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La Crise Allemande de 1929 et l’Ascension du Parti Nazi au Pouvoir

III. BERLIN ET SON INSURMONTABLE DECLIN

La crise Allemande en 1929 résulte des conséquences catastrophiques de l’économie allemande qui devient ensuite très dépendante des capitaux amenés aux États-Unis instantanément après le krach de Wall Street.

Etat nation très récent et fragile, traversé de multiples clivages géographiques, religieux, politiques et sociaux, l’Allemagne entre en plus dans une nouvelle phase d’instabilité politique à partir de 1929. Après le décès de Gustav Stresemann, artisan avec Aristide Briand du rapprochement franco-allemand, la chute du chancelier Hermann Müller en 1930 est celle du dernier gouvernement parlementaire. Il est remplacé par le gouvernement conservateur et autoritaire de Heinrich Brüning, du Zentrum.

III.1  Arrestation des écrivains allemands, témoins du chaos berlinois

Quant le pouvoir est à la main des nazis de NSDAP Adolf Hitler, de nombreuses figures de la gauche littéraire et scientifiques sont exclues. Les exclusions et les exils des écrivains allemands sous le IIIème Reich hitlérien sont une marque d’insurmontable déclin de Berlin. Pendant lequel, de nombreux artistes, écrivains et savants doivent donc fuir d’emblée l’Allemagne nazie en raison de leurs origines juives, et/ou de leurs convictions politiques pacifistes, de gauche, antinazies, ou encore de la nature avant-gardiste de leur art. Les nazis condamnent également « l’art dégénéré »  et « les sciences juives ». Au début de ce régime, de nombreuses œuvres des avant-gardes artistiques sont aussi détruites ou dispersées.

 

III.1.1 La dispersion des œuvres non- nazis

L’arrivée de Hitler au pouvoir marque brutalement la fin de l’âge d’or culturel qui avait représenté la République de Weimar pour l’Allemagne. Le régime nazisme de Adolf Hitler interdit les publications des de la plupart des œuvres en allemagne. Alors, de nombreux autodafés ont lieu, notamment des livres d’auteurs juifs, communistes, etc. Toutefois, plusieurs écrivains se retirent bientôt devant la menace de Berlin d’interdire leurs livres en Allemagne, notamment Alfred Döblin, l’autrichien Stefan Zweig et son propre père

Le 10 mai 1933, le ministre de la Propagande Joseph Goebbels préside à Berlin à une nuit d’autodafé pendant laquelle des milliers de « mauvais livres » d’auteurs juifs, marxistes, démocrates ou psychanalystes sont brûlés pêle-mêle en public par des étudiants nazis ; la même scène se tient dans les autres grandes villes. Dans ce moment, tous les livres proscrits de Marx, d’Einstein et d’auteurs célèbres ont été détruits.

En plus, quelques artistes restés en Allemagne, comme Emil Nolde, se voient interdire de peindre ou d’écrire, et sont placés sous surveillance policière. Cette interdiction est marquée aussi par l’exclusion de la presse, du cinéma, du monde du spectacle des Juifs. La culture est dirigée : Hitler met en place un contrôle total de la presse écrite par le parti nazi, choisit les films qui passent au cinéma. Et les œuvres d’auteurs juifs ne peuvent plus être jouées ou interprétées comme celles de Heine ou Mendelsohn.

Par conséquent expiation spectaculaire des livres interdits, le 10 mai 1933, permit à beaucoup de commentateurs de rappeler la célèbre phrase de Heinrich Heine : « là où on brûlera des livres, on brûlera des hommes ».

On peut citer parmi eux les écrivains Erich Maria Remarque, Adrienne Thomas, Thomas Mann et son frère Heinrich Mann, ainsi que Bertolt Brecht, Alfred Döblin, Kurt Tucholsky, ou encore Lion Feuchtwanger, Walter Benjamin, Arthur Koestler. Les vivres de Thomas Mann, Bertolt Brecht et Albert Einstein sont détruits dès le 28 février 1933. D’autres sont jetées en prison comme le pacifiste Karl von Ossietsky. Il en va de même pour les metteurs en scène berlinois Max Reinhardt et Erwin Piscator. Sont aussi notamment proscrits les philosophes Husserl, Hannah Arendt ou Wilhelm Reich, la théologienne Edith Stein, les peintres d’avant-garde Paul Klee, l’architecte Walter Gropius, le physicien et mathématicien Albert Einstein.

Face à cette destruction brutale de leurs oeuvres, un certain nombre d’artistes et d’écrivains pourtant sondés par Goebbels ont été le choix de partir par acte de résistance au régime, ainsi le cinéaste Fritz Lang ou l’actrice Marlene Dietrich.

D’obédience pacifiste voire socialiste, la « Société des écrivains allemands de Vienne », qui sony dissous par les nazis est remplacée par la Reichsverband Deutscher Schriftsteller en 1935.

 

            III.1.2Exemples des ecrivains exilés

  • Cas de Alfred Döblin 

lfred Döblin est Médecin neurologue entre l’année 1905 à 1930 à Regensburg, Freiburg et Berlin. Il est aussi un écrivain allemand très tôt passionné par le progrès technique qui commence sa collaboration avec Herwarth Walden en 1910, et participe au journal expressionniste alors nouvellement fondé Der Sturm (La tempête). Ayant pour modèles littéraires et philosophiques Heinrich von Kleist, Friedrich Hölderlin et Friedrich Nietzsche, Alfred Döblin appartenait à ces écrivains précurseurs qui utilisaient la radio comme média de diffusion. Cet écrivain passe la majeure partie de la Première Guerre mondiale dans un lazaret en Alsace pendant laquelle il commence à écrire son roman Wallenstein, publié en 1920. Établi dans le secteur de Berlin-Lichtenberg,  Alfred Döblin est le témoin oculaire des combats de mars 1919 à Berlin, dont il réalisera plus tard le sujet de son roman Novembre 1918.

Au cours de sa période berlinoise, Döblin écrit de nombreux articles par exemple à propos de pièces de théâtre ou de films, entre autres pour le quotidien en langue allemande Prager Tagblatt. Ces articles offrent une image saisissante de la vie quotidienne dans le Berlin de la République de Weimar, et certaines de ces esquisses ont été intégrées par Döblin dans son roman Berlin Alexanderplatz. Dans ses textes politiques de cette époque, Döblin critique le parti socialiste allemand (le SPD) pour sa collaboration avec le président Paul von Hindenburg, se positionnant ainsi plus à gauche.

Les techniques du collage et de la simultanéité avaient déjà été expérimentées par Döblin en tant que collaborateur au journal La Tempête, en référence aux travaux des futuristes italiens, écrivains comme Filippo Tommaso Marinetti ou peintres comme Umberto Boccioni, Luigi Russolo et Carlo Carrà. Ces techniques, déjà présentes dans L’assassinat d’une renoncule trouvent son apogée dans Berlin Alexanderplatz. Ce roman se déroule dans les quartiers populaires proches de l’Alexanderplatz, dans le Berlin des années 1920.

Berlin Alexanderplatz est un œuvre la plus connue d’Alfred Döblin, publié en 1929. Dans cet ouvrage, Döblin décrit les bas-fonds du Berlin des années 1925-1930. Il raconte le parcours de Franz Biberkopf, délinquant à peine sorti de prison, dans le monde de la pègre dont il réalise qu’il lui est impossible d’en sortir. Ce récit franchement moderne est composé de références bibliques et mythologiques, de collages d’extraits de journaux et mêle la tragédie à la drôlerie populaire, dans une cacophonie et un effrayant chaos.

Racontant la République de Weimar de Berlin de 1925 à 1930, le roman de Böblin le plus connu Berlin Alexanderplatz est ciblé des autodafés nazis dès 1933. La publication de ce roman et d’autre livres de Döblin est interdite, et brûler ensuite le 10 mais 1930. Pour pouvoir  continuer à écrire, juste après l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir et au lendemain de l’incendie du Reichstag, cet écrivain allemand Alfred Döblin a décidé de quitter l’Allemagne le 28 février 1933 en accompagnant de sa femme et de son plus jeune fils, Stephan, (rejoint ultérieurement courant 1933 par les 3 autres enfants). Il part en Suisse, puis en France.

Alfred Döblin, son épouse ainsi que Wolfgang, Claude et Stephan obtiennent la nationalité française en octobre 1936. Pierre, l’aîné n’ayant pas obtenu de permis de travail en France, a dû aller aux USA, et obtiendra la nationalité américaine. En 1939, quand la guerre éclate, Döblin entre dans le ministère de la propagande français, où il rédige des tracts avec d’autres émigrants allemands. C’est avec les collaborateurs du ministère que Döblin fuit le 10 juin 1940 vers le sud de la France. Sa femme et le plus jeune fils quittent Paris le 23 mai 1940 en direction du Puy. Ils se retrouveront, après une recherche angoissante, à Toulouse le 10 juillet 1940.

  • Cas de Klaus Heinrich Thomas Mann

Klaus Heinrich Thomas Mann est un écrivain allemand, entré en littérature dans les premières années de la République de Weimar. Il se montre d’abord sensible à un esthétisme inspiré par Stefan George et écrit le premier roman allemand homosexuel. Klaus Mann a rapidement dénoncé le régime nationaliste.

Quittant l’Allemagne lors de l’arrivée au pouvoir des Nazis en 1933, son œuvre prend une nouvelle orientation, faisant le choix de l’engagement. Grâce à la destruction des œuvres allemands opposant de  nazisme, il a quitté l’Allemagne dès le 13 mars 1933 et passe les années suivantes entre Amsterdam, la France et la Suisse, où s’est installée sa famille. En bannissement, Thomas Mann a fondé à Amsterdam une revue littéraire de combat contre les nazis. Cette revue est  éditée par les éditions amstellodamoises Querido, Die Sammlung, qui paraît d’août 1933 à août 1935. Cette travail est en collaborateurs avec Ernst Bloch, Bertolt Brecht, Albert Einstein, Trotski, Hemingway, Boris Pasternak et Joseph Roth.

