une génération à une autre, puis inculqué à la jeune génération et renforcée par la culture et la société qui veut que la femme détienne une place de subordonnée contrairement à l’homme (Fontaine, 2016 : 21).
La sphère médicale contribue également à renforcer la hiérarchie du genre et l’inégale répartition des tâches entre les hommes et les femmes. Cette différenciation du genre est observée au niveau du comportement entre les femmes et les hommes médecins, mais également entre le comportement envers les patients hommes et femmes[5]. Depuis longtemps, la structure organisationnelle des établissements de santé et notamment, les hôpitaux encourage plus les hommes que les femmes à poursuivre une carrière dans le domaine de la médecine de manière à ce qu’ils puissent atteindre les plus hauts échelons. Les hommes obtiennent la majorité des promotions. Cette organisation dominée par le genre masculin ne permet pas aux femmes de travailler à mi-temps pour pouvoir concilier sa vie privée et professionnelle (Siller et Hochleitner, 2015 : 118).
Néanmoins, il y a des femmes qui parviennent à briser le plafond de verre et les préjugés. Mais celles qui s’aventurent à exceller dans un domaine dominé par les hommes suscitent souvent une certaine appréhension chez leurs collègues. D’autre part, les femmes elles-mêmes tendent à se comporter exactement comme la société l’entend, c’est-à-dire en se référant aux comportements traditionnellement associés aux femmes. Dans cette optique, elles ne font pas d’intrusion dans le monde de la médecine qui est dominé par les hommes et n’occupent pas des postes de leaders qui sont traditionnellement associés aux hommes. Par ailleurs certaines études montrent que les hommes sont plus compétents et plus performants lorsqu’ils sont des leaders[6].
Mis à part les harcèlements psychologiques exercés sur les femmes à travers les préjugés négatifs, la subordination de la femme et son infériorité physique et intellectuelle par rapport à l’homme a été nourri par les hommes eux-mêmes. Dans les disciplines masculines comme la chirurgie, le statut inférieur de la femme a été maintenu et nourri grâce à la maîtrise des outils et des équipements par la femme, tout au moins, au 18ème siècle. Par cette approche, les hommes ont pu exclure les femmes des domaines techniques. Par ailleurs, ils ont aussi joué de la nécessité d’une force physique pour pouvoir prendre en charge le patient, alors que le corps de la femme est plus vulnérable et délicat. A cela s’ajoute la nécessité pour la femme d’exercer un métier qui ne demande pas beaucoup de temps afin de pouvoir se consacrer à l’éducation de ses enfants et aux tâches ménagères (Zolesio, 2009 : 122).
De ce fait, pour trouver leur place dans ce monde très masculin, les femmes doivent renoncer à leur identité « féminine » pour adopter des comportements d’hommes. Or, cela requiert demande une acculturation de la femme et l’acquisition de comportements masculins. La femme doit adopter une culture professionnelle autre que celle qui est traditionnellement attribuée à la femme. Il n’est donc pas étonnant que la plupart de celles qui parviennent à intégrer le monde d’homme surtout dans les disciplines très masculines comme la chirurgie soient celles qui sont des garçons manqués, des femmes qui ont toujours côtoyé et qui ont toujours été près des garçons pendant leur processus de socialisation familiale et professionnelle. D’autre part, la socialisation de la femme qui intègre la sphère médicale a été souvent l’opportunité pour transmettre les valeurs du travail (Zolesio, 2009 : 126 – 128).
Les agressions verbales sont monnaies courantes dans les établissements de santé à l’encontre des femmes. Leurs collègues masculins leur reprochent souvent leur vulnérabilité ou leur incapacité à affronter des épreuves physiques qui, pourtant, sont nécessaires pour s’occuper des patients. Cela revient à dire que même la physiologie de la femme lui interdit d’exercer la profession de médecin. D’autre part, il n’est pas rare que confrontés aux mêmes faits, les collègues de travail donnent plus de crédibilité aux hommes qu’aux femmes. Et dans les pratiques professionnelles, les collègues de travail attendent de la femme médecin qu’elle se surpasse, se surinvestisse pour être digne de son poste[7].
- Les tâches assignées à la femme au sein des institutions médicales
Dans les institutions médicales, la femme ne trouve sa place que quand elle s’occupe des femmes et des maladies qui concernent celles-ci. Dans ce cadre, il y a plus de femmes sage-femme que d’hommes qui exercent ce métier[8]. Les femmes sont plus à l’aise dans les tâches qui sont liées à la maternité (Morris, 2013 : 175) et aux maladies infantiles. Ainsi, elles sont plus nombreuses à exercer le métier de pédiatre. Les femmes sont aussi nombreuses dans la gynécologie obstétrique et dans le domaine de la psychiatrie. Mais ces différentes disciplines ne permettent pas d’avoir beaucoup d’opportunités comme le cas de la chirurgie ou de la cardiologie où les hommes sont majoritaires. Les disciplines et les postes prestigieux sont souvent attribués aux hommes[9]. Il semble également que certains espaces sont plus accessibles aux hommes qu’aux femmes. Ainsi, il a été observé que les femmes sont peu nombreuses dans les blocs opératoires (Zolesio, 2009 : 119).
Dans la sphère médicale, les tâches de subordination sont attribuées aux femmes[10]. Dans les hôpitaux par exemple, les femmes occupent souvent le poste d’infirmières, ce qui donne une certaine image de subordination par rapport au médecin. Souvent, elles sont aussi en grand nombre dans les domaines caractérisées par la pénibilité psychique et émotionnelle demandée par la tâche. Les femmes en effet, sont considérées comme étant des êtres qui sont aptes à supporter de lourdes charges psychiques et émotionnelles par rapport aux hommes qui, eux, sont plus connus pour leur force physique. Les femmes s’occupent alors des patients en fin de vie, les patients atteints de maladies chroniques, etc. Or, la capacité de la femme à affronter des situations pénibles comme cela dans les établissements de santé tend à diminuer avec l’âge[11].
Mais il semble qu’elles prennent leur revanche pendant dans les sphères où les femmes sont prises en charge comme la maternité par exemple. C’est à ce niveau que la femme montre une certaine supériorité par rapport à l’homme qui ne peut pas porter et accoucher un enfant. Dans les temps anciens, la mère de la femme qui va accoucher était la principale conseillère et aidant naturelle. Mais avec l’évolution, les femmes se confient à une autre femme en ce qui concerne l’accouchement. Les médecins et les sages-femmes, les infirmières deviennent donc les maîtresses de décisions en ce qui concerne le comportement que la femme doit adopter pendant sa grossesse et au moment de l’accouchement. C’est la femme qui a le contrôle total lorsqu’il s’agit de la maternité. Néanmoins, en cas de complications, l’activité est transférée à un médecin pour qu’il aide la femme à accoucher. Or, le médecin n’est pas toujours forcément une femme. Ce geste illustre donc la transmission de la mission d’une femme à un homme, ce qui pourrait encore être une manifestation de l’infériorité de la femme ou son incapacité à maîtriser le phénomène de l’accouchement (Cosminsky, 2016 : 6).
- La féminisation des carrières dans le domaine de la santé
Le domaine de la santé est un domaine qui attire de plus en plus de femmes. Elles sont présentes dans toutes les spécialités à l’exception de la chirurgie où les hommes semblent dominer (Zolesio, 2013 : 169). Deriaz et al. (2010 : 1439) quant à eux, ont identifié d’autres disciplines où les hommes sont majoritaires par rapport aux femmes en Suisse (figure X).
Figure 1 : Proportion d’homme et de femmes médecins dans les différentes disciplines médicales en Suisse en 2010 (source : Deriaz et al., 2010 : 1439)
Cette figure montre que les femmes sont majoritaires dans les professions qui touchent les femmes et les enfants. Elles sont également plus nombreuses que les hommes lorsqu’il s’agit de métier qui demandent de l’écoute attentive des patients. Par contre, elles sont moins nombreuses dans la chirurgie, l’anesthésie et l’orthopédie qui demandent une certaine placidité et moins d’écoute.
Pour le cas de la Belgique, le tableau suivant montre la répartition par sexe et par discipline des médecins.
Tableau 1 : Evolution de la répartition des médecins Belges selon le sexe et la discipline en 2011 et 2012 (source : Statistiques annuelles des professionnels des soins de santé en Belgique, 2012 : 25)
2011 | 2012 | |||||
Total | Homme | Femme | Total | Homme | Femme | |
Total | 25.479 | 16.078 | 9.401 | 26.018 | 16.249 | 9.769 |
Anesthésie – réanimation | 2.209 | 1.362 | 847 | 2.281 | 1.400 | 881 |
Chirurgie | 1.689 | 1.428 | 261 | 1.697 | 1.428 | 269 |
Neurochirurgie | 200 | 179 | 21 | 207 | 187 | 20 |
Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique | 242 | 190 | 52 | 248 | 195 | 53 |
Chirurgie orthopédique | 1.083 | 1.001 | 82 | 1.100 | 1.015 | 85 |
Urologie | 429 | 389 | 40 | 437 | 393 | 44 |
Neurologie | 468 | 260 | 208 | 494 | 271 | 223 |
Neuropsychiatrie | 342 | 263 | 79 | 317 | 245 | 72 |
Psychiatrie | 998 | 563 | 435 | 999 | 562 | 437 |
Psychiatrie, particulièrement psychiatrie de l’adulte | 613 | 365 | 248 | 657 | 379 | 278 |
Psychiatrie, particulièrement psychiatrie infanto-juvénile | 241 | 62 | 179 | 266 | 66 | 200 |
Médecine interne | 1.843 | 1.274 | 569 | 1.791 | 1.230 | 561 |
Pneumologie | 505 | 321 | 184 | 539 | 340 | 199 |
Gastro-entérologie | 642 | 475 | 167 | 671 | 488 | 183 |
Cardiologie | 1.090 | 881 | 209 | 1.130 | 908 | 222 |
Rhumatologie | 256 | 154 | 102 | 258 | 154 | 104 |
Médecine d’urgence | 25 | 13 | 12 | 41 | 22 | 19 |
Médecine aigüe | 306 | 185 | 121 | 308 | 189 | 119 |
Pédiatrie | 1.700 | 702 | 998 | 1.746 | 702 | 1.044 |
Gériatrie | 220 | 93 | 127 | 265 | 118 | 147 |
Gynécologie obstétrique | 1.157 | 854 | 663 | 1.541 | 849 | 692 |
Oto-rhino-laryngologie | 701 | 441 | 260 | 708 | 439 | 269 |
Ophtalmologie | 1.149 | 491 | 658 | 1.174 | 496 | 678 |
Stomatologie | 339 | 261 | 78 | 349 | 269 | 80 |
Dermato-vénéréologie | 775 | 245 | 530 | 790 | 248 | 542 |
Médecine physique et réadaptation | 533 | 309 | 224 | 546 | 315 | 231 |
Biologie clinique | 748 | 423 | 325 | 751 | 420 | 331 |
Radiodiagnostic | 1.686 | 1.255 | 431 | 1.712 | 1.263 | 449 |
Radiothérapie – oncologie | 229 | 103 | 126 | 228 | 103 | 125 |
Médecine nucléaire | 339 | 236 | 103 | 346 | 237 | 109 |
Anatomie pathologique | 370 | 192 | 178 | 374 | 190 | 184 |
Oncologie médicale | 201 | 103 | 98 | 221 | 109 | 112 |
Médecine du travail | 1.071 | 509 | 562 | 1.103 | 520 | 583 |
Gestion de données de santé | 57 | 35 | 22 | 58 | 36 | 22 |
Médecine légale | 12 | 10 | 2 | 41 | 32 | 9 |
Médecine d’assurance et expertise médicale | 651 | 451 | 200 | 1.180 | 897 | 283 |
Ce tableau montre que le nombre de médecins Belges a augmenté de 2011 (25 479) à 2012 (26 018). Cette augmentation d’effectif concerne aussi bien les hommes que les femmes. Cependant, les femmes médecins restent peu nombreuses en Belgique aussi bien en 2011 (9 401 contre 16 078) qu’en 2012 (9 769 contre 16 249). Cependant la tendance générale en ce qui concerne la répartition des sexes en fonction de la discipline considérée semble joindre les observations de Zolesio et de Deriaz et al. Les femmes sont moins nombreuses dans le domaine de la chirurgie.
De même, la tendance en ce qui concerne la domination des femmes dans les disciplines qui touchent l’enfant comme la pédiatrie, ou qui demandent plus d’empathie comme la gériatrie. Mais contrairement à ce qui est observé dans d’autres pays, en Belgique, ce sont les hommes qui sont majoritaires dans le domaine de la gynécologie – obstétrique. En faisant une comparaison entre les statistiques de 2011 et 2012 cependant, il est observé que le nombre de gynécologues homme a légèrement baissé tandis que l’effectif de gynécologues femmes a augmenté par rapport à l’année 2011. Il est donc probable que leur nombre va augmenter au fil du temps.
A l’horizon 2020, les femmes deviendront majoritaires dans le domaine de la médecine. La plupart des femmes médecins sont salariés (Lapeyre et Le Feuvre, 2010 : 426 – 427). Il est admis que la proportion de femmes médecin a augmenté de 60% dans la plupart des pays occidentaux. La féminisation de la profession médicale s’est aussi accompagnée de la modification des conditions de travail et du style de vie de ces jeunes médecins[12].
Cette féminisation est à considérer dans le contexte de la modification générale de la place et du statut de la femme dans la société. D’abord, la féminisation résulte de l’évolution de la pensée conservatrice de la femme, mère et épouse au foyer, vers celle d’une pensée plus libérale et tendant vers l’égalité des sexes. Il a été constaté en effet, qu’au fur et à mesure que le temps passe, les générations adoptent des pensées plus libérales par rapport à leurs prédécesseurs. Mais cette pensée libérale est à mettre sur le compte de l’éducation, car une génération plus éduquée est aussi plus à même d’adopter des pensées plus positives et qui se séparent petit à petit de la conception du stéréotype traditionnel. Ainsi, de 1970 jusqu’en 1980, la pensée libérale a augmenté. Puis après, les générations admettent l’égalité du sexe sur le plan professionnel[13].
Mais la féminisation d’un domaine s’accompagne souvent de crainte de la part de leurs collègues masculins que les femmes ne bouleversent les pratiques qu’ils ont déjà bien intégrées au sein de leurs groupes. L’entrée des femmes dans la sphère professionnelle ne se fait pas sans heurts étant donné qu’elles entraînent une révision de la gestion, de l’organisation et de la rémunération surtout, en ce qui concerne la maternité (Lapeyre et Le Feuvre, 2010 : 425).
- La gynécologie obstétrique, un sacerdoce
- La gynécologie obstétrique, une discipline pour la femme
La gynécologie obstétrique est la discipline traitant les soins médicaux ou chirurgicaux à prodiguer aux femmes. Elle traite également la grossesse, l’accouchement et les troubles du système reproductif féminin. La gynécologue-obstétricienne a donc pour mission de donner des soins aux femmes. Il existe des spécialisations au niveau de cette discipline : la chirurgie reconstructive, l’oncologie gynécologique, la médecine de la mère et du fœtus, l’infertilité et l’endocrinologie reproductive (Williams et al., 2009 : 85).
Comme elle traite les maladies de la femme, la femme semble aussi la mieux placée pour exercée la discipline de la gynécologie-obstétrique. Cependant, aux Etats-Unis en 2013, 49% des médecins spécialiste de la gynécologie-obstétrique sont des femmes (Morris, 2013 : 175). Une étude menée sur 579 médecins en Suisse a permis de montrer que les femmes médecins sont plus prédisposées à choisir la gynécologie et l’obstétrique ou encore la pédiatrie que d’autres disciplines comme la chirurgie[14]. En Allemagne également, la prédominance du nombre de femmes dans le domaine de la gynécologie a été observée. Dans cette discipline, elles sont également amenées à occuper un poste de manager pour les années à venir[15].
Il semble plus acceptable qu’une femme touche, ausculte une autre femme pendant les périodes qui marquent sa vie : lors de son accouchement ou lors de sa maladie. Désormais, les femmes-médecins sont amenées à examiner une autre femme lorsque celle-ci discerne des problèmes de santé. La gynécologie semble de ce fait être un métier pour les femmes. Mais elle est également considérée comme étant une discipline thérapeutique plus discrète et en ce sens, ne permet pas d’avoir une bonne visibilité du gynécologue. Mais même étant une discipline adaptée pour la femme, force est de constater que les pionniers de cette discipline restent des hommes. En Amérique par exemple, les pionniers de la gynécologie sont Ephraim McDowell, Byford et Marion Sims. Le même scénario est retrouvé au Royaume-Uni avec Robert Tait et William Smith. Cela veut dire que la gynécologie tout au moins dans ses débuts, était aussi dominée par les hommes avant que les femmes ne s’y lancent. Il va falloir attendre l’année 1890 pour qu’Helen Putnam exerce à Rhode Island (Rees, 2011 : 120).
Ce sont principalement les femmes pudiques et les femmes musulmanes qui sont les plus prédisposées à réclamer une femme gynécologue pour les ausculter. La plupart des femmes occidentales par contre, tendent plus à se baser sur les compétences des médecins que sur leur sexe. D’autre part, il a été constaté que les femmes parviennent à établir plus une communication de bonne qualité avec les patientes par rapport à leurs collègues masculins[16]. Une étude a montré par exemple, que les jeunes adolescentes qui vont chez la gynécologue sont plus rassurées et sont plus aisées pour s’exprimer sur leurs maladies et leurs expériences lorsque leur interlocuteur est une femme. La gynécologue est alors considérée par l’adolescente comme étant une mère (Guyard, 2010 : 69).
D’autre part, certains médecins ont rapporté que leur genre ne rendait pas aisé l’examen des patientes. De tels faits impactent positivement sur les femmes gynécologues obstétriciennes. Par ailleurs, il a été constaté que les patientes se montrent souvent réticentes à l’idée de se faire examiner par un homme que par une femme[17]. Comme l’auscultation pelvique fait partie d’une démarche souvent observée lors d’examens gynécologiques, beaucoup de femmes réclament une femme pour les ausculter. Ceci pourrait expliquer en partie la faible proportion d’hommes dans cette discipline. Par ailleurs, du point de vue qualité de service, il a été démontré que les patientes se sentent plus rassurées et montrent une certaine satisfaction à l’idée d’avoir été auscultée par une femme gynécologue que par un homme (Janssen et Lagro-Janssen, 2012 : 222).
