Mémoire portant sur la Négociation Collective
Introduction
L’insuffisance de la négociation collective a été matérialisée récemment par les blocages et les manifestations sur la Loi Travail. Aujourd’hui, nous sommes en face d’une situation où les partenaires sociaux ne sont pas à même de trouver facilement un compromis permettant de se mettre d’accord sur une grande majorité de leurs discussions. L’opinion publique pense que les syndicats ont trop de poids sur la vie sociale des entreprises et qu’ils ne cherchent qu’à bloquer les changements.
Dans un contexte politique et économique compliqué tel qu’aujourd’hui, ces difficultés sont de plus en plus marquées. Selon une étude de l’OCDE, la France serait classée en 132ème position sur 148 pays en termes de qualité du dialogue social. Pourtant la France a un des plus faibles taux de syndicalisation des pays de l’OCDE, car seulement 7% des salariés sont membres d’une organisation syndicale. Les pouvoirs publics en ont clairement pris conscience et paradoxalement, face à cette situation, ils n’ont de cesse renforcé les prérogatives des syndicats et le rôle du dialogue social.
John T. Dunlop, dans un ouvrage de référence intitulé « Industrial Relations System » explique que dans la négociation collective, il y a les règles de contenu et les règles de procédure. Les règles de contenu définissent l’objet des discussions à savoir la classification, la rémunération, la durée du travail, le licenciement. Les règles de procédure définissent le cadre de ces discussions à savoir les modes de représentation des salariés à la négociation, les modalités d’élections des instances représentatives du personnel.
À travers ces règles, en France, il y a un enjeu tripartite entre les employeurs, les salariés et l’État. Leurs intérêts ne vont pas dans la même direction et le consensus est souvent difficile à trouver. En France, l’État fixe le cadre et intervient dans la négociation collective ce qui peut contraindre les autres acteurs sociaux et complique leur tâche à défendre leurs positions. Ceci n’est pas le cas dans les autres pays développés qui laissent le champ libre aux employeurs et aux salariés.
Ceci étant, les nouvelles organisations de travail et le périmètre de la négociation collective ont changé ces dernières années. Elles se sont développées à grande vitesse et participent à la prise de décision sur les orientations stratégiques de l’entreprise, au point d’être un enjeu majeur des responsables ressources humaines aujourd’hui.
Depuis les lois Auroux et l’obligation de négocier dans l’entreprise, la négociation collective s’est déplacée du niveau interprofessionnel au niveau des entreprises. Ceci est expliqué par le fait que les sujets des négociations ont aussi changé. Auparavant, il s’agissait surtout de connaître le partage des richesses à travers une lutte entre des revendications antagonistes. Aujourd’hui, la durée et l’organisation du travail sont au cœur de ces discussions. Ces sujets nécessitent que les partenaires sociaux aient une connaissance améliorée de ces concepts et soient à même de travailler en confiance.
La fonction RH est celle qui est destinée à impulser la négociation collective en entreprise et celle qui doit mettre en œuvre les outils et les moyens pour parfaire le manque d’unité entre les partenaires sociaux.
J’ai donc choisi de soulever la problématique suivante : Comment la fonction RH peut-elle améliorer la négociation collective à travers l’accord d’entreprise ?
Dans une première partie, je tâcherais de détailler un bref historique du syndicalisme et un état des lieux des forces en présence en expliquant les concepts de la négociation collective en France et en présentant les acteurs de cette négociation.
Dans un second temps, j’expliquerais quel est le domaine d’intervention du RH dans cette négociation collective à travers l’accord d’entreprise.
Dans une troisième partie, je tenterais d’apporter des solutions pour que le RH puisse instaurer un dialogue constructif entre les partenaires sociaux.
PARTIE I : Cadrage théorique
Chapitre 1 : Le syndicalisme
Comprendre la notion de négociation sociale et d’accord d’entreprise va nous permettre de mieux cerner notre domaine d’étude. Avant de commencer ce premier chapitre, il est important de noter qu’au fil du temps, la négociation collective a connu d’importantes mutations durant ces quarante dernières années en raison de plusieurs facteurs comme la mondialisation et la structuration de l’économie, la généralisation de techniques destinés à lutter contre l’inflation, l’extension des formes atypiques du travail, la démocratisation sociale et politique, l’autonomie croissante des syndicats, l’évolution grandissante de la technologie, etc.
Ainsi pour commencer nous nous focaliserons premièrement sur la définition et les caractéristiques de la notion de convention collective puis nous entamerons l’accord d’entreprise dans le cadre de cette négociation.
Section 1 : La négociation collective
Avant de parler de la négociation collective, il est important de commencer par la relation sociale en entreprise, le domaine auquel s’applique la négociation sociale.
-
La relation sociale des entreprises
D’une manière générale, la relation sociale sert à désigner les rapports entretenus entre différents acteurs de la société : l’État, les salariés et leurs représentants, les employeurs et leurs organisations. Lorsqu’elle est institutionnalisée, la relation sociale se base sur des règles mises en place pour assurer le bon fonctionnement de l’action collective. Pour la majorité des entreprises, les relations sociales se caractérisent par les relations formelles entre l’employeur et les représentants du personnel et sont encadrées par des règles de fonctionnement ainsi que par des obligations. En effet, les relations sociales des entreprises se basent sur des échanges d’informations, de négociations, de concertations ou encore de consultations.
Tous ces éléments font que les relations sociales en entreprise ont pour objectifs principaux de prévenir les conflits, de générer une certaine synergie entre les exigences de l’organisation et celles des employés à travers la recherche permanente d’un point d’équilibre pour rapprocher autant que possible les attentes respectives des deux parties. Ce point d’équilibre est considéré comme des solutions concrètes, précises et adaptées pour répondre aux circonstances spécifiques et qui conviennent aux deux parties que ce soit en rapport aux aspects individuels ou aux aspects collectifs des relations de travail.
Le fonctionnement des relations sociales en entreprise se présente généralement comme suit :
Figure 1 : Aperçu de la relation sociale en entreprise
Source : Appui aux relations sociales, Ministère du Travail, de l’Emploi
Ce schéma met en évidence que les relations sociales sont omniprésentes au sein d’une entreprise. Les relations sociales se matérialisent à travers des dialogues sociaux, c’est-à-dire un processus formel qui s’effectue sur la base de normes et de règles régissant le fond et la forme des relations de travail et tous types de relations entre l’employeur et les employés. Par ailleurs, les relations sociales des entreprises désignent également l’ensemble des relations collectives et toutes les interactions qui existent au sein de l’organisation.
Les relations sociales des entreprises se caractérisent par différents éléments qui sont aussi importants les uns que les autres dont les plus importants sont énumérés ci-après :
- Les relations sociales doivent permettre de donner à tous les acteurs du dialogue social la possibilité de s’accorder sur des solutions acceptées tous et qui sont directement opérationnelles sur le terrain ;
- Les relations sociales doivent pouvoir s’appliquer à tous les types d’entreprises quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité ;
- Les relations sociales se créent au sein d’espaces de débats et d’échanges impliquant l’ensemble du personnel quel que soit le niveau hiérarchique ;
- Les relations sociales doivent rassembler à la fois deux éléments essentiels : un dialogue institutionnel et des relations de travail quotidiennes.
- L’aspect juridique des relations sociales
En France, comme dans tant d’autres pays, les relations sociales sont règlementées afin de protéger les intérêts de chaque acteur. Le cadre juridique des relations sociales n’est toutefois pas destiné à préjuger la qualité des relations de plus que l’application des différentes règles n’est pas suffisante pour faire respecter les termes des relations sociales, particulièrement en ce qui concerne l’esprit et l’obligation légale de chaque acteur. Les règlementations n’entrainent donc pas automatiquement le respect, l’écoute, l’échange, le débat, la consultation ni la négociation.
Bien que dans la majorité des cas, les relations sociales des entreprises s’accompagnent de cadres règlementaires, cela ne signifie pas forcément que l’État a le monopole sur l’application des normes sociales. Cependant, il assure un rôle primordial, notamment un rôle de pivot dans leur mise en place. Nous pouvons par exemple prendre le cas des lois
Par exemple à travers les lois de 1982, l’État peut intervenir à partir d’un procédé d’extension d’une convention collective avec lequel il peut faire émerger de nouveaux thèmes de négociation par le biais de leviers d’actions comme les aides financières, les exonérations fiscales, etc. Il y a aussi la loi du 1 février 2001 qui a permis de faire émerger le thème d’épargnes sociales ainsi que l’élaboration du SMIC, de la durée maximum du travail, de l’hygiène et de la sécurité au travail. Par ailleurs, l’État se présente également en tant qu’animateur de la politique sociale en mettant à la disposition des acteurs du dialogue des données économiques et sociales utiles pour mener à bien les débats.
À part l’intervention de l’État, les relations sociales se caractérisent également par l’existence de plusieurs procédures pour faire basculer les relations sociales vers le contentieux juridique au détriment du dialogue. En effet, l’augmentation du nombre de litiges se présente de plus en plus comme un effet fréquent du conflit relationnel. En cas de litiges et lorsque les acteurs ne sont plus capables de trouver un point d’entente, l’affaire est menée auprès des tribunaux soit par l’initiative des travailleurs soit directement par les instances qui les représentent.
Il existe plusieurs facteurs qui peuvent entrainer dans litiges dans le cadre des négociations sociales en entreprise : validité d’une décision prise par la direction, manque de respect des procédures conventionnelles ou légales, etc. Dans la majorité des cas, le fait de faire appel aux tribunaux pour régler les litiges est souvent lié à la faiblesse des instances représentatives du personnel ou à leur limite d’action vis-à-vis de la direction de l’entreprise. Néanmoins, le recours au tribunal, à l’inspection du travail ou aux experts ne permettent jamais, ou souvent, à éradiquer le conflit entre les parties concernées. Afin de modérer les litiges entre les systèmes représentatifs du personnel et la direction de l’entreprise, une loi appelée loi Borloo a été mise en place en 18 janvier 2005. Cette loi vient modifier les dispositions décrites par l’article L 2325-15 du Code du travail relatif à l’élaboration de l’ordre du jour des réunions du comité d’entreprise. Cette nouvelle loi se présente comme une illustration de la préoccupation du législateur à l’égard du phénomène de judiciarisation des relations sociales.
- Les conflits relationnels
Afin de mieux comprendre les causes des conflits relationnels, commençons par définir la notion. Le mot conflit désigne un ensemble de réalités qui sont différentes les unes des autres en fonction du contexte de son apparition. La notion de conflits relationnels est souvent abordée en sciences humaines selon deux dimensions : une dimension sociale et une dimension collective. Au niveau des entreprises, c’est la dimension interpersonnelle qui est la plus abordée, car celle-ci caractérise le plus le mode de dialogue social dans le cadre d’une organisation.
Dans les relations interpersonnelles, le message partagé entre les acteurs concernés ne se réduit pas uniquement à la seule diffusion de l’information, mais englobe deux éléments fondamentaux : le contenu et la relation. Dans ce cas, la relation peut s’avérer conflictuel une fois que le modèle n’est pas partagé entre les acteurs concernés, c’est là que se manifeste le conflit relationnel et vient s’opposer au « conflit sur le contenu » .