  • Cas d’Emmanuel List

Emanuel List est un chanteur d’opéra autrichien naturalisé américain en 1918, et l’une des basses les plus graves et les plus vocalement sinistres de son temps. Comme interprète de Hagen et de Fafner, List est pareillement alarmé. List est membre de l’opéra d’État de Berlin depuis 1923 qui est chanté jusqu’en 1933 de façon régulière au Festival de Bayreuth.  Or, en raison de ses origines juives, il est aussi interdit pendant le pouvoir de nazie comme son collègue Friedrich Schorr. Il décide alors de quitter l’Allemagne dès 1934.

  • Robert Musil

Robert Musil est un ingénieur, écrivain, essayiste et dramaturge autrichien. Il est connu par son roman inachevé L’Homme sans qualités (2 tomes, 1930-1933). Il est aussi connu pour d’autres écrits : d’autres romans, des essais d’analyse politique ou psychologique, deux pièces de théâtre, et une série de nouvelles regroupées dans le recueil Œuvres pré-posthumes. Pour beaucoup de spécialistes, ses écrits ont pleinement participé à la création de la modernité littéraire en plus de faire éclater le cadre romanesque. Le 30 janvier 1933, Musil, ayant des difficultés financières, reçoit d’un fonds spécial une subvention, grâce à l’entremise de Thomas Mann et d’Oskar Loerke. Après l’avènement au pouvoir d’Hitler, Musil rejoint Vienne.

  • Erich Kästner

Erich Kästner est un écrivain allemand, scénariste et créateur de spectacles de cabaret. Il est connu du public allemand pour sa poésie critique pleine d’humour, et pour ses livres pour la jeunesse. Ses œuvres ont été traduites dans plusieurs langues, particulièrement son roman pour la jeunesse Émile et les détectives, et souvent adaptées au cinéma. Les années qu’il passe à Berlin de 1927 à la fin de la république de Weimar en 1933 sont les plus productives pour Kästner. En quelques années, il se hisse au rang des plus grandes figures intellectuelles de Berlin. Il publie ses poèmes, ses gloses, ses reportages et ses récits dans différents périodiques. Il écrit régulièrement des critiques de théâtre et collabore au journal Die Weltbühne et à différents journaux comme le Berliner Tageblatt et le Vossische Zeitung.

Kästner écrivit les années suivantes deux autres romans réalistes pour la jeunesse Pünktchen und Anton en (1931) et Fliegenden Klassenzimmer en (1933). Une part significative du succès des livres peut être attribuée aux illustrations de Walter Trier.

Le seul roman littérairement significatif de Kästner est Fabian – L »histoire d’un moraliste publié en 1930. Au travers du personnage de Jakob Fabian qui est chômeur, Kästner décrit le rythme et l’agitation des années 1930 et la décadence de la république de Weimar.

Contrairement à ses collègues écrivains en opposition au régime nazi, Kästner n’a pas émigré lors de l’arrivée au pouvoir du Parti national-socialiste le 30 janvier 1933. Il partit peu de temps après pour Meran et en Suisse puis retourna rapidement à Berlin. Kästner affirma qu’il voulait être témoin des événements.

Kästner a été plusieurs fois arrêté par la Gestapo et fut exclu de l’Union des écrivains. Ses œuvres ont fait l’objet d’autodafés en raison de leur « non conformité à l’esprit allemand » ; il a pu même observer ces autodafés de près.

Kästner a été exclu de la « Chambre des écrivains du Reich » (Reichsschrifttumskammer) en raison de son attitude culturelle « bolchéviste dans ses écrits avant 1933 ». Cette sanction équivalait alors à une interdiction de publication dans le Reich allemand. Kästner a pu publier en Suisse des romans inoffensifs comme Drei Männer im Schnee (1934).

 

III.2.3 L’art officiel nazi

Dès 1933, Goebbels a exigé la création des Reichskulturkammerqui un organisation corporatiste des métiers de la culture. Pendant laquelle, seul les œuvres da la membre de nazis ont la pouvoir de  publication ou composition.

En effet, les cérémonies nazies récupèrent particulièrement la musique de Richard Wagner et celle de Anton Bruckner, favorites du Führer. Un « art nazi » semblable aux canons esthétiques et idéologiques du pouvoir se manifeste au travers des œuvres de Arno Breker en sculpture, de Leni Riefenstahl au cinéma ou de Albert Speer, confident de Hitler, en architecture. Relevant généralement de la propagande monumentale, comme le Stade olympique de Berlin destiné aux Jeux de 1936, ces œuvres au style très néo-classique développent aussi souvent l’exaltation de corps « sains », virils et « aryens ».

Le Führer révèle à Albert Speer le projet pharaonique et inabouti de reconstruction de la capitale Berlin. Celle-ci a dû prendre le nom de Germania et s’envelopper de monuments Néoclassiques au gigantisme démesuré, la coupole du nouveau Reichstag a été 13 fois plus grande que celle de St-Pierre de Rome. En plus  l’avenue triomphale a été deux fois plus large que les Champs-Élysées. L’Arche triomphale peut alors contenir dans son ouverture l’Arc de Triomphe parisien (40 m de haut). Le biographe de Speer, Joachim Fest, découvre à travers ces projets mégalomanes une « architecture de mort ». En pleine guerre, Hitler se réjouira que les ravages des bombardements alliés facilitent pour l’après-guerre ses projets grandioses de reconstruction radicale de Berlin, Hambourg ou Linz.

 

III.1.4 L’instrumentalisation du sport

La propagande passe par ces moyens de communication. Tout a pour but de mettre en avant le parti. Pour renforcer l’image de marque du régime hitlérien sur la scène internationale, l’organisation des jeux olympiques d’été de 1936 sera instrumentalisée. Ces jeux olympiques d’été de 1936 existent un jalon non négligeable dans la consolidation de l’image de marque du régime hitlérien sur la scène internationale, cela en dépit de son caractère manifestement raciste et ouvertement agressif. Dans lesquelles, les attitudes des gouvernements occidentaux qui, en faisant confiance à Hitler et à ses promesses en faveur des Juifs et de la non-discrimination raciale en général, entamaient une série de capitulations dont les Accords de Munich sont l’apothéose. Le Comité international olympique lui-même est aussi accusé d’avoir une part de responsabilité dans l’édification de l’image positive de l’hitlérisme.

En 1937, une « exposition d’art dégénéré » très visitée traverse l’Allemagne pour tourner en raillerie les œuvres des plus célèbres artistes d’avant-garde, taxées de « bolchevisme culturel » ou de « gribouillages juifs et cosmopolites » par Hitler. Beaucoup de ces œuvres sont ensuite dispersées ou détruites par les nazis.

Un nombre non négligeable d’esprits se rallient pourtant plus ou moins durablement au régime hitlérien. Pendant cet régime, le philosophe Martin Heidegger prend sa carte au NSDAP et accueille quelques mois les fonctions de recteur à Fribourg; avant de s’opposer fondamentalement au national socialisme. Il pense que le national socialisme est un principe barbare. Ainsi, le théoricien du droit Carl Schmitt est devenu le juriste nazi officiel. De nombreux de musiciens et d’interprètes entretiennent des relations très chaleureuses avec le régime et ses plus hauts dirigeants, acceptant ou sollicitant les commandes officielles: ainsi les compositeurs Carl Orff et Richard Strauss, la cantatrice Elisabeth Schwarzkopf, ou les chefs d’orchestre Wilhelm Furtwängler et Herbert von Karajan.

            III.2 La montée du NSDAP (1929-1933)

 

            III.2.1Les nouvelles difficultés économiques après  la république de Weimar

À la fin des années 1920, malgré une relative prospérité, l’Allemagne se trouve dans une situation peu stable. Elle est en effet dépendante de l’extérieur sur deux niveaux.

Premièrement, elle a un déficit budgétaire impressionnant (6,5 milliards de dollars) ce qui rend indispensable l’importation de capitaux étrangers pour l’investissement dans l’industrie nationale. De plus, environ 40 % de ces capitaux sont des prêts à court terme aux banques allemandes alors que ces dernières les investissent ensuite dans l’industrie nationale sous forme de crédits à long terme. Si le prêt des capitaux étrangers n’est pas renouvelé, les banques se trouvent donc dans l’impossibilité de rembourser leurs dettes.

Deuxièmement, même si la balance commerciale est déficitaire, l’Allemagne exporte, ce qui la rend dépendante de la conjoncture internationale. Si le commerce mondial diminue, l’économie allemande en souffre.

Or, la crise de 1929 va porter au grand jour les faiblesses de l’économie allemande des années 1920. Dès la fin de 1928, les capitaux provenant de l’étranger, notamment ceux des États-Unis, diminuent. Puis, à partir de 1929, l’affaiblissement du commerce international (provoqué par le ralentissement du commerce américain) se répercute sur le niveau des exportations allemandes qui baissent de 25 % en volume de 1929 à 1932. La Bourse allemande s’effondre, la production industrielle chute de 20 % et le 11 mai 1931, la plus importante banque autrichienne, le Kredit Anstalt, fait faillite.

Le gouvernement allemand doit donc faire face à une situation de panique bancaire, car les Allemands, n’ayant plus confiance dans les institutions bancaires qui sont au bord de la faillite, se ruent vers les banques pour opérer des retraits massifs. La Danatbank, importante instution de crédits, annonce le 12 juillet 1931 l’impossibilité de régler ses paiements. Le lendemain, le gouvernement de Brüning (« Zentrum ») annonce la fermeture temporaire des banques et des caisses d’épargne pour tenter de calmer les esprits.

L’économie allemande plonge dans la récession (baisse de la production et des prix dans l’industrie et dans l’agriculture) et l’État voit donc ses recettes diminuer (baisse de l’activité, donc baisse des prélèvements fiscaux). Face à ces difficultés, le gouvernement opte pour une politique de déflation et de restauration de l’équilibre budgétaire. En mars 1930, le gouvernement de Brüning (« Zentrum ») augmente les impôts sur les entreprises, ce qui déplaît au patronat puis, en septembre 1931, il baisse des salaires, des prix et des loyers (baisse des salaires dans la fonction publique, réduction des allocations chômage et des prestations sociales…). Le gouvernement décide également de limiter les importations afin de limiter l’endettement extérieur.