Un questionnaire diffusé auprès de 500 patientes qui attendaient d’être examinées en gynécologie a démontré que 225 d’entre elles ne manifestaient aucune réticence à être examinées par un ou une gynécologue. Par contre, si le choix leur était donné, alors elles choisiraient volontiers une femme gynécologue plutôt qu’un homme. Mais cette préférence se manifeste principalement chez les femmes qui n’ont pas fait des études poussées et qui sont issues de classes sociales modestes. Pour la grande majorité d’entre elles, les femmes sont meilleures que les hommes en gynécologie parce qu’en tant que femmes, elles sont les mieux placées pour comprendre les problèmes des femmes. Pour d’autres, la pudeur et les convictions religieuses sont les raisons de la préférence d’une femme que d’un homme gynécologue[18].
Puis, il y a la recherche du confort et de l’assurance chez les patientes. La majorité des femmes en effet, peuvent avoir recours à la gynécologue au moins une fois dans sa vie. C’est un moment difficile pour la patiente vu qu’elle va confier son intimité et son angoisse au médecin. Devant ce fait, les patientes se montrent plus confiantes lorsqu’il s’agit d’une femme comme elle qui l’ausculte. La plupart des consultations chez la gynécologue passe en effet par un examen pelvique. Or, les patientes ne connaissent pas toujours les procédures adoptées par la femme médecin pour y parvenir. Cela provoque une angoisse, un embarras et une peur du résultat des examens. L’examen pelvique est aussi un moment intimidant dans la mesure où la femme confie à une autre femme médecin, une partie intime de son corps ce qui peut être très humiliant et déplaisant. La consultation d’une gynécologue se répercute à la fois sur le corps de la femme, mais aussi sur sa psychologie. Il n’est pas facile pour la femme en effet, de savoir que le médecin qui l’examine sente son odeur vaginale ou autre chose. De ce fait, l’examen pelvique n’est pas un geste anodin ou routinier chez la femme gynécologue, mais devrait être bien pensé. Les patientes attendent d’elle qu’elle sente leurs émotions, leurs embarras et leur douleur, leur humiliation[19].
Le métier de gynécologue-obstétricienne demande l’établissement d’une relation particulière avec les patientes, afin de pouvoir déterminer ses antécédents médicaux et prendre en considération les examens précédemment réalisés. L’interaction avec la patiente nécessite la confiance entre les deux parties, ce qui ne pourrait se faire à moins qu’il n’y ait un respect mutuel. C’est à partir du tempérament et de l’évaluation de ses compétences par la patiente que celle-ci va suivre ses prescriptions et ses préconisations ou non (Beckmann et al., 2010 : 1). Il a été observé que les patientes font plus confiance aux femmes gynécologues qu’aux hommes exerçant le même métier. Cette confiance est à l’origine de la satisfaction des patientes lors des examens gynécologiques (Janssen et Lagro-Janssen, 2012 : 222).
- La gynécologue-obstétricienne ou la femme en charge du soin des maladies des femmes
Les missions de la gynécologue obstétricienne sont concentrées sur la femme. D’ailleurs, la gynécologie est définie comme étant l’étude de la femme. Cela suppose que la gynécologue est amenée à faire un diagnostic de la maladie qui arrive à la femme, mais également de prescrire des médicaments pour l’aider. Outre à cela, il y a un autre aspect de ce métier qui doit être retenu : la gynécologie obstétrique ne peut ignorer la nature féminine elle-même c’est-à-dire que ce n’est pas uniquement l’organe génital de la femme et les maladies qui peuvent atteindre celui-ci dont il est question, mais également l’anatomie de la femme, sa psychologie et sa morale. Et dans cette optique, la femme ne peut être assimilée à toute autre patiente parce qu’elle a des fonctions reproductives, qui la différencie de l’homme. Dans ce cadre, les patientes qui consultent la gynécologue constituent un groupe entier, unique[20]. En ce sens, les femmes sont les plus habilitées à comprendre les autres femmes. Cela pourrait expliquer même les raisons qui ont conduit certaines femmes à devenir gynécologues obstétriciennes et à aider leurs semblables.
Bien que les médecins hommes soient considérés comme étant plus intelligents et habiles que les femmes, dans la gynécologie obstétrique, les femmes excellent par rapport aux hommes. Pour illustrer ce fait, une étude menée sur 356 médecins dont 136 femmes et 220 hommes en Oklahoma a permis de montrer que les femmes sont plus habiles pour examiner les maladies du sein par rapport aux hommes[21]. Cela provient de certains caractères attribués aux femmes. Les femmes gynécologues sont plus à l’écoute des patientes et se montrent plus affectueuses par rapport à leurs collègues masculins, qui, eux, se focalisent sur l’aspect médical et technique de la question. La femme elle, se montre plus sensible sur l’aspect émotionnel de la situation (Janssen et Lagro-Janssen, 2012 : 223). Or, lorsqu’elles ont été questionnées concernant leurs attentes, les patientes demandent à ce que le médecin qui les prend en charge les écoute et se mette à leur place. La compréhension est attendue du médecin en charge de la femme et il semble que ce soit la femme qui montre ce caractère. Quand les patientes se confient aux médecins et qu’elles se déshabillent, elles font plus confiance à une femme pour l’empathie que celle-ci suscite[22].
- La place de la femme dans la sphère privée
- L’assignation des tâches domestiques à la femme
Depuis la nuit des temps, la valorisation de l’homme a été observée. Il représente la force et la femme, la faiblesse. Alors qu’il est considéré comme étant un être supérieur par rapport à la femme, il est le détenteur du pouvoir et du savoir. Dans cette optique, la femme n’a pas son mot à dire. La femme semble même être instrumentalisée pour donner naissance à l’enfant de l’homme et permettre à la race de se perpétuer. Mis à part ce rôle que l’homme ne peut pas assumer, la femme est associée aux tâches domestiques. Elle s’occupe de la cuisine, de l’éducation de l’enfant. Elle ne doit pas accéder au savoir sous peine qu’elle n’excède l’homme et qu’elle ne trouve un moyen d’émancipation. Or, ce phénomène continue de nourrir le stéréotype de l’infériorité de la femme par rapport à l’homme et de la subordination de celle-ci à son mari (Fontaine, 2016 : 22).
Pendant des années, la femme était associée aux tâches domestiques. L’homme, son mari, avait pour responsabilité de travailler et d’entretenir sa femme. Celle-ci à son tour, doit s’occuper de son mari, assurer ses rôles d’épouse et de mère de famille. Toutes les activités de la femme, sont des devoirs et ne sont pas rémunérées. La sphère professionnelle n’est donc pas un lieu normativement attribué à la femme. C’est une manière pour l’homme et pour la société en général, de l’exclure du monde de travail (Le Feuvre et Lapeyre, 2013 : 73).
La complexité de la tâche qui incombe à la femme dans la sphère domestique a été peu valorisée alors qu’elle est souvent source de ralentissement dans son évolution professionnelle. Cela est dû au fait qu’elle doit allouer beaucoup plus de temps et d’énergie pour s’occuper de ses enfants surtout lorsque ceux-ci sont de bas-âge. Mais ces tâches domestiques et ces rôles attribués à la femme ne sont pas valorisées par la société et ne sont pas non plus considérés par leurs collaborateurs au travail (Parsons et al., 2009 : 809e1). C’est ainsi que le courant féministe a tenté de renverser cette situation en influençant la vision du travail des femmes au foyer comme étant un travail à part entière[23].
Les tâches domestiques sont en effet, loin d’être des gestes anodins. Ce sont des tâches qui demandent de la réflexion et de l’effort physique. Les tâches routinières comme la lessive, la vaisselle, l’entretien de la maison sont certes, très routiniers mais demandent de l’organisation et de l’effort physique. D’autre part, il appartient à la femme de gérer les revenus que son mari lui confie au même titre que le patrimoine de la famille. Dans cette optique, elle doit faire en sorte que l’argent qu’elle reçoit de son mari soit utilisé à bon escient pour les besoins de la famille, les devoirs, etc. Ensuite, la femme doit aussi assurer l’éducation des enfants. Cette tâche demande que la femme consacre du temps pour écouter ses enfants, suivre leurs notes en classe, discerne les problèmes que rencontrent les enfants en classe, identifie leurs besoins physiologiques et psychologiques. Enfin, il incombe à la femme d’organise l’espace et le temps des membres de la famille, et de prendre soin des personnes dépendantes ou qui ont le plus besoin d’attention[24].
Vu la faible considération des travaux de la femme dans la sphère domestique, il semblerait qu’elle détienne une place privilégiée par rapport à l’homme. Dans ce cadre, le foyer devient un lieu de domination de la femme tandis que la sphère professionnelle est le fief de l’homme. Mais ce n’est pas toujours le cas. Même dans son rôle d’épouse et de mère de famille, les femmes n’ont pas le même statut que l’homme. Il semblerait que même dans la sphère familiale, l’homme continue à dominer. Il est établi en effet que les hommes obtiennent plus d’avantages de bénéfices par rapport aux femmes dans le cadre du mariage[25]. L’assignation de tâches ménagères à la femme renforce encore son infériorité par rapport à son mari qui ne fait que certaines tâches domestiques. Et même lorsqu’elle travaille à temps plein, la femme doit toujours assurer que ces différentes tâches soient accomplies, la société n’attend que très peu de participation de l’homme dans la sphère domestique. Comme résultat, la femme a moins de temps libre que l’homme, surtout lorsqu’elle se marie ou quand elle a des enfants de bas âge. Tout cela pourrait constituer une barrière à son salariat[26].
Figure 2 : Evolution du temps passé par les hommes et les femmes âgés de 18 à 60 ans de 1985 jusqu’en 2010 pour accomplir les tâches domestiques et les tâches parentales. Les individus enquêtés ici sont des parents avec un enfant de moins de 18 ans dans le ménage (source : enquête emploi du temps de l’INSEE, 1985 – 86,1998 – 99, 2010 – 11, citée par Champagne et al. (2015 : 213).
Cette figure montre que les femmes peu importe la période considérée a toujours eu une charge de travail plus importante par rapport à l’homme. Aussi bien le temps domestique que le temps parental est plus important chez la femme que chez l’homme.
- Les caractères associés à la femme et les rôles que lui attribuent la société
Les sentiments maternels ont été longtemps associés aux femmes. Les femmes sont reconnues pour leur charme naturel. Elles sont également acceptées comme étant des êtres doux, dotés de compassion et de pitié envers autrui[27]. La femme est également considérée comme étant un être émotif ce qui lui donne beaucoup plus d’aisance à comprendre les émotions des autres. Ainsi, une étude menées auprès de différentes combinaisons de dyades patient-médecin (homme/homme, femme/femme et femme/homme) a permis de montrer que si les patients se sentent aisés lorsqu’ils parlent avec un médecin du même sexe qu’eux, il existe toujours certains sujets qui peuvent porter atteinte à la qualité de la communication. De manière générale, les patients hommes ont du mal à parler de sujets relatifs aux émotions aux hommes médecins. Dans cette optique, ils recourent à la femme médecin pour les aider à aborder ce sujet (Sandhu et al., 2009 : 353).
La femme est donc prédestinée à s’occuper de son mari et de ses enfants. Dans la sphère familiale, il est attendu de la femme qu’elle accomplisse ses différentes tâches. La société par contre, n’exige pas de l’homme qu’il s’investisse autant dans la vie de famille. Mais au fur et à mesure que la société évolue, aussi bien les hommes que les femmes sont amenés à travailler pour survivre et pour s’accomplir. Toutefois, le stéréotype de la femme au foyer n’a pas complètement disparu. Dans cette optique, les observateurs tendent à oublier ou à négliger le fait qu’outre son travail, la femme doit aussi assurer toutes les tâches domestiques et les activités qui incombent à une mère. De ce fait, elle sera vivement critiquée en cas de manquement à son rôle. L’homme par contre, bien qu’étant père de famille peut se soustraire à l’éducation des enfants. Il n’est donc pas étonnant que la société se montre plus indulgent lorsque l’homme part travailler et qu’après une journée de labeur, il demande simplement à sa femme de planifier toutes les activités de la journée pour qu’il n’y ait pas de temps perdu, et que toutes les ressources contribuent à l’éducation des enfants et à l’entretien de la maison, l’amélioration de la vie de couple (Parsons et al., 2009 : 809e3).
Cependant, le statut et les rôles des genres ne sont pas figés, mais évoluent ou sont renégociés avec le temps. Dans cette optique, le temps de la considération de la femme au foyer en train de s’occuper de l’éducation des enfants et du mari qui travaille pour nourrir toute la famille a été depuis longtemps dépassé. Désormais, il est admis que dans la société actuelle aussi bien l’homme que la femme s’occupent tous deux des enfants et contribuent aux tâches domestiques. Il est également attendu que la femme et son mari travaillent pour nourrir la famille. Les tâches et les responsabilités aussi bien dans la sphère professionnelle que privée sont donc réparties entre les deux sexes. Vu sous cet angle alors, les différences et la subordination entre les deux sexes pour les différents types de tâches semblent s’estomper. Mais force est de constater que les attentes de la société envers l’homme en ce qui concerne l’éducation des enfants et les tâches ménagères sont moindres par rapport à ce qui est attendu de la part de la femme. Celle-ci doit toujours s’investir plus que l’homme dans l’écoute, l’aide, l’encouragement des enfants. Les missions de l’homme semblent plus relever d’une simple participation plutôt que d’une prise en charge et une implication dans la vie familiale (Emslie et Hunt, 2009 : 152-153).
Devant les responsabilités qui s’imposent étant père et mère de famille, l’homme et la femme adoptent des réactions différentes mais qui tendent toutes à se conformer à ces stéréotypes et des attentes de la société. Certes, l’homme se charge principalement de nourrir sa famille. Dans cette optique, il se penche plus sur son travail et délaisse la vie de famille. Au cas où son métier lui permet une flexibilité, il tend toujours à ne pas exploiter cette opportunité pour se charger des tâches domestiques et de l’éducation de ses enfants. Une femme par contre, va choisir un travail qui lui permet d’avoir un certain équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Cette démarche vise de prime abord à trouver du temps pour s’occuper de ses enfants. Mais dans cette démarche, elle répond toujours aux attentes de la société (Emslie et Hunt, 2009 : 154). Par contre, elle ne répond pas à ses propres besoins d’accomplissement et de satisfaction. En effet, les sacrifices faits par la femme pour être auprès de son mari et de ses enfants consistent souvent à occuper un poste moins valorisant et moins rémunérateur (Grignon, 2011 : 53).
Mais comme la place de la femme dans la sphère professionnelle a été négociée et a évoluée, il en est de même aussi de son statut et de son rôle dans la sphère familiale. Or, le changement au niveau du rôle et du statut de la femme provoque des bouleversements dans le rapport entre l’homme et la femme dans le foyer. Alors que les tâches domestiques et l’éducation des enfants est un rôle traditionnellement associé à la femme, au fil du temps, le rôle de l’homme surtout lors de la parentalité a été négocié. Désormais, les couples se répartissent les tâches parentales, sans pour autant parvenir à un partage équitable. La mère est toujours impliquée dans l’aide scolaire des enfants et à leur habillage et les accompagnent à l’école. Mais le père intervient lorsque l’enfant va dormir ou quand il va jouer (Brugeilles et Sebille, 2009 : 19 – 20).
Il est intéressant que le statut de la femme et son rôle évoluent au fil du temps et changent d’une société à une autre. Ainsi, si la femme n’occupe pas la même place dans une société arabe ou dans une société européenne par exemple. Chez la première société, il existe même une ségrégation spatiale du genre et les femmes n’occupent pas la même espace que l’homme dans certains cas (Di Foggia et Lazzarotti, 2013 : 88). Chez les sociétés européennes par contre, la femme a acquis certains avantages. En France par exemple, que ce soit dans l’espace de travail qu’à la maison, les femmes ont déjà acquis un certain pouvoir qui leur permet d’être autonome dans ses relations conjugales. Désormais, outre les rôles qui lui ont été traditionnellement assignées, elles peuvent si elles le veulent suivre des formations et entrer au travail. Même dans le cadre de la maternité qui est une des missions qui ne peut être réalisée par l’homme, elle a aussi un certain contrôle notamment de sa fécondité[28].
D’autre part, en parlant d’attitudes et de missions de la femme, il faut noter que toutes les femmes n’ont pas les mêmes caractères. Elles peuvent aussi adopter des attitudes masculines en fonction de leur expérience de vie, de leur environnement. Ainsi, dans la société il est possible de rencontre des hommes qui adoptent certains caractères féminins comme la coquetterie, le bavardage par exemple, tandis que des femmes peuvent, elles aussi présenter des caractères masculins comme l’agressivité, la placidité devant les situations choquantes, etc. Or, de tels comportements et attitudes sont des faits inattendus qui surprennent voire même choquent les observateurs externes. Dès les premiers processus de socialisation en effet, la société inculque à la petite fille d’agir et de se comporter comme une fille et le petit garçon, à adopter les comportements des garçons. Pourtant, l’individu peut choisir d’agir de telle ou telle façon sans que la société ne puisse faire une pression sur lui et parvenir à changer son attitude. L’individualisme et la liberté sont alors les maîtres mots qui conditionnent les comportements de l’individu et son choix de carrière qui, parfois, peut aller à l’encontre des attentes de la société (Lechenet et al., 2016 : 22 – 23).
Partie 2. Les enjeux de la conciliation de la vie-professionnelle et de la vie privée chez la femme gynécologue – obstétricienne
- Les difficultés liées à la fonction de gynécologue – obstétricienne et mère de famille
Le plafond de verre dans la sphère médicale trahit l’évolution de la vision de la femme médecin. Alors que son rôle traditionnel et classique est d’assurer la maternité et l’éducation des enfants, les changements sociaux ont accepté que les femmes exercent un travail salarié. Mais pour que cela puisse se faire, il faut que l’homme aussi participe de plus en plus à la vie de famille et endosse certaines tâches domestiques. Cette nouvelle vision de l’homme et de la femme ne manque pas d’influencer le monde médical. Il a été constaté que les générations actuelles de médecins sont plus impliquées que leurs aînées dans la vie de famille et surtout, dans la responsabilité en tant que père et mère de famille.