En principe, le conflit relationnel se développe au sein d’une organisation en fonction de deux axes qui peuvent s’avérer contradictoires : la méfiance et la confiance. La première apparait dès lors qu’une des parties concernées éprouve un sentiment de craintes quant aux intentions de l’autre partie. Celle-ci peut également apparaitre suite à des malentendus, des convictions idéologiques, des interprétations ou encore de la peur de ne pas être reconnu ou de perdre la maîtrise d’une situation. Elle se manifeste ainsi dans le cadre d’une relation de pouvoir. Dans cette relation de pouvoir, les règles sont incertaines et imprévisibles et sont uniquement à répondre à un objectif principal : résister la partie adverse afin de dominer et maintenir le pouvoir. Dans ce contexte, si les parties concernées ont établi leur relation sur la base d’un principe de méfiance, elles n’auront plus la possibilité de changer les règles, car toutes les propositions qui découleront des dialogues sociaux vont automatiquement être considérées comme une manœuvre par l’autre. Conséquemment, aucune des deux parties ne sera prête à renoncer à sa position et cherche automatiquement à avoir le dernier mot tout en contribuant à reproduire les règles caractérisant la relation selon leur façon. C’est de cette manière qu’apparait une confusion communicationnelle, notamment entre la relation et le contenu.
La relation constitue d’une manière générale de cadre au contenu et une fois qu’elle est perturbée, le conduit est malmené et passe automatiquement au second plan. Par conséquent, tous les points abordés durant les négociations se convertissent tout naturellement comme une source d’affrontement et dans ce cas, c’est le seul fait d’avoir raison sur l’autre qui compte. Tout cela provoque une relation d’hostilité ayant comme effet de bloquer tout dialogue rendant tout processus d’échanges improductif entre les parties participant à la négociation que ce soit en termes de coopération, de résolution de problème, de concertation ou de négociation. Tout cela fait que le conflit relationnel devient structurel et permanent, « énergivore » et « mortifère ».
-
Définition et caractéristiques de la négociation collective
Afin de mieux définir la notion de la négociation collective, nous allons premièrement nous baser sur les instruments de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) puis nous présenterons d’autres définitions de quelques auteurs qui ont travaillé sur le sujet. L’OIT a développé depuis longtemps diverses normes se rapportant à la convention collective ou sur des sujets qui s’y rapportent. La négociation collective fait partie intégrante du dialogue social, mais les deux concepts ne sont pas identiques. La négociation collective appartient aux différents principes et droits indispensables au travail.
Selon les instruments l’OIT, la négociation collective se présente comme une activité ou un processus ayant pour objectif de conclure un accord ou une convention collective. La convention collective se définit, suivant la recommandation n°91 de l’OIT, comme « tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d’emploi conclues entre, d’une part, un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs, et, d’autre part, une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs, ou, en l’absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers en conformité avec la législation nationale »
.
La recommandation n°91 stipule également que toute convention collective devrait généralement mettre en rapport les différents signataires ainsi que tous les autres acteurs auxquels la convention est conclue tout en établissant un principe de force obligatoire des conventions collectives ainsi que leur primauté sur le contrat de travail individuel.
Comme son nom l’indique, la négociation collective se présente comme un processus de négociation et intègre toute forme de discussion, pouvant être formelle ou informelle et dont l’objectif est toujours le même, aboutir à un accord. La négociation collective comprend également un processus décisionnaire conjoint. Ce processus décisionnaire permet d’instaurer plus facilement la confiance et aussi et surtout le respect mutuel entre les parties concernées afin d’optimiser la qualité des relations professionnelles.
- Les effets de la négociation collective
Selon l’Organisation Internationale du Travail, le terme négociation collective concerne tous types de négociations entre d’une part employeurs et/ou organisations d’employeurs, et d’autre part organisations de travailleurs. Elle a pour objectif de :
- fixer les conditions de travail et d’emploi ;
- régler les relations entre les employeurs et les travailleurs ;
- régler les relations entre les employeurs ou leurs organisations et une organisation ou plusieurs organisations de travailleurs.
Selon toujours les organes de contrôle de l’OIT, les questions qui peuvent faire l’objet de négociation collective sont celle qui portent sur le type d’accord proposé à la Direction, c’est-à-dire les employeurs, sur le type d’outils industriels pouvant faire l’objet de négociation dans le futur, les questions relatives aux salaires, les différents avantages et indemnités liés au travail, la durée du travail, les congés annuels, les causes et les processus de licenciement, le champ d’application de la négociation collective, etc.
Par ailleurs, la convention collective se base sur des relations bipartites, c’est-à-dire entre deux parties : les employés et leurs représentants et la Direction. Généralement, les personnes qui participent à la négociation collective sont:
- un ou plusieurs employeurs ;
- une ou plusieurs organisations d’employeurs ;
- une ou plusieurs organisations de travailleurs.
Afin que la négociation collective soit effective, les organisations qui y participent doivent assurer une représentation efficace des intérêts qu’elles défendent tout en étant indépendantes de l’autre partie qui participe à la négociation ou encore des pouvoirs publics. Par ailleurs, pour certains pays, les représentants des travailleurs peuvent être distincts des organisations de travailleurs ou syndicats. Dans ces cas, des mesures sont prises pour assurer que la présence de ces représentants des travailleurs n’entraine pas un affaiblissement de la position des organisations de travailleurs intéressées. Autrement dit, la présence d’autres représentants désignés par les travailleurs ne doit pas être utilisée pour affaiblir la position des syndicats ou de leurs représentants.
Mettre en place un dialogue social dans l’entreprise se base généralement sur le constat que les différents acteurs, en fonction de leur place, peuvent avoir des attentes différentes. Le dialogue social doit permettre de les faire se rencontrer autour d’enjeux communs comme présentés ci-suit :
Figure 2 : Les enjeux communs de la négociation collective
Source : Aravis « Informer, Consulter, Se Concerter, Négocier », Boîte à outils GRH en PME – DOSSIER N° 5, 2008, p.8
La capacité de l’entreprise à mettre en place un sens commun sur les intérêts de chaque acteur, dirigeant, encadrement, salarié et représentant est essentielle pour sa performance. Ce sens commun se construit sur la base des relations de travail et des dialogues sociaux. Les instances représentatives du personnel peuvent participer à la construction de ce sens commun à travers la construction de règles collectives avec les salariés primant sur les intérêts individuels des parties concernées.
Dans les négociations sociales, la direction et les représentants du personnel n’entameront un accord que dans le cas où les deux parties soient convaincues qu’ils obtiendront de meilleurs résultats par la contractualisation que de faire appel à d’autres moyens (autorité, pression, rapport de force…
- Le processus et les sujets traités dans les négociations collectives
La négociation collective se caractérise premièrement par des relations bipartites entre deux acteurs qui sont généralement indépendants. La négociation collective peut être considérée comme un processus de négociation impliquant tous types discussions qui peuvent être formels ou informels et qui ont pour objectif d’arrivée à un accord accepté par chaque partie concernée par la négociation.
Étant établie afin de prendre en considération les intérêts de chaque partie, la négociation collective doit se présenter comme un processus décisionnaire conjoint ayant comme rôle d’aider à l’instauration d’un sentiment de confiance et de respect mutuel entre les parties tout en améliorant la qualité des relations professionnelles.
Les sujets principalement traités dans les négociations sociales se portent généralement sur les conditions de travail et d’emploi, sur les différentes règlementations des relations entre la direction et les organisations d’employeurs et un ou plusieurs syndicats. Il est possible que les sujets portant sur les conditions de travail et d’emploi incluent d’autres sujets concernant les employés comme les salaires, les heures de travail, les primes annuelles, les congés annuels, les congés maternité, la santé et la sécurité au travail, ainsi que d’autres questions. Par les sujets concernant les questions se portant sur les relations entre les parties participant à la négociation peuvent également inclure d’autres points comme les différentes possibilités et facilités à accorder aux instances représentatives du personnel, les processus de résolution des conflits, la coopération et le partage des informations, entre autres.
Sur la base de ses différents sujets, les négociations collectives doivent se baser sur des conventions collectives qui ont pour objectif de :
- lier les différents acteurs de la négociation et leur signature au nom desquels la convention est conclue;
- Concerner l’ensemble du personnel à moins que la convention collective en question ne prévoie expressément le contraire ;
- être prioritaire sur les contrats de travail individuels et prendre en considération les différentes clauses des contrats individuels qui sont les plus favorables aux travailleurs.
Par ailleurs, il est important de préciser que l’endroit ou plutôt le niveau dans lequel la négociation collective aura un rôle décisif dans les dialogues. Pour cela, il se montre capital que le cadre de la négociation collective soit une place permettant aux acteurs concernés, notamment les employeurs, les instances représentatives des employés, et les organisations d’employeurs, de conclure des conventions collectives au niveau de négociation de leur choix. Ainsi, la négociation collective peut avoir lieu dans différents endroits selon le choix des parties :
- au niveau du lieu de travail ;
- dans l’entreprise ;
- au niveau du secteur ou de la branche d’activité ;
- au niveau municipal ou régional ;
- au niveau professionnel ou interprofessionnel ;
- au niveau national ;
- à une combinaison de ces niveaux
Lorsque les négociations collectives sont menées au niveau professionnel, le champ d’application se présente comme suit :
Tableau 1 : Champ d’application de la négociation collective au niveau professionnel
Source : LA BOÎTE À DOCS, « L’adaptation de la relation de travail par le droit négocié », 2008, p.12
- Les bénéfices attendus des négociations collectives
Selon l’organisation internationale du travail, les négociations collectives doivent à la fois répondre aux besoins des employés et des employeurs tout en permettant de développer une forme de réglementation qui viendra compléter la législation en renforçant sa conformité, en permettant à chaque acteur concerné de s’y conformer davantage et en fournissant un processus destiné à résoudre les questions spécifiques à certaines entreprises ou à certains secteurs économiques.
Lorsque les acteurs concernés arrivent à bien s’organiser, ils peuvent facilement à travers les conventions collectives définir les salaires minimums ainsi que des conditions de travail qui conviennent à tous. Le tableau présenté ci-après donne un aperçu des différents bénéfices de la négociation collective. Il est toutefois important de préciser que certains points peuvent varier en fonction du niveau d’appui des lois et des institutions ainsi que des stratégies mises en oeuvre par les acteurs impliqués.
Tableau 2 : Les bénéfices de la négociation collective pour les employés
Source : OIT, « Négociation Collective : Guide de politique», Première édition 2016, p.19
Tableau 3 : Les bénéfices de la négociation collective pour l’entreprise
Source : OIT, « Négociation Collective : Guide de politique», Première édition 2016, p.20
-
Historique de la négociation collective
L’apparition de la négociation collective est étroitement liée aux conséquences socio-économiques des profonds changements technologiques, démographiques et idéologiques qui se sont produits au siècle dernier. Les différents troubles ainsi que l’insécurité provoquée par ces différentes transformations ont eu comme principal effet de perturber les relations traditionnelles entre les travailleurs et les employeurs. Par exemple en Grande-Bretagne et dans plusieurs autres pays, les employés cherchaient de plus en plus à se protéger des effets destructeurs engendrés par les nouvelles machines de production, les nouvelles méthodes de travail et de production, la nouvelle répartition du travail, en mettant en place des organisations ayant la capacité de représenter leurs intérêts vis-à-vis des employeurs et de l’État.
La négociation collective existe déjà dans les entreprises dès la fin de la seconde Guerre mondiale au sein des syndicats, mais rarement de manière écrite et formelle. Elle ne se met en place qu’à partir du moment où la gauche prend le pouvoir en 1981 avec les Lois Auroux de 1982. Ces lois créent une « obligation annuelle de négocier sur les salaires et le temps de travail » et « un droit d’expression des salariés » avec pour objectif d’augmenter la capacité à négocier des salariés représentants. Elles décentralisent la négociation auprès des entreprises en ce qui concerne le temps de travail et renforcent le rôle des Comités d’Entreprises.