Cette politique échoue (le chômage atteint six millions de personnes en 1932) et mécontente tous les citoyens. Lors des élections anticipées du 11 septembre 1930, le KPD et surtout le parti nazi réalisent de bons résultats du fait de leur programme qui promettent le plein-emploi. Le parti nazi comprend alors 375 000 membres.

Cette crise économique plus les crise politique politique allemand apporte continuellement au Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) un succès foudroyant et imprévu. Ce succès de ce parti nazi a prouvé aux élections du 14 septembre 1930, avec 6,5 millions d’électeurs, 18,3 % des voix et 107 sièges. Il devient le deuxième parti au Reichstag. Reichstag est utilise au  moins de quatre fois de 1930 à 1933. Entre 1928 et 1931, le parti nazi connaît une ascension fulgurante passant de 2,6 à 18,3 %.

 

            III.2.2 Le national-socialisme

Dans le premier volume de Mein Kampf, Adolf Hitler considère le pacifisme comme de l’humanitarisme, pas toujours très sincère,  contre-nature et criminel puisqu’il suppose une humanité entière et non une division naturelle en races supérieures et inférieures. Pour lui, l’humanité « n’est que l’expression d’un mélange de stupidité, de lâcheté et de pédantisme suffisant».

Jusqu’en 1929, les organisations pacifistes prennent peu au sérieux le NSDAP. Seuls quelques membres de la Deutsche Friedensgesellschaft (DFG) comme Erich Zeigner mettent en garde contre la montée des nationaux-socialistes. Cependant, après les élections au Reichstag du 14 septembre 1930, lors desquelles le NSDAP devient le deuxième parti le plus important du pays, Fritz Küster appelle, en tant que dirigeant de la DFG, au combat de tous les pacifistes et de toutes leurs organisations contre « l’esprit de revanchisme, le fascisme et la guerre », ainsi qu’à la « démystification à propos du vrai visage de l’hitlérisme». Pour la Deutsche Friedensgesellschaft, c’est la division entre le SPD et le KPD qui est responsable du succès électoral des nationaux-socialistes et elle met désormais en avant leurs projets d’armement, de guerre et de dictature. Küster organise des contre-manifestations aux rassemblements du NSDAP, même dans l’Est de l’Allemagne, et parvient en partie avec succès à contrer des actions menées par la SA contre les rencontres de pacifistes.

À partir de 1931, la DFG et le Friedensbund Deutscher Katholiken envisagent donc un futur travail illégal. Dans ce moment, elle encourage une grève générale, des sabotages et un boycott commercial international en cas d’arrivée au pouvoir du NSDAP. Mais elle encourage également un front de combat rassemblant tous les partis et note les différentes entraves. Dans ce cas, l’attitude d’obéissance vis-à-vis de l’Union soviétique, le dogme social-fasciste et les oppositions du KPD face au traité de Versailles sont loin d’être ancrées dans la réalité, la collaboration du SPD avec les forces bourgeoises qui soutiennent Hitler et la disposition de ces dernières à participer au gouvernement. Ossietzky voit cependant en Hitler un instrument des intérêts capitalistes et partage l’hypothèse qui règne au sein du camp des démocrates selon laquelle son arrivée au pouvoir affaiblirait le NSDAP et ne serait donc que provisoire. Au contraire, Ernst Toller et Walter Dirks sont persuadés du danger imminent d’une dictature et d’une guerre d’Hitler contre la Pologne et la Russie. Il ne pourrait alors plus être déchu que par une action militaire venant de l’extérieur.

Alors, En 1932, le DFG suppose dans la revue Das Andere Deutschland  que le fascisme n’est pas seulement la mort de la démocratie mais également le déclencheur fanatique de la nouvelle guerre mondiale. Quiconque soutient son danger, quiconque même s’avilit à être le recéleur de la menace mondiale national-socialiste prend sa part de culpabilité dans la nouvelle guerre mondiale

          III.2.3 Le second manda de Paul von Hindenburg en 1932

La déflation rigoureux et anachronique menée par Brüning ne fait qu’aggraver la crise  économique et précipite de nombreux Allemands préoccupés dans les bras de Hitler. En constituant avec ce dernier le « Front de Harzburg » en octobre 1931, dirigé contre le gouvernement et la République, Hugenberg et les autres forces des droites nationalistes font involontairement le jeu de Hitler, dont la puissance électorale et parlementaire fait désormais un personnage de premier plan sur la scène politique.

En effet, en octobre 1931, le président de la République de Weimar Paul von Hindenburg rencontre pour la première fois le leader nazi, Adolf Hitler. Cette rencontre tourne au désastre dont les deux hommes ne s’entendent absolument pas. Hindenburg le surnomme « caporal bohémien » ou « caporal autrichien » et Hitler dit de lui que c’est un « vieux fou ».

Malgré les efforts de Brüning, la situation de l’Allemagne au temps de Hindenburg est encore très agréable. Au Berlin, le chômage et la pauvreté sont en croissance nette depuis trois ans puis l’insécurité règne partout dans le pays. Au début de 1932, le chancelier allemand (chef du deuxième parti d’Allemagne, Hitler) n’a désormais plus le soutien des sociaux-démocrates  comme Hindenburg. C’est-à-dire que les réformes très impopulaires l’isolent sur la scène politique.

En mars-avril 1932, après sept ans d’activité présidentielle, le Volksblock constitué par les autres Zentrum et le SPD, fait appel aux électeurs pour la réélection de Paul von Hindenburg, 82 ans, le président sortant.

Suite à la fin du manda de Paul von Hindenburg le 5 mai 1932, la droite et le Zentrum dirigé par Franz von Papen proposent un renouvellement du mandat présidentiel de Hindenburg par le Reichstag, sans devoir passer par de nouvelles élections. Cette procédure nécessitant une modification de la constitution à la majorité des deux tiers, est rendue impossible par le refus des nazis, motivés par leur volonté de faire tomber le gouvernement dirigé par Brüning. Par contre, Hitler (NSDAP) n’accepte de soutenir cette proposition qu’au prix du renvoi de Brüning et de l’organisation de nouvelles élections législatives qu’il est persuadé d’emporter haut la main. Mais cette solution est refusée par Hindenburg.

Au cours de cette nouvelle élection, Joseph Goebbels annonce la candidature d’Adolf Hitler à la présidence de la République. Mais, au cours de la cette campagne présidentielle, la plupart des patrons, effrayés par le flou qui entoure les positions sur l’économie d’Adolf Hitler, se rangent clairement derrière Hindenburg et von Papen, « issu de l’aristocratie de Westphalie, l’homme qui avait épousé la fille d’un industriel de la Sarre et entretenait de bonnes relations avec des chefs d’entreprise, des propriétaires terriens et des officiers de la Reichswehr ».

Au premier tour, le 13 mars 1932, cinq candidats ont été participés élections qui sont Ernst Thälmann (KPD), Theodor Duesterberg, Gustav A. Winter, Hindenburg (Volksblock) et Hitler (NSDAP). Mais Hitler hésite pendant plus d’un mois avant de se présenter contre le Maréchal, La position de Hindenburg est surprenante car il était tributaire du soutien des socialistes et des catholiques, qui avaient été ses principaux opposants au cours des sept années passées et formaient de bien étranges et fâcheux compagnons de route pour le doyen loyalement protestant et ultraconservateur.

Dans cette élection, Hitler obtient 30,1 % des voix et 36,8 % au second tour en avril, soit 13,4 millions de suffrages qui se portent sur sa personne, qui double le score des législatives de 1930. Cependant, Hindenburg est encore réélu Président avec 30,1 % de votes, aux premiers tours. Mais lors des élections régionales qui suivent l’élection présidentielle le NSDAP renforce la position d’Hitler et il arrive partout en tête, sauf dans sa Bavière d’origine.

III.2.4 Passation du gouvernement de Paul von Hindenburg au Franz von Papen

Le 30 mai 1932, malgré l’aide précieuse de Brüning dans sa réélection à la présidence, Hindenburg le somme de démissionner notamment suite à son projet de décret visant directement les intérêts des grands propriétaires fonciers et à sa politique déflationniste. Il appelle au pouvoir Franz von Papen, qui démissionne du Zentrum pour prévenir son exclusion. Après avoir formé le « Gouvernement des barons » (Kabinett der Barone), le nouveau chancelier gouverne de manière autoritaire le pays.

Alors, Papen devient le chancelier préféré de Hindenburg aux dépens de Schleicher. Le chancelier Papen lève l’interdiction qui pesait depuis Brüning sur Schutzstaffel (SS) et les SA (Sturmabteilung) de Hitler. Face à l’extrême agitation qui règne dans le pays, Hindenburg et le chancelier décrètent la loi martiale. Et le 14 juillet 1932, Hindenburg nomme son chancelier Commissaire général de Prusse (Reichskommissar) pour y remettre de l’ordre. Cependant, incapable de réunir une nouvelle coalition, Papen décide une nouvelle dissolution du Reichstag. Malgré l’obtention de nazis de 37,2 % des voix du 31 juillet, Papen et Schleicher espèrent leur soutien au gouvernement.

III.2.5 La nominalisation de chancelier Hitler

Si les nazis forment le premier parti d’Allemagne, ils ne détiennent pas la majorité. Cela n’empêche pas Hitler, lors de négociations secrètes, menées début août 1932 avec Schleicher, d’exiger d’être nommé chancelier et de voir attribués les ministères de l’Intérieur à Wilhelm Frick, de l’Air à Hermann Göring, du Travail à Otto Strasser et de l’éducation du peuple à Joseph Goebbels. Mais, cette proposition est sûrement rejetée par Hindenburg le 10 août 1932 en affirmant que « faire d’un caporal bohémien le chancelier du Reich, ce serait du propre»

Ainsi, lors d’une nouvelle rencontre avec Hindenburg, le 13 août 1932, Hitler propose encore d’entrer dans le gouvernement von Papen. Mais, Hindenburg refuse encore cette offre en disant que « Monsieur Hitler a déclaré que, pour des raisons qu’il a expliquées en détail au président du Reich ce matin, il était hors de question qu’il participe au gouvernement actuel. Considérant l’importance du mouvement national-socialiste, il se doit de demander la totalité du pouvoir pour lui et son parti (Déclaration de Otto Meissner du 13 août 1932).» À sa demande de aménager de la direction du gouvernement et de la direction de l’état dans toute son étendue pour lui même et pour son parti NSDAP, Hitler oppose le refus catégorique par Hindenburg.