Ainsi, cette génération pourrait être moins intéressée par un travail si-celui-ci ne lui permet pas de concilier la vie professionnelle et la vie de famille. Ce défi est particulièrement important chez la femme que chez l’homme. Il n’est donc pas étonnant qu’elle cherche des structures qui permettent de prendre soin de son enfant (Strong et al., 2013 : 1596). Il est admis en effet, que les femmes médecins pourraient jouir de certains aménagements comme la proximité géographique de leurs lieux de vie et de leurs lieux de travail surtout pendant les premiers mois qui suivent l’accouchement afin qu’elles puissent allaiter leurs enfants (Parsons et al., 2009 : 809e3).
La grossesse est toujours une période difficile pour la femme médecin. Cela vient d’une part du fait que c’est la manifestation de la différence physiologique, mais également, de la différence des rôles de la femme et de l’homme dans la sphère professionnelle. D’autre part, c’est aussi une période éprouvant en tant que femme et pendant laquelle, les appuis extérieurs sont sollicités. Vu les contraintes imposées par le métier, il n’est pas rare que les supérieurs hiérarchiques n’acceptent pas de femmes enceintes ou qui comptent avoir un enfant, femmes mariées dans leurs services. Puis, après l’annonce, ces femmes doivent toujours faire preuve d’une grande disponibilité et d’autant de force[29].
Par ailleurs, les tourmentes de la femme médecin semblent commencer dès sa prise de décision pour devenir mère. Il s’agit d’une décision cruciale dans sa vie en tant que femme, mais également en tant que médecin. Les femmes médecins se trouvent souvent confrontées à une impasse quant au bon moment pour devenir mère. En effet, si elles tombent enceintes un peu plus tôt dans leurs carrières, elles risquent de ne pas pouvoir relier sa vie de famille et sa vie professionnelle qui vient tout juste de commencer. Par ailleurs, pendant les premières années de carrières, les pressions exercées par les supérieurs hiérarchiques et par le métier lui-même sont toujours importantes. Mais si elles décident d’avoir un enfant un peu plus tard, elles pourraient certes, être rassurée quant à la sécurité financière. Par contre, il serait difficile pour elles de donner naissance à un enfant (Geraci et Burton, 2012 : 85).
- Les aides extérieures utilisées (Titres-services, aide du conjoint, aide de la famille, …)
L’étude menée auprès de femmes gynécologues allemande a montré que pour concilier la vie de famille et la vie professionnelle, elles font appel aux services d’institutions pour prendre soin de leurs enfants dans la majorité des cas. Elles ne sollicitent pas les aides venant de leurs familles ou de leurs époux quand il s’agit de s’occuper d’un enfant[30].
Mais comme la vie familiale n’engage pas uniquement la femme mais également son époux, alors, la conciliation de la vie de couple et de la vie professionnelle pourrait se faire à travers l’entraide des époux. Dans ce cadre, le partage des tâches domestiques et une plus grande implication de l’homme dans la vie familiale pourrait conduire à la résolution du problème. Mais force est de constater que l’implication de l’homme et de la femme dans la vie familiale est très inégale. L’homme refuse souvent de prendre des responsabilités au foyer, laissant la plus grande part du travail à la femme. L’homme tend donc à se référer à l’identité sexuée et aux tâches associées à chaque sexe (Brugeilles et Sebille, 2009 : 22).
D’autre part, il a été observé que si les hommes trouvent de l’intérêt à passer plus de temps pour s’occuper de leurs enfants et de leurs vies familiales, ils ne sont pas bien reconnus. Cela résulte du fait que le stéréotype de l’homme qui cherche de l’argent pour nourrir sa famille ne s’estompe pas et leurs rôles dans la parentalité sont donc moins reconnus. Certains employeurs mettent en place des programmes de conciliation de la vie professionnelle et la vie familiale, mais les hommes dans la plupart des cas n’exploitent pas cet avantage. La raison en est la peur d’être mal vu par la hiérarchie ou par les pairs. Ainsi, l’exploitation de la conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle reste majoritairement l’apanage des femmes. Dans cette optique, ce sont elles qui se dressent comme les défenseuses de la conciliation de la vie de famille et de la vie professionnelle[31].
- L’épuisement professionnel (burnout) chez les gynécologues obstétriciennes
- Le manque de soutien lors de la maternité, lors de l’éducation des enfants
La maternité a été considérée comme étant une des faiblesses des femmes qui veulent exercer le métier de médecin. Parfois, leurs collègues de travail les jugent inaptes à assurer ce métier qui demande de l’engagement émotionnel et des efforts physiques vu leurs charges de mères. Devant ce fait, elles n’ont d’autres choix que de s’imposer pour faire valoir leur droit. Certaines d’entre elles ont dû continuer à faire des gardes et à accomplir leur travail tous les jours malgré leur grossesse. Comme résultats, nombre d’entre elles ont fait un accouchement prématuré. Le manque de soutien peut être source d’épuisement professionnel puisque la femme doit assurer à la fois son rôle de mère et de médecin. Par ailleurs, la tend à faire un surinvestissement professionnel pour prouver à leurs pairs leur capacité à jongler sur ces deux statuts et à s’imposer comme étant leurs égales (Zolesio, 2009 : 129-130).
Après la naissance de leurs enfants, les femmes médecins continuent de travailler même à temps partiel. Concilier la vie professionnelle et la vie en tant que mère reste un défi majeur, car les structures professionnelles des médecins ne sont pas flexibles et ne laissent pas beaucoup de marge de manœuvre aux femmes médecins pour accomplir leurs rôles de mères[32]. Les femmes médecins dans la majorité des cas, se culpabilisent de laisser leurs collègues seuls au travail (Parsons et al., 2009 : 809e1).
Et pourtant, la satisfaction et le sentiment d’accomplissement des femmes médecins résident sur leur capacité aussi bien d’assurer leur rôle de mère que sur leur capacité à accomplir leur travail, quitte à travailler dur. Dans la majorité des cas, les femmes n’arrivent pas à trancher entre le travail et les enfants. Pour elles, il faut que les deux conditions soient réunies (Strong et al., 2013 : 1596). Or, cela pourrait être source d’épuisement professionnel pour elles.
Le défi qui se pose aux femmes médecins en termes d’éducation des enfants est d’autant plus important qu’elles disposent de peu de temps pour leur vie de famille. Il a été observé en effet que les médecins en général enregistrent une durée de travail supérieure à la moyenne. Certes, des efforts ont été entrepris pour que les femmes travaillent pendant une durée plus courte par rapport à leurs collègues masculins. Et pourtant, les femmes médecins ont une durée de travail supérieure à la moyenne par rapport aux femmes qui exercent un autre métier. Le cas de la France illustre ce fait. Dans ce pays, la durée de travail d’un médecin varie entre 50 et 53 heures. Pour les femmes, la durée de travail est de 53 heures contre 59 heures chez les hommes. Mais cette durée reste élevée par rapport à celle des autres femmes (Le Feuvre et Lapeyre, 2013 : 76).
Une étude menée auprès de femmes gynécologue allemandes a révélé que dans la plupart des cas, elles ne bénéficiaient pas d’offres leur permettant de prendre soin de leurs enfants. Lorsqu’elles existent, ces offres sont de mauvaise qualité. Ainsi, 88% des femmes gynécologues ont trouvé que la vie de famille et la vie professionnelle ne sont pas compatibles. Ainsi, les femmes gynécologues tendent à avoir moins d’enfants par rapport aux femmes dans d’autres catégories professionnelles[33].
- Les impacts de l’engagement au travail sur la vie de couple
Le métier de médecin est un métier qui demande beaucoup d’implication et d’engagement de la part du professionnel lui-même. Mais ce fort engagement ne manque pas d’impacter sur la vie de couple. Il est plus difficile pour une femme médecin de concilier la vie de couple avec les lourdes charges qui lui incombent au travail. Ainsi, ces dernières années, les femmes médecins sont dans la grande majorité des cas, des femmes célibataires. Celles qui se sont mariées tendent à avoir peu d’enfants alors que le phénomène inverse est observé chez les hommes médecins. L’impasse pour elles est de choisir entre leur carrière et leur vie de couple, surtout pendant ces dernières années. Souvent, pour avoir une vie de famille stable, elles choisissent de ne pas se spécialiser. Celles qui ont tenté de concilier la vie familiale et la vie professionnelle se sont montrées peu satisfaites de leur travail à cause des conflits récurrents concernant la vie de couple et la vie professionnelle[34]. Il semblerait que les sacrifices importants demandés par les médecins soient à l’origine de nombreux conflits et violences conjugaux chez les couples de médecins. De plus, leur métier ne leur permet pas de consacrer du temps pour résoudre les problèmes en-dehors des problèmes professionnels[35].
Le métier de médecin demande en effet beaucoup d’implication et de sacrifices aussi bien de la part de l’homme que de la femme. Mais dans la plupart des cas, les femmes ressentent plus de difficultés que les hommes à concilier la vie de couple et la vie professionnelle. Ceci vient du fait que la société attend beaucoup que la femme s’occupe de ses enfants et de son mari que de travailler. La conciliation de la vie de couple et de la vie professionnelle demande de ce fait, que les femmes et leurs se partagent les responsabilités dans la vie de couple et dans l’éducation des enfants. Cela suggère que le mari ne se positionne pas en tant que celui qui aide sa femme à assurer les tâches domestiques et à éduquer les enfants, mais devienne également responsable de ces faits. Or, tous les hommes n’acceptent pas toujours cette donne (Strong et al., 2013 : 1599).
La profession de médecin est un travail qui prend beaucoup du temps de l’individu à tel point que dans la grande majorité des cas, il n’existe pas d’équilibre entre la vie de famille et la vie professionnelle. Alors que la longue durée de travail est observée aussi bien chez les médecins hommes que les médecins femmes, force est de constater que ce sont souvent les femmes qui souffrent d’un burnout. Vu le stress qu’elles subissent lorsqu’elles se sentent délaissées et ne jouissent d’aucun ou d’un faible soutien de la part de leurs collègues de travail ou de leurs maris pour équilibrer la vie professionnelle et la vie personnelle, elles doivent déployer des efforts considérables pour atteindre tant bien que mal l’équilibre. A cela s’ajoute les frustrations subies en cas de perception d’un manque de reconnaissance et d’insatisfaction au travail. Il n’est donc pas étonnant qu’elles se sentent fatiguées[36].
Partie 2. Partie empirique
- Méthodologie
- La méthode de l’entretien semi-directif
- Les principes de la méthode de l’entretien semi-directif
- La méthode de l’entretien semi-directif
L’entretien semi-directif est un dialogue entre deux personnes généralement, qui se trouvent en face à face. Cette pratique permet de lancer des interactions entre les deux interlocuteurs afin de pouvoir tirer des informations. L’interviewer cherche alors à obtenir des informations de la part de l’interviewé. Ces informations découlent des expériences que l’interviewé tente de donner et d’exprimer à son interlocuteur. L’interviewé devient alors une personne ressource qui donne des informations subjectives résultant de ses savoirs expérientiels. Comme il s’agit d’un dialogue entre deux personnes, la réussite de l’entretien semi-directif repose principalement sur la capacité de l’interviewer à poser des questions pertinentes et à écouter les réponses de l’autre en lui donnant la parole. La capacité à écouter et à interpréter les propos de la personne ressource permet de connaître les représentations, les impressions de celle-ci sur le phénomène étudié[37].
Les questions à poser dans le cadre de l’entretien semi-directif ne suivent pas un ordre particulier établi dès le départ. Mais elles doivent reprendre les principaux thèmes de la recherche notamment à travers la grille d’entretien. Les questions ne sont pas forcément posées de la même façon vu que l’interviewer peut intervenir en reformulant celles-ci. Les voies et les angles d’orientation du dialogue sont déterminés par le chercheur qui interroge l’interviewé. Le choix de la personne ressource à contacter dépend des expériences de celle-ci et de son implication dans la situation qui intéresse le chercheur[38].
- Avantages et justification de la méthode d’entretien
L’entretien semi-directif est une méthode facile et peu coûteuse. C’est une méthode souple qui permet de collecter les informations concernant les expériences, les ressentis, les impressions des personnes ressources sur le sujet étudié. C’est également une méthode qui permet à l’interviewé de s’exprimer de manière libre, sans toutefois tomber dans le piège du hors-sujet parce qu’en tant qu’entretien semi-dirigé, l’interviewer peut à certains moments réorienter le cours du dialogue et reformuler les questions pour s’assurer de la compréhension de celle-ci par l’interviewé[39].
Notre étude ne vise pas à quantifier les informations concernant la conciliation vie privée et vie professionnelles. Ce sont des informations qualitatives que nous cherchons à collecter. Ces informations concernent les expériences des femmes gynécologues obstétriciennes. Dans cette optique, les questions ouvertes leur permet de s’exprimer sur leurs ressentis et sur ce qu’elles ont mis en place pour parvenir à accomplir leur travail à la maison et dans leur lieu de travail. De même, la méthode de l’entretien semi-directif pour nous, permet une plus grande aisance pour recentrer la discussion en cas de propos hors-sujet. La méthode de l’entretien semi-directif nous semble donc la plus appropriée pour parvenir à collecter ce genre d’informations.
- La mise en œuvre des entretiens semi-directifs
- Présentation de l’échantillon étudié
Cette recherche a pour objectif de discerner les stratégies mises en place par les femmes gynécologues obstétriciennes pour concilier leurs vies professionnelles et familiales. Elle tente également de connaître les impacts des efforts déployés par ces femmes sur leur santé en soulignant les possibles liens entre ces démarches et leur épuisement professionnel. Dans cette optique, nous avons mené des entretiens semi-directifs auprès de ces femmes qui exercent le métier de gynécologue obstétricienne. Quinze entretiens semi-directifs en tout ont été menés. Les profils des informatrices sont présentés sur les tableaux qui suivent.
Tableau 2 : Profil des répondantes
N° | Age | Métier du conjoint | Horaires du conjoint | Nombre et âge des enfants | Lieu de formation | Type du lieu de travail |
1 | 32 | Clerc de notaire | 9 h – 18h rarement plus | Une fille de 3 ans | ULG | CHU (Liège) |
2 | 36 | Médecin généraliste | 8h – 18h | Deux filles de 2,5 et 6 ans | ULG | CHR (Liège) |
3 | 43 | Historien (fonctionnaire) | 9h – 19h | Trois de 3, 5 et 6 ans | ULG | CHU (Bruxelles) |
4 | 33 | Ingénieur | 8h – 17h | Deux de 4 et 3 mois | ULG | CHR (Liège) |
5 | 34 | – | – | – | UCL | CHR (Mons) |
6 | 40 | Commercial | 9h – 17 h | Un de 18 mois et un beau-fils de 11 ans (présent une semaine sur deux) | ULB | CHU (Charleroi) |
7 | 41 | Enseignant | 8h – 16h (20h/semaine, libre le mercredi PM et durant les congés scolaires) | Trois de 15, 12 et 3 ans | UCL et ULB | CHU (Bruxelles) |
8 | 38 | – | – | – | ULG | CHU (Liège) |
9 | 30 | Chauffagiste indépendant | 7h – 17h | – | UCL | CHR (Mons) |
10 | 41 | Médecin | 9h – 17h | Trois de 6, 10 et 12 ans | Paris VI | Hôpital public (Boulogne-sur-mer – France) |
11 | 40 | Economiste | 9h – 17h mais 4/5 jours | Trois | ULB | CHU (Bruxelles) |
12 | 39 | Psychiatre | 8h – 21h30 | Un de 4 ans | Paris XII | CHU (Bruxelles) |
13 | 38 | Médecin (anatomo-pathologiste) | 8h30 – 18h | Deux de 5 et 10 ans | ULB | CHU (Bruxelles) |
14 | 38 | Gestionnaire de patrimoine, salarié d’une banque | 9h- 19h | Trois de 9, 8 et 3 ans | UCL | CHR (Bruxelles) |
15 | 43 | Biostatisticien | 9h – 18h | Trois | ULB | CHR (Bruxelles) |
Les femmes questionnées sont toutes des jeunes femmes âgées de 30 à 43 ans. La grande majorité d’entre elles (13 sur 15) étaient mariées et avaient des enfants. Quatre parmi elles étaient mariées à des médecins. Les autres étaient mariées à des hommes appartenant à d’autres catégories socioprofessionnelles : clerc, historien, ingénieur, commercial, enseignant, chauffagiste, économiste, gestionnaire de patrimoine et biostatisticien. Leurs conjoints travaillent entre 8 heures et plus de 10 heures par jour, ce qui ne leur laisse pas beaucoup de marge de manœuvres pour aider leurs femmes dans la conciliation de la vie de couple et la vie professionnelle. Les femmes qui ont été questionnées étaient majoritairement mères de famille. Six d’entre elles avaient trois enfants. Trois autres en ont deux et le reste avaient un enfant. Leurs enfants étaient tous de bas âge. La grande majorité ont suivi une formation à l’Université en Belgique, d’autres en France. La plupart exercent en Belgique, mais quelques unes seulement travaillent en France. Neuf parmi les quinze travaillent dans les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU). Ces informations nous donnent un aperçu des caractéristiques de l’environnement familial et des charges endossées par la femme gynécologue obstétricienne une fois qu’elle rentre chez elle. Mais elles ne permettent pas de connaître leurs charges de travail dans leurs lieux de travail. Ces informations sont présentées sur le tableau suivant :
Tableau 3 : Charge de travail des répondantes dans leurs lieux de travail
N° | Statut | Régime de travail | Nombre d’heures de travail | Revenu brut mensuel (€) | Nombre de patientes par jour | Nombre d’urgences par semaine | Nombre de gardes par mois |
1 | Salariée | Temps plein ; 10/10 + garde | 10h | Entre 3000 et 5000 | 25 | 2 | 3 |
2 | Indépendante | 2/10 : hôpital et 4/10 patientèle privée
Pendant la garde, accouche toutes patientes confondues |
Plus ou moins 10h | Entre 10 000 et 15 000 en fonction du nombre d’accouchements | 25 | 3 accouchements | 3 pour l’hôpital + les accouchements privés |
3 | Indépendante | 6/10 : 1,5 à l’hôpital et 1,5 en cabinet privé
Ne fait plus d’accouchement |
Plus ou moins 8h | Entre 5 000 et 8 000 | 20 | 0 | 0 |
4 | Indépendante | 7/10 : 4/10 en privé et 3/10 à l’hôpital + accouchement de la patientèle privée | Plus ou moins 10 h | Entre 5 000 et 8 000 | 20 | 8 accouchements en moyenne | 2 |
5 | Indépendante | 9/10 : 3/10 en privé et 6/10 à l’hôpital + accouchements de sa patientèle privée pendant les gardes | Plus ou moins 8h | Entre 8 000 et 10 000 | 20 | 2 | 6 |
6 | Indépendante | 9/10 : 4/10 en privé, 5/10 à l’hôpital + accouchement de sa patientèle privée pendant les gardes | Plus ou moins 11h | Entre 8 000 et 10 000 | 25 | 5 | 8 |
7 | Indépendante | 10/10 : 2/10 en privé, 8/10 à l’hôpital + accouchement de sa patientèle privée pendant les gardes | Plus ou moins 9h | Entre 10 000 et 15 000 | 20 | 1 | 2jours par mois (uniquement les weekends) |
8 | Salariée | 10/10 | Plus ou moins 10 heures | Entre 3 000 et 5 000 | 20 | 5 accouchements | 3jours |
9 | Salariée | 10/10 | Plus ou moins 10 h | Entre 3 000 et 5 000 | 15 | 7 | 8 |
10 | Salariée | 10/10
Accouchement pendant la garde seulement |
Plus ou moins 10h | Entre 5 000 et 8 000 | 30 | Uniquement pendant les gardes | 1 par semaine |
11 | Salariée | 9/11 – 36 heures/semaine. Congé le lundi | Plus ou moins 7h30 | Entre 5 000 et 8 000 | 25 | 10 | 2 |
12 | Salariée | 8/10 | 11 h | Entre 5000 et 8 000 | 15 | 10 | 6 |
13 | Salariée | 10/10 | 10h | Entre 5 000 et 8 000 | 15 | Variable | 1 fois par mois et 3 jours par mois de garde |
14 | Indépendante | 8/10 : 3/10 privé et 5/10 hôpital + garde et accouchement de patientèle privée | 10h | Entre 8 000 et 10 000 | 20 | 5 | 4 |
15 | Indépendante | 7/10 : 2/10 privé et 5/10 hôpital + accouchements du privé | Plus ou moins 10 h | Entre 10 000 et 15 000 | 10 | Plus ou moins 3 accouchements | 2 jours de weekend |
Huit des répondantes sont des salariées. Celles-ci dans la majorité des cas, travaillent à temps plein dans un lieu. Les libérales elles, se montrent plus flexibles quant à leurs horaires de travail. Elles divisent le temps de travail entre le cabinet et l’hôpital. Mais dans la plupart des cas, ces femmes consacrent beaucoup plus de temps à l’hôpital que dans leurs cabinets privés. Les informatrices travaillent dans la plupart des cas, pendant 10 heures par jour voire même. Chaque jour, chacune d’entre elles accueillent environ une vingtaine voire même, une trentaine de patientes par jour. Outre à cela, à l’exception d’une seule répondante, toutes les autres assurent une garde par semaine, ainsi que des situations d’urgence. Le nombre de garde par mois varie d’un individu à un autre, mais cette démarche est comprise entre deux et huit jours.
