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Analyse et caractéristiques d’une bulle immobilière en France : Étude des facteurs et des indices clés

SECTION 1 : ELEMENTS CARACTERISTIQUES D’UNE SITUATION DE SPECULATION IMMOBILIERE

« Une bulle est un état du marché dans lequel la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd’hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix. », selon les propos de la Banque de France dans son éditorial de Septembre 2004.

 

Mais les principaux éléments qui caractérisent une bulle immobilière seront développés dans cette partie de l’étude.

 

  • Hausse rapide de la valeur des biens (Courbe de Frigitt)

 

Les courbes de Jacques Friggit démontrent que le premier élément caractéristique d’une bulle immobilière est la différence considérable entre le prix des logements et le montant des revenus des salariés.

 

Par exemple, la courbe ci-dessous est une Courbe de Friggit qui démontre cette différence notable entre le montant des salaires et le prix des logements, pour le cas de la France.

Ci-dessous une autre courbe[1] qui apporte des explications dans le cadre de cette déconnexion flagrante entre le prix des logements et l’évolution de la valeur salariale de la population dans un pays :

 

 

  • L’augmentation de la demande par rapport à l’offre et les effets de la spéculation

 

Dans les principes de la Loi de l’offre et de la demande, plus la demande varie vers la hausse, plus les prix augmentent. Et il est constaté qu’à l’heure actuelle, du fait de l’accroissement du phénomène de décohabitation, de la hausse démographique, et du comportement des investisseurs qui s’orientent de plus en plus vers les investissements immobiliers (considérés comme le secteur le plus rentable et pérenne), les demandes se font pratiquement plus nombreuses que les offres disponibles, ce qui explique la hausse du prix de l’immobilier.

 

Devant cette hausse de la demande, il est constaté que les offres sont insuffisantes. La prudence au lendemain de la crise des subprimes n’a pas permis de construire suffisamment pour répondre aux besoins actuels. La crise des subprimes aux Etats Unis, qui a eu de graves répercussions sur le marché immobilier américain puis mondial, a servi de leçon aux investisseurs mondiaux.

 

M.N. Rothbard[2] explique comme suit ce caractère libéral du marché :

« Pour une offre donnée d’un bien, une hausse de sa valeur dans l’esprit des acheteurs augmentera la demande du bien, il y aura davantage d’argent offert et le prix montera. L’inverse se produit si la valeur, et donc la demande pour le bien baisse. Parallèlement, pour une évaluation ou une demande de donnée de l’acheteur, si l’offre augmente, chaque unité offerte – chaque carte de baseball ou chaque miche de pain – baissera en valeur, et par conséquent le prix diminuera. L’inverse se produit si l’offre du bien diminue. »[3]

 

  • Le rôle des taux d’intérêts pratiqués par les Banques

 

Les Banques sont des éléments importants dans l’intermédiation entre les différents acteurs de l’économie. En effet, leurs missions consistent principalement à recueillir les surplus financiers de certains agents économiques, et à les prêter à ceux qui sont en déficit.

 

Aussi, en d’autres termes, les Banques ont pour rôle de recevoir les dépôts déposés sous forme d’épargne par une partie de leurs clients : les particuliers, personnes physiques (à savoir les ménages) et les personnes morales, c’est-à-dire les entreprises. Et une fois ces dépôts reçus, elles les transforment en crédits qui seront souscrits par une seconde partie de ses clients (les ménages, les entreprises, les pouvoirs publics), afin d’apporter un soutien financier à leurs déficits.

 

Il convient de préciser que dans les règles normales du fonctionnement de l’octroi de prêt bancaire, le prêteur doit fournir, en contre partie de l’attribution d’une somme d’argent, une garantie équivalente au montant demandé, dont le but est de garantir, comme son nom l’indique, le remboursement de la somme donnée en prêt, en plus des taux d’intérêts préalablement fixés par les Banques.

 

Sachant que ce taux d’intérêt est fixé par les Banques compte tenu du taux directeur pratiqué par la Banque centrale. Et ces deux Banques ont la faculté de « manipuler » ces deux taux pour encourager ou freiner les prêts dans un pays. Concrètement, plus le taux d’intérêt diminue, plus les demandes de prêts immobiliers augmentent, et inversement, un taux d’intérêt élevé découragerait les prêts.