Ce rôle est prolongé avec les lois de 1996 sur la réduction du temps de travail avec une condition de signature d’un accord d’entreprise pour l’attribution d’une aide financière de l’État et des allègements de charges (1998). Ces lois autorisent aussi, sous certaines conditions et au sein d’entreprises où il n’y a aucune présence syndicale, des salariés mandatés par des organisations syndicales ou des élus du personnel à signer des accords collectifs.
Grâce à la mise en vigueur de ces lois, 20 000 accords sont signés en 1998, 4 millions de salariés sont désormais couverts par un accord d’entreprise en 2004 et aujourd’hui plus de la moitié des salariés des entreprises ayant plus de 50 salariés sont dans ce cas.
Ces accords sont d’ailleurs signés par les principales organisations syndicales soient 75 % par la CGT et 90 % pour les autres. Ces statistiques prouvent que les partenaires sociaux comprennent l’enjeu de trouver des compromis.
Les premières et seules organisations ayant pu survivre face aux mutations du cycle économique, à la résistance des employeurs et à la politique souvent hostile du pouvoir public sont celles qui ont été mises en place par les travailleurs qualifiés qu’étaient les artisans. Ces travailleurs qualifiés étaient les seules ayant à leur disposition des ressources matérielles et administratives nécessaires pour la mise place d’institutions solides. Un peu plus tard, d’autres organisations ont été mises en place par des travailleurs moins qualifiés. À travers ces organisations, les artisans ont commencé petit à petit à établir des moyens destinés à réglementer l’offre qui restreignait l’accès des nouveaux artisans au marché du travail, à créer des mutuelles et ainsi, faire bénéficier à tous les artisans une protection de base destinée à contrer la perte de revenus. Au début, les décisions sont prises soit à l’initiative des employeurs en cherchant à négocier que d’accepter les conditions prescrites par les syndicats soit à l’initiative des syndicats en déterminant les salaires pour contrer l’opposition des employeurs, mais rarement des deux
.
- La Transformation des Entreprises
Malheureusement, les négociations reposaient auparavant sur une logique industrielle sur le long terme. Or, aujourd’hui, on remarque que l’organisation du travail est différente : la création d’unités de production plus petites et guidées par le marché à court terme modifie les règles de la négociation collective. Elle est d’ailleurs biaisée par la présence de collaborateurs au sein du même établissement de sociétés différentes et régies par plusieurs conventions collectives, ce qui limite son champ d’action.
Le syndicalisme, faute de moyens humains et par opposition à laisser une partie de son pouvoir, n’a pas souhaité entrer dans le jeu proposé par les directions, qui ont parfois voulu en faire un partenaire en leur reprochant de trouver de nouvelles stratégies pour exploiter un peu plus les salariés. Avec une individualisation du travail et des changements d’organisation du travail en mode projet de plus en plus fréquents, on assiste à une tendance qui échappe au périmètre du management et du syndicalisme. La faiblesse des syndicats ne leur permet d’agir qu’au niveau de la négociation formelle et obligatoire et non plus dans les relations au quotidien entre membres d’une équipe projet ou entre manager et collaborateur.
- Statuts des Travailleurs et Champs de la Négociation Collective
La négociation collective a connu l’âge d’or pendant les 30 Glorieuses, mais le passage d’une organisation des entreprises dite intégrée à une organisation en réseaux avec la multiplication de formes différentes de travail a considérablement réduit sa sphère d’influence.
Aujourd’hui, les accords d’entreprises ne tiennent pas compte des travailleurs sous-traitants, des travailleurs en contrat à durée déterminée et des travailleurs temporaires. Aussi, ils n’incluent pas les travailleurs détachés en mode projet, qui travaillent au-delà de l’organisation qui les emploie. Enfin, les auto-entrepreneurs et les indépendants ne bénéficient pas non plus du droit en matière de protection juridique que la négociation collective permet de conserver.
Aussi, la gestion des ressources humaines avec une promotion des parcours individualisés ne va pas dans le sens d’un point d’intérêt commun à travers la négociation.
Ces statuts de travailleurs dispersés avec des logiques d’intérêts différentes contribuent à l’affaiblissement de l’impact de la négociation collective. Selon Supiot (1999), le rapport de travail devient de plus en plus un rapport marchand où l’offre et la demande de travail se rencontrent, s’adaptent et se séparent avec une situation au cas par cas.
Dans ce contexte, il est compliqué pour les syndicats de comprendre la logique de l’ensemble de ces acteurs et de défendre une telle diversité de points de vue. Pour répondre à cette problématique, les syndicats tentent de s’organiser et à se spécialiser selon les catégories de travailleurs. On voit notamment apparaître des sections syndicales dans le travail temporaire notamment. Mais malheureusement, ce phénomène a l’effet pervers d’accentuer les divisions entre syndicats et donc fragilise leur pouvoir.
Section 2 : L’accord d’entreprise dans les négociations sociales
L’accord d’entreprise est un accord collectif conclu entre la direction ou un groupement d’employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales dans l’objectif d’établir des règles se rapportant aux conditions de travail, à l’emploi ou aux garanties sociales des salariés. Techniquement, l’accord d’entreprise est mis en place afin d’adapter les règles générales prévues par le Code du Travail aux besoins spécifiques d’une société.
Conformément à l’article L2221-2 du Code du travail, le contenu des accords collectifs se rapporte généralement à un ou plusieurs points bien spécifiques comme le salaire, le complémentaire santé, la formation professionnelle, etc. Les accords collectifs sont donc différents des conventions collectives étant donné que celles-ci portent sur les conditions de travail dans leur ensemble et dont le champ d’application est par conséquent beaucoup plus large. Contrairement aux accords collectifs, les accords d’entreprise peuvent dans certains cas proposer des dispositions pouvant être moins favorables aux salariés.
Les accords d’entreprise comportent toutefois des limites dans la mesure où les dispositions qui en découlent ne peuvent aller à l’encontre de ce qui est indiqué dans l’accord de branche. De même, ils ne doivent pas non plus être défavorables aux salariés en termes de minima sociaux. Par exemple, un accord d’entreprise ne peut proposer de payer les employés à un salaire se situant en dessous du SMIC.
-
Validité et signature d’un accord collectif
Pour être valide, il est important que les accords collectifs précisent son champ d’application, c’est-à-dire qu’ils doivent s’appliquer à un ou plusieurs établissements ou encore au groupe. Ils doivent également préciser sous quelle forme et à quelle époque ils pourront être révisés (art. L 2222-5 du Code du travail). Les accords d’entreprise sont généralement à durée déterminée, mais si l’accord est à durée indéterminée, il est important qu’il précise les conditions dans lesquelles il pourra être dénoncé tout en précisant la durée du préavis qui devra précéder la dénonciation. Par contre, si l’accord est à durée déterminée, les différents signataires ont l’obligation d’indiquer sous quelle forme et à quelle époque il pourra être renouvelé.
Il existe également d’autres éléments qui conditionnent la validité de l’accord d’entreprise, car la validité de celle-ci ne va pas d’elle-même.
- L’accord d’entreprise doit être validé et approuvé par une ou plusieurs organisations syndicales. Afin de que la validation soit effective, il est indispensable que les organisations syndicales représentant au moins 30% des suffrages exprimés aux dernières élections du comité d’entreprise ou des délégués du personnel ;
- Les accords d’entreprise ne doivent en aucun cas faire l’objet d’opposition de la part d’une ou plusieurs organisations syndicales représentant au moins 50% des suffrages exprimés lors des dernières élections du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.
Pour les entreprises disposant plus de 50 salariés, ce sont les délégués syndicaux qui participent à la négociation. Dans ce cas, toutes les formations syndicales de la société doivent être impliquées. En cas d’absence de délégués syndicaux, les membres du comité d’entreprise sont sollicités à participer à la négociation. Si l’entreprise ne dispose pas de comité d’entreprise, alors ce sont les délégués du personnel, ou le cas échéant, un salarié mandaté.
La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant sur la rénovation de la démocratie sociale, depuis décembre 2009, les négociations collectives n’ont plus besoin de l’autorisation d’une convention collective de branche étendue. Toutefois, la négociation collective impliquant uniquement des élus ou des salariés mandatés n’est possible que dans le cas où aucun délégué syndical n’existe dans le périmètre de l’accord et ce sont uniquement les entreprises disposant moins de deux cents salariés qui auront la possibilité de mener des négociations collectives avec le comité d’entreprise, la délégation unique du personnel ou les délégués du personnel.
Les conditions qui déterminent la validité ou non des accords d’entreprise ou d’établissement sont fixées par la convention de branche ou accord professionnel. Toutefois, les règles sont différentes selon que l’entreprise dispose ou non de délégués syndicaux.
- Cas des entreprises pourvues de délégués syndicaux
Pour les entreprises disposants de délégués syndicaux, les conditions de validité des accords d’entreprises sont les suivantes :
- Accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant obtenu au moins 30% ensemble des suffrages aux élections des CE ou DUP ou DP ;
- absence d’opposition de la part d’organisations syndicales représentatives
- en cas de carence d’élections professionnelles, l’accord est signé par le ou les délégués syndicaux et soumis à référendum des salariés. (art 2232-14) ;
- lorsque l’accord est réservé à une catégorie de salariés, sa validité se mesure uniquement dans le collège concerné, quel que soit le système retenu. (art 2232-13)
Par ailleurs, l’établissement ou la conclusion d’un accord d’entreprise doit se dérouler obligatoirement entre :
- l’employeur
- délégation syndicale de chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise
- Cas des entreprises n’ayant pas de délégués syndicaux
Si l’entreprise ne dispose pas de délégué syndical, notamment pour les entreprises de moins de 200 salariés, ni de délégué du personnel, les représentants élus du personnel au CE ou à la DUP, ou à défaut les délégués du personnel ont la possibilité de négocier et de conclure des accords (art L.2232-21). Dans ce cas, il est primordial que l’accord soit signé par des membres titulaires élus au CE. L’accord devra ensuite être approuvé par la commission paritaire de branche pour que celle-ci effectue un contrôle la régularité de l’accord par rapport aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur.
-
Aspect juridique de l’accord d’entreprise
La loi prévoit que les accords d’entreprise sont négociés entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
Dans le cadre d’accords d’entreprise, l’employeur a le droit d’organiser des négociations sur différents sujets, tout au long de l’année. Néanmoins il y a des thèmes et des fréquences qui sont imposés par la loi. Ainsi, l’employeur a l’obligation d’organiser une négociation annuelle portant sur :
- la détermination des salaires, l’attribution ou non de primes ou d’augmentations ;
- la durée effective et l’organisation du temps de travail ;
- le travail à temps partiel ;
- le calcul des congés payés et des RTT
- les formations et les possibilités d’évolution
- la modification des avantages sociaux comme la mutuelle d’entreprise, la prévoyance ou l’épargne salariale
- l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.
Enfin, l’employeur doit prévoir une négociation annuelle sur le régime de prévoyance maladie, si les salariés n’en bénéficient pas. Il doit aussi organiser une réflexion annuelle sur l’épargne salariale.
Chapitre 2 : État des lieux en France
La France fait partie des pays qui considèrent grandement la loi comme mode de régulation dans les dialogues sociaux, notamment en termes d’accord collectif et de contrat de travail. La France est également considérée comme un pays de négociation collective et qui a adopté différentes réformes législatives pour élargir son champ d’application.
Dans ce chapitre, nous allons entrer dans les détails dans les négociations sociales des entreprises françaises et l’accord d’entreprise.
