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Stigmatisation des Jeunes PJJ : Effets et Enjeux dans le Travail Éducatif

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION     2
Partie I. LE CONCEPT DE STIGMATISATION ET LES STRUCTURES SOCIALES DE LA STIGMATISATION 5
  Chapitre 1. LA NOTION DE DIFFERENCE COMME FONDEMENT DE BASE DE LA STIGMATISATION 5
    Section 1. DE LA DELINQUANCE JUVENILE AU REDRESSEMENT SOCIAL 6
    Section 2. LE CAS DES JEUNES SOUS PROTECTION JUDICIAIRE 10
  Chapitre 2. DE LA SOCIALISATION A LA STIGMATISATION 13
    Section 1. LES DIFFERENTS TYPES DE STIGMATES 13
    Section 2. LES CRITERES INSTITUTIONNELS DE LA STIGMATISATION 16
Partie II. LES EFFETS DE LA STIGMATISATION DURANT LA PRISE EN CHARGE 19
  Chapitre 3. LES ENJEUX DE LA REINSERTION SOCIALE : MISE EN CAUSE DE LA DIFFERENCE 19
    Section 1. L’IMAGE DES JEUNES : ANALYSE D’IMPACT SUR LES RELATIONS AVEC L’ENVIRONNEMENT SOCIAL 19
    Section 2. LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES ET SOCIAUX DE LA STIGMATISATION 23
  Chapitre 4. LE PROCESSUS DE STIGMATISATION 26
    Section 1. INFLUENCE DE L’INTERACTION ENTRE LES JEUNES ET L’INSTITUTION 27
    Section 2. L’INFLUENCE MEDIATIQUE SUR L’IMAGE DU JEUNE DELINQUANT 28
Partie III. LE TRAVAIL EDUCATIF ET LA STIGMATISATION 31
  Chapitre 5. LES DEMARCHES D’ACCOMPAGNEMENT DES JEUNES 31
    Section 1. L’OBJECTIF DU TRAVAIL EDUCATIF 31
    Section 2. LES ENJEUX DE LA STIGMATISATION PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS EDUCATIFS 33
  Chapitre 6. LE CONTEXTE EDUCATIF COMME PERSPECTIVES DE REINSERTION SOCIALE DES JEUNES 34
    Section 1. POUR UNE MEILLEURE RECONSTRUCTION DE L’IMAGE DES JEUNES PJJ 34
    Section 2. POUR UNE TOTALE IMPLICATION DES PARTENAIRES A L’EDUCATION DU JEUNE PJJ 35
CONCLUSION     37
BIBLIOGRAPHIE     38

 

 

INTRODUCTION

 

En septembre 2010, après avoir réussi le concours externe d’éducateur PJJ, j’ai intégré l’école de la Protection Judiciaire de la jeunesse, situé à ROUBAIX pour suivre la formation statutaire des éducateurs. Dans le cadre de cette formation et après un premier regroupement en site central, j’ai effectué des stages de découverte qui me permettaient d’avoir un premier contact avec le terrain. Lors de mes stages, que j’ai effectués dans le département des Bouches-du-Rhône, j’ai été frappé par le terme utilisé dans l’univers social pour désigner les jeunes « pris en charge » à la PJJ.

 

L’appellation « jeunes PJJ » ne cessait de revenir dans le discours des différents intervenants que j’ai pu rencontrer jusque là. Cette dénomination m’a vivement interpellé de part sa résonance à certaines situations dans mon parcours professionnel. En effet, de surveillant dans un lycée, en passant par l’accompagnement de jeunes handicapés jusqu’au poste d’éducateur contractuel à la PJJ, j’ai toujours été le témoin de l’usage d’un grand nombre de termes, généralement péjoratifs, servant à dénommer des enfants en difficultés. Ces expériences, riches de situations m’ont confronté aux souffrances d’adolescents face aux préjugés, aux étiquetages dont ils étaient les cibles et s’en trouvaient prisonniers. « Délinquant, jeune à problème, jeune de banlieue, racaille, le malade mental, le voyou… » Autant de mots qui ne semblent pas sans effets dans le développement psycho-social de ces jeunes.

 

Après cette série de stages de découverte, s’en suivait un stage d’expérimentation en hébergement. Pour cela, j’ai donc intégrer un Établissement de placement éducatif du service public de la PJJ. Ce service prend en charge des jeunes, âgés de 16 à 18 ans, qui font l’objet d’une décision de justice au titre de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante et dont le principe fondamental est de privilégié l’éducatif sur le répressif. Dès les premiers temps de ce stage, mes observations n’ont fait que confirmer ce que j’avais entendu jusque là: les jeunes pris en charge par la PJJ  étaient l’objet de représentations négatives.

 

Lors d’un échange informel avec un de mes collègues, je lui ai fait part de l’objet de ma recherche que je pressentais étudier dans le cadre de mon mémoire. Complètement surpris, je me suis vu répondre: « c’est un sujet épineux auquel il ne faut pas se frotter, en plus tu risque d’y mettre de l’affectif ». Certes le choix d’un tel sujet n’était pas innocent de ma part et mon expérience personnelle me poussait à travailler sur ce type de problématique. En l’occurrence celui de la stigmatisation des jeunes pris en charge par une institution judiciaire.

 

De prime abord, j’ai eu le sentiment que mon collègue pensait que mon affect allait primer sur le positionnement professionnel. Effectivement, j’ai été moi même stigmatisé dans mon parcours de vie et je lui suis probablement encore, mais qui n’a jamais été la cible de préjugés et de stéréotypes dans notre société. La stigmatisation concerne tout le monde et agit dans la société de manière implicite ou explicite et dans le cas du travail éducatif il s’agit alors de s’interroger sur la manière dont elle interfère dans les processus à la fois délinquants comme ceux propres à la prise en charge. Ce travail de questionnement permanent est à la base de la construction de mon identité professionnelle. Il s’agissait alors pour moi de construire un objet de recherche avec le recul nécessaire tout en m’interrogeant sur un phénomène dont la seule évocation soulevait des appréhensions de la part de mes collègues.

 

C’est pourquoi, plusieurs questions ont commencé à éclore dans mon esprit: De quel type de stigmatisation les jeunes pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse sont-ils l’objet ? Comment désigne-t-on le public « pris en charge » dans le travail éducatif ? Quels effets ces catégorisations exercent-elles alors sur la personne ou sur les groupes? Il m’est apparu important d’approfondir une réflexion sur ce processus de stigmatisation, en tenant compte du discours des jeunes stigmatisés, en analysant comment il est questionné par les professionnels et en m’interrogeant sur les enjeux dans la relation éducative à la lumière d’un tel processus.

 

Pour mener à bien cette recherche, je me suis d’abord posé la question de savoir pourquoi je m’attachais à ce phénomène et choisir un objet de recherche qui allait probablement remettre en causes les pratiques existantes. Peut être parce cette recherche est motivée par un double intérêt, l’un personnel et l’autre professionnel, montrant bien que la stigmatisation ne réside pas seulement dans un certain nombre de clichés, ou de stéréotypes généraux, mais agit bien dans les différents registres de la vie sociale et concerne différents types de publics.

 

A titre personnel, j’ai été confronté à des pratiques stigmatisantes. Adolescent à l’école en tant que jeune d’origine marocaine j’ai été la cible d’insultes à connotations racistes, mais aussi parce qu’ayant un frère atteint d’une poliomyélite, j’ai été le témoin de nombreuses railleries à son égard et aujourd’hui même je m’aperçois, malgré les politiques mis en œuvre qu’il est toujours confronté à des difficultés d’insertion. Sur le plan professionnel, une expérience vécue sur mon terrain de stage illustre la manière insidieuse dont agit la stigmatisation. C’était lors d’un jugement au Tribunal pour enfant à Aix-en-Provence, j’accompagnais un éducateur, qui devait représenter le service en charge de la mesure éducative prononcée en pré-sententielle pour un jeune qui avait commis des dégradations de biens publiques.

 

« Julien a été mis en examen pour dégradation de biens publiques par incendie. Pendant l’audience il se montre désagréable, et lorsque le juge pointe sa longue période d’inactivité en lui demandant des explications, le jeune répond: « Ben, je cherche du travail, je trouve pas. C’est pas ma faute si c’est difficile. En plus personne ne veut me prendre ». Le juge lui demande alors: « Et pourquoi, pensez-vous qu’on ne veuille pas vous prendre? » Julien répond: « euh…parce que je suis un délinquant ».

 

Cette réponse confirmait mon idée selon laquelle les jeunes stigmatisés subissaient leur situation comme une fatalité. Cette posture tendait à les enfermer dans un statut de victimes d’un système stigmatisant. Dès lors les interrogations, qui constituent le cheminement vers ma problématique, vont prendre corps : Qu’est ce que la stigmatisation ? Quelles sont les causes et les effets d’un tel processus ? Comment ce sentiment d’être ou de se sentir stigmatisé pouvait-il se manifester ? Comment ces jeunes aux identités stigmatisés gèrent-ils leur mauvaise réputation ? Comment les accompagner au mieux face à ce processus ?

 

Ces premières interrogations m’invitaient à éclaircir cette notion à la fois insaisissable et omniprésente. J’ai entamé des recherches qui se sont révélées fructueuses. Dès lors, le concept de stigmate prenait place dans ma pensée. Selon Erving Goffman, le terme de stigmate sert à « désigner un attribut qui jette un discrédit profond en terme de relations ». Cette définition a clairement orienté l’approche que j’envisagerai pour penser le processus de stigmatisation. Il s’agit, en effet, dans cette recherche d’interroger les interactions des jeunes placés avec leur environnement social et l’institution PJJ.

 

Pour cela, les travaux d’Erving Goffman sont devenus incontournables pour étudier ce concept de stigmate. Pour ce sociologue, l’interaction est l’unité d’observation la plus pertinente pour penser le stigmate. Cette lecture m’a  permis d’envisager le stigmate sous une double dimension: le discours des mineurs et les discours de la société et des institutions. Au fur et mesure de mes lectures, ma pensée cheminait vers une la question suivante: L’institution pouvait elle renforcer cette stigmatisation ?

 

Muni de ma question, je m’en allais rencontrer mon directeur de mémoire qui m’a alors proposé la sociologie pour effectuer mes investigations, quoi de plus évident qu’une discipline qui se veut d’étudier les relations sociales. Dans un premier temps, ce cadre disciplinaire qui m’était inconnu et qui proposait de déconstruire toutes les idées préconçues pour pouvoir mener les investigations de terrain, m’a déstabilisé. L’objectif était de partir de mon questionnement initial pour arriver à construire une problématique pertinente et élaborer un corps d’hypothèses capable de répondre à ce questionnement. L’immersion dans le terrain devait me conduire à une formulation précise de mon objet de recherche. Ainsi je me devais d’être plus précis en délimitant mon objet d’étude.

 

Mon point de départ a été le stigmate lié à la « prise en charge par une institution judiciaire ».Depuis les nouvelles orientations qui recentrent l’action éducative dans le cadre pénal, l’institution classe les jeunes concernés dans la catégorie de « jeunes délinquants ». Bien entendu, d’autres stigmates seront pris en compte dans mes observations et analyses. Le retour sur le terrain et les différentes observations m’amèneront à affiner ma problématique et ainsi la centrer autour de ma pratique éducative en tant qu’éducateur stagiaire.

 

Partant de l’idée selon laquelle, la stigmatisation est un obstacle au travail éducatif, comment alors l’éducateur va t-il agir auprès des jeunes et adopter une démarche capable de sortir du cycle de la stigmatisation. Ce qui nous amène à voir successivement le concept de stigmatisation dans le cas des jeunes PJJ (partie I), ensuite d’en retracer les effets par rapport à la prise en charge institutionnelle (partie II) pour enfin en déterminer l’influence sur le travail éducatif (partie III).

 

 

 

Partie I. LE CONCEPT DE STIGMATISATION ET LES STRUCTURES SOCIALES DE LA STIGMATISATION

 

Autant d’auteurs l’auront reconnu, le problème de la délinquance se pose comme une préoccupation permanente de la société. Si la société existe c’est avant tout parce qu’il y a cet ensemble de règles qui régissent son fonctionnement, et auxquelles ses membres adhèrent. Cela étant, ces règles sont fondées sur un objectif d’organisation harmonieuse mais dans la plupart des cas, elles n’ont pourtant pas les mêmes effets sur tout le monde. C’est par ailleurs ce qui détermine « les phénomènes sociaux », comme l’apparition des classifications sociales. Et il se trouve que la jeunesse est la plus exposée à cette différence.

 

Et comme toute règle, l’organisation trouve également son sens dans les infractions commises par ses propres membres. Ce qui nous introduit à ce vaste concept de la délinquance juvénile. Le cas qui nous intéresse se rapporte plutôt aux adolescents, mineurs qui se retrouvent avec des problèmes de justice et qui sont admis en foyer spécialisé : « le foyer PJJ ». Ces jeunes sont exposés à des faits de stigmatisations tant au sein du foyer qu’à l’extérieur. Pour comprendre ce phénomène, nous nous intéressons dans cette première partie au concept de la différence comme élément fondamental de la stigmatisation (Chapitre 1), et à la notion de stigmatisation comme moyen avantagé de la socialisation (Chapitre 2).

 

Chapitre 1. LA NOTION DE DIFFERENCE COMME FONDEMENT DE BASE DE LA STIGMATISATION

 

Partons dans cette analyse des motivations des transgressions des règles sociales par la jeunesse. Nos entretiens avec les jeunes en hébergement à la PJJ dans un EPE des Bouches-du-Rhône, ont révélé la notion de différence par rapport au quotidien normal en société, comme premier facteur de la délinquance juvénile. Cette différence s’étend à toute dimension de la vie des jeunes en question. En effet, dans la majeure partie des cas, les jeunes enquêtés se retrouvent dans une famille désunies, séparation et divorce représentent bien le cadre de vie familiale. En outre, on parle également de la différence au niveau des classes et de revenu qui reflète bien la difficulté à laquelle ils doivent faire face. A ces facteurs s’ajoute l’origine ethnique, un premier obstacle auquel ces jeunes se heurtent à leur intégration sociale et qu’ils n’ont pas manqué de préciser ; les préjugés commencent en premier par leur identité arabe.