Le 12 septembre 1932, après des débats houleux tourne à la déconfiture du gouvernement, le parlement présidé par Hermann Göring est dissous sur la base d’une décision prise par Hindenburg le 30 août 1932. En effet, de nouvelles élections sont prévues pour le 6 novembre 1932. Ces élections sont marquées par l’échec des nazis qui perdent un peu de terrain mais ils restent un partenaire incontournable avec 33,1 % des voix (196 sièges). Et le mouvement nazi traverse une phase difficile parce que sa crise financière devient pointue, en plus les militants et les électeurs se lassent de l’absence de perspectives, des discours à géométrie variable de Hitler et des contradictions internes du programme nazi.

Malgré l’obtention de nazis de 196 sièges lors de cette élection, Hindenburg reçoit Adolf Hitler dans le cadre de sa consultation des chefs des formations politiques le 19 novembre 1932 et lui renouvelle son offre d’entrer dans un gouvernement de coalition, mais sans détenir la chancellerie. Mais en décembre 1932, Papen démissionne suite à une discorde avec Schleicher. Après d’intenses négociations menées entre les dirigeants nazis et l’entourage de Hindenburg, négociations auxquelles est associé le fils du Maréchal et où von Papen joue un rôle clé, Hindenburg accepte de limoger Schleicher. Par conséquent, le 30 janvier 1933, Paul von Hindenburg a nommé Hitler à la chancellerie de la République de Weimar, suite à un mois d’intrigues au sommet organisées par l’ancien chancelier Franz von Papen, et grâce au soutien de la droite et à l’implication du DNVP. Il dit que « Messieurs, j’espère que vous ne me rendez pas responsable de devoir nommer ce caporal autrichien chancelier du Reich ». A ce moment, le parti politique nazisme (NSDAP) dirigés par Adolf Hitler arrive au pouvoir. Lors que Hitler est nommé chancelier, le jour même, peu après midi, les membres du futur cabinet Hitler entrent chez le président. Le président fait au discours du nouveau chancelier en annonçant quelques mots  « Et maintenant, messieurs, Dieu vous accompagne».

À partir de 1933, les institutions de la République de Weimar restent en vigueur, et ce, malgré les nombreuses modifications effectuées par les dirigeants nazis en vue d’une orientation totalitaire du régime. De fait, officiellement, Hitler était « Führer du NSDAP » ou chef du NSDAP et « Chancelier » de la République

            III.3 La destruction de la démocratie en 1933

Contrairement à une idée reçue fréquente, Hitler n’a jamais été « élu » chancelier par les Allemands, du moins pas directement. Il a néanmoins été nommé chancelier par le président, conformément aux règles de la démocratie, en qualité de leader du parti remportant les élections législatives. Les négociations avec le président qui se sont en fait révélées indispensables à sa nomination amènent certains à considérer qu’il a été « hissé au pouvoir » par une poignée d’industriels et d’hommes de droite. Mais Hitler déborde rapidement ses partenaires et met immédiatement en route la mise au pas de l’Allemagne.

               III.3.1 L’incendie du Reichstag

Au départ, le gouvernement Hitler ne comporte que trois nazis : Adolf Hitler chancelier du Reich, Hermann Göring, chargé en particulier de la Prusse, et Wilhelm Frick à l’Intérieur.Quant à Papen, toujours favori du président, il est nommé vice-chancelier. Dès le 31 janvier 1933, Hindenburg se laisse persuader d’accorder à Hitler ce qu’il avait refusé à Schleicher à peine quatre jours plus tôt : la dissolution du Reichstag, Alors, dès le 1er février 1933, Hitler fait dissoudre le Reichstag par Hindenburg. Au cours de cette période, la présidence de Hindenburg est encore perçue, notamment par des dirigeants syndicaux. Deux jours après de la dissolution du Reichstag, le 3 février, Hitler s’assure le soutien de l’armée.

Pendant la campagne électorale, Von Papen, Thyssen et Schacht obtiennent des milieux industriels et financiers, jusque-là plutôt réservés envers Hitler, qu’ils renflouent les caisses du NSDAP et financent sa campagne.  Et la Sturmabteilung (SA) et la (Schutzstaffel (SS), milices du parti nazi, confèrent des pouvoirs d’auxiliaire de police. Avant les élections, et suite à l’incendie du Reichstag du 27 au 28 février 1933 pendant la nuit, Hindenburg signe, le 28, la Reichstagsbrandverordnung, qui attache pratiquement toutes les libertés publiques.

  • 3.2 L’arrestation et la condamnation  ou l’installation du totalitarisme

Nommé chef d’état allemand, Hitler n’a jamais détruit formellement la constitution de Weimar. Il se préoccupe peu des constructions juridiques élaborées. Mais il a d’emblée supprimé toutes les garanties juridiques protégeant les citoyens allemands contre la toute-puissance de la répression policière et contre les persécutions raciales ou idéologiques.

Par conséquent, à partir de 1933 lors que les nazis prend le pouvoir, tous les partis, syndicats, mouvements de jeunesse ou associations non nazis ont été dissous ou absorbés, les opposants exilés ou envoyés dans des camps de concentration, les Églises exposées à des tracasseries, les autonomies régionales supprimées au profit du premier État centralisé qu’ait connu l’Allemagne, la population soumise à la surveillance étroite de la Gestapo, certes relayée par une multitude de délateurs.

  • La suppression des autres partis politique

L’ énigmatique incendie du Reichstag permet à Hitler de suspendre toutes les libertés civiles garanties par la Constitution de Weimar et de radicaliser l’élimination de ses opposants politiques, notamment des députés communistes du KPD, illégalement arrêtés.

Alors le 4 février 1933, Hindenburg signe l’ordonnance pour la protection du peuple qui permet aux nazis d’épurer et de noyauter l’administration. Un autre décret institue la Schutzhaft ou « détention de protection » préventive, qui permet d’arrêter et d’emprisonner sans aucun contrôle ni limite de temps.

En effet, tous les partis politiques sont soit interdits ou se sabordent. De façon officielle, il n’y aura plus qu’un seul parti NSDAP en Allemagne. De nombreux morts marquent les rencontres des partis d’opposition, notamment du SPD et du KPD. Des opposants sont déjà brutalisés, torturés voire assassinés. Alors, les premiers camps de concentration provisoires sont apparus et la terreur s’accélère, où sont emprisonnés militants communistes et sociaux-démocrates.

A titre d’exemple, en deux semaines, Göring fait ainsi arrêter 10 000 communistes en Prusse, dont le chef du KPD, Ernst Thälmann, le 3 mars 1933. En avril, près de 30 000 arrestations ont lieu dans la seule Prusse. À l’été, la Bavière compte 4 000 internés, la Saxe 4 500. Entre 1933 et 1939, un total de 150 000 à 200 000 personnes est prisonnier, et entre 7 000 et 9 000 sont tuées par la violence d’État. Des centaines de milliers d’autres devront fuir l’Allemagne. Les premiers camps de concentration provisoires apparaissent, où sont emprisonnés militants communistes et sociaux-démocrates. Dès le 20 mars 1933, Heinrich Himmler ouvre le premier camp permanent à Dachau, près de Munich. Il sera suivi en 1937 de Buchenwald et en 1939 de Ravensbrück pour les femmes.

La destruction de la République de Weimar au profit de la dictature nazie permet donc Hitler à la proclamation du Troisième Reich, lors d’une grandiose cérémonie de propagande tenue à Potsdam, sur le tombeau de Frédéric II de Prusse.

Le NSDAP monte et remporte les élections du 5 mars 1933 pendant laquelle les nazis obtiennent 43,9 % des voix aux élections législatives. Dans tous les Länder d’Allemagne, les nazis s’emparent par la force des leviers locaux du pouvoir. Dans les jours qui suivent, dans tous les Länder d’Allemagne, les nazis (NSDAP) s’enlèvent par la force des leviers locaux du pouvoir. Et Hitler arrive donc  en quelques mois à mettre l’Allemagne au pas (Gleichschaltung).

Grâce aux voix du Zentrum auquel le chancelier a promis en échange la signature d’un concordat avec le Vatican, et malgré l’opposition vaine du seul SPD, le Reichstag vote la Loi des pleins pouvoirs qui accorde à Hitler les pouvoirs spéciaux pour quatre ans le 23 mars 1933. Pendant cette élection, Hitler a obtenu les deux tiers des députés le vote. Il peut désormais rédiger seul les lois, et celles-ci peuvent s’écarter de la constitution de Weimar que Hitler ne se donne même pas la peine de ne jamais abolir formellement.

Ainsi, lors de son pouvoir, le chef du parti NSDAP (Hitler) interdite la participation des autres partis politique. En effet, en mai 1933, le KPD est officiellement interdit, le SPD en juin 1933. Les autres partis politiques se coulent. Pour montrer son pouvoir, le 14 juillet 1933, le NSDAP adopte une loi sur le parti unique en Allemagne. En plus, les jeunes Allemands sont obligatoirement embrigadés dans les Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend) et seul mouvement de jeunesse est autorisé à partir du 1er décembre 1936.

Les SA de Ernst Röhm exigent que la « révolution nationale-socialiste » prenne un tour plus anticapitaliste et rêvent de prendre le contrôle de l’armée. Hitler fait massacrer une centaine de leurs chefs le 30 juin 1934 au cours de la Nuit des Longs Couteaux. Le IIIe Reich s’oriente dès lors vers un « État SS ».

