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Théâtrothérapie : Renouer avec le monde – Le cas des enfants autistes

Indications

Tableau 1 : Les effets thérapeutiques des pratiques artistiques (p 19)

Tableau 2 : Analogie entre le modèle de l’orchestre et les diverses relations dans un théâtre (p21)

Tableau 3 : Attentes et apports en théâtrothérapie active (p36)

Tableau 4 : Correspondance entre autisme et théâtre (p39)

Encadré 1 : Les apports de la théâtrothérapie

 

Abstract

La théâtrothérapie figure parmi les mesures d’accompagnement des individus qui souffrent de problèmes psychologiques, psychiques et neurologiques. Ce travail se portera sur le cas précis des enfants autistes. Ces derniers présentent des difficultés à interagir en société. Le manque de coordination entre leurs activités cérébrales et leurs activités musculaires y est pour quelque chose. D’un autre côté, il y a les retombées psychologiques de ce genre de pathologie qui pousse le sujet à un renfermement sur soi et à une ignorance volontaire du monde extérieur.

D’un autre côté, la théâtrothérapie vise une amélioration des compétences expressives et communicatives des patients pour leur permettre de mieux vivre en groupe et en communauté. Par le biais de divers exercices, le patient apprend à se connaitre lui-même et à connaître son entourage. Outre l’épanouissement personnel, la théâtrothérapie possède également une dimension sociale et relationnelle.

Dans ce travail, plusieurs liens ont été établis entre les apports de la théâtrothérapie et les nécessités des enfants autistes. D’un côté, cette forme de cure permet une connaissance de son corps, la maîtrise des mouvements et la coordination des activités. Ce qui s’avère bien fortuite pour les enfants autistes qui présentent des difficultés au niveau de la cohérence motrice. Ensuite, la théâtrothérapie les aide à mieux socialiser en leur apprenant à s’exprimer de diverses façons et dans divers contextes, mais aussi en leur conscientisant sur la valeur d’autrui.

Sommaire

Indications. 1

Abstract 2

Sommaire. 3

INTRODUCTION GENERALE.. 1

  1. Contextes. 3
  2. Problématisation de la recherche. 6
  3. Cheminement vers les hypothèses et méthodologie de recherche. 8

Partie 1 : Le théâtre dans l’art-thérapie. 14

Chapitre 1 : Comment faire de l’art-thérapie ?. 16

  1. Le principe de l’art-thérapie. 16
  2. La pratique de l’art-thérapie. 18

Chapitre 2 : Le théâtre, entre pratique artistique et pratique de soin. 23

  1. Les principaux intérêts de la pratique du théâtre. 25
  2. Le théâtre en tant qu’outil thérapeutique. 29
  3. Ce qu’il faut retenir 43

Partie 2  Etude de cas : la théâtrothérapie de l’enfant 44

Chapitre 3 : Les types de thérapies par le théâtre. 44

  1. La théâtrothérapie active. 44
  2. La théâtrothérapie passive. 48

Chapitre 4 : Les bienfaits du théâtre sur l’enfant autiste. 51

  1. Les influences de la théâtrothérapie sur l’enfant 51
  2. L’efficacité de la théâtrothérapie dans le travail avec les enfants autistes. 56

Conclusion. 67

Bibliographies. 70

Tables des matières. 73

 

INTRODUCTION GENERALE

Les projets artistiques et culturels jouent des fonctions importantes dans l’éducation et le développement personnel. Je me suis intéressé à l’accompagnement des enfants en difficulté, car ceux-ci sont souvent fragilisés par leur problème que cela relève de leur santé physique ou psychologique. De cette fragilisation découlent de nombreux autres troubles dont le renfermement sur soi et le mal-être en général. Le choix de ce thème de mémoire s’est précisé au cours de mes recherches. J’ai tout d’abord mené une réflexion sur la théâtrothérapie et les enfants en difficulté, notamment ceux qui sont sujets à l’autisme. Ce public m’intéresse particulièrement parce qu’il permet de voir les impacts de la théâtrothérapie sur des personnes de bas âge.

L’enfance est une période de découverte du monde extérieur et l’art est un moyen d’exprimer un vécu, un présent et un rêve. L’art est inhérent à l’être humain, c’est un moyen de communication et de langage. Sigmund Freud (1856-1939) a été le premier psychiatre à reconnaître l’art comme projection. Par contre, c’était Carl Gustav Jung, un  psychiatre allemand de fin de XIXe, qui s’approprie l’expression artistique comme un processus thérapeutique. Je suis certaine que Carl Gustav Jung a noté l’art comme une manière pour les êtres humains à explorer, à découvrir et à comprendre leurs pensées et leurs émotions.

En ce qui concerne le théâtre, ce n’est pas seulement un moyen de comprendre la vie, ou l’école d’éducation morale et esthétique des jeunes générations, mais c’est aussi un art de la découverte et de l’amélioration de la personne humaine et son intégration à la réalisation culturelle. En combinant les capacités de plusieurs arts : musique, peinture, danse, littérature et le jeu d’acteur, le théâtre a un pouvoir énorme pour influencer le monde affectif de l’humain, et de l’enfant en particulier.

Le théâtre permet de résoudre de nombreux problèmes d’éducation concernant la formation de l’expression de la parole, de l’éducation artistique et esthétique, ainsi que le développement créatif et la croissance personnelle de l’enfant. Le théâtre ne contribue pas seulement au développement de l’enfant en général, mais il relie les fonctions les plus importantes du corps et de l’expression. Si on regarde plus précisément les fonctions du théâtre, on verra que le théâtre s’appuie sur les processus d’expression des mondes intérieur et extérieur dans lesquels le corps joue un rôle de médiateur. Sa particularité réside également dans sa faculté à motiver et intégrer l’individu dans un groupe. Dans ce travail, je pose la problématique suivante : « Comment faire du théâtre une discipline thérapeutique ? ». En d’autres termes, je souhaite expliquer en quoi la théâtrothérapie est importante et efficace dans le travail avec les enfants autistes.

Le concept de théâtrothérapie se compose de deux parties distinctes : le théâtre et la  thérapie. Le théâtre – est la synthèse de tous les arts : la musique, la peinture, l’architecture, le cinéma, la danse et autres. Le moyen d’expression principal est un acteur qui en utilisant les différents types d’expressions, présente aux spectateurs l’essence de ce qui se passe sur scène. Le théâtre est le plus puissant moyen d’influencer la personne. Car en regardant ce qui se passe sur scène, le spectateur s’identifie à un personnage particulier, et souvent après le spectacle il change sa vision des choses. La thérapie – c’est un traitement, une sorte de médicament. Comment peut-on lier ces deux disciplines et en faire un concept ?

Le théâtre en liaison avec la psychologie donne un mélange très intéressant. Le jeu d’acteur aide à comprendre, à sentir et à ressentir toutes les émotions, tandis que de la psychologie, ou autrement dit la thérapie, explique que veulent dire vos émotions, expressions faciales, gestes ou votre posture. On peut l’appeler une connaissance de soi par les émotions. La théâtrothérapie agit sur les fonctions médiatrices du corps. Elle développe la sensorialité, crée une dynamique, nourrit l’imagination et assure l’ouverture de soi.

Dans ce mémoire, j’établirai le cadre général du sujet en commençant par le contexte qui a m’a conduit au thème, à la problématique ainsi qu’aux hypothèses formulées. La première partie se terminera par une note méthodologique.

Dans la seconde partie, j’entrerai en plein cœur du thème en abordant de façon généralisée et plus théorique le concept de l’art-thérapie et de la théâtrothérapie. Ceci afin de déterminer le principe de cette pratique qui se trouve actuellement au cœur des débats en soins palliatifs.

La dernière partie traitera une étude de cas bien précis sur la théâtrothérapie de l’enfant. Pour ce faire, je travaillerai sur les deux principaux du type de thérapie réalisable avec le théâtre ainsi que les bienfaits de cette discipline sur l’enfant autiste.

 

 

1.      Contextes

Plusieurs concepts nous ont conduits à bâtir notre thème et notre problématique. En effet, le mémoire résulte du croisement de l’art-thérapie, de la théâtrothérapie et de l’autisme des enfants.

1.1 L’art en tant qu’outil thérapeutique

Pour commencer, il est important de définir l’art. Je me suis référé à l’ouvrage Art, Dictionnaire de philosophie[1] de Christian Goden.

a.      Définition de l’art

Il existe d’innombrables définitions de l’art. En effet, les domaines culturels, artistiques, littéraires et philosophiques définissent à leur manière l’art. Néanmoins, il existe un point de convergence entre toutes les définitions. Tout d’abord, l’art répond à des exigences de qualité. Ainsi, par rapport à la conception de l’art, on m’associe à deux définitions :

L’art est une production effective réalisée dans un grand souci esthétique

b.      L’art est une technique

Dans la définition de l’art comme une humaine, les adeptes de la philosophie l’oppose à la nature. Si l’on se fie aveuglement à cette définition, tout ce qui est fabriqué avec les mains de l’homme serait de l’art. C’est la raison pour laquelle on impose des exigences de qualité et un critère esthétique à la production. Cette première définition de l’art est souvent sujette à controverse dans la mesure où bien que l’art est opposé à la nature, il essaie de l’imiter. En effet, dans le théâtre ou le cinéma, les gestes des acteurs imitent le naturel. Il en est de même pour les peintures et les autres œuvres.

D’un autre côté, l’art est conçu comme une technique qui regroupe des méthodes et des démarches bien définis afin de réaliser un œuvre qui répond à des exigences de qualité. Il s’agit d’une technique relative à des pratiques particulières. Dans cette visée, le hasard ainsi que les connaissances purement théorique ne font pas partie de l’art. Certes, il se peut que des choses « bien » voient le jour dans le hasard, mais celui qui lui a réalisé ne peut prétendre maîtriser l’art. En ce qui concerne les théories, l’art suggère une concrétisation des actions répétées et réussies. Cependant, j’aimerai attirer l’attention sur l’écart entre l’art et la technique : l’art connote une qualité.

Malgré ces deux sens accordés à l’art, dans sa pratique quotidienne, il regroupe deux éléments. D’un premier abord, l’art se réfère à un ensemble de travail effectué. Ensuite, il se rapporte aux plusieurs disciplines artistiques (cinéma, peinture, théâtre, etc.)

c.       L’utilisation de l’art en tant que thérapie

Depuis toujours, l’art a été conçu comme une activité ludique. Il a été établi par les professionnels en psychologie et en psychiatrie, que de telles activités affectent le mental et le psychique des individus. D’un autre côté, l’art rime toujours avec la créativité. En effet, la pratique de l’art fait appel à un esprit créatif et à la mobilisation du potentiel intellectuel et motrice.

C’est la raison pour laquelle on utilise l’art à des fins thérapeutiques. L’art thérapie figure parmi les pratiques en psychothérapie. Cette forme d’usage sollicite la création artistique en invitant les patients à créer des dessins, des collages, des sculptures ou bien d’autres formes encore en fonction de leur capacité intellectuelle et physique. Le but de ce procédé consiste à aider les individus à se connecter à leur soi intérieur, leurs sentiments, leur subconscient, etc.  Certes, comme ce qui a été abordé dans la définition de l’art, ce domaine implique une exigence de qualité. Cependant, quand on utilise l’art en tant qu’outil thérapeutique, les psychologues ne tiennent pas compte de ce critère, encore moins de la production.  La thérapie réside dans la démarche qui vise progressivement à émerger les sentiments et les appréhensions de l’individu. Sur un second niveau, l’art-thérapie permet de mobiliser les muscles et de stimuler les activités motrices. Dans la foulée, cette forme de thérapie sollicite l’imagination, la créativité et les sentiments des patients.

Ainsi, l’art-thérapie est une pratique qui génère une forme de vision et de personnalité qui accélérera le processus de guérison physique et émotionnelle.

Pour certaines écoles de pensée, l’art-thérapie dépasse largement le domaine de la psychologie et s’inscrit dans le cadre d’œuvre humanitaire. En effet, cette forme de cure permet de fournir une aide précieuse aux individus en difficultés mentales ou physiques.

Il est important de savoir que l’art-thérapie n’est pas une nouveauté dans le domaine de la médecine. En effet, cette pratique relève de l’époque de la Grèce antique où on associait l’art à ses vertus thérapeutiques et cathartiques.  Le psychiatre suisse Carl Jung fut le premier à avoir étudié scientifiquement l’effet de l’art, plus précisément du dessin, en tant que thérapie au début du XXème siècle. Néanmoins, il faut attendre les années 1930 pour que l’art-thérapie intègre officiellement le monde contemporain grâce aux œuvres de la psychothérapeute américaine Margaret Naumburg.

1.2 L’autisme des enfants et sa prise en charge

Selon la définition donnée par l’OMS, l’autisme est une forme de maladie que l’on contracte dès la naissance. Il se manifeste par des troubles de fonctionnement neuro-motrices. Actuellement, cette maladie n’est plus considérée comme un trouble psychologique ou psychiatrique. Il est considéré comme pathologie neurologique issue d’un disfonctionnement au niveau du système nerveux central.

L’autisme se manifeste principalement par une déficience au niveau de l’interaction sociale. Étant donné qu’il s’agit d’une maladie contractée dès la naissance, les premiers signes se manifestent dès les premiers mois de la naissance. En général, les enfants autistes réagissent rarement aux choses qui attireraient un enfant normal.

Actuellement, l’autisme est sujet à trois questionnements majeurs qui s’avèrent encore non résolus : la question du diagnostic, de la prise en charge et de la recherche. Je me focaliserai principalement sur la prise en charge. En effet, l’univers de la médecine reconnait le manque de moyens de prise en charge des autistes.

La prise en charge et le traitement des enfants autistes s’orientent principalement autour de la stimulation des activités motrices, de la mobilisation des membres et de l’alimentation du cerveau. C’est la raison pour laquelle ce travail se portera sur l’utilisation de l’art pour l’accompagnement des enfants autistes dans la mesure où l’art permet un travail intellectuel, mental et physique.

1.3 Le théâtre

Le théâtre figure parmi l’une des disciplines artistiques. Il appartient au domaine de l’art de la scène. Il regroupe plusieurs disciplines : le chant, la danse, la création, le mime, le jeu d’acteur ; ce qui en fait une forme d’art assez riche. Ainsi, en plus de faire travailler le système nerveux et le cerveau principal, il permet également de solliciter la motricité et les membres.

En d’autres termes, le théâtre est une forme d’art qui favorise l’élocution et la créativité. En d’autres termes, il permet un développement personnel des individus en établissement un lien entre les fonctionnements du cerveau et les fonctions du corps. En se penchant sur le fonctionnement général du théâtre, on remarque qu’il se base sur un système d’expression par les gestes et les mots bien précis. Le caractère ludique du théâtre atténue l’éducation contenue dans le théâtre ; ce qui favorise la pratique et réduise le stress pendant les démarches sur la mise en œuvre du théâtre.

Il va de soi que le théâtre prône la communication verbale et non verbale étant donné qu’il s’agit d’un domaine qui mobilise plusieurs disciplines. En cas de défaillance de la parole, les gestes et les expressions corporelles viennent compléter ou se substituer complètement au langage verbal.

L’utilisation du théâtre en tant que moyen thérapeutique s’avère très bénéfique pour les enfants autistes. En effet, cette discipline agit sur deux niveaux. Tout d’abord, pour faire du théâtre, il faut des acteurs, une personne qui s’exprime au moyen de parole, de danse, de chant et de geste pour faire passer un message au public. D’un autre côté, le public, en regardant, s’identifie au personnage et cela affecte sa conception et sa vision. De par ces fonctionnalités à double sens du théâtre, il existe deux modalités de thérapies que l’on peut exploiter : la théâtrothérapie active et la théâtrothérapie passive.

Au cours d’une théâtrothérapie active, les enfants autistes sont invités à participer en tant qu’acteur dans la pièce de théâtre. Je tiens à rappeler que quand on utilise l’art comme une thérapie, on ne se focalise par sur le résultat, mais sur les démarches ainsi que l’essai de production scénique. En effet, le jeu d’acteur améliora la capacité d’expression dans la mesure où il aide à la manifestation des sentiments et à l’élocution. Cet avantage sera très bénéfique pour les enfants autistes qui présentent des difficultés à communiquer dans la société.

D’un autre côté, dans la théâtrothérapie passive, les enfants autistes ne prennent pas directement part à la scène, mais tiennent le rôle de spectateurs. Comme je l’ai dit précédemment, le public s’identifie aux acteurs. Par conséquent, en plus de profiter des avantages ludiques du théâtre, les enfants autistes ont une occasion de s’identifier aux acteurs et de se construire des visions. En d’autres termes, la forme passive de la théâtrothérapie travaille sur la psychologie des enfants autistes.

2.      Problématisation de la recherche

Après cette mise en contexte des concepts que j’ai croisé pour ce mémoire, j’exposerai la problématique ainsi que les raisons qui justifient notre choix de cet axe de réflexion.

Une analyse croisée entre les concepts que j’ai abordés dans le contexte a conduit à la formulation suivante : « Dans quelle mesure le théâtre peut-il être utilisé à des fins thérapeutiques pour les enfants autistes ? »

En effet, il a été établi et reconnu que l’autisme est une pathologie qui affecte la capacité physique et l’élocution des patients à cause du fait qu’il s’attaque principalement au système nerveux central. Ainsi, les enfants atteints de cette maladie présentent des difficultés à bouger leur corps et à s’exprimer facilement. En, outre, la prise en charge de l’autisme doit s’orienter par rapport à une amélioration de l’expressivité langagière et corporelle des patients.

D’un autre côté, l’art a été souvent utilisé à des fins thérapeutiques depuis de nombreux siècles déjà. Cependant, compte tenu des innombrables formes d’art, je me suis penché principalement sur le théâtre. D’un premier abord, cela fait partie des arts de la scène, le parcours académique que j’ai choisi. Ensuite, il s’agit d’un art riche grâce au fait qu’il mobilise plusieurs disciplines : l’imitation, la création, le chant, la danse, la peinture, etc. Ainsi, le théâtre sollicite non seulement le corps et implique une parfaite cohérence entre la commande du cerveau et le mouvement des muscles et des membres.

Compte tenu des exigences de traitement de l’autisme et des procédés utilisés dans le théâtre, je juge qu’il existe une piste de réflexion sur un moyen d’aider les enfants autistes à mieux vivre en société. C’est la raison pour laquelle je tenterai d’établir un usage du théâtre à des fins thérapeutiques pour les enfants autistes.

2.1 Intérêts de la problématique

Le premier intérêt de cette problématique réside dans la proposition d’une nouvelle forme d’usage de l’art. Certes, le caractère ludique de l’art n’est plus à démontrer et il s’agit déjà d’un avantage très apprécié. N’empêche qu’en plus de divertir, l’art peut également aider les enfants autistes à améliorer leur qualité de vie en société grâce aux divers procédés qui aident à harmoniser et coordonner le cerveau avec les muscles du corps. Ainsi, beaucoup d’enfants autistes auront l’occasion et l’opportunité d’apprendre à mieux s’exprimer pour ne pas être des exclus dans leur communauté.

Le second intérêt de ce travail relève de l’ordre personnelle. En effet, en étudiant un tel sujet, nous abordons une nouvelle façon de concevoir l’art que nous avons étudié pendant plusieurs années déjà. Ainsi, en plus d’acquérir des connaissances relatives à l’art de la scène, il s’agit d’une contribution humanitaire, bien que modeste soit-elle, pour aider un groupe de personnes en particulier.

 

3.      Cheminement vers les hypothèses et méthodologie de recherche

Après une documentation poussée et grâce à mon parcours dans l’étude des arts du spectacle et de l’audiovisuel, j’ai voulu approfondir le sujet de l’art-thérapie. Il s’agit d’un domaine très exploité de nos jours, notamment dans le travail avec les personnes en difficultés. La créativité est au centre de la pratique de l’art-thérapie. Le but est de mettre en exergue le potentiel artistique d’une personne en le laissant s’exprimer. Il existe plusieurs formes d’expression, cela peut se faire par oral, écrit ou par les gestes. En France, la pratique est principalement adressée aux personnes âgées. Bien qu’actuellement, l’art-thérapie est beaucoup plus axé sur le traitement des adultes, il me semble pertinent d’axer ce travail sur les bienfaits de la pratique chez les enfants.