 

Ces jeunes sont donc confrontés déjà dans leur quotidien à des débuts d’exclusion. Leurs problèmes de justice interviennent par la suite comme l’élément décisif qui détériore leur image. On parle à ce niveau de stigmatisation par rapport aux réactions des autres par rapport à leurs actes délictueux. A notre connaissance, le respect des normes en société constitue une garantie essentielle de l’ordre social. Une infraction à ces règles renvoie à une condamnation selon la pratique judiciaire qui consiste d’une manière générale en un redressement social. Si nous sommes amenés à parler de stigmatisation c’est surtout pour rappeler à ces jeunes, combien leurs erreurs sont graves et qu’il est important qu’ils en retiennent une leçon, bien que cela crée une réaction à la fois défensive et agressive de la part de ces jeunes. La question qui se pose est donc de savoir à quel point la délinquance juvénile constitue une atteinte au fonctionnement de la société pour tenir des mesures de stigmatisation ?

 

Section 1. DE LA DELINQUANCE JUVENILE AU REDRESSEMENT SOCIAL

 

Comme nous l’avons évoqué dans nos introductions, la délinquance juvénile est un fait de société qui s’accroit au constat des évolutions par rapport à sa prise en charge par l’Etat. Ce qui se confirmerait selon les observations de Mucchielli (2007)[1] dans son enquête sur l’évolution de la délinquance juvénile en France. En effet, l’évolution des comportements difficiles des jeunes s’accompagne de l’évolution de « leur incrimination juridique et de leur poursuite par les agences de contrôle social (justice, police, institutions, la société…). » On parle à ce sujet, toujours selon les propos de Mucchielli (2007) de « nos représentations et nos seuils de tolérance évoluent aussi, et enfin notre droit pénal et son application évoluent également. »

 

Théoriser sur la question de la délinquance juvénile nous ramènerait à parcourir les différentes approches entreprises pour comprendre ce fait de société. Ainsi évoquer Durkheim (1960)[2], Parson et Shils (1962)[3] et Merton (1957)[4] nous renvoie à cette définition de la différence issue de « la comparaison entre le délinquant et le non-délinquant » (LeBlanc 1971)[5]. En conséquence, la délinquance se définirait donc comme « cette déviance à l’ordre social établi selon un consensus sur certaines normes, cette violation des normes institutionnalisées, des attentes partagées et reconnues comme légitimes à l’intérieur d’un système social. La déviance est alors la confrontation d’un comportement avec une norme. » (LeBlanc 1971).

 

Dans notre enquête, nos individus répondent eux-mêmes par cette définition. En effet, les avis sont partagés sur ce qu’est la délinquance juvénile. On se réfère en premier lieu à la qualification de « jeunes sous protection judiciaire (jeunes PJJ) », qui mérite son appellation par le fait d’avoir commis des infractions sous peine de responsabilités judiciaires.

  • Les jeunes PJJ sont donc des jeunes ayant des problèmes avec la justice. Dans le langage courant, ces jeunes sont qualifiés de délinquants, de mauvais et de bandits.
  • Les jeunes PJJ vont donc à l’encontre de la loi et dans le sens des interdits, et qui ne respectent pas les codes de société, notamment le code pénal.
  • Ce qui renvoie à une nécessité de prise en charge institutionnelle, pour notre cas, le foyer PJJ se trouve dans une EPE des Bouches-du-Rhones, afin de procéder à une remise à niveau du comportement des jeunes.

 

Nous pouvons déduire de ces caractéristiques que les jeunes sont eux-mêmes conscients de leurs comportements délictueux. Ils se qualifieraient de jeunes normaux ayant commis des irrégularités. Ce constat nous renvoie encore une fois à la notion de comparaison et de la différence. Le jeune délinquant serait différent du jeune normal à cause de ses agissements illégaux. Cela étant cette reconnaissance de la différence semble être un poids que ces jeunes ont porté le long de leur parcours de vie. En effet, elle s’identifierait avant tout à la particularité de leur cas, en se basant sur les inégalités qu’ils ont toujours vécu. A ce stade, le comportement délictueux se constituerait comme une suite de cette inégalité, relative à l’affirmation de leur différence.

 

Le plus grand problème à cette réalité, c’est une construction erronée de la personnalité et des valeurs de ces jeunes. Au cours de l’enquête, il a été évoqué que le problème de comportement des jeunes peut provenir des inégalités sociales dont ils sont les victimes : les problèmes de moyens en comparaison avec la vie facile des bourgeois, la différence de classes et de revenus. En conséquence, arrivés au foyer, des éducateurs sont assignés aux jeunes pour les accompagner dans leurs projets éducatifs de réintégration sociale. Nous avons pu observer que les jeunes admis en foyer PJJ sont repentis et motivés à changer, d’autant plus que selon eux, c’est surtout cette volonté de changement qui est essentielle au redressement social.

 

D’un autre côté, si nous nous rapportons aux réactions de la société devant les actes délictueux, nous pouvons surpasser l’idée de confrontation du comportement aux normes enfreintes. Dans ce cas, comme l’analyse de LeBlanc (1971) l’indique, c’est cette réaction qui servira de base à la définition de la délinquance des jeunes. Nous pouvons nous servir d’appui à cette théorie pour constater l’existence des stéréotypes sur les jeunes vivant en banlieue. Notre population d’enquête nous l’a bien confirmée. Nous pouvons dire que les expériences vécus par la société des siècles durant, ont permis d’étendre un schémas de méfiance envers les jeunes d’origine caractéristique. D’abord, le fait d’avoir une nationalité arabe, comme il est le cas de nos jeunes enquêtés, ensuite le fait de vivre dans une localité à risque, priment sur le passage à l’acte. La société se fait une vision de ce qu’ils sont avant de le confirmer par ce qu’ils font.

 

Tenant compte de ces faits, nous sommes face à une subjectivisation de la délinquance, d’autant plus que c’est la société elle-même qui encourage cette différence entre ces membres, allant jusqu’à la marginalisation et l’exclusion. Et comme il a déjà été souligné plus haut, cette expression de la différence amène les jeunes à se considérer eux-mêmes différents et exercer les infractions comme réactions à ce processus de catégorisation sociale. Nos jeunes l’ont bien précisé, ils sont de ce fait pousser à remédier à cette différence qu’ils considèrent comme de lourdes punitions, et donc en conséquence leur haine envers la société les posse à agir dans le sens de la délinquance pour réagir.

 

Cette situation correspond autant à la cause de la délinquance qu’à son effet. Ce qui vient de confirmer notre hypothèse de départ, la délinquance juvénile est fonction de la société elle-même, étant donné que c’est la société qui la définit ainsi que ses caractéristiques. Les analyses de Carra (1996)[6] confirment également ce fait ; des observations que notre auteure a tiré elle-même des réflexions de Chamboredon (1971)[7] : « C’est en fait l’ensemble des institutions chargées de la gestion de la délinquance et de la criminalité qui contribue à coproduire une réalité de la délinquance et de la criminalité. Ce sont ces institutions qui construisent le portrait du jeune délinquant et l’histoire de ses actes… »

 

Ce qui nous conduit également à prendre en compte la définition établie par notre auteure comme « l’ensemble des pratiques prohibées et punies par la loi, et qui sont le fait des jeunes n’ayant pas atteint la majorité légale, cette catégorie se construisant au cours de processus complexes impliquant divers acteurs autant institutionnels que délinquants mais aussi l’entourage proche de délinquants, associatifs… qui jouent un rôle important dans le processus de constitution de la délinquance juvénile. » (Carra  1996).

 

Tableau 1 : La part des mineurs dans la criminalité et la délinquance en France métropolitaine (en %)

 

Source : INSEE, Direction centrale de la police judiciaire

 

Pour parler de la délinquance dans sa généralité dans la société française, reportons-nous aux statistiques de l’INSEE. Le tableau ci-dessus nous indique que jusqu’en 2009, le vol reste l’infraction la plus pratiquée des jeunes, presque un tiers des infractions sont commis par des mineurs. Les crimes et délits contre des personnes sont moins importants, bien qu’en dix ans, le taux d’implication des mineurs en la matière a doublé, il est passé de 7,2% en 1990 à 16,2% en 2009. De même pour les infractions relatives aux stupéfiants, le taux d’implication des mineurs est passé de 7,1% à 13% en dix ans.

 

Les taux élevés observés au niveau de la dégradation des biens et des incendies pourraient s’interpréter comme l’expression de la colère et de la haine que ces jeunes éprouvent envers la société même. Les résultats de nos enquêtes confirment bien ce sentiment aussi bien que les jeunes les expriment en réactions des jugements des gens, tant par rapport à leur situation tant par rapport à leur délinquance.

 

Si autant de déviations (LeBalnc 1971) sont observées dans la société, les enquêtes que nous avons réalisées auprès des jeunes nous a montré que les jeunes en questions se servent de cette dimension sentimentale pour soutenir leur objectif de gain et d’enrichissement. En effet, les ambitions de la délinquance rejoignent l’idée de gagner de l’argent. Pour eux la vie se résument à travailler et gagner de l’argent, et donc de ce fait être indépendant. Et si ces jeunes se retrouvent avec des problèmes avec la justice, c’est avant tout parce qu’ils ne sont en aucun cas préparer aux normes et fonctionnement de la vie en général.

 

Nous savons que l’éducation constitue leur pire parcours de vie, puisque la totalité de nos enquêtés sont déscolarisés, bien qu’ils aient au moins atteint l’âge obligatoire (16 ans). En effet, leur démotivation a conduit au désintéressement par rapport au parcours scolaire et au renvoi, qui dans la plupart des cas fait suite d’un mauvais comportement, notamment pour agression de leurs professeurs. Leur intérêt pour le professionnel s’explique par les difficultés qu’ils ont vécues jusqu’à présent. Ce qui nous amène à dire que la délinquance est, avant d’être sociologique, une problématique psychologique (Carra 1996).

 

Cela étant il manque à ce point un contexte intermédiaire par lequel ils peuvent être orientés, d’où le choix laissé aux infractions et à l’argent facile. C’est entre autre ce que nous avons pu constater au cours de nos enquêtes. Le passage des jeunes en foyer PJJ leur a permis de construire de vrais projets professionnels et par conséquent de mieux voir leur avenir, aussi bien qu’ils sont conscients d’être concernés par les règles de société. La question qui se pose serait de savoir si les jeunes sont dans ce cas obligés de passer par la justice pour pouvoir jouir d’un présent acceptable et d’envisager un meilleur avenir ?

 

Dans son rapport, Mucchielli (2007) associe l’entrée à la délinquance à quatre tendances : l’âge qui est délimité par les recherches en criminologie, commençant entre 10 et 13 ans en prenant un pic vers 15 et 16 ans ; sa portée, qui fait référence à la variation de la délinquance selon les contextes ; la logique d’action des jeunes ; et enfin, la logique de réaction institutionnelle. Dans ce cadre, Mucchielli (2007) évoque « la construction de la délinquance en stigmatisant certains types de déviances, dans certains quartiers, en accentuant l’exclusion du jeu social de certains individus et en les enfermant progressivement dans des rôles et des pratiques délinquants. »

 

Ce qui tend à confirmer les impressions que nous avons observées auprès des jeunes. En effet, il est entendu que c’est la société même qui pousse à des réactions délinquantes. Nos jeunes enquêtés l’ont exprimé ; ils éprouvent les pratiques de stigmatisation comme une incitation à la délinquance. La délinquance appelle donc à la délinquance. Toutefois, la sortie de la délinquance n’est pas pour autant une évidence pour les jeunes. Devenir indépendant et construire une famille représentent l’avenir idéal du jeune délinquant. L’accession à ces idéaux constituent encore un vrai défi, d’autant plus que les conditions se voient pour tous les jeunes français de véritables terrains de batailles. En effet, le taux de chômage des jeunes ne cesse d’augmenter. (Mucchielli 2007).

 

Section 2. LE CAS DES JEUNES SOUS PROTECTION JUDICIAIRE

 

Nous avons pu voir que la délinquance aboutit à une prise en charge institutionnelle du jeune en vue de sa réinsertion sociale. Nos objectifs nous ont ramenés au cas des jeunes sous protection judiciaire. Bien que le rôle de l’institution ait été longuement mis en cause par l’ensemble des chercheurs et observateurs rattachés à la situation des jeunes délinquants, le fonctionnement de la société requiert le recours à la prise en charge institutionnelle. L’essentiel réside dans l’adéquation entre les régulations sociales et les régulations institutionnelles (Carra 1996).

 

Une illustration des controverses sur l’admission en foyer des jeunes rappelle l’image qu’elle représente pour ces jeunes. Ces derniers sont conscients du fait que le placement ne constitue qu’une procédure formelle à suivre. Pour eux le changement ne dépend que de la volonté de chacun. Ce qui renvoie à dire que la délinquance est aussi une question de choix. Les jeunes choisissent d’enfreindre les lois de la société. Et le placement ne peut donc produire d’effet sur le jeune que s’il décide de s’impliquer dans ce processus. A ce niveau intervient l’obligation et la responsabilisation du jeune. Ce qui revêt un autre aspect de la délinquance.

