Abus De Droit Et Optimisation Fiscale De La Transmission D’Entreprise
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CE | Conseil d’Etat |
CAA | Cour administrative d’appel |
LPF | Livre des procédures fiscales |
CGI | Code général des impôts |
Cass. civ. | Chambre civile de la Cour de cassation |
Cass. com. | Chambre commerciale de la Cour de cassation |
C. civ. | Code civil |
C. com. | Code de commerce |
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CHAPITRE I – NOTION D’ABUS DE DROIT FISCAL.. 7
Section III. – Régime juridique de la protection de répression des abus de droit. 12
CHAPITRE II – LES PIRNCIPAUX TECHNIQUES JURIDIQUES DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE 16
Section I. – Donation de l’entreprise. 16
Section II. – Cession de parts sociales ou d’actions. 22
PARTI II – LES DIFFERENTES TECHNIQUES D’OPTIMISATION FISCALE DE LA TRANSMISSION D’ENTREPRISE.. 26
CHAPITRE I – APPORT PREALABLE DES TITRES SOCIAUX AVANT CESSION… 27
Section III. – Mise en œuvre de l’optimisation.. 29
CHAPITRE II – DONATION DES TITRES SOCIAUX AVANT CESSION… 31
Section II. – Conditions de l’optimisation.. 31
Section III. – Mise en œuvre de l’optimisation.. 32
PARTI III – CONTOURS DE L’ABUS DE DROIT FISCAL EN MATIERE DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE.. 34
CHAPITRE I – L’APPORT-CESSION FACE A L’ABUS DE DROIT FISCAL.. 35
Section II. – Définitions et enjeux. 35
CHAPITRE II. – DONATION DES TITRES AVANT CESSION ET ABUS DE DROIT.. 37
Section I. – Concomitance des opérations. 37
Section II. – Réappropriation des biens donnes par le donateur. 37
La subtilité avec laquelle les conseils des personnes propriétaires d’une entreprise ou de biens que celles-ci souhaitent transmettre peuvent proposer des modalités de transmission favorables aux intérêts financiers et fiscaux de ces personnes peut se heurter à une notion juridique et fiscale : celle de l’abus de droit[1].
Le système fiscal français est un système déclaratif qui nécessite par définition une déclaration sincère et donc de bonne foi de la part du contribuable. Si l’erreur de bonne foi peut être admise et ne fait l’objet usuellement que d’une réparation par l’application d’intérêts de retard couvrant ainsi le préjudice causé au Trésor public pour un encaissement différé de l’impôt, la mauvaise foi est sévèrement sanctionnée par les textes dont dispose l’Administration fiscale, tout en nécessitant de cette dernière une motivation adaptée. En fait, la bonne foi ne se démontre pas, elle est implicite en matière fiscale alors que la mauvaise foi nécessite une argumentation pour en rapporter la preuve.
Il est à préciser cependant que, quand il est question de mauvaise foi en fiscalité ou de l’intention malicieuse des redevables, on ne peut pas se passer de l’abus de droit fiscal, une des principales manifestations d’une telle intention. L’abus de droit fait partie de ces nombreux sujets qui alimentent la doctrine en droit fiscal. Cette notion a en effet pour principale caractéristique de cristalliser les grands débats que soulève la réglementation fiscale. C’est le cas par exemple de l’autonomie de la notion d’abus de droit en droit fiscal au regard de l’utilisation qui en est faite dans les autres branches du droit[2]u du caractère exorbitant des pouvoirs de l’administration comparé aux droits des contribuables[3].
La théorie de l’abus de droit par fraude à la loi existe en France et au niveau de l’Union européenne. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a largement influencé l’arrêt Janfin[4] qui est à l’origine, en France, de la refonte de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales. Aux termes dudit article :
« Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité.
Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.
Les avis rendus font l’objet d’un rapport annuel qui est rendu public ».
La théorie de l’abus de droit permet à l’Administration de requalifier les faits contenus dans un acte et fixe ainsi une limite à la liberté de gestion de l’entreprise. L’entreprise est libre de sa gestion, ce qui implique que tout contribuable est libre de choisir les techniques juridiques qui permettent d’obtenir la moindre imposition des opérations qu’il effectue[5]. Cependant, cette liberté ne peut être utilisée pour frauder la loi[6].
Selon Maurice Cozian, « il n’a jamais été dit nulle part que, face à deux solutions possibles, l’une plus coûteuse et l’autre plus économique, il fallait nécessairement choisir la solution où l’on payait le plus d’impôt […]. Si une certaine habileté fiscale est une vertu respectable, elle ne doit pas, à peine de devenir coupable, franchir certaines bornes […]. L’abus de droit, c’est le péché des surdoués de la fiscalité. Certains contribuables ne manquent ni d’imagination ni d’audace et n’hésitent pas à échafauder des montages acrobatiques, afin de se soustraire à l’impôt qui serait normalement dû, qu’ils reposent sur la simulation juridique (création volontaire d’une contradiction entre l’apparence et la réalité en vue de tromper un tiers) ou sur la fraude à la loi (détournement de la finalité de la règle). Ces excès d’habileté frisent la malhonnêteté. Il n’est pas interdit d’être malin, à condition de ne pas trop faire le malin… ».
La jurisprudence du Conseil d’État, bien que moins explicite, le reconnaît également : il intervient dans la recherche d’un abus de droit dont la répression « n’a pas pour objet d’interdire au contribuable de choisir le cadre juridique qu’il juge le plus favorable du point de vue fiscal[7] ».
Ce n’est pas l’habilité fiscale en elle-même qui est un péché. Il faut cependant qu’elle ne soit pas abusive. Au contraire, elle sera un péché si elle est abusive, car c’est l’abus, c’est-à-dire l’usage abusif de la liberté de choisir la voie fiscale la moins imposée, qui provoque le courroux de la fiscalité. Mais alors, où s’arrête l’optimisation fiscale permise, notamment en matière de transmission de patrimoine et où commence l’abus interdit[8] ? Le développement qui va suivre se focalisera d’ailleurs sur cette question délicate.
Pour une meilleure appréhension du sujet et essayer d’y voir plus clair, il est certainement opportun de mieux cerner la notion même d’abus de droit en fiscalité, c’est ce qui fera l’objet de la première partie. Dans une seconde partie, on mettra en lumière les contours de ce comportement dans les opérations de transmission de patrimoine, notamment en matière de transmission d’entreprise.
PARTIE I – NOTION D’ABUS DE DROIT FISCAL ET LES PRINCIPAUX MONTAGES JURIDIQUES DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE
CHAPITRE I – NOTION D’ABUS DE DROIT FISCAL
La répression de l’abus de droit en matière fiscale est prévue par les articles L. 64 (CGI, ancien art. 1649 quinquies B) ; L. 64 A et L. 64 B du Livre des procédures fiscales et 1653 C et 1732 du Code général des impôts.
Article L. 64 du LPF. – Selon cet article, ne peuvent être opposés à l’Administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses :
- qui donnent ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;
- ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;
- ou qui permettent d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d’un contrat ou d’une convention.
L’Administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’obligation litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’Administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis rendus feront l’objet d’un rapport annuel.
Si l’Administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement[9].
Précisons que la procédure de répression des abus de droit définie à l’article précité est applicable au contrôle de l’impôt de solidarité sur la fortune[10].
Il est à noter également que ladite procédure n’est pas applicable lorsqu’un contribuable, préalablement à la conclusion d’un contrat ou d’une convention, a consulté par écrit l’Administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l’Administration n’a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande.
Article 1653 C du CGI. – En application de l’article 1653 C du CGI, le consultatif, prévu à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales comprend :
- un conseiller d’État, président ;
- un conseiller à la Cour de cassation ;
- un professeur des facultés de droit ;
- le directeur général des impôts.
Les trois premiers membres sont nommés par le ministre de l’économie et des finances qui désigne en outre un ou plusieurs agents supérieurs de la direction générale des impôts, pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.
La notion d’abus de droit a fait l’objet, en droit privé, au début du siècle, d’une célèbre controverse entre les tenants de la thèse de Planiol[11] selon lesquels il y a, dans cette notion, une contradiction de termes, car s’il y a abus, c’est qu’il n’y a pas de droit : « le droit cesse où l’abus commence », et les tenants de la thèse de Josserand[12] qui, distinguant le droit objectif et les droits subjectifs, estimaient qu’un acte peut être accompli dans les limites du droit subjectif dont est investi son auteur et, en même temps, se heurter aux principes du système juridique dans sa généralité.
A l’heure actuelle, le principe de l’abus de droit n’est plus contesté[13] ; mais curieusement, en droit civil, il n’a fait l’objet d’aucune reconnaissance législative, seuls quelques textes épars, tels les articles 348-6 du Code civil ou 32-1 du Nouveau Code de procédure civile évoquent cette notion, laissant à la jurisprudence le soin de sa mise en œuvre dans l’application de chaque droit subjectif particulier.
A cet égard, deux fondements sont communément avancés pour justifier le recours à l’abus de droit :
- le principe de la responsabilité civile : l’abus de droit se définit alors comme une faute dans l’exercice d’un droit, entraînant un droit à réparation ;
- le principe du détournement de pouvoir : l’abus de droit constitue alors un détournement de la finalité sociale du droit litigieux.
En droit fiscal, il existe un texte d’application général, l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales qui permet à l’Administration de restituer leur véritable caractère à certaines opérations qui, sous le couvert de contrats ou d’actes juridiquement licites et réguliers, aboutissent à déjouer la loi fiscale en empêchant, par une dissimulation juridique, ou par un détournement des lois, qu’apparaisse la nature véritable de ces opérations.
La nouvelle définition de l’abus de droit formulée par l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales est une codification de la jurisprudence antérieure.
Le Conseil d’Etat avait développé deux branches alternatives à l’abus de droit : l’abus de droit par simulation (fondé sur la fictivité des actes, et expressément prévu par l’ancien article L 64 du LPF), et l’abus de droit par fraude à la loi (de création jurisprudentielle, et fondé initialement sur le seul critère du but exclusivement fiscal de l’opération).