- Les principaux thèmes d’étude et la conduite des entretiens
Les entretiens ont été réalisés en face à face avec les gynécologues obstétriciennes. Pendant l’entretien, il y avait des questions fermées, mais également des questions ouvertes. Ces dernières constituent la majorité des questions ayant été posées. Plusieurs thèmes ont été abordés pendant ces entretiens :
- Facilité de recrutement des femmes en gynécologie obstétrique
- Accessibilité de la femme gynécologue à un poste supérieur
- La place de la femme dans la société actuelle
- La place de la femme au sein de l’hôpital
- Le rapport de force entre la femme et l’homme dans la société actuelle
- Le rapport de force entre la femme et l’homme au sein de l’hôpital
- La vocation de la femme pour la société
- L’avis des patientes sur une femme médecin
- L’avis des hommes médecins sur leurs collègues féminines à l’hôpital en général et dans le service gynécologie obstétrique
- Avis des répondantes sur la place de la femme dans le domaine médical
- Impacts du stéréotype de la femme sur l’atmosphère de travail et sur les patients
- Les contraintes professionnelles liées au métier de gynécologue obstétricienne
- Les investissements et les sacrifices des gynécologues pour réaliser leurs missions
- Les tâches quotidiennes qui incombent aux répondantes
- Les contraintes de la vie privée liée au fait d’être épouse et mère
- Stratégies de conciliation de vie professionnelle et vie privée
- Choix entre plus de temps de travail ou plus de temps pour la vie privée
- Les personnes et les ressources déployées dans la conciliation vie privée et vie professionnelle
- Les aides à domicile déployés par les répondantes
- Les aides aux femmes dans les établissements sanitaires pour aider à la conciliation de la vie privée et la vie professionnelle
- Suffisance des ressources humaines
- Risques d’épuisement professionnel liés à la conciliation vie professionnelle et vie privée
- Risque d’épuisement professionnel dans le service de gynécologie – obstétrique
- Stratégies d’évitement de l’épuisement professionnel
- Les activités en dehors du lieu de travail pratiquées par les répondantes
- Résultats
Les différents thèmes d’études ont été repris un à un pour faciliter la lecture des résultats, nous avons séparé les réponses en deux catégories : les indépendantes (avec et sans enfants) , les salariées (avec et sans enfants).
- Perception des répondantes concernant l’accessibilité du poste de gynécologue obstétricienne
Tableau 4 : Perception des répondantes concernant la facilité d’intégration dans le service de gynécologie obstétrique
Indépendantes | Salariées | |||
Oui | Non | Ne sait pas | Oui | Non |
4 | 3 | 1 | 4 | – |
Ce tableau montre que dans le groupe des indépendantes, les idées sont partagées quant à l’accessibilité de ce service aux femmes. 4 d’entre elles pensent qu’il est effectivement facile d’accéder à ce service. 3 autres contredisent cette opinion et une ne connait pas ce qu’il faut en penser. Pour les deux autres groupes notamment, celles des sans enfant et celle des salariées, les répondantes semblent plutôt penser qu’il est facile d’entrer au sein du service de gynécologie obstétrique.
Deux personnes seulement dont une sans enfant, et une autre salariée ne se sont pas clairement exprimées sur ce sujet. Par contre, elles pensent que la région constitue un des facteurs qui influencent le degré d’accessibilité des candidats dans le service. Pour la répondante n°10 qui est une salariée ayant des enfants, ce recrutement dépend de la région. Dans cette optique, le processus de recrutement des gynécologues obstétriciennes deviennent difficile lorsqu’il s’agit d’un village hors métropole. La répondante n°9 pour sa part, confirme aussi les propos de la n°10. Elle pense que la facilité de recrutement des gynécologues dépend de la région, de l’hôpital au niveau duquel, la candidate postule et de l’ambiance dans le service.
- Dualité homme – femme dans le service gynécologie obstétrique
Tableau 5 : Proportion de femmes dans le service de gynécologie obstétrique
Statut | N° | Proportion de femmes dans le service |
Indépendantes | 2 | 75% |
3 | 75% | |
4 | 75% | |
6 | 85% | |
7 | 70% | |
14 | 80% | |
15 | 70% | |
5 | 60% | |
Salariées | 1 | 100% |
10 | 40% | |
11 | 65% | |
12 | 75% | |
13 | 85% | |
8 | 65% | |
9 | 60% |
Ce tableau montre que chez les interviewées, toutes sans exception ont montré que dans leurs services, les femmes sont majoritaires. Il y a même la répondante n°1 qui a affirmé qu’il n’y avait aucun homme dans son service.
Figure 3 : Nombre d’hommes et de femmes occupant le poste de chef de service chez les répondantes indépendantes et salariées
Même si les femmes sont nombreuses dans le service de la gynécologie obstétrique, cette figure montre que ce sont les hommes qui sont les principaux chefs de ce service. Chez les indépendantes, 5 chefs de service sont des hommes et 3 femmes seulement occupent ce poste. Du côté des salariées, l’écart est moins visible que chez les indépendantes avec 3 femmes contre 4 hommes chefs de service.
Tableau 6 : Proportion d’hommes et de femmes dans la direction
Statut | N° | Proportion d’hommes dans la direction médicale | Proportion d’hommes dans la direction de l’hôpital |
Indépendantes | 2 | Ne sait pas | – |
3 | Ne sait pas | Ne sait pas | |
4 | 50% | Ne sait pas | |
6 | 100% | 100% | |
7 | 100% | 0% | |
14 | Majorité d’hommes | 75% | |
15 | 0% | 10% | |
5 | 0% | 30% | |
Salariées | 1 | 40% | 50% |
10 | Ne sait pas | 80% | |
11 | 50% | 0% | |
12 | Majorité d’hommes | Majorité d’hommes | |
13 | 10% hommes | 10% | |
8 | Majorité d’hommes | Ne sait pas | |
9 | Ne sait pas | Ne sait pas |
Ce tableau nous montre que les idées sont très éparses lorsqu’il s’agit de la répartition d’hommes et de femmes dans les différentes directions. Selon l’établissement et le service, il peut y avoir 100% d’hommes ou 100% de femmes. Il peut également y avoir un certain équilibre entre le nombre d’hommes et de femmes dans les postes stratégiques. Cependant, dans la plupart des cas, ce sont les hommes qui occupent la plupart des postes dans la direction médicale et dans la direction de l’hôpital.
- La place de la femme actuellement dans la société et dans l’hôpital
La plupart des gynécologues sont des femmes, mais elles restent souvent des subordonnées des hommes. Ces derniers détiennent en effet, la place de leader dans la direction du service et de l’hôpital. Les chiffres ont permis de déceler ces faits précédemment. A présent, il convient de connaître les points de vue des répondantes quant à leurs places au sein de la société et de l’hôpital. Ceux-ci sont présentés sur le tableau suivant :
Tableau 7 : Perception des répondantes sur leurs places dans la société et dans l’hôpital
Statut | N° | Place au sein de la société | Place au sein de l’hôpital |
Indépendantes ave enfants | 2 | La même que pour les hommes. Pas de différence. Je pense qu’il n’y a plus de frein pour la femme | On écoute autant les femmes que les hommes. Il n’y a pas de différence homme/femme dans le service gynéco, surtout qu’il y a plus d’hommes que de femmes. |
3 | Les conditions de la femme se dégradent. La discrimination envers les femmes augmente, ce que je constater dans ma commune à Molenbeek | Difficultés d’accession à des postes à responsabilités pour la femme à cause de la maternité. Et même si c’est possible, avec les horaires, c’est compliqué. Toutes les femmes carriéristes que j’ai connu ont abandonné la maternité pour leurs carrières. Toutes les gynécos que je connais qui atteignent un niveau élevé n’ont plus partenaires. | |
4 | Le même que pour l’homme. Les différences diminuent. Les femmes sont de plus en plus présentes dans la vie active, mais gardent toujours leurs rôles de mamans | Les femmes deviennent prépondérantes. Ceci oblige l’hôpital à adapter son fonctionnement : aménagement du temps de travail pour pouvoir avoir une vie de famille, aménagement par rapport aux enfants et à la maternité. La mentalité de l’homme évolue aussi. Les hommes n’ont plus envie de consacrer autant de temps à leur vie professionnelle. Les hommes profitent aussi de cette réduction de temps de travail, c’est positif. | |
6 | Pas assez de place. Elle est réduite par rapport aux hommes. C’est encore difficile pour la femme | Equivalent avec l’homme. Mais dans certaines spécialités comme la chirurgie et l’orthopédie, les femmes doivent encore jouer des coudes. Je considère que les femmes médecins de ma génération ont dû faire leur place et ont des caractères forts, des caractères de mecs. La nouvelle génération est plus facile et est plus égalitaire. Mais tout n’est pas gagné, il faut rester vigilant et prudent. | |
7 | Confortable. La femme a de la chance en Belgique. Elle a accès à la contraception, aux plannings familiaux, à l’IVG, aux études, etc. Elle ne souffre pas de son statut de femme. Par rapport aux patientes, j’observe un clivage dans les classes défavorisées et immigrées où la place de la femme est au foyer et celle de l’homme au travail et où, seul l’homme a une vie sociale. Je trouve cependant que certaines femmes s’enferment et se confortent dans leur position inégalitaire vis-à-vis de l’homme | Il y a égalité au niveau professionnel. Les collègues masculins profitent aussi des congés parentaux afin de s’impliquer dans leur vie de famille. Mon hôpital est égalitaire. Les collègues masculins sont égalitaires et respectueux des femmes. Il n’y pas de sentiments de désavantages durant ma carrière et de mes études. | |
14 | Dans notre culture occidentale, la place de la femme peut être choisie. C’est souvent un mélange de vie de famille-vie professionnelle dont le ratio dépend du conjoint, de la profession exercée et du souhait personnel. J’ai un regard positif sur la position de la femme dans la société occidentale, mais chez certaines sociétés, la place de la femme est de rester à la maison et à veiller sur les enfants, la seule manière de se réaliser étant de se procréer. Elle éprouve un réel sentiment de liberté. | Beaucoup de postes à responsabilité comme le chef de service, la direction médicale, la direction administrative sont tenues par des hommes. Mais j’ai l’impression que les femmes acquièrent avec les maternités des capacités d’organisation et de gestion importantes et de la diplomatie et qu’au final, la place de la femme est la même que celle de l’homme. | |
15 | De plus en plus importante. On tend de plus en plus vers une égalité même si je considère que nous ne sommes pas égaux. Il y a moins de discrimination liée au sexe. De moins en moins sont « réservées » aux hommes. Les hommes sont de plus en plus impliqués dans la gestion du quotidien (ménage, courses, enfants, etc.). De plus en plus d’hommes demandent un congé parental et trouvent normal que les tâches ménagères sont partagées. Au niveau politique, de plus en plus de pays européens veillent à avoir une parité au sein de leur gouvernement. On voit donc de plus en plus de femmes accéder à des postes de direction. Mais dans certains milieux, cela reste encore très minoritaire et pas valables pour toutes les parties du monde. | Elle est de plus en plus importante avec le temps. Au début de ma carrière, les directeurs médicaux et généraux de mon hôpital étaient des hommes ainsi que la majorité des chefs de service. Cela n’est plus du tout le cas actuellement. | |
Indépendantes sans enfant | 5 | En Europe, la femme a une place équivalente à celle de l’homme. Je pense qu’il ne faut pas rechercher spécialement l’équilibre sexuel pour un poste mais plutôt rechercher la compétence. Mais ceci n’est pas vrai dans le monde entier. | Il n’y a pas de différence. La parité n’est pas respectée, mais ce n’est pas important car c’est la compétence qui compte. Les rémunérations semblent identiques. |
Salariées avec enfants | 1 | Grande importance en général. Il y a de plus en plus de chef d’Etat femmes dans les pays occidentaux | Grande importance, il y a de plus en plus de femmes gynécologues. De même dans la médecine. J’estime la proportion actuelle à 60% de femmes dans la profession de médecin. Et çà ne fait qu’augmenter, vu le nombre croissant d’assistante. |
10 | Place importante, centrale. Elle est multi-rôles : une bonne épouse, mère, amante et professionnelle | Cela va être de plus en plus important. Les femmes vont prendre de plus en plus les postes à responsabilités. L’extrême féminisation n’est pas bonne car chacun a ses caractéristiques. Les hommes et les femmes se complètent de par leurs avantages et leurs différences. C’est important d’avoir les deux points de vue. C’est complémentaire. | |
11 | La femme a un rôle de citoyen lambda avec la particularité de donner la vie. Elle est partie prenante de la société au même titre que les hommes, mais ce n’est pas le cas partout dans le monde. | A ma place au même titre que les hommes. Si ma place est d’être médecin, j’ai ma place en tant que médecin. Il n’y a pas de différenciation sexuelle. | |
12 | Superwoman. Elle doit tout faire : travailler, s’occuper des enfants, le ménage, la cuisine…. La femme est multitâche. On ne demande pas tout çà aux hommes. | Je n’ai pas l’impression qu’il y a une distinction entre homme et femme. On se base sur la compétence. | |
13 | La même que pour l’homme. Je ne vois pas de différences | La même que pour l’homme. Je ne vois pas de différence. | |
Salariées sans enfant | 8 | Cela dépend de la culture. En Belgique, l’égalité commence mais les inégalités existent encore. | La même que pour l’homme |
9 | Meilleure qu’avant. Il est possible d’avoir une carrière tout en conciliant sa vie professionnelle et familiale. Mais la femme ne doit pas s’oublier, penser à elle et ne pas être dédiée à la famille à 100%. | Il y a une féminisation globale dans les hôpitaux, toutes professions confondues. |
Ce tableau montre que 11 répondantes sur 15 trouvent que la femme occupe une place semblable à celle de l’homme tout au moins, dans la société européenne. Les répondantes n°15 et 5 ont soulevé le fait que si la plupart des sociétés européennes tend vers l’équilibre entre l’homme et la femme dans les postes stratégiques, ce cas n’est pas retrouvé dans d’autres parties du monde. Une (n°9) a parlé d’évolution, de plus de liberté de la femme par rapport à ce qui s’était passé avant afin de pouvoir concilier la vie professionnelle et la vie familiale.
Lorsqu’il s’agit du point de vue des répondantes sur la place de la femme dans la sphère médicale, 13 répondantes sur 15 pensent que les femmes sont écoutées, considérées pour leurs compétences et leur travail au même titre que les hommes. Les femmes pensent que tout au moins dans le service gynécologie obstétrique, les femmes deviennent de plus en plus nombreuses si bien qu’elles occupent la même place que l’homme. La répondante n° 6 de son côté affirme que si les femmes trouvent leurs places dans le service gynécologie obstétrique, il n’en est pas de même dans les autres services notamment la chirurgie et l’orthopédie.
Outre à cela, les répondantes n°4 et n°7 trouvent que la force numérique des femmes à l’hôpital oblige celui-ci à adopter des stratégies permettant de concilier la vie privée et la vie professionnelle. Cela induit des changements au niveau de l’organisation de l’hôpital car il y a plus de temps alloué à la vie familiale. Ce ne sont pas seulement les femmes qui jouissent de cette nouvelle organisation mais également, les hommes qui cherchent également du temps à passer auprès de leurs femmes et de leurs enfants.