 

Nous savons que le placement au foyer soumet aux jeunes l’obligation de suivre les règles. Cela étant, nous avons également pu constater que les lourdes punitions émises par la société renvoient les jeunes d’une manière agressive à la délinquance. Ce qui peut être assimilé au point de vue de Durkheim (1991)[8] constatant que « les règles trop contraignantes pouvaient engendrer des comportements déviants. » Comme Carra (1996) le confirme également dans ses analyses, soutenant que « l’accroissement des régulations peut entrainer des effets pervers si les régulations institutionnelles deviennent excessives. » Ce qui met à cet effet, le système social même dans une posture délicate, d’autant plus que le phénomène psychosocial (Mucchielli 2007) qu’est la délinquance ne permet pas une grande marge d’erreur.

 

Dans la section précédente nous avons identifié le jeune PJJ en tant que jeune ayant des problèmes avec la justice. Dans cette section nous allons voir comment sont les jeunes placés en foyer PJJ. Le principal objectif du placement reste la rééducation du jeune afin de pourvoir sa réintégration dans le système social. A l’avis des jeunes, le placement en foyer PJJ résulte d’une décision de justice, une solution qui se voit plus accessible aux cas de chaque jeune, attribuée selon les appréciations du juge. Le jeune a à cet effet le devoir de se soumettre à cette décision, bien que d’une manière générale, des cas d’aggravation sont reconnus par les jeunes mêmes. Il s’agit, en ce qui concerne le cas de nos enquêtés, notamment de fugues du foyer et d’agression de l’éducateur ; des situations pareilles nous informent combien il est difficile pour les jeunes de s’intégrer dans le système de protection judiciaire.

 

La vie en foyer peut s’interpréter comme une phase intermédiaire entre le passage de la délinquance à la réintégration sociale du jeune. C’est en effet, une remise à niveau du jeune dans un cadre éducatif. Le fait est qu’aussi idéalisé soit le parcours institutionnel du jeune, la pratique s’emploie à transcrire une toute autre réalité de la vie en foyer. Mis à part la dimension éducative prévue par la décision de justice, le jeune fait face à un autre niveau de délinquance. Il s’agit notamment de la problématique du regroupement des jeunes à problèmes dans un même lieu.

 

Nos enquêtes auprès des jeunes PJJ révèlent que cette situation est un risque pour l’évolution du jeune. Il se trouve que le foyer représente un nouveau terrain de jeu des tentatives d’intimidation. Entre jeunes, il est important de s’imposer pour ne pas subir les pressions des autres. Chacun peut à cet effet rencontrer des problèmes de socialisation. D’un autre côté, au meilleur des cas de socialisation, les jeunes risquent de comploter entre eux pour renforcer la situation de dérive. Le fait est que puisque les jeunes perçoivent leur admission au foyer comme un cas de solidarité. Si chacun s’y retrouve c’est surtout parce qu’il a commis des irrégularités assez graves, et donc, dans ce cas, la similitude entre leurs cas les ramène à dire qu’ils sont pareils.

 

Les jeunes interprète cette situation comme un manque de compréhension de la jeunesse délinquante. En effet, le jeune se retrouve dans une condition similaire à la construction de la délinquance, une situation à laquelle les jeunes doivent s’éloigner. Ce qui rejoint les observations théoriques que nous avons vues plus précédemment, et l’incohérence des régulations institutionnelles et sociales, aussi bien que ces mêmes mesures deviennent à la fois correctrices et incitatrices à la déviance.

 

Ce qui confirme notre idée de choix à la délinquance, bien que la mise en foyer soit, au final, un choix forcé. Les tentations ne sont donc pas à minimiser et la réintégration constitue en ce sens un grand défi à gérer. Si la justice a été convaincue par le besoin de reconstruction personnelle et professionnelle des jeunes, cela n’empêche pas la réticence des jeunes envers le fonctionnement du foyer. Et puisque ces jeunes dans leur quotidien ne se  préoccupent pas des normes, il leur est difficile d’adhérer aussi rapidement aux règles du foyer.

 

Cario (2000)[9] nous parle de la spécificité de la protection judiciaire, qui constitue une solution proposée par le système pénal, en réponse à une spécificité de la délinquance des mineurs. Cette spécificité, nous l’avons vu, représente l’ensemble des questionnements que nous nous sommes posés depuis le début de notre analyse, concernant cette interaction entre le cadre règlementaire et l’évolution de la délinquance des jeunes. En tout cas, le placement au foyer est une décision judiciaire comme une autre, puisque le foyer PJJ n’est pas la seule institution qui reçoit les jeunes difficiles, à l’exemple des centres éducatifs CER et CEF.

 

Pour parler des caractéristiques de nos jeunes PJJ, notre population d’enquête concerne des mineurs de moins de 18 ans. Ils sont issus de « zones sensibles » qui rappellent à un premier visage de l’exclusion sociale. Notre population d’enquête est constituée uniquement par des jeunes de sexe masculin, déscolarisés, témoins ou victimes de violences quotidienne, de quelque manière est, et la plupart des infractions sont commises en bandes organisées. Ces aspects correspondent aux spécificités de la délinquance des mineurs ; le rapport 2003[10] de la cour des comptes sur la protection judiciaire de la jeunesse parle d’un « phénomène des banlieues ».

 

La dimension règlementaire, le placement en foyer PJJ des mineurs est prévu par l’ordonnance du 2 février 1945. La délicatesse de traitement du cas des mineurs et la considération de ces différents aspects ont permis à la PJJ de se former sur la base de trois principes dont primauté de l’éducation sur la répression, spécialisation des juridictions compétentes, atténuation du niveau des peines eu égard à l’âge des intéressés en vu d’une prise en charge des mesures éducatives. Du moins, à la vue de l’extension de compétence de la PJJ, l’association des cas de délinquance avec les cas de mineurs en danger confirme les aspects de l’exclusion sociale.

 

 

Chapitre 2. DE LA SOCIALISATION A LA STIGMATISATION

 

Nous arrivons à ce point, où une décision de justice a été rendue, les jeunes à problème sont désormais placés sous protection judiciaire. L’objectif principal que veut servir cette décision se rapporte à la réintégration sociale de ces jeunes ; des infractions ont été commises, et des corrections/ redressements se doivent d’être entrepris. Cette étape comprend différents processus qui renvoient à la responsabilisation des jeunes par rapport à leur vie et au respect des autres.

 

La principale chose à comprendre est que ces jeunes doivent retrouver une certaine stabilité afin de pouvoir mettre de l’ordre dans leur façon de penser. La question psychologique se tient entre les jeunes et le foyer, mais elle semble à notre avis mal placée. En effet, la manière de faire des éducateurs se résume à un constant rappel de la personnalité délinquante des jeunes. Le fait est que chacun a le devoir et l’obligation de se soumettre aux règles de fonctionnement de la société. D’autant plus que celui qui les transgresse agit à l’encontre des autres. Ce qui en vient au processus de socialisation. La question qui se pose est de savoir si la stigmatisation est une façon efficace à la socialisation des jeunes ?

 

Section 1. LES DIFFERENTS TYPES DE STIGMATES

 

Si nous nous sommes amenés à nous intéresser à la stigmatisation des jeunes c’est surtout pour nous interroger sur le fondement de la prise en charge des mineurs délinquants. La logique veut que la loi réagisse aux comportements délictueux des jeunes. Notre hypothèse part du fait que la stigmatisation est une conséquence de la délinquance. A cet effet, aborder la stigmatisation des jeunes au foyer nécessite de resituer ce phénomène dans le cadre de la délinquance des mineurs, tel que nous le propose Rogel (1997)[11]. Toujours selon notre auteur, la délinquance avant d’en venir à l’exclusion, la ségrégation ou la marginalité, est considérée comme un écart par rapport aux normes de la société.

 

Le point de vue de Merton (1965)[12] nous renvoie à définir la délinquance tel « le résultat d’une mauvaise adéquation entre les buts valorisés de la société et les moyens qu’elle met à la disposition de ses membres. » C’est par ailleurs ce que notre premier chapitre nous a montré, les jeunes délinquants s’emploient à atteindre les buts valorisés par la société, avec des moyens erronés. C’est ce qui suppose la motivation de placement des jeunes en foyer PJJ. Ce qui implique que dans ce second chapitre, nous aborderons la délinquance dans le sens de la stigmatisation. Il s’agit à cet effet de revoir les stigmates qui se rattachent aux jeunes.

 

Nous avons vu qu’il est possible d’assigner un point de vue à chaque constat sur la délinquance. Si Merton se consacre à l’interaction entre les buts et les moyens de la vie sociale, Becker (1985)[13] et Durkheim (1968)[14] optent pour « une qualification de l’acte », aussi bien qu’il puisse s’agir d’un processus de socialisation (Murphy 1990)[15], Goffman (1963)[16] de son côté introduit la notion de stigmatisation ; ce sera de ce fait sur les analyses de Goffman que nous allons nous appuyer dans l’ensemble de cette étude.

 

De stigmatisation vient le stigmate ; Goffman définit ce dernier comme « toute caractéristique propre à l’individu qui, si elle est connue, le discrédite aux yeux des autres ou le fait passer pour une personne d’un statut moindre. » Partant de cette définition, nous pouvons en déduire que si nos jeunes délinquants se retrouvent soumis à un processus de stigmatisation, c’est surtout parce que la délinquance elle même corrobore à l’objet de la stigmatisation. Il est évident que si les normes de la société existent c’est avant tout parce qu’il est important de construire une base de règles communes à suivre par ses membres, qui par conséquent, devient une obligation.

 

Nos jeunes PJJ font donc partie de cette catégorie qui passe outre ces règles en question. Ce qui constitue un fond suffisant aux stigmates. Nous nous interrogeons alors sur les effets attendus de ce processus de stigmatisation des jeunes. Autant que ces jeunes sont aussi conscients de leurs actes que la société qui la condamne. Quoique la question de la mesure de la gravité de ces actes peut être soulevée selon que ces actes apparaissent à la société. Nous pouvons également tenir compte dans ce cas des attentes de la société envers ces jeunes, qui la pousse à leur rappeler leur tort, acte accompagné d’une action de discrédit des jeunes. C’est par ailleurs l’une des raisons pour laquelle les jeunes ne précisent pas leur situation en PJJ pendant leurs entretiens de travail.

 

Puisqu’il est ici question des jeunes sous protection judiciaire, la classification de Goffman nous renvoie aux stigmates relatifs à la personnalité des jeunes. Les jeunes PJJ sont des jeunes à problème auxquels la société n’épargne ses jugements ; ce sont ces réactions qui définissent les stigmates rattachés aux jeunes. En outre, nos jeunes enquêtés sont également victimes de préjugés raciaux. Ce qui nous renvoie aux stigmates tribaux, toujours selon la classification de Goffman. Outre le fait qu’ils habitent dans les zones sensibles, ces jeunes détiennent en plus de la nationalité française une origine arabe. Certes, l’association de ces deux caractéristiques ne joue pas souvent en faveur de l’image de nos jeunes enquêtés outre leur situation de délinquance.

 

Nous pouvons dire que s’il est autant difficile pour les jeunes PJJ de réintégrer dans la société, c’est aussi parce qu’ils portent déjà en eux des stigmates raciaux, issus des stéréotypes qui pèsent sur leur nationalité arabe. Ces stéréotypes se basent sur la nécessité de donner une facilité de solution à chaque cas. Ce qui veut dire que la première source de délinquance se rattacherait à la personnalité autre que française des jeunes. D’autant plus qu’il est plus facile de comprendre que la délinquance dans ce cas intervient dans la logique de la difficulté d’intégration des jeunes même. Ce constat correspond aux problèmes soulevés par Rude-Antoine (1993)[17] dans son analyse de l’intégration des jeunes étrangers.

 

Par ailleurs, Galland (2006)[18] l’a également constaté : « Le racisme est une autre manifestation d’une discrimination liée à l’apparence. Un jeune sur quatre d’origine non européenne déclare avoir été victime de mauvais traitements liés à ses attaches étrangères. L’intensité de ce sentiment de stigmatisation est très variable selon les origines et le sexe. Les jeunes issus de courants migratoires récents (Afrique noire, Asie) et les garçons d’origine maghrébine se sentent particulièrement stigmatisés. Des facteurs culturels (maîtrise de la langue, pratique religieuse, sentiment d’identité nationale) accroissent la probabilité de déclarer avoir été victime de tels actes, sans l’expliquer totalement. Quels que soient leurs comportements culturels les jeunes victimes d’exclusion professionnelle ou de ségrégation urbaine se sentent surexposés aux stigmatisations racistes. »

 

Nos jeunes représentent des individus « discréditables » de telle sorte que leurs stigmates sont invisibles (Rougel 1997). Les jeunes « stigmatisés » se préoccupent dans ce cas du « contrôle de l’information sur leurs stigmates. » Toutefois, il sera également question de stigmates visibles, dans le sens d’une confirmation établie des faits concernant les mineurs en questions. En effet, les jeunes viennent exclus du système social. On parle alors d’une absence d’interaction entre les deux catégories d’individus, dont les stigmatisés que sont les jeunes, et les non-stigmatisés qui correspondent aux gens normaux. Cette interaction s’apprécie selon les types de relations à établir. Ainsi, nos jeunes PJJ sont stigmatisés discréditables par rapport à leur problème de comportement, ce qui n’empêche pas que dans une autre situation, les gens normaux deviennent à leur tour des stigmatisés (Rougel 1997).