Ainsi, par un arrêt rendu en formation plénière du 10 juin 1981[14], le Conseil d’Etat avait abandonné sa jurisprudence selon laquelle, conformément à la lettre de l’article L 64 du LPF, la procédure de l’abus de droit n’était pas utilisable si l’administration ne relevait aucun acte fictif[15]. Il avait adopté une interprétation extensive du texte visant à considérer que l’abus de droit recouvrait non seulement les cas de fictivité juridique, mais également ceux de fictivité économique (ou fraude à la loi), lorsque l’opération avait été réalisée dans un but exclusivement fiscal.
Par un arrêt du 19 avril 1988[16], la Cour de cassation était revenue sur une décision antérieure dans laquelle elle avait jugé que l’abus de droit n’était caractérisé que si deux conditions cumulatives étaient à la fois réunies : la fictivité des actes et le but exclusivement fiscal de l’opération[17]. La Cour de cassation avait aligné sa position sur celle du Conseil d’Etat (arrêt du 10 juin 1981 précité) en retenant une alternative : une opération non fictive pouvait quand même constituer un abus de droit si elle avait pour but exclusif d’éluder l’impôt.
L’arrêt Janfin[18] avait eu un effet indirect sur la notion d’abus de droit. En effet, les pouvoirs reconnus à l’administration dans le cadre du principe général de répression de la fraude à la loi s’exerçaient exactement dans les mêmes hypothèses que celles visées par l’article L 64 du LPF. En premier lieu, l’administration fiscale pouvait toujours se fonder sur le principe général pour écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable, dès lors qu’elle établissait qu’ils avaient un caractère fictif. En second lieu, elle pouvait, de la même façon que pour l’article L 64 du LPF, écarter les actes qui n’avaient pu être inspirés par aucun motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. Dans ce dernier cas, l’arrêt Janfin précisait que les actes motivés par un but exclusivement fiscal devaient, en outre, avoir recherché le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Or le juge de l’impôt avait complété la définition de l’abus de droit, en l’alignant sur celle retenue pour l’application du principe général de fraude à la loi[19]. Ajoutant un second critère cumulatif à la constitution de l’abus de droit par fraude à la loi, il avait jugé qu’outre les actes à caractère fictif étaient visés les actes qui, d’une part, recherchaient le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et, d’autre part, n’avaient pu être inspirés par aucun motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.
La procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L 64 et L 64 A du livre des procédures fiscales était ainsi une procédure contradictoire qui permettait, au terme de cette évolution jurisprudentielle, d’écarter des actes juridiques dans les situations de fictivité juridique ou de fraude à la loi, c’est-à-dire lorsque ces actes avaient pour objectif la recherche d’un but exclusivement fiscal par le contournement de la norme.
Il est à remarquer que le terme « fraude à la loi » désignait donc les opérations qui présentaient un but exclusivement fiscal par application littérale de textes à l’encontre des objectifs de leurs auteurs, que ces opérations soient dans le champ de l’article L 64 du LPF (abus de droit par fraude à la loi) ou hors du champ de cet article (par application du principe général de répression de la fraude à la loi). Toutefois, il pouvait également être utilisé pour distinguer les deux bases légales invocables par l’administration : l’abus de droit (sur le fondement de l’article L. 64 du LPF) et le principe général de fraude à la loi (lequel s’appliquait non seulement aux opérations présentant un but exclusivement fiscal par le contournement de la norme, mais également aux actes fictifs).
L’article L. 64 du LPF n’interdit pas au contribuable de choisir pour l’exercice de son activité économique le cadre juridique qu’il juge le plus favorable du point de vue fiscal : lorsqu’une alternative est ouverte par le législateur, on ne peut reprocher à une entreprise d’adopter la solution la plus favorable à ses intérêts, sans par là même s’immiscer dans sa gestion[20].
Cependant, l’habileté fiscale ne doit pas dénaturer l’opération envisagée[21] : l’acte apparent ne doit pas, bien sûr, être fictif ou frauduleux, mais il ne doit pas, non plus, être volontairement morcelé sans raison autre que de réduire la charge fiscale.
En présence d’un acte juridique, l’Administration, en tant que tiers, peut invoquer la théorie de l’apparence pour taxer un contribuable sans que celui-ci ne puisse lui opposer la réalité des conventions restée cachée[22]; mais, elle peut également, à l’inverse, invoquer la théorie de l’abus de droit pour imposer l’acte caché.
A l’origine la procédure de répression des abus de droit s’est appuyée uniquement sur les principes généraux du droit fiscal et a été consacrée par une jurisprudence de la Cour de cassation fondée sur des arguments d’analogie avec les dispositions des articles 18 et 127 du Code général des impôts directs visant les cas de rectification d’office des déclarations des contribuables, mais aussi et surtout sur le principe que l’Administration est en droit de percevoir l’impôt d’après la nature réelle des actes[23].
Dans le but de faire échec, dans tous les cas, aux abus de droit et de confirmer et préciser les pouvoirs de l’Administration fiscale quant au rétablissement de la véritable nature des faits générateurs de l’impôt, la loi du 13 janvier 1941 (Ancien CGI directs, art. 156 quinquies, repris dans CGI ancien art. 244) a permis aux agents de l’Administration d’écarter, dans un certain nombre de cas définis, les apparences juridiques pour asseoir les impositions sur la réalité des faits.
Il résultait de l’article 244-1 du CGI que la procédure de répression des abus de droit ne concernait que le domaine des contributions directes et, dans ce domaine, seulement l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
L’article 41 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 est venu généraliser la procédure de l’abus de droit tant au plan de son champ d’application que de sa mise en œuvre, en transférant l’article 244-1 à l’article 1649 quinquies B du CGI (transféré en 1982 à l’article L. 64 du LPF) et l’article 244-2 à l’article 1653-C du CGI. Désormais, le dispositif de répression des abus de droit a une portée générale et s’applique à tous les impôts.
Cependant, cette généralisation est plus apparente que réelle dans la mesure où elle ne concerne pas les impôts locaux[24].
Dans son rapport publié à la Documentation française (juillet 1986), la Commission Aicardi, chargée par le Gouvernement de présenter des mesures favorisant les relations entre l’Administration et les citoyens, a présenté une proposition touchant la procédure de la répression des abus de droit, et qui constituait une sorte de compromis entre l’article 244 de 1941 et l’article 1649 quinquies B de 1963.
L’intervention – à l’initiative de l’Administration – d’un comité consultatif était prévue par la législation qui faisait dépendre le jeu de la preuve de l’avis de ce comité. Depuis de nombreuses années, l’Administration a renoncé à le réunir. Il est vrai qu’en conséquence, elle supporte la charge de prouver l’existence de l’abus. Mais les conséquences d’une telle procédure sont si graves – l’impôt redressé étant assorti d’une pénalité de 200 % – qu’il paraît nécessaire de l’encadrer de la manière suivante :
- l’intervention du comité serait obligatoire si le contribuable en fait la demande ;
- la procédure ne pourra être mise en œuvre qu’avec l’accord exprès d’un agent de grade élevé.
Ces propositions raisonnables ont été reprises par les articles 2-III et 14 de la loi du 8 juillet 1987 ramenant les pénalités à un taux plus faible (intérêts de retard de 0,75 % par mois plus une majoration de 80 %) et prévoyant que le contribuable pourra, tout comme l’Administration, saisir le comité consultatif, afin de mettre à la charge de celle-ci la preuve du bien-fondé du redressement.
Enfin, une procédure, dite du « rescrit fiscal » a été instituée. Le rescrit fiscal Un rescrit est un avis écrit de l’administration fiscale sur une demande qu’un contribuable formule. Il expose les conséquences fiscales de cette situation et assure ainsi au contribuable une sécurité fiscale.
Section III. – Régime juridique de la protection de répression des abus de droit
Comme évoqué plus haut, la procédure de l’abus de droit fiscal est une création jurisprudentielle. La Cour de cassation reconnaissant à l’administration dès 1867 le droit et le devoir de rechercher le véritable caractère des stipulations contenues dans les contrats pour asseoir les droits dus par les parties[25]. Cependant, c’est la loi du 13 janvier 1941 portant simplification, coordination et renforcement du Code général des impôts directs, qui est à l’origine de la procédure légale de l’abus de droit fiscal. Le texte, codifié à partir de 1950 à l’ancien article 2441 du CGI, rendait inopposable à l’administration toute opération dissimulant une réalisation ou un transfert de bénéfices ou de revenus.
La loi 63-1316 du 27 décembre 1963 a étendu le champ d’application de la procédure, (codifiée à l’ancien article 1649 quinquies B puis transférée à l’article L 64 du LPF en 1982), aux droits d’enregistrement et aux taxes sur le chiffre d’affaires.
Le décret codificateur 89-802 du 27 octobre 1989 pris en application de la loi 88-1149 du 23 décembre 1988 et la loi 2003-1312 du 30 décembre 2003 ont respectivement étendu le champ d’application de la procédure à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et à la taxe professionnelle (remplacée en 2010 par la contribution économique territoriale).
La procédure n’était applicable ni en matière d’impôts directs locaux (sauf pour la taxe professionnelle à compter de 2004)[26], ni en matière de taxes assises sur les salaires[27].
La procédure de répression des abus de droit ne s’appliquait pas à tous les aspects des impôts qui entraient dans son champ d’application. En matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés, les dispositions de l’article L 64 ne visaient qu’à réprimer des minorations d’assiette. Le Conseil d’Etat avait jugé que l’administration ne pouvait pas faire usage des pouvoirs qu’elle tenait de l’article L 64 du LPF lorsqu’elle entendait contester l’utilisation comme moyen de paiement de l’impôt dû d’un avoir fiscal, laquelle ne déguise ni la réalisation ni le transfert de bénéfices ou de revenus[28].
Précisons que selon l’Administration, les dispositions de l’article L. 64 concernaient exclusivement la procédure d’assiette de l’impôt[29].
Notons également que l’arrêt ne s’était pas contenté de rejeter les prétentions de l’administration au motif que l’utilisation de l’avoir fiscal comme moyen de paiement, n’entrait pas dans le champ de l’article L 64 du LPF. Il avait consacré le droit pour l’administration d’écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable en invoquant le principe général de répression de la fraude à la loi. Ce principe s’appliquait, en dehors du champ d’application de l’article L 64 du LPF, aux impôts non prévus par cet article et aux actes qui ne visaient pas en matière d’IR et d’IS à obtenir une minoration de l’assiette de l’impôt[30].