Le choix du théâtre n’est pas anodin, il relève du fait que cette discipline constitue une branche complète, mobilisant, comme je l’ai dit dans l’introduction, d’autres arts tels que la musique et le chant.

3.1 La construction de la problématique et les hypothèses de recherche

Le thème central de ce travail est le théâtre, mais afin d’enrichir ses apports, je me suis penché sur un sujet encore peu exploité : la théâtrothérapie. L’art-thérapie est courante dans l’accompagnement psychologique, ou plus exactement, psychosocial des adultes. Dans ce mémoire, je développerai la pratique dans le travail avec les enfants en difficulté, et pour l’étude de cas, les enfants autistes. Deux principales raisons m’ont permis de construire ma problématique, celle de démontrer comment faire du théâtre une discipline thérapeutique ou en quoi la théâtrothérapie est importante et efficace dans le travail avec les enfants autistes. La première porte sur les impacts de l’art sur le développement personnel et la deuxième relève des bienfaits thérapeutiques du théâtre.

a.      L’art et le développement personnel

Le concept de développement humain repose sur de nombreux facteurs entre autres la qualité de vie et la culture. La dimension culturelle peut être apportée par l’art, une discipline qui véhicule des façons de vivre et de voir le monde, ainsi que des pensées. Pour Kandinsky (1989), un peintre russe :

« L’art est le ferment nécessaire qui conduit vers une réelle transformation de l’être humain et de son développement car, parmi les multiples voies de la connaissance, la voie artistique est la plus douce, et certainement la plus marquante et la plus durable »[2]

Le concept de développement humain est plutôt vague, il convient de parler de développement personnel. Le théâtre est un moyen pertinent pour illustrer les effets de l’art sur la personne. En optimisant la créativité, il aide à s’exprimer et à s’épanouir. C’est ce qui serait à l’origine de ses bienfaits thérapeutiques. Cette dimension humaine du théâtre est un des facteurs pris en compte dans la construction de ma problématique. J’ai alors poussé mes analyses en regardant de plus près comment il aide à soigner.

Compte tenu de nos années d’étude dans le domaine de l’art, nous sommes en position d’affirmer que l’art offre une excellente occasion de découverte de soi. En effet, on expérimente plusieurs disciplines qui associent plusieurs sentiments. On a l’opportunité de jongler avec diverses personnalités et de trouver un moyen de la transmettre au public. Aussi, exprimer le soi intérieur et les sentiments deviennent facile grâce aux nombreuses possibilités englobés dans le théâtre : parole ou expression corporelle, le but est de s’exprimer, de faire comprendre et de transmettre. Il va de soi que la capacité d’expression langagière et/ou corporelle s’améliore avec la pratique du théâtre.

C’est aussi une méthode de communication et d’une certaine manière un moyen d’évasion. L’art peut nous conduire dans une autre réalité et nous amener à réfléchir sur cette réalité. Pour faire de l’art, il faut savoir mobiliser différentes facultés, artistiques, intellectuelles, créatives et sensorielles. Les mêmes facultés sont également nécessaires dans l’interprétation d’une œuvre d’art. Il faut savoir observer, écouter, interpréter…L’art est une extériorisation de ce que l’on ressent. Comme dit Proust :

« Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous…»[3]

b.      Le théâtre, une thérapie nouvelle

Plusieurs types de maladies ont des répercussions sur le bien-être et la vie sociale d’un individu. Il existe diverses formes d’accompagnements afin de permettre aux personnes qui en souffrent de garder une vie quasi-épanouie. Leur intégration sociale peut être difficile, et les prendre en charge dans des groupes est souvent la solution la plus recommandée. Lors de ces rencontres sont souvent organisées des ateliers artistiques où chacun peut s’exprimer librement.

Pour mieux s’intégrer dans la société, il faut tout d’abord avoir confiance en soi. Les pratiques théâtrales ont de réels bienfaits sur cela car elles favorisent la communication. En ce sens, le théâtre présente des bienfaits thérapeutiques, c’est une discipline libératrice. Ses impacts sur les enfants en difficulté seront étudiés sur la base des hypothèses abordées dans le prochain chapitre.

En effet, l’art ne saura se limiter à cercle du divertissement et du commerce. Certes, il s’agit d’une pratique originellement conçue en tant que discipline artistique et culturelle ; n’empêche qu’il peut également servir pour des fins thérapeutiques. Plusieurs civilisations anciennes, entre autres celle de la Grèce Antique, ont utilisé l’art comme un remède à des troubles neurologiques et/ou psychiques. Cette méthode a été reprise par plusieurs scientifiques et se trouvent au cœur des recherches des traitements des déficients mentaux et physiques actuellement.

Ainsi, la portée de l’art dépasse largement le domaine artistique. Mine de rien, il s’insinue, prend place et s’enracine dans l’univers de la médecine. En effet, le théâtre implique une mémorisation des gestes et paroles, une intégration dans un groupe. Et c’est ainsi qu’il devient une pratique thérapeutique.

c.       L’efficacité de la pratique du théâtre dans le travail avec les enfants autistes et des personnes en difficulté en général.

Le théâtre est une discipline enrichie dans la mesure où elle regroupe la plupart des formes d’arts : la musique, l’art de l’élocution, l’expression corporelle sous toutes ses formes, l’imitation, etc. Ainsi, ce domaine mobilise non seulement le corps, mais également le cerveau. Pour améliorer la cohérence du système nerveux et le corps, il n’y a rien de tel que le théâtre. Il s’agit justement du problème des enfants autistes : leur cerveau et le mouvement de leur corps ne sont pas en harmonie. D’où la difficulté à parler, à s’exprimer et à réaliser des simples gestes.

À travers les différents exercices, l’enfant autiste essaiera d’harmoniser ce fonctionnement. Le théâtre l’aidera à trouver automatiquement les usages de son cerveau et la coordination de ses mouvements. Une meilleure expression aidera sûrement les enfants atteints de cette pathologie à acquérir plus d’autonomie.

En plus, on ne peut nier les avantages ludiques du théâtre sur le psychique. En plus de se détendre, on travaille sur la capacité motrice et langagière. Bien que certaines formes de cure s’avèrent très stressant, le théâtre permet d’ores et déjà de réduire le stress pendant l’apprentissage. Ainsi, il s’agit d’une excellente opportunité pour les enfants d’apprendre à s’exprimer sans se stresser.

 

Ces trois hypothèses constituent les points de départ de ma recherche et seront vérifiées à travers une méthodologie qualitative. Cette approche consiste en une observation et analyse des comportements et des perceptions d’un public donné par rapport déjà un sujet précis. Elle cherche à vérifier un concept. J’ai choisi cette approche qualitative dans la mesure où ce mémoire ne sera pas axé sur les bienfaits de la théâtrothérapie, car une telle étude dépasserait mon objectif de recherche. Je développerai deux pratiques de l’art dans la thérapie, et me focaliserai donc davantage sur la pratique que sur les résultats proprement dits. Cela sera vérifié à travers l’analyse des comportements des enfants autistes sur une scène de théâtre en tant que personnage, et devant une scène en tant que spectateur. Pour y parvenir, j’ai pris contact avec des art-thérapeutes ainsi que des psychiatres spécialisées dans la prise en charge de l’autisme et d’autres troubles envahissants du mental chez les enfants. Je me suis également renseigné sur les pratiques théâtrales proposées à ces enfants.

3.2 La méthodologie de recherche

La thématique de l’art-thérapie étant un domaine assez large, j’ai choisi d’orienter ma recherche vers le théâtre. Actuellement, les méthodes thérapeutiques naturelles sont préconisées en raison de leurs multiples fonctions et bienfaits. Le théâtre peut être à la fois utilisé comme un moyen d’expression artistique et une discipline thérapeutique.

Avant d’approfondir mon sujet de mémoire, il a fallu réaliser une revue de littérature. Il s’agit d’une recherche bibliographique et d’un recensement des différents documents témoignant des recherches déjà réalisées sur un ou des sujets précis. Cette étape concerne l’état de la question par rapport aux différentes recherches déjà réalisées. Elle a été d’une importance capitale, car elle m’a permis de situer ma recherche dans un contexte plus global et de voir les orientations possibles qui pourraient me permettre d’avoir et d’apporter de nouvelles connaissances.

Les ressources que j’ai consulté portaient essentiellement sur : l’art-thérapie, le théâtre et la théâtrothérapie. Je citerai ici quelques exemples d’ouvrages utilisés pour préparer et enrichir ce travail de recherche. Angela Evers définit l’art-thérapie comme :

« Une approche de soin centrée sur la personne, dont la vocation est de s’intéresser à l’ensemble des problématiques existentielles. Le thérapeute, avec sa double compétence artistique et thérapeutique, accompagne le patient dans sa globalité psychique, physique, spirituelle et sociale…»[4]

Dans Le grand livre de l’art-thérapie, cette spécialiste fait une analyse approfondie de cette méthode thérapeutique. La thérapie se fait par la création artistique, quel que soit le domaine, art de la scène, écriture, musique, peinture… Elle incite à prendre conscience de soi et à verbaliser ses sentiments, émotions, blessures, etc. L’ouvrage parle d’art et de développement humain et peut servir de base de réflexion sur l’art-thérapie en général. Le domaine de l’art-thérapie est complexe et constitue un vaste champ de recherche et de réflexion. Afin de mieux cibler mes objectifs, j’ai également consulté un livre parlant essentiellement de la pratique du théâtre dans la thérapie. Avec l’ouvrage d’Albert Gabrieleff, j’ai pu mieux comprendre le domaine. Comment l’art arrive-t-il à guérir ? L’auteur parle du théâtre thérapeutique comme :

« Une voie d’accès à l’exploration de l’inconscient, à l’exploration de la souffrance, à l’expérience de la relation et incite à devenir ce que nous sommes, c’est-à-dire soi, rien que soi, mais tout soi en étant un autre le temps d’une scène »[5]

La littérature existante permet d’identifier plusieurs bienfaits thérapeutiques du théâtre, mais les références ne sont pas très nombreuses.

C’est ainsi que s’est renforcée mon idée de parler du théâtre dans ce mémoire. Poursuivant une étude des arts du spectacle et de l’audiovisuel, je ne parlerai pas de thérapie mais de pratiques théâtrales actives et passives, des pratiques desquelles découleront des éventuels bienfaits thérapeutiques. Des livres sur l’Histoire du théâtre[6], la Théorie et pratique du théâtre[7] ainsi que sur les pièces de théâtre destinées aux enfants tel celui d’Alain Héril[8]. Plusieurs exercices y sont proposés à tous ceux qui souhaitent mener des ateliers de théâtres pour enfants. Les pratiques visent à aider ces derniers à s’exprimer au-delà de leur timidité et différents problèmes de personnalité et d’expression.

Sans ambitionner de démontrer les vertus de la théâtrothérapie sur les enfants autistes, je souhaite voir dans ce mémoire comment faire du théâtre une discipline thérapeutique. Mon travail portera sur la pratique de l’art afin d’expliquer en quoi la théâtrothérapie est importante et efficace dans le travail avec les enfants autistes. L’étude de cas en deuxième partie en dira un peu plus.

Pour formuler mes hypothèses, je me suis basé sur mes lectures et mes observations. L’efficacité du théâtre dans la thérapie des enfants autistes relève de la particularité de cette discipline artistique. Lorsqu’elle est bien exploitée, les bienfaits sont incontestables.

Ce mémoire sera ainsi axé sur 2 grandes parties. La place du théâtre dans l’art-thérapie sera étudiée en première partie. La seconde et dernière partie portera sur la théâtrothérapie de l’enfant.

Partie 1 : Le théâtre dans l’art-thérapie

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je commencerai par des définitions données par quelques ouvrages de l’art-thérapie.

D’après le Grand Dictionnaire de la Psychologie :

« L’art-thérapie est parfois considérée comme une méthode thérapeutique originale et suffisante par elle-même pour la résolution de certaines difficultés psychologique. Le plus souvent, elle est située dans le cadre des méthodes d’aide psychothérapiques. En générale, elle concerne l’utilisation à des fins thérapeutiques de techniques relevant des arts plastiques : peinture, dessin, modelage, sculpture, mais englobe parfois les thérapies musicales, celles qui utilisent la danse, le mime ou le théâtre. »

L’art-thérapie travaille sur les troubles de l’expression, de la communication et de la relation. Cette discipline paramédicale consiste à solliciter, par l’art, les mécanismes d’impression et d’expression de la personne. Elle agit à partir de la perception sensorielle pour stimuler et gratifier l’ensemble du champ des sensations, et ainsi avoir une action ciblée, par exemple: sur la mémoire, l’imagination ou la motricité. L’art-thérapie à l’aide des arts plastiques a une action plus centrée sur la personne, ce qui est différent si on parle de la théâtrothérapie qui se construit sur un travail d’un groupe. A la différence des arts plastiques, le théâtre opère au sein de la personne une fusion entre son action et sa production.

Claudie Fougeyrollas[9], Docteur en Sociologie et Art-thérapeute de fonction apporte également une définition de l’art-thérapie. Cependant, sa définition ne diffère pas de celle fournie par le Grand dictionnaire de la Psychologie. En effet, pour cette art-thérapeute, il s’agit d’une « tentative d’utilisation de la créativité dans divers domaines artistiques à des fins d’amélioration de l’état de santé psychique des malades mentaux. C’est aussi une tentative de restructuration. » (p63)

En d’autres termes, l’art-thérapie constitue un moyen de choix pour le traitement des troubles psychique en utilisant la créativité comme outil de travail. Béatrice Dolder[10], dans son article, établit un lien entre la créativité et « l’espace spirituel », ce dernier étant « un champ ouvert à une expérience professionnelle » liée à la culture, à la religion et aux systèmes de valeurs de l’individu. En ayant recours à l’art-thérapie, l’individu se construit une image de soi en se fabriquant une personnalité et en exprimant ses ressentis et sa perception de sa situation en fonction de ses valeurs.

Contexte historico-conceptuel de l’art-thérapie

Les débuts de l’art-thérapie remontent bien loin dans le temps. Les effets de l’art sur l’état de santé physique, émotionnelle et psychologique ont été établis depuis la Grèce antique. La considération de l’art comme une pratique thérapeutique se confirme dans les années 30. C’est Margaret Naumburg[11] qui a introduit cette discipline en Angleterre et aux Etats-Unis. Les vertus de l’art-thérapie ont été démontrées pour la première fois par le peintre Adrian Hill (1940) qui guérit de la tuberculose grâce à son art. Au cours du XXème siècle, les pratiques thérapeutiques relevant de l’art se multiplient, elles atteignent aussi l’Europe. Parallèlement, des centres de formation naissent et professionnalisent l’art-thérapie de plus en plus.

Ce fut en 1922 que l’historien et philosophe allemand Hans Prinshon a sorti l’ouvrage intitulé « Expressions de la folie. Dessins, peintures, sculptures d’asile »[12] inspiré grâce à son parcours en tant qu’assistant au sein de la clinique psychiatrique universitaire de Heidelberg. Il s’agit de la première acquisition scientifique formelle de l’art-thérapie. Dans cet ouvrage, l’auteur a repris les productions plastiques des patients de l’hôpital où il travaillait. Il a par conséquent ouvert la voie sur la réflexion du lien entre la créativité artistique et la guérison de la maladie mentale.

Il faut attendre l’année 1949 pour que l’art-thérapie redevienne au cœur des recherches sur le traitement des maladies mentales avec Jean Bubuffet, le parrain incontesté de « l’art brut ». Il a recueilli différentes sortes d’expression artistique des individus qui n’appartiennent pas dans la catégorie des professionnels de l’art. En outre, il a établi que les personnes en difficultés mentales produisent plus que les professionnels dans le domaine de l’art. En plus, il qualifie les œuvres des personnes « fous » comme étant « en dehors de toute culture ». Pour lui, les individus qui souffrent de maladie mentale s’exprime sans se soucier d’une quelconque exigence de qualité. Leurs œuvres reflètent leurs ressentis et leurs perceptions. Bien que l’utilisation du terme « fous » constitue une source de débat, l’univers scientifique a retenu le caractère curatif et expressionniste de l’œuvre de certains individus en difficultés mentales.

Suite à des travaux de plusieurs auteurs sur ce domaine, l’hôpital de Sainte-Anne à Paris a ouvert un « Centre d’étude de l’expression ». Cette initiative a abouti sur la reconnaissance de l’’art-thérapie en tant que parcours académique ; la preuve, l’Université Paris V-René Descartes a accordé un diplôme d’art-thérapie aux étudiants de ce centre. Aussi, les ateliers d’art plastiques sont devenus des centres d’art-thérapie. Cependant, une distinction a été apportée sur l’art-thérapie et les autres formes de rééducation physique par le biais des activités. L’art-thérapie constitue une cure psychique, que physique.

Chapitre 1 : Comment faire de l’art-thérapie ?

Les disciplines artistiques ont longtemps été utilisées comme moyens de médiation, de divertissement et d’accéder au bien-être. L’art est une discipline fortement marquée par la créativité. Toute activité de création peut se traduire comme une activité artistique. L’art a toujours été un moyen d’expression des sentiments, du vécu, des rêves et imaginations. De nombreuses disciplines artistiques sont utilisées dans l’accompagnement des personnes souffrant d’une maladie affectant la personnalité et le bien-être. L’art-thérapie complète les autres interventions ; elle est notamment soucieuse de l’épanouissement du sujet quel que soit son état de santé. Elle est accessible à toutes les catégories d’individu. Cette faculté d’encourager une personne à s’exprimer et à s’intégrer constitue le premier avantage de l’art-thérapie. Celle-ci peut se pratiquer en centre de santé, d’éducation, en services sociaux et communautaires, etc.

Dans son article, Béatrice Dolder a repris la façon de concevoir la pratique de l’art-thérapie de l’APSAT (ou l’association professionnelle suisse des art-thérapeutes). « L’art-thérapie utilise le processus d’expression et de création artistique en tant que modalité thérapeutique. Elle s’appuie sur les théories psychodynamiques et différentes approches humanistes. Elle propose une expérience créatrice permettant une expression de soi non verbale sous différentes formes : métamorphique, symbolique et sensorielle. L’œuvre est alors le vecteur principal de la communication. » (p3)

1.      Le principe de l’art-thérapie

Les thérapies classiques sont dans la plupart du temps basées sur la parole. L’art-thérapie est différente car elle favorise l’expression des sentiments et émotions d’une autre manière : la création. Ce travail personnel matérialise les angoisses et frustrations sous différentes formes : art plastique, art visuel…Le travail est une extériorisation de tout ce qui est resté jusque-là à l’intérieur de l’individu et l’a empêché de bien se sentir dans sa peau et dans sa tête. L’art-thérapie aborde les problématiques inconscientes. Dans ce travail de soi, l’art-thérapeute sert de guide afin que la « guérison »se fasse progressivement. Les effets de l’art-thérapie ne se manifestent pas dans une seule œuvre, mais dans l’évolution des créations du patient. Et c’est cette évolution qui est interprétée par l’art-thérapeute.

Jean-Pierre Klein a illustré le principe de l’art-thérapie avec les enfants. Dans l’introduction de son ouvrage, il met l’accent sur le caractère imprévisible du traitement des enfants. Selon lui, il s’avère quasiment impossible de se fier à des procédés théoriques, car la manière d’appréhender l’enfant dépend uniquement de l’ouverture et de la personnalité de celui-ci. Ce psychiatre et psychothérapeute des enfants prohibe les interprétations classiques comme traitement des enfants en difficultés mentales. Il va même jusqu’à interdire toute forme d’interprétation de telle sorte dans son hôpital.

Pour Jean Pierre Klein, l’art-thérapie se base sur une expressivité du patient. Le principe est de le conduire à parler de lui « en je », pour reprendre les termes de l’auteur. Il soutient la thèse selon laquelle la psychothérapie qui consiste à parler de soi sur le divan n’est pas une thérapie en soi. Pour preuve, il avance que peu d’individus se trouvent guéris au bout de telles séances. Le principe de l’art-thérapie selon Jean Pierre Klein consiste à transposer les ressentis du patient par le biais des formes d’art. En effet, le fait de parler directement de soi peut s’avérer bien difficile dans bien des cas, car cela signifie qu’il faut se mettre à nu devant un inconnu. Les études menées par Klein ont démontré que les patients présentent beaucoup de difficultés à parler directement et ouvertement d’eux et n’hésitent pas de mentir ou d’édulcorer les faits ou les sentiments.