 

Nous pouvons également nous appuyer du point de vu de Galland (2006) sur ce point, qui illustre bien cette réalité de stigmatisation par rapport à la transgression des normes sociales. C’est le premier niveau de stigmatisations ressenties évoqué par Galland : « Les stigmatisations ressenties expriment tout d’abord la force des normes collectives : si certaines personnes se sentent stigmatisées, c’est qu’elles ont, volontairement ou non, transgressé ces normes, et se sentent, de ce fait, victimes d’une réprobation sociale latente. »

 

Le second niveau s’associe aux réactions contre les injustices sociales, c’est par exemple le cas des stéréotypes sur l’origine de nos jeunes enquêtés : « Les stigmatisations ressenties sont d’une autre nature lorsqu’elles expriment une forme de révolte contre des injustices ou des mauvais traitements qui n’ont pas de légitimité sociale ou qui rentrent même en contradiction avec les normes couramment admises ». A ces deux catégories de stigmates s’ajoute le sentiment de stigmatisation des jeunes en général. En effet, Galland avance dans son analyse que les jeunes se retrouvent face à deux premiers aspects de la stigmatisation : économique et social, du point de vue de leur génération même, et culturel, du point de vue de leur classe d’âge.

 

Chantraine (2003)[19] ajoute, à cet ensemble de stigmates, d’abord, le sexe, qui conserve une majorité masculine dans la population carcérale. Notre enquête l’a vérifié également. La totalité des jeunes enquêtés sont des garçons comme nous l’avons déjà remarqué plus haut. Ce qui fait que les garçons sont souvent les premières victimes des stigmatisations. Ensuite, intervient l’origine sociale, il s’agit entre autre des lieux de vie, de la classe sociale et du niveau de revenu qui non seulement situe déjà une première apparition de l’exclusion sociale, d’une cause plus qu’évidente de la délinquance et donc aussi source de stigmatisation.

 

Le milieu scolaire s’intéresse également à ce cadre de stigmatisation. Etant donné le parcours et les conditions de vie des jeunes PJJ, la négligence du parcours scolaire constitue leur réalité de vie. La responsabilisation des mineurs est d’autant plus difficile, et les conditions sociales ne facilitant pas leur cas, on parle à ce stade d’une problématique de vision des choses par les mineurs en question. En effet, nos jeunes contrairement aux jeunes normaux ont tendance à opter pour la facilité pour réussir leur vie, d’où les actes de délinquance. Par ailleurs, la société elle-même exige qu’un jeune qui témoigne d’un parcours scolaire exemplaire soit toujours bien apprécié. Ce qui laisse moins de tolérance aux jeunes qui manquent d’intérêt à ce sujet.

 

Comme Galland (2006) l’a dit, nous sommes tous dans des circonstances données de notre quotidien, sujets à des stigmatisations. En effet, chaque caractéristique que nous retiendrions de nos jeunes enquêtés peut correspondre à un critère de stigmatisation. Quoi qu’il en soit, Chambat-Houillon et Lebtahi (2010)[20] en ont parlé, les stigmates se conçoivent au-delà des différences superficielles (physique, raciale…), il s’agit surtout de discrédit, de discrimination et de transférabilité. Nous avons pu voir dans cette première section les stigmates qui se rattachent particulièrement à la vie sociale. Qu’en est-il des critères institutionnels de la stigmatisation ?

 

Section 2. LES CRITERES INSTITUTIONNELS DE LA STIGMATISATION

 

Bien que la qualification d’une société parfaite reste un impossible défi auquel chaque pays se livre dans leurs objectifs sociaux, l’évaluation des progrès allant dans ce sens constitue un réel réconfort pour les sociétés du monde. C’est ainsi que s’est formée l’ambition de la société idéale. Toutefois, la délicatesse de ces normes nous confronte à des possibilités d’écart, et nous révèle de cette manière l’imperfection qu’elles renferment. La délinquance se constitue à cet effet un critère d’évaluation de la société elle-même, à laquelle sont ajustées des constantes améliorations. Ce qui implique que l’existence de la délinquance devient une logique de fonctionnement de la société. Quoique la société ne peut courir le risque d’encourager ce comportement. Ce qui justifie la nécessité de prise en charge institutionnelle.

 

Le fait est que les objectifs retenus au niveau du placement éducatif des jeunes ne respectent pas toujours les aspects que le placement est sensé représenter. Il est ainsi question de stigmatisation des jeunes au niveau institutionnel, qui constitue un cadre plus restreint que la société, mais qui se veut être une image formelle qui la représente. Comme nous l’avons déjà précisé précédemment, ce qu’il faut retenir en matière de placement en PJJ, c’est que le foyer intervient comme intermédiaire relationnel entre les jeunes et la société. Le processus de stigmatisation au niveau institutionnel pourrait être interprété de manière à comprendre les réactions de la société envers les mineurs délinquants.

 

A la différence des critères sociaux, le milieu PJJ ne retiendrait que les actes de délinquance comme principaux stigmates, c’est-à-dire, les stigmates liés à la personnalité délinquante des jeunes. Et ce sont surtout les éducateurs qui se partagent ces jugements. La vie au foyer dépend en partie de l’ambiance soutenue par la relation entre ces éducateurs et les jeunes, une relation assez difficile et qui est précédée par des jugements que les jeunes qualifient eux-mêmes de « superficiels ». Il importe surtout aux éducateurs de tenir aux finalités de leurs responsabilités, sans trop tenir compte des moyens et du fonctionnement que le processus entrepris tiendrait compte. A ce stade, on se réfère encore une fois à des stéréotypes plutôt qu’à un vrai approfondissement en vu d’un intéressement aux cas particuliers des jeunes, un souhait que les jeunes ne peuvent espérer que de la part d’une partie des éducateurs.

 

La stigmatisation au niveau du foyer s’observe de telle sorte que la plupart des éducateurs ne s’Autorisent à voir que le côté délinquant des jeunes, ils ne peuvent s’empêcher dans ce cas de rappeler aux jeunes à tout moment leurs actes. Cela parait grave de telle manière que les éducateurs ne s’avouent convaincus de meilleures intentions de la part des jeunes. Ils s’obligent à cet effet à rapporter dans les détails, pour une appréciation plus ou moins orientée par les jugements des éducateurs, au juge chargé de la suivie des dossiers des jeunes. Ainsi, les jeunes voient le placement en foyer PJJ comme une lourde condamnation vidée de sens éducatif, un objet qui devrait refléter l’ensemble du fonctionnement du placement.

 

En outre, évoquer le cadre institutionnel ne renvoie pas uniquement au foyer dans lequel sont placés les jeunes. Cela sous-entend également l’institution familiale. Les entretiens passés avec les jeunes PJJ révèlent que les parents montrent des réactions négatives par rapport à la délinquance de leurs enfants. Le sentiment de honte et d’embarras représente leur plus grand déshonneur envers la société victime des actes des jeunes. Les parents mécontents estiment à cet effet une mise en péril de la relation de confiance avec leurs fils prodigues.

 

Du point de vue de Chantraine (2003)[21], le cadre familial joue un rôle majeur dans le processus délinquant, de telle sorte qu’il en constitue la cause et l’effet. Nos enquêtes l’ont prouvé, si l’ensemble des jeunes PJJ vit dans une structure familiale tendue et désunie, c’est qu’il existe forcément une relation de cause, comme nous l’avons déjà précisé dans les analyses précédentes. Quant à l’effet, les réactions de la famille envers les jeunes ne garantissent pas non plus un environnement rassurant pour ces jeunes, d’autant plus que le sentiment de déception et de honte empêche une véritable réintégration pour les jeunes.

 

Autant dans la société qu’au niveau institutionnel, autant de dénominations sont rattachés aux jeunes délinquants. Les entretiens avec les éducateurs nous ont permis d’en retenir quelques unes qui semblent courantes. « Les jeunes sont le plus souvent qualifiés par des termes négatifs sur la base de leur situation de délinquance : jeune placé, jeune PJJ, jeune abandonné, jeune à problème, délinquant, jeune issu de l’immigration, jeune de cité ou de banlieue, ou banlieusards, racaille, cassos ou bien les caïds, les voyous, les jeunes de cité, les abandonniques, les psy,  les roms, les arracheurs, les charbonneurs… » Parfois il arrive aux éducateurs de nommer les jeunes arrivants par le nom d’autres jeune anciennement pris en charge pour décrire leur personnalité.

 

Partie II. LES EFFETS DE LA STIGMATISATION DURANT LA PRISE EN CHARGE

 

Nous sommes dès lors face au fait que la délinquance se voit comme un handicap majeur du bon fonctionnement de la société, et qu’afin d’y remédier, il importe de renforcer le cadre règlementaire. Ce qui contribue paradoxalement à donner davantage un cadre de dérision des jeunes, tel que nous l’avons annoncé dans la partie précédente. Etant donné que notre étude s’intéresse particulièrement au placement au foyer PJJ, nous considérons cette décision de justice comme principal modèle de prise en charge des jeunes délinquants.

 

Le fait est qu’autant de caractéristiques, toutes aussi négatives, pèsent sur les jeunes à problèmes. Aussi, leur admission au foyer PJJ ne représente pas vraiment pour eux la meilleure mesure de réinsertion. En effet, nous avons pu voir que le placement se constitue comme source de stigmatisation au niveau social et au niveau institutionnel. La question qui se pose à ce stade est de savoir quels sont les effets de cette stigmatisation au cours de la prise en charge.

 

Chapitre 3. LES ENJEUX DE LA REINSERTION SOCIALE : MISE EN CAUSE DE LA DIFFERENCE

 

Pour ainsi introduire les enjeux de la réinsertion sociale, Paris (2009) parle d’une nécessité d’améliorer l’accompagnement des jeunes. Un tel constat nous renvoie à nous référer aux avis et impressions des éducateurs qui sont autant diversifiés que leurs manières d’y procéder. Nous avons vu que malgré les contradictions et contraintes qui s’acharnent sur leur cas, les jeunes PJJ témoignent d’une bonne volonté de s’en sortir. Cela étant d’une manière générale, la réussite d’une vie en foyer dépend d’une coopération entre les différents acteurs, dont, les jeunes, les éducateurs, l’institution, les représentants de la justice et enfin la société.

 

En quelque sorte, les premiers acteurs se doivent de s’impliquer à chaque procédure puisque cela constitue l’objet même de leur fonction. Le plus grand obstacle se trouve au niveau de la société. De cette manière, on en conclut l’importance des actions à mettre en œuvre pour cette fin. D’une part, il s’agit d’identifier les impacts que l’image de ces jeunes renvoie à son environnement ; et d’autre part, il est question de définir les effets psychologiques et sociaux de la stigmatisation.

 

Section 1. L’IMAGE DES JEUNES : ANALYSE D’IMPACT SUR LES RELATIONS AVEC L’ENVIRONNEMENT SOCIAL

 

Nous avons vu tout au long de la première partie comment les jeunes perçoivent l’image qu’ils projettent dans la société. Cette image est dans la plupart des cas aussi négative que leur identité de jeune sous protection judiciaire évoque leur personnalité délinquante. De même, du côté des éducateurs, nous avons pu observer qu’en quelque sorte, les impressions sur cette image négative sont partagées. Le fait est que de cette manière nous nous retrouvons face au phénomène de stigmatisation, qui selon les éducateurs est, désormais qu’ils sont admis au foyer, rattaché à la personnalité des jeunes. Ainsi l’analyse d’impact de la délinquance des jeunes, et de leur stigmatisation nous est révélée par les entretiens avec les éducateurs.

 

Le résultat de notre enquête nous montre qu’autant du côté des jeunes que celui des éducateurs, il a été établi que la stigmatisation des jeunes PJJ constitue une évidence. Il a été évoqué par les éducateurs que si on est amené à stigmatiser les jeunes PJJ c’est avant tout parce qu’ils sont placé au foyer. Un fait qui nous a interpellés dans notre enquête est le fait que les éducateurs partagent l’idée que la délinquance réside un problème de la jeunesse en général. Ce qui induit directement à un problème dans le fonctionnement de la société.

 

Par ailleurs, il a également été précisé que si la société ne considère que le cas des jeunes PJJ, c’est surtout parce que la justice a pu les retenir sur leurs actes, ce qui n’empêche pas le fait qu’ils ne représentent en réalité qu’un échantillon de ces jeunes. En effet, les éducateurs l’ont noté : un adolescent normal peut facilement être pris en charge en PJJ. Il existe donc une partie de la jeunesse qui réside en famille et une autre partie sous protection judiciaire, c’est-à-dire, « ceux qui ont perdu leur liberté d’aller et venir, doivent rendre des comptes, montrer qu’ils ne sont plus des marginaux, des hors-normes comme on dit. » Ainsi, l’image négative fait de ce fait partie de la personne même des jeunes PJJ. Et cette différence par rapport à ceux à qui est épargnée la confrontation avec la justice. Ce qui nous amène à être d’accord avec les éducateurs en constatant que la stigmatisation fait également partie de la personnalité des jeunes PJJ.

 

Cette caractérisation rejoint l’idée développée par LeBlanc (1971) dans son analyse de la réaction sociale à la délinquance juvénile. Il stipule à cet effet que : « La plupart des chercheurs, même ceux qui utilisent les statistiques officielles, semblent d’accord pour affirmer que ces statistiques ne présentent qu’une estimation partielle du nombre de personnes impliquées dans des activités délinquantes. Ceci est particulièrement juste en ce qui concerne la délinquance juvénile, la définition du comportement délinquant dans ce secteur étant beaucoup plus étendue et floue que la définition contenue dans le code criminel. Beaucoup de délits échappent à l’attention des agences officielles de régulation sociale et la nature de la réaction sociale est aussi un facteur important pour déterminer l’ampleur et la composition de la population délinquante. » Notre auteur nous cite différents autres chercheurs qui affirment cette position, à l’exemple de : Schwartz (1945)[22] et Porterfield (1946)[23], Erikson et Empey (1965)[24] et Hardt (1968)[25].

