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Accueil et violence au service des urgences

Accueil et violence au service des urgences

Introduction

Les urgences ont pour rôle l’accueil et la prise en charge des malades et des blessés qui se présentent eux-mêmes ou qui sont amenés par d’autres personnes ou par des services de secours. Ils offrent aux patients deux types d’accueil : l’accueil soignant et l’accueil administratif. L’accueil soignant est assuré par l’infirmier d’accueil et d’orientation (IAO). Ce dernier se charge d’attribuer les premiers soins, de vérifier l’état général du patient et de l’orienter en fonction de son état vers le service le plus adapté à son état. L’accueil administratif est réalisé par le secrétaire hospitalier ou un agent hospitalier[1].

Cependant, ces dernières années, une augmentation de la violence à l’endroit des patients a été constatée dans le service d’urgences. Pour illustrer ce fait, en 2012, 350 établissements de santé ont fait 8 000 déclarations de violence aux personnes selon l’observatoire des violences en milieu hospitalier (ONVH). L’observatoire a aussi mentionné qu’au milieu de l’année 2012, plus de  11 000 déclarations ont été rapportées par les établissements de santé  ainsi que par les établissements médico-sociaux. 30% de ces violences sont perpétrés au niveau du service de psychiatrie tandis que 16,5% de violence sont observées au niveau des services d’urgence[2].

Cela démontre l’importance de la violence perpétrée à l’endroit du soignant. Conscient de l’augmentation des risques pour qu’un infirmier subisse une violence, l’Observatoire de la Violence envers les IDE a été créé afin de mettre à la disposition de l’infirmier les questionnaires concernant les violences subies afin de donner le soutien et l’aide de l’institution ordinale à l’infirmier[3].

La présente étude se focalise sur l’accueil et la violence au service d’urgence. Elle est motivée par la constatation de l’augmentation ponctuelle de la violence envers les soignants. Ce fait est en train de devenir banal, alors qu’il impacte négativement sur le soignant, sur le service et sur l’établissement lui-même. Nous sommes donc amenés à mettre en œuvre des stratégies à développer en tant qu’infirmier, afin de réduire autant que faire se peut, les différentes manifestations de la violence dans le service d’urgences.

  1. Présentation de la situation d’appel

Cette situation se déroule lors de mon premier stage de troisième année dans un service d’accueil des urgences. Ce service se démarque par l’irrégularité des charges de travail reflétée à travers l’inégalité du nombre de patients qui viennent aux urgences à différents moments de la journée. Cet après-midi, les entrées se sont succédées. Les sapeurs pompiers emmènent un homme pour une douleur thoracique, un enfant pour un traumatisme de la cheville. Une ambulance privée transportait un homme pour suspicion d’œdème aigu du poumon (OAP). Puis, il y avait des patients qui venaient pour diverses raisons : l’angoisse, le traumatisme léger, les toux persistantes, la fatigue, etc. Les salles de soins étant remplies, nous avons commencé à faire le tri par ordre d’urgence et nous avons fait patienter certains patients en salle d’attente.

La prise en charge de certains patients prenait beaucoup plus de temps et ceux qui étaient en salle d’attente commençaient à demander « le temps qu’il fallait encore attendre ». Nous avons pu sentir que la tension montait dans la salle sans pouvoir intervenir étant donné que nous étions encore préoccupées par les personnes dont l’état nécessitait des soins rapides.

Dans la salle d’attente, il y avait un enfant ayant des douleurs aux genoux après être tombé dans la cours d’école. Il était accompagné par son père qui ne demandait à plusieurs reprises quand nous allons nous occuper de son fils. Nous lui avons expliqué qu’il fallait attendre car des patients ayant besoin  de soins urgents occupaient encore toutes les salles de soin. Soudain, le père survolté s’exclama : « C’est inadmissible de devoir attendre autant de temps ! Ce n’est pas un service d’urgence ici ! … Vous êtes payés pour quoi faire ? »

Nous étions conscients de la souffrance des patients et de la douleur du petit garçon, mais nous ne pouvions pas gérer plus de patients. L’infirmière me demande alors d’aller voir le petit garçon, de prendre ses constantes, de remplir les papiers administratifs notamment l’autorisation mineur afin d’apaiser la situation et afin de montrer que nous portons une attention à la personne.