Section 1 : Caractéristiques de la négociation collective en France
Le modèle français de négociation collective s’accompagne de jugements sévères que ce soit de la part des acteurs politiques économiques ou sociaux. Cette singularité française est affirmée suite à des points de comparaison avec d’autres pays de l’Union européenne ayant fait le choix de la négociation collective. Jouant un rôle d’auxiliaire de la loi voir de « pré-législateur », il n’existe aucun autre pays où la négociation interprofessionnelle occupe un tel rôle qu’en France. Dans certains pays, le champ d’application se limite uniquement à des sujets se rapportant aux conditions de travail comme les salaires ou la formation professionnelle.
-
Une négociation fortement règlementée
Pour la France, la loi du 19 mars 1919 a apporté le premier cadre institutionnel aux conventions collectives. Cette loi a ensuite été prolongée par celle du 24 juin 1936 qui a instauré de nouvelles dispositions et qui se trouve encore jusqu’à aujourd’hui au centre de la négociation collective. Ensuite, la loi du 11 février 1950 a apporté un nouveau régime se rapportant à la liberté contractuelle. Cette liberté laisse la latitude au Gouvernement de fixer, dans les conditions définies par le législateur, un salaire minimum obligatoire pour tous les salariés et donnant un nouveau statut légal à la convention collective.
Ailleurs qu’en France, les partenaires sociaux sont beaucoup plus autonomes et cela s’impose comme un facteur décisif de succès du dialogue social. En effet, dans d’autres pays comme en Allemagne, en Autriche, en Italie ou encore en Espagne, il est possible de remarquer une forte logique d’autonomie dans les relations sociales et l’intervention de l’État, notamment en termes de loi est beaucoup moins limitée qu’en France. Dans ces pays, ce sont généralement les partenaires sociaux qui déterminent la grande majorité des règles du droit de travail que ce soit au niveau des branches, des régions ou des entreprises. Par exemple au Danemark, plus des trois quarts du cadre normatif relatif au droit du travail sont représentés par la négociation collective. Les textes de loi ne déterminent qu’une infime partie du cadre normatif.
En France, le manque d’autonomie des partenaires sociaux impacte négativement la négociation collective. Pour ces partenaires sociaux, leur agenda est techniquement imposé. Par conséquent, et cela malgré l’existence de multiples lois, les partenaires sociaux rencontrent souvent des difficultés, particulièrement lorsqu’il s’agit d’aborder de sujets stratégiques, tout en ayant un sentiment de ne pas avoir suffisamment de matière de négociation et d’autonomie ressemblant à un sentiment de dépossession. Pourtant afin qu’un dialogue social aboutisse à une bonne entente, il est primordial qu’il se nourrisse de véritables contenus.
La prédominance de la loi dans les négociations françaises s’explique premièrement par l’omniprésence de la loi. Toutefois, cette importante intervention législative n’empêche pas le développement de la jurisprudence que ce soit en nombre ou en valeur. La prégnance des jurisprudences est premièrement liée au souhait de combler sans cesse les vides juridiques.
En France, le pouvoir public ne détient pas forcément le seul monopole de la production des normes sociales. En effet, selon le préambule de la Constitution de 1946, les salariés ont la pleine capacité de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à l’établissement collectif des conditions de travail « . Par ailleurs, l’article L 131-1 du Code du travail reconnaît également « le droit des salariés à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi et de travail et de leurs garanties sociales ».
Depuis qu’elle est reconnue comme source de droit, la négociation collective apparaît cependant largement régie par la loi. Le cadre législatif de la négociation collective est particulièrement précis et dans lequel la loi souligne la distinction entre la convention collective, ayant comme objet de déterminer l’ensemble des de travail et des garanties sociales, et l’accord collectif qui ne concerne que quelques points traités dans les dialogues sociaux. Elle définit également la qualité des signataires des conventions et des accords collectifs.
-
La place centrale de l’État dans les négociations
Dans les négociations collectives des entreprises françaises, le pouvoir public dispose d’une place centrale et dispose de la possibilité de contribuer directement ou indirectement à la négociation afin d’assurer, accompagner, inciter, faciliter ou encore apporté un soutien à la négociation. L’intervention de l’État est une action peu connue et reconnue, du moins lorsque cela fonctionne bien.
Au niveau des branches, l’intervention de l’État s’effectue sous la forme de la présidence des commissions mixtes paritaires. Techniquement, ces commissions ne sont consultées que lorsque les parties participant aux négociations rencontrent un blocage ou lorsque les sujets négociés deviennent très sensibles au niveau social et politique. Dans ce cas, la Direction générale du travail (DGT) peut-elle-même intervenir. Dans cas, nous pouvons par exemple prendre le cas des négociations portant sur les conventions collectives des hôtels-cafés-restaurants, du spectacle vivant, ou de la production cinématographique, etc. Dans d’autres sujets portant sur la convention de l’assurance chômage par exemple, c’est la délégation générale à l’emploi et à la formation permanente (DGEFP) elle-même qui peut intervenir.
Il faut noter que dans la plupart des cas, l’intervention du pouvoir dans les négociations collectives n’est pas obligatoire aux partenaires sociaux, mais elle est souvent demandée par ces derniers.
En plus de jouer un rôle de soutien, l’État est également considéré comme le « gendarme », en assurant le contrôle de la l’application et de l’égalité des accords de branche à travers des arrêtés d’extension pris par le ministre du travail. Le contrôle exercé par l’État ne se base pas uniquement sur des aspects juridiques, mais peut également intégrer des considérations d’opportunité sur l’intérêt que présente l’accord pour la branche concernée. Néanmoins, les accords d’entreprise ne sont pas concernés par le rôle de contrôle exercé par le pouvoir public.
Au cours de l’année 2010, une autre forme d’intervention de l’État dans les négociations collectives a été ajoutée. Cette intervention prend la forme de sanction dénommée « négociation administrée ». La négociation administrée désigne tous types de dispositif visant à inciter les entreprises de procéder à des négociations d’accords d’entreprise où de mettre en place des plans unilatéraux pris après avis du comité d’entreprise, portant sur des points considérés comme politiquement et socialement sensibles.
-
La négociation collective comme une tradition des entreprises françaises
Depuis environ une quinzaine d’années, la France est considérée comme un pays de négociation collective. Considérée comme le lieu de régulation de la concurrence et délimité librement par les acteurs sociaux, la branche est le niveau le plus pertinent pour la détermination d’un seuil minimum de garanties sociales pour les salariés en ce qui concerne le salaire minimum, la formation, les qualifications, la prévoyance, etc. La majorité des organisations syndicales considère la branche comme un véritable échelon de négociation plus mature et plus sûr tout en étant un moyen de réduire les risques d’une concurrence entre les entreprises d’un même secteur au détriment des salariés.
Actuellement en France, plus de 95 % des salariés sont couverts par un accord de branche . Ce chiffre a peu d’équivalents dans les autres pays de plus que les accords de branche s’appliquent techniquement aux salariés du secteur et pas uniquement aux salariés qui font partie des syndicats qui ont signé l’accord. Pour toutes les entreprises, des lois ont été établies afin d’obliger les entreprises à effectuer annuellement des négociations sur les salaires effectifs ainsi que la durée et la gestion du temps de travail. Mais même sans ces lois obligeant des négociations obligatoires, il y a beaucoup d’accords d’entreprises portant sur les thèmes les plus divers.
Ainsi, de nombreux niveaux d’accords collectifs créent de la norme en droit du travail. Dans le cadre de ces accords d’entreprise, le droit applicable est établi sur une base pyramidale dont le plus important reste la loi, vient ensuite l’accord interprofessionnel, ensuite l’accord de branche, l’accord d’entreprise et, enfin, le contrat de travail. Dans cette succession, chaque source « inférieure » a la possibilité de déroger à la norme supérieure dans la seule et unique condition que celle-ci se montre beaucoup plus favorable pour le salarié (articles L. 2253-1 et L. 2254-1 du Code du travail).
-
Existence de méfiance mutuelle entre les acteurs
Le fait qu’une entreprise est avant tout liée à une unité de création de valeur plus qu’à une communauté de travail aux yeux des dirigeants et des managers, il se montre difficile de placer en son sein le principe de démocratie sociale. Cette situation est davantage remarquée en France où le dialogue social s’est développé progressivement autour d’un enchevêtrement d’idées et de lois favorisant les attitudes d’affrontement et d’opposition. C’est en raison de ces postures qu’est apparue la méfiance réciproque entre les acteurs du dialogue social français.
Dans ce contexte, Yann Algan et d’autres auteurs considèrent cette défiance comme cause d’échec du dialogue social français et que dans le pays, « les relations entre salariés et managers sont les plus conflictuelles des pays développés », avec comme effet de rendre difficile, voire introuvable, le dialogue social. Pourtant, le dialogue social doit se trouver au centre des enjeux de la performance économique et sociale des entreprises. Dans ces conditions, l’inadaptation du modèle français se fait sentir davantage au fur et à mesure que les risques s’augmentent pour les entreprises qui en sont victimes.
Le dialogue social se présente premièrement comme une affaire d’hommes. Il se base donc principalement sur un mode relationnel par le biais d’une trajectoire qui oscille entre méfiance et confiance. Toutefois, en raison de facteurs culturels et/ou structurels, les différents acteurs du dialogue social ont tendant à maintenir de mauvaises relations qui se fondent en grande partie sur la méfiance. Par conséquent, ces derniers privilégient davantage l’opposition et l’affrontement entrainant un conflit relationnel et qui vient bloquer toute possibilité d’avoir un dialogue social efficace et créateur de valeur.
Que ce soit dans le cadre de relations sociales ou dans la vie quotidienne, la notion de conflit couvre un champ très vaste avec des réalités bien différentes. Lorsque la notion est abordée dans le domaine des sciences humaines, c’est en général dans sa dimension sociale et collective (entre nations, entre classes et groupes sociaux, etc.) et non dans sa dimension interpersonnelle et psychologique. Dans les travaux de l’’Ecole de Palo Alto, il est démontré que la relation se transforme en conflit lorsque le modèle d’interaction n’est plus partagé.
- Origine des relations conflictuelles dans les relations sociales françaises : déficit de légitimité des acteurs syndicaux
En France, culture d’opposition domine les relations sociales. Cette culture se manifeste généralement sur différents niveaux : au niveau du syndicalisme, au niveau du management comme et niveau étatique. La culture d’opposition est le produit d’une longue histoire façonnant progressivement les relations sociales, particulièrement dans le sens d’une lutte des classes et de pouvoir.
La lutte de classe imprègne fortement et négativement les relations sociales engendrant une forme de conflit fondamental entre les apporteurs de capitaux et les apporteurs de force de travail. Cette tendance d’opposition des instances représentatives du personnel est actuellement renforcée par une nouvelle réalité qui s’apparente à la crise de légitimité subite par le syndicalisme.
Cette tradition d’opposition des acteurs syndicaux se trouve aujourd’hui renforcée par une réalité nouvelle : la crise de légitimité dont souffre le syndicalisme. Cette crise de légitimité aboutit généralement à une perte d’influence des acteurs syndicaux en raison de pratiques néfastes en geste désespéré pour retrouver du pouvoir. En France, le syndicalisme a toujours été considéré comme un syndicalisme « masse classe » même si les organisations et leur environnement ont connu depuis de profondes transformations. Parallèlement à cela, le syndicalisme subit également un manque de représentativité ainsi qu’un déficit de légitimité. À cause de ce manque de légitimé, le syndicalisme français éprouve beaucoup de difficultés à répondre aux besoins et préoccupations des salariés tout en étant incapable de comprendre ni de prendre en compte les orientations stratégiques de l’entreprise. Cette situation vient renforcer encore et plus profondément la tradition d’opposition animant les syndicaux étant donné qu’ils ne se sentent pas reconnus et souffrent de leur faible influence.