  • L’accession du pouvoir de Hitler et les Juifs

Après l’accession au pouvoir de Hitler, certains Juifs gardent confiance en voyant que le vieux et respecté président Hindenburg restait à la tête de l’État. Après avoir reçu une lettre de plainte de Frieda Friedmann, une juive dont le fiancé et les deux frères ont péri lors de la Première Guerre mondiale, Hindenburg lui fait savoir qu’il est résolument opposé aux excès à l’encontre des Juifs et transmet la lettre à Hitler. En mars 1933, Hindenburg tente d’intervenir afin de contrer le projet de Hitler d’organiser le boycottage des commerces juifs à travers toute l’Allemagne. Lors de l’adoption de la loi du 7 avril 1933 pour le rétablissement de la fonction publique professionnelle, qui écarte les Juifs et les opposants au nazisme de l’administration, Hindenburg obtient que les Juifs ayant combattu pendant la Première Guerre mondiale en soient exemptés, ainsi que les fonctionnaires juifs dont les pères ou les fils étaient tombés sur le front.

La justice a pareillement été soumise au régime, le sinistrement célèbre Tribunal du Peuple (Volksgerichtshof) de Roland Freisler ayant prononcé des milliers de condamnations à mort au cours de parodies de justice n’essayant même pas de respecter les apparences élémentaires. Plus de 30 000 condamnés à mort furent guillotinés ou pendus sous le IIIe Reich, souvent pour de simples paroles d’hostilité ou de mécontentement. Il n’était pas rare que la Gestapo arrête des gens acquittés ou ayant fini leur peine, et les déporte à sa guise.

  • La situation des Eglises

Dans les années 1930, les Églises sont également souvent résisté aux ingérences du régime nazisme et aux tracasseries de ses agents, mais leurs hiérarchies n’ont fait porter leurs refus que sur des points matériels et confessionnels, et, comme au temps de l’empire wilhelminien, se défendaient toujours de « faire de la politique ». Couvert de protestations suite aux exactions de la SA dans la premiers mois de 1933 et sensible à la mobilisation de l’Église protestante sur ce sujet, Hindenburg demande à Hitler de rétablir l’ordre. Hormis Konrad von Preysing, évêque catholique d’Eichstätt, les Églises, en tant que telles, n’ont condamné ni les guerres d’agression, ni la politique raciale, ni les crimes contre l’humanité dans les pays occupés, dont des échos parvenaient pourtant en Allemagne.

De partir de 1933, il y a un mouvement antichrétien contre les nazis (NSDAP). Le nazisme tente de soumettre les Églises, et certains de ses dirigeants tels Martin Bormann rêvent même d’éradiquer le christianisme à long terme. Le pouvoir provoque ainsi une scission au sein des protestants allemands, par la mise sur pied de l’Église dite des « chrétiens allemands », qui professe sans réserves le racisme et le culte du Führer. Il combat aussi l’Église confessante des pasteurs résistants Martin Niemöller et Dietrich Bonhoeffer, déportés.

Après l’arrivée d’Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933, la Deutsche Friedensgesellschaft appelle dans sa revue à la création d’un front unitaire de tous les anti-fascistes. En février 1933, des membres collent des affiches illégales dans ce but. Le 10 février, Heinrich Ströbel écrit dans le dernier numéro de la revue Das Andere Deutschland : « Nous devons avant toute chose nous assurer que les causes profondes de tout le malheur de notre temps soit découvert et éliminé. Les causes profondes résidaient cependant dans cet esprit de violence qui a déchaîné la guerre. Dans le respect qui fait frémir de l’idole du nationalisme. Dans le manque d’attention impardonnable avec lequel on a accepté et relayé le concept de « patriotisme » au lieu d’analyser et d’expliquer : celui qui aime sa patrie et sert ses concitoyens est celui qui ne se laisse jamais monter contre d’autres pays et d’autres hommes mais qui aide à abattre toutes les barrières économiques, politiques et intellectuelles pour que l’empire de la raison, de la justice et du bien soit enfin construit».

Le 20 février, certains membres dirigeants de la DFG se réunissent à Berlin afin de décider s’ils doivent continuer à combattre ou sauver leur vie en partant en exil. Gerlach, Küster et Ossietzky veulent attendre les élections au Reichstag du 5 mars, Otto Lehmann-Rußbüldt au contraire prône l’exi. Après l’incendie du Reichstag, le 28 février 1933, le régime national-socialiste interdit le parti communiste, mais également la Deutsche Friedensgesellschaft et le Christlich-Soziale Reichspartei qui en est proche. Le 3 mars, la revue Das Andere Deutschland est interdite et le 5 mars c’est le bureau de la DFG qui est fermé, les dossiers s’y trouvant confisqués et les dirigeants arrêtés et internés en camp de concentration : Küster, Ossietzky, Gerhart Seger, Kurt Hiller et Paul Freiherr von Schoenaich. Harry Kessler, Otto Lehmann-Rußbüldt, Ludwig Quidde, Helene Stöcker et Anna Siemsen quant à eux s’exilent.

Le Friedensbund deutscher Katholiken est épargné dans un premier temps, étant donné que le NSDAP est encore dépendant du soutien du Zentrum catholique et qu’il ne veut pas compromettre ses négociations en ce qui concerne le concordat. Le 1er juillet, le Friedensbund, qui avait très fortement critiqué le soutien du Zentrum à la Loi des pleins pouvoirs, est interdit avec d’autres ligues catholiques. Ses membres, parmi lesquels Friedrich Dessauer, Walter Dirks, Josef Knecht, P. Lenz, F. Müller et Franziskus Maria Stratmann, sont arrêtés. Lenz et Müller parviennent à fuir à l’étranger, d’autres comme Bernhard Lichtenberg meurent des mauvais traitements en prison ou sont, comme Richard Kuenzer, exécutés comme étant des résistants. Malgré les requêtes insistantes de membres d’associations pacifistes, les évêques catholiques allemands ne soutiennent pas les pacifistes catholiques.

Dans cette année, le puissant parti catholique, le Zentrum, s’était sabordé en échange de la signature d’un concordat entre l’ADO (en allemand, Ausland Deutsches Organisation) et le Vatican. Mais en 1937, le pape Pie XI dénonce dans l’encyclique Mit brennender Sorge les violations répétées du concordat, les tracasseries contre des hommes d’Églises, le racisme d’État et l’idolâtrie entourant le Reich et son chef. Son texte est interdit de lecture et de diffusion en Allemagne et ses exemplaires en circulation détruits par la Gestapo. Cependant, dans l’ensemble, « les Églises allemandes n’ont pas activé tout leur potentiel de résistance » (Jacques Sémelin), et le successeur de Pie XI, Pie XII, ancien nonce en Allemagne, échappe pendant la guerre de dénoncer les atrocités nazies, notamment par peur d’attirer des représailles sur l’Église allemande qu’il connaît bien.

Les nazis liquident aussi à cette occasion plusieurs dizaines de personnalités diverses, ainsi le docteur Klausener, dirigeant de l’Action catholique. Les Témoins de Jéhovah, objecteurs de conscience, refusent par principe le service militaire et le travail dans l’industrie de guerre, tout comme le salut nazi et tout signe d’allégeance à l’idolâtrie entourant le Führer. Près de 6 000 d’entre eux sont enfermés en camp de concentration.

 

            III.2.3 La mise en œuvre de la politique antisémite d’Hitler dans les années trente

 

  • Manifestation de l’antisémitisme

 

L’histoire des Juifs d’Allemagne est emblématique de l’histoire des Juifs en Europe occidentale, entre antijudaïsme, intégration liée à l’universalisme des Lumières et antisémitisme moderne.

Pendant toute la République de Weimar, l’antisémitisme est vigoureux. La jeune république ne parvient pas à lutter contre la montée du nationalisme agressif attisé par le rejet du Diktat de Versailles. À ses débuts, elle compte plus de 100 associations nationalistes et antisémites. La plus importante des alliances antisémites est la Deutschvölkischer Schutz- und Trutzbund (DSTB) ou l’alliance défense et offensive nationale populaire allemande créée en 1919. Des orateurs parfois très renommés appellent à chasser les Juifs de l’Allemagne. Ils sont décrits comme des êtres nuisibles, de la vermine, des parasites. Le DSTB va même jusqu’à appeler au meurtre des Juifs. L’assassinat en 1922 du ministre des Affaires étrangères Walter Rathenau, qui a joué un rôle fondamental pour le retour de l’Allemagne dans le jeu diplomatique international, est une manifestation de cet antisémitisme. Ses assassins sont graciés en 1930 et amnistiés totalement par les nazis en 1933. À leur mort, les nazis leur construisent un tombeau triomphal, orné des casques d’acier de la Première Guerre mondiale.

L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 met les Juifs au ban de la société allemande. L’objectif d’Hitler est la création d’un espace vital d’où les Juifs seraient absent. La politique de persécution menée dans les années trente vise à leur faire quitter l’Allemagne. Face à la montée de l’antisémitisme, les Juifs allemands s’abstiennent de toute attaque verbale. Ils préfèrent donc de montrer l’apport bénéfique des Juifs à l’Allemagne, mais refusent de manifester, en tant que Juifs aux côtés de sociaux-démocrates et des communistes. Cependant, la virulence de l’antisémitisme pousse une partie de Juifs à se placer la question de leur spécificité juive et aux environs de 37 000 Juifs quittent l’Allemagne entre février et juin 1933.

Dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler, des agressions contre les Juifs sont également harmonisées par les nazis, principalement les SA. Et alors dans son discours, Göring laisse entendre que ceux qui s’en prendraient aux Juifs bénéficieraient d’une relative impunité. Dès lors, la SA commence à molester certains Juifs et à confisquer leurs biens. Par exemple le 1er mars 1933 à Mannheim, la SA fait  fermer les magasins juifs. Cette antisémitisme est aussi favorisé par l’organisation d’une vaste campagne antisémite sous le prétexte de défense contre les « violences juives » par Gauleiter Julius Streicher. Un mois après, les SA se postent devant les magasins juifs. Ils dressent des pancartes incitant à ne pas acheter chez les Juifs. Les médecins et les avocats juifs subissent les mêmes intimidations. Le soir même, des nazis passent pour protester contre les « agissements des Juifs ». Comme la population se montre peu réceptive au boycott antijuif, l’opération est vite arrêtée. Alors le 7 avril 1933, il y a la sortie d’ loi  qui exclut les Juifs et les fonctionnaires « politiquement peu fiables » de la fonction publique appelé la « Loi pour la restauration du fonctionnariat ».