 

Sur le marché actuel, la nouvelle tendance des règlementations bancaires concernant les taux d’intérêt revêt un caractère incitatif à la construction. En effet, afin de relancer leurs activités relatives aux prêts, grand nombre de Banques ont décidé ces dernières années d’opter pour des taux d’intérêts attractifs pour des prêts d’acquisition immobilière, selon les propos de Vincent Bernard[4]. Ce qui explique la forte demande immobilière à l’heure actuelle. D’où le paradigme : « Logement cher, crédit bon marché ».

 

  • Les lois fiscales

 

On constate actuellement diverses incitations légales, notamment fiscales, à l’acquisition immobilière en France, au lendemain de la promulgation de la Loi Duflot.

 

-Le principe de la Loi Duflot

Tout contribuable domicilié en France qui acquiert, entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 un logement neuf ou en état futur d’achèvement, peut bénéficier de la loi Duflot.

La réduction d’impôt sur le revenu est de 18% du montant de l’investissement, étalée sur 9 ans de manière linéaire et égale.

Le dispositif Duflot génère jusqu’à 6 000 € de réduction d’impôt par an pendant 9 ans.

La loi Duflot Outre Mer ouvre droit à une défiscalisation de 29% du prix du logement.

 

-Conditions de la Loi Duflot

Le propriétaire du bien immobilier s’engage à louer le logement nu à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de 9 ans,

Le logement ne peut être loué à un ascendant ou à un descendant, ou toute personne du même foyer fiscal,

L’engagement de location doit prendre effet dans les 12 mois qui suivent la date d’achèvement de l’immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure,

Le bien immobilier Duflot doit respecter une zone d’investissement éligible, zone A bis, zone A, zone B1, zone B2.

Seulement deux acquisitions Duflot par an son autorisées, au titre d’une même année d’imposition, dans la limite de 300 000 € par contribuable.

L’achèvement du bien immobilier doit intervenir dans les trente mois qui suivent la date de la déclaration d’ouverture de chantier dans le cas d’un logement acquis en l’état futur d’achèvement, ou la date de l’obtention du permis de construire dans le cas d’un logement que le contribuable fait construire.

 

-Conséquence de la Loi Duflot

Avec la Loi Duflot mise en place par la Loi de Finances française de 2013, les dispositifs d’investissement locatif permettent à un particulier souhaitant investir dans un logement, de déduire fiscalement une partie du montant de son investissement, sous respect de certaines conditions légalement imposées[5].

 

Ces avantages fiscaux accordés par la Loi Duflot vont encourager les acquisitions immobilières, ce qui va nécessairement conduire à la hausse de la demande, et comme les offres sont insuffisantes, les prix vont aussi connaitre une hausse.

 

  • L’indice Shiller

 

L’indice Case-Shiller est un indice qui a été mise en place par Standard & Poor’s, et que préconisent divers auteurs tels que Karl Case, Robert Shiller and Allan Weiss.

 

L’indice Shiller a pour raison d’être la mesure de la valeur nominale du marché de l’immobilier dans quelques Régions d’un pays.

 

Par exemple, cet indice a été utilisé pour le cas des Etats Unis et a mesuré la valeur nominale du marché de l’immobilier résidentiel dans vingt régions métropolitaines des États-Unis.

 

En guise d’illustration, ci-dessous un exemple d’analyse par indice Shiller (cas pratique : mesure de la valeur nominale de 20 Régions des Etats Unis)

 

SECTION 2 : LE MARCHE FRANÇAIS

 

  • Les indicateurs du marché immobilier français

 

Si on analyse les divers indicateurs du marché immobilier français, on détecte plus de 100.000 logements à vendre en France. Toutefois, cette multiplicité des offres ne semble guère affecter le prix a mètre carré, la hausse des prix des immeubles, que ces derniers soient nouveaux ou anciens, est maintenue.