Actuellement, le positionnement du syndicalisme français est révélateur de sa culture d’opposition selon les différents types de syndicalisme. Cette culture d’opposition se structure autour de deux axes qui opposent deux éléments essentiels des dialogues sociaux : d’une part il y a les fondements instrumentaux et culturels de l’adhésion d’une part ; et d’autre la priorité accordée au rapport de forces ou au dialogue en période de négociation. La figure que nous présentons ci-après met en évidence cette opposition:
Figure 3 : Typologie des syndicalismes
Source : Franck Biétry, « Les syndicats français sont contre-productifs : faisons-les disparaître ! », in Critique et Management (CriM), 2008, p. 51
Un sondage mené par Opinion Way en 2014, a permis de démontrer que seulement 5 % des français considèrent que la France dispose d’un bon modèle de relations sociales entre les syndicats et les employeurs.
- Les fondements de la culture d’opposition du syndicalisme français
Dans les années 1971, la loi Le Chapelier est destinée à interdire la mise en place d’instances intermédiaires pouvant faire écran entre l’État et le citoyen. Le syndicalisme français s’est donc au tout début construit dans la clandestinité. C’est seulement au début du 19è siècle qu’apparaissent des actions de révolte ouvrière ayant pour objet de cristalliser la méfiance entre le pouvoir public et le monde ouvrier. Toutefois, c’est seulement avec la mise en vigueur de la loi Waldeck-Rousseau en 1884 que les syndicats professionnels ont été reconnus juridiquement.
En 1895, la CGT s’est fixé l’objectif de rassembler tous les syndicats ouvriers, sans tenir compte de leur opinion politique et ce fut le fruit d’un siècle de clandestinité et de répression. La pensée révolutionnaire accompagnant le développement du syndicalisme français, un outil de lutte des classes et d’organisation de la classe ouvrière, a durablement imprégné le mouvement ouvrier français. En 1936 à la suite de grèves dans toute la France, les accords de Matignon entre la CGT, le patronat et l’État ont été signés. Ainsi pour la première fois dans l’histoire, l’État intervient dans les relations sociales, entre employeurs et employés dans l’objectif de faire respecter l’ordre public.
Après la Première Guerre Mondiale, les syndicats se sont développés et certains syndicats, comme la Fédération de l’Education Nationale (FEN) et d’autres syndicats autonomes, ont commencé à prendre progressivement plus d’indépendance. Toutefois, les syndicalismes français ont toujours été confrontés à des divisions successives qui ont eu comme effet d’affaiblir leur effectif. Par exemple entre 1948 et 1958, le taux de syndicalisation passe de 48 % à 29 %. Les chiffres du World Value Survey mettent également en évidence que plus 51 % des salariés français n’ont « aucune confiance » aux syndicats qui sont censés les représenter.
- Les effets de la relation de méfiances entre la direction et les syndicaux
Un dialogue dégradé entre les instances représentatives du personnel et la direction entraine des effets néfastes sur la performance de l’entreprise. En effet, toute forme de dysfonctionnements, ou déficience du processus de dialogue social engendre des risques peuvent altérer soit l’intérêt économique de l’entreprise, soit l’intérêt des employés, voire les deux lorsque ces composantes sont interdépendantes.
Depuis longtemps, notamment en raison du manque de légitimité des syndicaux, l’efficacité du dialogue social à la française suscite de nombreux débats. Ainsi, plusieurs se sont élevées afin de dénoncer les limites du modèle français qui selon l’institut de l’entreprise, « (…) expliquent en partie la difficulté de la France à se réformer pour répondre au contexte économique ».
Le risque principal d’un dialogue social déficient est lié à la résistance au changement alors que le dialogue social doit se présenter comme un outil permettant d’évoquer les différents enjeux à court, moyen et long terme pour l’entreprise. En effet, c’est à travers les dialogues sociaux que l’entreprise peut défendre et expliquer la nécessité des changements à opérer en terme d’organisation, de conditions de travail, de conditions de rémunération, etc… autant de thématiques qui impactent la compétitivité.
Par conséquent, lorsque le dialogue social se trouve dégradé, elle peut limiter les opportunités d’échanges ainsi que la volonté d’écoute réciproque et de coopération. Lorsqu’il n’est pas compris, le changement s’opère plus difficilement et risque de ne pas être accepté. Le tableau ci-dessous présente une synthèse des risques identifiés.
Tableau 4 : Les risques liés aux dialogues sociaux dégradés
Source : Hubert Landier, « Histoire et enjeux contemporains du syndicalisme français », Encyclopédie des Ressources Humaines, éd. Vuibert, 2012
L’identification de ces risques montre que lorsque le dialogue social est mené dans un contexte de méfiance et de conflit relationnel, il est difficile, voire impossible, qu’il arrive à assurer ses diverses fonctions. Dans ce sens, le rapport Gallois de 2012 arrive à la conclusion suivante : « le dialogue social en France éprouve de réelles difficultés à aborder suffisamment tôt les problèmes liés aux bouleversements que connaissent les entreprises et leur environnement. Les postures l’emportent sur l’écoute réciproque ; un climat de méfiance s’installe trop souvent et interdit la recherche en commun de solutions aux problèmes de l’entreprise. Les échanges sur la stratégie, souvent formels, ne prennent pas de consistance. Les pays qui réussissent sont pourtant ceux où le dialogue social est porteur de dynamiques favorables à l’entreprise et à ses salariés (…). Il faut créer une dynamique ; cela ne sera possible que si l’on surmonte les défiances qui séparent trop souvent les partenaires sociaux dans l’entreprise et si chacun renonce à des postures dépassées, chacun doit reconnaitre la responsabilité et la légitimité de l’autre ; c’est le moyen d’élever le niveau d’intelligence collective ».
Section 2 : Les acteurs du dialogue social
Au sein des entreprises, les acteurs traditionnels qui interviennent dans les dialogues sociaux sont généralement l’employeur, c’est-à-dire la direction et les représentants des organisations syndicales et les membres des instances représentatives du personnel comme le délégué du personnel, le comité d’entreprise, le comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail. Par ailleurs, les managers et les salariés font également partie des dialogues sociaux. Ces derniers se présentent de plus en plus comme des acteurs incontournables du dialogue social des entreprises. La présence de ces différents acteurs forme un ensemble se présentant comme un système comme présenté comme suit :
Source : Gérard Taponat, 2010, page 29
Les dialogues sociaux menés par ces différents acteurs se présentent comme un mécanisme d’ajustement qui ne peut fonctionner que sur la base d’une relation de confiance. Toutefois, les acteurs ne se font pas confiance et ont tendance à limiter le risque. Pour les dirigeants, on limite le risque en se conformant strictement au droit pour ne pas risquer le procès. Pour les syndicats, on limite le risque en négociant des accords qui ne laissent aucune liberté d’interprétation et d’ajustement au management dans la mise en œuvre. Cette notion de risque est définie par Dominique Vincenti comme étant « une menace qu’un événement ou une action ait un impact défavorable sur la capacité de l’entreprise à réaliser ses objectifs avec succès ».
Pour la France, il est important de préciser que le dialogue social, lorsqu’il concerne le secteur privé, s’exerce à plusieurs niveaux : au niveau institutionnel ou directement au niveau de l’entreprise.
- Au niveau institutionnel, le dialogue social peut être exercé soit au niveau national ou au niveau régional. Les dialogues sociaux s’appliquant à ce niveau sont principalement exercés par les organisations syndicales qui représentent les salariés. Généralement, l’échange est de caractère bipartite, mais peut dans certains cas être tripartite lorsque l’État intervient dans les négociations et lorsque le dialogue social s’engage au niveau national.
- Au niveau entreprise, le dialogue social s’effectue formellement à travers l’intervention des organisations syndicales et des instances représentatives du personnel (IRP). Il peut également être effectué dans un cadre informel lorsqu’il implique un plus grand nombre d’acteurs au sein de l’entreprise.
En France, le paysage des relations sociales se caractérise par l’existence de nombreux acteurs. Notamment, le pays dispose d’une multiplicité d’organisations syndicales, notamment en raison de l’existence de diverses divergences comme le combat pour la défense des intérêts des salariés. Un autre point qui caractérise les relations sociales des entreprises en France est le manque de clarté des stratégies menées par les acteurs syndicaux, les normes de conduites qui varient selon les interlocuteurs ou des structures qui s’expriment. Par conséquent, il existe de nombreux DRH qui commencent à constater un écart croissant entre les conduites sur le terrain des délégués syndicaux et des discours confédéraux.
Techniquement, le dialogue social en France est un échange entre trois acteurs
Section 3 : L’accord d’entreprise dans les relations sociales françaises
En France, les négociations collectives occupent une place centrale dans les entreprises. Depuis les années 90, elles ont connu une importante progression. Dans le cadre de ces négociations, les délégués syndicaux consacrent beaucoup de temps, souvent au détriment de la proximité avec leurs collègues. Au cours de l’année 2014, 36 500 accords d’entreprise ont été signés. De nombreuses obligations de négocier sont déjà présententes dans les entreprises. Ces obligations portent sur différents points à savoir : les salaires, la durée et l’aménagement du temps de travail, l’égalité professionnelle, l’épargne salariale, l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Il est tout de même important de préciser que dans les entreprises françaises, les négociations se concluent rarement par des accords lorsqu’il est question d’augmentation de salaire ou de création de dispositions favorables aux salariés.
Conformément au droit de travail français, les discours portant sur les négociations « au plus près des travailleurs » sont destinés à s’affranchir du « principe de faveur ». Selon ce principe, l’accord d’entreprise doit être plus favorable que ce qui est prévu dans la convention collective de branche, qui, elle-même, ne peut être moins favorable que le Code du travail. En effet, les accords d’entreprise doivent permettre de protéger les salariés afin que chacun puisse bénéficier d’un socle commun ainsi que de dispositions négociées à l’échelle de la branche.
En France, les gouvernements et législateurs commencent progressivement à autoriser la mise en place de dérogations en ce qui concerne l’aménagement du temps de travail, en donnant l’autorisation aux entreprises de conclure des accords moins favorables aux salariés que les dispositions de la convention collective de branche ou de la loi. Cette décision a été accélérée par la loi Fillon du 4 mai 2004 portant sur le dialogue et stipulant que « l’accord d’entreprise pourra déroger à l’accord de branche, sauf si [ce dernier] l’interdit explicitement ».
Section 4 : Les mutations de la négociation collective, le cas de la France
Négociation collective et conflits ont d’abord été liés. Dans les pays occidentaux, les rouages de la négociation collective ont d’abord été créés pour trouver une solution aux conflits qui sont nés des rivalités entre luttes des classes à la fin du XIXe siècle et la 1ère moitié du XXe siècle. Il s’agissait donc de trouver des compromis entre les intérêts du patronat et des syndicats pour la répartition des richesses produites. Le conflit est le commencement de la négociation.
Dans cette culture traditionnelle du conflit, le conflit social et la négociation collective sont intimement liés au sein de l’imaginaire collectif. Ce rapport de force nommé « la grève froide » par Christian Morel en 1981 reflète le caractère insidieux entre conflit ouvert et négociation âpre.
Dans un contexte de syndicalisme affaibli, cette logique semblait permettre aux syndicats de pouvoir prendre la main sur les négociations au lieu de chercher un compromis.