  • La réaction des Juifs allemands face aux persécutions nazies

À l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la Central-Verein deutscher Staatsbürger jüdischen glaubens, l’association centrale des citoyens allemands de confession juive, association assimilationniste, déclare que nul ne peut priver les Juifs allemands de leur patrie allemande. Au printemps 1933, une première association centrale des Juifs apparait. Dirigée par Leo Baeck, elle cherche dans un premier temps à discuter avec les Nazis, proteste contre le boycott des magasins juifs et proteste de la fidélité des Juifs envers la patrie allemande. Certes, les Juifs s’attendent à vivre des temps difficiles mais ils pensent pouvoir s’adapter à leurs nouvelles conditions comme ils l’avaient fait dans le passé. Devant la détérioration de la condition des Juifs, l’organisme central des Juifs, le Reichsvereinigung, s’occupe de plus en plus de la formation professionnelle et de l’aide aux démunis.

  • Position de Heidegger devant antisémitisme hitlérien

Heidegger est considéré comme ayant appartenu à la mouvance de la « révolution conservatrice » anti-libérale proche du nazisme. Heidegger a été un membre du parti nazi. Les écrits de Heidegger ont une radicalité qui semble interdire tout engagement politique direct. Cette même radicalité a engendré chez ses auditeurs et lecteurs de multiples pensées novatrices espacées de toute idéologie nazie. En 1933, Heidegger rallie le parti nazi (NSDAP) pour lequel il vote dès 1932.

Cependant, certains résultats de sa pensée l’ont pourtant autorisé à s’inscrire au parti nazi. Alors il est nommé recteur en 1933 où il s’est mésestime sur sa capacité à infléchir le nazisme et s’est retiré au bout de quelques mois de toute action politique.

Le parti nazi ne considérait pas Heidegger comme un militant fiable, il suspectait son œuvre et ses cours qu’il ne comprenne pas.

Lors de sa prise de responsabilité, Heidegger prononce un « appel aux étudiants allemands » qui s’achève ainsi « Seul le Führer lui-même est la réalité et la loi de l’Allemagne d’aujourd’hui et de demain ». Il explique ensuite dans une lettre à Hans-Peter Hempel qui l’interroge sur cette néfaste phrase « qu’à l’origine et en tous temps, les Führer sont eux-mêmes dirigés par le destin et la loi de l’histoire ».

Heidegger n’a jamais témoigné d’antisémitisme dans ses écrits. Il affirme que le nazisme était « un principe barbare », qu’il avait commis la plus lourde erreur de sa vie en s’inscrivant au parti nazi, tout en remettant en question l’idée que la démocratie est « le meilleur système politique ».

Quoi qu’il en soit, si Heidegger ne partageait peut-être pas l’antisémitisme de l’idéologie nazie sur le plan des idées, cela ne l’a pas empêché, sur le plan des faits, d’apporter sa contribution au processus nazi de destruction des Juifs d’Europe tel que l’analyse l’historien Raul Hilberg dans le livre du même nom. En effet, ce dernier établit que, lorsque, avec son décret du 3 novembre 1933, Heidegger met fin au versement des allocations des étudiants boursiers « non-aryens » de l’Université de Fribourg, il n’applique pas la loi nazie sur la fonction publique, mais il en élargit le champ de sa propre initiative. De même, « les archives de l’Université de Fribourg montrent que, dès 1933, les étudiants non aryens reçurent, au lieu des cartes d’inscription normales sur papier brun, des cartes jaunes »: une anticipation de cinq ans sur le décret du 23 juillet 1938 ordonnant à tout Juif de plus de 15 ans d’être porteur d’une carte d’identité l’identifiant en tant que Juif.

Ce que professe Heidegger ne correspondait pas à l’idéologie nazie et n’est d’aucune utilité: il s’était trompé en croyant à la révolution. Le thème de la révolution, comme on le sait, disparaît assez vite du discours nazi, précisément après l’élimination des SA. À partir du moment où Heidegger ne serve pas ouvertement le bouleversement, comme ils se font fort de le vérifier, il peut être laissé à son enseignement ésotérique.

Quant à la démission du poste de Recteur, elle s’exlique d’abord par le peu d’écho rencontré chez les professeurs, par son idée de révolution spirituelle. Heidegger démissionne du fait du conservatisme du corps professoral, qui ne voulait pas le suivre dans la révolution du travail et de la formation de la pensée, qu’il voulait organiser, et également, du fait du désaveu du Ministère, qui n’entendait pas accomplir une révolution ayant pour avant-garde l’Université.

 

III.3 L’année 1933 : début Troisième Reich de Adolf Hitler

            III.3.1 Le décès de Hindenburg

En avril 1934, Hindenburg est gravement malade et Hitler en est informé. En effet, au début du mois de juin, il se retire dans sa propriété de Neudeck, en Prusse-Orientale. « Ainsi le principal appui des conservateurs se trouvait-il désormais éloigné du centre névralgique du pouvoir alors que la question de la succession était imminente.»  Malgré état de sa santé, le président Hindenburg prend Hitler dans sa résidence le 21 juin 1934, à un moment où la tension entre la SA et les milieux conservateurs emmenés par Franz von Papen est à son comble, notamment suite au discours de Marbourg prononcé par celui-ci le 17 juin.  Pendant cette rencontre, le président du Reich demande à Hitler de « ramener enfin à la raison les fauteurs de troubles révolutionnaires » et la menace, par l’entremise de Blomberg, de proclamer la loi martiale et de confier le pouvoir à l’armée si le gouvernement se révèle incapable de ramener le calme. Cette interview entraîne alors l’élimination des « fauteurs de troubles révolutionnaires » de la SA lors de la nuit des longs couteaux.

En suite, le président adresse au Führer un télégramme de félicitations en prononçant les expressions suivantes «D’après les rapports que je viens de recevoir, je constate que par votre esprit de décision et votre courage personnel, vous avez étouffé dans l’œuf les intentions des traîtres Je vous exprime par ce télégramme ma profonde reconnaissance et mes remerciements très sincères. » Il n’est toutefois pas certain qu’il ait rédigé lui-même ce message, voire même qu’il l’ait lu. Par contre selon Badia, « Hitler, quand il rendit visite à Hindenburg à Neudeck quelques jours plus tard après la nuit des longs couteaux le trouva tout disposé à approuver ces effusions de sang nécessaires pour faire l’histoire. La plus haute autorité de l’État avalisait ces crimes.»

Le 2 août 1934 Hindenburg entraîne est meurt par le cancer du poumon dans sa maison de Neudeck en Prusse-Orientale à l’âge de 86 ans. Immédiatement, quelques jours plus tard, le 19 août 1934, tous les pouvoirs sont donnés à Hitler par un plébiscite. De même, le testament politique du Maréchal, sûrement trafiqué, remercie vivement le chancelier Hitler pour le travail accompli. Il est inhumé contre sa volonté au mémorial de Tannenberg lors de funérailles grandioses auxquelles son ancien collègue Ludendorff refuse de figurer aux côtés de celui qu’il surnomme « ce faux demi-dieu ». Mais, durant lesquelles la croix gammée était absente,

Après la mort de Paul von Hindenburg le 3 août 1934, Hitler cumule les deux fonctions, il est à la fois « Chancelier » et chef de l’État ou « Président de la République ».

Il est entouré d’un culte de la personnalité intense qui le célèbre comme le sauveur messianique de l’Allemagne, et fait prêter un serment de fidélité à sa propre personne, notamment par les militaires. Le Führerprinzip devient le fondement de toute autorité.

            III.3.2 Appellation Troisième Reich

Bien que le terme de « Führer » n’ait pas non plus de valeur constitutionnelle, il devient très vite un terme d’usage dans les administrations de l’État. On appelle l’État allemand la Troisième Reich (Drittes Reich) ou Allemagne nazie dirigé par Adolf Hitler lorsqu’il fut parvenu au pouvoir et l’eut monopolisé. Reich allemand ou Nation allemande ou État allemand est un nom officiel du régime, comme pour l’Empire allemand et la République de Weimar.

L’inspiration de la dénomination « IIIe Reich » mérite des développements détaillés dans la mesure où elle a des implications, voulues par Hitler, jusque dans l’histoire de France. La dénomination de « IIIe Reich » est donc purement politique au sens d’un instrument de propagande totalement dépourvue de fondement juridique plus encore, en contradiction juridique formelle avec l’acte conservatoire de François II :« la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de l’Allemagne actuelle, constatant la continuité ininterrompue de la personnalité juridique du Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation sans contestation de la part d’aucune chancellerie actuelle, a pour portée le néant de toute espèce de légitimité de la titulature même du régime ultérieur, ainsi ramené de fait et de droit purement et simplement à son caractère hitlérien.»

Le mot allemand Reich signifie « domaine », « empire ». Il est utilisé dans des mots tels que Königreich « royaume » ou « domaine d’un roi » (König), Frankreich « France » ou « empire des Francs », ou Österreich « Autriche » ou « empire de l’Est » (Ost). Le terme de « Reich » est au reste difficile à traduire car il désigne à la fois la notion d’Empire et d’État.

Le mot nazisme est un sigle représentant la doctrine définie par Hitler et le régime politique qu’il dirige, il est tiré de lettres du nom de cette doctrine, devenu nom du parti : nationalsozialismus. La Propagande nazie destinait le Troisième Reich ou « Grand Reich allemand » (Großdeutschland) à durer « mille ans ».

Ce régime dura douze ans, de la nomination de Hitler comme chancelier le 30 janvier 1933 à la capitulation sans condition du Reich vaincu le 8 mai 1945, suivie de l’arrestation le 23 mai du dernier gouvernement nazi de Karl Dönitz.

            III.3.3 Organisation de Schutzstaffel (SS) en 1933

  • La naissance de SS par Adolf Hitler en 1929

A partir de mars 1923, Adolf Hitler, président du NSDAP depuis 1921, s’entoure d’une première garde rapprochée, la Stabswache (corps de garde), composée de huit militants de la première heure, dont Rudolf Hess.