C’est avec une certaine appréhension que je me dirige vers la salle d’attente où, je sais que je vais subir les injures et le mécontentement du père et de l’enfant qui attendaient depuis plus d’une heure. En arrivant, je commence par présenter mes excuses comme pour me décharger de cette sensation de gêne et pour apaiser les tensions. Mais le père était tellement en colère qu’il continue d’extérioriser toute sa colère sur moi, étant le seul représentant du service au moment des faits.

Tout en m’occupant de l’enfant, j’essaie non sans peine de faire abstraction des remontrances du père. Malgré la simplicité de l’acte demandé par l’infirmière j’éprouvais beaucoup de difficulté à le réaliser. J’avais du mal à me concentrer pour poser mon brassard et pour interpréter les constantes.

Alors que j’expliquais au père l’intérêt de l’examen et ses résultats pour le rassurer, un autre patient, venu pour une douleur abdominale intervient agressivement : « Ce n’est pas çà qui va soulager cet enfant ! C’est toujours la même chose aux urgences ! » L’intervention de cette personne encourage le père dans son propos. J’ai senti que la situation allait m’échapper d’un instant à un autre en voyant le petit avoir peur après les cris. Je décide alors de prévenir l’infirmière de la situation mais elle était  occupée avec le médecin dans la salle de soin. Elle me demande alors de prévenir le service de sécurité et de retourner auprès des patients en salle d’attente afin de tenter de calmer la situation.

J’essaie tant bien que mal à mon retour, d’expliquer la particularité de l’organisation du service d’urgence. J’essayais de rassurer les patients que les salles de soins allaient bientôt se libérer. Je propose un verre d’eau au père en pensant que cela allait le calmer. Il l’a accepté.

Quelques minutes plus tard, deux hommes de la sécurité font leur apparition et demandent quel est le problème. Je leur explique la situation et précise que l’homme en question s’est calmé. Avec l’accord de l’infirmière, nous demandons aux hommes de la sécurité de ne pas trop s’éloigner avant les urgences ne se soient désengorgés. L’infirmière me confie par la suite, que ce genre de situation n’était pas exceptionnel et que la violence verbale est présente au quotidien. Parfois, elles peuvent se terminer par des violences physiques.

Dans notre revue de littérature, nous avons cherché à montrer les réalités du terrain. Nous avons pu en déduire que l’accueil des patients aux urgences comporte de nombreux enjeux notamment, en ce qui concerne la rapidité de la prise en charge et la nécessité pour les soignants de faire preuve d’une grande réactivité. L’infirmier est un acteur clé dans l’accueil du patient. Il assure l’accueil des patients et de ses accompagnateurs. Cette démarche permet de réduire les angoisses et le stress chez ces derniers afin qu’ils puissent accepter d’être aidés et d’attendre en fonction de leur état de santé.

L’accueil constitue un soin relationnel et permet d’améliorer la prise en charge du patient. Il doit être optimisé autant que faire se peut. Mais cet accueil constitue une lourde responsabilité pour l’infirmier dans la mesure où celui-ci est amené non seulement à informer et à installer les patients et leurs accompagnateurs au sein du service, mais aussi à prendre en charge leurs angoisses pour qu’ils puissent s’adapter à l’établissement de soin. D’autre part, l’accueil relève de la capacité de l’infirmier à communiquer avec les autres. Pourtant, la communication est compromise lorsque l’interlocuteur refuse d’entendre. Ainsi, le processus de négociation doit avoir lieu pour trouver un compromis entre les deux parties. Cela permet de réduire la violence chez les patients.

La violence est un phénomène récurrent en milieu hospitalier et plus particulièrement, au service des urgences. La violence constitue la manifestation de la colère chez les patients. Elle peut prendre différentes formes. Mais la violence perpétrée à l’endroit du soignant affecte négativement sur l’image de soi de celui-ci. Il est donc nécessaire d’éradiquer celui-ci. Mais pour ce faire, il est nécessaire de connaitre les origines de la colère des patients et d’agir par conséquent.