Jean Pierre Klein procède en laissant ses patients la forme d’art qui leurs plaisent. Dans la mesure où il traite habituellement avec des enfants, il a souvent recours au dessin, à la peinture, au théâtre et à la marionnette. En premier lieu, il fait comprendre aux patients qu’ils sont là parce qu’ils se doivent de résoudre un problème et une énigme ensemble. Il prohibe au plus haut point le fait de dire aux patients que le psychiatre ou le psychologue s’apprête à le guérir. Il procède même par faire croire à ses patients qu’ils ne parleront pas d’eux.

Pour ce faire, il invite le patient à imaginer quelque chose, un personnage pour la plupart des cas et de le dessiner ou de lui inventer une histoire. Dans le cas où le patient choisit le dessin, Klein reconnait, mais condamne le fait d’interpréter ce dessin en question. En effet, certains psychologues optent pour l’attribution de sens des couleurs (ex : rouge qui veut dire rage ou colère, etc.) ou la forme (la verticale comme le phallus). Pour Klein, il demande toujours à ses patients d’expliquer leurs créations et le traitement y prend source. Il confirme que dans la plupart des cas, les œuvres et les productions reflètent l’état et les sentiments des patients.

Une fois que l’on a mis le doigt sur le problème, il propose d’aider le patient à ne plus subir sa maladie, mais d’agir sur elle. En d’autres termes, il faut aider le patient à ne plus se placer en victime. Encore une fois, l’imagination et la créativité demeurent le meilleur moyen, et le seul utilisé d’ailleurs, pour lui permettre d’aborder la maladie d’une façon à ce qu’il puisse se sentir être le sujet qui agit et non celui qui subit.

La portée de ce principe intervient sur deux niveaux :

Tout d’abord, le patient se fait une idée à lui de sa situation. Il se représente sa maladie de manière à ne plus croire aveuglement en tout ce que son entourage lui dit. Passant du statut de victime à celui de maître de la situation, le patient affiche plus d’assurance pour mieux vivre avec sa situation.

Ensuite, l’usage de l’art-thérapie permet à l’enfant de s’exprimer facilement dans la mesure où le détour permet de diminuer la gêne, la peur ou la honte. En plus, la créativité et l’imagination sont au cœur de la pratique. Par conséquent le développement de la capacité créative ainsi que la meilleure utilisation du cerveau et du langage sont garantis. Il en est de même pour le travail moteur et la coordination des mouvements.

En résumé, le principe de l’art-thérapie se base essentiellement sur la créativité et la verbalisation des sentiments de manière indirecte. En d’autres termes, il n’est pas question de procéder de manière brusque et directe. Jean Pierre Klein mise sur la subtilité de l’art en primant l’imagination et en laissant le patient créer son propre personnage.

2.      La pratique de l’art-thérapie

Chaque séance se déroule en plusieurs étapes afin de mettre en confiance les patients. Elle peut se faire en groupe ou en individuel. Le cadre est un élément important dans la réussite de l’art-thérapie. Même s’il s’agit d’une discipline thérapeutique, c’est plutôt à un atelier d’art que doit ressembler l’endroit dans lequel elle est pratiquée. Chaque patient doit être conscient des motifs qui font qu’il soit pris en charge par un art-thérapeute. Ce dernier commence alors par lui présenter les raisons et les objectifs des ateliers. Sont ensuite donnés aux patients, des conseils techniques qui les aideront à s’exprimer dans la discipline artistique choisie.

Pour mieux expliciter le contexte la pratique de l’art-thérapie, je me suis toujours référé à Jean Pierre Klein dans la mesure où il figure parmi les plus grands art-thérapeutes de renommée internationale. Pour lui, la pratique de l’art-thérapie se base sur l’accompagnement de la personne « d’une production à l’autre ». En d’autres termes, il fonde cette pratique sur la création de plusieurs produits artistiques et d’aider le patient à trouver lui-même, de manière progressive, l’amélioration de sa situation.

L’auteur de Qui suis-je de réitérer qu’il existe une nette différence entre la pratique de l’art-thérapie et le moyen de cure par les dessins qui s’agit d’un procédé purement psychologique. Dans ce dernier, le psychologue est amené à interpréter chaque élément significatif de la production, entre autres la couleur, la forme, la disposition, etc. Par contre, dans la pratique de l’art-thérapie, « il n’y a pas forcément d’interprétation » dans la mesure où l’objectif réside dans la créativité et l’imagination. Pour Jean Pierre Klein, le but de la pratique de l’art-thérapie ne réside pas dans la recherche de l’origine des problèmes dont souffre le patient. Le but, c’est de l’aider à affronter ses problèmes et de mieux y faire face.

2.1 Le but de la pratique de l’art-thérapie

Dans l’univers de l’art-thérapie, on utilise les épreuves, les problèmes et les maladies comme des outils permettant de construire un œuvre, qui, en plus d’aider son auteur, touchera éventuellement d’autres personnes. Bien que la qualité et l’esthétique ne figurent pas parmi les priorités dans la pratique de l’art-thérapie, les œuvres qui en émanent peuvent constituer de réels chefs d’œuvre. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la première acquisition scientifique par Hans Prinzhorn (1922) de l’art-thérapie a immergé d’un recueil des œuvres plastiques des patients des hôpitaux psychiatriques.

Jean Pierre Klein conçoit l’art-thérapie comme un « projet extraordinaire » dans le but est de puiser en profondeur la nature du patient, jusqu’à ses sentiments les plus noires et de les traduire en œuvre exploitable pour lui-même, mais également pour les autres. En d’autres termes, pour lui, les problèmes psychologiques et psychiatriques ne sont pas des « ennemis », mais constituent d’éventuelles sources d’art.

Pour mieux expliciter la pratique de l’art-thérapie, il faut se référer à l’APSAT que Béatrice Dolder[13] a repris dans son article sur l’art-thérapie. « Le travail en art-thérapie repose sur la création d’une production et la réalisation de celle-ci. C’est l’œuvre en train de se faire qui est prise en compte (modus operandi) avant le résultat final. La relation, le processus créatif et la production artistique sont les moyens thérapeutiques spécifiques à l’art-thérapie ».

Selon cette citation, la pratique repose sur la créativité. Pour Jean Pierre Klein, il parle de différentes étapes à suivre qui coïncident parfaitement avec cette vision de l’APSAT.

2.2 Les étapes de la pratique

Avoir recours à l’art-thérapie n’est pas toujours facile dans la mesure où l’on travaille principalement avec des sujets en déficiences mentales. Il va de soi que chaque cas est unique pour la simple raison que chaque individu est différent. Le caractère imprévisible de la pratique de l’art-thérapie fait toute sa complexité. Bien qu’il s’avère difficile, voire-même impossible, d’établir un canevas qui cartographie toutes les maladies mentales et les moyens d’y remédier, chaque art-thérapeute se choisit un procédé pour servir de base d’action. Le reste s’improvise au fur et à mesure. Pour ce travail, je me réfère à Jean Pierre Klein[14], un psychiatre et psychothérapeute de formation qui a choisi la voie de l’art-thérapie.

Phase 1 : Établir la communication

La première phase consiste à conduire le sujet chez l’art-thérapeute. L’enjeu majeur de cette étape réside dans la réussite ou l’échec du processus. En effet, la relation entre le patient et l’art-thérapeute se joue sur ces premiers instants. Le but est de tisser un lien et un rapport basés sur la confiance et l’ouverture d’esprit. Pour Klein, il cherche à établir dans cette première étape une intercompréhension entre lui et son patient. De cette compréhension mutuelle résulte un objectif commun que les deux parties s’engagent à atteindre par le biais d’un travail collaboratif. En d’autres termes, il s’agit d’une phase de prise de contact, d’essai de rapprochement entre l’art-thérapeute et le patient. Une fois la relation établie et les objectifs bien fixés, le passage vers la seconde phase est engagé.

En fonction de l’art-thérapeute, le premier contact peut s’effectuer dans des cadres différentes : bureau, dans une salle assise par terre, dans une salle de théâtre ou n’importe quel autre endroit que l’art-thérapeute juge propice à une plus grande aisance du patient.

Pour cette première étape, l’enfant vient avec celui qui incarne la figure parentale (sa mère, son père, son tuteur, etc.). Ensuite, celle-ci expose les problèmes auxquels il est conforté. Selon Klein, cette étape aide l’enfant à comprendre que le but de la pratique réside dans la résolution de ses problèmes afin d’améliorer sa qualité de vie et ses rapports avec son entourage. Au bout de cet éclaircissement, les parents laissent l’enfant travailler avec l’art-thérapeute.

Phase 2 : Réveiller la créativité

Dans cette deuxième phase, on fait appel à l’imagination et la créativité de l’enfant. Jean Pierre Klein prime un choix personnel du patient par rapport à la discipline d’art qui lui convient. Compte tenu du fait qu’il travaille principalement avec des enfants, cela tourne autour des dessins, des scénarios avec des marionnettes ou du théâtre. Pour ce faire, on le met devant une feuille blanche, une scène vide, bref lui fournir tous les outils qu’il pourra utiliser pour créer son œuvre. Ensuite, il donnera forme à ce qui se passe dans se passe dans son imagination.

Pour Klein, l’invention d’un personnage ou la création d’une image constitue un excellent moyen pour ressortir les ressentis et les rêves enfouis au fond du patient. Dans bien des cas, ils n’en sont pas conscients. Le caractère indirect de cette mode d’expression permet aux patients de mieux s’ouvrir. En effet, même s’il s’obstine à ne pas les admettre, ses appréhensions, ses rêves et ses aspirations se manifestent à travers sa production. L’essence-même de l’art-thérapie réside dans cette visée. Il n’y pas lieu de faire admettre quoi que ce soit au patient, on attend de lui qu’il s’exprime. En d’autres termes, le but est de transformer l’art en une forme d’échappatoire psychologique où le patient se réfugie. Il appartient ensuite à l’art-thérapeute de partager ses analyses avec les proches du patient de sorte à prendre les dispositions requises pour rendre agréable la situation de l’enfant.

Dans tous les cas, quel que soit la qualité de la production, celle-ci révèle la problématique relative à la perception du patient de son problème et de sa situation. Il appartient ensuite à l’art-thérapeute d’aider le patient à aller plus loin et à explorer de plus en plus son for intérieur pour faire ressortir tous ses sentiments.

2.3 Le rôle de l’art-thérapeute

Dans la pratique de l’art-thérapie, l’art-thérapeute est à la fois passive et active dans le processus. Toutes ses actions doivent être orientées par rapport à la stimulation de la créativité du patient. En effet, il n’existe aucun modèle à suivre dans la production, mais chaque patient est invité à créer un œuvre strictement personnel.

L’art-thérapeute sert ainsi de guide, d’accompagnateur qui cadrera le patient à avancer progressivement. En effet, le fait d’aller de manière précipitée vers l’aspect le plus noir du problème peut conduire le patient à se refermer encore plus sur lui-même[15]. On reconnait un bon art-thérapeute par sa capacité à contourner les problèmes de manière à maintenir un bon équilibre psychologique du patient. En effet, l’art-thérapeute doit mobiliser ses savoirs-faires de façon à ce que la production ne devienne pas une source de peur et de crainte pour le patient. Sinon, le processus de guérison ne pourra pas continuer. En d’autres termes, la principale visée de l’art-thérapie consiste à conduire le patient à s’exprimer et à trouver un moyen d’exprimer ses sentiments, ses vécus et ses ressentis.

Cependant, il n’est pas rare de voir les patients érigés une résistance contre le processus quand il commence à établir le lien entre sa vie et ses productions. Le fait de se mettre à nu est souvent difficile pour les patients. Dans ce cas, l’art-thérapeute se doit de trouver le moyen d’attaquer le problème sous un autre angle, quitte à faire un long chemin pour le contourner de manière à ce que la production soit moins rude.

En résumé, l’art-thérapie est un processus qui consiste à pousser les individus en difficultés mentales ou psychologiques à s’exprimer par le biais des mesures artistiques. Contrairement à la méthode de thérapie classique, cette discipline ne cherche en aucun cas à faire admettre au patient qu’il a des problèmes. Encore, il n’est pas question d’une quelconque interprétation des couleurs, des formes, des propos tenus par le patient. En art-thérapie, on le conduit à exprimer son âme, son esprit et sa personnalité à travers des créations qui lui sont propres. La qualité de l’œuvre ne représente rien, tout se situe dans la production et le processus de production.

 

Chapitre 2 : Le théâtre, entre pratique artistique et pratique de soin

 

La théâtrothérapie s’intéresse aux difficultés des malades sans remplacer la pratique de soin, psychothérapie, chimiothérapie ou autre. Il s’agit d’une discipline d’appui dans l’accompagnement des patients.

Des ateliers de théâtre peuvent être animés avec plusieurs exercices afin de solliciter l’expression émotionnelle et corporelle. Dans les répétitions et les représentations, les participants sont amenés à faire travailleur leur mémoire, afin de se rappeler des gestes, des paroles et du déroulement de la pièce de théâtre. Il s’agit d’un travail de groupe, chacun est aussi amené à écouter et regarder l’autre.  « La théâtrothérapie a des points communs avec le psychodrame. Il s’agit bien de se révéler aux autres comme à soi-même et de progresser dans la réharmonisation de son corps et de sa tête. »[16]

D’après un projet de groupe thérapeutique piloté par  Jessica PERMAL-ZOZIM et Julie CHEMIN en 2012 dans le  SESSAD[17] Aloès, les effets thérapeutiques des pratiques artistiques se résument dans le tableau suivant.

La théâtrothérapie appartient au domaine de la sociothérapie. En effet, elle aide les patients à s’exprimer et s’extérioriser. Cela traduit d’une certaine manière une liberté qui souvent est perdue à cause de la maladie. La pratique théâtrale permet une émancipation et un retour au réel.

Pour Carole Madelaine-Dupuich, l’art-thérapeute en service à Metz, cette discipline peut aider les individus à avoir une vie sociale plus épanouie, car elle favorise la communication et implique une expression corporelle. Cela se fait à travers les gestes, la parole et la voie, l’émotion, etc.

1.      Les principaux intérêts de la pratique du théâtre

Il a été déjà abordé que le théâtre est un art riche et complet dans la mesure où il sollicite bon nombre de discipline. Entre autres, la musique, l’expression corporelle, l’interprétation.

1.1 Les avantages ludiques

Il est clair que la principale vocation du théâtre demeure la distraction. Non seulement il s’agit d’une activité ludique pour les spectateurs, mais les participants y prennent également du plaisir en participant activement aux jeux d’interprétations. En outre, dans la pratique du théâtre, les acteurs tissent des liens entre eux. Les applaudissements sont également source d’un immense réconfort et reconnaissance pour les participants ; tandis que les spectateurs passent de moments agréables en observant et en s’identifiant aux interprétations.

1.2 Les avantages cognitifs

La portée de la pratique et de l’observation du théâtre ne se limitent pas à la distraction. En effet, il s’agit d’un véritable exercice intellectuel et cognitif auquel les participants doit se prêter. D’un premier abord, le théâtre exige l’apprentissage par cœur des textes de chaque pièce. Ainsi, les participants se trouvent dans l’obligation de mobiliser leur capacité intellectuelle et d’améliorer leur mémorisation. En d’autres termes, la pratique du théâtre permet, d’ores et déjà, aux acteurs d’améliorer leur activité cérébrale en rendant le cerveau plus favorable à la mémorisation. Cet exercice constitue déjà un réel avantage du point de vue intellectuel.

Outre l’exercice pour le mémoire, les acteurs doivent également trouver un moyen d’organiser son quotidien de façon à pouvoir apprendre les textes et les partitions tout en pratiquant leurs activités quotidiennes. En effet, il existe un temps imposé pour l’apprentissage avant les répétitions. Ainsi, cette phase préalable pousse les acteurs à améliorer leur capacité organisationnelle.

D’un autre côté, le théâtre pousse à la réflexion et à l’imagination, autant pour les acteurs que les spectateurs. Pour les acteurs, ils doivent comprendre et appréhender le rôle qu’ils jouent. Pour ce faire, ils se trouvent dans l’obligation de réfléchir sur une meilleure façon de représenter son rôle de façon à ce que celui-ci soit le plus naturel possible. En plus, ils doivent faire appel à leur imagination pour pouvoir se mettre dans la peau du personnage interprété. En effet, la pratique du théâtre affiche les mêmes exigences que le cinéma, à la différence que les théâtres demeurent plus spontanés et implique plus de rigueur dans la mesure où la scène n’est pas différée. Aucune erreur n’est permise, contrairement au cinéma où les montages rendent possible la modification. Ainsi, les acteurs doivent se mettre à la place du personnage, comprendre son rôle, ses attentes et sa façon de faire afin de rendre l’interprétation le plus naturel possible.

Du côté des spectateurs, le théâtre pousse également à la réflexion. En effet, l’observation d’une pièce entraîne une identification à travers les personnages. En plus, plusieurs psychologues ont abordé que le théâtre entraine les acteurs à imaginer une fin en fonction de leur personnalité et de leur vécu. Par ce processus d’imagination, ils doivent mobiliser leur potentiel réflexif afin d’ajouter de la cohérence entre ce qu’ils ont déjà observés et ce qu’ils imaginent.

Autant pour les acteurs que les spectateurs, le théâtre améliore la concentration. Pour les premiers, cela commence dès la phase des répétitions. En effet, ils se doivent d’entrer dans le personnage et d’exprimer des mots tout en réalisant des gestes (danses, mimiques, etc.). Sur scène, ils sont dans l’obligation de reproduire parfaitement les textes et les mouvements associés au personnage incarné. D’un autre côté, ils doivent également palier leurs erreurs, car il faut l’admettre, cette éventualité n’est pas à écarter. Ainsi, malgré les quelques fautes, les acteurs sont obligés de rester concentrer sur la scène.

Pour les spectateurs, le travail de concentration est primordial pour comprendre la cohérence de l’histoire et les diverses subtilités des actes des acteurs. Cependant, dans bien des cas, la concentration est plus difficile pour les spectateurs, surtout quand ils laissent libre cours à leur imagination. Tout est entre les mains des acteurs qui doivent faire tout leur possible pour maintenir l’attention et la concentration de leur public.

1.3 Les avantages communicationnels

Tout d’abord, le théâtre améliore l’expressivité des acteurs grâce au fait qu’il prime l’expression orale, mais également l’expression corporelle. En plus de donner aux acteurs une opportunité de manier les mots avec subtilité, le théâtre leur permet également de trouver des gestes plus éloquents pour manifester leurs sentiments. En effet, le but est de reproduire autant que possible l’aspect naturel des choses, imiter les vraies conversations, reproduire les gestes anodins, etc. Il va sans dire que ces capacités auront des conséquences sur les aptitudes relationnelles des acteurs.

Toutefois, cet avantage profite également aux spectateurs. Étant donné qu’ils s’identifient aux acteurs, ils prennent exemple sur eux pour s’exprimer, ils imitent les gestes et en font les leurs. Leur atout majeur : en plus d’acquérir les subtilités du langage et des gestes, ils améliorent également leur capacité d’écoute.

L’amélioration de l’aptitude communicationnelle va de pair avec une meilleure socialisation. En effet, quand on est plus à l’aise dans l’expression, on arrive à mieux tisser et entretenir des liens avec l’entourage. Pour l’acteur, cette qualité est une impérative à laquelle nul ne peut se soumettre dans la mesure où le théâtre relève d’un travail d’équipe qualifié de collaboratif. Cela se réfère à l’adage très utilisé actuellement : « il n’y a pas de je dans l’équipe ». En effet, le théâtre constitue une objectivation concrète du modèle de l’orchestre développé par Yves Winkin dans son ouvrage intitulé La nouvelle communication[18].  L’analogie entre ce modèle relationnel et le type de relation dans un théâtre est représentée dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Analogie entre le modèle de l’orchestre et les diverses relations dans un théâtre

Modèle de l’orchestre Relations dans un théâtre
Chef d’orchestre Directeur du théâtre ou du plateau (le plus souvent le réalisateur)
Chef d’équipe Metteur en scène, décorateur, maquilleur-coiffeur, etc.
Musiciens Tous les acteurs
Assistance Public

 

Pour Yves Winkin, dans un orchestre, chaque élément joue un rôle bien précis, mais toutes les actions sont orientées par rapport à un objectif commun : une musique harmonieuse et cohérente. Le Chef d’orchestre assure la cohésion entre les équipes en collaborant avec les chefs de chaque équipe de musiciens ainsi qu’avec les musiciens eux-mêmes. Pour l’auteur, bien que chaque musicien joue une partition différente avec un instrument spécifique, la production doit demeurer cohérente.