- Rapport de force entre la femme et l’homme dans la société et dans la sphère médicale
Un point de vue général a été émis par les répondantes concernant la place de la femme dans la société et dans l’hôpital en général. Les réponses tendent toutes à montrer la force numérique des femmes par rapport aux hommes, sans vraiment montrer sauf pour quelques répondantes seulement, les rapports de force entre l’homme et la femme. Dans cette partie, nous allons rapporter les points de vue des répondantes sur le rapport de force entre la femme et l’homme dans la société et dans l’hôpital actuels.
Tableau 8 : Rapport de force entre les hommes et les femmes actuellement
Statut | N° | Rapport de force dans la société | Rapport de force dans l’hôpital |
Indépendantes avec enfants | 2 | Pas de rapport de force | Je ne vois pas de rapports de force homme/femme au sein du personnel du service de gynécologie, mais j’en vois au niveau des patientes. |
3 | La société n’est pas adaptée pour que les hommes puissent diminuer leur temps de travail pour s’occuper de leurs familles, de partager la maternité et permettre que la maternité ne soit plus un frein à la carrière des femmes. C’est actuellement toujours aux femmes de le faire et donc de sacrifier les postes à responsabilités et donc leurs carrières. Il y a beaucoup trop de discriminations sexuelles. | Il n’y a pas de discrimination à l’hôpital. Tout se passe bien. Mes collègues hommes sont féministes. | |
4 | Je ne pense pas qu’il y en ait | Je n’ai pas de sentiment de soumission à un quelconque rapport de force. Le rapport de force se situe plutôt au niveau du statut, de l’expérience et de la compétence de chacun. On se base sur l’expérience et la compétence et non sur le sexe. | |
6 | Les hommes ont encore trop de pouvoir par rapport aux femmes surtout chez les plus de trente ans. La femme a moins de crédibilité et parfois, se fait avoir. Les hommes profitent de leur situation hiérarchique et de revenus plus élevés vis-à-vis des femmes, mais quand je montre que je suis médecin, leur comportement change. Je suis indépendante et gagne souvent plus qu’un homme. J’ai donc rencontré des soucis avec mes anciens compagnons qui ne supportaient pas l’idée de gagner moins. Çà cause encore parfois des frictions dans mon couple actuel. Les hommes sont encore souvent dans une lutte de pouvoir. | Pour ma patientèle de plus de 30 ans, je constate qu’il y a encore beaucoup de rapport de forces entre l’homme et la femme. L’homme décide pour le corps de sa femme avec la contraception, la péridurale, le type d’intervention, etc. Pour moi-même, si on ne savait pas que je suis médecin, les hommes me traitent comme une nana qui ne sait rien. Cela change quand je montre que je suis médecin. Les femmes ont encore trop peu de crédibilité. Les hommes sont souvent dans un rapport de concours d’égo, de virilité alors que la femme pas. | |
7 | Les femmes ont beaucoup lutté au niveau social et professionnel. Maintenant, ce sont les hommes qui doivent lutter pour avoir l’égalité au sein de la famille. Ils sont des parents à part entière au même titre que la mère et doivent prendre leurs places. Les mères doivent laisser faire, elles n’ont pas le monopole de la famille. | La gynécologie est très féminisée. Il y a une grande majorité de femmes. A contrario au sein du conseil médical, les femmes sont sous-représentées et j’y ressens un sentiment d’infériorité. Les femmes doivent arrêter d’avoir ce complexe d’infériorité. | |
14 | Je ne vois pas de rapport de force entre la femme et l’homme mais je me rends bien compte que ce n’est pas le cas dans d’autres sociétés. | Dans mon service comme au sein de l’hôpital, j’ai l’impression qu’on m’écoute en tant que personne et non pas en tant que femme. Mais çà n’a pas toujours été le cas. Quand j’étais plus jeune, c’était plus compliqué surtout avec les sages-femmes. J’ai dû apprendre à être ferme. | |
15 | Je ne vois plus le rapport actuellement dans notre société | Il n’y a pas de rapport de force au niveau de l’hôpital entre les hommes et les femmes. Ils sont jugés selon leurs compétences et non pas par leur sexe. | |
Indépendantes sans enfants | 5 | S’il existe des métiers purement masculins, c’est essentiellement parce que ce sont des métiers qui n’attirent pas les femmes. Mais si elles veulent féminiser un métier, elles y arrivent. La médecine par exemple il y a 40 ans était à majorité masculine. | Je ne constate aucun rapport de force à l’hôpital. |
Salariées avec enfants | 1 | Cela dépend des catégories professionnelles. Les hommes (60%) ont plus de poste à responsabilité que les femmes (40%), même si cela a tendance à changer. | Il n’y a pas de rapport de force constaté au CHR mais bien au CHU avec les anciens professeurs à majorité masculine et la direction qui est aussi à majorité masculine. |
10 | Les femmes ne doivent pas baisser la garde et maintenir certaines luttes. Dans mon couple, les tâches sont partagées en fonction de l’affinité. Cependant, les femmes ont un rôle prépondérant dans les premières années de la vie d’un enfant et c’est un frein à leurs carrières. La solution serait de permettre un congé « paternité » au père. | Il y en a avec les baby-boomers car ils n’ont pas l’habitude de travailler avec des femmes. Ils ont une vision cliché de la femme. J’ai dû faire mes preuves, montrer ma compétence. Je n’ai pas rencontré ni de frein, ni de mur mais c’est plus sournois, latent. | |
11 | Le rapport de force est défavorable à la femme. Les postes à responsabilités, les hautes fonctions, les postes de direction ne sont pas encore égalitaires. L’égalité salariale n’est pas encore atteinte. | Je ne vis pas d’inégalité au sein du milieu médical. Je trouve qu’il est plus difficile pour une femme d’imposer son autorité. Mais j’ai dû faire une bataille pour avoir la reconnaissance, le respect et l’autorité vis-à-vis des sages-femmes qui sont des femmes à 100%. Les remarques et les comportements sexistes relèvent plutôt de l’ancienne génération. | |
12 | La femme paye le féminisme qui a été nécessaire. Elle a créé une inégalité vis-à-vis de l’homme. On a voulu gommer les différences mais l’homme et la femme sont différents. L’homme ne peut pas être enceint et n’a pas un congé de paternité équivalent à celui de la femme. Les enfants ont toujours la figure maternelle présente et se tourne systématiquement vers leurs mères. La charge de la famille est donc plus forte pour les femmes et cela se répercute sur le plan professionnel. | Si une gynécologue femme est enceinte, elle subit des commentaires et remarques de la part du chef de service masculin et collègues masculins. Alors que ce n’est pas de leur faute d’être une femme et d’être enceinte, alors que ces derniers mettent leurs patientes en arrêt lors de la grossesse. | |
13 | Il existe toujours des violences intraconjugales. La pression économique augmente la tension car les femmes prendraient le travail des hommes. Les femmes continuent de subir l’inégalité salariale. Les hommes ne veulent pas que les femmes gagnent plus qu’eux. | Je ne vois pas de rapport de force entre l’homme et la femme au sein de l’hôpital. | |
Salariées sans enfant | 8 | Cela dépend de la culture, du milieu, de l’économie, de la religion, de l’origine. | Je n’en vois pas mais je pense qu’il devrait y en avoir. |
9 | Il y a encore certaines situations où la femme n’est pas prise au sérieux par exemple, dans les métiers de construction. Si les femmes ont des postes à responsabilités, c’est au détriment de leur vie familiale. | Je ne vois pas de rapport de force entre homme et femme mais plutôt vis-à-vis du ou de la chef de service. |
Ce tableau montre que seulement quatre répondantes n’ont pas pu voir de rapports de force entre les hommes et les femmes dans la société actuelle. 7 répondantes sur les 11 trouvent qu’il existe un rapport de force entre les hommes et les femmes, la femme occupe une place inférieure à celle des hommes tant au niveau de la famille qu’au niveau professionnel. Elles admettent que l’accession à un poste valorisante ne peut se faire à moins qu’elles ne sacrifient leurs familles. Et même, lorsqu’elles réussissent à avoir de l’argent et à avoir des postes que les hommes ont toujours occupés, cela influence négativement sur leurs couples. En d’autres termes, les femmes sentent qu’elles ne sont pas encore sur le même pied d’égalité que les hommes malgré leur liberté, leur salariat, la recherche de parité visée par la société.
7 répondantes sur 14 affirment qu’il n’existe pas de rapport de force entre les hommes et les femmes à l’hôpital. Les relations entre l’homme et la femme à l’hôpital sont basées sur les compétences de la femme et non pas sur son genre. Par contre, il existe un rapport de force lorsqu’il s’agit du statut. Ainsi, la répondante n°9 trouve qu’il existe un rapport de force entre le chef de service que celui-ci soit un homme ou une femme, avec son subalterne. Pour la répondante n°2, le rapport de force se situe entre les relations entre le médecin et la patiente.
Les 8 autres répondantes parlent de la domination des femmes par les hommes lorsqu’il s’agit de postes stratégiques. Ce sont surtout les femmes salariées avec enfants qui ont particulièrement remarquée la difficulté de se faire reconnaître à l’hôpital. La répondante n°10 a par ailleurs souligné le fait que l’effet de génération tend à renforcer les stéréotypes et les rapports de force entre les hommes et les femmes dans les établissements hospitaliers. Les hommes de la génération baby-boomers sont désignés comme étant les principales personnes qui n’acceptent pas la place de la femme à l’hôpital.
Puis, il y a la répondante n°12 qui parle des difficultés subies par les femmes gynécologues lorsqu’elles tombent enceintes. Les collègues masculins sont plus enclins à donner du repos aux autres femmes non médecins et n’accordent pas de crédit à leurs pairs féminins. La répondante n°6 pour sa part, voit le pouvoir de l’homme sur la femme à travers les soins administrés à sa femme. C’est toujours lui qui décide à la place de sa femme. La répondante tire ici sa conclusion à partir de ses observations et ses expériences pendant plus de 30 ans.
- Perception de la femme médecin par les patientes
Après avoir recensé les points de vue des répondantes en ce qui concerne leurs places au sein de l’hôpital, nous nous intéressons maintenant aux influences du genre sur les relations entre le médecin et la patiente.
Tableau 9 : Perception de la femme médecin par les patientes
Statut | N° | Réponses |
Indépendantes avec enfants | 2 | Au niveau de la gynécologie, la communication est plus facile entre femmes. Une femme gynécologue comprend mieux les problèmes féminins que ne pourrait le faire un gynécologue homme, particulièrement, en ce qui concerne la grossesse. Rares sont les femmes qui veulent un gynécologue homme. Les seuls problèmes sont souvent d’ordre culturel. Il y a la difficulté pour la culture africaine du nord de considérer une femme comme son égal. Le mari parle à la place de la patiente et prend les décisions à sa place pour les péridurales, etc. La patiente n’a rien à dire. |
3 | Les patientes plus âgées veulent un homme gynécologue car elles ne conçoivent pas qu’une femme soit médecin. Pour les plus jeunes, c’est l’inverse car on touche à l’intimité d’une femme (sujets de discussion, examens, etc.) | |
4 | Cela dépend des origines et de la culture. Pour la patientèle européenne, que le médecin soit un homme ou une femme, çà ne change rien, mais elles préfèrent un gynécologue femme pour des raisons d’intimité, de pudeur, et se sentent mieux comprises. Avant, il y avait beaucoup plus de gynécologues hommes et çà ne posait pas de problèmes. Maintenant, avec la féminisation de la profession, elles ont le choix. Pour la patientèle d’Afrique du nord, on a une vision de la femme différente de la nôtre. La femme a plus un statut de mère au foyer. Elle ne travaille pas. Les maris ne voient pas la gynécologue femme comme leur égal. Ils ont du mal à imaginer une femme médecin et de lui faire confiance. | |
6 | Pour la gynécologie c’est très bien. La preuve en est qu’il faut un délai d’un an pour avoir un rendez-vous avec elle alors que le délai est d’un mois pour ses collègues masculins car, il y a une meilleure compréhension entre femme. Un homme n’a jamais eu un speculum entre les jambes donc on ne sait pas ce que c’est. Les femmes connaissent leur intimité. C’est plus facile pour une femme de se déshabiller devant une autre femme. Plus à l’aise. C’est plus facile de parler des problèmes des femmes entre femmes. Je pense par contre que la douceur n’est pas une question de sexe. Les gynécologues hommes sont parfois plus doux que leurs homologues féminins qui sont passés par là et donc, elles peuvent minimiser la souffrance de leurs patientes. Elles sont donc plus dures et plus rudes. | |
7 | Les jeunes filles préfèrent une femme gynécologue. Elles préfèrent parler à une femme de leurs histoires de femmes. Cependant, beaucoup de gynécologues femmes pensent que toutes les femmes fonctionnent comme elles, ce qui a pour effet de diminuer l’empathie envers les patientes et de les rendre plus dures, plus rudes à l’inverse des gynécologues hommes. Les gynécologues hommes sont plus précautionneux, plus prudents, gentils, attentionné, pédagogue et rassurant quand ils examinent une femme. | |
14 | J’ai été confrontée quelquefois à des conjoints qui ne prenaient pas en considération mes propos parce que je suis une femme. Les patientes elles-mêmes ne s’en plaignent pas et j’ai respecté leurs décisions. Je ne suis pas certaine qu’elles sachent tout le temps qui est le médecin, qui est la sage-femme, qui est l’infirmière et le premier réflexe est de penser que je suis une sage-femme ou une infirmière quand elles me voient. | |
15 | Les patientes prêtent souvent à la femme médecin des qualités de douceur, de compréhension, de tolérance. En gynécologie en particulier, elles expriment souvent le fait d’avoir plus de facilités à dévoiler leur intimité face à une femme. | |
Indépendante sans enfant | 5 | C’est très bien vu car les femmes préfèrent des gynécologues femmes pour parler des problèmes de femmes. Cependant, je considère çà comme une déviance de la société car les gens ne font pas la différence entre la sexualité et l’acte médical : pudeur, jalousie du mari, religion, culture (mari sicilien jaloux). Si une femme accouche en urgence, elle réclame une gynécologue femme si par exemple, sa gynécologue est absente. |
Salariées avec enfants | 1 | De façon très positive surtout en gynécologie. Les patientes veulent des femmes pour leur parler de leurs problèmes de femmes. Je ne constate pas de dénigrements ni de la part des patientes, ni de la part des maris, du fait que je sois une femme gynécologue. |
10 | C’est un avantage d’être une gynécologue femme. Les patientes sont rassurées encore plus si la gynécologue est aussi une mère. Il y a une vraie inégalité envers les hommes à ce sujet. Les patientes peuvent parfois avoir peur des critiques « entre femmes » sur leur physique et préfèrent alors un homme mais c’est une minorité. | |
11 | Positivement. Elles pensent qu’une femme gynécologue peut mieux les comprendre à tort ou à raison car les femmes gynécos sont parfois plus dures que leurs confrères masculins. La femme gynécologue a valeur d’exemple, d’admiration de statut à atteindre pour certaines patientes. Il est plus facile pour une femme de parler d’intimité avec une autre femme. | |
12 | Les patientes font abstraction que la gynécologue est une femme et est aussi une maman. Elles ont peu de scrupules d’utiliser la féminité pour appeler ou de faire revenir leur gynécologue femme alors qu’elle aussi a une vie de famille. Sinon, le fait d’être une femme gynécologue est très bien vu car plus douce et plus à l’aise pour parler de féminité. Elles se sentent mieux comprises. | |
13 | Très bien. Les gynécologues femmes sont très demandées car elles sont rassurantes, accessibles et à l’écoute. Les patientes sont plus à l’aise, plus en confiance avec une femme gynécologue car, on touche à l’intimité et elles doivent avoir moins de pudeur car elles sont entre femmes. | |
Salariées sans enfant | 8 | Très bien. C’est plus facile pour des questions d’intimité, d’avoir une gynécologue femme. Mais cela dépend de la spécialité (chirurgie beaucoup plus masculine) et de l’âge des patientes. Les plus âgées ne conçoivent pas qu’une femme soit médecin. |
9 | Une grande partie des femmes préfèrent avoir une gynécologue femme surtout pour les examens cliniques |
D’après la grande majorité des répondantes, les patientes préfèrent plus une femme gynécologue qu’un homme exerçant le même métier. Aussi bien les gynécologues indépendantes que les salariées, celles qui ont des enfants ou qui n’en ont pas pensent que les femmes préfèrent de loin une femme gynécologue à un homme gynécologue.
Toutefois, il y a une nuance de la perception d’une femme gynécologue chez les indépendantes et les salariées. Les salariées ont une image plutôt positive de la gynécologue, tandis que les indépendantes trouvent une limite chez la femme gynécologue. Les répondantes n°6 et n°7 par exemple, trouvent qu’en tant que femme et mère, la gynécologue peut tomber dans le piège de la minimisation de la souffrance de l’autre femme qui se trouve devant elle jugeant que celle-ci devrait avoir les mêmes ressources qu’elle. Elles affirment que les hommes gynécologues sont plus doux car ils ne sont pas des femmes et donc, montrent plus d’attention, d’écoute et d’empathie.
Les salariées ne font pas cette remarque et pensent que c’est plus rassurant pour les patientes d’avoir une femme gynécologue pour les examiner et prendre soin d’elles. Pour les répondantes n°10 et n°12, les gynécologues femmes sont plus à même de comprendre les autres femmes et de les mettre à l’aise parce qu’elles aussi sont des femmes. Elles soulignent que le fait d’être mère donne beaucoup plus d’assurance aux patientes qui viennent les voir. La maternité en effet, est une expérience que l’homme ne peut pas vivre. Il n’y a que la femme qui peut connaître les ressentis d’une femme avant, pendant et après l’accouchement. Il semble qu’il n’existe pas beaucoup de différences entre la perception de l’image positive entre les gynécologues qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas.
Mais certaines répondantes parlent d’un facteur qui pourrait porter atteinte à la préférence de la patiente et sur sa prédisposition à suivre les conseils d’une femme gynécologue. Il s’agit de la culture. Les répondantes n°2 et n°14 parlent aussi du fait que les maris dans ces cas, tendent à sous-estimer les capacités de la gynécologue même si elle est médecin, juste à cause de son sexe.
- La considération des femmes gynécologues par leurs pairs
Les réponses des répondantes en ce qui concerne les points de vue des patientes sur les femmes médecins sont plutôt positifs. Mais nous ne voulons vérifier si les femmes ont la même image positive devant leurs collègues masculins.