L’article L 64 du LPF et le principe général de répression de la fraude à la loi constituaient bien deux bases légales distinctes. Dès lors, l’administration n’avait nullement le choix dans la procédure à suivre, qui dépendait de la base légale. Si le redressement entrait dans le champ de l’article L 64 du LPF, l’administration devait respecter la procédure prévue par ces dispositions. En revanche, si le redressement n’entrait pas dans le champ de l’article L 64 du LPF, elle devait utiliser la procédure de droit commun de l’article L 55 du LPF, sans pouvoir transférer au contribuable la charge de la preuve. Elle pouvait toutefois procéder à une substitution de base légale en cours de procédure sous réserve de respecter les garanties procédurales attachées à la nouvelle base légale. (En pratique, l’administration qui avait à tort réalisé un rehaussement selon la procédure de l’article L 64 du LPF invoquait ultérieurement le principe de fraude à la loi).
La loi du 13 janvier 1941 prévoyait la saisine obligatoire d’un comité consultatif en cas d’abus de droit, l’avis conforme du comité faisant peser la charge de la preuve sur le contribuable. La loi du 27 décembre 1963 supprima le caractère obligatoire de la saisine du comité, et donna à l’administration seule la faculté de le saisir. Elle créa également une pénalité de 200 % des droits en cas d’abus de droit. La loi du 8 juillet 1987 ramena la pénalité spécifique pour abus de droit à 80 % des droits, et donna au contribuable la possibilité de saisir le comité consultatif. Elle institua un rescrit fiscal codifié à l’article L 64 B du LPF.
Aux termes de l’article L 64 B du LPF, la procédure de l’abus de droit n’est pas applicable lorsqu’un contribuable, préalablement à la conclusion d’un ou plusieurs actes, a consulté par écrit l’administration centrale de la DGFiP en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l’administration n’a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande. Cette mesure, parfois désignée sous le vocable de « rescrit », a pour objet d’assurer la sécurité fiscale au contribuable lorsque certaines conditions sont réunies.
La garantie instituée par l’article L 64 B du LPF trouve à s’appliquer lorsque la consultation de l’administration répond aux quatre conditions suivantes :
- la consultation de l’administration doit concerner la portée d’un ou plusieurs actes susceptibles d’être mis en cause dans le cadre de la procédure de l’abusde droit fiscal ;
- cette consultation doit être préalable à la conclusion de cet acteou de ces actes ;
- la demande doit être adressée par écrità l’administration centrale de la DGFiP ;
- la demande doit comporter tous les éléments utilespour apprécier la portée véritable de l’opération.
Si ces conditions sont satisfaites et que l’administration n’a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande, la procédure de l’abus de droit fiscal ne pourra pas être appliquée à cette opération.
En application du 1 du V de l’article 1754 du CGI, en cas d’abus de droit, l’intérêt de retard et la majoration de 80% prévue au b de l’article 1729 étaient dus solidairement par toutes les parties à l’acte. Par conséquent, l’administration n’était pas autorisée à réclamer à un contribuable contrôlé les pénalités (majoration pour abus de droit et intérêt de retard) qui résultaient de la procédure de répression des abus de droit dès lors que ce contribuable n’était pas partie à l’acte ou à la convention litigieux bien qu’en étant le bénéficiaire.
En ce qui concerne les sanctions applicables sur le fondement du principe général de répression de la fraude à la loi, le principe de légalité des délits et des peines faisait obstacle à ce que la répression de la fraude à la loi hors du champ de l’article L 64 du LPF soit assortie des pénalités spécifiques d’abus de droit de 80 % prévues par l’article 1729 du CGI. Cela étant, les montages constitutifs d’une fraude à la loi pouvaient être qualifiés de manœuvres frauduleuses et entraîner l’application des pénalités de 80 % également prévues à ce titre par l’article 1729.
Par l’article 35 de la loi 2008-1443 du 30 décembre 2008 (loi de finances rectificative pour 2008), le législateur a étendu le champ d’application de la procédure de l’abus de droit fiscal à tout impôt ou taxe, qu’il s’agisse de son assiette, de sa liquidation ou de son recouvrement. Il a également retenu dans le nouvel article L 64 du LPF une définition générale de l’abus de droit qui intègre la seconde branche de l’abus de droit – l’abus de droit par fraude à la loi – et actualise sa définition. Enfin, il a modifié les garanties du contribuable et les sanctions applicables en cas d’abus de droit.
Les dispositions relatives à la procédure de l’abus de droit fiscal s’appliquent aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009. Les dispositions concernant le comité entrent en vigueur le 1er janvier 2009 et le 1er avril 2009 concernant sa composition.
La fraude à la loi est désormais expressément prévue par l’article L 64 du LPF. Il existe cependant une différence entre la définition jurisprudentielle et la définition légale du nouveau critère de l’application littérale des textes à l’encontre des objectifs de leurs auteurs. En effet, alors que la jurisprudence faisait référence à l’application littérale des textes, le présent article vise l’application littérale des textes ou de décisions.
Le législateur a adopté le critère du but exclusivement fiscal retenu par le juge national, mais n’a pas retenu en revanche le critère du but essentiellement fiscal utilisé par le juge communautaire[31].
La procédure applicable à compter de 2009 étant le résultant d’une évolution législative et jurisprudentielle, de nombreuses décisions de justice rendues avant 2009 conservent tout leur intérêt. On y fait donc référence dans le cadre de la présente étude.
CHAPITRE II – LES PIRNCIPAUX TECHNIQUES JURIDIQUES DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE
Section I. – Donation de l’entreprise
Les conditions de validité communes aux donations et aux legs (consentement, capacité, etc.) dépassent le cadre de cette étude. Aussi, nous n’examinerons ici que les conditions de validité spécifiques aux donations. Il s’agit, sur le fond, du principe d’irrévocabilité spéciale et, quant à la forme, de la nécessité d’un acte authentique pour tous les actes portant donation.
Tous les contrats sont en principe irrévocables ; ils ne peuvent être détruits que par la volonté commune des parties (C. civ. art. 1134, al. 2). Mais les donations sont soumises à une irrévocabilité renforcée (dite « spéciale ») par le Code civil, qui fait de l’irrévocabilité une condition de validité des donations (C. civ. art. 894) et prohibe expressément un certain nombre de clauses (C. civ. art. 943 à 952). Cette règle d’irrévocabilité spéciale, souvent exprimée par la maxime « donner et retenir ne vaut » a pour objectif de protéger à la fois le donateur (en lui faisant prendre conscience de la portée et de l’importance de son acte) et le donataire (contre les pressions ou influences que pourrait exercer le donateur à son encontre).
Cependant, il est à préciser que le principe d’irrévocabilité des donations souffre d’exceptions :
- révocation pour inexécution des charges et conditions imposées au donataire ;
- révocation pour cause d’ingratitude ;
- révocation pour survenance d’enfant.
Sous peine de nullité, tout acte portant donation est obligatoirement notarié et doit être reçu en la forme solennelle, c’est-à-dire avec présence obligatoire du notaire (C. civ. art. 931).
En outre, les parties doivent signer la donation, sous peine également de nullité. En pratique, la présence effective des parties n’est pas obligatoire. Elles peuvent se faire représenter pour signer l’acte à leur place. Dans ce cas, la procuration, qui doit être suffisamment précise et explicite afin de bien spécifier la volonté des parties, doit respecter le même formalisme que la donation elle-même et être passée devant notaire. Une copie authentique de la procuration doit être annexée à l’acte de donation.
Il est à remarquer qu’en pratique, trois catégories de donations échappent au formalisme de l’article 931 du Code civil : les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées.
Pour qu’il y ait donation, il faut une acceptation du donataire (C. civ. art. 894). L’acceptation doit émaner du donataire lui-même, en raison du caractère intuitu personæ de la donation. Notamment, ni les héritiers ni les créanciers du donataire ne peuvent accepter à sa place.
Sauf pour les donations non notariées (don manuel, par exemple), l’acceptation doit être reçue sous forme d’acte notarié (parallélisme des formes). Cette acceptation doit être expresse : la donation n’engage le donateur, et ne produit effet, que du jour où elle est acceptée en termes exprès (C. civ. art. 932, al. 1).
Le plus souvent, l’acceptation figure dans l’acte de donation. Dans ce cas, la simple signature de l’acte par le donataire ne vaut pas acceptation expresse, mais il suffit en pratique de stipuler que le donataire accepte. Attention cependant à la rigueur du formalisme : la Cour de cassation rappelle régulièrement que, faute d’acceptation expresse de la donation par le donataire, l’acte est nul[32].
Sur le plan fiscal, c’est l’acceptation qui constitue le fait générateur des droits de donation. Dès lors, si l’acceptation est constatée dans un acte séparé, les droits de mutation à titre gratuit sont perçus au tarif en vigueur au jour de l’acceptation et sur la valeur des biens à cette même date[33].
Lorsque la donation a été acceptée, il y a transfert de la propriété du bien donné du donateur au donataire, sans aucune formalité et sans que soit nécessaire la tradition immédiate du bien donné (sauf pour le don manuel) (C. civ. art. 938).
Le donataire devient immédiatement propriétaire de la chose donnée et, à ce titre, supporte seul les risques (par exemple, de destruction ou de détérioration). Si le bien ne lui est pas immédiatement délivré, le donataire peut prendre des garanties ou mesures conservatoires à l’effet de garantir son droit sur le bien objet de la donation.
L’opposabilité aux tiers de la donation acceptée et du transfert de propriété est, en principe, immédiate. Cependant, les donations qui portent sur certains biens (immeubles, fonds de commerce, droits sociaux) ne sont opposables aux tiers qu’à compter de la date à laquelle sont effectuées certaines formalités de publicité.
Sauf cas de force majeure, le donateur est tenu d’une obligation de délivrance de la chose donnée (il faut mettre à part les dons manuels, dont la validité est subordonnée à la tradition réelle du bien). Si le bien donné n’est pas immédiatement délivré (par exemple, donation assortie d’un terme), le donataire est créancier d’une obligation de délivrance. L’obligation porte sur le bien objet de la donation et, le cas échéant, sur les fruits échus après la donation.
La délivrance peut être demandée par le donataire lui-même, mais aussi par ses héritiers ou ses créanciers (ces derniers par la voie oblique), au donateur lui-même ou aux héritiers de ce dernier.