Dans le théâtre, tout se passe de la même façon. Il existe un chef qui accompagne et dirige toutes les équipes exerçant des fonctions spécifiques. Toutes les actions de chaque équipe et de chaque acteur doivent coïncider vers la production d’une œuvre collective. En d’autres termes, le théâtre est une production commune résultant d’un travail collaboratif entre plusieurs individus. Ce qui signifie qu’un acteur doit travailler en étroite collaboration avec bon nombres d’individu.

En outre, en interprétant plusieurs rôles, l’acteur développe un sens de l’empathie dans la mesure où il s’est déjà mis à la place de plusieurs types de personnalité. Avec une telle qualité, il sera plus à même de s’entendre avec son entourage en comprenant leur situation et leur aspiration.

Cette portée est à peu près la même pour les spectateurs, à la différence de l’équipe de travail. En effet, en suivant l’histoire, ils sont confrontés à plusieurs types de personnalité. Ainsi, ils n’auront pas trop de difficultés à cerner la personnalité des individus de leur entourage.

1.4 Les avantages physiques

Le théâtre n’est pas uniquement une sphère d’expression orale, les gestes et les activités physiques y sont également omniprésents. Le théâtre permet une articulation et une cohérence entre les commandes du cerveau et les exécutions musculaires. L’entretien du corps est au rendez-vous ainsi que la maîtrise des sens et des sentiments. En d’autres termes, l’acteur deviendra plus maître de son corps et de ses mouvements.

Pour les individus en difficultés motrices, le théâtre constitue un excellent exercice pour établir une coordination entre le cerveau et les muscles. Il en est de même pour les problèmes d’élocution et d’expression.

En résumé, le théâtre est un art qui présente beaucoup d’avantages. En plus d’améliorer les capacités physiques, il augmente également les aptitudes cognitives, intellectuelles et réflexives des acteurs et des spectateurs. Incontestablement, il s’agit d’un art complet et enrichi dans la mesure où il mobilise bon nombres de disciplines, entre autres l’expression orale, l’expression corporelle, la musique, la décoration, la danse, etc. Malgré le fait que le théâtre demeure un art ancien, on lui reconnait la possibilité de s’adapter au changement et à l’évolution des habitudes langagières et culturelles. Certes, le théâtre est une activité ludique, n’empêche que sa portée va bien au-delà de cet aspect. La méticulosité et la rigueur requis par cette forme d’art en fait une véritable discipline artistique. En plus, le théâtre améliore la capacité relationnelle à la fois des acteurs et des spectateurs dans la mesure où il touche l’expressivité et le développement de l’empathie, autant de qualités requises pour une bonne relation sociale.

2.      Le théâtre en tant qu’outil thérapeutique

Quand le théâtre est utilisé à des fins thérapeutiques, on parle de théâtrothérapie. Pour aborder cette partie, on se focalisera sur l’œuvre de Serge Minet intitulé Du divan à la scène, dans quelle pièce je joue ?[19]

Pour cet auteur, la théâtrothérapie se définit comme « un modèle psychothérapeutique et de développement personnel qui s’appuie presque exclusivement sur le théâtre spontané, l’improvisation, l’apprentissage de techniques théâtrales, des conventions scénographiques, et la mise en parole analytique de l’expérience vécue » (p.95). En d’autres termes, la théâtrothérapie est une forme de thérapie qui consiste à exploiter les différents jeux théâtraux, de l’improvisation à la mise en scène en passant par les interprétations et les expressions corporelles. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une conscientisation des potentiels expressifs et moteurs d’un individu afin d’améliorer la communication de celui-ci avec son entourage.

Serge Minet définit un objectif principal de la théâtrothérapie qui consiste à créer un changement positif du point de vue psychique pour le patient. On ne cherche pas à ce que les actions du patient soient « normales » telles que la société les conçoivent, mais à les rendre « conformes à soi-même ». En effet, l’objectif est de rendre le patient plus à l’aise et bien dans sa peau pour avoir une plus grande confiance en soi. Pour Serge Minet, il existe une explication psychologique à l’efficacité de la théâtrothérapie. Il conçoit la création comme un moyen, conscient ou non, de surmonter les défaillances internes que l’on ressent. En d’autres termes, on cherche le bon en soi à travers les pratiques artistiques. Son point de vue rejoint parfaitement celui d’Orioli quand il dit que « (…) au théâtre, même le schizophrène possède la capacité de se créer une niche, un lieu d’expression, même étroit, qui ne rencontre pas le jugement sévère de l’autre et ne met pas en danger l’estime de soi. Ce processus a également lieu chez tout individu un tant soit peu névrosé ».

De plus en plus de thérapeutes préconisent la théâtrothérapie pour l’accompagnement des individus en difficultés mentales. Art riche qui présente beaucoup d’avantages, cette tendance s’explique par bon nombres de raison.

2.1 Les intérêts psychiques et psychologiques de la théâtrothérapie

Dans le théâtre, on est tenu à interpréter un rôle bien précis. Ainsi, on expérimente des sentiments et des personnalités diverses. Ainsi, il existe indubitablement une transposition qui s’opère dans les jeux théâtraux. Pour Serge Minet, le fait de « faire comme si » constitue une échappatoire émotionnelle, une façon de s’acquérir une nouvelle réalité. C’est la raison pour laquelle le théâtre revêt un caractère véridique et naturel qui se rapporte à une réalité.

Dars et Benoit en 1960 a ouvert la voie sur une façon de concevoir la portée psychologique de la théâtrothérapie. Pour eux, la théâtrothérapie ne traite pas la question de la recherche des origines et des fondements des troubles psychologiques dont souffrent les patients. Au contraire, cette démarche vise un réapprentissage, une ré-conception des relations sociales par le biais des exercices d’expression scénique alimentée par une intervention directive. Ainsi, la théâtrothérapie fournit aux patients plusieurs types de réaction par rapport à différentes situations que l’on rencontre dans le quotidien. Ces deux auteurs ont repris l’idée de Jean-Claude Benoit avec la simulation des sentiments qui débouche sur la création et la manifestation d’émotions cathartiques. Ces dernières alimentent l’efficacité de la théâtrothérapie.

Ainsi, cette forme de cure utilisant le théâtre permet une analogie facile entre les œuvres littéraires et la réalité quotidienne. Du point de vue psychologique, cette pratique exerce une fonction libératrice sur les patients atteints de troubles psychiques et psychologiques en leur offrant une sphère d’expression et d’expérimentation de sentiments. Cette transposition leur procure les moyens pour faire face à de telles situations dans la réalité.

La théâtrothérapie constitue également une occasion de découverte de soi. En effet, il n’est pas rare de voir un patient se découvrir un réel talent en une discipline artistique au cours de cette forme de cure. En outre, Serge Minet a insisté sur le fait que la théâtrothérapie déclenche bien souvent une partie de la personnalité encore inconnue, parfois inavouée et non consciente. Cependant, cette « troisième dimension » révélée constitue une part importante de la personnalité de l’individu. Pour aller plus loin dans cette théorie, il faut comprendre que le jeu d’interprétation peut faire ressortir un soi intérieur et enfoui dans un individu. Sigmund Freud a été formel concernant la notion d’une double personnalité qui tenaille chaque individu. D’un côté, il y a l’image de soi que l’on souhaite donner aux autres, la façon que l’on veut que les autres nous perçoivent. D’un autre côté, il y a le soi intérieur, la vraie nature, la vraie personnalité qui peut être inconscient dans bien des cas.

2.2 Les fonctions du thérapeute en théâtrothérapie

Dans la pratique de la théâtrothérapie, le thérapeute agit sur trois niveaux. Il est à la fois l’animateur, l’initiateur et le thérapeute, bien entendu. Dans certains cas, le thérapeute doit se prêter au jeu de l’acteur et prendre par en tant que personnage dans la pièce de théâtre. Le but de cette démarche consiste à pousser les patients à s’intégrer dans une situation bien précise. Cependant, le thérapeute ne travaille pas afin d’induire le patient à un comportement bien précis. Son démarche consiste à pousser le patient à dépasser ses limites, à entrer à fond dans le personnage de façon à ce que la pièce devienne acquise comme une réalité où on peut noter le réel comportement du patient.

L’auteur ouvre la voie sur une fonction tri-active du thérapeute qui travaille parfois en binôme dans la pratique de la théâtrothérapie. Tout d’abord, il s’agirait avant tout d’un « initiateur » qui met le patient en lien directement avec le théâtre. En d’autres termes, il fait découvrir les avantages et les subtilités du théâtre aux patients. Pour ce faire, il va de soi qu’il doit être un connaisseur dans le domaine de l’art, comprendre les jeux d’acteurs et maîtriser l’art de la scène. De cette façon, il sera plus facile de cultiver le lien entre le patient et le théâtre.

D’un autre côté, être initiateur va également de pair avec un accompagnement personnel des patients. Pour cette seconde facette de l’initiation, Serge Minet reprend l’idée de Carl Jung quand il a avancé que la fonction de l’initiateur consiste à accompagner « l’individu  dans son humanisation, sa différenciation, qui l’initie à ses origines dans la nature et l’aide à naitre dans sa culture et dans l’individuation ». En d’autres termes, le thérapeute achemine le patient vers la découverte de soi et la découverte de la personnalité. En tant que thérapeute, son rôle consiste à aider et à épauler le patient dans sa conception de vie sociale, mais également de la vie personnelle.

L’auteur attire l’attention sur le fait que, pour lui, la phase de l’initiation s’inscrit dans le cadre d’une renaissance. En effet, pour lui, l’initiation s’accompagne de transformation au niveau de la conception, du mode d’expression et la confiance en soi. Dans la pratique de la théâtrothérapie, au bout de l’initiation, le patient devient un être nouveau, un individu capable de s’exprimer et qui affiche une plus grande confiance en lui-même.

Cependant, dans le rôle initiateur du thérapeute, Serge Minet appuie sur la nécessité de la connaissance dans le domaine du théâtre. De cette façon, il pourra facilement partager ses connaissances et ses sentiments avec le patient, car dans l’initiation, il est surtout question de partage de passions et de savoir-faire afin de susciter chez le patient l’amour de la discipline. Dans son ouvrage, Serge Minet reprend l’analogie du magicien noir et du magicien blanc. Dans la théâtrothérapie, le thérapeute prend le rôle du magicien blanc, celui qui utilise ses dons au service de son entourage ; contrairement au magicien noir qui n’utilise ses savoir-faire qu’à des fins strictement personnelles. Il en est de même pour les thérapeutes, ils doivent transmettre leur passion, leur amour et leur connaissance en théâtre avec les patients.

Sur un second niveau, le thérapeute agit également en tant qu’animateur. Dans ce cadre, son travail consiste en la stimulation des patients de façon à alimenter et à maintenir leur motivation. En effet, la pratique du théâtre est on ne peut plus difficile dans la mesure où cet art nécessite à la fois de la concentration, de la coordination et de la persévérance. Ainsi, il n’est pas rare de voir la motivation des patients flancher face à la difficulté de la situation. C’est la raison pour laquelle le thérapeute doit également occuper la place de l’initiateur, celui qui travaille afin de toujours mettre le processus de thérapie de bon train et de maintenir une ambiance conviviale dans la pratique. En effet, il faut garder en tête que la théâtrothérapie, comme toutes disciplines dans l’art-thérapies, mise sur l’aspect ludique de la cure.

Enfin, le rôle du thérapeute consiste à amener les patients à aller puiser au fond de leurs sentiments de manière à ce qu’ils puissent exprimer tous leurs sentiments. Le rôle du thérapeute se rapporte ici à un accompagnement psychologique et psychique des patients, leur fournir tous les outils qui les permettront d’exploiter tous leurs potentiels pour un œuvre qui leur aidera à faire ressortir ce qu’ils ont longtemps refoulé. Pour Serge Minet, il recommande une collaboration entre deux thérapeutes dans la pratique de l’art-thérapie. « L’un peut adopter une attitude délibérément stimulante ou provocante paternel) , tandis que l’autre manifestera de la compassion ou du soutien (maternel)» (p 101). Pour mieux expliciter le point de vue l’auteur, il est d’avis de reproduire un climat familial et convivial afin de mettre les patients plus en confiance. Cette technique est particulièrement efficace pour le traitement des enfants. Du point de vue technique, « le couplage thérapeutique », comme Serge Minet le perçoit, offre une occasion de mieux cerner et observer les patients. L’auteur parle même de « secret partagé », ce qui se traduit par une collaboration sur le partage des informations et des observations relevées. Plus encore, ces informations peuvent servir de base pour la définition d’une stratégie plus élaborée par rapport au comportement des patients.

En résumé, le thérapeute exerce un rôle passif-actif dans le processus de l’art-thérapie. En effet, il doit agir en tant qu’initiateur, d’un premier abord, ensuite en tant qu’animateur pour stimuler la motivation des patients et enfin, le rôle de thérapeute pour l’accompagnement psychologique et psychique. Il peut y avoir des cas où le thérapeute se trouve dans l’obligation de participer au jeu d’acteurs selon les situations. Il s’agit de l’une des raisons pour laquelle on conseille la collaboration entre deux ou plusieurs thérapeutes dans un processus.

2.3 Comment s’effectue la théâtrothérapie ?

Dans la pratique de la théâtrothérapie, le traitement et l’accompagnement s’opère dès la première phase jusqu’à l’exercice du théâtre. Pour ce travail, on se réfèrera toujours à l’œuvre de Serge Minet, Du divan à la scène, dans quelle pièce j’appartiens ?

a.      La séance du thé

Au début de chaque séance de théâtre, tous les membres de l’équipe se réunissent autour de la cérémonie du thé ou la « rolde ». Il s’agit d’une occasion de tisser des liens entre eux et d’appréhender la scène. Cette phase de recueillement constitue un véritable exercice de concentration pour les patients.  En outre, cette phase représente également une sphère d’écoute de soi quand on invite les acteurs à s’imprégner de la scène et du personnage à interpréter. Pour les thérapeutes, cette phase s’avère particulièrement importante, car il s’agit à la fois d’une phase de concentration, de relation, d’acquisition d’aise et de confiance en soi.

Il s’agit d’une phase de renaissance, Serge Minet parle même de visite d’une ville ou d’un pays inconnu. En effet, malgré le fait que le théâtre revêt un caractère naturel, il s’agit d’une  nouvelle expérience, un univers artistique différent de la réalité. Pour l’auteur de l’ouvrage Du divan à la scène, durant cette phase « tout semble merveilleux, inattendu, fantastique. Mais au bout de quelques jours, les sens réapprennent à sélectionner et la routine recommence. » (p112)

En effet, l’euphorie de la nouveauté n’est pas à écarter ; il s’agit déjà d’une forme de thérapie qui  consiste à mettre le patient à l’aise et en confiance. Cependant il existe également la question du trac qui vient avec le renouveau. Dans son ouvrage, Serge Minet consacre un chapitre entier à ce point.

b.      Le trac

L’auteur attire l’attention sur une prononciation de chaque lettre qui compose le mot trac pour l’illustrer. «  T – R – A – C, terrassé ! », le trac se définit comme un sentiment d’indisposition et de vulnérabilité qui agit sur la psychologie de l’être humain. Cependant, ce sentiment témoigne de l’importance que l’on accorde à un évènement ou à une situation. Il est important de comprendre qu’il existe une explication scientifique au stress. En effet, à cause d’une situation que l’on peut difficilement maîtriser, les neurones à noradrénaline se montrent particulièrement hyperactifs. La sécrétion naturelle d’endorphines demeure la solution adaptée à une telle situation. Le stress et le trac adviennent quand la quantité d’endorphines n’arrive pas à contrer celle des endorphines. Il s’agit de l’origine des malaises physiques ou neurologiques que l’on ressent. Dans le cas où l’on se trouve dans une situation stressante, le système psychologique pousse l’individu à fuir, à affronter ou à supprimer la menace ou la source de tension pour se maintenir calme et serein.

Dans la théâtrothérapie, il s’agit d’un excellent exercice pour les patients. En effet, les thérapeutes les accompagnent de façon à ce qu’ils puissent gérer facilement leur trac. Bon nombre de situations dans le quotidien peuvent être à l’origine du trac. Compte tenu du fait que les patients de la théâtrothérapie sont bien souvent des individus en difficultés mentales, psychiques et psychologiques, ils doivent trouver un bon moyen de gérer le stress et le trac pour ne pas tomber dans  violence ou le renfermement sur soi.

c.       La pratique du théâtre

Interprétation et improvisation se  trouvent au cœur des pratiques du théâtre. Ces deux éléments constituent également le point clé de la théâtrothérapie.

D’un premier abord, le fait de prendre part à un théâtre nécessite une exposition au regard des spectateurs. Pour les patients, il s’agit d’ores et déjà d’un exercice de taille qui consiste en un grand pas vers une meilleure socialisation. La conduite en public et l’exposition nécessite du courage, surtout pour les individus qui souffrent d’un problème mental. Pour les thérapeutes, la façon dont les patients appréhendent le moment de monter sur scène s’avère bien décisive. Les signes d’assurance, de réticence et de refus sont à guetter afin d’accompagner le patient. Il va de soi qu’il existe un écart net entre les répétitions où la salle est quasiment vide et la vraie scène au cours de laquelle il y a des vrais spectateurs. Ainsi, cette phase requiert un maximum d’attention de la part des thérapeutes qui doivent vérifier de manière constante la dynamique du groupe et de l’attitude individuelle du patient. Dans cette phase, on procède par « des analyses verbales sur les sensations, les pensées et le vécu personnel à ce propos » (p115). En d’autres termes, on mise sur la discussion et le dialogue pendant cette analyse. Il s’agit d’une tentative de recherche d’expression pour pousser les patients à dire ce qu’ils ressentent.

                                                                              I.             Le passage sur scène

Passer sur scène, c’est se mettre dans la peau d’un personnage. Dans le domaine de la thérapie, on parle de « démécanisation » (p116). Il s’agit d’un processus par lequel le patient abandonne sa personnalité, sa nature pour donner naissance à un autre individu. Certes, on n’attend pas des patients d’une théâtrothérapie la même performance que les acteurs invétérés ; rappelons toujours que le but de l’art-thérapie n’est pas dans le résultat, mais dans le processus. Néanmoins, la « démécanisation » constitue une source d’enrichissement personnel dans la mesure où il étend le répertoire des comportements et attitudes à prendre pour les en fonction d’une situation donnée. En d’autres termes, le fait d’expérimenter de nouveaux personnages et de nouveaux sentiments permet aux patients d’élargir leur façon de réagir par rapport à une situation similaire à la pièce jouée. Cela commence dès la phase de la répétition où chaque patient se glisse dans la peau d’un autre. En plus, cette phase préliminaire à la scène possède une vertu thérapeutique qui est le jeu collectif, donc d’une socialisation. Du point de vue personnel, la répétition permet également la découverte des limites individuelles non franchissables quand l’expérimentation d’un personnage bute sur un mur en béton psychologique. Avec un accompagnement appuyé de la part du thérapeute, le patient passe d’une acquisition neutre jusqu’à une expression plus osée due à une totale appropriation.

Pour partir plus loin dans l’exploration de la phase préliminaire au passage sur scène, il est important de parler de l’imitation. Il a été évoqué précédemment que les thérapeutes travaillent souvent en binômes dans le cadre d’une théâtrothérapie. Tandis que l’un se charge de l’animation, l’autre participe activement à la scène en prenant la place d’un modèle à imiter, surtout pour ceux qui font leurs débuts dans le domaine.  Il s’agit d’un procédé communément appelé imitation.

L’imitation permet aux patients d’éviter de se poser les questions « où est-ce que je me mets ? » ou « comment est-ce que je dois faire ? ». En effet, cela procure plus d’assurance au patient qui se contentera de suivre le modèle du thérapeute. Certes, l’imitation peut réduire la personnalisation et l’acquisition individuelle de la scène et du personnage interprété ; n’empêche que cela procure une plus grande aisance et amenuise les manques de confiance en soi. Pendant les répétitions, le travail était plus collectif ; il n’y avait pas de public et chacun se focalise sur sa prestation. D’un côté, cette situation favorise la prise de confiance en soi dans la mesure où le trac lié au regard figé sur soi est quasiment inexistant.