Les enquêtes que nous avons menées ont permis de refléter que les actes de violences se passent principalement la nuit par rapport au jour. La communication a été souligné être à la base de la résolution des conflits avec les patients. Cependant, il est nécessaire que le soignant se montre flexible pour s’adapter à chaque situation. Mais dans tous les cas, les soignants doivent faire preuve de courtoisie et de respect envers le patient.

  1. Questionnements sur la situation d’appel et établissement d’une question de départ

Cette situation me conduit à plusieurs questions. En quoi, les infirmiers sont-ils impliqués dans l’accueil des patients qui arrivent au service des urgences ? Quels sont les enjeux de l’accueil dans ce service ? Jusqu’où les patients peuvent-ils se montrer violents envers les soignants ? Dans quelles mesures, les colères des patients augmentent-ils ? En quoi l’attente au service des urgences peut-il conduire les patients à se montrer violents ? Dans quels contextes, les manifestations de violence peuvent-elles altérer la qualité de travail de l’infirmier qui se charge de l’accueil ? Dans quelles mesures, l’infirmier peut-il calmer les impatiences des patients et de leurs accompagnants et de pallier par la suite à la dégradation de la situation ? Qui l’infirmier doit-il prendre en charge, accueillir au service des urgences ? En quoi, les mécontentements de certains patients peuvent-ils causer une réaction qui se propage à l’ensemble des accueillis dans la salle d’attente ?

La douleur et la souffrance voire même la colère des patients étaient compréhensibles vu l’attente  qu’ils devaient endurer mais il était impossible de les soigner tous en même temps, étant donné que les salles de soins n’étaient pas encore libérées. Dans ce cas, l’infirmier ne peut que tenter d’apaiser la tension par des mots, des gestes. Dans ce cas, la question qui se pose est de savoir comment l’infirmier pourrait-il communiquer avec le patient quand celui-ci est en colère et commence à faire une violence verbale à l’encontre du soignant ? Que doit dire l’infirmier au patient qui attend ? Dans quels contextes travaillent les soignants qui se chargent de l’accueil aux urgences ? En quoi l’organisation des activités au sein du service des urgences peut-elle impacter sur la qualité de l’accueil et de la prise en charge des personnes qui y viennent incluant le patient et ses proches ? A quel point l’attente peut-elle être source de colère chez les personnes malades ? Jusqu’où les patients peuvent-ils patienter ? Jusqu’où l’infirmier peut-il faire attendre un patient sans soulever la colère chez celui-ci ? Sur quoi l’infirmier se base-t-il pour évaluer qu’une situation est susceptible de se dégrader et conduire à la violence à l’encontre du soignant ?

D’autre part, j’ai essayé d’expliquer aux patients, le fonctionnement du service d’urgence, sans que ces derniers n’y accordent beaucoup d’attention. Alors, les patients sont-ils conscients de l’organisation du service d’urgence et de toutes les difficultés que les soignants doivent gérer pour parvenir à prodiguer les soins pour tous surtout, lorsque des accidents se produisent ? De quoi les patients qui arrivent en urgence  ont-ils besoin? Le fait de les informer de la situation en urgence est-il suffisant pour les calmer ? Les comportements démesurés des accompagnants peuvent-ils impacter sur la qualité de la prise en charge et plus particulièrement sur l’état général du patient ? Si oui, dans quelles mesures ? Et devant cet état de fait, quels sont les rôles du soignant et plus particulièrement de l’infirmier ? En quoi, l’infirmier peut-il aider le patient à attendre ? A quel niveau il doit intervenir pour que le patient ressente vraiment que le soignant se soucie de lui ? Qu’attendent les patients de l’infirmier ? A travers leur colère, quelles réactions ils attendent du soignant ? Que traduit la colère des patients ? Quel message ils veulent transmettre ?