Tableau 10 : Perception des femmes gynécologues par leurs collègues masculins
Statut | N° | Au sein de l’hôpital | Au sein du service de gynécologie obstétrique |
Indépendantes avec enfants | 2 | Bien vu. Il n’y a pas de hiérarchie sexuée. La majorité est la femme. Les femmes sont autant écoutées et prises en considération que les hommes. | Bien vu. Il n’y a pas de hiérarchie sexuée. La majorité est la femme. Les femmes sont autant écoutées et prises en considération que les hommes. |
3 | Bien, il n’existe pas d’inégalité. Dans le passé, j’ai vécu avec des médecins plus âgés qui avaient des réflexions, des insinuations, des gestes sexistes et sexuels surtout dans les lieux où il a de la tension comme la salle d’opération, la salle d’urgences, etc. et surtout pendant mes stages. Mais c’était beaucoup moins en stage de gynécologie car la profession était déjà en voie de féminisation. | Il n’existe pas d’inégalités. | |
4 | Relation d’égal à égal | Je ne vois pas de sentiments relatifs à une différence sexuelle. Je pense que les collègues hommes ne font aucune différence. Les compétences comptent plus que le sexe. | |
6 | C’est globalement égalitaire, mais il reste un peu de machisme dans les disciplines de chirurgie. | Pas de souci car les hommes sont minoritaires et donc, on est égalitaires. | |
7 | Les initiatives féministes sont soutenues par la direction. En général, nous sommes dans l’égalité. Les seuls soucis, les remarques sexistes et morales proviennent des communautés originaires d’Afrique du nord. | Les hommes gynécologues sont sensibles à la cause des femmes. Ils sont féministes. Ils aiment les femmes au sens qu’un médecin aime les femmes. Ils sont au cœur de leurs problèmes, compréhensifs, aidants, investis et impliqués à tous les niveaux médicaux, sociaux, etc. Ce ne sont pas des machines. | |
14 | Je n’ai pas plus de difficultés qu’un homme grâce à mon expérience. | Je n’ai pas plus de difficultés qu’un homme grâce à mon expérience. | |
15 | Bien vue. La considération et le respect sont identiques. | Actuellement, les hommes du service de gynécologie ne font aucune différence entre leurs collègues femmes ou hommes. Cela n’a pas toujours été le cas précédemment. Il fût une époque où les remarques sexistes ont existé. Mes collègues masculins sont des médecins doux, attentionnés, tolérants et pleins d’empathie. Ils sont très impliqués dans leur vie de famille et dans le partage des tâches. | |
Indépendantes sans enfant | 5 | Pas de différence : même respect humain, même respect au niveau des compétences, même respect au niveau des responsabilités. | Dans mon service, les hommes considèrent les femmes comme leurs égales. Il y a un petit bémol avec les vieux gynécologues et les patrons durant les stages, mais c’est en voie d’extinction. |
Salariées avec enfants | 1 | Il n’y a aucun souci dans le contact avec des médecins hommes d’autres services ni avec d’autres collègues masculins comme les biologistes. | Je n’ai pas de collègue masculin. Un gynécologue homme va arriver dans les mois à venir et on lui a quand même posé la question de savoir si çà ne le dérangeait pas d’être dirigé par des femmes. |
10 | Très variable. Les baby-boomers sont méfiants vis-à-vis des femmes et ont du mal à comprendre qu’une femme soit leur égale. Ils l’acceptent mais ce n’est pas leur vision, ce n’est pas naturel pour eux. Ils sont méfiants, surpris mais ils l’acceptent et évoluent. Ma génération (quadragénaire) trouve çà tout à fait normal, naturel et ne fait pas la différence. | Très variable. Les baby-boomers sont méfiants vis-à-vis des femmes et ont du mal à comprendre qu’une femme soit leur égale. | |
11 | C’est générationnel. Les 50 – 65 ans considèrent les femmes comme des secrétaires. Il y a pour eux une hiérarchie sexuelle. Les quadragénaires sont égalitaires. Pour la population de moins de 40 ans, la profession s’est énormément féminisée. On se retrouve donc dans un monde de femmes, ce qui change les comportements des hommes. Ils sont plus humbles et reconnaissent l’autorité d’une femme. | La vieille génération disparait, les rapports deviennent égalitaires, mais les grossesses sont toujours un frein à la carrière. | |
12 | De manière équivalente, sauf pour l’ancienne génération qui garde une hiérarchie des sexes. C’est difficile pour un ancien gynécologue d’avoir une femme pour chef. Mais je pense que c’est aussi lié à l’âge : jeune chef égal petit con. | De manière équivalente, sauf pour l’ancienne génération qui garde une hiérarchie des sexes. | |
13 | En général, on fait plus attention au physique, à l’habillement des femmes. Au niveau de la compétence, il n’y a pas de différence. On se base sur la compétence et non sur le sexe. Il y a des mécontentements de la part des gynécologues masculins quand une nouvelle assistante n’est pas jolie. | Au niveau de la compétence, il n’y a pas de différence. On se base sur la compétence et non sur le sexe. | |
Salariées sans enfant | 8 | Les collègues masculins ne font pas la différence. Ils se basent sur la personnalité et sur la compétence et non sur le sexe. | Les collègues masculins ne font pas la différence. Ils se basent sur la personnalité et sur la compétence et non pas sur le sexe. |
9 | Je ne ressens pas de différence. | Je ne ressens pas de différence. |
Ce tableau montre que 13 répondantes sur 15 pensent que les femmes ont la même place que les hommes au sein de l’hôpital. Les inégalités entre les hommes et les femmes semblent être abolies. Néanmoins, certaines répondantes ont remarqué que l’ouverture d’esprit concernant la place de la femme à l’hôpital est une question de respect et de reconnaissance de la compétence de la femme, car les femmes peuvent avoir les mêmes aptitudes que les hommes. Mais il est surtout aussi question de génération. Les répondantes n°10 et n°11 par exemple rapportent la méfiance et la suspicion des anciennes générations, notamment les baby-boomers quant aux compétences des femmes et leurs places au sein de l’établissement hospitalier.
Cette méfiance ne les conduit pas à manquer de respect à la femme. Ils acceptent la féminisation du travail sans pour autant être convaincus de l’efficacité des femmes. Dans cette optique, les jeunes sont plus susceptibles d’accepter le fait qu’une femme devienne un supérieur hiérarchique ou devienne leurs homologues dans l’espace professionnel où ils étaient les principaux dominateurs. Les jeunes générations se montrent moins septiques à cette ascension professionnelle des femmes et trouvent qu’elles soient jugées pour leurs compétences et non pas sur leur genre.
13 répondantes sur 15 ont affirmé qu’elles ne ressentaient pas, tout au moins actuellement, des actes pouvant manifester la sous-estimation de la place de la femme par leurs collègues masculins. Par ailleurs, la supériorité des femmes en termes de nombre dans le service a été avancé comme étant un des facteurs ayant facilité l’acceptation de la femme comme étant l’égale de l’homme dans le service gynécologique. Lorsqu’il s’agit de la considération de la femme par l’homme, les répondantes n°10 et n°11 parlent encore de l’effet de la génération sur la considération de la femme par les gynécologues hommes.
- Les impacts du stéréotype de la femme sur l’atmosphère de travail
Nous cherchons à vérifier comment leurs collègues les perçoivent et les jugent. Par la même occasion, nous cherchons aussi à déterminer si ces stéréotypes peuvent avoir des impacts sur l’atmosphère de travail et sur la psychologie des répondantes.
Tableau 11 : Les impacts du stéréotype de la femme sur l’atmosphère de travail
Statut | N° | Réponses |
Indépendantes avec enfants | 2 | Les critères physiologiques sont différents de l’homme (force physique). Mais je ne me sens pas victime des stéréotypes féminins. Il n’y a pas de reproche de l’entourage et donc pas d’impact. Si par exemple, une collègue tombe enceinte, le service s’adapte sans mise en avant d’un quelconque stéréotype. |
3 | Je ne vois plus le cliché homme/femme. Chacun est différent et apporte ses qualités. Une femme gynéco peut ne pas être douce, certaines sont même très dures et rudes avec les patientes alors que beaucoup de gynécologues hommes sont souvent très doux, attentionnés. Je ne vois donc pas de stéréotype. | |
4 | Les relations entre femmes ne sont pas les mêmes qu’entre un homme et une femme. On ne communique pas toujours de la même façon. Cela influence la manière de travailler de fonctionner. Une femme va plus s’intéresser à la vie privée de ses collègues, à ses enfants. | |
6 | La femme apporte de l’humilité, moins de concours d’égoiste, moins de fierté masculine. | |
7 | Je ne ressens pas de stéréotype au sein de mon service à part au moment de ma grossesse où certains se sont permis des remarques. Si le congé de maternité était partagé entre les hommes et les femmes, il n’y aurait plus de réflexions déplaisantes et les femmes n’auraient plus de freins dans leurs carrières à cause de la grossesse. Cela permettrait aussi une meilleure répartition familiale, des tâches, de l’organisation, de l’implication, meilleur lien du père avec sa famille et ses enfants. | |
14 | Pas d’impacts car j’ai de l’expérience et on voit plus mon expérience que mon sexe. | |
15 | Aucun. | |
Indépendante sans enfant | 5 | Pas d’impact, pas de sexisme. |
Salariées avec enfants | 1 | Il reste quelques stéréotypes mais c’est très rare d’entendre ce genre de chose. |
10 | Les baby-boomers considèrent la femme comme hystérique lors des réunions. Leurs points de vue ne sont pas pris en compte. Cependant, il y a moins d’impacts maintenant car les femmes peuvent devenir médecins. Je souligne à nouveau l’importance d’une équipe mixte car les gynécologues hommes sont souvent très doux, attentionnés et respectueux de la douleur et de la pudeur, alors qu’une femme peut être plus rude et plus dure. | |
11 | Il n’y a pas d’impact avec les professionnels entre eux, car le traitement est égalitaire. | |
12 | On utilise les valeurs et les compétences de chacun des deux sexes. Je suis plus psychologue, j’utilise mes capacités d’écoute. On utilise les stéréotypes à notre avantage. | |
13 | Je ne vois pas vraiment d’impact à l’heure actuelle. | |
Salarié sans enfant | 8 | Je ne remarque pas cela dans mon service, mais je pense que çà doit exister dans d’autres professions. |
9 | Je n’en ai jamais ressenti. |
9 répondantes sur 15 ont mentionné ne pas être victime du stéréotype de la femme par leurs collègues. Pour les autres répondantes, les stéréotypes peuvent exister mais leurs impacts sont moins importants qu’auparavant. C’est le propos des répondantes n°1 et n°10. Les réponses des interviewées tendent toutes à montrer que si les stéréotypes peuvent exister, ils ne sont pas plus important. Les propos de la répondante n°7 semblent intéressants dans la mesure où elle rapporte l’inexistence d’un stéréotype tout au long de l’année. Par contre, le stéréotype réapparait lorsque la femme tombe enceinte. Dans certains établissements de santé, le service est aménagé lorsque la femme tombe enceinte (n°2), mais dans le cas de la n°7, c’est le cas contraire qui est constaté.
- Les contraintes professionnelles liées au métier de gynécologue obstétricienne
Après l’évaluation de la considération des femmes gynécologues par leurs pairs, nous entrons maintenant dans l’analyse des contraintes professionnelles subies par les répondantes et évaluons par la suite leur aisance ou au contraire, les pressions qui pèsent sur elles pour concilier la vie professionnelle et la vie privée.
Tableau 12 : Les contraintes professionnelles d’une gynécologue obstétricienne
Statut | N° | Réponses |
Indépendantes avec enfants | 2 | Etre disponible en permanence. Le GSM toujours dans la poche. L’accouchement est imprévisible dans la grande majorité des cas. Si une collègue est absente, on est directement en surcharge de travail. Mais en temps normal, je ne me sens pas surchargée et j’accepte cela. Ça fait partie du boulot. |
3 | Très pénible : garde, horaire. Je suis appelable en cas d’accouchement. Je ne peux pas partir en vacances quand une patiente est à terme. Les horaires permettent peu d’aller chercher ou conduire mes enfants à l’école. C’est un métier prenant et accaparant. | |
4 | La disponibilité 24 h/24 et 7/7. Les accouchements sont rarement programmables et prévisibles. Cela impose la disponibilité du mari et des grands parents pour garder les enfants. Cela demande de l’organisation et on dépend de beaucoup de monde. Notez que c’est beaucoup plus difficile quand on a des enfants. Cela impacte sur ma vie privée avec les problèmes pour partir en vacances, pour aller souper chez des amis etc. On peut être appelée n’importe quand, et il y a beaucoup d’incertitude. | |
6 | C’est l’horaire et particulièrement le fait d’être appelée 24h/24, 7/7 | |
7 | L’horaire : on ne sait pas à quelle heure on finira, et le fait d’être appelable à n’importe quel moment. Le conjoint a une grande importance. On ne peut pas lâcher ses patientes pour des raisons d’horaire. On ne peut pas dire à une patiente qu’on l’accouchera ou qu’on finira l’accouchement une autre fois ! | |
14 | Les gardes de nuit, les accouchements impromptus, nécessitant de rester plus tard ou de revenir travailler au soir et les jours de weekends. Il faut gérer l’agressivité des patientes et de leurs conjoints souvent témoins de l’inquiétude. Il faut prendre du temps et de l’énergie pour diminuer l’inquiétude et l’angoisse des couples. | |
15 | Le fait de revenir à toute heure du jour et de la nuit accoucher ses patientes. | |
Indépendantes sans enfant | 5 | Disponibilité 24 h/24 et 7/7j pour l’accouchement. Il y a l’aspect relationnel avec la patiente qui fait que la gynéco se sent investie et ne va pas se mettre en repos si la patiente risque d’accoucher ou d’appeler (GSM). |
Salariées avec enfants | 1 | Horaires difficiles. On peut être appelée à n’importe quel moment. Il y a beaucoup de travail. On travaille souvent le soir et on a une grosse charge de travail. Les études sont difficiles et on a de grosses responsabilités au niveau civil et pénal. |
10 | Il y a de gros volumes horaires, gardes de nuit, les weekends et les jours fériés. J’amène le travail à la maison. Des histoires malheureuses avec ou pas d’erreurs personnelles peuvent générer de l’angoisse, voire de la dépression. La formation est difficile surtout, durant l’assistanat, particulièrement avec des enfants en bas âge. | |
11 | Les gardes sont lourdes, mais je n’ai pas de rappel en dehors des gardes. La responsabilité de la vie d’un enfant et de sa mère, le stress, le fait que durant une journée, tout peut basculer d’un moment à l’autre. Il y a l’imprévu, les changements de rythmes avec les urgences. C’est un métier difficile. | |
12 | La disponibilité : on est appelée n’importe quand, le caractère d’urgence. On ne peut pas différer un accouchement, ni arrêter en plein milieu pour aller chercher ses enfants à l’école. Je suis très sollicitée pour des avis médicaux. | |
13 | Les accouchements se font à n’importe quelle heure. Cela demande une disponibilité à tout moment avec les impacts que cela a sur la famille et la santé. Mais quand une gynécologue revient, elle gagne beaucoup d’argent. | |
Salariées sans enfant | 8 | On doit être tout le temps sur le qui-vive car, on est susceptible d’être appelée n’importe quand. Mais je l’ai choisi. J’emporte toujours une partie du boulot avec moi à la maison. J’ai toujours mon GSM sur moi au cas où. |
9 | La contrainte majeure est de pouvoir être appelée à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. On ne sait jamais quand on va être appelé. Mais ce n’est pas mon cas actuellement. |
Les répondantes ont mentionné entre une et quatre contraintes lorsqu’elles ont été questionnées concernant les contraintes professionnelles. La disponibilité et l’horaire du travail qui, dans la majorité des cas est très surchargée est citée en premier lieu par les répondantes. Par ailleurs, c’est la contrainte la plus fréquemment citée par les répondantes. Les termes disponibilités et horaires ont été citées en premier lieu au moins treize fois par les répondantes.
Ces dernières soulignent la nécessité de rester à la disposition des patientes de jour comme de nuit et pendant tous les jours de la semaine dans le but d’aider les patientes. Les jeunes mères en effet, ne peuvent pas connaître la date et l’heure exacte de l’accouchement. Or, à ce moment, la gynécologue devrait déjà être présente. Ici, les répondantes ont déjà mentionné les impacts négatifs de tels horaires de travail sur la vie de famille : impossibilité pour elles d’avoir un peu plus de temps pour amener leurs enfants à l’école et pour les chercher. Parfois même, les gynécologues ne peuvent pas partir en vacance vu qu’elles peuvent être appelées à tout moment. La répondante n°8 pour sa part a mentionné en premier lieu le stress lié au fait qu’elle est toujours sur le qui-vive parce qu’elle peut être attendue à tout moment.
A la deuxième place, les répondantes ont particulièrement mentionné la charge excessive du travail qui les oblige à ramener du travail à la maison. Vient ensuite les contraintes émotionnelles et morales liées à l’essence même du travail de gynécologue obstétricienne. Il y a la relation avec la patiente, et la charge morale et émotionnelle que représente le fait d’être responsable de la vie de la mère et de l’enfant. Puis, il y a les contraintes liées à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée. Les répondantes n°3 et n°4 rapportent ce souci avec le travail de gynécologue obstétricienne. Elles ne peuvent pas délaisser une patiente pour aller s’occuper de leurs enfants. Comme résultat, il y a une grande perturbation dans la vie de la famille parce que le mari et les grands-parents sont souvent sollicités pour s’occuper des enfants. En d’autres termes, les principales contraintes citées par les répondantes peuvent être résumées en trois catégories :
- La disponibilité incluant les gardes, les horaires qui ne permettent pas beaucoup de liberté à la femme gynécologue, la possibilité d’être appelée à tout moment et tous les jours de la semaine
- La pénibilité du travail de gynécologue obstétricienne comme la nécessité de gérer l’agressivité des patientes et de leurs conjoints, la contrainte pour rassurer les patientes, les responsabilités civiles et pénales, le stress causé par le fait d’être responsable de la vie de deux personnes.
- La difficulté à concilier la vie privée et la vie professionnelle : pas de vacances pour se retrouver en famille, pas d’horaires stables pour accompagner les enfants à l’école, bouleversements au niveau des relations familiales suite au fait de confier les enfants au mari et aux grands-parents.