Toutes les phases de la pratique du théâtre constituent des thérapies en eux-mêmes. Cependant, il existe des travaux plus centrés sur des objectifs bien précis.

                                                                            II.            Le travail de coordination

Pendant la phase de l’échauffement, il existe une forme d’exercice qui consiste à travailler la coordination entre les mouvements du corps, la voix, l’acquisition du rythme et le déplacement par rapport aux autres. Pour ce faire, le thérapeute invite les patients, s’ils sont nombreux, ou le patient et les acteurs, à se déplacer au gré de leurs envies sur la scène en prenant soin de ne pas se cogner. Selon les cas, ils peuvent être invités à chantonner ou à parler pendant l’exercice. Au fur et à mesure de cet exercice, le thérapeute conduit les acteurs à accélérer le rythme de déplacement ainsi que les rythmes de la chanson.  Ensuite, sous la directive du thérapeute, tout le monde s’arrête dans une position figée avant de reprendre le rythme de déplacement. Au bout d’un moment, les patients sont invités à exprimer un sentiment à travers le regard et d’en changer au fur et à mesure de l’exercice.

Le premier avantage de cet exercice réside dans la coordination des mouvements en présence de plusieurs individus. Cet exercice développe la capacité du patient à se positionner physiquement par rapport aux autres. Dans bien des cas, les individus atteints de troubles psychiques et psychologiques présentent beaucoup de difficultés à circuler et à trouver leur place dans la foule.

D’un autre côté, cet exercice travaille la motricité du patient en leur proposant plusieurs types de mouvements à réaliser en même temps. En plus de marcher, il aura à suivre un rythme ben précis et à parler en même temps tout en évitant d’entrer en collision avec les autres personnes présentes sur scène. Il est indéniable que ce procédé fera travailler la coordination des mouvements du patient.

En outre, le fait d’exprimer un sentiment à travers le regard constitue un excellent exercice pour le patient. D’ores et déjà, il s’agit d’un échauffement pour la scène à venir et un avant-goût de l’interprétation du personnage à incarner. Dans le quotidien, le premier contact s’effectue par le regard. Comme on le dit souvent : « les yeux sont la fenêtre de l’âme ». Sur scène ou dans la réalité, le regard qui se croise signifie beaucoup. Sentiments manifestes ou indifférence totale, tout se lit par le regard. Cet exercice permet ainsi au patient de manifester ses sentiments et ses ressentis à travers le regard sans avoir encore à énoncer une quelconque parole.

                                                                         III.            Le monologue collectif

Dans son ouvrage, Serge Minet propose une forme de thérapie qu’il qualifie lui-même de « un peu délirant ». Ce procédé s’investit dans le cadre d’une thérapie de groupe uniquement. Pour ce faire, on commence par fournir une petite espace dans une pièce. Au début de l’exercice, les patients sont invités à bien s’installer sur ce petit bout d’espace qui lui est sien, sans communiquer avec les autres membres du groupe, qui eux-aussi possèdent leur « chez eux ». Chacun doit organiser, meubler et embellir son espace comme il l’entend en prenant soin de bien délimiter son territoire. Le premier objectif de cet exercice réside dans l’acquisition d’un espace personnel sécuritaire au milieu d’un espace plein de gens. Ensuite, sur un second niveau, il s’agit d’un apprentissage des limites de la vie privée et du respect de l’espace personnel des autres.

Ensuite, chaque patient pourra répéter la scène dans son endroit à lui, il peut se reposer ou parler tout seul.  Dans son ouvrage, l’auteur reprend la thèse de Piaget selon laquelle la communication sociale ne remplace pas le discours égocentrique. En d’autres termes, le monologue est aussi important que l’interaction avec les autres membres de la société. Néanmoins, avec cet exercice, on apprend au patient une forme d’indépendance et d’autonomie relationnelle. C’est la raison pour laquelle, après un signal du thérapeute, chaque patient sort de son espace et se lance dans la rencontre et la confrontation avec les autres.

La tâche du thérapeute devient plus minutieuse dans la mesure où il devra observer la réaction de chaque patient une fois le contact avec le groupe établi. Selon Serge Minet, deux cas peuvent se présenter : la crainte et l’exaltation.

D’un côté, il y a les patients qui manifestent leur sentiment d’insécurité dû à la difficulté de passage d’un endroit personnel et sécurisant à un lieu public. D’un autre côté, il y a ceux qui sont séduits par le changement soudain. De cette différence de réaction nait une différence de conception de l’autre : « un sujet hostile » ou « un sujet complice ». Ainsi, il n’est pas rare de noter des refus d’interaction, des tissages de liens ainsi que certaines formes de méfiance. Il appartient au thérapeute d’aider les plus réticents à aller vers les autres à s’ouvrir pour une interaction avec son entourage.

Par la suite, le monologue collectif donne enfin place à la communication sociale. Il n’est pas rare de voir des alliances se former et se désintégrer. Il s’agit déjà d’un début de jeu théâtral. De cet exercice émerge la capacité de chaque patient à affronter la solitude ou à vivre aux dépens des autres. Il se peut que des patients se sentent plus à l’aise quand ils sont bien entourés, tandis que d’autres demeurent solitaire en cherchant à reconstruire un espace personnel et sécurisant qui lui est sien.

                                                                         IV.             Le jeu de masque

Serge Minet parle de cette forme de thérapie dans son ouvrage Du divan à la scène. « Le masque est une face perdue qui prive l’auteur d’une part visible de lui tout en lui donnant accès à son indivisible, son invincible, sa face cachée : croûte qui dissimule le visible de l’indicible » (p121). Le principal avantage de ce jeu réside dans une procuration de plus d’assurance et de confiance en soi aux patients. Le masque constitue uniquement un symbole physique pour la « face cachée ». Dans l’exercice, ce travail cherche à une expression d’une autre facette de la personnalité du patient. En effet, la représentation liée au visage et à l’apparence constitue un facteur d’obstacle à l’action et à l’expression. D’une certaine façon, la reconnaissance et la possibilité d’interprétation des sentiments à travers les expressions du visage constituent un blocage pour certains patients. Avec le masque, une partie du visage est cachée et la barrière s’effondre. « Dès que l’on chausse de masque, le fantastique apparait » (p122). En d’autres termes, le masque procure une certaine confiance et de liberté qui permet une plus grande marge d’action et d’expression. L’auteur réitère que « porter le visage d’un autre nous incite à nous dépasser ».

En d’autres termes, le masque constitue un élément catalyseur qui pousse le patient à se dépasser. Au début de ce jeu, le thérapeute explique la symbolisation cachée du masque et de la façon de le porter en public. Ensuite, il aborde les exercices relatifs au port du masque. En gros, cela consiste en une brève prestation en fonction de l’expression du masque que l’on porte. Dans cet exercice, Serge Minet a constaté que le port du masque pousse les patients à mieux s’exprimer, à n’ériger aucune barrière.

                                                                            V.            Le « miroir cassé »

L’exercice du « miroir cassé » consiste en une simulation d’une situation embarrassante plus ou moins involontaire. Dans la partie de la répétition, un patient entre dans une pièce et trouve un vieux miroir couché sur le sol. On l’invite à accrocher ce miroir sur le mur, car il y déjà un cordon sur le bord supérieur de l’objet et un clou de fixation sur le mur.

Une fois que le travail accompli, le patient, automatiquement, jette un regard sur son reflet dans le miroir. La réaction diffère, satisfaction envers soi, réajustement de quelques mèches ou des vêtements, dépit par rapport à son image. Ensuite, compte tenu du fait que le cordon n’a pas été fait pour tenir, le miroir tombe et se casse sur la terre.

Le but de l’exercice réside dans l’accompagnement des patients à agir face à  une situation. Il faut toujours garder en tête que les patients souffrent d’un problème psychologique et que leurs réactions par rapport à de telles situations peuvent être irréversibles. C’est la raison pour laquelle on a introduit ce jeu dans l’échauffement.

Pour Serge Minet, une exposition à une telle situation permet aux patients à réagir de manière réfléchie et pensée dans le cas d’un évènement qui revêt un caractère surprenant. En effet, dans le quotidien, une telle situation ne manque pas de se passer.

                                                                         VI.             Le jeu corporel et sonore

Le principal objectif de cet exercice réside dans la compréhension du langage non verbal, de l’éloquence du silence et des sentiments manifestés à travers le visage. En effet, dans le quotidien, les gens peut manifester un ordre, un sentiment ou une question par le biais du regard et du visage. Avec cet exercice, les patients apprennent à se familiariser avec les expressions faciales et corporelles qui en disent plus que les mots. Cependant, avec cet exercice, on utilise uniquement les interjections en tant que jeu sonore.

Dans la pratique, un participant est invité par le thérapeute à jouer une scène mimique sur scène. Les patients se doivent de bien suivre, car ils auront à monter sur scène pour continuer la scène avec le premier. Ils discuteront avec des expressions corporelles et des interjections, sans avoir recours à la verbalisation. Au début de la scène, on remarque une difficulté de concentration et d’intercompréhension malgré l’attention accordée au discours mimiques.

Un tel exercice nécessite une forme d’écoute particulière, une écoute du silence et une écoute de l’autre. En outre, il implique une attention accordée à certains gestes et à certaines dissonances internes des interlocuteurs.

                                                                       VII.             Le tabouret vide

Pour cette forme de thérapie, on met un tabouret au milieu de la scène et l’un des thérapeutes se mettent sur ce tabouret. Ensuite, on invite chaque patient à associer un personnage réel ou fictif de son entourage au thérapeute. Le patient s’adressera au personnage de ce qu’il veut et il lui exprimera clairement ce qu’il attend de lui. Dans la plupart des cas, le patient exprime ses ressentis et exprime ses ressentis à ce « personnage ».

Selon les expériences de Serge Minet, il n’est pas rare de voir les patients exprimer de la colère et manifester des tensions pendant qu’ils s’adressent au « personnage créé ». Ceci est dû à la transposition personnelle de cet exercice avec la vie personnelle. En effet, certains patients arrivent jusqu’à devenir complètement submergés par les émotions dans le cas où ils revivent une situation riche en émotions (colère, tristesse, joie, etc.) qu’ils ont déjà vécus.

Dans cet exercice, il s’agit d’une occasion de se libérer des émotions ressenties et refoulées intérieurement. En effet, Sigmund Freud a établi que les gens se sentent mieux quand ils peuvent exprimer leurs sentiments et agir comme ils l’auraient voulu quand la situation se présentait à l’époque. La verbalisation et la reproduction de la situation stressante constitue une source d’épanouissement personnel pour les patients.

Serge Minet martèle sur le fait que ces émotions refoulées doivent ressortir de façon à pouvoir se libérer. La brutalité verbale ou physique est néanmoins à surveiller dans la mesure où il y va de la propre sécurité des thérapeutes.

Néanmoins, le but de cet exercice consiste à faire ressortir des choses enfouies qui risquent d’affecter à jamais la personnalité et les attitudes des patients. Il s’agit d’une occasion qui leur est offerte pour agir différemment, pour s’exprimer librement et pour se racheter. Serge Minet parle d’une sorte d’ « exorcisme ».

                                                                    VIII.            L’évasion dans l’imaginaire

Quand on travaille avec des personnes en déficience mentale, surtout des enfants, il faut toujours maîtriser la distinction entre l’imaginaire et le réel. Il s’agit de l’un des objectifs de cet exercice. On invite les patients à se mettre à l’aise et à fermer les yeux. Ils peuvent s’allonger, s’asseoir ou se tenir debout, bref le tout consiste à laisser le corps se reposer et à se laisser emporter par des sons mélodieux et cristallins. Ensuite, le thérapeute invite les patients à donner libre cours à leur imagination. En effet, chaque patient doit imaginer un rêve ou un souhait en se projetant dans l’avenir.

Au bout de quelques minutes, les patients discutent en groupe sous le tutorat d’un thérapeute pour mettre en commun les rêves et les coordonner de façon à en faire une histoire. Une fois que cette étape soit réalisée, le groupe présente une saynète représentative de leurs rêves regroupés où chacun incarne son propre personnage.

Au cours de cet exercice, on remarque une rupture et une dissociation entre le personnage et la personnalité. Du coup, les patients demandent comment ils doivent interpréter leur rôle respectif. Ce qui témoigne du fait qu’ils se « désimpliquent » totalement de leurs histoires, de leurs propres rêves pour les considérer comme une scène de théâtre ordinaire.

D’un autre côté, il peut arriver que les patients se cantonnent dans ce rêve qu’ils ont créé. La difficulté se détacher de rêves témoignent d’un grand problème affectif. Quand l’imagination est plus réconfortante et plus sécurisante que la réalité, le patient préfère y rester.

En d’autres termes, l’évasion dans l’imaginaire permet aux patients de faire une différence entre la réalité et l’imagination. D’un premier abord, le but de ce procédé consiste à stimuler la créativité des patients, puis de leur offrir une occasion de donner vie à leur rêve grâce à la saynète. Sur un second niveau, cet exercice cherche à trouver un moyen de distanciation entre le réel et l’imaginaire. En d’autres termes, on pousse les patients à différencier leur imagination et la réalité pour ne pas tomber dans la folie et pour mieux vivre en société.

                                                                         IX.             La caricature du caractère

Dans cet exercice, les patients choisissent un aspect de leur personnalité et en fait une caricature sur scène. Ensuite, il leur appartient de définir s’ils joueront dans le sens de ce caractère ou aller à contre-sens de celui-ci.

Le patient invente par la suite un scénario pour lequel il peut nécessiter la participation et la collaboration d’un autre patient ou d’un acteur. Au cours de la pratique, il relate un problème qu’il rencontre à cause de son caractère ou encore, une situation positive dans le cas où il a interprété le contraire de son caractère.

En gros, le but de cette thérapie consiste à les faire comprendre par eux-mêmes que certains aspects de leur caractère doivent être changés pour mieux entretenir avec leur entourage. En d’autres termes, ils doivent comprendre que leur caractère constitue parfois des obstacles à une bonne socialisation et de meilleures relations avec leur entourage. D’un autre côté, il découvre dans cet exercice, des caractères qu’il faut intégrer parmi les leurs pour réussir dans la vie. En outre, pendant l’observation des caractères des autres, les patients découvrent également une façon de se conduire et des attitudes à adopter par rapport à une situation. Le fait de se mettre à la place du spectateur constitue une occasion de découverte d’attitude et de comportements à adopter pour mieux vivre en société.

                                                                            X.            Le jeu de l’improvisation

Dans la pratique de la théâtrothérapie, l’improvisation tient une place importante dans la mesure où l’on prime sur la culture de la spontanéité chez les patients dans la mesure où la vie n’est pas une scène de théâtre où tout est appris par cœur.

Tout d’abord, le jeu de l’improvisation commence par le contenu d’une lettre posée dans la salle. En effet, le script d’une scène ou d’une pièce est partiellement rédigé dans une lettre posée dans la salle. Au début de l’exercice, les patients doivent faire semblant d’avoir déjà lu le contenu de la lettre et inventent un scénario. En d’autres termes, ils sont obligés d’improviser une mise en scène et inventer des textes. En gros, la scène commence par l’entrée dans un appartement. Serge Minet a attiré l’attention sur le fait que la plupart des patients commencent par faire du rangement dans l’appartement. Il s’agit d’une tendance très flagrante des patients qui consiste à chercher une « occupation ». Cette dernière constitue une échappatoire au regard insistant du public.

En effet, le regard du public est souvent associé à un phénomène intrusif dans le cadre de la théâtrothérapie. Il s’agit d’une source d’instabilité et de désarroi pour la plupart des patients. Or, la situation est d’autant plus grave dans la mesure où ils n’ont pas une script à suivre et à appliquer.

Au bout de cette première phase de l’exercice, le patient pourra enfin se référer à la lettre et à son contenu. Cependant, ils découvriront bien vite qu’il s’agit d’une feuille blanche et que, de cette façon, chacun devra adopter un personnage et s’inventer un rôle et un script. La seule consigne du thérapeute : exprimer une émotion et un sentiment quelconque. Le choix est libre et il appartient à chaque patient de définir un script à suivre et à jouer.

Le but de cet exercice d’improvisation consiste en premier lieu à apprendre aux patients à improviser. En effet, l’objectif même de la théâtrothérapie est de fournir aux patients des outils à exploiter pour mieux vivre en société. Dans la vie, tout est spontané et il faut toujours improviser. Certes, le théâtre revêt un caractère naturel, ce qui fait que certaines pièces jouées peuvent se manifester dans le quotidien sous d’autres formes. Dans ces cas-là, les patients sont mieux préparés à faire face à la situation.

Cependant, les situations imprévues ne manquent certainement pas. Aussi, il faut habituer les patients à improviser et à trouver des manières de faire face à la situation. Etablir un prototype n’est pas forcément efficace dans la mesure où les imprévues sont quasiment innombrables. Aussi, on les habitue à improviser et à réveiller leur spontanéité de façon à ce qu’ils puissent réagir efficacement dans la vraie vie.

En outre, le but de l’exercice d’improvisation réside dans l’expression et la manifestation d’une émotion et d’un sentiment jusqu’à ce qu’ils éclatent. Cependant, la principale difficulté de cette étape concerne le maintien d’un bon équilibre entre l’art de jouer et l’expressivité.

3.      Ce qu’il faut retenir

Le théâtre est à la fois une pratique artistique et une pratique de soin. Il est indéniable qu’il s’agit d’un domaine enrichi et bien élaboré dans la mesure où il regroupe plusieurs disciplines que tout acteur doit maîtriser : la musique, la danse, la peinture, l’expression corporelle, etc. En tant qu’outil thérapeutique, le théâtre est l’un des meilleurs moyens pour aider les patients souffrant de maladies neurologiques, psychologiques et psychiques à mieux faire face au quotidien. Dans la théâtrothérapie, chaque exercice vise une amélioration des conditions de vie et une meilleure expressivité des patients. On cherche à les fournir des outils nécessaires pour faire face à leur quotidien.

La théâtrothérapie s’effectue en plusieurs étapes dont chacune est destinée pour des objectifs et des travaux associés spécifiques. Après cette notion généralisée sur le théâtre et la théâtrothérapie, je vais continuer avec une étude de cas concernant la théâtrothérapie sur les enfants.

Cette dernière partie traitera l’univers de l’utilisation de la théâtrothérapie en pédopsychiatrie. Pour ce faire, on commencera par les différents types de cure réalisables via cette méthode avant d’entamer un cas précis : la théâtrothérapie chez les enfants autistes.

 

Partie 2  Etude de cas : la théâtrothérapie de l’enfant

Le travail thérapeutique de l’enfant par le théâtre sensibilise le vécu, le ressenti et le rêve. Le but est de laisser l’individu s’exprimer librement. Sa maladie et ses problèmes personnels l’empêchent parfois de vivre sereinement, et l’isolent du reste du monde. Dans une pièce de théâtre, tout le monde est pareil, des personnages qui jouent un rôle, mais de cette interprétation peuvent se révéler de nombreuses facettes de la personnalité de chacun. Certains peuvent se reconnaitre à travers un rôle, ou se redécouvrir suite à une interprétation… Entre leçons de vie, distractions et découverte culturelle, le théâtre présente bien des apports positifs.

Chapitre 3 : Les types de thérapies par le théâtre

La théâtrothérapie travaille la communication à travers la complicité entre les acteurs et la relation qu’entretiennent ceux-ci avec les spectateurs. Elle gagne de plus en plus de place dans la société actuelle ces dernières années. Walter Orioli la définit comme une discipline qui :

« …vise à développer le potentiel humain à partir de la dimension corporelle : la représentation de sa propre histoire personnelle à travers l’interprétation d’un personnage est l’occasion pour l’acteur d’entreprendre un parcours de connaissance de soi, de développement et de guérison. »

Afin de découvrir les bienfaits de la théâtrothérapie et en profiter, deux possibilités se présentent : la théâtrothérapie active et la théâtrothérapie passive.

1.      La théâtrothérapie active

Dans la théâtrothérapie active, le patient prend la place de l’acteur, du comédien. Il participe activement à la scène en se glissant dans la peau d’un véritable acteur. En d’autres termes, il affiche présent dans toutes les phases de la réalisation et de la pratique du théâtre, des répétions à la prestation sur scène.