 

L’analyse des indicateurs du marché immobilier laisse ressortir plusieurs raisons qui expliquent cette persistance de la hausse du prix de l’immobilier malgré la multiplicité des offres, qui se résume en une bulle immobilière :

 

-La localisation de la majorité des biens immobiliers mis en vente

Aux termes des statistiques mises à disposition par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie dans son Enquête de commercialisation des logements neufs, plus de la moitié des biens immobiliers présents sur le marché de l’offre est géographiquement concentrée au niveau de deux principales Régions : notamment dans les régions Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte-D’azur.

 

Alors qu’il est constaté que c’est justement dans ces deux Régions que les frais relatifs aux couts de constructions sont les plus élevés et que les formalités administratives sont les plus rigoureuses et donc couteuses.

 

C’est ce qui explique le maintien d’un prix relativement élevé des biens immobiliers, malgré la hausse de la demande, il semble impossible aux promoteurs de baisser le prix compte tenu du prix de revient qu’ils investissent dans la construction et dans l’entretien de l’immeuble.

 

-La multiplication des normes de construction et d’entretien d’immeubles fait alourdir les frais administratifs, donc les prix de vente

 

-Le dynamisme géographique dans une Région fait augmenter le prix des immeubles dans cette Région

 

  • La forte demande en logement

 

Le tableau suivant montre que la demande en logements en France ne cesse de croitre au fil des années, une raison de plus qui justifie la bulle immobilière.

DEMANDE POTENTIELLE DE LOGEMENTS JUSQU’EN 2010[6]
(EN MILLIERS DE LOGEMENTS ANNUELS)
           
    1990-1999 2000-2004 2005-2009 moyenne 2000-2009
DEMANDE DE :          
Résidences principales Accroissement annuel du nombre de ménages, issu de la projection tendancielle du nombre de ménages réalisée par l’INSEE après chaque recensement 252 240 216 228
Logements vacants Hypothèse d’un taux de vacance stable à 7% 11 20 18 19
Résidences secondaires et logements occasionnels Hypothèses sur l’évolution du taux apparent de ces catégories par rapport au nombre de résidences principales 10 29 26 28
Variations du parc   273 290 260 275
Renouvellement du parc (destructions, solde des pertes/gains de l’usage d’habitation, fusions/éclatements) Hypothèses de niveau 32 30 30 30
DEMANDE POTENTIELLE DE LOGEMENTS NEUFS   304 320 290 305

 

  • Théories auteurs français

 

-La théorie de l’effet multiplicateur de Vincent Renard[7]

En premier lieu, quant à la question de savoir si le marché immobilier français présente ou non une bulle immobilière, Vincent Renard a qualifié la bulle immobilière française de bulle spéculative en affirmant que :

 

« Le marché immobilier a présenté, depuis le milieu des années quatre-vingt, toutes les  caractéristiques d’une «bulle spéculative» au sens où les prix observés sur ces marchés ont été  déconnectés de l’évolution des variables déterminantes de l’économie (prix, croissance, masse  monétaire, etc.) et par rapport à des placements comparables en termes de durée et de risque »[8]

 

Dans cette théorie, l’auteur démontre l’interdépendance entre le prix du foncier et celui de l’immobilier, en stipulant que :

 

« Les marchés fonciers sont caractérisés par un effet multiplicateur qui peut se révéler important dans le cycle immobilier. En effet, généralement les autres coûts au niveau d’une opération immobilière (coût de construction, frais financier, impôts, etc.) varient généralement faiblement à court terme et le coût du foncier représente normalement un coût de l’ordre de 20 %, 30 %. Dans le cas d’une phase haussière, si l’on considère par exemple une hausse du prix au m2 importante par exemple de l’ordre de 20 % du fait de la demande ou de l’explosion des prix de l’ancien, l’offre demeurant a peu près stable, cette hausse va se répercuter directement du fait du compte à rebours sur celle de la valeur du foncier qui pourra atteindre par exemple 100 %. Couplé à des phénomènes spéculatifs, cet effet multiplicateur au niveau de la valeur du foncier pourrait expliquer la volatilité importante des prix immobiliers. Cet effet peut également avoir un effet désastreux dans la phase de baisse, les opérations immobilières n’étant pas assez rentable par rapport à la valeur des terrains acquis en haut de cycle. Celles doivent être abandonnées ou remises à plat. »