Mais force est de constater que cette situation ne se serait pas produite si le service des urgences lui-même était bien organisé. Or, nous savons que ce service est marqué par des irrégularités. Dans ce cadre, est-il possible d’anticiper les situations et de mettre en place des mesures d’accompagnement permettant de réduire les attentes dans les salles d’attente ? D’autre part, je me suis posée la question concernant la posture que j’avais adopté ce jour là. C’est une situation qui provoque le stress aussi bien pour le patient que pour le soignant. Je me suis alors demandé : que  ressent le soignant lorsqu’il est victime d’une violence verbale et/ou physique ? Il s’agit d’une situation où le bien-être du patient est certes au centre de toutes les préoccupations du soignant. Mais en tant qu’être humain, le soignant pourrait aussi parfois être fatigué, être stressé par les conditions de travail et pourrait adopter un comportement mal adapté. Dans quelles mesures le soignant pourrait-il agir pour gérer son stress aux urgences et pour contrôler par la suite, le stress des patients afin de s’assurer que le service prodigué soit de bonne qualité ?

Ces différentes questions m’amènent à la question de départ qui s’annonce comme suit : Dans quelles mesures l’infirmier aux urgences peut-il gérer des situations de violence d’un patient qu’il accueille ?

  1. Cadre conceptuel
  2. Les urgences

Il nous parait utile d’apporter des précisions concernant les particularités du service des urgences, des intervenants et de leurs rôles spécifiques. Nous allons mentionner dans cette optique, les missions de l’infirmier qui accueille les patients aux urgences et nous allons aussi développer les différents enjeux de l’accueil dans le service d’urgence

  • Spécificités de l’accueil en urgence

Le service d’accueil des urgences est un service spécifique chargé d’accueillir et de prendre en charge les malades et les blessés qui se présentent eux-mêmes ou qui sont amenés par les services de secours tels que les pompiers, les ambulances, etc. Dans ce service, la prise en charge se fait rapidement tant au niveau du diagnostic thérapeutique, que dans la mise en œuvre des soins infirmiers et de l’orientation du patient vers un service ou une structure adaptée. Selon le professeur  Pierre Carli « La mission d’un service d’urgence est d’assurer une réponse permanente à la demande de tout patient présentant une souffrance réelle ou ressentie. Quelle que soit la gravité de la pathologie, le patient doit pouvoir bénéficier d’une réponse rapide et adaptée »[4]. Le service des urgences constitue à la fois un lieu d’accueil et un lieu d’offres de soins.

Le service des urgences se particularise par la rapidité de la prise en charge du patient qu’il soit médicalement urgent ou qu’il présente des instabilités. La sécurisation de la prise en charge se base sur la capacité de discernement des soignants pour détecter l’urgence chez les patients[5].

  • Structure du lieu

La structure du lieu conditionne l’efficacité du service fourni aux patients et à leurs accompagnateurs. Ainsi, il existe

  • Une zone d’accueil dans laquelle se fait l’accueil du patient et de ses accompagnateurs. C’est dans ce lieu que l’infirmier va orienter le patient vers la salle de soin ou la salle d’attente en fonction de la gravité de son état. C’est dans cette zone que s’effectue l’enregistrement administratif des patients. La zone d’accueil est plus visible et la plus identifiable de toutes les autres zones. Afin de faciliter l’accueil des patients, la zone d’accueil doit être accessible aussi bien aux piétons qu’aux véhicules sanitaires.
  • Une zone d’examen et de soins comprenant
  • Les salles d’accueil des urgences vitales (SAUV), ou salle de déchoquage destinées à la prise en charge des patients présentant une urgence vitale existante ou potentielle
  • Les salles de soins pour l’admission de patients dont le degré de gravité est moindre. Ces salles permettent de faire un examen clinique, biologique et pour traiter les symptômes.
  • Réserve de matériels et de médicaments
  • Postes informatiques
  • Une zone de surveillance ou Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (UHCD) destinée à la surveillance de l’évolution des symptômes pendant les 24 premières heures d’hospitalisation. La zone de surveillance est aussi utilisée pour faire les examens complémentaires nécessaires à l’orientation du patient et pour identifier les soins dont il a besoin. L’UHCD est préférentiellement destinée à l’accueil des patients à risque d’instabilité et qui nécessitent de ce fait, des soins infirmiers plus élevés par rapport à ce qui sont admis dans un service d’hospitalisation classique.
  • Fréquentation des services d’urgence