En raison de l’intention libérale motivant la libéralité, il est de principe que le donateur ne doit ni la garantie d’éviction, ni la garantie des vices cachés. Le donateur doit seulement au donataire la garantie de son fait personnel (dol ou mauvaise foi). Cependant, le principe de non-garantie du donateur n’est pas d’ordre public ; les parties peuvent y déroger conventionnellement.
Sauf clause contraire, la donation n’emporte aucune obligation pour son bénéficiaire (mais son ingratitude peut entraîner la révocation de la donation. Si des charges ont été stipulées, le donataire est tenu de les exécuter, sauf à en demander la révision judiciaire ; à défaut, le donateur peut obtenir la révocation de la donation.
Les donations relèvent en principe du même régime fiscal que les successions, avec cependant des particularités.
Les droits de donation sont calculés sur la part de chaque donataire dans l’actif donné, après réintégration le cas échéant des donations consenties depuis moins de six ans au même donataire. Le calcul des droits de donation comporte l’application d’abattements, d’un tarif et de réductions de droits.
Les donations bénéficient de la plupart des abattements applicables aux droits de succession, qui sont communs aux droits de succession et aux droits de donation. C’est le cas pour les abattements :
- en ligne directe : abattement de 159 325 € en 2011 pour les donations consenties aux ascendants et aux enfants ;
- entre frères et sœurs (15 932 € en 2011) ou au profit des neveux et nièces (7 967 € en 2011) ;
- en faveur des handicapés : abattement de 159 325 € en 2011.
Les autres abattements prévus en matière de droits de succession (notamment l’abattement applicable à défaut d’autre abattement) ne s’appliquent pas aux droits de donation.
- Donation en ligne directe
Fraction de part nette taxable (donation faite en 2013) | Tarif applicable après abattement | Formule de calcul des droits
P = part nette taxable |
N’excédant pas 8 072 € | 5% | P x 0,05 |
Comprise entre 8 072 € et 15 931 € | 10% | (P x 0,1) – 404 € |
Comprise entre 15 932 € et 31 865 € | 15% | (P x 0,15) – 1 200 € |
Comprise entre 31 865 € et 552 324 € | 20% | (P x 0,2) – 2 793 € |
Comprise entre 552 324 et 902 838 € | 30% | (P x 0,3) – 58 026 € |
Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 € | 40% | (P x 0,4) – 148 310 € |
Au-delà de 1 805 677 € | 45% | (P x 0,45) – 238 594 € |
- Donation entre conjoints et partenaires pacsés
Fraction de part nette taxable (donation faite en 2013) | Tarif applicable après abattement | Formule de calcul des droits
P = part nette taxable |
N’excédant pas 8 072 € | 5% | P x 0,05 |
Comprise entre 8 072 € et 12 109 € | 10% | (P x 0,1) – 404 € |
Comprise entre 12 109 € et 15 932 € | 15% | (P x 0,15) – 1 009 € |
Comprise entre 15 932 € et 552 324 € | 20% | (P x 0,2) – 1 806 € |
Comprise entre 552 324 et 902 838 € | 30% | (P x 0,3) – 57 038 € |
Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 € | 40% | (P x 0,4) – 147 322 € |
Au-delà de 1 805 677 € | 45% | (P x 0,45) – 237 606 € |
- Donation entre ligne collatérale et non-parents
Fraction de part nette taxable (donation faite en 2013) – Sauf exonération | Tarif applicable après abattement | Formule de calcul des droits
P = part nette taxable |
N’excédant pas 24 430 € | 35% | P x 0,05 |
Au-delà de 24 430 € | 45% | (P x 0,1) – 404 € |
Comme les successions, les donations bénéficient des réductions de droits pour charges de famille ainsi que de la réduction prévue en faveur des mutilés de guerre. Elles bénéficient aussi et surtout de réductions de droits spécifiques, liées à l’âge du donateur.
D’un montant significatif, ces réductions sont destinées à encourager les transmissions anticipées de patrimoine. Pour cette raison, leur taux est d’autant plus élevé que le donateur est jeune. Des règles différentes s’appliquent cependant selon que les biens donnés le sont ou non en pleine propriété. Les réductions de droits liées à l’âge du donateur s’appliquent quelle que soit la forme de la donation. En ce qui concerne l’ordre des réductions d’impôt, la réduction liée à l’âge du donateur s’applique après les réductions pour charges de famille ou en faveur des mutilés de guerre.
Les donations en pleine propriété et les donations d’usufruit bénéficient d’une réduction de droits de (CGI art. 790, II) :
- 50 % lorsque le donateur a moins de 70 ans ;
- 30 % lorsque le donateur a de 70 à 79 ans.
Aucune réduction n’est applicable si le donateur a 80 ans ou plus.
Les conséquences de la donation diffèrent selon que celle-ci porte sur une entreprise individuelle ou sur les parts ou actions d’une société constituée pour exercer l’activité.
La donation de l’entreprise individuelle emporte cessation d’entreprise et déclenche en principe les mêmes impositions que la vente.
La donation bénéficie de l’exonération totale ou partielle des plus-values prévue par l’article 238 quindecies du CGI lorsque la valeur du fonds transmis n’excède pas un certain montant (n° 57750 s.). Si les conditions de cette exonération ne sont pas réunies, les plus-values dégagées par la donation peuvent néanmoins échapper en tout ou partie à l’impôt lorsque les recettes de l’exploitation n’excèdent pas les limites fixées à l’article 151 septies du CGI.
L’exploitant qui ne peut prétendre aux régimes d’exonération en fonction de la valeur du fonds ou du montant des recettes, ou qui ne se satisfait pas d’une exonération partielle, peut se placer sous le régime de report d’imposition prévu à l’article 41 du CGI, qui se transformera en exonération définitive si l’activité est poursuivie par le ou l’un des donataires pendant au moins cinq ans.
- Société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes
En application du principe général selon lequel le résultat réalisé par une société de personnes au cours d’un exercice est imposable entre les mains des seuls associés présents à la clôture de l’exercice, la fraction des bénéfices réalisés au cours de la période écoulée entre le début de l’exercice et la date de la donation est imposable au nom du donataire au même titre que la fraction des bénéfices réalisés entre la date de la donation et la clôture de l’exercice, sans qu’une part quelconque de ces bénéfices puisse être rattachée aux revenus du donateur.
La plus-value constatée sur ses parts par le donateur exerçant son activité professionnelle au sein de la société peut bénéficier du dispositif de report d’imposition, puis d’exonération définitive à l’issue d’un délai de cinq ans, prévu à l’article 151 nonies, II du CGI.
- Société soumise à l’impôt sur les sociétés
Les donations de parts ou actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ne font naître aucune plus-value imposable, seules étant taxables les mutations à titre onéreux.
Les donations n’ont pas de conséquence directe en matière d’ISF. Quelques remarques peuvent toutefois être faites :
- si la donation est réalisée avec réserve d’usufruit, le donateur devenu usufruitier restera imposable sur la pleine propriété du bien ;
- la donation de titres de sociétés peut avoir pour conséquence la remise en cause d’un régime de faveur antérieurement obtenu.
Section II. – Cession de parts sociales ou d’actions
Conformément au droit commun des contrats, chaque partie doit avoir valablement donné son consentement à la cession, ce qui suppose que le consentement ait été donné en connaissance de cause et librement ; tel n’est pas le cas s’il a été donné par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol (C. civ. art. 1109).
L’erreur et le dol sont les vices du consentement les plus fréquemment invoqués. Dans le premier cas, l’intéressé (qui peut être tant l’acquéreur que le cédant, même si cette hypothèse est plus rare en pratique) s’est trompé tandis que, dans le second cas, il a été trompé. Ces vices du consentement trouvent leur fondement et leurs limites dans l’obligation du cédant d’informer l’acquéreur et l’obligation corrélative de ce dernier de s’informer. En cas de cession de l’intégralité des titres ou d’un bloc de contrôle, les pourparlers et surtout les audits réalisés avant la cession ont en principe permis à l’acquéreur de prendre connaissance de la situation de la société dont les titres sont cédés.
En ce qui concerne le prix, les parties peuvent l’exprimer sous forme d’une somme d’argent ou d’une autre contrepartie. Est ainsi valable la cession de la quasi-totalité des actions d’une SA moyennant la prise en charge du passif de la société sans limitation ni recours[34], ou la clause mettant à la charge du cessionnaire des actions les dommages-intérêts auxquels le cédant pourrait être condamné pour les fautes qu’il aurait commises dans l’accomplissement de son mandat d’administrateur et de président de la société[35].
Il est à préciser cependant que la cession de droits sociaux peut être soumise à l’agrément de l’acquéreur par les autres associés. L’agrément peut être d’origine légale, statutaire ou extra statutaire. Il peut exister dans tous les types de sociétés. Il est obligatoire dans les sociétés dites fermées, c’est-à-dire dominées par l’intuitu personae (SARL, SNC, SCS), mais il peut également se rencontrer dans les sociétés par actions où les titres sont en principe librement négociables.
La cession de parts sociales entraîne transfert de la propriété de celles-ci dès l’échange des consentements ou à la date convenue par les parties. En effet, sauf convention contraire, la propriété est acquise de droit par l’acquéreur à l’égard du cédant dès l’accord des parties sur la chose et sur le prix, même si le prix n’a pas été payé.
En ce qui concerne les actions, qu’elles soient nominatives ou au porteur, elles se transmettent de la même manière, par simple virement de compte à compte (Décret 83-359 du 2-5-1983 art. 2). Le transfert de propriété résulte de l’inscription des actions au compte de l’acquéreur, à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à la société émettrice (C. com. art. L 228-1, al. 9 et R 228-10). En l’absence de précisions réglementaires sur ce point, la notification peut s’effectuer par tous moyens mais les parties ont intérêt à se ménager la preuve de celle-ci. A défaut d’inscription, le transfert de propriété n’a pas lieu[36].
En application du droit commun de la vente, le cédant de parts sociales ou d’actions est tenu de délivrer celles-ci à l’acquéreur (C. civ. art. 1603 et 1604), sous peine de résolution de la cession (C. civ. art. 1610). Cette obligation suppose en matière de droits sociaux que le cédant mette l’acquéreur en mesure de faire reconnaître sa qualité d’associé et d’exercer les droits y afférents. Pour les cessions d’actions, la délivrance est réalisée par l’inscription des actions au compte de l’acquéreur à la date fixée par les parties et notifiée à la société émettrice.