 

-La théorie du Nid d’abeilles

Une des théories de mesure de l’évolution des prix immobiliers, et donc de la bulle immobilière est la théorie du Nid d’abeilles, qui s’explique comme suit : « Comme une abeille qui revient systématiquement à sa ruche, l’indice des prix immobiliers reviendrait invariablement vers une même zone ou tranche d’indice. »

 

Appliquée au cas concret de la France, la théorie du nid d’abeilles montre que depuis 2005 et après avoir flambé au delà de 3 500 €/m² en 2007, les prix sont revenus à 3 210 €/m² en moyenne. Ces éléments conforteraient donc en moyenne pour les prix immobilier en France la théorie du nid d’abeilles[9].

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Anne-Juliette Bessone, Benoît Heitz et Jean Boissinot, « « Marché immobilier : voit-on une bulle immobilière » »

 

Didier Cornuel, « L’hypothèse de bulle immobilière », Revue de l’OFCE, vol. 70, no 2, 2003, p. 155-191

 

Peter Thal Larsen, « De nouveaux outils contre les bulles sont nécessaires »

 

Jacques Friggit, « Le prix des logements en 2004 : quelques anormalités historiques », Urbanissimo, no 78, 2004

 

Les Échos : « Immobilier : la crise américaine peut toucher la France », no 123, septembre 2006

 

La soutenabilité des prix de l’immobilier aux États-Unis et en Europe de Gilles Moëc, Bulletin de la Banque de France • N° 148 • Avril 2006

 

La hausse des prix immobiliers en France. Bulletin de la Banque de France, n°129, Octobre 2004.

 

Dynamique des prix des logements : quel rôle des facteurs financiers ? Bulletin de la Banque de France, n°133, Janvier 2005

 

Housing supply and housing bubbles ; Glaeser Gyourko Saiz

 

The Economics of Money, Banking and Financial Markets ; Mishkin

 

L’exubérance rationnelle de l’immobilier ; Le Bayon S, Pelereaux H

 

Monetary policy and the housing bubble ; Jane Dorko, Brian Doyle

 

[1] Cette première courbe représente l’évolution des prix des logements par rapport à celle des revenus (courbe noire) et nous donne également des indications sur l’évolution du montant total des transactions sur 12 mois glissants (courbe verte).

[2] Murray Newton Rothbard est un économiste et un philosophe politique américain, théoricien de l’école autrichienne d’économie, du libertarianisme et de l’anarcho-capitalismeNaissance : 2 mars 1926,Décès : 7 janvier 1995

[3] Institut Coppet, Qu’est-ce-que le marché libre ? Par Murray Rothbard, 13 avril 2013. Disponible sur le site : http://www.institutcoppet.org/2013/04/13/quest-ce-que-le-marche-libre-par-murray-rothbard/ (disponible, consulté le 24 novembre 2013)

 

[4] Vincent Bénard (vincent@benard.com ) est collaborateur scientifique de l’Institut Turgot, pour lequel il vient de publier une étude intitulée « Logement: crise publique, remèdes privés », téléchargeable sur le site www.turgot.org

[5] L’avantage fiscal, réparti sur neuf ans, s’élève à 18% (jusqu’à 29% outre mer) du prix de revient du bien dans la limite d’un plafond global de 300 000 euros et de 5 500 euros par mètre carré

[6] Source : INSEE Première – n°875 – décembre 2002 – La demande potentielle de logements – A. Jacquot.

[7] Vincent Renard est économiste, directeur de recherche au CNRS. Il est également conseiller à la direction de  l’IDDRI- Sciences-Po ( Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), au pôle fabrique urbaine. Il est spécialisé dans les questions d’économie foncière et immobilière, dans une optique comparative (Union Européènne, Amérique Latine, Asie de l’Est, pays « en transition »)

[8] Vincent Renard, La bulle immobilière, 2003.

[9] Source : http://www.immobilier-finance-gestion.com/article-immobilier-la-theorie-du-nid-d-abeilles-58493029.html

 

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