 

Au premier regard, le foyer se place donc comme problématique de base à la stigmatisation. La question qui se pose contourne la nature même du foyer et son fonctionnement. Les éducateurs parlent d’un changement de nouvelles orientations pénales de la PJJ. En effet, le foyer PJJ est dès lors mandaté pour la prise en charge pénale des jeunes délinquants, étant donné que le cas d’adolescents mineurs oblige à envisager d’autres solutions que l’incarcération. Ainsi la PJJ s’intéresse alors du cas des jeunes considérés « dangereux et non plus en danger. » Bien qu’autant l’un ou l’autre, nous nous trouvons toujours face au phénomène d’exclusion sociale, quoique dans le premier cas, les jeunes se sont plus ou moins, volontairement investis dans la dimension délinquante.

 

Jamet (2010)[26] parle d’une sur-stigmatisation injuste en se référant à la mission de la fonction PJJ par rapport aux jeunes. « Nombre d’éducateurs soulignent […] l’idée qu’il y aurait des jeunes typiquement PJJ. » Ainsi il continue selon le raisonnement de Romain Gény (2006)[27] que « il existe alors une adéquation de type magique entre le public et l’institution : la PJJ traite les jeunes qui sont « typiquement » faits pour la PJJ […] Il y aurait donc d’une certaine manière des ‘jeunes PJJ’ »

 

Cette image de concentration de jeunes à problème renforce de ce fait cette image négative et dégradante des foyers et donc des jeunes, ce qui fait que les jeunes sont alors vus comme les déchets de la société. Les mesures répressives et excluantes du cadre règlementaire s’interprètent par le fait que le placement se procède par le fait de mettre ensemble les jeunes en difficulté, une décision qui ne peut que renforcer l’étiquette de délinquant. D’autant plus que le cadre judiciaire à lui seul renvoie automatiquement à une image de transgression et de faute. En effet, les institutions judiciaires sont des entités régulatrices des normes de société. Avoir des problèmes avec la justice rapporte dans ce cas à une quelconque déviance de ces règles.

 

D’un autre côté, les éducateurs estiment que les jeunes eux-mêmes participent à leur stigmatisation. On peut considérer le point de vue de Dubet (1992)[28] dans cette orientation. Il s’agit de confronter les réactions des jeunes à des agressions de violence, qui sont exprimées pour dépasser les jugements négatifs, ainsi que les attentes, également négatives, de la société. Les jeunes y verraient plutôt « un acte volontaire et héroïque, une anticipation de l’échec et du mépris » que dévalorisant. En effet, nous le verront plus tard que le phénomène de stigmatisation crée chez les jeunes un sentiment d’inaccomplissement, de dévalorisation et de manque de confiance en soi. De cette manière, on serait face à un retournement de situation, les jeunes ne sont plus de simples victimes de la stigmatisation, et induisent au contraire la société à justifier/ confirmer leurs réactions. On retrouve dans ce cas une relation problématique entre les jeunes et la société, mais également l’ensemble de son environnement.

 

En ce qui concerne la relation des jeunes PJJ avec les éducateurs, nous avons rencontré autant de divergence que de différences de manières de procéder par rapport aux diversités des cas des jeunes. Cela étant, puisque la stigmatisation est donc un quotidien des jeunes au foyer, la connaissance des actes de délinquance des jeunes constitue la principale cause à ce phénomène. Automatiquement, l’admission des jeunes au foyer arrive à prévaloir sur les jugements des éducateurs. Certains d’entre eux le confirment ; en tant qu’éducateur, il est important de rappeler constamment aux jeunes leurs actes afin qu’ils comprennent l’importance des actions éducatives qui les mèneront à un meilleur avenir. Certains par contre priorisent la connaissance des jeunes mais qui par faiblesse humaine peut être dépassée par les jugements par rapport aux valeurs qui nous sont inculquées. D’autres viennent au contact des jeunes en pensant aux apports qu’ils peuvent leur offrir pour améliorer leur vie.

 

Les éducateurs défendent leurs procédés stigmatisant par rapport à leur fonction institutionnelle. Bien que les éducateurs aient leurs propres démarches d’accompagnement des jeunes, les dispositifs qui régissent leur rôle les contraignent à fournir selon un suivi  ponctuel des évolutions et des insertions, moyennant des rapports constants à soumettre aux juges. Ce qui renvoie selon eux à la prise de mesures d’orientation « par défaut », qui considèrent moins les caractéristiques et spécificités de chaque cas des jeunes.

 

Cela étant, il faut bien le comprendre que si l’éducateur a choisi son métier c’est avant tout parce qu’il représente un profil qui correspond aux exigences des responsabilités en question. Les éducateurs sont alors conscients du fait que les jeunes ressentent un manque de confiance envers leur travail par rapport à la manière de chacun de gérer les  contradictions du métier. Ce qui semble poser des contraintes quant à l’implication du jeune dans les projets éducatifs. Ce qui tend à confirmer que ce métier est d’autant plus difficile qu’il nécessite la coopération de chaque acteur.

 

En outre, les projets de réinsertion sociale des jeunes passent par leurs relations familiales, après le concept de vivre ensemble avec les éducateurs et les autres jeunes. Les impressions des éducateurs confirment les avis des jeunes sur la réaction des parents. Le fait est que de façon logique, la délinquance implique également une stigmatisation des parents. La société accuse la défaillance des parents au niveau de la prise en charge du jeune. Ce qui explique les impressions négatives des parents allant jusqu’à leur refus de coopération aux démarches éducatives des jeunes, bien que cela représente une première garantie de l’évolution des jeunes. Les parents éprouvent un sentiment de honte et de déception au risque de les considérer comme « des parents démissionnaires provoquant des carences éducatives, des incapables, des cas sociaux. »

 

Par ailleurs, il n’est pas toujours facile pour les jeunes de s’intégrer dans les institutions à l’extérieur qu’il s’agisse du domaine professionnel ou scolaire, bien que ces domaines représentent des étapes essentielles du processus éducatif. Cela résulte d’une certaine méfiance issue de l’image délinquante du jeune. Entre professionnels et écoles, les avis se divisent. Il existe ceux qui défendent les jeunes PJJ comme il existe ceux qui ne manquent pas d’évoquer des remarques désobligeantes et discriminatoires. L’enjeu réside dans les actions à entreprendre pour redonner aux jeunes une bonne base de départ. Ce qui sous-entend le changement. Les jeunes doivent à ce stade de dédoubler leurs efforts et puisque le changement induit à une perte de repère, et qu’il est difficile comme nous l’avons dit plus haut, de reconstruire quelque chose qui a été perdue.

 

Enfin, tout cet ensemble de faits aboutit à une perspective commune, la stigmatisation en elle-même constitue un important défi psycho-social pour le jeune. En effet, si nous sommes arrivés à aborder la stigmatisation c’est surtout pour comprendre cette problématique des jeunes PJJ. Aussi, notre enquête révèle qu’elle porte une grande influence sur les jeunes, autant de réactions négatives que positives fluctuent dans la pensée et les actes des jeunes. C’est également ce que nous allons voir dans la section suivante.

 

Section 2. LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES ET SOCIAUX DE LA STIGMATISATION

 

De tout ce qui précède, on peut en déduire que si les stigmatisations existent c’est surtout par rapport au fait que les préjugés et stéréotypes prévalent sur les règles de société. En outre, si les jeunes sont stigmatisés socialement, c’est qu’on estime la stigmatisation comme un fait de société. Les éducateurs l’ont compris, c’est le système social lui-même qui induit à la stigmatisation. En effet, le besoin de classification des groupes de la société renvoie à restructurer les différences entre dominats-dominés, et ainsi créer des repères par rapport aux catégories, et permettant aux dominants de justifier de leur autorité et de ce fait réguler la société. Par conséquent, si les jeunes PJJ sont stigmatisés c’est surtout parce qu’ils sont, selon les éducateurs, minoritaires et constituent la partie dominée.

 

Les effets psycho-sociaux de la stigmatisation concernent les réactions des jeunes par rapport à ce phénomène que la société elle-même entretienne. On parlerait souvent d’une violence ou d’une agression par les jeunes. La tendance de réactivité délinquante des jeunes résulte de cette volonté de surpasser les préjugés des gens telle que nous l’avons vue dans les précédents chapitres. LeBlanc (1971) l’a également confirmé, il s’agit d’un fait de théories du stigmate. A ce sujet, il avance donc que : « Lorsqu’un groupe est stigmatisé, une des manières d’échapper à l’étiquetage consiste à revendiquer pour soi le stigmate négatif, à l’exacerber afin de le retourner contre ceux qui stigmatisent ».

 

C’est d’ailleurs, une réaction que les éducateurs soutiennent. En effet, leur mission les invite à aider les jeunes à s’adapter et à confronter la stigmatisation des gens. La société la voit comme une façon de punir ces jeunes, d’ailleurs ces derniers l’ont avoué, non plus de l’acte commis mais surtout de la psychologie du fait, si l’on peut le définir comme cela ; il s’agit de proférer des mesures à l’endroit de la volonté et de l’intention du fait. Ainsi, la délinquance fait partie de l’histoire de la vie de ces jeunes, et comme toute histoire, il est important d’en retenir les leçons. Les jeunes doivent de cette manière apprendre à vivre avec cette condamnation comme ils vont devoir y reconstruire leur avenir.

 

L’état d’esprit des jeunes est d’autant plus compréhensible que les jeunes eux-mêmes puissent adhérer à cette image négative que l’institution PJJ renvoie. Le défi de la stigmatisation s’apparente en quelque sorte au renvoie des jeunes dans leur quartier. Les éducateurs jugent que « si les jeunes en sont arrivés là c’est surtout sous l’influence néfaste du quartier, l’important c’est de leur apprendre à s’en protéger puisqu’évidemment le quartier représente leur réalité de vie. » D’autant plus que le quartier en lui-même représente un enjeu incontestable à la stigmatisation du jeune. Le quartier renvoie à la nature délinquante du jeune, puisqu’il vient de ce milieu et c’est toujours dans ce milieu qu’il reviendra. D’ailleurs, Chantraine (2003) le confirme dans ses analyses sur la prison, la désaffiliation et les stigmates : « le retour au quartier signifie un retour aux conditions qui l’ont envoyé en prison. Un cercle vicieux s’ébauche, au sein duquel la force du réseau de sociabilité prend une place fondamentale. (…) La reprise d’activités délictueuses est rapide, voire immédiate. »

 

Cette vision se rattache au cas général, à une phase commune que chacun des jeunes doit traverser avec l’accompagnement éducatif de l’éducateur. Cela étant, les effets de la stigmatisation, selon les éducateurs, varient suivant leurs cas particuliers. LeBlanc (1992) parle d’un sentiment d’injustice, les jeunes et les éducateurs le confirment dans leurs discours. Ce qui est naturellement suivi par un sentiment de rejet qui semble affecter fondamentalement nos jeunes. Il parait évident que l’image négative des jeunes reste un important motif de stigmatisation. En position de minorité stigmatisée, les jeunes sont alors appelés à « intérioriser ce marquage négatif et à réagir en fonction » comme l’ont évoqué les éducateurs.

 

Cette réaction dans la majeure partie des cas se résume à des actes de violence et ainsi les jeunes reviennent à la délinquance. Dans le discours de LeBlanc (1992), il est question outre la stigmatisation, d’une forme de racisme également, rappelons-le, nos jeunes sont majoritairement, pour ne pas dire totalement, issus de l’immigration, habitant dans des quartiers sensibles et détenant une histoire critique de la famille, ce sont en effet, d’importants facteurs qui viennent renforcer le phénomène de stigmatisation. En effet, autant d’analyses nous le prouveraient, les jeunes sont d’abord stigmatisés par rapport à leur objet de vie. C’est également dans ce sens que Derville (1997)[29] oriente ses analyses de la stigmatisation des jeunes de banlieue. L’entretien avec les éducateurs nous apprend que « les jeunes se sentent différents et peine eux mêmes à sortir des représentations qu’ils ont des autres, ceux qui ne leur ressemblent pas. Alors à travers la délinquance certains trouvent leur place et se sentent exister, c’est par ce moyen qu’il donner du sens à leur existence. »

 

D’un autre côté, la stigmatisation ne produit pas toujours cet état d’esprit de dévalorisation chez les jeunes. Ainsi pour certains, c’est un moyen comme un autre de « renforcer leur supériorité ». En effet, les éducateurs estiment que certains jeunes se servent de cette différence pour affirmer leur personnalité délinquante. « Ils se sentent différents et peinent eux-mêmes à sortir des représentations qu’ils ont des autres, ceux qui ne leur ressemblent pas. Alors à travers la délinquance certains trouvent leur place et se sentent exister, c’est par ce moyen qu’ils donnent du sens à leur existence. » C’est entre autre l’une des controverses de la rigidité des mesures punitives de la société. Puisque la société elle-même se propose comme obstacle majeur à la réinsertion des jeunes, comme il est supposé être toujours le cas, les jeunes choisissent la solution plus facile : « vivre en dépassement des attentes dégradantes de la société. »

 

Dans la considération même de la délinquance, nous pouvons aboutir au constat que la délinquance des jeunes revêt d’une violence qui reflète leur réaction. Il s’agit en fait d’une manière de communication qu’ils perçoivent comme assimilable par la société moyennant d’un message, ou plutôt d’un besoin de considération de ces jeunes. Cohen (1955)[30] parle d’une violence défensive, Dubet (1992) se réfère à la violence des gangs et Bourdieu (1977)[31] nous parle de violence symbolique. Nous pouvons également retenir le point de vue de Martineau et Morhain (2001)[32] par rapport à la violence agie qui confirme ce besoin d’expression et de compréhension des jeunes. « La violence ne peut être parlée : elle s’exprime, elle opère comme impact dans l’immédiateté, sans langage, sur le corps et l’esprit. »

 

D’un autre côté, Coslin (2005)[33] oriente son point de vue vers la distinction dans la notion de violence même : « Il faut aussi distinguer ce qui tient de la violence fondamentale, pulsion conservatrice à visée défensive, instinct de survie exempt de haine ou de sadisme, de cette agressivité plus élaborée qui se satisfait de la souffrance de l’autre. Si la violence primitive s’intègre dans le courant libidinal sous l’influence d’un environnement familial et social bénéfique, tout se passe au mieux. Mais si elle a été exacerbée ou mal canalisée par cet environnement, elle peut dominer la situation et conduire à des formes perversifiées de la libido qui associent haine et agressivité, sadisme et masochisme ».