Le nombre de citations de ces différentes contraintes et leur importance sont représentés sur la figure suivante
Figure 4 : Les principales contraintes liées au métier de gynécologue obstétricienne
Cette figure montre que la disponibilité constitue la principale contrainte (47%) dont se plaignent les gynécologues obstétriciennes. En effet, l’accouchement est un évènement imprévisible et il peut toujours surprendre le médecin. A la deuxième place se situe la pénibilité du métier (40%) puisque certaines contraintes au niveau des horaires, de l’émotion et morales ont été associées à ce métier. Puis, il y a la difficulté dans ce cas, de concilier la vie professionnelle et la vie privée (13%).
- Investissements personnels des gynécologues obstétriciennes pour pouvoir assumer leurs rôles dans leurs lieux de travail
Nous avons vu les différentes contraintes liées au métier de gynécologue obstétricienne. Dans cette partie, nous allons recenser les stratégies et les sacrifices faits par ces travailleuses pour pouvoir accomplir leurs missions.
Tableau 13 : Les investissements personnels des femmes gynécologues obstétriciennes
Statut | N° | Réponses |
Indépendantes avec enfants | 2 | Le sacrifice du temps de famille surtout quand je suis rappelée pour un accouchement. Les sacrifices consentis (hobbies, etc.) sont au bénéfice de la famille. |
3 | Un arrêt d’un an pour épuisement professionnel. La vie affective en a pris un coup. J’ai dû arrêter le sport et diminuer mes heures de sommeil pour pouvoir avoir une vie de famille et pour vivre. | |
4 | J’ai renoncé à beaucoup de loisirs comme le sport, le piano. Je suis moins disponible pour mes enfants que je ne le voudrais. | |
6 | J’ai arrêté le sport et j’ai mis mes hobbies de côté. Je consacre tout mon temps libre à ma famille. | |
7 | Je ne peux pas aller chercher mes enfants à l’école. J’ai divorcé à cause de mes horaires tardifs et de la différence salariale. Cela a été difficilement supporté par mon conjoint. Je n’ai presque plus de hobbies, pas beaucoup de vie sociale, pas beaucoup de temps en-dehors de l’hôpital. Le temps de famille est réduit car il y a encore la consultation du samedi matin. On a moins de vacances. Difficile de faire du sport le soir en raison d’éventuelles urgences. Il y a le sacrifice de temps de sommeil pour augmenter le temps de vie privée. | |
14 | Il faut être disponible même en dehors des heures de travail. Il faut travailler sa patience et sa diplomatie. On doit laisser de côté le travail avec les émotions et la fatigue une fois rentrée à la maison. | |
15 | Il faut renoncer à certaines activités familiales, ou plus souvent, contraindre ses proches à se calquer sur ses gardes pour planifier les activités (repas, fêtes, sorties, etc.) | |
Indépendantes sans enfant | 5 | Je ne pense pas faire de sacrifice. Je reste joignable, je reviens à l’hôpital quand il le faut. Je prévois de faire du sport à des jours fixes. Si la patiente risque d’accoucher, alors je ne vais pas au sport, mais si je suis au restaurant avec des amis, je demande à l’hôpital de ne pas m’appeler. |
Salariées avec enfants | 1 | Je ne peux pas conduire ou chercher mes enfants à l’école. Il y a moins de temps passé en famille, plus de hobbies. Mais c’est difficile de se comparer car je ne connais que ma situation. J’observe quand même une amélioration depuis que je ne suis plus assistante. |
10 | J’ai fait de gros investissements de temps durant la formation et des sacrifices énormes pendant cette période. J’étais un rat de bibliothèque pendant que les autres faisaient la fête. J’ai sacrifié ma vie privée. Je ne peux pas aller tous les jours chercher ou conduire mes enfants à l’école à cause de mes horaires. | |
11 | Travailler un samedi complet par mois est le plus gros sacrifice car c’est au détriment de ma vie de famille et de mon couple ; les gardes surtout les weekends et les jours fériés. J’éprouve de la difficulté à m’absenter si un des enfants est malade par exemple, car cela surchargerait les collègues. Même chose si je suis malade, donc je néglige ma santé. | |
12 | Je n’ai aucun loisir. Tout est organisé, réfléchi pour le bien-être de ma fille. Tout mon temps libre est consacré à ma fille. Donc je dors moins et mal. Je n’ai pas de temps pour moi. Si ma fille est heureuse, alors je suis heureuse aussi. C’est un bonheur par procuration. C’est un métier où l’on donne beaucoup de soi, où l’on s’occupe plus des autres que de soi. | |
13 | Pas grand-chose, mais j’ai toujours trouvé que j’avais trop de tendance à faire à la maison. | |
Salariées sans enfant | 8 | Je n’ai pas arrêté ma vie pour mon boulot. Mais je reconnais qu’être célibataire et sans enfant est un avantage. |
9 | J’ai investi énormément de temps. J’ai mis ma vie entre parenthèses pour les autres. J’ai diminué les hobbies, les temps de couple, mais j’ai conscience d’avoir signé pour çà et je fais avec. |
D’après ce tableau, la grande majorité des répondantes ont trouvé que le sacrifice le plus important et le plus fréquemment cité est le sacrifice des hobbies et du temps libre pour s’occuper des patientes. Vu l’imprévisibilité du métier de gynécologue obstétricienne, les médecins ne peuvent pas établir la date et l’heure exacte de l’accouchement, ce qui les oblige à rester toujours sur le qui-vive et ne pas avoir de temps à elles. Ces démarches sont les plus citées par les répondantes comme étant des stratégies permettant d’accomplir les missions des gynécologues obstétriciennes. Par contre, les femmes gynécologues ne renoncent pas à leurs familles. Ce sont elles qui sacrifient leurs temps libres et leurs hobbies et leurs sommeils au profit de leurs familles. Nombre d’entre les répondantes ont mentionné le fait de ne plus pratiquer des activités en dehors de leur travail.
Sur ce thème il y a une différence entre les femmes mariées et/ou ayant des enfants lorsqu’il s’agit de déterminer les sacrifices pour accomplir le travail de gynécologue obstétricienne. Deux répondantes sur trois dans la catégorie des salariées et des indépendantes qui n’ont pas d’enfants affirment qu’elles ne font pas beaucoup de sacrifices pour faire leur travail. Celles qui ont des enfants sont conscientes de devoir encore assumer certains devoirs en tant que mères de famille et d’épouse. Certains sacrifices sont très importants chez les femmes médecins qui ont des enfants : le divorce et la prise en charge seule de ses enfants. Ce problème ne se pose pas chez les femmes célibataires qui n’ont pas encore d’enfants.
- Tâches accomplies par les répondantes au foyer
Nous avons abordé précédemment, les contraintes liées au travail de gynécologue obstétricienne ainsi que les sacrifices faits par les répondantes pour pouvoir mener à bien leurs missions. Il importe maintenant d’évaluer les charges de travail qui les attendent quotidiennement chez elles.
Tableau 14 : Partage des tâches domestiques entre l’homme et la femme dans la sphère familiale
Statut | N° | Femme | Homme | Partagés entre le couple | Autres personnes |
Indépendantes avec enfants | 2 | Ménage, lessive, repassage, course, administratif (professionnel et familial) | Bain et souper pour celui qui rentre tôt
vaisselle |
||
3 | Course, lessive, cuisine | Vidage du lave-vaisselle | S’occuper des enfants, les chercher et les conduire à l’école | Femme de ménage : ménage et repassage | |
4 | Cuisine, lessive | Administratif | Repassage, s’occuper des enfants, courses, vaisselle | Femme de ménage : nettoyage | |
6 | Courses, repassage, lessive, cuisine, conduire les enfants à l’école | Chercher les enfants à l’école, administratif | Vaisselle | ||
7 | Repas, lessive | Conduire et chercher les enfants à l’école, s’occuper des enfants, administratif | Courses, vaisselle | Femme de ménage : repassage, nettoyage | |
14 | Accompagnement des enfants à l’école, courses, repas, organisation du planning, gestion de la nounou (recrutement, paiement, vérification de l’accomplissement des tâches), planification des vacances et des weekends, gestion du planning familial, invitations), jouer avec les enfants, lecture d’histoires, lessive, vaisselle | Administratif | |||
15 | Lessive, supervision des devoirs, bain et coucher sa fille, repassage, rangement administratif, administratif | Bain et coucher des enfants (parfois seulement),
Cuisine, course |
Conduire les enfants à l’école, vaisselle | ||
Indépendante sans enfant | 5 | Tout | Femme de ménage : ménage et repassage | ||
Salariées avec enfants | 1 | Lessive | Course, administratif, s’occuper des enfants | Cuisine et vaisselle | Femme de ménage : nettoyage, repassage
Belle-mère : repassage des chemises du mari |
10 | Course, lessive | S’occuper des enfants, administratif | Cuisine, vaisselle | Femme de ménage : nettoyage, repassage | |
11 | Cuisine, lessive | Course, administratif | Vaisselle, s’occuper des enfants | Femme de ménage : nettoyage et repassage | |
12 | Vaisselle, cuisine, course, bain, coucher, habiller sa fille, préparer les affaires de sa fille pour l’école | Administratif | Femme de ménage : nettoyage et repassage | ||
13 | Lessive, rangement | Cuisine, administratif | Course, vaisselle, s’occuper des enfants | Femme de ménage : nettoyage et repassage | |
Salariées sans enfants | 8 | Tout | Femme de ménage : ménage | ||
9 | Lessive, repassage, administratif | Cuisine, vaisselle, course |
Ce tableau montre que deux conjoints sur 12 seulement n’ont pas de tâches particulières à accomplir une fois rentrés chez eux. Nous voyons en même temps, que les femmes, qu’elles soient indépendantes ou salariées, qu’elles aient des enfants ou non, ont toujours une charge assez conséquente. Contrairement aux idées reçues, les femmes qui n’ont pas d’enfants s’occupent de toutes les tâches ménagères et domestiques, alors que les femmes avec des enfants peuvent se partager des tâches avec leurs conjoints. Cependant, nous ne savons pas si les femmes n’ayant pas d’enfants vivent seules ou avec d’autres personnes, ce qui pourrait augmenter leurs charges de travail domestique, une fois rentrées chez elles.
Dans la plupart des cas, les hommes participent à des tâches domestiques. Cela concerne l’historien, l’ingénieur, le salarié de banque, le biostatisticien, l’économiste et les médecins. Les compagnons des répondantes ne sont pas exclusivement responsables des tâches parentales. Il semblerait alors que ce genre de tâche soit vraiment assigné à la femme. Par contre, quand les hommes y participent, ils participent également à des tâches domestiques. Ainsi, les hommes qui font des tâches mixtes c’est-à-dire des tâches domestiques et des tâches parentales sont moins nombreux que les hommes qui s’occupent exclusivement de tâches domestiques (4 contre 7). Seul un médecin ne participe à aucune catégorie de tâches. Ce tableau montre également que 10 répondantes sur 15 font appel aux services d’une autre personne pour assurer certaines tâches domestiques notamment, le ménage. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une femme de ménage. Seule la répondante n°1 a mentionné sa belle-mère qui aide son mari à repasser ses chemises.
- Contraintes et sacrifices liées au fait d’être épouse et mère
Après l’analyse des charges domestiques de la femme gynécologue par rapport à celles de son mari, nous allons maintenant identifier les contraintes qu’elles ressentent et les sacrifices qu’elles font en tant qu’épouses et mères. Les résultats suivants découlent seulement des femmes salariées et indépendantes mariées ayant des enfants.
Tableau 15 : Les contraintes et sacrifices liées au fait d’être épouse et mère
Statut | N° | Contraintes | Sacrifices |
Indépendantes | 2 | Pas de contraintes par rapport au fait d’avoir des enfants. C’est un choix que j’assume avec plaisir. J’ai trouvé un équilibre entre mon couple et ma vie de mère. Je fais beaucoup d’activités en famille, mais je réserve des moments pour mon couple. | J’ai sacrifié mes hobbies pour ma vie de famille. |
3 | Pas de contraintes autres que celles d’être maman. Je garde uniquement du temps pour mon couple.
Mon mari travaille trop et moi je subis la pression de travail. Pour moi, deux parents qui travaillent à temps plein avec trois enfants, c’est impossible. Mon mari ne prend pas assez de temps libre. |
J’ai réduit le temps de mon temps de travail | |
4 | L’intendance pour les enfants est compliquée ; garder, aller conduire, chercher les enfants. Cela nécessite toujours un plan B, plus deux fois plus de lessives, de repassages, etc. | Je ne considère pas çà comme des sacrifices. Je suis très heureuse d’être mère et épouse, mais je n’ai plus de vie personnelle ni de loisirs. Je consacre tout mon temps à mes enfants avec plaisir. Je me sens épanouie | |
6 | Etre mère a chamboulé ma vie. | Ma vie a été mise de côté. | |
7 | L’inquiétude et l’organisation. Il y a un problème si un enfant est malade, s’il y a des soucis à l’école. Les diverses priorités de la famille influencent le travail et la vie de couple. Il est important de laisser de la place pour le couple et de ne pas avoir que les enfants comme centre d’intérêt, de garder de l’intérêt pour le conjoint : ce qu’il pense, ce qu’il aime, etc. | On évite de sacrifier le couple et de se sacrifier soi-même. Il faut garder du temps pour soi. Je ne fais plus de sport, plus d’activités culturelles, plus de jardinage, plus de vie sociales comme les sorties entre copines, etc. | |
14 | Disponibilité permanente pour les enfants, patience et douceur en toute circonstance, joie, garder la forme physique, garder une relation forte avec son conjoint. | On met de côté certains voyages ou certaines envies pour passer plus de temps avec les enfants ou avec son conjoint. J’ai peu de temps pour moi : lecture, musées, cinés, sorties, etc. | |
15 | Il est parfois difficile de trouver du temps pour le couple, pour les enfants, pour moi. | Moins de temps pour soi, pour ses propres loisirs | |
Salariées | 1 | Se forcer à partir plus tôt pour voir ses enfants. Je prends du travail à la maison. | Je ne me considère pas faire des sacrifices. |
10 | Il n’y en a pas, mon mari est assez cool. Pas de contrainte d’épouse, mais des contraintes logistiques : activités, repas, etc., l’implication dans l’éducation et la scolarisation des enfants. Il y a des contraintes familiales essentiellement. | Je ne sors plus. Je n’ai plus de relation de séduction avec d’autres hommes car j’ai déjà une relation amoureuse. Au niveau mère, c’est essentiellement le temps. | |
11 | Une journée de travail se poursuit jusqu’à 21h de par la charge de famille : les bains, les devoirs, les repas, les couchers, la discussion avec les enfants. | Une journée de travail se poursuit jusqu’à 21h de par la charge de famille : les bains, les devoirs, les repas, les couchers, la discussion avec les enfants. | |
12 | J’ai l’impression que toute la famille dépend de moi que ce soit mon mari ou mes enfants. Je me sens responsable du bon fonctionnement familial. | J’ai l’impression que toute la famille dépend de moi que ce soit mon mari ou mes enfants. Je me sens responsable du bon fonctionnement familial. | |
13 | Je suis souvent absente, donc le père est le plus souvent avec les enfants. | Je n’ai pas l’impression de faire des sacrifices. Il y a eu des moments difficiles avec des enfants malades. C’est difficile de les caser quelque part car mon mari et moi travaillons tous deux. C’est difficile pour moi d’accepter de ne pas remplir mon rôle quand un enfant est malade et de devoir le confier à quelqu’un d’autre. Si tout le monde est bien, pas de souci. |
Les répondantes n°2 et n°10 estiment qu’il n’existe pas de contraintes par rapport au fait d’être mère. Pour la première, c’est un choix et un plaisir d’être mère. Pour l’autre, les contraintes ne se font pas ressentir parce que son mari s’implique dans toutes les tâches concernant les enfants et la vie de famille. 10 autres répondantes sur 12 trouvent que le rôle de mère est très contraignante avec le manque de temps, les enfants qui tombent malades, leur éducation. En tant qu’épouses, elles ont aussi certaines contraintes par rapport à leurs maris. A force de travailler et de s’occuper des enfants, les mères de familles peuvent ne pas trouver du temps pour s’occuper de son mari, pour améliorer leurs vies de couples. Pour affronter ces différentes contraintes de nombreuses répondantes ont décidé de sacrifier leurs vies personnelles, leurs vies de couple, leurs loisirs pour les consacrer à l’éducation des enfants. Ces femmes ne trouvent plus de temps pour elles-mêmes.
- Stratégies de conciliation vie privée-vie professionnelle
Les femmes gynécologues sont des femmes qui ont des charges de travail conséquentes tant au niveau professionnel qu’au niveau personnel. Il est par conséquent important de connaître les stratégies qu’elles ont mises en place pour concilier leur vie privée et leur vie professionnelle.