Cette pratique a perduré jusqu’aux années 1970 et elle reste la base du syndicalisme dans milieu industriel notamment, jusqu’à aujourd’hui. Mais il est de moins en moins fréquent, faute de combattants, prêts à monter au front et grâce à l’intervention de l’État, qui souhaite mettre en place des obligations avec des phases de consultation préalable avant une prise décision, limitant les possibilités de conflits spontanés.
Dans les années 1990, les grands conflits sociaux n’accompagnent principalement que les mesures prises par les différents gouvernements à travers le temps de travail, le plan Juppé, la réforme des retraites et aujourd’hui la loi travail.
Le conflit devenant moins fréquent s’accompagne d’un développement parallèle de la négociation collective par le biais des branches professionnelles. La 1ère loi sur les conventions collectives apparaît en 1919. Elles se développent à partir de 1936 sous l’impulsion du Front Populaire. Mais la portée de ces accords reste limitée, après les évènements de 1969, l’instauration d’un droit à la négociation collective reconnaît l’entreprise comme niveau de négociation à part entière.
En 1968, moins de 70 % des salariés sont couverts par une convention collective contre 98 % aujourd’hui, mais leur portée est limitée au minima sociaux et la conciliation est organisée par l’État afin de faciliter la négociation.
PARTIE II : RH et négociations collectives
Chapitre 1 : Les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux
D’une manière générale, le dialogue social doit être vu comme un moyen de changement et doit surtout servir à renforcer l’efficacité des stratégies de l’entreprise. Ainsi, le dialogue social doit assurer deux rôles clés :
- Contribuer à la pérennité économique de l’entreprise
- Offrir les meilleures conditions de travail à tous les salariés tout en assurant une pérennité de travail.
Il est aussi important de préciser que le premier rôle du dialogue social est de se présenter comme un contre-pouvoir dans lequel les instances représentatives du personnel, notamment les syndicats, doivent avoir la capacité de revendiquer et de s’opposer à des mauvaises conditions de travail et aussi et surtout de dialoguer et de négocier des compromis utiles. Ainsi, afin que les dialogues sociaux fonctionnent comme il se doit, il est primordial qu’il se base sur une relation de confiance. Néanmoins, cela ne veut pas dire que les intérêts de chaque partie coïncident à chaque fois. Le dialogue social doit donc permettre de concilier intérêt économique de l’entreprise et intérêt de chaque salarié qui la compose. Ainsi, ces intérêts peuvent être altérés dès qu’il y a conflits dans les dialogues sociaux ou lorsque le système en lui-même se trouve être déficient. Les conflits peuvent se présenter comme des risques pouvant altérer soit l’intérêt économique de l’entreprise, soit l’intérêt des individus, ou les deux à la fois.
- Les difficultés en relation avec les représentants du personnel
Dans les dialogues sociaux, il est également souvent question de lutte des classes se présentant souvent comme un conflit fondamental entre les apporteurs de capitaux et les apporteurs de force de travail. Devenue comme une véritable tradition, notamment en France, l’opposition des acteurs syndicaux est de nos jours renforcée par une autre réalité, notamment la crise de légitimité dont souffre le syndicalisme. Cette crise de légitimité engendre souvent une perte d’influence des instances représentatives du personnel. En effet, les assistances représentatives du personnel, notamment les syndicats, rencontrent davantage des difficultés à apporter des solutions aux préoccupations des salariés ainsi qu’à comprendre et prendre en compte les orientations stratégiques de l’entreprise. Ainsi, les syndicaux et Direction arrivent difficilement à trouver un terrain d’entente et dès que les deux partis arrivent à une phase de marchandage où chacun essaie de s’approprier le temps et d’affaiblir l’autre, le compromis qui en découle est souvent insatisfaisant, car il ne prend pas réellement en compte les intérêts de chacun. Par conséquent, il est souvent question d’accord « donnant-donnant » au lieu d’un accord « gagnant-gagnant ». Suite à cette constatation, Hubert LANDIER met en évidence l’attitude des parties prenantes dans les négociations de position:
- « L’organisation syndicale adopte généralement une position maximaliste alors que la direction de l’entreprise s’engage le plus souvent à minima ;
- Les organisations syndicales arrivent difficilement à trouver leur place et sont par conséquent tentées par la surenchère verbale ou par l’alignement sur l’organisation la plus radicale ;
- Les négociateurs syndicaux ont tendance à s’attacher à leurs demandes. Cela a comme conséquence de mettre en avant les écarts entre les revendications syndicales et les propositions de la direction.
- Les séances de négociation sont le plus souvent caractérisées par les déclarations de principes ainsi que par des affrontements verbaux. Dans ce contexte, les concessions se font rares et les menaces de rupture peuvent arriver à tout moment ;
- Les parties qui participent aux négociations ont souvent tendance à camper longtemps sur les mêmes positions tout en continuant à les réaffirmer inlassablement étant donné la moindre concession est considérée comme un signe de faiblesse ;
- Durant les séances de négociation, la direction des entreprises fait le minimum de concessions alors que les syndicats ont souvent tendance à dénoncer un simulacre de négociation en attendant les circonstances favorables dans lesquelles elles pourront faire jouer leur apport de force ».
Selon Hubert LANDIER, il est constaté que les acteurs syndicaux favorisent le climat de méfiance ayant comme effet d’engendrer des conflits relationnels dans les dialogues sociaux. De leur côté, les entreprises sont également réticentes.
Par ailleurs, l’intervention de l’État dans les dialogues sociaux peut également source de conflits et entraine souvent un climat de défiance entre les parties concernées.
- Difficultés liées au type de direction
La personnalité et les émotions des dirigeants peuvent également être source de conflits dans les relations sociales des entreprises, car celles-ci peuvent provoquer ne importante influence sur la gestion des entreprises et plus particulièrement sur la conduite des dialogues sociaux. Par rapport à cela, Kets de Vries soulignent cinq formes de pathologie du dirigeant engendrant cinq autres formes de pathologie organisationnelle :
- Une organisation paranoïaque : cette forme d’organisation est souvent dirigée par des dirigeants particulièrement méfiants vis-à-vis d’autrui et dont la direction s’apparente souvent à un désir de maitriser toute situation, d’où une minimisation de la confiance à l’égard des employés. Ainsi, la direction a souvent tendance à ignorer les remontées d’informations négatives, surtout lorsque celles-ci viennent des représentants du personnel, généralement considérés comme des opposants ;
- Une organisation compulsive : le dirigeant est très perfectionniste. L’organisation est également marquée par le dogmatisme, l’obstination ainsi que par la domination du dirigeant envers autrui ;
- Une organisation théâtrale : caractérisée par une dramatisation du comportement et dans laquelle la direction se focalise davantage sur des préoccupations narcissiques ou encore d’exploitation d’autrui. Le contre-pouvoir est généralement rejeté et les acteurs du dialogue social sont la plupart du temps confrontés à un combat permanent ;
- Une organisation dépressive : une organisation est qualifiée de dépressive lorsque la direction est marquée par un sentiment de culpabilité et de médiocrité et aussi par un manque de motivation et une soumission à l’évènement. Dans cette forme d’organisation, la direction est plutôt indécise et l’autorité est faiblement exercée. Cette situation fait que les jeux de pouvoir proviennent généralement du niveau inférieur de la hiérarchie. Par conséquent, chaque prise de décision se base sur des jeux d’influence et n’est pas souvent accepté, car les décisions qui en découle ne viennent pas directement d’un pouvoir légitime et ne peuvent répondre suffisamment aux besoins de la situation, car servant des intérêts personnels ;
- Une organisation schizoïde : ce dernier type d’organisation est s’apparente à une forme d’isolation étant donné que la direction n’accorde aucune importance particulière aux relations à autrui et fait preuve de froideur et de passivité.
L’existence de ces différentes formes de pathologie dans les organisations des entreprises remet souvent en cause la noblesse de la direction. Dans certains cas, les dirigeants sont considérés comme n’étant pas dignes de leur statut et cela pour deux raisons : soit ils ne reconnaissent pas ses subordonnés et leurs représentants soit ils sont trop fiers et dépourvus d’humanité. Tout cela engendre des réactions de fronde de la part des employés et leurs représentants qui perçoivent un manquement à l’honneur inacceptable
.
Chapitre 2 : Intervention de l’RH dans les négociations collectives
La fonction RH est devenue depuis quelques années un axe central dans l’organisation des entreprises. En plus de sa fonction de gestion des ressources humaines, la fonction RH joue actuellement un rôle de médiateur, un rôle qui s’exerce entre la Direction, l’encadrement et les salariés, que ce soit en amont ou en avant d’éventuels problèmes.
Dans l’accomplissement de ses différentes tâches, la Direction des ressources humaines doit en outre s’enrichir du réseau des institutions représentatives du personnel qui lui transmet les informations de bas en haut de la hiérarchie afin de rétablir l’équilibre entre les différents niveaux. Il est tout de même important de préciser qu’il ne s’agit pas de cogestion, car le pouvoir de direction appartient uniquement au chef d’entreprise dans le respect strict du Code du Travail.
L’intervention de la direction RH dans les négociations collectives s’effectue généralement à travers les conventions collectives ou les accords d’entreprises à moins que l’inspection du travail soit informée de tous les mouvements. Afin de mieux comprendre l’intervention de l’RH dans les négociations collectives, nous allons dans ce second chapitre nous intéressé particulièrement au rôle de la fonction RH dans les aspects sociaux de l’organisation et la manière dont cette fonction puisse améliorer cette la négociation collective à travers l’accord d’entreprise.
Dans la cadre des relations sociales, la Direction des ressources humaines a pour rôle d’entretenir de bons rapports avec les instances représentatives du personnel tout en tenant compte de l’intérêt de tous les acteurs de l’entreprise. Au début, le rôle de cette direction se limitait tout simplement à des fonctions consultatives, mais actuellement leur rôle se tourne davantage vers des actions non négligeables dans les conventions d’entreprise.
Le Rôle primordial de la direction des ressources humaines dans les relations sociales, outre la fonction personnel, est également de proposer des outils sociaux avec tous les prestataires privés destinés à fidéliser les salariés à leur société et constituer différents atouts pour l’employeur dans le cadre d’une négociation d’accords collectifs en contrepartie de la flexibilité demandée à son personnel. Ces outils sociaux sont facultatifs et leur établissement relève des œuvres sociales et culturelles du Comité d’entreprise. Il s’agit en premier de programmes de formation interne et externe au-delà du minimum obligatoire
Depuis quelques années, la Direction des Ressources Humaines est confrontée à un accroissement des accords d’entreprise. Ces accords d’entreprise sont des accords négociés avec les partenaires sociaux sur les droits et les conditions de travail équivalents. Ils sont au même niveau que les accords nationaux liés au secteur d’activité. La direction RH voit ainsi leur fonction profondément modifiée par le jeu des lois et accords. Elle ne se limite plus à la gestion de personnel à proprement parlé, mais se voit concerner par d’autres tâches comme l’obligation de reclassement, l’organisation des carrières pour l’ensemble des populations cadres ou non cadres.
Pour aider les parties prenantes à trouver un terrain d’entente dans les négociations collectives, la fonction Ressources Humaines peut intervenir en amont en proposant des points importants qui feront l’objet d’accord d’entreprise dans les négociations. Ces accords d’entreprises peuvent jouer permettre la création de la notion « d’ordre public social ». Actuellement, la négociation collective représente le tiers de l’activité d’un D.R.H. dans une grosse P.M.E. ou une grande entreprise.