Il nous semble utile de montrer l’évolution de la fréquentation du service des urgences dans le but de connaitre les charges qui sont assumés par les soignants. Cette évolution est représentée sur la figure suivante :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 1 : Evolution de la fréquentation des services d’urgence de 2004 à 2011 (source : InVS-DCAR/OSCOURS)

Ce graphique nous montre que le nombre de passages au service des urgences a augmenté de 2004 à 2011. Selon l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) et le réseau OSCOUR (Organisation de la Surveillance Coordonnée des Urgences), le nombre d’admission a doublé entre 1990 et 2004, allant de 7 millions à 14 millions. Actuellement, le nombre d’admission se situe aux alentours des 17 millions de passages. Or, l’augmentation du nombre de passages augmente aussi les difficultés de l’organisation des soins et entraîne la diminution du temps alloué à chaque patient.

L’augmentation du nombre de passages dans le service des urgences est due au vieillissement de la population et à la complexification de cas qui nécessitent d’importants traitements, la difficulté à établir un diagnostic et aux examens complémentaires. Ce phénomène est accentué par la désertification médicale. Ainsi, les patients recourent plus aux urgences qu’aux médecins. Par ailleurs, certains patients ressentent une urgence alors que ce n’est pas toujours le cas. L’obligation d’admission et d’être vu par un médecin entraine parfois des consultations dites « abusives » et une consommation excessive du système de santé.

  • Les enjeux de l’accueil en service d’urgence

L’accueil des patients en service d’urgence se trouve confronté à l’irrégularité des flux de patients qui arrivent, ce qui ne permet pas toujours aux soignants d’anticiper ou de mettre en œuvre des organisations bien précises. D’autre part, les infirmiers qui accueillent ses patients doivent faire face à la diversité de pathologies et à la diversité des patients traités en un temps court. Cette diversité peut se manifester au niveau de la culture, de la situation sociale, etc. des patients. Par ailleurs, le défi pour les soignants qui exercent dans les services d’urgence se situe au niveau du tri et de la catégorisation des différents types d’urgences. Il existe en effet des :

  • Urgences vraies ou vitales, qui menacent la vie du patient (état de choc, infarctus du myocarde, etc.)
  • Urgences fonctionnelles qui menacent la fonction d’un membre, ou d’un organe (fractures, plaies à la main, etc.)
  • Urgences ressentie par le patient comme le fait de ne pas se sentir bien, l’impression d’étouffer
  • Urgences sociales, difficiles à classer par la complexité de la prise en charge

Ainsi, il existe des patients qui ne présentent pas de réelle nécessité de soins relevant de l’urgence.

La surcharge constitue le principal enjeu de l’accueil des services d’urgences. En effet, le personnel de ce service doit faire face à l’augmentation de la demande de consultation mais aussi à l’augmentation du niveau de prise en charge des patients. Ce sont les raisons pour lesquelles, l’engorgement du service est observé. Cela se manifeste par l’incapacité du personnel à prodiguer des soins de bonne qualité dans un délai court. Cela demande une réorganisation du service pour mieux adapter les soins aux demandes des clients (Beltramini et al., 2014).

  • Qui accueille en urgence ? Le rôle de l’infirmier

L’accueil des patients constitue la principale mission de l’IOA. L’accueil du patient et de ses accompagnants s’inscrit dans le cadre d’un soin relationnel. Durant cette démarche, il assure le recueil des données afin de pouvoir déterminer l’état de santé du patient et d’optimiser dès le début sa prise en charge.

Etant donné que les états des patients qui se trouvent dans le service ne soient pas le même, il appartient à l’infirmier de faire le tri en fonction de l’état de gravité du patient et non pas de son moment d’arrivée. Au niveau de ce service, l’infirmier organisateur de l’accueil (IOA) se charge d’accueillir le patient et ses accompagnants à l’arrivée aux urgences. Il détermine par la suite les besoins de santé et la priorité des soins des patients et orienter le patient vers le lieu le plus adapté à ses besoins de santé tel que la salle d’accueil des urgences vitales, la salle de soins, la salle d’attente, etc. Il faut noter cependant, que les patients qui sont amenés par les SMUR sont orientés directement vers le médecin. L’orientation des patients se fait avec l’accord du médecin.