Et comme pour toute vente, le cédant doit garantir la jouissance paisible des parts ou actions cédées (C. civ. art. 1625), ce qui lui interdit de troubler lui-même cette jouissance. Cette garantie, dite du fait personnel du cédant, est due à l’acquéreur même si l’acte de cession ne la prévoit pas et elle ne peut pas être écartée par une clause contraire (art. 1626 et 1628).
Conformément au droit commun de la vente (C. civ. art. 1650), la principale obligation de l’acquéreur est de payer le prix au jour et au lieu fixés par l’acte de cession. A défaut, le cédant peut demander la résolution de la cession (C. civ. art. 1654).
Remarquons cependant, que l’acquéreur peut prendre divers engagements conventionnels à l’égard du cédant, qui peuvent notamment porter sur le remboursement du compte courant du cédant et la reprise des garanties que celui-ci a précédemment données pour le règlement des dettes sociales. Dans l’hypothèse d’une cession ne portant pas sur l’intégralité des titres détenus par le cédant, l’acquéreur peut s’engager sur le sens de son vote lors des assemblées générales par une convention de vote. L’acquéreur peut aussi s’engager sur le maintien du cédant au sein de la société. En effet, le savoir-faire du cédant et la qualité de ses relations avec les clients ou les fournisseurs peuvent être des éléments importants pour l’activité sociale, surtout dans une PME. Ce maintien peut être envisagé sous forme de contrat de tutorat ou de prestations de services, d’une promesse de contrat de travail ou de mandat social.
Les cessions de parts et actions donnent lieu, en règle générale, au paiement de droits d’enregistrement dont le montant, fixé par l’article 726 du CGI, varie selon la nature des titres cédés.
Qu’elles soient ou non constatées par un acte, les cessions d’actions de sociétés non cotées sont soumises à un droit de 3 % plafonné à 5 000 € par mutation (CGI art. 726, I-1°). Il ne peut être perçu moins de 25 € à titre de minimum de perception (CGI art. 674). Le même régime s’applique aux cessions de parts de fondateurs et de parts bénéficiaires de sociétés non cotées. En revanche, la cession d’actions de sociétés non cotées à prépondérance immobilière est soumise à un droit de 5 % sans plafonnement.
Les cessions de parts sociales (parts de SARL, SNC, etc.) sont, en règle générale, soumises à un droit de 3 % calculé sur le prix de vente défini n° 61320 s. diminué d’un abattement.
Ce régime de taxation de droit commun ne s’applique pas aux opérations suivantes :
- cessions de parts de sociétés non passibles de l’impôt sur les sociétés représentatives d’apports en nature réalisés depuis moins de trois ans;
- cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière.
A compter du 1er janvier 2012, le droit d’enregistrement sur les cessions d’actions, déplafonné, se calcule selon un barème dégressif et s’applique aux cessions passées à l’étranger. Certaines cessions d’actions ou de parts sociales sont par ailleurs exonérées.
L’assiette du droit de 3 % est réduite d’un abattement égal, pour chaque part sociale, au rapport entre 23 000 € et le nombre total de parts de la société. Cet abattement s’applique à chaque cession en cas de cessions successives des mêmes parts. L’abattement de 23 000 € est pratiqué sur l’assiette des droits au prorata du pourcentage de parts sociales cédées selon la formule suivante :
Abattement (en euros) = (nombre de parts cédées × 23 000 €) / nombre total de parts sociales.
Ainsi, seule la cession de la totalité des parts sociales de la société ouvre droit à la totalité de l’abattement de 23 000 €.
Les plus-values réalisées par un particulier à l’occasion de la cession de droits sociaux dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé sont soumises au régime des plus-values mobilières privées prévu aux articles 150-0 A à 150-0 E du CGI.
Précisons que la plus ou moins-value est calculée par différence entre le prix de cession des titres et leur prix d’acquisition (CGI art. 150-0 D).
Pour les cessions réalisées depuis le 1er janvier 2011, ces plus-values sont taxées à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % (31,3 % avec les prélèvements sociaux), quel que soit le montant annuel des cessions réalisées par le foyer fiscal.
Lorsqu’un associé personne physique exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes visée à l’article 8 du CGI dont les bénéfices sont soumis en son nom à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels ou commerciaux (SNC, SARL de famille, EURL, par exemple), ses parts sociales sont considérées fiscalement comme des éléments d’actif affectés à l’exercice de sa profession (CGI art. 151 nonies, I). Il en résulte que les plus-values (ou moins-values) consécutives à la cession de ces parts sont soumises au régime des plus et moins-values professionnelles à court terme et à long terme.
Le montant de l’impôt dû dépend de la durée de détention des parts cédées.
Si les parts cédées sont détenues depuis au moins deux ans à la date de cession, la plus-value réalisée est à long terme et bénéficie du taux réduit d’imposition de 16 % auquel s’ajoutent 15,5% de prélèvements sociaux.
Si les parts ont été détenues pendant moins de deux ans, la plus-value est soumise au régime des plus-values à court terme et taxable au taux progressif de l’impôt sur le revenu, avec toutefois une possibilité d’étalement de l’imposition sur trois ans lorsque l’associé ne cède qu’une partie de ses parts et continue à exercer une activité au sein de la société (le montant de la plus-value est alors rattaché, par fractions égales, aux revenus de l’année de sa réalisation et des deux années suivantes). En revanche, aucune répartition n’est possible en fin d’activité. Dans cette hypothèse, la plus-value est immédiatement imposable mais l’associé peut bénéficier du système du quotient prévu à l’article 163-0 A du CGI
PARTI II – LES DIFFERENTES TECHNIQUES D’OPTIMISATION FISCALE DE LA TRANSMISSION D’ENTREPRISE
Le chef d’entreprise qui envisage de céder à un tiers les titres qu’il détient dans sa société d’exploitation peut être amené à réaliser certaines opérations avant la cession afin de minimiser le coût fiscal de celle-ci, notamment en termes de plus-values. Apport, donation ou délocalisation avant cession.
CHAPITRE I – APPORT PREALABLE DES TITRES SOCIAUX AVANT CESSION
L’objectif recherché est de placer la plus-value acquise sur les titres sous le régime du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI. En application de ce dispositif, les plus-values constatées à l’occasion de certaines opérations d’échange de titres réalisées depuis le 1er janvier 2000, notamment lors de l’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, bénéficient d’un sursis d’imposition qui s’applique automatiquement. Grâce à ce mécanisme de sursis, la plus-value d’échange est neutralisée : l’opération d’apport est considérée comme une opération intercalaire qui, au titre de l’année d’échange, n’est pas retenue pour l’établissement de l’impôt sur le revenu.
La prise en compte de cette plus-value est différée jusqu’à la cession ultérieure (ou encore le rachat, le remboursement ou l’annulation) des titres reçus en échange, dans les conditions exposées ci-après n° 93080. En revanche, la cession par la société bénéficiaire de l’apport des titres qui lui ont été apportés n’est pas de nature à mettre fin au sursis d’imposition de la plus-value d’échange.
Enfin, la plus-value en sursis est définitivement exonérée en cas de transmission à titre gratuit des titres reçus en échange.
Les plus-values d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés contrôlée par l’apporteur sont exclues du régime de sursis d’imposition, mais font l’objet d’un report d’imposition prenant fin notamment en cas de cession des titres par la société bénéficiaire de l’apport dans un délai de trois ans à compter de l’apport, sauf réinvestissement économique d’au moins 50 % du produit de la cession dans un délai de deux ans à compter de cette dernière[37].
Section II. – Conditions d’application du report d’imposition et opération entraînant la fin ou le maintien du report
L’apporteur peut être indifféremment une personne physique ou une personne morale, si cette dernière relève de l’impôt sur le revenu en application de l’article 8 du CGI.
En tout état de cause, l’apporteur doit agir dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé, soit directement soit au travers d’une personne interposée (société holding translucide notamment) et la plus-value réalisée doit relever des dispositions des articles 150-0 A et suivants du CGI.
Les plus-values d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés contrôlée par l’apporteur sont exclues du régime de sursis d’imposition, mais font l’objet d’un report d’imposition prenant fin notamment en cas de cession des titres par la société bénéficiaire de l’apport dans un délai de trois ans à compter de l’apport, sauf réinvestissement économique d’au moins 50 % du produit de la cession dans un délai de deux ans à compter de cette dernière.
L’apport de titres doit être effectué, selon l’article 150-0 B du CGI, au profit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés c’est-à-dire, selon l’administration, à une société qui entre, de plein droit ou sur option, dans le champ d’application de cet impôt sans en être exonérée de façon permanente par une disposition particulière.
La société bénéficiaire de l’apport peut être une société dont le siège est établi en France ou hors de France, sous réserve dans ce dernier cas que l’Etat dans lequel l’opération se déroule soit un Etat de l’Union européenne ou un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative et que la société soit assujettie dans cet Etat à un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés.
Le sursis d’imposition s’applique aux apports en pleine propriété ainsi qu’aux apports de titres détenus en usufruit ou en nue-propriété. Il n’y a pas lieu de distinguer selon que les titres reçus en échange sont eux-mêmes reçus en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété[38].
En cas d’apport avec soulte, cette dernière ne doit pas excéder 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Cette condition s’apprécie au niveau de chaque contribuable concerné. Il convient dès lors de comparer globalement, pour l’ensemble des titres qu’il a échangés, la soulte reçue avec la somme de la valeur nominale des titres reçus[39].
Lorsque la condition relative à l’importance de la soulte est remplie, l’opération d’échange ouvre droit au sursis d’imposition y compris en ce qui concerne le montant de la soulte reçue qui n’est donc pas imposé immédiatement. En cas de cession ultérieure des titres reçus en échange, le montant de la soulte reçue est pris en compte pour la détermination du prix d’acquisition des titres remis à l’échange (CGI art. 150-0 D, 9).