PARTIE III : Etude empirique
Chapitre 1 : Méthodologie
Afin de répondre à la problématique : Comment la fonction RH peut-elle améliorer la négociation collective à travers l’accord d’entreprise ?, ce travail synthétise en premier lieu différents travaux de recherches académiques axés sur les relations sociales des entreprises, notamment le dialogue social, l’accord d’entreprise, et tous les éléments qui les caractérisent. Cette première étape sera ensuite complétée par une étude qualitative menée auprès d’un échantillon de sociétés.
- Présentation des outils de collecte de données
L’objectif de ce travail est d’identifier les principaux facteurs qui détériorent les relations sociales des entreprises pour ensuite proposer des solutions à travers lesquelles la fonction RH puisse améliorer la négociation collective à travers l’accord d’entreprise. Afin d’atteindre cet objectif, la démarche de recherche et de traitement d’informations se fera en trois étapes :
- La première étape concerne la revue de littérature, donc une recherche documentaire portant sur une dizaine d’articles et ouvrages académiques afin de circonscrire le cadrage théorique et déterminer les hypothèses et les questions de recherche ;
- La seconde étape quant à elle consiste à effectuer des enquêtes sur terrain par l’élaboration d’un questionnaire destiné à un échantillon de consommateurs ;
- La troisième et dernière étape est destinée à l’analyse des données recueillies afin de donner des réponses plus précises aux questions de recherche pour ensuite infirmer ou confirmer les hypothèses établies.
- Choix des outils de collecte de données
Afin de mieux répondre à la problématique de départ, il est indispensable que ce travail se base non seulement sur des revues de littérature, mais également sur des données réelles qui seront collectées sur le terrain, notamment par le biais d’enquêtes auprès d’entreprises. Cette combinaison de deux méthodes qualitatives permettra d’évaluer plus efficacement la situation des réelles des négociations collectives dans les entreprises ainsi que le rôle de la fonction RH dans l’amélioration de ces négociations.
- La revue de littérature
La revue de littérature se base sur la consultation de revues scientifiques et académiques, spécialisées et répertoriées et va servir de base pour définir les fondements de l’analyse. La revue de littérature regroupant plusieurs types de documents tels que les ouvrages, les coupures de presse, les publications et les articles sur internet, documents professionnels et universitaires et les sites officiels, se focalise principalement sur les points suivants : la relation sociale des entreprises et leur caractéristique, l’accord d’entreprise, la négociation collective, le dialogue social et les différents acteurs, les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux, le rôle de l’RH dans les négociations collectives.
- Les enquêtes par questionnaire
La revue de littérature a permis de montrer la nécessité des dialogues sociaux et des conventions collectives dans les entreprises, notamment dans le cadre de leur relation sociale. Notre étude qualitative se base essentiellement sur des questions en rapport avec ces éléments. Les enquêtes vont ainsi nous permettre de confronter le cadre théorique à la réalité des relations sociales des entreprises. Il s’agit donc de déterminer les facteurs qui défavorisent la qualité des négociations sociales. Les enquêtes s’effectueront à travers des entretiens individuels, chacun d’environ une trentaine de minutes et auprès de 3 sociétés de secteur d’activité varié.
Afin d’apporter des réponses pertinentes à nos questions de recherche, les différentes questions posées tournent autour de différents points :
- Le processus de négociation collective ;
- Les acteurs participant aux négociations collectives ;
- Les points traités dans les dialogues sociaux ;
- Les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux
- Le rôle de la fonction RH dans les négociations collectives ;
- les conditions nécessaires pour arriver à des accords mutuellement gagnants entre la Direction et les représentants du personnel ;
- L’utilité de l’accord d’entreprise dans les négociations collectives.
Chapitre 2 : Présentation et discussion des résultats
- Informations sur les sociétés
Pour mener à bien l’étude, il a été décidé d’interroger des sociétés variées, en termes de secteur d’activité, d’effectif et d’importance. Cela permet d’avoir les points de vue de toutes les catégories de sociétés pour mieux apprécier la situation.
Tableau 5 : Les sociétés faisant l’objet d’interview
Nom de la société | Personnes interviewés | Fonction | |
Société 1 | ARKEMA à Pierre Bénite | Alexandra DUCOUP | RRH au Pôle Relations Sociales et Humaines |
Société 2 | ABM Rhône Alpes à Vénissieux | Pierrette PAILHES | Responsable RH |
Société 3 | Groupe Adecco | Magali Berger | Chargé de Mission RH |
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
- La négociation collective
Tableau 6 : Déroulement des négociations collectives et acteurs concernés
Déroulement des négociations | Acteurs | Fréquence | |
Société 1 | Réunions avec le CE et le CHSCT |
|
Bimensuelle |
|
|||
Société 2 | Réunions avec les délégués du personnel |
|
Trimestrielle |
|
|||
Société 3 | Réunions avec les membres du CE et du CHSCT |
|
Mensuelle |
|
|||
|
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Suivant les résultats des enquêtes, nous pouvons remarquer que les négociations collectives se déroulent généralement à travers des réunions avec les délégués et les membres du CE et du CHSCT. La Direction des ressources humaines est toujours présente dans les dialogues sociaux. Toutefois, la fréquence des négociations varie selon l’entreprise et peut être mensuelle, bimensuelle ou trimestrielle.
- Les sujets traités
Tableau 7 : Les sujets fréquemment traités dans les négociations collectives
Société 1 | Société 2 | Société 3 | Fréquence | |
|
x | 1 | ||
|
x | x | 2 | |
|
x | x | 2 | |
|
x | 1 | ||
|
0 |
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Comme nous avons vu dans la partie théorique de ce travail, les sujets traités dans les négociations collectives portent généralement sur des éléments variés allant des conditions de travail des salariés jusqu’aux questions en rapport avec les instances représentatives du personnel. Toutefois, les interviews menées nous permettent de constater que les sujets fréquemment traités dans les dialogues sociaux portent sur les relations insatisfaisantes au sein des instances représentatives du personnel et sur la préparation des négociations.
- Point de vue sur les relations sociales
Tableau 8 : Qualité des relations sociales
Société 1 | Société 2 | Société 3 | Fréquence | |
|
0 | |||
|
x | 1 | ||
|
x | x | 2 | |
|
0 |
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Selon les interviews effectuées dans le cadre de ce travail, il est remarqué que dans la majorité des sociétés, les relations sociales sont peu constructives. Parmi les trois sociétés interviewées, l’une d’entre elles seulement affirme que les relations sociales sont constructives.
- Les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux
Tableau 9 : Les freins pour un dialogue social efficace
Sociétés | Difficultés |
1 |
|
2 |
|
|
|
2 |
|
|
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Les principales difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux sont liées à des facteurs variés. Dans la partie théorique, nous avons invoqué la faible représentativité des organisations syndicales. Cela est affirmé par l’une des sociétés interrogées et constitue pour cette dernière un des points négatifs pour le bon fonctionnement des dialogues sociaux. Il est également constaté que ces organisations syndicales ont tendance à contester les propositions de la direction d’où la difficulté d’arrivée à un point d’entente. D’autres facteurs comme le faible nombre de volontaires à la prise de mandat et la méfiance de certains représentants du personnel sont également cités. Ce dernier point est également mis en évidence dans la partie théorique concernant les difficultés rencontrées dans les relations sociales des entreprises.
La majorité des sociétés interrogées affirment l’existence d’une relation de méfiance entre les Représentants du personnel et la Direction.
Graphique 1 : Existence de méfiance entres les parties concernées
Selon toujours les résultats des interviews, cette méfiance mutuelle est causée par :
- le fait que les instances représentatives du personnel ont souvent l’impression que la direction va dans le sens inverse des droits des salariés ;
- l’existence d’une crise de la représentativité des organisations syndicales avec un faible nombre de volontaires pour prendre un mandat ;
- le fait que les organisations syndicales ont du mal à se mettre d’accord notamment ceux représentant les intérêts des intérimaires et ceux représentant les intérêts du personnel permanent ;
- La méfiance de certains représentants bloque également les négociations.
- La fonction RH
Tableau 10 : Rôle de la fonction RH
Sociétés | Rôles de la fonction RH |
1 |
|
|
|
|
|
2 |
|
3 |
|
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Pour toutes les sociétés interrogées, la fonction RH a des rôles à exercer dans les négociations. En effet, cette fonction a premièrement l’obligation de communiquer les projets initiés par la direction afin de convaincre toutes les parties concernées par le projet. En tant que responsable des ressources humaines, cette fonction a aussi comme rôle de gérer les conflits sociaux ou de les anticiper quand c’est possible tout en suivant de près le climat social au sein de l’entreprise. Concernant les négociations proprement dites, la fonction RH peut se présenter comme une force proposition concernant le contenu des accords, organiser et animer les réunions et surtout intervenir en amont des négociations pour déterminer les sujets qui doivent être à l’ordre du jour.
Tableau 11 : Intervention de l’RH dans les négociations collectives question
Société 1 | Oui |
Société 2 | Oui |
Société 3 | Oui |
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Dans la majorité des cas, la fonction RH intervient dans les négociations collectives afin d’apporter son point de vue et des solutions pour résoudre certains problèmes.
Tableau 12 : Amélioration de la négociation collective
Sociétés | Facteurs d’amélioration |
1 |
|
2 |
|
|
|
3 |
|
|
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Dans le cadre de son intervention, la fonction RH peut prendre des mesures pour améliorer les négociations collectives. Elle peut par exemple proposer de nouvelles idées. A défaut, cette fonction peut améliorer la position des parties prenantes et communiquer les différents sujets abordés à l’ensemble du personnel. En plus de cela, la fonction RH peut également se présenter en tant que force de courage auprès de la direction tout en étant en contact permanent des salariés.
- Les facteurs de succèdes de la négociation collective à travers l’accord d’entreprise
Tableau 13 : Conditions nécessaires pour arriver à des accords mutuellement gagnants
Sociétés | Conditions |
1 |
|
|
|
|
|
2 |
|
|
|
|
|
3 |
|
|
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Durant les interviews, chaque société a apporté son point de vue sur les conditions nécessaires pour arriver à des accords mutuellement gagnants dans les négociations collectives. La plupart pensent qu’il faut une bonne préparation et avoir une bonne connaissance du contexte pour être en mesure d’anticiper les sujets susceptibles de provoquer des conflits. Il est également important de savoir être à l’écoute et de faire des concessions.
- Place de l’accord d’entreprise
Tableau 14 : Champ d’application de l’accord d’entreprise
Sociétés | Champ d’application de l’accord d’entreprise |
1 |
|
|
|
|
|
2 |
|
|
|
|
|
3 |
|
|
|
|
|
|
Source : Audience quatre (suite résultats d’entrevus), mars 2017
Chapitre 3 : Discussions et Recommandations
Le résultat des interviews menées auprès de responsables de ressources humaines de trois sociétés, ARKEMA, ABM Rhône, Groupe Adecco a permis de constater que les négociations collectives sont souvent peu constructives pour les sociétés. Cette situation s’explique par de nombreuses raisons, dont le manque de représentativité des instances représentatives du personnel, notamment les acteurs syndicaux, la difficulté à trouver des points d’entente entre les acteurs concernés et aussi l’existence de méfiance vis-à-vis des représentants.
Si la direction éprouve une certaine méfiance envers les syndicaux, c’est notamment en raison du fait que les instances qui représentent les salariés ont souvent tendance à penser que les intentions de la Direction vont généralement à l’encontre des intérêts des employés. Cette crise de légitimité engendre souvent une perte d’influence des instances représentatives du personnel. En effet, les assistances représentatives du personnel, notamment les syndicats, rencontrent davantage des difficultés à apporter des solutions aux préoccupations des salariés ainsi qu’à comprendre et prendre en compte les orientations stratégiques de l’entreprise. Par ailleurs, il est également remarqué qu’il y a souvent des contestations de la part des organisations syndicales vis-à-vis des propositions de la direction.