L’infirmier qui se charge de cette mission doit suivre une formation d’IOA et devrait aussi disposer d’une expérience de deux ans minimum au sein de la structure. Cette exigence permet de réduire les erreurs de discernement des priorités d’un patient et de faciliter la gestion des services pendant les périodes de venues massives de patients.

L’accueil des patients qui arrivent dans les services des urgences tient du rôle propre de l’infirmier. Ce dernier se base sur l’examen clinique pour prendre connaissance de l’état du patient. Cet examen permet de connaitre les besoins en soin des patients et d’agir par la suite. Mais pour réaliser le tri, l’infirmier doit dresser des grilles de tris qui permettent de faire une classification des patients en fonction de l’état de santé du patient. Il faut noter cependant que la mise en place de cette grille de tri ne permet pas de remplacer l’examen clinique d’accueil mais vient la compléter. Les grilles de tri servent uniquement à rendre plus rapide et plus fiables le tri pour déterminer la priorité.

Les missions de l’IOA sont aussi axées vers les accompagnants des patients. Il se charge en effet de coordonner les relations avec les accompagnants et doit les informer de l’état du patient. Par ailleurs, l’IOA doit aussi informer les patients et coordonner cette démarche entre les différentes démarches de soins. Les informations portent certes sur l’état du patient mais aussi sur les décisions médicales. Dans sa démarche de coordination, l’IOA doit surveiller régulièrement la salle d’attente. Dans cette optique, il doit se positionner dans la zone d’accueil afin de pouvoir observer et voir tous les patients.

Outre la mission d’accueillir, l’infirmier se charge aussi de l’évaluation de l’état du patient. Elle se base sur l’examen clinique infirmier notamment, sur l’entretien avec le patient. Les questions posées sont d’abord ouvertes, puis au fil de la discussion, l’infirmier peut faire un entretien semi-directif afin de permettre de discerner et d’évaluer l’état du patient. Cette évaluation devrait permettre de connaitre les motifs de la venue du patient au service des urgences, les soins qu’il a déjà pris et ses émotions. Il est nécessaire en effet de réunir tous les éléments qui permettent de connaitre les antécédents et les traitements du patient et plus particulièrement, pour connaitre les possibles interactions médicamenteuses ou qui pourraient affecter l’évolution des symptômes. Mais l’évaluation par le biais de l’entretien clinique devrait être renforcée par l’examen physique. Ce dernier se fonde sur l’observation du patient et sur la prise des paramètres qui peuvent affecter le patient au cas où il y a urgence vitale, alors l’IOA doit réagir de suite en installant le patient, ou en effectuant les premiers gestes qui permettent de prendre en charge le patient. Les gestes infirmiers sont effectués dans le but de faire une évaluation, d’assurer le confort ou la sécurité des patients. C’est cette démarche qui va lui permettre d’orienter le patient.

L’IOA se charge entre autre de l’information des patients et des personnes qui les accompagnent, d’installer le patient, de surveiller l’état du patient et l’organisation de l’utilisation des différents lieux dans lesquels, les patients sont orientés pour pouvoir installer les patients et enfin, l’enseignement[6].  Au cas où l’établissement ne dispose pas d’un IAO alors c’est un infirmier qui se charge du tri et de l’orientation des patients.

La réalisation des différentes tâches relative à l’accueil et à l’orientation des patients aux urgences nécessitent que l’infirmier fasse preuve de certaines compétences notamment, des compétences relationnelles, cliniques et organisationnelles. A part l’accueil et le tri, l’infirmier doit être apte à informer les patients et leurs accompagnants et à coordonner leurs parcours. Le tri réalisé par l’IOA pourrait diminuer par l’utilisation d’une échelle de tri et des outils d’évaluation des paramètres vitaux. Mais pour pouvoir mener à bien sa mission, l’IOA doit disposer d’une expérience d’un an au sein du service (Desmettre et al., 2013).