Section III. – Mise en œuvre de l’optimisation
Le schéma d’apport-cession nécessite un apport préalable des titres de la société destinée à être cédée à une société soumise à l’IS, afin de permettre l’application du sursis de l’article 150-0 B du CGI à la plus-value d’apport. L’apport est généralement réalisé lors de la constitution de la société bénéficiaire créée ad hoc, mais le schéma pourrait tout aussi bien s’opérer dans le cadre d’une augmentation de capital d’une société préexistante, pourvu qu’elle soit soumise à l’IS au moment de l’apport.
A ce stade, on notera que le choix de la forme de la société bénéficiaire de l’apport importe peu, même si les SAS et les sociétés civiles sont les sociétés le plus souvent utilisées du fait de leur grande liberté statutaire.
Une fois l’apport effectué, la société bénéficiaire de l’apport a vocation à céder les titres reçus à plus ou moins brève échéance, cette opération ne remettant pas en cause le sursis d’imposition obtenu sur la plus-value d’apport et se traduisant :
- par l’absence de plus-value de cession, lorsque les titres sont cédés au tiers repreneur pour une valeur égale à celle retenue pour l’apport (hypothèse où les opérations d’apport et de cession sont réalisées à brève échéance) ;
- dans l’hypothèse où les titres sont cédés quelque temps après l’apport pour une valeur supérieure à celle retenue dans l’acte d’apport, par l’application à la plus-value de cession déterminée par différence entre ces deux valeurs du régime prévu à l’article 219, I-a quinquies du CGI si les titres ont été conservés pendant au moins deux ans (régime prévoyant l’exonération des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation, sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession) ou de l’imposition au taux de droit commun si les titres n’ont pas été classés comme titres de participation ou en cas de cession moins de deux ans après un tel classement.
Le sursis permet, on l’a vu, de différer l’imposition de la plus-value d’échange jusqu’à la cession ultérieure, ou encore le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres reçus en échange. La plus-value réalisée lorsqu’intervient un tel événement mettant fin au sursis est alors calculée à partir du prix (ou de la valeur) d’acquisition des titres remis à l’échange majoré ou diminué le cas échéant de la soulte versée ou reçue. Cette plus-value peut, si les conditions en sont remplies, bénéficier de l’abattement pour la durée de détention prévu à l’article 150-0 D bis du CGI ou, en cas de départ à la retraite de l’apporteur, à l’article 150-0 D ter. Le point de départ à prendre en compte pour le décompte de la durée de détention est le 1er janvier de l’année d’acquisition ou de souscription des titres remis à l’échange (ou le 1er janvier 2006 pour l’application de l’abattement prévu par le dispositif général, l’année d’acquisition de souscription des titres est antérieure à 2006).
En cas de transmission par donation ou par décès des titres reçus en échange, la plus-value en sursis est définitivement exonérée[40].
CHAPITRE II – DONATION DES TITRES SOCIAUX AVANT CESSION
La donation avant cession permet d’« effacer » la plus-value sur les biens transmis.
Lorsque le chef d’entreprise envisage de transmettre une partie de ses biens à ses enfants à l’occasion de la cession de son entreprise (par hypothèse constituée en société dont les titres relèvent de son patrimoine privé), il peut envisager une opération en deux temps : céder les titres de la société puis donner aux enfants les fonds correspondant au prix de cession. Dans ce cas, l’opération subit une double taxation :
- la plus-value réalisée à l’occasion de la cession des titres est imposée dans les conditions exposées ci-dessus, soit, sauf exonération, au taux global de 31,3 % ;
- la donation aux enfants de l’argent provenant de la cession est soumise aux droits de mutation à titre gratuit, au barème progressif de l’article 777 du CGI.
Pour éviter cette double taxation, il est judicieux d’inverser l’ordre des mutations : le chef d’entreprise consent une donation de tout ou partie de ses titres à ses enfants avant la cession. Les conséquences fiscales de l’opération diffèrent selon que la donation des titres est réalisée en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit et, dans ce dernier cas, selon que le prix de cession est ou non réparti entre les titulaires des droits démembrés.
L’opération de donation avant cession peut répondre à trois objectifs patrimoniaux principaux :
- transmettre à titre gratuit une partie de son patrimoine. Sous cet aspect, la « purge » de la plus-value contribue à augmenter l’émolument final des donataires ;
- contrôler la gestion des titres et des fonds par les donataires, notamment en stipulant diverses clauses relatives à l’emploi des fonds en cas de cession des titres. Par-là, ces clauses montrent que l’opération de donation avant cession s’inscrit bien plus dans une perspective de transmission patrimoniale que dans un objectif purement fiscal ;
- continuer à percevoir des revenus, notamment par le biais d’une réserve d’usufruit.
Section II. – Conditions de l’optimisation
Pour que le schéma d’optimisation produise ses effets, il est nécessaire :
- que la donation intervienne avant la cession,
- que la donation soit irrévocable.
Pour substituer les droits de mutation à titre gratuit à l’impôt sur les plus-values, il est impératif que la donation ait lieu avant la cession. Quelle est alors la date à laquelle la cession est considérée comme parfaite ? En application de l’article 1583 du Code civil, il y a transfert de propriété, et donc vente, lorsque les parties sont convenues de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé (C. civ. art. 1583).
Les donations sont soumises à une irrévocabilité renforcée par le Code civil, qui fait de l’irrévocabilité une condition de validité des donations (C. civ. art. 894) et prohibe expressément un certain nombre de clauses (C. civ. art. 943 à 952). « Donner et retenir ne vaut » : par la donation, le donateur se dépouille définitivement du bien donné et il ne faut pas qu’il se le réapproprie sous quelque forme que ce soit.
Tirant les conséquences fiscales de cette analyse, le juge administratif qualifie d’abus de droit la donation-partage de droits sociaux suivie de leur cession par les donataires puis du reversement d’une partie du prix de cession au donateur, ce dernier n’ayant souhaité qu’échapper à la taxation de la plus-value[41].
De l’examen des clauses compatibles et incompatibles avec l’irrévocabilité de la donation, on retiendra notamment que le donateur ne peut, ni se réserver le droit de disposer de la chose donnée, ni obliger le donataire à payer ses dettes futures. Parmi les clauses qui peuvent être insérées dans l’acte de donation afin de contrôler la gestion du donataire, figure en bonne place la clause de réserve d’usufruit. Le donateur peut également insérer dans l’acte de donation une clause d’autorisation d’aliéner sous condition d’emploi. Il s’agit d’une stipulation par laquelle il autorise le donataire à céder le bien, à la condition que le prix de cession soit remployé dans un bien déterminé. Le donateur conserve ainsi une certaine maîtrise sur le patrimoine donné, en imposant le type de réinvestissement en cas d’aliénation du bien donné. Il reste qu’une telle clause peut éveiller le soupçon de réappropriation par le donateur du bien donné.
Section III. – Mise en œuvre de l’optimisation
Dans l’hypothèse où un ou plusieurs enfants envisagent de reprendre l’entreprise, c’est un véritable LBO familial, encore appelé Family Buy Out (FBO), que l’on peut mettre en place.
La première étape consiste, pour le chef d’entreprise, à conclure avec d’autres associés un engagement collectif de conservation des titres d’une durée de deux années et portant sur au moins 34 % du capital. L’intérêt de l’opération est de bénéficier, lors de la transmission des titres aux enfants, d’une exonération partielle de droits de donation : les titres ayant fait l’objet de l’engagement collectif et pour lesquels un engagement individuel de conservation pendant quatre années supplémentaires sera pris par les donataires ne seront imposés que sur 25 % de leur valeur.
Tous les enfants ne souhaitent pas participer à la vie sociale de l’entreprise, ne serait-ce qu’en qualité de simple associé. Or, on l’a vu (n° 93382), le bénéfice de l’exonération partielle de droits de donation est notamment subordonné à ce que chaque donataire s’engage à conserver les titres reçus pendant un certain délai.
Si le chef d’entreprise entend maintenir l’égalité entre ses enfants sans donner d’autres biens que les titres, il peut procéder par voie de donation-partage avec soulte : l’enfant repreneur est alloti de tous les droits sociaux, à charge pour lui de verser une soulte à ses frères et sœurs. L’intérêt de ce procédé est de permettre l’exonération partielle de tous les titres donnés, puisque seul l’enfant alloti des titres souscrit l’engagement individuel de conservation[42].
Le plus souvent, l’enfant repreneur ne dispose pas de suffisamment de liquidités pour payer la soulte mise à sa charge. On pourrait songer à lui faire souscrire un emprunt personnel pour s’acquitter de cette charge, lequel emprunt serait remboursé grâce aux dividendes versés par l’entreprise. Mais ce procédé doit être déconseillé. Les dividendes perçus seront en effet soumis à l’impôt sur le revenu, soit au barème progressif, soit au prélèvement forfaitaire libératoire, de sorte que la capacité de remboursement de l’emprunt s’en trouvera diminuée d’autant. Aussi est-il plus judicieux que l’enfant repreneur procède à un apport à titre onéreux des titres à une société holding. L’intérêt de ce procédé est de permettre le règlement de la soulte par la société holding, laquelle dispose d’une capacité de remboursement d’autant plus importante que les dividendes qu’elle reçoit de la société d’exploitation ne subissent qu’une imposition très faible (de l’ordre de 1,67 %), en application du régime mère-fille.
PARTI III – CONTOURS DE L’ABUS DE DROIT FISCAL EN MATIERE DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE
CHAPITRE I – L’APPORT-CESSION FACE A L’ABUS DE DROIT FISCAL
La technique de l’apport-cession permet, nous venons de le voir, au chef d’entreprise qui entend céder son affaire de se placer sous le régime du sursis d’imposition à raison de la plus-value d’apport, et à la société bénéficiaire de disposer à son actif, après la vente des titres apportés, de liquidités qui n’ont pas ou n’ont que peu subi l’impôt sur les sociétés.
Par le passé, l’administration fiscale a tenté à de nombreuses reprises de contester ce type d’opérations, lorsqu’elles étaient réalisées sous le mécanisme du report d’imposition des anciens articles 92 B, II et 160, I ter du CGI applicables jusqu’au 1er janvier 2000 (mécanisme remplacé depuis cette date par le sursis de l’article 150-0 B du CGI). Pour procéder à la requalification de ces opérations, l’administration a successivement invoqué l’abus de droit puis la fraude à la loi.
Section II. – Définitions et enjeux
Dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 31 décembre 2008, l’article L 64 du LPF relatif à l’abus de droit disposait que : « Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses :
- a) qui donnent ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;
- b) ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;
- c) ou qui permettent d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d’un contrat ou d’une convention ».