Pour les sociétés interviewées, la fonction RH intervient souvent dans les négociations sociales pour déterminer les sujets qui doivent être traités, pour porter les projets initiés à l’ensemble de l’organisation ou encore pour gérer les conflits sociaux. Malgré ces différentes interventions, les conflits sociaux dominent encore dans les relations sociales des entreprises et les intérêts de chaque partie arrivent difficilement à converger.
Pour faire faire face à ces problèmes, les personnes interviewées proposent les solutions suivantes à l’égard de la fonction RH :
- Impulser de nouvelles idées : la négociation d’accord d’entreprise suppose généralement la présence d’intérêts divergents que les représentants de l’employeur et des employés cherchent à accorder afin d’arriver à un point d’entente favorable et afin d’adapter le Code du travail aux besoins spécifiques de la direction et des employés. Dans cette négociation, il est évident que chacune des parties va tenter sans arrêt de persuader l’autre de la légitimité de ses demandes en mettant en œuvre différents moyens de pression. Surgissent immanquablement des tensions. Par rapport à cela, la fonction RH peut apporter de nouvelles idées ralliant les intérêts de chacun tout en assurant la prise en compte réelle des intérêts des salariés, car elle est la seule à bien les connaitre. Dans ce contexte, c’est à la fonction RH de se statuer en tant que négociateur, à titre de représentant de l’une ou l’autre des parties en présence. Pour cela, elle doit viser à préserver de bonnes relations, malgré l’existence d’importants désaccords qui peuvent se produire à la table de négociation. Elle doit ainsi favoriser l’atteinte et le maintien de saines relations du travail à travers la conclusion d’ententes mutuellement satisfaisantes dans un contexte de négociation constructif. Dans ce cas, elle pourra s’entendre avec les parties concernées pour explorer, de manière informelle, différentes pistes de solution. Toutefois, cette démarche ne lie pas forcément les parties et ne peut être interprétée comme un véritable engagement tant que l’accord n’est pas signé par toutes les parties concernées. Avant de donner son accord ou d’engager son mandant quant à une piste de solution, il est important que chaque acteur procède à la vérification de la faisabilité avec ce dernier ;
- Améliorer la connaissance des parties prenantes sur les sujets à traiter : pour cela, la fonction RH doit se préparer et préparer le comité de négociation adéquatement avant de se présenter à la table des négociations pour discuter des sujets prévus ;
- Communiquer les différents sujets abordés à l’ensemble du personnel : cela permet à tout un chacun de mieux comprendre leur position afin d’anticiper ou plutôt de se préparer aux éventuels changements ;
- Se placer en tant que force de courage auprès de la direction : en se présentant en tant que force de courage, la fonction RH encourage la direction à appuyer ses demandes sur des données et des faits vérifiables ou sur des besoins ou problèmes connus et identifiables ;
- Être en contact permanent avec les salariés : cela permet de faciliter le partage et la diffusion de ces règles ainsi que l’adhésion des parties à leur endroit ;
- Mettre en place des outils de référence pratique afin de soutenir les parties dans le cadre de négociations collectives plus harmonieuses ;
Avec ces différents points, d’autres éléments sont également préconisés pour les acteurs concernés par la négociation afin de garantir une relation de confiance entre les instances représentatives du personnel et la direction :
- Préparer à l’avance les différents acteurs ;
- Avoir une bonne connaissance du contexte et des objectifs à traiter ;
- Préparer divers scénarios ;
- Faire des concessions ;
- Être à l’écoute des autres ;
- Être en mesure d’anticiper les sujets susceptibles d’entraîner un conflit.
Conclusion
Au cours de l’année 2015, deux textes de caractéristiques et de nature différents se sont succédé. Ces textes ont eu comme effet de marquer un déplacement important en direction de la promotion de la négociation collective et du « dialogue social » en entreprise. La loi Rebsamen a comme objectif « d’améliorer l’efficacité et la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise ».
En septembre 2015, l’ancien directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle, établit un rapport mettant en évidence une liste de propositions ayant pour objet de dynamiser la négociation et de « donner de nouveaux champs à la négociation ». Parmi les propositions, certaines sont venues renforcer le projet de loi Travail du printemps 2016, dont la première version a été contestée par l’ensemble des syndicats de salariés.
La notion de dialogue social a fait sa première apparition dans la sphère européenne et utilisée pour désigner les premières discussions entre les partenaires sociaux européens vers la fin des années 1980. Pour la France, l’expression ne concernait au début que les formes de concertation avec les organisations syndicales. Ainsi, le dialogue social était uniquement associé aux échanges destinés à produire une norme négociée, convenue et sans préjuger qu’il aboutisse ou non à un accord ou à une position commune sur certains points ou entre certains acteurs seulement.
Actuellement, la notion de dialogue social concerne un champ plus large et englobe un ensemble de moyens et d’institutions pour assurer la défense et l’expression collectives de droits et intérêts des salariés que ce soit en termes d’information des représentants, de consultation pour avis ou de conduit de négociation destiné à l’établissement d’accords collectifs. Tel est le sens qui se dégage de la loi Rebsamen, quand bien même ne porte implicitement aucune définition. Avec cette loi, l’accord collectif d’entreprise se présente comme l’instrument privilégié dans la mise en œuvre de réformes dans les négociations collectives. L’accord d’entreprise se présente également comme un permettant la réorganisation des thèmes et périodicités des négociations obligatoires au sein de l’entreprise.
Dans ce travail, il a été constaté que les négociations collectives font souvent l’objet de réels conflits entre les acteurs concernés et cela pour diverses raisons : faible représentativité des acteurs syndicaux, méfiance mutuelle entre les parties, difficulté à trouver des points d’entente, faible participation des acteurs concernés, etc. Dans les dialogues sociaux, il est également souvent question de lutte des classes se présentant souvent comme un conflit fondamental entre les apporteurs de capitaux et les apporteurs de force de travail.
Pour faire face à ces difficultés, la fonction RH peut intervenir à travers l’accord d’entreprise en tentant d’entretenir de bons rapports avec les instances représentatives du personnel tout en tenant compte de l’intérêt de tous les acteurs de l’entreprise. Pour cela, elle peut impulser de nouvelles idées qui seront traitées dans les négociations, améliorer la connaissance des parties prenantes sur les sujets à traiter, se placer en tant que force de courage auprès de la direction, communiquer les différents sujets abordés à l’ensemble du personnel. Ces accords d’entreprise sont des accords négociés avec les partenaires sociaux sur les droits et les conditions de travail équivalents. L’accord d’entreprise est beaucoup plus pertinent en termes d’organisation du travail, durée du travail, conditions de travail et organisation du dialogue social. La fonction RH a également pour rôle de proposer des outils sociaux pour favoriser les dialogues sociaux.
Cependant, dans la mesure où les accords d’entreprise se montrent comme un élément générateur d’obligations nouvelles pour les entreprises, il est important que les négociations ne s’engagent qu’après consultation des parties concernées. Dans cette perspective, une étude d’impact serait utile pour apprécier les effets attendus du projet patronal.
Tables des matières
PARTIE I : Cadrage théorique 3
Chapitre 1 : Le syndicalisme 3
Section 1 : La négociation collective 4
A- La relation sociale des entreprises 4
B- Définition et caractéristiques de la négociation collective 8
C- Historique de la négociation collective 15
Section 2 : L’accord d’entreprise dans les négociations sociales 18
A- Validité et signature d’un accord collectif 18
B- Aspect juridique de l’accord d’entreprise 20
Chapitre 2 : État des lieux en France 22
Section 1 : Caractéristiques de la négociation collective en France 22
A- Une négociation fortement règlementée 22
B- La place centrale de l’État dans les négociations 24
C- La négociation collective comme une tradition des entreprises françaises 25
D- Existence de méfiance mutuelle entre les acteurs 25
Section 2 : Les acteurs du dialogue social 31
Section 3 : L’accord d’entreprise dans les relations sociales françaises 33
Section 4 : Les mutations de la négociation collective, le cas de la France 34
PARTIE II : RH et négociations collectives 35
Chapitre 1 : Les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux 35
Chapitre 2 : Intervention de l’RH dans les négociations collectives 39
PARTIE III : Etude empirique 41
Chapitre 2 : Présentation et discussion des résultats 43
Chapitre 3 : Discussions et Recommandations 51
Bibliographie
- Aunege, « Droit du travail : La négociation collective en France », Universités Numériques Thématiques, 2012
- Aravis « Informer, Consulter, Se Concerter, Négocier », Boîte à outils GRH en pme – DOSSIER N° 5, 2008
- Bernard Gernigon, « La convention no 98 de l’OIT: un instrument toujours d’actualité cinquante ans après son adoption Bernard Gernigon », BIT, 1999
- Bernard GERNIGON, Alberto ODERO et Horacio GUID, « Les principes de l’OIT sur la négociation collective », Revue Internationale du Travail, 2000
- Bureau International du Travail, « Promotion De La Négociation Collective », (Convention sur la négociation collective, 1981 (n° 154) Recommandation sur la négociation collective, 1981 (n° 163), Genève, 2015
- Dominique Picard et Edmond Marc, « Les conflits relationnels, Que Sais-je » PUF, 2012
- Dominique Vincenti – « Dresser une cartographie des risques » – Revue Audit, 2012
- Education ouvrière, « La négociation collective: un principe fondamental, un droit, une convention », 1999
- Franck Biétry, « Les syndicats français sont contre-productifs : faisons-les disparaître ! », in Critique et Management (CriM), 2008
- Hubert Landier, « Histoire et enjeux contemporains du syndicalisme français », Encyclopédie des Ressources Humaines, éd. Vuibert, 2012
- Institut de l’entreprise, « Dialogue social : l’âge de raison », 2013
- Institut Montaigne, « Sauver le dialogue social Priorité à la négociation d’entreprise » Rapport septembre 2015
- Jean-Denis Combrexelle, « La Négociation Collective, Le Travail Et L’emploi », Rapport au Premier ministre, septembre 2015
- LA BOÎTE À DOCS, « L’adaptation de la relation de travail par le droit négocié », 2008
- Manfred Kets de Vries, « Combat contre l’irrationalité des managers », Paris, Editions d’organisation, 2002
- Ministère Du Travail, De L’emploi, De La Formation Professionnelle Et Du Dialogue Social, « Bilans & Rapports. La négociation collective en 2014 », Paris, mai 2015.
- Michel Dompnier, « Gérer Les Relations Sociales Dans L’entreprise », Eyrolles, 2016
- OIT, R091 – Recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, disponible surhttp://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R091
- OIT, « Négociation Collective : Guide de politique», Première édition 2016
- Philippe Duchesne, « Le rôle du directeur des relations humaines », Editions Amalthée, 2008
- Site du Ministère du Travail de l’emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, « La négociation collective dans l’entreprise », Disponible sur http://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/negociation-collective/la-negociation-collective-dans-l-entreprise/article/la-negociation-collective-dans-l-entreprise, consulté le 27/03/2017
- Yann Algan, Pierre. Cahuc, André Zylberberg, « La fabrique de la défiance … et comment s’en sortir » Editions Albin Michel, 2012
- Yves Halifa et Philippe Emont, « Dialogue social : prenez la parole ! », ESF éditeur, 2014
Mémoire de fin d’études de 58 pages
€24.90