Walter Orioli parle d’ « acteur-patient », une dénomination qui implique un décentrement sur soi. En effet, en devenant un membre à part entière de la pièce du théâtre, il acquiert une double personnalité : sa vraie nature en tant qu’être et en tant que patient, d’un côté, son personnage dans la scène qu’il joue, de l’autre côté.

1.1 La portée de la théâtrothérapie active

Dans la théâtrothérapie, il n’est pas question de décryptage et de déchiffrage des gestes et du langage corporel réalisé par le patient-acteur dans la visée d’identifier une forme de psychose refoulée et réprimé depuis longtemps. En outre, la théâtrothérapie active se place bien loin d’une mouvance psychodrame dans la mesure où la pratique artistique théâtrale prédomine dans la thérapie. En terme général, la théâtrothérapie active consiste en une forme d’expression et d’exploitation des vécus émotionnels à des fins esthétiques et artistiques.

Ainsi, la principale portée de la théâtrothérapie active demeure l’amélioration des capacités communicatives et expressives des patients en leur offrant l’occasion de transposer leur vécu dans une sphère favorisant la parole et le langage du corps sous toutes ses formes.

Orioli attire l’attention sur le fait que la théâtrothérapie active est conçue pour « bousculer » les patients. Il s’agit d’un processus de détachement qui consiste à rompre l’emprisonnement dans l’habituel et dynamiser le patient-acteur à être moins somnolent et plus actif dans ses relations avec son entourage.

Ce qui aboutit à une seconde portée de la théâtrothérapie active. Il s’agit d’une forme d’accompagnement qui vise à éveiller ou à réveiller les sens endormis du patient-acteur. Pour ce faire, cela implique l’émergence des affects enfouis pendant longtemps et une traduction de ceux-ci en expressivité. En d’autres termes, cela consiste à utiliser toutes les formes de langage mobilisées par le théâtre, entre autre ca verbalisation, le langage du corps, les signaux sonores, etc. Dans la pratique de la théâtrothérapie, le patient-acteur n’est pas emprisonné par les scripts et les textes écrits, mais possède la possibilité de toujours improviser par rapport au langage. Pour Orioli, il parle d’un travail « pré-expressif » et « post-expressif ».

Le travail « pré-expressif » renferme les divers exercices précédant le passage sur scène, entre autres les jeux d’improvisations et les escapades dans l’imaginaire qui servent également de procédé thérapeutique. Dans cette phase, on mise sur une appropriation personnelle, une acquisition des formes d’expressions et de la spontanéité face à une situation. Le travail pré-expressif peut également être considéré comme une phase d’exploration du personnage à interpréter. Ensuite, advienne le moment d’incarner le rôle du personnage, tout en demeurant dans la phase de l’échauffement. Enfin, le travail « post-expressif », une phase d’amélioration et de l’élaboration artistique pour maintenir l’aspect théâtre de la thérapie.

En résumé, la théâtrothérapie active est un type de soin qui utilise les pratiques théâtrales afin d’améliorer la capacité relationnelle, expressive et communicative des patients atteints de déficience mentale. Quand elle est dite active, cela implique la participation directe du patient en tant qu’acteur et/ou comédien dans la scène du théâtre. Pour que le procédé réussisse, il faut tout d’abord une distanciation entre la personnalité du patient et de celui du personnage qu’il interprète. Dans la pratique, ces deux facettes peuvent se mêler, s’entrelacer, mais il s’agit de l’essence même de la théâtrothérapie active : que le patient s’exprimer à travers le personnage qu’il incarne.

1.2 Les apports de la théâtrothérapie active

Si la théâtrothérapie connaisse autant de succès auprès des thérapeutes et du public, cela signifie que cette discipline comble les attentes de ces derniers. En effet, Astrid Lieven[20] a abordé dans son ouvrage une corrélation entre les attentes des patients et les apports de la théâtrothérapie active. L’auteur a réalisé une étude auprès des patients en service psychiatrique sujets à la théâtrothérapie dans un hôpital français. Les principales questions relevaient de l’identification des attentes de ces patients par rapport à cette forme de cure et de traitement. Il est important de noter que ces patients participaient en tant qu’acteur dans la théâtrothérapie.

La corrélation entre les attentes des patients et les apports de la théâtrothérapie est représentée dans le tableau suivant, issu de l’ouvrage d’Astrid Lieven.

 

Tableau 3 : Attentes et apports en théâtrothérapie active

« Attentes » : « Apports » :
Avoir une meilleure communication verbale ;

Augmenter la confiance en soi ;

Apprendre à gérer :

Sa nervosité

Ses humeurs, son agressivité envers autrui et envers soi

Ses relations avec les autres ;

Se sentir vivre, exister au travers une activité ;

Accepter son physique ;

Apprendre la technique théâtrale et y prendre plaisir

 

Prise de plaisir ;

Meilleure communication avec les autres ;

Soutien du groupe ;

Se sentir plus vivant, plus riche ;

Meilleure gestion dans les moments difficiles ;

Avoir une meilleure confiance en soi ;

Arrive à gérer des difficultés (toutes les contraintes liées à l’activité) ;

Apport d’un grand plaisir

Source : Théâtre, psychiatrie, ergothérapie, p 53

De ce tableau, on peut déduire trois principaux apports de la théâtrothérapie active.

a.      Un travail sur le physique

Dans les diverses exercices précédant et succédant la théâtrothérapie active, le but est de fournir plus d’assurance aux patients-acteurs. En effet, le passage sur scène et l’exposition au regard « intrusif » du public nécessite une acceptation de soi, de son physique et une confiance en soi. Certes, il s’agit d’un long processus difficile et hardi pour aboutir à un tel niveau que même les personnes « normales » peuvent ne pas atteindre. N’empêche qu’une fois les objectifs atteints, les patients ne présentent aucune gêne par rapport à leurs problèmes physiques.

b.      Un travail de gestion

La plupart des patients souffrant de problèmes psychologiques et neurologiques présentent des difficultés pour faire face à une situation stressante dans la mesure où le contrôle de soi et de la nervosité s’avère une tâche très difficile pour eux. Avec la pratique de la théâtrothérapie, les patients apprennent à mieux réagir et à garder leur calme face à une situation stressante. Bien des gens craignent les « fous », étant donné qu’ils peuvent réagir de manière violente face à une situation difficile et stressante. Par conséquent, leur entourage préfère leur cacher des choses de peur qu’ils ne commettent d’actes irréfléchis. Ainsi, quand ils gèreront mieux leurs émotions, qu’ils apprendront à maîtriser pendant l’exercice du trac, ils peuvent vivre normalement en société.

c.       Une prise de conscience sur l’entourage

Avec la pratique de la théâtrothérapie, on apprend aux patients à être conscient des êtres et des sentiments des êtres de son entourage. En effet, le théâtre est avant tout une affaire de groupe, d’une équipe qui travaille afin de produire une œuvre commune. Dès le début du processus, les patients sont amenés à côtoyer plusieurs personnes exerçant chacun un rôle spécifique. Au cours des divers exercices, on les apprend à mieux se socialiser avec les autres en commençant par l’acceptation et la reconnaissance d’autrui. Ensuite, certains exercices aident les patients à mieux être à l’écoute des autres, non seulement par le biais de la verbalisation, mais aussi en ayant recours à l’observation de leur gestes et de leurs expressions. Le but étant d’améliorer la qualité de relation des patients avec leur entourage, ils sont confrontés à diverses situations où ils doivent s’entretenir avec les autres.

d.      L’apport ludique

Il va de soi que la théâtrothérapie s’avère bien plus amusant que les séances de thérapie sur le divan du psychologue. Beaucoup de patients le reconnaissent, la théâtrothérapie est avant tout un moyen de se détendre, une thérapie très amusante.

e.       Les apports communicationnels

Pour ma part, je tiens à ajouter un autre apport à ce qui a été cité par Lieven. En effet, devenir comédien ou acteur, c’est développer de la spontanéité en matière d’expression. Quelle que soit la forme de langage utilisé, que ce soit par les mots, les sons ou les expressions corporelles, la théâtrothérapie améliore les capacités expressives et communicationnelles des patients.

En résumé, le fait de prendre part à une pièce de théâtre en tant qu’acteur et comédien constitue une opportunité majeure offerte à chaque patient pour améliorer sa qualité de vie et sa relation avec son entourage.

2.      La théâtrothérapie passive

Dans ce second type de soins, le patient ne participe pas en tant qu’acteur à la pièce de théâtre. Il se place en tant qu’observateur et du spectateur. Ensuite, selon le thérapeute, cette première phase d’observation peut conduire à un exercice de verbalisation centré sur une critique ou des analyses de la scène observée. Enfin, dans la mesure du possible, le thérapeute peut convenir d’un travail d’écriture autour de la pièce de théâtre.

2.1 Le patient en tant qu’observateur et spectateur

Au théâtre, comme au cinéma, l’observation permet en premier lieu une reconnaissance de soi à travers un ou des personnages joués sur scène. En effet, avec les gestes et les expressions des divers personnages, le patient en trouvera au moins un qui correspond à sa personnalité. Dans le cas contraire, il trouvera un personnage auquel il voudra ressembler ou un autre qu’il est sûr de ne jamais vouloir devenir. Cette identification de soi par rapport aux personnages constitue le principal avantage de se mettre à la place du public d’un théâtre.

Ensuite, observer conduit à l’adoption d’une posture réflexive par rapport à la scène. D’un premier abord, il s’agit d’un excellent exercice de concentration dans la mesure où il faut suivre l’histoire pour le comprendre. Sur un second niveau, certains patients jouent à prévoir les comportements des personnages ou la continuité de l’histoire. Pour faire de telles prévisions, il faut déjà être concentré et réfléchir sur la cohésion et la cohérence de la scène.

Enfin, il faut l’admettre, le fait d’observer une pièce de théâtre constitue un agréable passe-temps. Même si, avec le développement de la technologie, le théâtre ne connait plus autant de succès qu’avant, il s’agit d’une source de divertissement incontesté.

 

2.2 Verbalisation : exercice critique sur une pièce de théâtre

Après l’observation du théâtre, le thérapeute ouvre la discussion sur les avis et les opinions des patients par rapport à une pièce ou plusieurs pièces du théâtre. Le but de cette pratique consiste à fournir une opportunité d’expression pour les patients.

D’un autre côté, cela augmente également les capacités réflexives des patients dans la mesure où ils sont amenés à donner leur avis ou à critiquer les pièces de théâtre qu’ils ont observé. Ainsi, l’observation aide les patients à se construire une idée qui leur est propre et de l’exprimer. Ensuite, le thérapeute ouvre le débat pour donner à chacun une occasion de s’exprimer. Cet exercice vise une amélioration de l’aisance communicationnelle des patients en  leur offrant une sphère de discussion et d’expression.

Etant donné que la séance de critique se passe en groupe, chaque patient apprend également à être à l’écoute des autres de son entourage. En effet, il ne pourra pas monopoliser la parole et l’attention, car chacun aura le droit d’émettre dans son avis. Pour le cas des patients qui présentent des difficultés à parler, il appartient au thérapeute de stimuler et de favoriser leur prise de parole. En effet, il ne suffit pas d’écouter les autres parler, il est également important de prendre la parole et de s’exprimer. Aussi, pour les plus discrets, le thérapeute a recours à l’entretien semi-directif ou directif pour les amener à donner leur opinion.

2.3 Travail d’écriture : écrire une pièce de théâtre

Dans cette phase, on met l’accent sur la créativité de chaque patient en leur demandant d’inventer eux-mêmes une pièce de théâtre. La consigne est libre, ils peuvent tout aussi bien s’inspirer sur le théâtre qu’ils ont observé, ou inventer une toute nouvelle histoire. Dans la plupart des cas, les patients transposent leur propre histoire dans l’œuvre qu’il crée. On y lit facilement un vécu refoulé ou des rêves non exprimées.

D’un premier abord, le travail d’écriture stimule la créativité et l’imagination des patients. En tant que procédé thérapeutique, le fait d’écrire ce que l’on n’ose pas exprimer constitue une échappatoire psychologique. En effet, il s’agit d’une forme d’expression, d’une concrétisation, abstraite il faut l’admettre, de ce que l’on ressent, de ce que l’on a vécu ou de ce que l’on souhaite.

Cependant, cet exercice ne peut être réalisé que pour des patients qui savent écrire. En effet, dans le traitement des enfants de bas âge, le thérapeute se limite à l’observation et à la séance de discussion et de critique. Néanmoins, le psychothérapeute Jean Pierre Klein propose un travail de ce genre, mais qui se réalise à l’oral. Etant donné qu’il travaille principalement avec des enfants, il invite les patients à inventer une histoire oralement.

En résumé, la théâtrothérapie constitue une forme de cure multiple. Que le patient participe en tant qu’acteur ou se place dans le rôle de l’observateur, le résultat diffère peu. La théâtrothérapie offre toujours une occasion pour les enfants d’améliorer leur capacité expressive et réflexive tout en leur apprenant à mieux socialiser avec leur entourage.

En effet, la socialisation constitue une phase importante pour l’enfant pour qu’il puisse trouver sa place dans sa communauté. Ce besoin d’appartenance à un groupe figure sur le troisième niveau de la Pyramide de Besoins de Maslow. Sans la satisfaction de ce besoin, l’enfant trouvera rarement un épanouissement dans le contexte social et relationnel.

Or, ce que l’on cherche, c’est qu’il vive mieux en société, qu’il se sent à sa place parmi les nombreux individus qui l’entourent. Pour ce faire, il doit apprendre à communiquer avec les autres, non seulement à s’exprimer, mais aussi à écouter et être attentif aux sentiments de son entourage.

Certes, il s’agit d’un long processus, mais la théâtrothérapie se base sur un travail progressif qui ne nécessite aucune hâte. Il est important de toujours garder en tête que la théâtrothérapie suit le rythme du patient et évolue à sa manière.

 

Chapitre 4 : Les bienfaits du théâtre sur l’enfant autiste

Il est intéressant d’étudier les bienfaits du théâtre sur les enfants autistes en intégrant ces derniers à des groupes d’enfants normaux. Cela favorise le développement artistique des enfants souffrant de défaillance mentale ou de trouble psychologique. La participation aux différentes pratiques artistiques telles que la danse, la musique, le théâtre permet de s’affirmer et de découvrir tout en faisant découvrir ses capacités et talents.  Pour les enfants en bonne santé qui font partie du groupe, ces activités peuvent également se révéler bienfaitrices dans le sens où elles apprennent à faire attention à autrui, à avoir de la compassion et de la tolérance. L’art-thérapie exige aussi la participation et l’implication des parents.

L’autisme, en effet, peut se traduire par des troubles délirantesempêchant de voir et d’interpréter l’extérieur de façon lucide. C’est également une maladie qui se manifeste par un problème de communication. L’autisme se développe dès la petite enfance. C’est ainsi que m’est venue l’idée d’aborder le théâtre d’un point de vue thérapeutique en le confrontant a cas des enfants autistes. Cette discipline est efficace sur le développement de l’enfant en général. Elle coordonne la pensée, la vision et la parole. A travers les différentes pratiques théâtrales, il est possible d’aider les enfants souffrant d’autisme de mieux s’intégrer à la société. L’interprétation d’un personnage dans une pièce de théâtre permet de s’éloigner de soi et de se comporter différemment. C’est déjà un moyen de se détacher peu à peu de la maladie.

1.      Les influences de la théâtrothérapie sur l’enfant

La théâtrothérapie est une méthode qui aide à redresser la conscience fragilisée et garantir les réactions correctes à une situation psychologique traumatisante auparavant. Elle doit toujours être accompagnée de pratique, les discussions avec les patients ne suffisent pas.

Le théâtre fait partie des moyens les plus efficaces pour résoudre les problèmes d’expression et de communication. Ces problèmes peuvent apparaitre dès les plus jeunes âges, s’inscrire à un groupe de théâtre est ainsi préconisé pour les enfants. En étant une activité divertissante et récréative, le théâtre aide les enfants à s’épanouir. En interprétant des personnages, en exprimant des émotions plus ou moins familières, on arrive à se libérer de soi, de ses peurs et sa frustration. Le théâtre facilite l’adaptation des enfants. Ce processus d’adaptation est particulièrement difficile en raison du manque d’expérience de l’enfant. Lorsque les changements sont trop brusques ou trop importants dans sa vie, il peut en résulterdes troubles de santé.

1.1 Le psychodrame

Les approches pour la prévention des problèmes d’adaptation sont nombreuses. Dans la plupart du temps, elles sont centrées sur une thérapie cognitive et comportementale. La théâtrothérapie en fait partie mais reste peu pratiquée de nos jours. A noter que sa pratique remonte aux temps d’Aristote. On parlait alors de thérapie à vertus cathartiques ou purificatrices.  Les recherches sur le sujet se multiplient. Le psychologue Jacob Levy Moreno crée le psychodrame classique au début du XXème siècle. En observant les enfants qui réalisent leurs rêves en jouant, il a pensé pour la première fois aux techniques de jeu. L’idée de psychodrame comme méthode thérapeutique, lui est venue après qu’une actrice lui a parlé de son conflit avec son fiancé. Moreno et sa troupe ont mis en scène l’histoire de cette comédienne. Cette expérience s’est avérée significative et réussie autant pour le couple, que pour le reste de la troupe. Il y avait donc un psychodrame qui est une sorte d’art dramatique qui reflète les problèmes réels du patient, plutôt que de créer des images de la scène imaginaire.

Le principe du psychodrame est simple : un individu, par exemple, joue le sentiment de l’amour. Ses réactions se traduiront par des gestes, des expressions du visage, une posture… qui seront analysées et interprétées par les personnes qui regardent. Les spectateurs s’expriment sur ce qu’ils ont vu, après quoi le comédien prend la parole et explique son jeu, comment il a vécu la scène.  Les blocages dans l’interprétation d’un personnage sont ensuite expliqués par un psychologue. Dans cet exemple, une tension ressentie au niveau des épaules en jouant un sentiment d’amour pourrait signifier un problème sentimental ou un manque d’affection.

Les enfants s’adaptent plus facilement aux personnages et aux faits qu’on leur demande d’interpréter. Ils s’intègrent rapidement au jeu contrairement aux adultes qui expriment souvent des formes de résistance et de réticence. Chez les enfants, la théâtrothérapie peut alors produire des effets plus immédiats et palpables. L’amélioration des compétences dans l’action se manifeste lors des phénomènes sensoriels et visuels de la réalité et contribue à la connaissance de soi aux niveaux émotionnel, volontaire, intellectuel et cognitif.

1.2 Le processus de la théâtrothérapie

Chaque projet de théâtrothérapie est constitué de plusieurs phases :

  • La sélection et conception de la pièce de théâtre.
  • La dissection et l’analyse du texte de la pièce.
  • La mise en scène de la pièce choisie qui sera créée par les participants des séances thérapeutiques.
  • La présentation de la pièce devant les spectateurs.

La préparation d’une pièce de théâtre même si celle-ci est destinée à la  théâtrothérapie plutôt qu’au grand public, implique les comédiens, les costumiers, maquilleurs et régisseurs. Il y a une frontière imaginaire se situant entre la thérapie et le théâtre, et c’est au niveau de cette frontière que se trouve la théâtrothérapie. Dans les autres thérapies, l’art est un moyen. Dans la théâtrothérapie, l’art est un but.

La théâtrothérapie fixe plusieurs objectifs entre autres :

  • le développement de la communication verbale et non verbale,
  • l’affaiblissement des phobies sociales,
  • la réduction de l’isolement social,
  • l’amélioration de l’auto-réflexion,
  • l’amélioration de l’auto-discipline et du sens des responsabilités,
  • le développement de la créativité,
  • l’augmentation la confiance en soi,
  • la capacité de maîtriser ses émotions…

C’est une discipline permettant de trouver un bon équilibre entre les croyances idéales sur le monde, l’inconscient et le conscient. Elle permet d’éviter le stress, l’angoisse et autres.

Le théâtrothérapeute distingue deux objectifs principaux :

Les buts artificiels :

Dramatique d’enseignement – les techniques de travail théâtrale avec les non-professionnels ; théâtrothérapeute devrait être en mesure de développer des compétences théâtrales des patients de manière adéquate.

Mise en scène – ses principes sont un des points forts dans le travail thérapeutique où les patients s’impliquent dans la création globale de la mise en scène.