La loi 2008-1443 du 30 décembre 2008, en son article 35, a redéfini la notion d’abus de droit régie par l’article L 64 du LPF pour y intégrer la notion de fraude à la loi. C’est ainsi que depuis le 1er janvier 2009 : « afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».
Les sanctions applicables en cas d’abus de droit sont lourdes : outre l’application de l’intérêt de retard de l’article 1727 du CGI, une majoration égale à 80 % des droits rappelés est mise à la charge du contribuable lorsqu’il est établi que celui-ci a été le principal initiateur ou le principal bénéficiaire des actes abusifs (40 % lorsque cette preuve n’est pas apportée).
Sous le régime du sursis prévu à l’article 150-0 B du CGI, le Conseil d’Etat a jugé que l’opération d’apport-cession de titres peut être remise en cause par l’administration fiscale sur le fondement de l’abus de droit lorsqu’elle a pour seule finalité de permettre à l’apporteur, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres ; l’abus de droit doit en revanche être écarté lorsque la société bénéficiaire de l’apport a réinvesti le produit de la cession dans une activité économique[43]. Dans sa jurisprudence antérieure rendue sous l’ancien régime de report d’imposition des articles 92 B, II et 160, I ter du CGI, le Conseil d’Etat avait précisé que le réinvestissement dans une activité économique devait intervenir dans un délai raisonnable et qu’il devait porter sur une part « significative » du produit de la cession[44]. Jugé également que n’est pas constitutif d’un abus de droit l’apport-cession de titres ayant bénéficié du report d’imposition des plus-values d’apport, alors même que la société bénéficiaire de l’apport n’a pas réinvesti une part du produit de la cession dans une activité économique à la date du contrôle, dès lors qu’elle a donné mandat à un cabinet d’audit six mois après la vente des titres afin de procéder à ce réinvestissement, que ce délai n’est pas anormal eu égard à l’importance tant de l’investissement que du changement de secteur d’activité envisagé, et que des circonstances (indépendantes de sa volonté) ont conduit à l’interruption du processus d’acquisition[45].
Sous le régime du report prévu à l’article 150-0 B ter du CGI, le réinvestissement économique est désormais imposé par le dispositif légal lui-même, défini et encadré. En cas de manquement à la condition de réinvestissement, la plus-value d’apport deviendra imposable sans que l’administration ait à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit.
Le texte légal ne reprend pas la condition fixée par la jurisprudence précitée d’absence de mise à disposition de l’apporteur des liquidités obtenues lors de la cession des titres. Il nous paraît toutefois primordial que l’apporteur ne puisse être considéré comme s’étant réapproprié tout ou partie du produit de la vente. Si l’opération devait se traduire, d’une manière ou d’une autre, par une réappropriation du prix de cession, l’administration pourrait en effet être tentée d’agir sur le fondement de l’abus de droit. Les distributions massives de dividendes et autres réductions de capital non motivées par des pertes consécutivement à la cession sont donc à éviter par prudence, quand bien même la société aurait procédé au réinvestissement de 50 % du produit de cession.
CHAPITRE II. – DONATION DES TITRES AVANT CESSION ET ABUS DE DROIT
On l’a vu, l’administration peut écarter comme ne lui étant pas opposables les actes constitutifs d’un abus de droit, soit qu’ils aient un caractère fictif, soit qu’ils n’aient pu être inspirés par aucun motif autre que fiscal.
S’agissant des opérations de donation avant cession, les éléments suivants ont pu être retenus par l’administration comme de nature à justifier la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit :
- la concomitance des opérations ;
- la réappropriation des biens donnés par le donateur.
Section I. – Concomitance des opérations
L’administration est souvent tentée de remettre en cause l’opération en se fondant sur le délai écoulé entre la donation et la cession effective qui serait insuffisant et qui constituerait donc une preuve du caractère exclusivement fiscal des motivations des parties.
On peut se demander quelle durée minimale serait selon l’administration nécessaire : une semaine, un mois, un an, deux ans ? On voit toute la part d’arbitraire qu’il y aurait à fixer un délai en la matière.
Aucun texte d’ordre législatif ou réglementaire ne prévoit d’ailleurs un délai pour rendre la donation opposable à l’administration. Précisons que la tentative effectuée par le législateur pour fixer à 18 mois la durée à respecter entre les deux opérations de donation et de cession a été censurée par le Conseil constitutionnel, au motif précisément que le critère de la durée est à lui seul insuffisant pour qualifier un abus.
La jurisprudence du Conseil d’Etat est dans le même sens, qui estime que la rapidité avec laquelle intervient la revente des actions par les donataires est sans incidence par elle-même quant au caractère de cette donation[46].
Section II. – Réappropriation des biens donnes par le donateur
Il y a à l’évidence abus de droit lorsque le donateur est le véritable bénéficiaire du prix de cession, qu’il l’encaisse directement ou que le donataire le lui reverse.
Ainsi le Comité consultatif pour la répression des abus de droit (devenu depuis le Comité de l’abus de droit fiscal) a-t-il eu l’occasion de condamner plusieurs donations avant cession manifestement dépourvues d’intention libérale, les parents donateurs ayant directement encaissé le prix de cession sur leurs comptes bancaires personnels, sur le compte d’une société contrôlée par eux ou encore sur des comptes indivis parents/enfants avant réinvestissement dans la souscription de contrats de capitalisation au nom des seuls parents[47].
En ce sens également, il a été jugé :
- qu’est constitutive d’un abus de droit la donation-partage de droits sociaux suivie de leur cession par les donataires puis du reversement d’une partie du prix de cession au donateur[48];
- que doit être considérée comme fictive la donation-partage de la nue-propriété de titres intervenue la veille de leur cession dès lors que : les cédants n’avaient pu justifier d’un pouvoir de leurs enfants ayant date certaine les autorisant à céder également la nue-propriété des actions alors même que ceux-ci ne figuraient pas dans l’acte de vente ; les documents bancaires relatifs au placement du produit de la vente ne permettaient pas d’individualiser les droits attachés à la nue-propriété et d’établir leur mise à disposition des donataires ; aucun document n’attestait que des chèques émis au bénéfice des héritiers en règlement des droits de nue-propriété aient été encaissés par eux[49].
En l’absence de réappropriation des sommes issues de la cession par le donateur, l’administration peut-elle remettre l’opération en cause au motif que les clauses de la donation restreignent les droits des donataires ?
Rappelons au préalable que les conditions qui assortissent une donation ne sont valables que pour autant qu’elles ne portent pas atteinte au principe d’irrévocabilité des donations.
Dans un important arrêt du 30 décembre 2011, le Conseil d’Etat[50] a estimé que l’abus de droit n’était pas établi dans le cas d’une donation-partage de titres suivie de la cession de ces titres à une société dont l’un des donateurs était gérant et détenait la quasi-intégralité des parts, en retenant que l’intention libérale des donateurs était établie malgré l’insertion des clauses restrictives suivantes dans l’acte de donation :
- interdiction pour les donataires de céder, nantir ou disposer d’une façon quelconque des actions pendant la vie des donateurs, à peine de nullité de l’acte de disposition à titre gratuit, seule la mutation à titre gratuit par les donataires à leurs descendants en ligne directe étant autorisée ;
- obligation faite aux donataires d’apporter à la première demande des donateurs les actions à une société de famille dont ils ne peuvent demander la dissolution qu’un an après le décès des donateurs.
Bien que toute conclusion soit périlleuse et nécessairement partiale, quelques remarques peuvent être faites au terme de tout ce qui vient de précéder.
Avec un patronat français vieillissant, la frilosité du système bancaire français et l’inadaptation du législateur fiscal aux opérations de transmission d’entreprises, la volonté de cession de l’entreprise par l’entrepreneur et celle de rachat d’une entreprise par le repreneur relèvent du parcours du combattant.
La cession d’entreprise reste un exercice d’équilibriste puisqu’il doit concilier :
- le souci pour le cédant de réaliser la plus-value la plus importante en bénéficiant de la fiscalité la plus optimisante possible ;
- le souhait du repreneur de pouvoir imputer sur l’acquisition le coût financier de l’opération ;
- la volonté du financier d’obtenir les garanties les plus significatives qui soient ;
- le souci des opérationnels de disposer de structures les plus simples possibles.
En ce sens, les schémas traditionnels reposant sur l’effet de levier au moyen de la constitution d’une holding ont, depuis que l’administration fiscale s’est prononcée sur la question des fusions rapides, subi un coup d’arrêt.
En croyant mettre un frein à des opérations d’auto-rachat par l’obligation d’examiner les conditions dans lesquelles l’acquisition d’une société est suivie de sa fusion avec la société qui l’acquiert, l’administration fiscale a sérieusement complexifié les situations de cessions d’entreprises.
Cette opération peut avoir pour seul but d’imputer fiscalement les frais d’acquisition sur les bénéfices de la société acquise ou constituer pour la société acquise puis fusionnée une opération déséquilibrée, sans contrepartie suffisante pour elle.
Dans ce cas, ces opérations peuvent être remises en cause conformément à la procédure de l’abus de droit de fiscal dont les conséquences sont financièrement coûteuses.
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OUVRAGES, ENCYCLOPEDIES
Cozian M., Les grands principes de la fiscalité des entreprises, 4e éd., Litec, 1999
Cadiet L., Remarques sur la notion fiscale d’abus de droit, in Regards sur la fraude fiscale, Economica, 1986
Chahid-Nourai N. et alii, Optimisation fiscale et abus de droit, EFE Litec, 1990 ;
Kornprobst E., Abus de droit, JCl. Proc. fisc., fasc n° 375 ;
Lamy, Optimisation fiscale de l’entreprise, Lamy, 2002.
ARTICLES, REVUES
Amy J.-Ch., « Apports-cessions » et abus de droit : où en est-on ? :Petites affiches, 10 mai 2007 n° 94, p. 4 ;
Plagnet B., Les affres du praticien face au risque de l’abus de droit : Dr. et patr. 2006, n° 149, p. 32 ;
Lamy, Dossier : transmission d’entreprise – enjeux fiscaux et patrimoniaux, Dr. et patr. 2006, n° 148, p. 59 et s. ;
Llorens, l’Administration fiscale est-elle un tiers ? : Petites affiches n° 22, 19 févr. 1982 ;
Schmidt J., Les droits fiscaux des contribuables : D. 1974, chron. p. 23.