Le 4 Avril 1925, après l’échec du putsch de la brasserie et l’interdiction du parti nazi, de la Sturmabteilung (SA) et de toutes leurs composantes qui suit cette essai avortée de coup d’Etat, Hitler révèle à son chauffeur, Julius Schreck, ancien membre de la Stosstrupp, la création d’une nouvelle garde personnelle, sous la dénomination de Schutzstaffel, d’où la naissance de la SS. A ce moment cette organisation ne comporte que quelques membres. Mais, elle s’étend à partir du 21 septembre 1925, pendant laquelle l’ordre est donné à chaque section du parti nazi pou la mise sur pied d’une groupe de protection de dix hommes. Et particulièrement, à Berlin, le nombre maximum est porté à vingt membres.

Et Joseph Berchtold, ancien papetier et ancien commandant de la Stosstrupp revient d’Autriche en avril 1926, où il s’est réfugié après la tentative de putsch et prend ensuite le commandement de la SS. Le rôle de celle-ci est reconnu par le Führer le 4 juillet 1926, lorsqu’il lui remet officiellement le Blutfahne (drapeau de sang), l’armements des putschistes de 1923.

Pendant toutes ses années, la SS est en conflit ouvert avec la SA qui une organisation créée par Ernst Röhm, comportant plusieurs milliers de membres. En effet, la SS se veut la seule troupe de choc du parti  en 1928. Elle est limitée à 280 hommes et est strictement subordonnée à la SA qui essaie de la cantonner dans des rôles subalternes.

Or, en mars 1927, Berchtold est démissionné et il est ensuite remplacé par Ehrard Heiden, dont le rôle est également discontinu. Le 6 janvier 1929, Hitler appelle un nouveau Reichsführer SS ou Heinrich Himmler.

  • Les rôles principaux de la SS dans le régime nazisme.

Le mot allemand Schutzstaffel  ou SS signifie « escadron de protection ». C’est une des principales organisations du régime nazi. La SS est une organisation visant à mettre en place de manière difficile les théories racistes nazies et les plans d’expansion du NSDAP. Seuls des nazis décidés, répondant à de sévères critères de sélection sont autorisés y entrer, sur une base volontaire. Ces deux caractéristiques rendent la subordination aux ordres et directives de la hiérarchie et au Führerprinzip totale. Cette tendance est encore renforcée après l’accession des nazis à la tête de l’État, l’appartenance à la SS allant de pair avec les privilèges et le pouvoir et étant considérée comme un honneur dans les cercles nationaux-socialistes. Les rares comportements déviants sont punis avec une grande sévérité, une violence pouvant aller jusqu’à l’assassinat.

L’une des caractéristiques de l’organisation structurelle de la SS réside dans le principe de double dépendance. Cela signifie que chaque degré de la structure est subordonné à deux, voire plus, instances supérieures. Les SS-Führer, qui relèvent de deux branches différentes de l’administration de la SS, disposent ainsi d’une relative grande liberté du fait du flou administratif, tout en étant soumis à une double contrainte, parfois contradictoire, et à des contrôles renforcés en ce qui concerne leur fiabilité politique et de leur efficacité.

Initialement chargée de la protection rapprochée du Führer, Adolf Hitler, la SS devient, au fil des années, un véritable État dans l’État, qui accumule les compétences et les missions et passent ensuite d’un groupuscule à une énorme organisation.

La SS assure un rôle politique au travers de l’Allgemeine SS ou SS générale, répressif avec le RSHA, l’Ordnungspolizei et les camps de concentration, idéologique et racial via le Lebensborn et l’Ahnenerbe et militaire après la création de la Waffen-SS.

Elle est aussi l’organisatrice et l’exécutante de la destruction des Juifs d’Europe, que cela soit lors des opérations mobiles de tuerie perpétrées en Pologne et en Union soviétique par les Einsatzgruppen, puis par la mise en place des camps d’extermination.

Totalement dévouée au Führer, la SS est dirigée, pendant le quasi totalité de son existence par Heinrich Himmler. Traversée par de profondes rivalités internes, en conflit permanent avec d’autres organismes particulièrement l’armée ou diverses personnalités du troisième Reich, dotée d’une organisation complexe, ambulante  qui collectionne les doubles emplois et les contradictions, elle n’en est pas moins l’un des instruments les plus efficaces et les plus assassins de la terreur nazie.

  • La montée en puissance de l’organisation Reichsführer-SS

Les débuts de la SS sont plutôt discrets, contrairement à la SA, ses membres ne se mélangent pas aux discussions politiques et font preuve d’une discipline estimée par la police de Munich. En 1929, celle-ci mentionne dans un rapport qu’au premier manquement aux ordres courants en vigueur à la SS, même minime, ils encourent des amendes ou le retrait de leur brassard pour une durée déterminée ou une suspension de leurs fonctions. Une importance particulière est accordée au comportement individuel et à la tenue vestimentaire.

Lorsqu’ Himmler devient Reichsführer-SS en 1929, il installe immédiatement en place une nouvelle organisation de la SS, en vigueur jusque fin 1930.

À partir de 1930 l’administration interne de la SS est complètement restructurée. La nouvelle structure ressemble beaucoup à celle de la Sturmabteilung (SA). Les dénominations de grades de la SA sont reprises mais un uniforme propre à la SS est institué. Mais c’est aussi à partir de cette période qu’apparaît l’uniforme noir des SS qui les distingue visuellement des SA. Himmler voulait ainsi montrer, de manière symbolique, aux dirigeants de la SA qu’il considère que la SS n’est plus sous les ordres de la SA mais doit être considérée comme une organisation à part entière. Alors, le 28 août 1930, la SS est utilisée pour la première fois pour protéger un membre du parti contre les violences et les exigences politiques des SA. Menacé par les SA lors d’un meeting au palais des sports de Berlin, Joseph Goebbels fait appel à la protection de la SS locale, commandée par Kurt Daluege. Deux jours plus tard, la SA réagit en s’attaquant aux SS de garde devant le Gauleitung, ce qui nécessite l’intervention personnelle d’Adolf Hitler pour ramener le calme.

En 1931 la Schutzstaffel est élargie pour couvrir tous les domaines de la société.  Elle connaît une nouvelle réorganisation qui la régit jusqu’à la prise de pouvoir en 1933. Pourc cela, le chef de la SA de Berlin, Walter Stennes, demande à nouveau l’attribution de mandats politiques aux responsables de la SA et tente de prendre le pouvoir au sein du parti nazi. Démis de ses fonctions par Hitler, sa tentative de putsch s’enlise faute de moyens financiers. La SS, restée fidèle au Führer, gagne durablement la confiance de celui-ci.

Cepedant, à Berlin, en juin 1933, 120 membres de la SS sous le commandement de Sepp Dietrich sont armés pour devenir le service de surveillance intérieur de la Chancellerie du Reich, tandis que les militaires de la Reichswehr s’occupent de la surveillance extérieure. Ces 120 hommes, dont certains appartenaient déjà en 1923 à la « troupe de choc Adolf Hitler », sont tout d’abord connus comme la SS-Stabswache Berlin, qui deviendra la Leibstandarte-SS Adolf Hitler.

  • Evolution du membre de SS

Himmler déploie toute son énergie pour augmenter les effectifs de la SS : des 280 inscrits au moment de sa nomination comme Reichsführer SS en 1929, le nombre des membres est décuplé fin 1930 et atteint près de 15.000 hommes en 1931. Pour se démarquer de la SA, Himmler met en place des critères de sélection drastiques, notamment en exigeant des preuves de l’appartenance des postulants à la race aryenne. Il se préoccupe aussi des projets de mariage de ses hommes. Après le 21 décembre 1931, il soumet les fiancées des membres de la SS à une vérification de leur généalogie et à l’examen de leur aryanité sur base de photographies et d’un contrôle médical.

En août 1931, il charge Reinhard Heydrich, qui vient de s’affilier à la SS, de créer un service de renseignement interne, le futur SD, chargé de débusquer les agents de la république de Weimar infiltrés au sein du parti nazi, de dresser des listes d’opposants internes ou extérieurs au parti, mais aussi de collecter toutes les informations possibles sur les dignitaires de la SA et du NSDAP.

À l’automne 1932, Himmler marque aussi sa différence en commandant un nouvel uniforme noir pour la SS, dont les membres deviennent immédiatement identifiables en tant que tels et ne peuvent plus être confondus avec les chemises brunes de la SA. Les nouveaux uniformes furent réalisés et confectionnés par Hugo Boss, qui réalisa également l’uniforme des Jeunesses hitlériennes.

Le 30 janvier 1933, Hitler accède au pouvoir et est nommé chancelier. La SS compte à ce moment 52 000 membres contre trois millions pour la SA.

Alors que la terreur de rue des SA n’a plus de raison d’être après la prise du pouvoir, que le nouveau chancelier doit concilier l’appui des milieux conservateurs, de l’armée et des industriels, la violence de la SA se déchaîne à travers toute l’Allemagne, notamment avec la création sauvage, en mars 1933, du camp de concentration d’Oranienburg, ou les exactions commises dans le quartier berlinois de Köpenick.

En matière de répression des opposants, la SS n’est pas en reste et les fiches du SD se révèlent fort efficaces : elle servent notamment à peupler le camp de Dachau, fondé par la police bavaroise en mars 1933, mais dont la responsabilité est transférée, le 2 avril 1933, à la SS par Himmler, devenu commandant de la police politique bavaroise. Fin juin 1933, Theodor Eicke, futur inspecteur général des camps est nommé commandant de Dachau, ce qui marque le début de l’organisation du système concentrationnaire nazi.

En 1933 et 1934, la SA accumule les démonstrations de force, les défilés de masse qui rassemblent jusqu’à 80.000 participants à Breslau ; elle multiplie aussi ses exigences afin de disposer de postes de responsabilités au sein du régime nazi, continue à proclamer que la révolution n’a pas encore commencé et entre en conflit ouvert avec la Reichswehr qu’elle entend remplacer par une armée populaire.

Pendant ce temps, la SS noue de précieux contacts avec des industriels, des officiers, des scientifiques et intellectuels, de grands propriétaires terriens, au sein du Cercle des amis du Reichsführer SS. Elle reste fidèle à Adolf Hitler et donne des gages de respectabilité. Fin 1933, ce dernier donne à sa garde personnelle le titre officiel de Leibstandarte S.S. Adolf Hitler.