Dramaturgie – le choix et la conception de pièces de théâtre.

Dramatisation – il est souvent nécessaire de créer leur propre pièce de théâtre.

Formation des comédiens, les mouvements sur scène, la diction, l’incarnation dans son rôle, etc. – tout cela enrichie l’effet artistique global.

Scénographie.

Les effets spécieux de la représentation (éclairage, son…).

Les buts thérapeutiques :

Pédagogique – connaissance des bases de l’éducation.

Spécifiquement pédagogique – pour les besoins spécifiques des patients.

Psychologique – le thérapeute est souvent confronter à jouer le double jeu : d’un enseignant et d’un psychologue à la foi.

Propositions personnelles – selon le caractère (sincérité, engagement), selon le tempérament (la patience, l’optimisme) ou générale (cordialité,  tact).

 

1.3 Les conditions de réussite de la théâtrothérapie

Afin que la séance de théâtrothérapie se déroule bien :

La pièce doit être complète : il est important d’inventer une histoire simple

Chaque personnage doit connaitre clairement son rôle, son caractère, ses valeurs et intérêts. L’enfant peut interpréter un personnage antagoniste. Il est également possible de jouer des circonstances de la vie, pas forcément un autre personnage.

L’action de chaque comédien doit être dirigée afin d’aboutir aux objectifs fixés dans le jeu théâtral

L’ambiance doit bien se prêter à la pièce jouée : le bruit de la mer, les sons de la forêt, de la pluie ou de la tempête, la musique anxieuse ou gaie. Tous ces sons et bruits peuvent aider à se concentrer sur les circonstances et permettre le meilleur développement de l’action.

Les pièces de théâtre avec 3 ou 4 personnes sont préconisées, mais les sessions individuelles sont aussi accessibles en théâtrothérapie.

1.4 Le cas des enfants timides

Lorsque l’enfant a peur de parler devant les spectateurs, il est intéressant de créer une pièce de théâtre d’ombres. Il s’agit d’un jeu théâtral particulier où l’histoire est révélée avec l’aide des images projetées sur l’écran sous la forme d’ombres. Les marionnettes pour le théâtre d’ombres sont souvent faites de cuir, carton ou d’un film de couleur. Chacune de ces images est manipulée par l’acteur à l’aide des fils ou des bâtons. Derrière les marionnettes sont éclairées par un dispositif spécial appelé contre-jour. Selon la qualité de l’éclairage et des idées du réalisateur, les spectateurs peuvent voir les images en couleur ou en noir et blanc.

Source : François Cervantes, extrait de « Attends-moi », Création collective de théâtre d’ombre,2010.

L’utilisation de théâtre d’ombres est très actuelle, car avec son aide les enfants qui ont du mal à s’adapter aux nouvelles conditions, pourront mieux contrôler leurs corps, se libérer de leurs blocages internes, ne pas avoir hontes d’eux-mêmes, ainsi les enfants pourront à travers le jeu réaliser leurs rêves pour acquérir les moyens d’expression, résoudre les conflits caractériels et trouver les moyens pour éliminer le stress psychologique.

Lors de la mise en œuvre de théâtre d’ombres il est aussi important d’inclure dans le travail avec les enfants qui ont du mal à s’adapter, les enfants qui s’adapte facilement. En regardant comment les autres garçons et filles réagissent sur une situation particulière, les enfants avec l’adaptation comportementale grave trouveront les nouvelles possibilités de réagir sur telle ou telle situation. Le noyau de l’art théâtral est le soi-disant jeu de comportement. Les enfants sont des acteurs de nature. Ils inventent eux-mêmes leurs rôles et savent traiter leurs vies de la manière dramaturgiques. Comme le disait Stanislavsky « pour l’enfant comme si est beaucoup plus puissant que si pour un adulte ». A l’aide de comme si lors des séances de théâtrothérapie les enfants  pourront se séparer de leurs complexes et incertitudes, ainsi qu’acquérir les compétences de la communication. Pour cela il est possible d’utiliser des contes de fées populaires ou écrire un conte de fées par vous-même.

 

L’importance du théâtre d’ombre :

 

Le théâtre d’ombres peut être utilisé pour organiser le travail de développement ainsi que le travail de correction et de développement émotionnel et cognitif des enfants d’âge préscolaire, qui vivent une période difficile de leur vie, tout en restant dans le cadre de théâtrothérapie  ;

 

Cette technologie peut être utilisée par les psychologues, les instituteurs et les professionnels des centres spécialisés qui s’occupent du problème de l’adaptation.

 

En utilisant des techniques de théâtrothérapie, dans le programme de correction et de développement, sur la correction de l’inadaptation des enfants d’âge préscolaire conduit à une plus grande efficacité dans le travail avec les enfants qui ont le degré complexe ou modérée de l’adaptation, ainsi que dans sa prévention.

 

Pour accompagner les enfants timides dans la théâtrothérapie, les parents doivent aussi s’impliquer dans la préparation des pièces. Qu’en est-il des enfants autistes ? Voyons cela dans la partie suivante.

2.      L’efficacité de la théâtrothérapie dans le travail avec les enfants autistes

Dans toutes les parties précédentes, il a été établi que la théâtrothérapie, comme tout art-thérapie, constitue une méthode de choix pour le traitement des patients qui souffrent d’un problème psychologique, psychique et neurologique. L’autisme entre parfaitement dans cette catégorie de pathologie.

L’autisme est une maladie qui frappe de plus en plus d’enfants actuellement. Bien souvent, les patients atteints de cette pathologie présente beaucoup de difficultés à tisser des relations avec son entourage. De nos jours, les scientifiques n’ont pas encore trouvé un remède contre l’autisme.

2.1 Comment reconnaitre  un enfant qui souffre de l’autisme ?

Dans la plupart des cas, l’autisme se manifeste et se diagnostique dès les premiers mois de l’enfant. Parents et médecins notent facilement les signes comme la fixation aveugle d’un point ou d’un objet, le manque d’activités des yeux ou du corps tout entier et beaucoup d’autres encore. Victoria Renaux Abdulaeva[21], une grande militante pour la cause des enfants autistes a abordé les caractéristiques de l’enfant autiste :

« se comporte souvent comme si les autres n’étaient pas là : ne répond pas quand on lui parle, semble ne pas avoir d’émotions, évite le contact visuel, ne répond pas aux signes d’affection. N’arrive pas, ou a des difficultés à interagir avec autrui : peu ou pas d’intérêts pour participer aux jeux ou en est incapable, reste seul sans s’activer ou s’occupe des activités à caractère rituel, ne réagit pas la plupart du temps aux sentiments et émotions d’autrui. »[22]

Toutes ces caractéristiques décrivent la façon de vivre des enfants autistes. Il est clair qu’ils présentent des difficultés à socialiser avec leurs entourages. En outre, l’autisme est une maladie qui crée un manque de coordination entre les activités cérébrales et les activités musculaires. C’est la raison pour laquelle on peut être amené à croire que l’enfant est indifférent. Entre les ordres donnés par le cerveau et les activités de ses muscles, il existe un net écart.

Il va de soi que la situation des autistes est des plus désagréables dans la mesure où les enfants de leur âge ont peu de chance de comprendre que leur indifférence aux autres ainsi qu’à leur manifestation de sentiments n’est pas une action volontaire. Ce qui entraîne souvent une forme d’exclusion sociale des enfants autistes.

Bien que le traitement de cette pathologie se trouve au cœur des recherches en psychologie et en psychiatrie, l’autisme demeure encore un état permanent dont les patients ne peuvent se soustraire pour le reste de leurs jours. Le seul moyen que les médecins ont trouvé, c’est l’accompagnement psychologique et physique.

2.2 L’autisme et la théâtrothérapie

L’accompagnement des autistes par le biais de la théâtrothérapie a été encore peu exploité. Cependant, je suis d’avis que le théâtre constitue un moyen efficace pour permettre aux enfants atteints de cette pathologie pour mieux socialiser avec leur entourage et pour mieux s’exprimer.

A titre de rappel, les apports de la théâtrothérapie sont représentés dans cet encadré :

Encadré 1 : les apports de la théâtrothérapie

Les apports de la théâtrothérapie :

–          Travail sur le physique : maîtrise et coordination des mouvements du corps et assurance en soi

–          Travail de gestion : comportement adéquat face à une situation difficile et stressante

–          Prise de conscience sur l’entourage : écoute des autres et de leurs sentiments

–          Exercice d’expression : verbalisation et expression corporelle

Sources : Mémoire, page 36

En fonction des caractéristiques citées précédemment, je vais établir une correspondance entre les apports du théâtre et les nécessités des enfants autistes.

 

Tableau 4 : Correspondance entre autisme et théâtrothérapie

Autisme Théâtrothérapie
Ne maîtrise pas les mouvements de son corps Travail sur le corps et le physique
Difficultés à interagir avec autrui Exercice d’expression physique et corporelle
Indifférence par rapport à l’entourage Prise de conscience sur l’entourage
Cantonnement aux activités « à caractère rituel » Travail de gestion des sentiments et des émotions en cas de situations difficiles

 

Ce tableau démontre que la théâtrothérapie peut très bien être utilisée pour le traitement des enfants autistes. En effet, tous les éléments qui caractérisent l’autisme sont pris en charge par la théâtrothérapie. Pour mieux l’expliquer, il est important de comprendre les différentes phases de méthodologie pour la pratique de la théâtrothérapie.

Le traitement des enfants autistes par la théâtrothérapie peut se réaliser par le biais d’une forme active ou passive.

a.      Un accompagnement de l’autiste de manière active

Toute pratique de théâtrothérapie active se réalise par trois étapes.

I.La phase technique

La première phase consiste en une partie plutôt technique basée sur l’imprégnation du personnage à interpréter. Sans aucun doute, il s’agit d’une phase de la phase la plus importante de la pratique dans la mesure où le patient y apprend tous les atouts qui lui seront utiles pour mieux s’exprimer dans le quotidien, entre autres les modalités d’expressions. Dans cette première phase, il existe plusieurs exercices d’échauffement auxquels le patient se prête. Au début, il apprend les côtés techniques du théâtre, en d’autres termes, il apprend à devenir un acteur en se prêtant aux divers jeux d’interprétation. Dans cette phase, le patient travaille sur les expressions sonores, entres autres les interjections qui constituent la première forme d’expression.

Après les signaux sonores, le patient travaille sur la verbalisation, c’est-à-dire, s’exprimer avec des mots et des phrases bien structurées. En effet, le théâtre n’est pas un mime. Certes, il s’agit d’un élément présent dans le théâtre, mais les acteurs sont bien amenés à parler dans une pièce de théâtre.

Enfin, le patient apprend également à s’exprimer avec les gestuels et les expressions du corps. En apprenant à se passer de la verbalisation pour communiquer avec les autres, il comprend également que son entourage n’a pas besoin d’utiliser des mots pour s’exprimer. Le but est de le rendre plus attentifs aux signaux non verbaux utilisés dans le quotidien pour éviter qu’il soit qualifié d’indifférent aux autres.

Outre l’apprentissage de ces trois modes d’expression, le patient est amené à côtoyer plusieurs individus dans cette première phase. D’un côté, il y a son ou ses thérapeutes, des individus qu’il a l’habitude de fréquenté, donc connus et familiers. D’un autre côté, il y a également les autres patients qui participent en tant qu’acteur, les personnels et toute l’équipe du théâtre, donc des êtres nouveaux. Le but de ce contact consiste à rendre le patient à l’aise dans les relations humaines, qu’il soit avec des gens qui lui sont familiers ou avec des individus qu’il ne connait pas.

Les enfants autistes présentent des difficultés à gérer des situations où ils se sentent mal à l’aise. Ce sentiment est souvent source d’un renfermement sur soi qui se traduit par une indifférence à tout ce qui se passe autour. Or, il s’agit particulièrement de l’un des points qu’il faut améliorer pour les enfants autistes.

Dans cette première phase, le patient se prête à divers jeux et exercices pour s’exprimer, d’un côté, mais également pour socialiser et mieux communiquer avec les autres d’un autre côté. Cependant, il est important de noter que l’espace est toujours à respecter quand l’on travaille avec des enfants autistes. Compte tenu de leur fragilité émotionnelle et leur attachement à leur propre zone de sécurité, le respect de l’espace « empêche les débordements, la perte de contrôle et le surgissement de la violence »[23].

                                                                            II.            La phase analytique

Dans cette seconde phase, le thérapeute conduit l’enfant en une introspection et une rétrospection en revenant ce qu’il a réalisé pendant la première phase. Le thérapeute met l’accent sur la réalisation des patients et lui offre un temps de parole illimité pour lui laisser exprimer sa façon de ressentir les étapes de l’échauffement. Encore une fois, il s’agit d’un exercice d’expression.

Cette discussion renvoie l’enfant à l’univers de la scène, mais surtout, cela le ramène à son personnage, son attitude et ses réalisations. D’ores et déjà, il s’agit d’une reconnaissance et d’une première esquisse d’estime de soi.

Dans cette phase analytique, le thérapeute propose des exercices qui visent à référer l’enfant à sa propre vie, par la pratique du tabouret vide, par exemple. Pour ce jeu, l’enfant s’adresse au thérapeute assis sur le tabouret, et il fait comme s’il s’agit d’un tout autre individu, un parent ou un héros, bref, un personnage fictif de l’imagination de l’enfant ou un individu réel dans son entourage. Il n’est pas rare de voir les enfants transposer leurs vécus et leurs sentiments à sur la pièce de théâtre.

                                                                         III.            La phase de la remise en jeu

Après l’échauffement, de la discussion sur les prestations et les performances, l’enfant retourne sur scène et recommence les jeux théâtraux et les scènes de pièces de théâtre. En fonction des analyses de la seconde phase, le thérapeute accompagne l’enfant en prenant la place d’un acteur dans la pièce. Le but de ce procédé consiste à mieux accompagner et de mieux réorienter l’enfant en fonction de ses résultats lors de la première phase.

En résumé, en participant en tant qu’acteur dans la pièce de théâtre, l’enfant autiste apprend à mieux s’exprimer et à mieux vivre en groupe. Cependant, quand la situation l’exige, il peut également prendre la place du spectateur.

b.      L’accompagnement de l’enfant autiste de manière passive

Dans la théâtrothérapie, quand le patient se place en tant que spectateur et non un acteur dans une pièce de théâtre, on parle d’un procédé passif.

Pendant l’observation de la pièce, il appartient au thérapeute de maintenir la concentration de l’enfant sur la pièce de théâtre. Pour ce faire, il peut lui poser des questions sur la scène quand il remarque que l’attention se perd.

Néanmoins, il est important de noter qu’une pièce de théâtre destinée à des fins thérapeutiques doit être spécialement conçue pour cet effet. Les lumières, le décor, la tonalité, la caricature des acteurs, la musique, bref tous les éléments perceptibles doivent être bien calculés de manière à captiver l’attention. Il en est de même pour les textes et le script des pièces, ils doivent permettre une projection sur soi, une identification à travers les personnages. On double d’effort quand le public est composé d’enfants autistes.

Au bout des pièces de théâtre, le thérapeute lance le sujet de discussion. L’enfant est libre d’exprimer ce qu’il veut, libre de critiquer ou de manifester son approbation et ses sentiments envers les pièces et les personnages. Le but de cet exercice consiste en premier lieu à les apprendre et à les habituer à l’expression.

Selon la possibilité du thérapeute, cette phase se déroule en groupe. De cette façon, l’enfant apprend à s’exprimer, mais également à être plus à l’écoute des autres. La portée sociale et relationnelle de cette étape de la thérapie touche directement la socialisation et l’interaction de l’enfant autiste avec son entourage.

Après l’expression vient l’étape de la créativité. Étant donné qu’il s’agit des enfants, le thérapeute a recours à la voie orale pour la création d’une pièce de théâtre. Chaque patient est amené à se construire une petite scène en s’inspirant de son histoire ou de celle de la pièce de théâtre qu’il vient d’observer. Pour Jean Pierre Klein, pendant cette phase, les enfants parlent fréquemment de leurs vécus. Soit ils se réfèrent à un rêve enfouis qu’ils n’osent pas exprimer ou qu’ils ne reconnaissent pas. Dans cet axe, le caractère imaginaire de l’histoire leur permet de dénigrer le rêve et de le nier. Il se peut également que l’enfant raconte, et transforme, un évènement qui s’est produit. Dans le cas où il a aimé l’issue de cet événement, il ajoute un caractère permanent à l’histoire. Sinon, il prévoit une fin plus adaptée à ses envies et à ses aspirations.

Il est indéniable que la théâtrothérapie passive ouvre la voie sur un sentiment enfoui et une expression pour les enfants autistes qui présentent des difficultés à communiquer. Néanmoins, que ce soit en participant en tant qu’acteur ou en se plaçant en spectateur, la théâtrothérapie est un excellent moyen d’accompagnement des enfants autistes.

2.3 Les effets thérapeutiques du théâtre sur l’enfant autiste : approche psychanalytique

Pour commencer cette partie, je vais me référer à Corvin (1995). Pour lui, « La problématique théâtre – thérapie va bien au-delà de l’usage possible du théâtre dans des pratiques thérapeutiques, ce qui en est question, c’est la nature même du théâtre qui met en jeu les mécanismes psychologiques susceptibles d’agir sur la personnalité et d’opérer en elle des transformations ».

Cette phrase a particulièrement retenu mon attention dans la mesure où, effectivement, même si l’on ne l’utilise pas à des fins thérapeutiques, l’art est obligatoirement et indubitablement une discipline artistique qui mobilise des activités psychologiques et corporelles. Il n’y a qu’à voir les différentes phases qui précèdent la pratique du théâtre ainsi que les différents exercices proposés. Le théâtre exige de la coordination des mouvements, une cohérence des expressions du corps et de la parole. D’un autre côté, quand on se place de l’autre côté de la scène, c’est-à-dire, en tant que spectateur, on s’identifie par rapport au personnage, on va même jusqu’à imiter leurs façons de faire, de parler ou de bouger.

Ainsi, je suis tout à fait d’accord avec cette vision de Corvin selon laquelle le théâtre est d’emblée un moyen thérapeutique. Pour le traitement des enfants autistes, il suffit de mettre l’accent sur certaines pratiques pour obtenir le résultat escompté de l’accompagnement psychologique.

En outre, en pratiquant la théâtrothérapie, le fait d’incarner un personnage permet une sorte de libération personnelle, une occasion de faire ressurgir des images enfouis dans l’inconscient ou dans l’imagination. En effet, le théâtre est constitué à 50% d’improvisation. Malgré le script à suivre, l’enfant-acteur possède une grande marge de manœuvre par rapport à son interprétation du personnage. Grâce aux exercices précédant le passage sur scène, les actions de l’enfant s’orienteront vers une personnalisation et une transposition d’une image de soi à travers le personnage incarné.

En effet, Attigui[24] précise dans son ouvrage que l’interprétation du personnage permet de « révéler la notion d’illusion et la notion d’identification ». Il s’agit d’une excellente occasion pour les enfants autistes de donner forme et de donner « voix » à leur rêve et à leur personnalité. Cette information qui relève du fond de la pensée de l’acteur est conçu comme une « réalité possible tant pour le comédien que pour le spectateur ». [25]

Ce qui conduit à un troisième effet de la théâtrothérapie sur les enfants autistes. Quand il se sent libre d’agir et de faire ressortir un sentiment enfoui dans sa pensée, il va de soi que, pour ce faire, il considère la scène comme un espace sécurisant où, selon Attigui, il peut « déposer les parties psychotiques de la personnalité ». Pour les enfants autistes, ils craignent l’inconnu et l’insécurité. Or, au fur et à mesure de la pratique de la théâtrothérapie, il s’habitue progressivement à la scène et à la pratique même du théâtre. Ce qui fait que l’enfant se sente plus à l’aise, plus en sécurité et, par conséquent, il met de côté la facette violente ou renfermée de sa personnalité. En d’autres termes, le théâtre permet une ouverture aux autres, aux sentiments, aux émotions. L’enfant autiste n’aura pas à ériger une barrière émotionnelle et physique quand il est sur scène.

De cet effet, on peut déduire que la théâtrothérapie permet aux enfants autistes de connaitre les limites à ne pas franchir. La question du respect de l’espace personnel de chaque enfant a déjà été abordée précédemment. Cette espace agit souvent comme une barrière qui est ressentie comme un rempart de sécurité pour les enfants autistes. En plus de les faire se sentir à l’aise, Attigui va jusqu’à dire que cela « offre une réelle possibilité d’organisation ».