TEXTES JURIDIQUES
Code général des impôts ;
Code civil
Code de commerce
Livre des procédures fiscales
SITE WEB
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CHAPITRE I – NOTION D’ABUS DE DROIT FISCAL.. 7
- 1 – Textes. 7
- 2 – Objet de la procédure de répression des abus de droit8
- 3 – Abus de droit et principe de la liberté des choix fiscaux. 10
- 4 – Abus de droit et théorie de l’apparence. 10
- 1 – Création prétorienne. 11
- 2 – Consécration législative limitée par la loi du 13 janvier 1941.. 11
- 3 – Généralisation par la loi du 27 décembre 1963.. 11
- 4 – Réforme de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987.. 11
Section III. – Régime juridique de la protection de répression des abus de droit. 12
- 1 – Champ d’application de la procédure. 12
- 2 – Garanties et sanctions. 13
- 3 – Procédure applicable depuis 2009.. 14
CHAPITRE II – LES PIRNCIPAUX TECHNIQUES JURIDIQUES DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE 16
Section I. – Donation de l’entreprise. 16
- Conditions de validité des donations. 16
- Conditions de fond.. 16
- Conditions de forme. 16
- Acception du donataire. 17
- Effets des donations. 17
- Effet translatif 17
- Obligations du donateur. 18
- Obligations du donataire. 18
- Droits de donation.. 18
- Abattements. 18
- Tarif des droits. 19
- Réduction.. 20
- Impôt sur le revenu.. 20
- Donation d’une entreprise individuelle. 20
- Donation de parts ou actions. 21
- Impôt sur la fortune. 21
Section II. – Cession de parts sociales ou d’actions. 22
- Conditions de validité d’une cession de parts sociales ou d’actions. 22
- Effets de la cession.. 22
- Effet translatif 22
- Obligations du cédant. 23
- Obligations du cessionnaire. 23
- Droits d’enregistrement. 24
- Cession d’actions. 24
- Cession de parts sociales. 24
- Plus-values relevant du régime des plus-values privées. 25
- Plus-values relevant du régime des plus-values professionnelles. 25
PARTI II – LES DIFFERENTES TECHNIQUES D’OPTIMISATION FISCALE DE LA TRANSMISSION D’ENTREPRISE.. 26
CHAPITRE I – APPORT PREALABLE DES TITRES SOCIAUX AVANT CESSION… 27
- 1 – Conditions tenant à l’apporteur. 27
- 2 – Conditions tenant à la société bénéficiaire de l’apport. 28
- 3 – Conditions de l’apport. 28
Section III. – Mise en œuvre de l’optimisation.. 29
- Apport des titres à une société soumise à l’IS.. 29
- Cession des titres par la société bénéficiaire de l’apport. 29
- Cession des titres de la société bénéficiaire de l’apport. 29
- Transmission à titre gratuit des titres de la société bénéficiaire de l’apport. 30
CHAPITRE II – DONATION DES TITRES SOCIAUX AVANT CESSION… 31
Section II. – Conditions de l’optimisation.. 31
Section III. – Mise en œuvre de l’optimisation.. 32
- Engagement Dutreil 32
- Donation-partage avec soulte. 33
- Apport à un holding des titres donnés avec l’obligation de régler la soulte. 33
PARTI III – CONTOURS DE L’ABUS DE DROIT FISCAL EN MATIERE DE TRANSMISSION D’ENTREPRISE.. 34
CHAPITRE I – L’APPORT-CESSION FACE A L’ABUS DE DROIT FISCAL.. 35
Section II. – Définitions et enjeux.. 35
CHAPITRE II. – DONATION DES TITRES AVANT CESSION ET ABUS DE DROIT.. 37
Section I. – Concomitance des opérations. 37
Section II. – Réappropriation des biens donnes par le donateur.. 37
- 1 – Encaissement du prix de cession par le donateur. 37
- 2 – Clause restreignant les droits du donataire. 38
[1] L’abus de droit est non seulement une notion juridique dont le domaine d’application est très vaste, mais également, sur le plan fiscal, une procédure précise, initiée par l’administration des impôts, donnant lieu, in fine, à un avis du « comité de l’abus de droit fiscal », à un contrôle par le Conseil d’État ou par la Cour de cassation et, si l’abus est établi, à une inopposabilité de l’acte juridique en cause et, au-delà de la rectification de l’imposition, à une sanction.
[2] L. Cadiet, Remarques sur la notion fiscale d’abus de droit, in Regards sur la fraude fiscale, Economica, 1986, p. 33 ; A. Chapperet, L’abus de droit en matière fiscale, Defresnois, 1994, p. 1201 et 1281 ; N. Chahid-Nourai et alii, Optimisation fiscale et abus de droit, EFE, 1990.
[3] V. M. Cozian, Les garanties procédurales de l’abus de droit, in Les grands principes de la fiscalité des entreprises, 4e éd., Litec, 1999, p. 36 ; P. Dibout, La procédure de répression des abus de droit. Pratique et critique, DF, 1992, n° 45, p. 1734.
[4] CE, 27 sept. 2006, Société Janfin, n° 260050, Dr. & patr. 2006, n° 154, p. 88 ; RJF 12/06 n° 1583 chrn. Y. Bénard, concl. L. Olléon.
[5] Cass. req., 6 mars 1883 : D. 1884, 1, 11 – Cass. civ., 19 avr. 1932 : S. 1933, 1, 321, note Esmein.
[6] V. B. Plagnet, Les affres du praticien face au risque de l’abus de droit : Dr. et patr. 2006, n° 149, p. 32.
[7] CE, 10 juin 1981, n° 19079.
[8] A la vérité, on ne le sait pas très bien car, comme le note avec humour et pertinence un auteur, l’abus de droit, s’il est le châtiment des surdoués de la fiscalité, est aussi une notion fuyante et évolutive : Cozian M., Les grands principes de la fiscalité des entreprises, 4e éd., Litec, 1999, doc. 2 : La notion d’abus de droit, n° 9 et doc. 4 : Abus de droit et restructuration des sociétés, n° 8.
[11] Traité élémentaire de droit civil, t. II, n° 871.
[12] De l’abus des droits, 1905.
[13] cf. Ghestin et Goubeaux, Traité de droit civil, t. I. – Introduction générale, 3e éd., LGDJ 1990, p. 674 s., n° 693 et s.
[14] CE, 10 juin 1981, n° 19079 plén. ; D. adm. 13 L1531 n° 13, 1er juillet 2002.
[15] CE, 23 fév. 1979, n° 6688.
[16] Cass. com., 19 avr. 1988, n° 86-19079, Donizel : Bull. civ. IV p. 95, n° 134 ; D. adm. 13 L1531 n° 12, 1er juillet 2002.
[17] Cass. com., 16 oct.1984 n° 734, Sedif.
[19] CE, 28 fév. 2007, n° 284565, 9e et 10e s.s., min. c/ Persicot ; CE, 28 fév. 2007, n° 284566, 9e et 10e s.s., min. c/ Croset.
[20] cf. concl. M.A. Latournerie sur CE, 27 juin 1984, req. n° 35030.
[21] J. Schmidt, Les droits fiscaux des contribuables : D. 1974, chron. p. 23.
[22] Llorens, l’Administration fiscale est-elle un tiers ? : Petites affiches n° 22, 19 févr. 1982, p. 8 s.
[23] CE, 5 nov. 1955, req. n° 22322.
[24] CE, 25 févr. 1966, req. n° 64228 : RO p. 83, adde : N. Chahid-Nouraï, Taxe professionnelle et abus de droit : La lettre des impôts locaux, n° 1, p. 1).
[25] Cass. civ., 20 août 1867 : DP 1867, 1, P. 337.
[26] CE, 10 juin 1992, n° 90466, 9e et 7e s.s., SARL Gournac-Thomas.
[27] CAA Nancy 20 mai 1998 n° 94-1609, 2e ch., SA Desoss.
[29] D. adm. 13 L1532 n° 3, 1er juillet 2002.
[30] Dans le même sens que l’arrêt Janfin : CE, 7 sept. 2009, n° 305586, 8e et 3e s.s., min. c/ SA Axa ; CE, 7 sept 2009, n° 305596, 8e et 3e s.s., Sté Henri Goldfarb.
[31] CJCE, 21 févr. 2006, aff. 255/02, Halifax ; CJCE, 21 févr. 2008, aff. 425/06, Part Service.
[32] Cass. 1e civ., 2 mars1999, n° 97-11.430 : Bull. civ. I n° 74.
[34] CA Bordeaux 11 juill. 1986 : Rev. sociétés 1986 p. 593.
[35] Cass. com., 18 fév. 1980 : Bull. civ. IV n° 86.
[36] Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-12.163.
[37] Art. 18 de la loi 2012-1510 du 29-12-2012.
[38] Inst. 5 C-1-01 fiche 2 n° 4.
[39] Inst. 5 C-1-01 fiche 2 n° 26.
[40] Inst. 5 C-1-01 fiche 2 n° 38 et 39.
[41] TA Toulouse, 21 mai 2002 n° 97-1328.
[42] Rép. Vachet : AN 28-3-2006 n° 81926 p. 3343.
[43] CE, 27 juill. 2012, n° 327295 : Jurisdata n° 2012-019015.
[44] CE, 8 oct. 2010, n° 313139 : Jurisdata n° 2010-018687.
[45] CE, 22 fév. 2013, n° 335045, Inédit au Recueil Lebon.
[46] CE, 30 déc. 2011, n° 330940 : Jurisdata n° 2011-031693 : en l’espèce, il s’était écoulé cinq semaines entre la donation et la revente des titres par les donataires.
[47] Voir notamment affaires 2004-44, 2005-6, 2005-9, 2006-1,2007-4, 2007-26 et 2007-27.
[48] TA Toulouse, 21 mai 2002, n° 97-1328.
[49] CAA Bordeaux, 17 févr. 2009, n° 07-711.
[50] CE, 30 déc. 2011, n° 330940 : Dr. fisc. 2010, comm. 553, concl. L. Olléon, note R. Poirier ; JCP E 2011, 145 ; Dr. sociétés 2011, comm. 20, note J.-L. Pierre.
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