  • L’expérience et les compétences du soignant dans le cadre de l’accueil des patients et de leur orientation

Etant donné que cette activité d’accueil et d’orientation des patients constitue une œuvre au cœur de notre étude. Il nous semble utile de ce fait, de nous référer à l’expérience et aux compétences des soignants en la matière. Dans le service des urgences, les soignants doivent faire face à l’immédiateté des décisions à prendre et à la rapidité de la prise en charge. Or, ce cadre constitue une source de stress étant donné que la situation  ne soit pas maîtrisée par l’étudiant en soins infirmiers. L’infirmier est amené à faire le diagnostic et à réaliser des mesures thérapeutiques qui permettent de discerner s’il s’agit d’un risque vital et/ou fonctionnel. La situation et les prises de décisions faites par l’infirmier constituent les enjeux majeurs de la prise en charge du patient en urgence.

D’autre part, il a été observé que la formation en Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) semble présenter une faille dans la mesure où elle ne permet pas d’analyser les différentes situations qui peuvent se présenter alors que cela fait partie des caractéristiques du service des urgences. Par ailleurs, cette formation ne permet pas de tenir compte de la difficulté de conditions de travail[7].

  1. L’accueil

La situation d’appel s’inscrit dans un contexte bien déterminé, notamment dans le cadre de l’accueil. Il nous parait utile de ce fait, de développer cette notion.

  • Définition de l’accueil

Selon le dictionnaire français en ligne Larousse[8], l’accueil désigne l’ « action et manière d’accueillir, de recevoir quelqu’un, quelque chose ». L’accueil nécessite des échanges entre deux personnes. L’accueil peut se manifester de différentes manières. Il peut être un accueil de plaisir lorsqu’une personne accueille un de ses proches, de ses amis, etc. Mais dans certains métiers, l’acte d’accueil fait partie du travail. C’est le cas par exemple des hôtesses ou encore des infirmiers organisateurs d’accueil. Dans ce cas, les employés ne doivent pas uniquement accueillir la personne mais faire en sorte aussi que cet accueil soit de bonne qualité. Et pourtant, les personnes qui accueillent peuvent se heurter parfois à des contextes difficiles qui peuvent changer leur humeur. Ceci se produit plus particulièrement lorsque l’accueil devient une obligation. Les personnes accueillies tiennent à être reçue gentiment, courtoisement et pourtant, ils ne tiennent pas toujours compte du fait que celui qui se charge de les accueillir est aussi un Homme, qui possède aussi ses propres défauts, ses failles (Gouirand, 2011).

L’accueil peut être naturel c’est-à-dire qu’il se réalise de manière automatique, sans raison précise. Ceci constitue une des caractéristiques de l’Homme de bien accueillir celui qui arrive. Dans certain cas, l’accueil est volontaire mais dans ce cas, il résulte de la bienséance, de l’intérêt ou de la tradition. Parfois, il est obligé dans le cadre d’un employé qui doit se charger d’accueillir les patients ou les clients. Dans ce cas, l’acte est réalisé suite à une contrainte morale, professionnelle et sociale. Et le dernier scénario qui peut se produire est l’accueil matériel qui consiste à aménager des lieux d’accueil afin de bien accueillir les arrivants. Dans ce dernier type d’accueil les contacts entre celui qui accueille et l’accueilli, n’ont pas forcément lieu (Gouirand, 2011).

  • Spécificités de l’accueil infirmier

L’accueil des patients fait partie des missions de l’infirmier afin que les patients et leurs accompagnateurs puissent s’adapter à la structure de soins. Cela implique que le soignant soit respectueux envers les patients qui viennent à l’hôpital.  Pendant, cet accueil, l’infirmier élabore une feuille de surveillance qui donne le plus d’informations aux soignants qui vont prendre en charge le patient. Ces informations concernent l’état civil, le groupe sanguin, les thérapeutiques, les examens demandés, réalisés et qui restent encore à faire, les chiffres tensionnels, la courbe thermique, la courbe de diurèse, le poids, la taille, les régimes et d’autres informations qui peuvent aider à l’amélioration de la prise en charge.