 

Chapitre 4. LE PROCESSUS DE STIGMATISATION

 

Dubet (1996)[34] rappelle que si la société est aussi intéressée au sort des jeunes qu’ils soient délinquants ou non, c’est en partie parce que l’évolution de la jeunesse semblent montrer un grand décalage par rapport à ses valeurs traditionnelles, ce qui constitue toutefois une réinvention faite par la société elle-même. En outre, restant toujours dans le sens de l’analyse de Dubet, l’évolution de la société donne sur des prédispositions à la déviance de la jeunesse, puisqu’on se retrouverait alors face à une « image de l’indétermination, des sentiments excessifs, de la disponibilité, de l’enthousiasme et de la souffrance ».

 

Par ailleurs, Dubet rejoint son point de vue à celui de Bettelheim (1963) et Erikson (1963) [35] par rapport à la définition de la jeunesse, pour ainsi dire que dès lors la jeunesse est associée à la modernité. Elle donne désormais sur des conditions à incertitude qui s’imposent comme un grand défi, qui n’est pas non plus facilité par les contraintes sociales auxquelles elle est confrontée.

 

A ce titre, deux caractéristiques sont alors rattachées à la jeunesse : « la première de ces dimensions prend acte de l’affaiblissement des rites, des liens communautaires et du contrôle social. La jeunesse est perçue comme une période anomique du cycle de vie (…) elle est dominée par l’incertitude statutaire liée à l’allongement même du processus de socialisation. (…) La seconde dimension de l’expérience juvénile tient à l’obligation de se projeter dans l’avenir dans la mesure où l’adolescent est mis en demeure de construire son statut adulte au travers des épreuves de sa formation professionnelle et scolaire. L’adolescent est obligé de différer ses gratifications, de travailler pour un avenir encore faiblement perceptible. »

 

D’une manière générale, parler de processus de stigmatisation revient à énumérer les différentes phases que chaque jeune délinquant traverse. Dubet (1992) avance que « les jeunes des banlieues se sentent exclus de mille façons : par l’échec scolaire l’absence d’emploi, la mauvaise réputation des cités, le racisme, alors que les modèles de la consommation et de la réussite sont à portée de main dans la publicité, le supermarché et la télévision. La délinquance apparaît comme une manière réduire cette tension. »

 

D’abord, on se retrouve à tenir compte de l’origine familiale difficile du jeune, mais avant cela, l’apparence que se donne le jeune contribue de près au jugement sur sa personne délinquante. En effet, comme Galland le confirme dans son analyse des stigmatisations de l’apparence des jeunes : « Les discriminations dont souffre un groupe ou une catégorie sociale résultent d’un traitement inégal réservé à leurs membres en raison même de leurs caractéristiques. Cette inégalité de traitement s’appuie souvent sur des préjugés, c’est-à-dire des croyances stéréotypées qui conduisent à traiter de manière injuste telle ou telle catégorie sociale. »

 

Ensuite, il est aussi question du milieu de vie, qui, dans la plupart des cas, est caractérisé par son aspect banlieue sensible. On parle également du milieu scolaire dans lequel le jeune ne réussit pas à s’intégrer par manque de motivation et d’estime des valeurs scolaires et éducatives. Le domaine professionnel, s’il s’aperçoit aussi dur c’est surtout par méconnaissance et par méfiance envers les jeunes. L’image de l’institution s’ajoute à ces critères et les renforce, pour donner à la fin un ensemble de jugement négatif imposant du jeune délinquant. Ces différents niveaux constituent à cet effet un ensemble de facteurs qui induit à la stigmatisation du jeune. Nous serons amenés dans ce chapitre à analyser l’influence de l’interaction entre les jeunes et l’institution et la contribution des médias dans le renforcement de la stigmatisation des jeunes PJJ.

 

Section 1. INFLUENCE DE L’INTERACTION ENTRE LES JEUNES ET L’INSTITUTION

 

Pour parler de l’interaction avec les jeunes dans le cadre institutionnel, nous avons pu observer que les avis se diversifient quant à la constatation d’une telle démarche ; bien que cette situation se justifie par la complexité de ce phénomène reflétant la difficulté de cohésion entre les jeunes et les éducateurs, représentant de l’institution. De leur côté, les éducateurs sont contraints de se conformer à un cadre règlementaire par rapport à leur engagement envers leur fonction et d’un autre côté, les jeunes s’attendent à un meilleur investissement des encadreurs dans la considération de leurs cas. Cela étant, les éducateurs semblent concevoir une grande considération à l’importance de cette interaction de même les jeunes, quoi que ces derniers ne peuvent confirmer ressentir les effets d’un tel processus.

 

Nous avons pu observer dans le discours du jeune qu’il existe un manque d’interaction entre les jeunes et les éducateurs. Les jeunes éprouvent de ce fait une certaine méfiance envers les pratiques des éducateurs et une absence de fond dans les objectifs éducatifs de leurs rôles. Cette impression se fonde notamment sur l’interprétation des démarches que les éducateurs entreprennent dans l’objectif de réinsertion des jeunes. Si certains éducateurs ont une préférence sur les thérapies de fait, c’est-à-dire, par rapport aux actes de délinquance des mineurs, certains optent, nous l’avons vu, pour l’approche relationnelle basée sur la connaissance de la personnalité des jeunes avant de se considérer les faits. Ce qui est sûr c’est qu’il est d’autant plus difficile pour les jeunes de se fier à ces démarches que les éducateurs puissent faire comprendre aux jeunes l’utilité et la finalité de leurs plans d’actions.

 

De leur côté, afin de nous expliquer leur points de vue, les jeunes sont laissés à distinguer un bon éducateur à un mauvais éducateur. A ce sujet également, déjà, les idées sont toutes faites. Un bon éducateur prioriserait la connaissance du jeune plutôt que de se conformer aux actes commis, qui définirait le mauvais éducateur. Quoique, nous avons pu constater que certains jeunes se contrecarrent à considérer les éducateurs somme leurs ennemis, puisqu’ils ont vraiment du mal à avoir confiance en eux, tandis que d’autres prennent la peine de les distinguer dans leurs pratiques. Ces dernières catégories estimeraient une égalité de part (50%-50%) entre bons et mauvais éducateurs.

 

Si nous nous basons sur cette première caractéristique des éducateurs, notre population d’enquête correspondrait à un mauvais éducateur et trois bons éducateurs. En effet, nos entretiens ont révélé que trois de nos éducateurs optent pour la démarche relationnelle contre un éducateur qui estime nécessaire de retenir les actes commis par les jeunes.

 

Les jeunes sont également amenés à apprécier le degré d’implication des éducateurs par rapport à chacun de leurs cas. Il y a ceux qui sont considérés indifférents au sort des jeunes, ils s’intéressent principalement à leur rôle dans la forme, sans se préoccuper de son fondement. Ensuite il y a ceux qui émettent des jugements, qui comptent dans la plupart du temps à dévaloriser les jeunes. Et enfin, il y a ceux qui donnent des appréciations par rapport au progrès des jeunes. Il parait évident que ces éducateurs se conforment aux attentes des jeunes dans leurs manières de faire.

 

Les jeunes sont de ce fait invités à respecter les bons éducateurs, du fait du rapprochement qui s’est établi et d’une base de confiance construite avec ces éducateurs. D’une manière générale, les jeunes ont donné leur avis quant aux caractères associés à la personne du bon et du mauvais, éducateurs. Un bon éducateur serait alors à l’écoute, vient en aide, comprend, punit, redresse, éduque et ne juge pas ; tandis que le mauvais éducateur juge, manque de respect et de confiance, éprouve de l’indifférence envers le problème des jeunes, n’aspire aucune activité avec les jeunes, et n’estime aucune collaboration avec les jeunes. Les jeunes ont également avancé l’idée d’un besoin de commandement des éducateurs, étant donné qu’il est question de jeunes dangereux, il importe que les éducateurs témoignent d’un pouvoir distinctif pour assigner leur autorité.

 

Les éducateurs sont plus ou moins d’accord avec le discours des jeunes quant à ce manque d’interaction. Les jeunes face à la stigmatisation « se retrouvent en rupture  avec les adultes et les institutions, une situation qui accentue encore plus leur souffrance. » De cette manière, ils sont tentés d’adopter « des attitudes destructrices et auto destructrices et mettent à mal leur devenir. » Ce qui conduit à un malaise qui se construit entre les jeunes et les éducateurs. C’est à ce stade que s’éprouve la perte de confiance. Certains sont alors amenés à « rejeter l’action éducative avancée par les éducateurs et la fuient ». Quoiqu’une partie de ces jeunes « parviennent aussi à changer leurs représentations et à accepter l’accompagnement proposé. » A cet égard, l’interaction est bien difficilement acquis dans la vie en foyen, d’autant plus en PJJ.

 

Section 2. L’INFLUENCE MEDIATIQUE SUR L’IMAGE DU JEUNE DELINQUANT

 

Nous avons vu que, tant dans le discours des jeunes délinquants que dans celui des encadreurs, la délinquance s’impose comme facteur essentiel de catégorisation dans la société. Si nous sommes arrivés à ce constat c’est que probablement une certaine mesure d’influence doit être prise en compte. Ce qui laisse un champ d’action au média. En effet, dans un articule de « La revue-médias » (2003)[36], nous sommes amenés à constater que si la délinquance juvénile apparait comme un phénomène menaçant de l’activité sociale, c’est surtout parce qu’au moment où les statistiques sont devenues réalité, il s’est avéré important de les communiquer. Ce besoin de communication et d’information a conduit de ce fait à rendre fondamentale la place des médias au niveau des objectifs sociaux.

 

« La délinquance fait l’objet de multiples représentations. Les statistiques policières (devenues la référence depuis 1976-77) prétendent mesurer les crimes et délits : d’allure scientifique, leurs variations au fil du temps sont régulièrement commentées par les journalistes, les experts, les hommes politiques. La chronique médiatique des « faits divers » et la mise en scène judiciaire des grands procès « donnent corps », au moins implicitement, à l’abstraction statistique. À ces deux catégories traditionnelles de représentations de la délinquance, il faut ajouter les fictions (feuilletons puis romans policiers, films puis séries policières) et les enquêtes sociologiques (« enquêtes de victimation », « enquêtes par autorévélation », enquêtes ethnographiques). »

 

Bien qu’il s’agisse pourtant de cas de mineurs, des mesures de protections doivent être prises en charges, cela étant, l’introduction des médias et le respect de leurs principes de production sont voués à un parfait paradoxe dans ce contexte. Ainsi, Audebrand et Matuszak (2010)[37] confirment notre point de vue. Ils stipulent à cet effet que : « Parmi les mesures de protection de l’enfance délinquante qu’elle initie ou actualise, l’ordonnance du 2 février 1945 instaure un droit à l’oubli pénal pour les mineurs entrés dans le circuit judiciaire. (…) Les contraintes des règles du régime télévisuel ‘reportage’ ou ‘film documentaire’ ordonnent des principes de vérité et de sincérité, qui sont difficilement conciliables avec les principes de floutage. »

 

Nous pourrions avancer l’idée que s’il y aurait une omission de communication, par les médias, des actes délinquants des mineurs, les jeunes seraient mieux protégés de ce phénomène de stigmatisation qui pèse sur eux. Le plus grand problème réside dans le fait que de toute manière l’environnement des jeunes et les institutions de prise en charge ne sont pas pour autant des causes délaissées par les médias, et que ces éléments arrivent à reconstituer la personne même du jeune délinquant, de telle sorte que cela se constitue en étiquetage de son identité et de sa personnalité.

 

Nous avons pu observer que le discours des éducateurs accuse particulièrement la prise de rôle des médias. En effet, les éducateurs trouvent que les médias ont une tendance alarmiste et débordante de préjugés à l’égard des jeunes, qu’une orientation plutôt positive du regard des médias sur les adolescents, leurs quartiers et leurs familles suggèrerait une meilleure optique des jeunes PJJ et ainsi contribuerait à réduire les atteintes délinquantes. Ainsi, tel que Coslin (2005) le propose, la société serait-elle face à de véritables situations d’aggravation de la violence ou s’agit-il alors d’un sentiment de violence suggérée par les médias ? De ce fait retenir « davantage de relais dans les médias sur des situations qui ont réussi et sur ce qui fonctionne bien dans les prises en charge éducatives, sur la réalité judiciaire et carcérale concernant les mineurs, éviterait de laisser germer l’idée dans l’inconscient collectif que règne le laxisme et que rien ne marche dans le travail éducatif avec les mineurs délinquants. »

 

D’autre part, si l’histoire des médias nous montre cette défaillance au niveau de la protection de la jeunesse, le monde médiatique actuel ne tend à épargner aucun fait divers, une tendance allant jusqu’à reformater la culture populaire. En effet, la société ne pense plus qu’à travers ces communications de faits médiatiques. Ainsi, les médias tendent à façonner les jugements propres aux gens, et ce de différentes manières qui reflètent tout l’art de la communication. Par ailleurs, les créations journalistiques sont particulièrement inspirées de ces faits. Dubet (1992) en fait un rapport avec la violence des gangs : « On est là dans la grande mythologie des gangs où se mêlent la réalité et la fiction, le fait divers et le cinéma, image sur laquelle se fixent les médias et l’opinion qui « reconnaissent » dans une bagarre entre bandes des phénomènes déjà connus chaque fois replacés dans une filiation incertaine. »

 

Le fait est que les médias en eux-mêmes inciteraient donc à une violence d’autant plus agressive de la société, une réaction qui intente les jeunes à continuer à agir dans le sens de la délinquance. Ainsi, ces impressions nous affirment l’influence que peut tenir les médias dans le jugement des la société tant des jeunes et de son environnement que de l’institution et des mesures règlementaires. Nous l’avons vu précédemment que « les régulations institutionnelles peuvent non seulement contribuer à renforcer le processus de constitution de la délinquance juvénile, mais aussi le reproduire. » (Carra  1996).