            III.3.4 Interprétations intentionnaliste de la III Reich et fonctionnaliste

État policier et de type totalitaire somnole avant tout sur le « pouvoir charismatique » absolu exercé par son Führer Adolf Hitler. le Troisième Reich est considéré comme la responsable du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en Europe, pendant laquelle, il perpètre, entre autres, crimes de masse, le génocide des Juifs (Shoah) et des Tziganes (Porajmos) d’Europe, la mise à mort systématique des handicapés, et poursuivit tous les opposants potentiels. L’historiographie allemande caractérise donc le IIIe Reich comme un « état de non droit ».

Ainsi, sans l’idéologie (Weltanschauung, ou vision du monde) redoutablement cohérente qui anime Hitler et ses fidèles, le régime nazi ne se serait pas engagé dans la voie de la guerre et de l’extermination de masse, ni dans le reniement des règles juridiques et administratives élémentaires régissant les États modernes. Par exemple, sans son pouvoir charismatique d’un genre inédit, Hitler n’aurait pas pu autoriser l’euthanasie massive des handicapés par quelques simples mots sur papier à en-tête de la chancellerie, et encore moins déclencher la Shoah sans rédiger un seul ordre écrit. Aucun interprète du génocide des Juifs ne demande jamais, évidemment, à voir un ordre écrit : le simple mot de Führerbefehl (ordre du Führer) était suffisant pour faire cacher toute question.

En effet, l’école historique allemande dite des «intentionnalistes» insiste sur la primauté de Hitler dans le fonctionnement du régime. La forme ultime de pouvoir personnel et de culte de la personnalité autour du Führer ne serait pas compréhensible sans son « pouvoir charismatique ». Cette notion importante est empruntée au sociologue Max Weber en disant que Hitler s’examine et est considéré sincèrement comme investi d’une mission providentielle. Ce « pouvoir charismatique » explique aussi que beaucoup d’Allemands soient spontanément allés au-devant du Führer.

Comme l’a démontré l’école rivale des « fonctionnalistes », le IIIe Reich n’a jamais tranché entre le primat du pouvoir du parti unique et celui du pouvoir de l’État. Cela provoque alors des rivalités de compétence incessantes entre les hiérarchies doubles du NSDAP et du gouvernement du Reich. Notamment, l’État nazi semble être comme un singulier enchevêtrement de pouvoirs concurrents aux légitimités comparables. C’est le principe de la « polycratie ». Or, entre ces groupes rivaux, Hitler tranche quelquefois et décide peu. Fort peu bureaucratique qui travaille de façon irrégulière sauf dans la conduite des opérations militaires, le Führer, « dictateur faible » ou « paresseux » selon M. Broszat, laisse chacun libre de se réclamer de lui, et attend seulement que l’on marche dans le sens de sa volonté.

Dès lors, a démontré son biographe Ian Kershaw, dont les travaux font la synthèse des acquis des écoles intentionnalistes et fonctionnalistes, chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe fait de la surenchère et essaye d’être le premier à réaliser les projets nazis fixés dans leurs grandes lignes par Adolf Hitler. C’est le cas en particulier dans le domaine de la persécution antisémite, qui s’emballe et passe ainsi graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel. Ce qui explique que le IIIe Reich obéit structurellement à la loi de la « radicalisation cumulative », et que le système ne peut en aucun cas se stabiliser.

Ainsi, en 1933, les organisations d’étudiants organisent d’eux-mêmes les autodafés de livres honnis par le régime, tandis que les partis et les syndicats se rallient au chancelier et se sabordent d’eux-mêmes après avoir exclu les Juifs et les opposants au nazisme. Ce qui explique aussi, toujours selon Ian Kershaw et la plupart des fonctionnalistes, la tendance du régime à l’« autodestruction ». En conséquence, aucun dirigeant nazi ne dispose du charisme d’Hitler. Le culte de ce dernier existe dès les origines du nazisme et est consubstantiel au mouvement puis au régime. Chacun ne tire sa légitimité que de son degré de proximité avec le Führer. De ce fait, en l’absence de tout successeur, la dictature de Hitler n’a aucun avenir et ne peut lui survivre. La mort du IIIe Reich et celle de son dictateur se sont d’ailleurs pratiquement confondues.

 

            III.3.5 Économie sous le Troisième Reich

  • Situation économique et sociale à l’arrivée de Hitler au pouvoir

La Grande dépression de 1929 s’est traduite par une montée grave du chômage dans les pays développés. Environ 3 500 000 personnes sont chômeurs en Allemagne en 1930. Cependant, Robert Ley, adhérant du parti nazi dès 1923, et élu député au Reichstag en 1932, est chargé de l’élimination des syndicats, qui subsistent remplacés par le Deutsche Arbeitsfront en 1933, organisation de type corporatiste.

Liée au DAF, la Kraft durch Freude (Force par la Joie) est chargée d’offrir aux classes populaires des loisirs de masse étroitement encadrés. Elle offre par exemple à des milliers d’ouvriers des croisières en mer Baltique sur ses deux paquebots.

Le régime nazi qui est à la fois anticapitaliste et antimarxiste, et soucieux de se rallier la classe ouvrière, ordonne comme tout fascisme expérimenter une troisième voie entre libéralisme et collectivisme. L’État nazi intervient ainsi largement dans l’économie. Il mene une politique de grands travaux essor du réseau autoroutier, lance un programme ambitieux de logements sociaux, de réfection des cantines ouvrières, ou de loisirs de masse.

Dès l’origine, l’économie du Troisième Reich s’est orientée vers la remilitarisation de l’Allemagne, puis la préparation de la guerre. Cette politique s’est appuyée dès 19331934 sur une série de lois économiques qui favorisèrent la réorganisation complète de l’industrie, puis fut accentuée à partir de 1936 avec le lancement du Plan de Quatre Ans confié à Hermann Göring. Celui-ci constitua le tout-puissant cartel des Hermann-Göring Reichswerke, devenu très vite l’une des plus grosses entreprises d’Allemagne puis, après la mise sous tutelle des industries des pays conquises, une des plus grosses du monde.

Le développement de l’industrie de l’armement fut grandement facilité par la technologie de la mécanographie et de la carte perforée Hollerith, fournie par la Dehomag. Les méthodes de comptabilisation, qui permettaient de connaître avec précision la nature du travail effectué par les ouvriers, orientèrent l’industrialisation dans ce sens.

À partir de 1941, l’État-major SS a entériné le programme d’exploitation de travailleurs forcés et de prisonniers de guerre, dans des conditions extrêmes pour les dits « travailleurs ». Très fréquemment, ces travaux étaient d’ailleurs simplement une manière « économiquement efficace » de liquider les ennemis du régime en maximisant leur utilité économique. Littéralement, on les tuait à la tâche. Le camp Auschwitz-Birkenau n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Les entreprises IG Farben, Krupp Ag, BMW, Mercedes-Benz, Volkswagen ont toutes participé à ce système, mais également des entreprises étrangères, telles Fordwerke, filiale allemande du groupe Ford, et Opel, filiale du groupe General Motors. Henry Ford notamment participa activement à la constitution de l’arsenal de la Wehrmacht avant l’entrée en guerre de l’Allemagne, et accepta en 1939, la même année que Mussolini, la plus grande décoration que Hitler pouvait décerner à un étranger, la Grande Croix de l’Ordre de l’Aigle Germanique.

  • Évolution du chômage pendant le IIIe Reich

Adolf Hitler avait résolu le problème du chômage par une économie de plein emploi mais pour une proportion importante dans l’industrie de l’armement et par la xénophobie. Il y avait 3 500 000 chômeurs en 1930, alors qu’il n’y en avait plus que 200 000 en 1938 (soit 17,5 fois moins).

En comparaison avec les États-Unis ou l’Angleterre, ces chiffres sont très flatteurs, sur le papier. Mais, outre le surendettement de l’État qu’impliquait la politique de militarisation et de plein emploi, il faut ajouter que : « Cette performance apparente fut obtenue au moyen de mesures de plus en plus attentatoires aux libertés. Ainsi, le 22 juin 1938, une ordonnance ouvrit le droit pour les autorités de réquisitionner la main-d’œuvre pour une tâche précise. Le 1er septembre 1939, c’est la fin de toute liberté en matière de choix d’un emploi. La militarisation de la classe ouvrière s’était esquissée dès avant la guerre. La ligne Siegfried (Westwall ou « mur de l’ouest ») fut construite au moyen de la réquisition de 400 000 ouvriers (22 juin 1938). »

  • Catégories sociales perdantes

À cela, s’ajoute le fait que l’indice des salaires (100 en 1932) était retombé à 97 en 1938. En 1937, le niveau des salaires était à peu près celui de 1929. Le pouvoir d’achat de la classe ouvrière est inférieur en 1939 à celui de 1933. À partir de juin 1938, les salaires sont fixés d’autorité.

Les paysans, nombreux à avoir voté pour les nazis, ne virent pas l’exode rural s’arrêter (elle eut même tendance à s’accélérer) ni leur situation s’améliorer réellement. Les petits commerçants et artisans menacés par la modernisation économique, et qui avaient fourni de gros bataillons aux SA, furent aussi pareillement floués : au nom de l’efficacité économique et par souci de préparer la guerre, les nazis encouragèrent légalement la concentration des petites entreprises, dont plus de 400 000 disparurent entre 1933 et 1939.

Enfin, en raison de la conception que les nazis avaient de la femme, celles-ci furent peu à peu cantonnées à leur rôle traditionnel. Dès 1933, les femmes sont poussées hors de la fonction publique, ne peuvent plus être directrices dans l’enseignement, n’ont plus le droit d’être avocates, ni juges. Les ouvrières sont poussées vers l’agriculture. Les ouvrières célibataires de moins de 25 ans furent ainsi contraintes à faire une année dans les champs. 1,3 million de femmes supplémentaires furent employées dans l’agriculture entre 1933 et 1939. La politique vis-à-vis des femmes s’est cependant un peu assouplie à l’approche de la guerre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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