Tableau 16 : Stratégies de conciliation vie privée-vie professionnelle chez les femmes gynécologues obstétriciennes
Statut | N° | Réponses |
Indépendantes avec enfants | 2 | J’ai adapté mon temps de travail. En réduisant mon temps de travail, j’ai réduit ma patientèle privée et donc, je suis moins souvent appelée en urgence pour accoucher. Mon mari et ma mère sont présents et m’aident. |
3 | J’ai diminué mon temps de travail de 4/5 à 3/5 et j’ai stoppé les accouchements. Cela a provoqué la diminution des revenus de la tranche de 10 000 à 15 000, à la tranche de 5 000 à 8 000. Mais je ne suis plus appelée à n’importe quel moment. J’ai donc 2/5 libres répartis entre une journée pour la famille et une journée pour moi. | |
4 | Je compte sur mon entourage. Cela demande beaucoup d’organisation et de prévisions à l’avance pour éviter les imprévus. Par exemple, je prépare les vêtements des enfants la veille car je ne sais pas si je serais là. | |
6 | Je mets des limites professionnelles, j’ai appris à dire non. Le vendredi, c’est congé pour s’occuper de mon enfant. | |
7 | Je prends du congé le jeudi après-midi. La première partie, c’est le temps pour moi et la deuxième partie, c’est le temps pour mes enfants. J’utilise un baby-sitter une fois par mois pour avoir des activités de couple. La profession de mon conjoint (enseignant) facilite grandement la gestion familiale par ses horaires journaliers et ses vacances scolaires. J’ai aussi une aide-ménagère. | |
14 | Je ne fais pas de recherche afin de préserver du temps pour ma famille et mes enfants. J’ai également choisi de ne pas partir en congrès qu’une fois par an et de ne pas faire de missions humanitaires. Mon conjoint est beaucoup à l’écoute et m’aide quand je le lui demande. Je prends parfois des pauses de quelques minutes entre les diverses tâches afin de souffler. Je prends des moments de pause pour la randonnée avec ma sœur, sans mon conjoint, sans les enfants tous les trois mois. Je fais du yoga une fois par semaine le soir et à ce moment, pas de retours d’école, pas de dîner, pas de bain, pas de coucher. Je pars travailler à vélo quand je ne conduis pas les enfants à l’école. Je suis passée en 4/5 pour avoir un peu de temps pou moi, pour m’occuper des enfants et pour les tâches ménagères. | |
15 | Je travaille 7/10, ce qui me laisse plus de temps pour la vie de famille et la réalisation des tâches quotidiennes sauf quand il y a rappel pour accouchement. Je m’organise mais je sais dire stop. J’ai une baby-sitter une fois par semaine et l’aide de mes parents. | |
Indépendante sans enfant | 5 | Je me suis engagée dans la formation de jeunes danseuses et les horaires sont imposées donc, je demande à l’hôpital ne pas m’appeler pendant ces heures-là. Sinon, je prends avec philosophie le fait d’être rappelée. Çà fait partie du métier. |
Salariées avec enfants | 1 | Il faut une bonne organisation, bien répartir et sélectionner son agenda. Je supprime parfois un ou deux rendez-vous professionnels pour avoir une meilleure vie privée. |
10 | J’ai préservé ma vie privée en faisant un choix mais non de sacrifices de carrière dans un hôpital plutôt que dans un CHU, de ne pas être indépendante, de travailler dans un hôpital en périphérie. Je libère le mercredi après-midi pour être avec mes enfants. Je prends pour moi, le temps de récupération post-garde. Mon mari est cool avec un horaire plus adapté pour s’occuper de mes enfants et de ma vie de famille. | |
11 | Il y a mon conjoint. Le choix d’être salariée permet d’être plus présente pour ma famille, d’être mieux organisée et donc d’éviter les imprévus. Il y a l’aide de la femme de ménage. | |
12 | Je fais ce que je peux. Je calque mon rythme de vie sur celui de ma fille pour ne pas la pénaliser par mon boulot. Je ne veux pas que ma fille subisse le fait que ses parents travaillent trop. | |
13 | Je limite mes activités à la famille. Je me consacre entièrement à elle, mais je n’ai pas envie de faire autrement. Mon hobby, ce sont mes enfants et mon mari. De plus, ma profession est pour moi un plaisir, une passion. C’est mon deuxième hobby. | |
Salariée sans enfant | 8 | Je n’ai pas changé ma vie privée. Ma vie professionnelle n’arrête pas ma vie privée. Je privilégie ma vie privée. J’ai eu un cancer l’an passé et j’ai appris ce qui était le plus important. J’ai appris à dire non au niveau professionnel. |
9 | C’est facile car les gardes sont planifiées à l’avance et je n’ai pas d’appel en-dehors des gardes. Je ne suis pas rappelée en dehors des gardes, car je n’ai pas de patientes privées. |
En ce qui concerne la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle, les gynécologues obstétriciennes indépendantes ont des contraintes et des stratégies différentes par rapport aux salariées. Pour les premières en effet, la contrainte repose sur le fait d’être rappelée à tout moment, ce qui ne leur donne pas assez de marge de manœuvre pour gérer leurs horaires et les imprévus qui peuvent se passer. Pour les deuxièmes, il y a moins de contraintes temps parce que les horaires sont plus ou moins planifiés. Ainsi, elles ne risquent pas d’être rappelées à tout moment pour une urgence. Mais dans les deux cas, l’équilibre et la conciliation vie privée-vie professionnelle dépend de leur capacité à répartir le temps alloué à la vie privée et à la vie professionnelle et à l’aide de leurs conjoints, et de l’extérieur (baby-sitter, mère, entourage, etc.)
Pour les indépendantes, cet objectif ne peut être atteint dans la majorité des cas. Les indépendantes sacrifient donc une partie de leurs temps de travail pour la consacrer à leur vie privée. En outre, elles réduisent aussi leur patientèle privée pour pouvoir se consacrer un peu à leur vie de famille et parallèlement à cela, elles réduisent aussi leurs honoraires. Les salariées par contre, ont dès le début fait le choix de devenir salariées pour avoir plus de contrôle sur leur vie professionnelle. Mais elles misent également sur l’organisation afin de pouvoir jouir d’une vie de famille épanouie.
Par rapport à leurs paires avec enfants, les salariées et les indépendantes qui n’ont pas d’enfants ressentent moins de pression pour concilier la vie privée et la vie professionnelle. Mais même dans ces cas, les salariées ont plus de marge de manœuvre parce que les imprévus sont moins nombreux.
- Risques d’épuisement professionnel suite aux efforts pour concilier la vie privée et la vie professionnelle
Nous constatons que les gynécologues obstétriciennes ont de nombreuses charges et doivent par conséquent, mettre en place des stratégies pour concilier leur vie privée et leur vie professionnelle. Cela pourrait représenter des risques pour elles.
Figure 5 : Proportion de femmes gynécologues qui pensent être soumises à des risques d’épuisement professionnel suite aux efforts de conciliation vie privée-vie professionnelle
Cette figure montre que dans la plupart des cas, les femmes gynécologues se sentent exposées au risque d’épuisement professionnel. Néanmoins, aucune d’entre elles ne se sentent en épuisement professionnel.
- Confrontation avec la partie théorique / Discussion
- La féminisation de la gynécologie obstétrique s’est accompagnée de l’évolution de la vision de la femme médecin en Belgique. Mais ce phénomène n’est pas suffisant pour améliorer les conditions de la femme gynécologue et encore moins de concilier la vie privée-vie professionnelle.
Désormais, la gynécologie obstétrique à l’instar de nombreuses autres disciplines, se féminise. Cela est en adéquation avec nos analyses théoriques. Avec ce phénomène, aussi bien leurs collègues que les patients ont accepté la capacité de la femme à entrer dans le domaine médical et à assurer ce poste au même titre que les gynécologues hommes. Certes, des séquelles liées aux stéréotypes de la femme, un être inférieur et la femme au foyer continuent à perdurer même dans la sphère médicale, mais cela n’empêche pas que les femmes gynécologues se sentent écoutées et respectées pour leurs compétences et non pas pour leur genre.
La persistance du stéréotype de la femme découle des effets de génération. Les résultats ont montré que les jeunes générations ne posent plus problèmes liés aux effets du genre. Les générations baby-boomers par contre, se montrent plus soupçonneuses de la capacité des femmes à intégrer la discipline médicale. Mais leurs propos sont souvent tenus à l’écart, ce qui permet à la femme gynécologue de se faire respecter pour ce qu’elle est. Dans cette optique, il n’existe pas de différences notables en ce qui concerne la considération de la femme médecin ni de la part de ses collègues ni de la part des patientes. La persistance du stéréotype de la femme peut entre autres, être causée par la culture de la patiente ou de son conjoint. Mais tous ces faits tendent à montrer que la femme gynécologue obstétricienne a bien trouvé sa place dans la sphère médicale.
Mais si elles sont acceptées pour leurs compétences, elles le sont moins pour leurs vies privées, plus particulièrement lorsqu’elles tombent enceintes et deviennent mère de famille. Une répondante a soulevé le fait que les commentaires arrivent de la part de ses collègues quand elle tombe enceinte. Cet évènement de la vie qui peut arriver à toute femme n’est donc pas pris en considération par la direction de l’établissement de santé alors qu’il accepte qu’une femme exerce en tant que gynécologue obstétricienne. La branche gynécologie obstétrique connaît bien les conditions de la femme et les problèmes auxquels, elle peut être confrontée. Les patientes ont toujours droit à plus d’indulgence, mais les femmes gynécologues non, alors que leur physiologie et leur psychologie sont les mêmes en tant que femme et future mère de famille.
Apparemment, les établissements de santé belges ne disposent pas encore ou n’ont pas encore mis en place des structures et des organisations permettant à la femme de concilier leur vie privée et vie professionnelle. Les répondantes n’ont pas parlé de possibilité de flexibilité au niveau horaire pour s’occuper des enfants. Elles continuent encore à travailler même étant enceintes alors qu’il existe des risques professionnels pour cela. Les horaires et les imprévus restent des barrières pour la conciliation de la vie privée-vie professionnelle. Ces faits tendent à montrer que si la femme est bien acceptée en tant qu’être humain capable de travailler, d’assurer une certaine prestation de services et d’avoir les mêmes compétences que l’homme dans la gynécologie obstétrique, il semble que ce service n’a pas encore accepté leurs rôles de mère et d’épouse.
- Le métier de gynécologue obstétricienne même si elle semble mieux adapté aux femmes et pour les femmes, est un métier accaparant et causant de lourdes charges physiques et psychologiques. Il renforce la difficulté de conciliation de la vie-privée et de la vie professionnelle.
Les répondantes ont rapporté toutes les contraintes qu’elles subissent notamment à cause de la difficulté à gérer les horaires. Elles travaillent quand elles sont appelées en urgence surtout les gynécologues indépendantes. Ces horaires font en sorte que les femmes gynécologues ne peuvent pas toujours être disponibles pour leurs maris et leurs enfants. D’autre part, le métier est pénible dans la mesure où la femme gynécologue peut parfois s’identifier aux patientes. Parfois, elles sont même tentées de penser que la patiente qu’elle prend en charge a les mêmes ressources qu’elles. Et à travers leurs récits, il semble que la gynécologie pourrait favoriser la charge émotionnelle et les stress subis par les femmes gynécologues étant mal reconnue pour leurs devoirs de mère alors qu’elles aident les patientes à affronter cette expérience.
Par conséquent, elles n’ont d’autres choix que de faire des sacrifices au niveau de leurs temps, de leurs hobbies et de leur vie de couple. Alors qu’elles devraient être en compagnie de leurs familles, elles doivent délaisser celles-ci pour venir vers les patientes. Dans la majorité des cas, les gynécologues tentent tant bien que mal à bien répartir les horaires entre la vie de famille et la vie professionnelle. Ainsi, elles optent pour des horaires permettant de prendre en charge les patientes. En ce qui concerne les temps à passer en famille, elles ne trouvent d’autres voies que de sacrifier leurs temps libres qui, normalement, devraient être alloués pour leurs activités en-dehors du métier pour avoir plus de temps avec leurs maris et leurs enfants. D’autres vont même jusqu’à sacrifier leur sommeil, pour assurer à la fois leurs rôles de mères et leurs rôles de gynécologues obstétriciennes.
Il est d’ailleurs admis que la gynécologie obstétrique est une spécialité avec beaucoup de stress, de pressions et de contraintes. Elle exige de nombreux efforts de la part des praticiens pour pouvoir concilier la vie privée avec la vie professionnelle. C’est la raison pour laquelle, certains organismes comme le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (2011)[40] après avoir analysé les différentes contraintes liées au métier ont avancé quelques points permettant d’améliorer les conditions de travail. Cela passe par le discernement précoce des signes de stress et de fatigue chez les gynécologues et identification de leurs origines. Cela demande aussi l’amélioration de la gouvernance et de l’organisation pour permettre une meilleure flexibilité dans les horaires des gynécologues. Aussi bien les horaires de travail que la structure de travail sont considérés aussi bien par les individus que par son groupe d’appartenance dans le but de permettre une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée.
- Les contraintes des gynécologues augmentent lorsqu’elles sont enceintes et quand elles ont des enfants.
Nous avons analysé le cas des femmes gynécologues indépendantes et salariées, avec ou sans enfants, et nous avons observé que les contraintes liées à la conciliation vie privée-vie professionnelles augmentent considérablement lorsque la femme est enceinte et mère d’enfants de bas âge. Cela semble évident vu que les femmes célibataires et qui n’ont pas d’enfants ont moins de charges domestiques à assurer. Mais vu que ce sont des femmes, elles ont toujours des contraintes élevées pour accomplir les tâches domestiques. Leurs charges de travail que ce soit au niveau professionnel que privée semblent donc plus élevées par rapport à celles des hommes exerçant le même métier. Cela est en adéquation avec les propos tenus par Champagne et al. (2015 : 213).
Mais cette étude a permis de souligner que les contraintes liées à la conciliation de la vie privée-vie professionnelle est plus importante chez les indépendantes. Elles ne suivent pas un planning bien déterminé à l’avance si bien qu’elles peuvent être appelées à tout moment pour gérer des urgences. Mais ce cas n’est pas rencontré chez les femmes gynécologues salariées. Le statut de la femme gynécologue tend donc à accentuer les contraintes liées à leur métier et à leurs contraintes de familles. Dans cette optique, les stratégies mises en place pour les deux catégories de gynécologues obstétriciennes montrent une nuance.
Dans la mesure où ce sont les mères de famille et les femmes enceintes qui sont les principales victimes des horaires qui, débordent souvent, nous pourrions dire que ce métier tend à favoriser le stéréotype et l’exclusion de la femme du monde des gynécologues. Un paradoxe se pose en effet ici. Il y a d’une part, l’acceptation de la femme en tant que médecin, gynécologue, et d’autre part, il y a son exclusion indirecte en ne mettant pas à sa disposition les ressources nécessaires pour assurer ses devoirs en tant que mères et épouses. Comme les hommes n’accomplissent que des charges de travail domestique moins élevées par rapport aux femmes, la situation des femmes gynécologues obstétriciennes pourrait favoriser la démotivation de ces femmes voire même, la promotion du recrutement des hommes à ce métier.
Devant ce fait, les femmes gynécologues ne peuvent faire valoir leur droit au salariat et plus particulièrement, à leur droit d’être une gynécologue qu’en faisant aussi des sacrifices de leurs temps de travail, de leurs hobbies pour les consacrer à leur vie privée. D’autre part, nous avons mentionné l’importance de personnes extérieures qui aident les femmes gynécologues à accomplir leurs missions de gynécologues et de mères de famille.
- La conciliation de la vie privée-vie professionnelle chez les gynécologues obstétriciennes peut entraîner des risques d’épuisement professionnel.
Or, de telles approches pourraient causer des risques d’épuisement professionnel. Certes, les femmes qui ont été interrogées dans le cadre de cette étude ne se sentent pas encore en situation d’épuisement professionnel. Pourtant, elles ressentent que le risque est bien réel vu les charges qui les attendent tans dans la sphère professionnelle que dans la sphère privée. Cela est appuyé par les travaux de Langballe et al. (2010)[41] qui montrent que les médecins sont les travailleurs qui sont les plus à même de subir des burnout vu leur implication dans la prise en charge des maladies et des souffrances des autres. Dans cette optique, les conditions de la gynécologue obstétricienne en tant que femme, épouse et mère de famille, et aussi professionnel de la santé devrait être étudiées pour une meilleure conciliation vie privée-vie professionnelle.
Conclusion et perspective
La féminisation est constatée dans le domaine de la gynécologie obstétrique. Désormais, en Belgique, ces femmes médecins ont le même statut, sont acceptées par leurs collègues masculins et par les patientes comme ayant les mêmes compétences que les hommes. C’est leur capacité et non leur sexe qui est mis en avant et il semble que les stéréotypes liés à l’infériorité physique et mentale de la femme soient complètement abolie. La force numéraire des femmes dans ce service est surtout justifiée par la demande des patientes qui se sentent plus à l’aise et plus confiantes lorsqu’elles sont auscultées par une autre femme que par un homme qui pourrait ne pas comprendre les sentiments d’une femme.
Cependant, si leurs compétences à prendre en charge les maladies de la femme ne sont plus discutées, il n’en est pas de même pour leur aptitude à concilier la vie professionnelle et la vie privée. Du point de vue professionnel, les femmes gynécologues sont soumises à certaines contraintes. Elles doivent en effet gérer les stress induits par les nombreux imprévus, les horaires qui débordent parfois des horaires classiques, les incertitudes et les agressivités des patientes et de leurs conjoints. Du point de vue privé, en tant que femmes, elles doivent assurer de nombreuses tâches domestiques et parentales. Or, les tâches assignées à la femme dans la sphère domestique sont plus nombreuses et demandent plus de temps par rapport à celles de leurs conjoints. Certes, la femme gynécologue peut solliciter des aides extérieurs, mais cela n’empêche pas qu’elles soient aussi débordées dans leurs rôles d’épouses et de mères.
Certainement, les femmes gynécologues sont amenées à faire des sacrifices pour pouvoir assurer toutes ces responsabilités. Dans la plupart des cas, elles sacrifient leurs loisirs et le temps pour s’occuper d’elles-mêmes au profit de leurs enfants et de leurs maris. Elles diminuent entre autres, leurs horaires de travail pour dégager plus de temps pour leurs familles. Mais toutes ces démarches tendent toutes à accentuer la subordination de la femme aussi bien dans la sphère professionnelle que dans la sphère familiale. En effet, dans la première sphère, elles n’ont pas droit à des structures ou des facilités leur permettant de concilier leur vie professionnelle et leur vie privée, même quand elles sont enceintes ou quand elles sont des jeunes mères de famille. Dans la sphère privée, elles ne bénéficient pas de beaucoup d’appuis de la part de leurs conjoints. Ces derniers sont plus considérés comme étant des participants que des personnes vraiment impliquées dans la parentalité et la vie de couple. Et dans ce cas, la conciliation de la vie privée-vie professionnelle pour les femmes gynécologues reste encore un défi à surmonter.
Cette étude a permis de montrer les différentes conditions de travail des femmes gynécologues obstétriciennes en Belgique et les difficultés qu’elles peuvent rencontrer dans l sphère professionnelle et dans la sphère privée. Elles suscitent de nombreuses réflexions de la part de la direction des ressources humaines des établissements de santé sur la possibilité de revoir l’organisation au sein du service gynécologie obstétrique, à la fois dans le but d’améliorer la prise en charge des patientes, mais aussi pour motiver de plus en plus les femmes gynécologues. Cette étude veut également attirer l’attention des proches de ces femmes et de la société en général, sur la difficulté à concilier la vie privée et la vie professionnelle chez les femmes gynécologues.
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