 

En outre, Dubet (1992) affirme que la violence juvénile est un fait des médias, il s’agit plutôt d’établir la différence entre la violence réelle et la violence communiquée par les médias. En ce sens, notre auteur avance que : « Ecrire sur la violence des jeunes, violence mal connue et mal mesurée car le plus souvent discrète et privée, c’est participer directement du phénomène lui-même et de la peur qu’il engendre, plus modérément sans doute que ne le font les journaux, mais d’une manière qui n’est pas sur le fond différent. Rien ne montre mieux cette nature de la violence comme  » représentation  » que l’écart entre la violence  » réelle  » celle que l’on pourrait mesurer, et la violence ressentie. »

 

 

Partie III. LE TRAVAIL EDUCATIF ET LA STIGMATISATION

 

Les précédentes parties nous ont montré comment les jeunes en arrivent-ils à la stigmatisation, et quels effets cela provoque-t-elle quant à la prise en charge des jeunes. Nous avons pu également voir que le placement au foyer renvoie directement à une prise en charge éducative. Certes, le cours de vie des mineurs est bousculé par la délinquance. La logique règlementaire et institutionnelle veut qu’ils soient réintégrés dans les normes éducatives. C’est dans ce cadre que se justifie le suivi des processus éducatifs entrepris à l’endroit des mineurs. Notre problématique dans cette dernière partie concerne les effets de la stigmatisation sur le travail éducatif.

 

Nous allons voir dans le développement de cette partie que les éducateurs eux-mêmes admettent que la stigmatisation est de ce fait un parcours obligatoire des jeunes, ainsi elle porte ses effets sur l’ensemble de la matière éducative et des entités concernées par l’accompagnement de la délinquance. Si nous avons pu faire du deuxième constat l’objet des précédentes parties, ici il sera d’autant plus question du processus éducatif. Ce qui nous aidera à vérifier notre problématique principale quant aux mesures d’implication des éducateurs pour contourner le phénomène de stigmatisation des jeunes. D’autant plus que la deuxième partie de cette étude nous en a suggéré la possibilité.

 

Chapitre 5. LES DEMARCHES D’ACCOMPAGNEMENT DES JEUNES

 

Nous pouvons interpréter l’accompagnement éducatif des jeunes comme un processus de réinsertion sociale, dans ce sens, il consiste à réintégrer dans les valeurs et normes de la société par une prise en charge institutionnelle. Goffman avance que le travail institutionnel obéit à un ordre interactionniste, ainsi pour qu’un processus éducatif soit réussi, il doit mettre en œuvre des actions qui mettent en relation les jeunes avec l’institution dont les éducateurs. Ce qui nous amène à développer sur l’objectif de la prise en charge éducative et son rapport avec la stigmatisation des jeunes.

 

En ce sens, Bonicco (2006) dans son analyse du discours de Goffman propose que :

« Le sujet et la structure, loin d’être des entités antagonistes, sont intrinsèquement liés au cœur de l’unité qu’est la relation. Ce ne sont ni les structures qui déterminent les acteurs, ni les acteurs qui engendrent les structures, mais une relation cognitive qui constitue le moteur d’un processus de subjectivation et de socialisation. L’ordre de l’interaction apparaît comme un ordre structurel où les structures n’existent que pour autant qu’elles sont mises en œuvre à chaque instant par les acteurs, mais les acteurs ne peuvent eux-mêmes les mettre en œuvre que sur la base d’un sens commun guidant leur conduite. »

 

Section 1. L’OBJECTIF DU TRAVAIL EDUCATIF

 

D’une manière générale, l’accompagnement éducatif se veut d’être un élément de raccord entre les jeunes et la normalité, il s’effectue donc en institution compte tenu du placement des jeunes au foyer PJJ. Certes, l’institution met en place un processus commun pour un objectif de résultat précis pour servir de base aux approches choisies par les éducateurs. Ce qui invoque la possibilité de choix dans les stratégies à mettre en œuvre pour un meilleur accompagnement du jeune. A ce sujet, parler de meilleur accompagnement relève d’une appréciation subjective de la prise en charge. D’autant plus que les éducateurs ont chacun une appréciation de la meilleure méthode, qui est en fait la méthode à laquelle ils sont plus adroits, d’accompagnement des jeunes.

 

Si les éducateurs témoignent d’une préférence sur les méthodes d’intervention c’est surtout pour ne pas aboutir à une démarche qu’ils qualifient de « par défaut ». En effet, dans l’ensemble, les éducateurs sont tout aussi d’accord sur le fait que les jeunes doivent être considérés selon les différences et particularités des cas. Les méthodes en question se distinguent selon les priorités des éducateurs dont le relationnel ou les actes de délinquance. Nous n’allons plus revenir à la matière de distinction que nous avons d’ailleurs déjà vu dans la partie précédente, il s’agit plutôt d’insister sur la matière d’aboutissement.

 

Ainsi, une partie des éducateurs préconisent que « plus que le travail sur la nature du délit, il est nécessaire de les accompagner à réfléchir sur des notions telles que la loi, l’autorité, la limite, la responsabilité… et sur les conséquences d’une réitération des actes délictueux pour leur devenir afin de prévenir la récidive et ainsi espérer un changement de comportement. » Il s’agit donc de renseigner les jeunes sur la délinquance en général, un cas qui leur est familier puisqu’ils sont eux-mêmes placés en PJJ, avant de s’étaler sur l’essentiel des actes commis par le jeune ; d’autant plus que la délinquance ne peut pas être figée à une seule nature d’acte. Une telle approche leur éviterait de recourir à d’autres possibilités de dérision dans le cas où une leur est interdite.

 

Les éducateurs rajoutent que « tous les éléments pouvant éclairer une situation sont utiles, l’essentiel étant de ne pas se limiter à un seul axe de travail. Il faut offrir à l’adolescent les outils pour qu’il chemine, lui seul pourra prendre conscience de sa situation. Notre objectif est de donner l’espoir que tous les destins sont possibles, lui-même aura à faire des choix. Cette capacité d’action personnelle est une réalité même si elle ne doit pas masquer un certain déterminisme social. » En effet, ce propos mesure l’enjeu d’une limitation du point de vue au seul acte des jeunes, puisque si ces actes ont été réalisés, il doit probablement y avoir une cause.

 

Une autre partie des éducateurs estiment toutefois que l’accompagnement éducatif ne peut se faire que sur la base des informations recueillies sur la nature du placement des jeunes. Cela se soutient par le fait que c’est un processus institutionnel et par conséquent il existe des démarches sur lesquelles il est nécessaire de se conformer, notamment l’obligation de rapport aux magistrats. Cela étant, cette démarche risque d’influencer le regard des éducateurs sur les jeunes et ainsi de se contrecarrer aux seules appréciations excluant les possibilités qui peuvent se présenter aux jeunes. Bien que les résultats de notre enquête montre que « la relation entre un mineur et un éducateur n’est pas qu’interpersonnelle, qu’elle est liée à des logiques d’action institutionnelles, et que c’est dans ce sens que les éducateurs seraient susceptibles de participer ou renforcer cette stigmatisation. »

 

Section 2. LES ENJEUX DE LA STIGMATISATION PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS EDUCATIFS

 

Ainsi comme nous l’avons introduit dans cette première section, c’est surtout la logique institutionnelle qui induit à la stigmatisation des jeunes. Et comme nous l’avons déjà confirmé précédemment, il est donc possible que la stigmatisation porte également ses effets sur les actions éducatives. En effet, les impressions que nous avons de notre travail et celles que nous portons à l’égard des jeunes influencent beaucoup nos motivations sur l’élaboration des processus éducatifs pour les jeunes. Dans la plupart des cas, c’est surtout le sentiment d’utilité des éducateurs, et l’existence des différents niveaux du travail éducatif qui encouragent les éducateurs dans l’atteinte de leurs objectifs par rapport à la prise en charge des jeunes.

 

Cela étant, les choses ne se présentent pas toujours aussi facilement. Le processus éducatif oblige à se concentrer sur des activités de formations, ainsi la réinsertion s’effectue soit au niveau de la scolarisation soit au niveau professionnel, tous les sujets à différentes contraintes liées à la PJJ. Les écoles sont réticentes à l’intégration des jeunes puisque d’une façon générale, elles ne prévoient pas de mesures spéciales pour ces cas de délinquance.  Et bien évidemment, l’émancipation professionnelle constitue l’idéal de vie des jeunes, ce qui fait qu’ils sont plus motivés à ce niveau. Les éducateurs estiment que « le milieu du travail intéresse bien les jeunes c’est surtout parce que cela leur apporterait donc des repères et des limites qu’ils recherchent fortement, parce qu’ils les apaisent. » C’est dans ce sens qu’ils sont amenés à établir des projets professionnels avec les jeunes.

 

Ce qui n’implique pas forcément que le milieu professionnel soit plus ouvert que le milieu scolaire. Il se trouve que les entreprises sont toutes aussi réticentes à l’idée d’embaucher des jeunes PJJ, compte tenu des stéréotypes et préjugés laissés à leur portée. Ce qui rejoint l’idée développée dans les analyses de Noël (1999)[38] portant sur les coproduction de discrimination tenues par les intermédiaires sociaux et entreprises. Dans la majeure partie des cas, les jeunes manquent volontairement de mentionner leur placement en PJJ. Bien que certains professionnels se portent aussi bien volontaires pour soutenir les jeunes. Ce qui constitue un geste le plus accueilli et qui surenchère leur valorisation de soi, pour croire à un avenir meilleur.

 

Quoique, le jeune PJJ restera jusqu’au jugement un jeune à problème. Aussi, il n’Est pas impossible que le jeune se soumette à la tentation de retomber dans la délinquance et mettre à néant les efforts déjà acquis, en décevant la confiance qui a été placé en lui.  En outre, le comportement du jeune dépend de phénomènes aussi subjectifs, dans le sens que « ils peuvent adopter un comportement différent à chaque lieu et situation : alors qu’ils passent à l’acte régulièrement au foyer ou à l’école, ils ont une attitude irréprochable au travail où ils se sentent respectés et considérés par le patron et l’équipe, ou ils trouvent une place et une image valorisante. »

 

 

Chapitre 6. LE CONTEXTE EDUCATIF COMME PERSPECTIVES DE REINSERTION SOCIALE DES JEUNES

 

Le plus grand défi qui s’impose aux jeunes est de retravailler leur image à la rencontre de la société. Si les médias favorisent un sentiment de méfiance chez les gens témoins de leurs actes, l’institution leur offre les moyens de contourner ces défauts en vue d’une meilleure réinsertion de nos jeunes placés en PJJ. Bien que cela constitue une autre matière à jugement. En effet, déjà au départ, les jeunes sont jugés par rapport à leur capacité d’intégration sociale. Il s’agit d’une certaine manière dans notre cas de repasser par cette étape mais avec d’autres éléments d’expérience en plus. Dans ce dernier chapitre, nous serons amenés à voir le contexte éducatif comme base de perspectives de réinsertion sociale des jeunes.

 

Section 1. POUR UNE MEILLEURE RECONSTRUCTION DE L’IMAGE DES JEUNES PJJ

 

La patience et la volonté d’implication des jeunes au processus éducatif constituent une importante garantie de son aboutissement. Dans notre enquête, nous avons été amenés à questionner sur les effets de la démarche éducative sur l’image des jeunes. Déjà une première réponse que nous pouvons soutenir de nos constats personnels est que si la prise en charge institutionnelle reste une orientation valide en matière de restrictions judiciaires, on ne peut rester aux seules appréciations des controverses de l’accroissement de la délinquance ; il faut également prendre en compte le fait qu’il doit au moins y avoir un semblant d’équilibre et d’efficacité de ce recours.

 

En effet, le rapprochement de l’institution dans l’analyse des cas des jeunes tend à combler un minimum de besoins qui sont fondamental au développement d’abord personnel, ensuite professionnel des jeunes. C’est dans cette optique que s’explique la diversité des activités dans le foyer et dans la fonction même des éducateurs. « A travers des activités valorisantes, la gestion du collectif et le vivre ensemble, la réflexion sur des sujets multiples, l’accès à la vie culturelle, les activités sportives, découverte du monde du travail, lien avec les partenaires, le suivi thérapeutique, l’espace de dialogue pour dire ses ressentis, la confrontation à leur réalité et leur histoire, l’accueil de leurs questionnements, leurs doutes et leurs passages à l’acte… sont les moyens dont nous disposons pour entrer en relation avec ces jeunes dans  leurs réalités sociales. »

 

En tout cas, le discours des éducateurs montre une volonté d’aboutissement des objectifs des actions avec les jeunes, du moins ils se montrent disposer à accompagner les jeunes dans leur combat contre les stigmatisations. Aussi, aller dans la connaissance des jeunes et observer la tenue des processus éducatifs permettent aux éducateurs de faire des bilans sur leurs pratiques personnelles et professionnelles, et trouver ainsi des pistes d’amélioration de l’accompagnement des jeunes. Les principaux travaux sur l’image impliquent des recours psychologiques et sociologiques par rapport aux actions entreprises. Dans ce sens, les éducateurs se proposent de :

  • Tenter de modifier leurs représentations et d’ouvrir des espaces de réflexion pouvant leur permettre d’évoluer positivement en termes d’estime de soi ;
  • Ouvrir les champs du possible en leur donnant des pistes pour se réconcilier avec les adultes, les institutions, et la société et grandir sereinement ;
  • Leur montrer qu’ils ont eux aussi leurs préjugés, qu’ils peuvent agir sur la stigmatisation et qu’elle n’est pas une fatalité ;
  • Leur faire comprendre que l’image qu’ils montrent aux autres est susceptible d’être modifiée et d’entraîner des réactions différentes.