Enfin, il ne faut pas oublier que, pour les enfants autistes, la théâtrothérapie leur permet de prendre conscience de leur corps et de leurs mouvements. En effet, quand on se prête au jeu d’acteur, on est amené à associer parole, geste et mouvement en même temps. Or, les enfants autistes présentent des difficultés au niveau de la motricité. En évoluant progressivement sur la scène du théâtre et en pratiquant les exercices évolutifs préconisés avant le passage sur scène, l’enfant acquiert de plus en plus de coordination entre les mouvements de son corps et les ordres du système nerveux central.

Certes, je ne prétends pas qu’il s’agit d’un processus rapide dont les résultats sont observables en un rien temps. Au contraire, il faut respecter le passage progressif des lents vers les rapides, et du plus facile au plus difficile. Le but est que l’enfant acquiert les mouvements en tant que réflexe qu’ils pourront utiliser dans le quotidien.

En résumé, la théâtrothérapie permet à l’enfant autiste de se mettre en relation harmonieuse avec son corps sur un premier niveau. Sur un second niveau, cette forme de cure rend possible une mise en relation du patient avec son entourage.

2.4 La dimension psychologique du théâtre : la stratégie du détour

Dans le théâtre, on fait « comme si ». En d’autres termes, on apprend à se mettre dans la peau d’un autre, à vivre une vie qui n’est pas la nôtre. Pour l’enfant autiste, le thérapeute conduit ce procédé vers une transposition personnelle. Ce qui signifie que chaque enfant est amené à incarner son propre personnage, ou sa version idéalisée de sa personne.

Ce procédé constitue un détour psychologique et émotionnel. On ne force pas l’enfant à faire directement face à ses problèmes, on leur offre un moyen plus doux d’appréhender et de comprendre sa personnalité. En outre, il s’agit également d’une échappatoire émotionnelle où l’enfant se réfugie dans la mesure où le théâtre permet une évasion dans l’imaginaire, où chaque enfant peut prétendre celui qu’il souhaite devenir.

Pour Orioli, dans les diverses exercices de théâtrothérapie, on apprend aux patients de se libérer de l’image figée qu’ils ont d’eux-mêmes. Pour le cas des autistes, ils doivent comprendre qu’ils ne sont pas des parias de la société, des êtres solitaires qui ne peuvent rien entreprendre. Pour ce faire, on les pousse de manière lente et progressive à découvrir leur personnalité et leur compétence. Ensuite, on les entraîne dans une socialisation en leur invitant à aller vers l’autre pour découvrir le monde extérieur, leur entourage et la façon pour eux d’interagir avec cet univers auquel ils appartiennent.

Walter Orioli martèle sur le fait que le déclenchement d’un désir d’aller vers les autres, de sortir des rails de la routine et du repli sur soi constitue la première phase pour un équilibre psychologique. Cette âme aventureuse est à exploiter pour les patients autistes dans la mesure où ils ont tendance à ne se plier qu’à des activités à caractère rituels. Certes, une telle modification et transformation prendra du temps pour se réaliser, mais l’éveil des sens et de l’esprit créatif et imaginatif constituent un premier pas vers la réussite de la thérapie.

Ce qui caractérise surtout le théâtre, c’est que l’enfant n’a pas à admettre de bout en bout ses aspirations personnelles. Dans la théâtrothérapie, tout pout se faire de manière détournée, en ayant recours à plusieurs formes d’art et plusieurs types d’expression. En d’autres termes, on aboutit à « se dire sans se dire tout en disant ».

Dans son ouvrage, Orioli prend l’exemple d’un sujet qui présente des difficultés à coordonner ses mouvements qui joue le rôle d’un félin prêt à bondir sur une proie. Ainsi, le patient découvre une autre facette de lui, un lui qu’il ne soupçonnait pas exister. Pour Orioli, ce procédé permet « une perception différente de soi-même, de son corps, et par là-même, de tout ce qui se passe autour ».

2.5 La dimension relationnelle du théâtre : analyse sociologique

L’enfant autiste a l’habitude de vivre dans la solitude de son espace sécurisé. Parfois très égocentriques, ils préfèrent se mettre à l’écart et attendent que l’on leur porte une attention particulière. Ceci est compréhensible dans la mesure où l’entourage le plus proche a tendance à les surprotéger et à les surveiller en permanence.

Avec la théâtrothérapie, le patient intègre un groupe humain, ce qui signifie qu’il faut qu’il se positionne et s’identifie par rapport à un « nous ». Ce dépassement du moi conduit à tempérer l’individuation qui frise le narcissisme. Cependant, le théâtre permet en premier lieu une connaissance et une maîtrise de soi avant d’aller vers les autres. Orioli attire l’attention sur ce point concernant la connaissance de soi, de ses capacités et de ses limites.

Ce n’est qu’après cette phase d’individuation que l’enfant se lance dans les activités de groupe où il apprend à vivre de manière collective, à prêter attention à son entourage. Il va de soi que la théâtrothérapie peut se réaliser de manière individuelle. Cependant, la dimension du partage et de la prise de conscience de l’entourage ne peut se concrétiser par la nature collective du théâtre. Ainsi, l’enfant se rend compte qu’il n’est pas un être solitaire, qu’il peut et doit évoluer en groupe social. Il se conscientise du fait qu’il est emmené à suivre la dynamique du groupe.

Cette partie a été bien développée par Orioli dans son ouvrage intitulé Théâtre et thérapie. Pour lui, une fois la personnalité et les limites personnelles bien ancrées, le travail collectif et la vie en groupe affectera le patient. Le comportement et les attitudes individuels changent en fonction de la tendance du groupe. Orioli de renforcer que « le groupe est l’élément propulseur de cette transformation » et que « si le groupe progresse dans la dramaturgie, l’acteur aussi est poussé à croître d’un point de vue personnel et artistique ».

Tout cela pour dire que l’enfant devient plus conciliant et plus attentif à son entourage quand on l’habitue à vivre et à évoluer en groupe dans la pratique de la théâtrothérapie. En plus, cela l’aidera à mieux trouver sa place dans une horde de personnes et dans un immense espace. En allant plus loin dans la pratique, l’enfant autiste impose sa personnalité et arrive à s’identifier de manière personnelle et par rapport aux autres.

La dimension collective de la théâtrothérapie doit également aboutir à une fonction sociale. C’est la raison pour laquelle la phase de connaissance de soi doit passer avant l’intégration dans le groupe. En fonction de la personnalité et de la capacité personnelle de l’enfant, il devra pouvoir trouver une place, un rôle dans le groupe. Il se peut que l’enfant découvre lui-même cette place, mais dans certains cas, il appartient au thérapeute de lui attribuer un rôle, une fonction précise dans le groupe en tenant compte de ses compétences et de sa personnalité.

Il est important de noter que la théâtrothérapie ne doit pas être une action isolée par rapport au quotidien de l’enfant. L’entourage du patient doit également suivre la tendance de l’évolution de l’enfant, d’agir en fonction et de prendre des dispositions particulières pour instaurer une continuité entre la vie artistique et la vie de famille. Ainsi, dans son quotidien, l’enfant autiste doit avoir une fonction bien précise, et à sa portée, pour qu’il se sente bien intégré au groupe social auquel il appartient. Cette fonction définira son évolution et son comportement avec son entourage.

 

 

 

Conclusion

Parler de l’art en tant que création revient à parler du concept de l’esthétique de la création puisque avant toute chose, l’art est défini par le caractère de ce qui est beau. En effet, il exprime parfaitement le savoir-faire de l’homme et son intelligence, surtout le savoir-faire à capter l’esprit de l’inventeur, du créateur. Art rime la plupart du temps avec plaisir, bien-être, épanouissement personnelle et harmonie. Il est donc évident qu’il a sa place dans le maintien du bien-être de l’individu.

Dans ce sens, l’art constitue un moyen thérapeutique pour le traitement et l’accompagnement des malades qui souffrent de problèmes neurologique, physiques et surtout psychologique. Le fait est que l’art est une création humaine qui non seulement permet à l’homme de s’exprimer, mais aussi et surtout qui l’atteint en lui procurant des émotions : le sens du « beau » et l’harmonie. L’art comporte en elle des éthiques –tels que le respect de l’homme et le respect des valeurs morales- qui vont booster l’assurance en soi, le « self-esteem », de l’individu. L’art centre tout son intérêt sur l’homme : il en est à l’origine puisque on ne peut avoir de l’art sans l’homme. D’où la nécessité de prendre soin de l’homme.

L’art a une répercussion immédiate sur l’homme. C’est la raison pour laquelle il constitue une forme de thérapie utilisée depuis la Grèce Antique. Même de nos jours, l’art continue à être au cœur des récentes recherches médicales en soins palliatifs. L’art fonctionne comme thérapie dans la mesure où il permet à l’individu d’explorer son côté créatif, souvent réprimé la plupart du temps. Cependant, il encourage aussi la participation et l’implication de l’individu à s’investir à fonds dans une activité qui requiert sa concentration, son corps et surtout sa capacité mentale. Dans ce sens, l’art nécessite une certaine discipline qui induira sur le développement physique et psychique de l’individu.

Le théâtre est une expression artistique qui présente merveilleusement ces différentes caractéristiques mentionnés précédemment. En effet, il constitue une discipline artistique enrichie et complète étant donné que sa pratique requiert l’utilisation de toutes les facultés mentales et physiques de l’être humain. Le théâtre fait travailler le physique dans la mesure où il est avant tout une expression corporelle. Ensuite, les jeux de rôles et les textes utilisés lors d’une production théâtrale requièrent l’utilisation d’autres sens et de capacités humaines à travers la verbalisation, la musique, les jeux d’interprétation et d’improvisation…

Ainsi, la théâtrothérapie est fortement recommandée comme un moyen nettement moins agressif pour traiter les patients. En effet, en utilisant le théâtre à des fins thérapeutiques, on pourrait traiter et aborder le patient de deux angles différents. En premier lieu, le patient peut tenir un rôle actif dans la mesure où il devient acteur et participe à tous les étapes mentionnés précédemment. En effet, en tant qu’acteur, il va devoir se remémorer des textes et du rôle qu’il va interpréter. Mais son imagination et sa créativité vont être développées dans la mesure où une production théâtrale implique une appropriation du personnage et du rôle à jouer. Le patient va aussi être amené à bouger et à gesticuler tout au long de la production et à travers l’utilisation de différentes expressions corporelles, sa faculté physique sera fortement sollicitée et développée. Aussi, nous connaissons tous la vertu thérapeutique de la musique : les compositions musicales utilisées durant les représentations théâtrales ne pourront que contribuer pleinement et efficacement à la cure du patient.

Toutefois, en tant que spectateur, le patient sortira aussi gagnant de cette théâtrothérapie. En effet, contrairement aux autres cures qui généralement nécessitent un temps d’assimilation, le théâtre en tant qu’art est une cure spontanée dans la mesure où il est concret et immédiat. En d’autres termes, rien qu’en visualisant une représentation théâtrale, le patient va être amené à avoir et à ressentir des réactions par rapport aux sentiments qu’il a ressenti étant le spectateur de l’œuvre théâtral. Cette thérapie est mieux expliquée à travers le processus de catharsis durant lequel le patient va être amené à ressentir des émotions –aussi bien négatives que positives- qui vont l’aider à extérioriser des sentiments refoulés qu’il n’arrive pas à ressortir dans le quotidien. Notamment, certaines émotions fortes telles que la colère ou encore les grandes peines vont être vécu par le patient à travers la représentation théâtrale qu’il observera. En se faisant, le théâtre va œuvrer comme une auto thérapie passive et non-agressive durant laquelle l’individu va projeter ses frustrations vers la représentation théâtrale visionnée.

La théâtrothérapie ne peut donc représenter des avantages pour le patient dans le sens où elle pourrait améliorer non seulement sa capacité expressive et communicative, mais aussi sa relation sociale, sa socialisation et sa confiance en soi. Cependant, l’une des vertus les plus importantes de la théâtrothérapie est sûrement le fait qu’elle constitue une expérience et une opportunité de découverte de soi et de sa créativité. Entre autres, pour les enfants autistes qui présentent des troubles d’élocution, des problèmes coordination entre les actions cérébrales et musculaires ou encore des problèmes neurologiques, la théâtrothérapie constitue une mode d’expression, une exercice de coordination et un apprentissage d’expression qu’ils auront du mal à soigner via d’autres moyens de thérapie.

Tout au long de ce travail, nous avons pu témoigner de l’importance du théâtre comme moyen thérapeutique pour accompagner les autres cures déjà existantes pour soigner les patients. Les sentiments enfouis et refoulés qui contribuent aux mal-être du patient sortent pendant la pratique de la théâtrothérapie qui est une forme de cure beaucoup moins stressante. Or, le théâtre tend à être ancien et n’est plus à la mode de nos jours. Le problème pourrait résider dans le fait que ses textes ne reflètent plus souvent les réalités actuelles. Il serait donc grand temps de penser à une revalorisation de la pratique théâtrale en procédant à une adaptation des textes au contexte actuel car le théâtre possède de nombreuses vertus invétérées.

 

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Tables des matières

Indications. 1

Abstract 2

Sommaire. 3

INTRODUCTION GENERALE.. 1

  1. Contextes. 3

1.1 L’art en tant qu’outil thérapeutique. 3

  1. Définition de l’art 3
  2. L’art est une technique. 3
  3. L’utilisation de l’art en tant que thérapie. 3

1.2 L’autisme des enfants et sa prise en charge. 4

1.3 Le théâtre. 5

  1. Problématisation de la recherche. 6

2.1 Intérêts de la problématique. 6

  1. Cheminement vers les hypothèses et méthodologie de recherche. 7

3.1 La construction de la problématique et les hypothèses de recherche. 7

  1. L’art et le développement personnel 7
  2. Le théâtre, une thérapie nouvelle. 8
  3. L’efficacité de la pratique du théâtre dans le travail avec les enfants autistes et des personnes en difficulté en général. 8

3.2 La méthodologie de recherche. 9

Partie 1 : Le théâtre dans l’art-thérapie. 11

Chapitre 1 : Comment faire de l’art-thérapie ?. 12

  1. Le principe de l’art-thérapie. 13
  2. La pratique de l’art-thérapie. 14

2.1 Le but de la pratique de l’art-thérapie. 15

2.2 Les étapes de la pratique. 15

2.3 Le rôle de l’art-thérapeute. 16

Chapitre 2 : Le théâtre, entre pratique artistique et pratique de soin. 18

  1. Les principaux intérêts de la pratique du théâtre. 20

1.1 Les avantages ludiques. 20

1.2 Les avantages cognitifs. 20

1.3 Les avantages communicationnels. 21

1.4 Les avantages physiques. 22

  1. Le théâtre en tant qu’outil thérapeutique. 23

2.1 Les intérêts psychiques et psychologiques de la théâtrothérapie. 23

2.2 Les fonctions du thérapeute en théâtrothérapie. 24

2.3 Comment s’effectue la théâtrothérapie ?. 26

  1. La séance du thé. 26
  2. Le trac. 26
  3. La pratique du théâtre. 27
  4. Le passage sur scène. 27
  5. Le travail de coordination. 28

III.      Le monologue collectif. 28

  1. Le jeu de masque. 29
  2. Le « miroir cassé ». 30
  3. Le jeu corporel et sonore. 30

VII.    Le tabouret vide. 31

VIII.   L’évasion dans l’imaginaire. 31

  1. La caricature du caractère. 32
  2. Le jeu de l’improvisation. 32
  3. Ce qu’il faut retenir 33

Partie 2  Etude de cas : la théâtrothérapie de l’enfant 34

Chapitre 3 : Les types de thérapies par le théâtre. 34

  1. La théâtrothérapie active. 34

1.1 La portée de la théâtrothérapie active. 34

1.2 Les apports de la théâtrothérapie active. 35

  1. Un travail sur le physique. 36
  2. Un travail de gestion. 36
  3. Une prise de conscience sur l’entourage. 36
  4. L’apport ludique. 37
  5. Les apports communicationnels. 37
  6. La théâtrothérapie passive. 37

2.1 Le patient en tant qu’observateur et spectateur 37

2.2 Verbalisation : exercice critique sur une pièce de théâtre. 38

2.3 Travail d’écriture : écrire une pièce de théâtre. 38

Chapitre 4 : Les bienfaits du théâtre sur l’enfant autiste. 40

  1. Les influences de la théâtrothérapie sur l’enfant 40

1.1 Le psychodrame. 40

1.2 Le processus de la théâtrothérapie. 41

1.3 Les conditions de réussite de la théâtrothérapie. 42

1.4 Le cas des enfants timides. 43

  1. L’efficacité de la théâtrothérapie dans le travail avec les enfants autistes. 44

2.1 Comment reconnaitre  un enfant qui souffre de l’autisme ?. 44

2.2 L’autisme et la théâtrothérapie. 45

  1. Un accompagnement de l’autiste de manière active. 46

I.La phase technique. 46

  1. La phase analytique. 47

III.      La phase de la remise en jeu. 47

  1. L’accompagnement de l’enfant autiste de manière passive. 48

2.3 Les effets thérapeutiques du théâtre sur l’enfant autiste : approche psychanalytique. 48

2.4 La dimension psychologique du théâtre : la stratégie du détour 50

2.5 La dimension relationnelle du théâtre : analyse sociologique. 51

Conclusion. 53

Bibliographies. 55

Tables des matières. 57

 

[1] Christian Godin, Art, Dictionnaire de philosophie, Fayard, Paris, 2004.

[2]Kandinsky, (1989), Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, Denoël.

[3]Marcel Proust, (1871-1922), in Recherche du temps perdu (1927)

[4]http://www.angela-evers.com/

[5]GABRIELEFF Albert, Théâtrothérapie : expérience de théâtre thérapeutique au sein d’un hôpital psychiatrique, l’Harmattan, 2012, p 10

[6] Alain Viala, Histoire du théâtre, Presses Universitaires de France – PUF, 2014, 127 p.

[7] Josette Féral, THEORIE ET PRATIQUE DU THEATRE – AU DELÀ DES LIMITES, L’Entretemps, 2011, 446 p.

[8] Alain Héril, 60 exercices entraînement au théâtre, Editions Retz, 2002.

[9] Claudie Fougeyrollas, « Défense et illustration de l’art-thérapie », Quaderni, N°37, 1999, pp 63-74.

[10] Béatrice Dolder, « L’espace spirituel et l’art-thérapie en soins palliatifs », Revue internationale de soins palliatifs, volume 22, pp 79-87.

[11] Enseignante et psychothérapeute

[12] Hans Prinzhorn, Expressions de la folie. Dessins, peintures, sculptures d’asile, Gallimard.

[13] Béatrice Dolder, « L’espace spirituel et l’art-thérapie en soins palliatifs », Revue internationale de soins palliatifs, volume 22, 2007, pp 79-87.

[14] Entretien de Jean Pierre Klein par Melik N’guédar, www.cles.com/débats-entretiens-articles-klein

[15] Édith Viarmé, Directrice de l’Institut National d’Expression et de Création. Propos recueillis par Laurence Ravier.

[16]GABRIELEFF Albert, Théâtrothérapie : expérience de théâtre thérapeutique au sein d’un hôpital psychiatrique, l’Harmattan, 2012, p 23

[17] SESSAD : Service d’Education Spéciale et de Soins A Domicile

[18] Yves Winkin, La nouvelle communication, Armand Colin, Paris, 2000.

[19] Serge Minet, Du divan à la scène, dans quelle pièce je joue ?, Pierre Mardaga, Paris, 2006.

[20] Astrid Lieven, Théâtre, psychiatrie, ergothérapie, HEPHO (Haute Ecole Provinciale du Hainaut Occidentale, Ecole d’ergothérapie, 2001.

[21] http://www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur/a-voir-a-faire/sortir/177721-power-of-love-quand-l-autisme-rencontre-l-art

[22]   vaincrelautisme.org

[23] Astrid Lieven, Théâtre, psychiatrie, ergothérapie, p85.

[24] Patricia Attigui-Pinaud, « Mise en scène de l’inaccessible », Esquisses psychanalytiques, hors-série N°2, pp 21-25

[25] Attigui-Pinaud

Nombre de pages du document intégral:79

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