 

Selon les éducateurs, il est tout simplement question de confiance mutuelle entre les jeunes et les éducateurs, aussi bien qu’un minimum estimé peut amener à de grands efforts d’évolution. Cela étant, ces procédés ne manquent toutefois pas de contraintes. D’un côté, il peut s’agir « d’incompréhensions, voire des tensions ou des conflits qui font en quelque sorte partie du jeu de la relation. » D’un autre côté, il serait question d’un enchainement d’échecs liés aux actions extérieures des jeunes : « les échecs répétés peuvent décourager le jeune dans ses efforts et nous décrédibiliser dans notre discours éducatif. Ces échecs ne fait qu’alimenter ce sentiment de n’avoir pas de place au sein de la société et renforcer le maintien dans leur trajectoire délinquante. »

 

Section 2. POUR UNE TOTALE IMPLICATION DES PARTENAIRES A L’EDUCATION DU JEUNE PJJ

 

Nos éducateurs nous ont orientés sur le fait qu’un processus de réinsertion ne peut s’accomplir sans l’implication des partenaires. Il s’agit de tout un ensemble d’entités outre les éducateurs : les parents et la famille, la société et les institutions ainsi que les médias. Les éducateurs évoquent la difficulté d’établir des relations avec les partenaires potentiels à cause de leur réticence envers les jeunes PJJ, alors que « la prise en charge éducative nécessite une continuité dans les actions : implication de la famille, des partenaires extérieurs et de la société même, afin d’évaluer l’importance de la coéducation. »

 

Au niveau parental, bien que ce soit un cas rare, il est possible que certains parents se désintéressent du parcours éducatif des jeunes PJJ. « Certains parents, rares, sont hostiles à la prise en charge et complètement absents, d’autres pensent que nous avons les solutions miracles et se reposent sur l’institution. » La minorité de ce cas nous laisse croire avec les éducateurs que la majorité des parents dans ce cas s’impliquent davantage pour la réussite de nos actions, d’autant plus qu’ils s’intéressent eux –mêmes à une réintégration sociale dénie par leur manque de vigilance par rapport aux agissements de leurs enfants.

 

Cela ne conditionne pas non plus pour autant une réussite totale à la réunion de la famille : « Parfois le travail que nous essayons de mener n’aboutit pas toujours à rétablir les liens familiaux et ces difficultés nous décrédibilisent aux yeux des jeunes, ce qui rend l’action éducative très complexe, et à défaut de toute inscription sociale, les jeunes peuvent conduire à une inertie qui ne favorise pas la revalorisation d’eux-mêmes.

 

En outre, nous seront aussi d’accord pour une vision positiviste de la société et des institutions quant au sort de nos jeunes PJJ. En effet, la stigmatisation se fait sentir comme un élément extrême de l’exclusion sociale, c’est parce que toute leur vie les jeunes ont traversé tout un parcours marginalisant. Ainsi, une plus grande implication de la société dans la prise en charge des jeunes PJJ placerait chez les jeunes un meilleur espoir sur leur devenir. Dans ce sens, nos éducateurs préconisent les perspectives suivantes tant à l’endroit de la société en générale que de la PJJ elle-même :

  • Les institutions pourraient renouer le dialogue avec ces adolescents et apaiser les relations par des actes de sensibilisations, des rencontres afin de créer des passerelles et apprendre à se connaître pour diminuer les peurs.
  • La société pourrait se réengager dans sa responsabilité à l’égard de ces adolescents et leur offrir d’autres perspectives que la contention et la répression pour grandir.
  • La PJJ pourrait participer aux changements des regards si elle échangeait sur son métier et sur le vécu avec les adolescents, en effet peu de personnes connaissent notre action.
  • Un besoin d’ouverture de la société pour permettre aux jeunes de s’intégrer facilement
  • Redonner davantage de moyens aux différentes associations qui permettent de contrecarrer les effets de la stigmatisation en agissant en amont par la prévention et la communication.
  • Il faut renforcer la communication et le travail avec plus de partenaires et différentes entreprises. Au niveau des politiques sociales, peut-être procéder à de nouvelles reformes  en faveur des entreprises pour permettre la réinsertion sociale des jeunes.

 

De leur côté les jeunes sont également amenés à considérer différents points pour se prémunir des effets de la stigmatisation. Les éducateurs nous en parlent :

  • Il faudrait que ces adolescents prennent la mesure de leur propre responsabilité dans le renforcement de la stigmatisation, ce n’est pas toujours la faute de l’autre.
  • Ils ne doivent pas uniquement se voir comme victime de la société, ils sont la société et en tant que tel ils peuvent agir pour faire reculer la stigmatisation.
  • Il est important également de ne pas sombrer dans une position qui renforcerait la victimisation du jeune. Qu’il soit stigmatisé est une chose, mais il y a d’autres paramètres qui entrent en jeu : sa propre volonté de s’en sortir, le rôle de l »influence des parents, du quartier.

 

 

CONCLUSION

 

Il parait évident que l’accompagnement des jeunes ne constitue pas un objet facile dans le parcours social. D’une part, l’imposante probabilité de dérision de la jeunesse se voit comme un réel obstacle à l’harmonie sociale, mais quelle serait une société sans problématique sociale, aussi bien que son évolution à elle seule crée autant de contraintes que d’opportunités. Nous l’avons vu, la délinquance des jeunes est un malaise social à soigner puisqu’elle commence à gagner les pratiques de notre jeunesse actuelle. Ce qui nous a orientés vers la prise en charge institutionnelle. Sur ce point, il est clair que des efforts considérables ont été pris en compte pour contenir le phénomène de délinquance.

 

Cela étant, il serait plus judicieux à mon avis de soigner le mal qu’il est réellement dans la société pour pouvoir mettre fin à ces tendances délinquantes, en priorité les différentes catégorisations sociales. Ici encore, nous sommes amenés à penser qu’une société ne peut survivre sans hiérarchie. Dans ces sens de questionnements se justifie l’orientation sociologique de la délinquance, d’autant plus qu’il s’agit essentiellement de problème social que la société elle même a encouragé. L’institution se voit alors comme notre unique champ d’action pour se rapprocher des jeunes en difficulté.

 

Mettre fin au processus délinquant est une chose et faire face à son traitement par la société en est une autre. Les valeurs que porte la société sont d’autant plus important qu’un processus de stigmatisation prenne place en réaction envers la délinquance des jeunes. Du moment que les deux phénomènes sont indissociables, les moyens d’actions se voient également se rétrécir, bien que l’optimisme qui envahit le foyer PJJ, ses éducateurs et les jeunes nous fait penser à de grandes possibilités d’accomplissement des objectifs éducatifs.

 

Le plus grand défi de la prise en charge éducative devant le phénomène de stigmatisation s’apparente aux moyens à mettre en œuvre pour le contourner. Dans notre étude, les éducateurs semblent bien motivés à rejoindre les causes des jeunes dans leur bataille. Ils ont bien prévu autant de mesures à entreprendre à cet effet. D’une manière générale, d’ailleurs ils l’ont bien précisé, tout est une question de confiance. Il est important que les jeunes puissent asseoir une confiance dans les actions éducatives, une confiance dans leur capacité à vaincre, une confiance mutuelle entre les jeunes et les éducateurs.

 

Cela étant la complexité de cette démarche se constitue comme obstacle à l’accomplissement des actions éducatives. Aussi, il ne peut être envisagé une quelconque perspective d’actions positives sur la stigmatisation. Etant donné qu’empirer la délinquance des jeunes est tout simplement une conséquence logique du manque de confiance des jeunes envers le processus institutionnel, ainsi les stigmatisations agissent en controverses et tendent à renverser cet état de délinquance. Il est nécessaire à cet effet d’obtenir l’implication de chaque partenaire à l’éducation des jeunes. La question qui se pose est de savoir comment estomper les effets pervers de la stigmatisation sociale à l’origine de la délinquance ? Ce qui pourrait être envisagé comme moyen essentiel à la prévention de la délinquance et d’une quelconque inégalité sociale.

 

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[1] Mucchielli L., 2007, L’évolution de la délinquance juvénile en France, 14p. http://www.europarl.europa.eu/hearings/20070320/femm/mucchielli_fr.pdf.

[2] Durkheim E., 1960, De la division du travail social, Paris, Presses Universitaires de France.

[3] Parsons T., SHILS E. A., 1962, Toward a General Theory of Action, New York, Harper Torchbooks.

[4] Merton R. K., 1957, Social Theory and Social Structure, Glencoe, Free Press.

[5] LeBlanc M., 1971, La réaction sociale à la délinquance juvénile : une analyse stigmatique, Acta Criminologica, vol. 4, n° 1, p. 113-191. http://id.erudit.org/iderudit/017017ar.

[6] Carra  C., 1996, Délinquance juvénile et régulations institutionnelles, Droit et Société n°32, p. 105-113.

[7] Chamboredon J. Cl., 1971, La délinquance juvénile, essai de construction d’objet, Revue française de sociologie, vol. XII, n°3, p.335-377.

[8] Durkheim E., 1991, Le suicide, Paris, PUF, p.311.

[9] Cario R., 2000, Jeunes délinquants: à la recherche de la socialisation perdue, L’Harmattan, 416p.

[10] Cour des comptes, 2003, La protection judiciaire de la jeunesse, Synthèse du rapport public particulier, 39p.

[11] Rogel T., 1997, La stigmatisation, Sociologie, DEES 107, p.53.

[12] Merton R.K., 1965, Eléments de théorie et de méthode sociologique, Plon.

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[14] Durkheim E., 1968, Les règles de la méthode sociologique, PUF 17e édition.

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[17] Rude-Antoine E., 1993, Les jeunes étrangers, leur statut juridique et leur intégration, Droit et Société, n°25, p. 449-464.

[18] Galland O., 2006, Jeunes : les stigmatisations de l’apparence, société, Economie et statistique n°393-394, p.151-183.

[19] Chantraine G., 2003, Prison, désaffiliation, stigmates, Déviance et Société n°4, vol. 27, p.363-387. http:// www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2003-4-page-363.htm.

[20] Chambat-Houillon M. F., Lebtahi Y., 2010, Télévision et justice, L’Harmattan. 305p.

[21] Chantraine G., 2003, Prison, désaffiliation, stigmates, Déviance et Société, Vol. 27, p. 363-387. http://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2003-4-page-363.htm.

[22] Schwartz E. E., 1945, A Community Experiment in the Measurement in Juvenile Delinquency, Yearbook of the National Probation Association, p. 156-181.

[23] Porterfield A. L., 1946, Youth in Trouble, Forth Worth (Tex.), Leo Potisman Foundation.

[24] Erikson M. L., Empey L. T., 1965, Class Position, Peers and Delinquency, Sociology and Social Research, 49 (n° 3) : 268-283.

[25] Hardt, R. H., 1968, Delinquency and Social Class : Bad Kids or Good Cops, I. Deutscher et E. Thompson (edit.), Among the People : Encounters with the Poor, New York, Basic Books, p. 132-146.

[26] Jamet  L., 2010, Les mesures de placement de mineurs « délinquants » : entre logiques institutionnelles et stigmatisation du public, Sociétés et jeunesses en difficulté n°9, http://sejed.revues.org/index6689.html.

[27] Gény R., 2006, Réponse éducative de la PJJ et conversion des habitus, Sociétés et jeunesses en difficulté n°2. http://sejed.revues.org/index183.html.

[28] Dubet F., 1992, A propos de la violence et des jeunes, Cultures & Conflits n°6, p. 7-24. http://conflits.revues.org/index672.html. Consulté le 25 février 2012.

[29] Derville G., 1997, La stigmatisation des « jeunes de banlieue », Communication et langages. n°113, p. 104-117.

[30] Cohen A. K., 1955, Delinquant Boys. The Culture of the Gang, New York, The free Press.

[31] Bourdieu P., 1977, Sur le pouvoir symbolique, Anales, Economies, Sociétés, Civilisations, n°3 vol.32, p. 405-411.

[32] Martineau J. P., Morhain Y., 2001, Malaise social et violences d’adolescents, Cahiers de Psychologie Clinique n°16, p. 79-96. http://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2001-1-page-79.htm.

[33] Coslin P. G., 2005, «La violence à l’adolescence», Les cahiers psychologie politique, n°6. http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1240.

[34] Dubet F., 1996, Des jeunesses et des sociologies. Le cas Français, Sociologie et sociétés, vol. 28, n° 1, p. 23-35. http://id.erudit.org/iderudit/001202ar.

[35] Bettelheim B., 1963, The problem of Generation, in Erikson Youth: Change and challenge, Londres, New York, Basic Books.

[36] Mauger G., 2003, Médias et délinquance, MidiaMorphoses – dossier, La Revue-Médias n°23. http://www.revue-medias.com/medias-et-delinquance,602.html.

[37] Audebrand F., Matuszak C., 2010, Entre contraintes juridique et stigmatisation des jeunes : les enjeux de la justice des mineurs face aux médias, in Chambat-Houillon M. F., Lebtahi Y., 2010, Télévision et justice, L’Harmattan, p. 185.

[38] Noël O., 1999, Intermédiaires sociaux et entreprises : des coproducteurs de discriminations ?, ISCRA Méditerranée, 12p.

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