L’accueil est fourni aussi bien au patient qu’à ses accompagnateurs. Il vise à rassurer le patient et ses proches pour que ces derniers laissent le patient à l’hôpital sans pour autant induire chez eux, un sentiment de culpabilité. L’accueillant doit accueillir le patient avec le sourire en veillant à réduire autant que faire se peut, le temps d’attente et de l’informer. S’il s’agit d’un patient qui va être hospitalisé, alors l’accueil consiste à l’installer et à lui donner les informations utiles qui vont lui permettre d’accepter de vivre dans ce lieu de soin étant donné que dans la plupart des cas, les malades refusent d’être hospitalisés. D’autre part, l’accueil consiste aussi à ouvrir un dossier de soins infirmiers (Harlay, 2004).

Aux urgences, l’accueil consiste à évaluer rapidement les soins urgents qui doivent être administrés au patient. Ces soins doivent être directement fournis au patient. L’infirmier dans ce cadre procède à la mesure des paramètres habituels du patient, puis en fonction de la situation, il peut faire un tracé électrocardiographique ou entamer des examens radiographiques, etc. Après, l’infirmier doit aussi préparer tous les matériels qui sont nécessaires au traitement d’urgence du patient. Chaque démarche infirmière devrait contribuer à assurer la sécurité et le confort du patient (Harlay et al., 2004).

  1. La violence
  • Définition

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la violence correspond à « L’usage délibéré ou la menace d’usage délibérée de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fort d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mal-développement ou une carence.

La définition comprend aussi bien la violence interpersonnelle que les comportements suicidaires et les conflits armés. Elle couvre également toute une série d’actes qui vont au-delà des actes de violence physique, incluant menaces et intimidation. Outre la mort et les traumatismes, elle englobe la multiplicité des conséquences souvent moins évidentes des comportements violents, comme les atteintes psychologiques et les problèmes de carence et de développement affectifs qui compromettent le bien-être individuel, familial et communautaire ».

Pour le Bureau International du Travail (BIT), la violence au travail désigne « toute action, tout incident ou tout comportement qui s’écarte d’une attitude raisonnable par lesquels, une personne est attaquée, menacée, blessée ou lésée, dans le cadre ou du fait direct de son travail et impliquant une atteinte implicite ou explicite à sa sécurité, son bien-être ou sa santé ».

La définition proposée par l’OMS tient compte de l’atteinte à l’intégrité physique tandis que celle avancée par le BIT se réfère surtout à la dimension psychologique ou verbale de la violence. Ces deux définitions sont complémentaires et permettent de déterminer trois types de violence : physique, psychologique et verbale.

Selon l’OMS, la violence physique correspond au « recours à la force physique contre une personne ou un groupe entraînant des préjudices physiques, sexuels ou psychologiques. Elle comprend les coups (coups de pied, de poing, gifles, etc.), l’utilisation des armes blanches, des armes à feu, le fait de bousculer les victimes, les morsures, les pinçages, etc. » Ce type de violence physique est réalisé dans le but de contrôler une personne.

Figure 2 : Evolution des violences constitutives de coups sur 5 ans (de 2006 à 2010)

Le graphique 2 nous informe de l’évolution des violences physiques. Nous pouvons constater que le nombre de violence physique tend à baisser. Mais elles continuent à perdurer dans la société actuelle et elles restent très fréquentes au niveau des hôpitaux.

En ce qui concerne la violence psychologique et verbale, l’OMS parle d’un « Exercice intentionnel d’un pouvoir, avec éventuellement menace de recours à la force physique, à l’encontre d’une personne ou d’un groupe, portant préjudice à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Le terme recouvre les agressions verbales, les tracasseries, les brimades et les menaces ».

La violence parfois ne peut se définir qu’à travers ses manifestations. La violence est assimilée à différentes formes d’agression du patient. L’agression peut être physique, verbale, psychologique ou matérielle[9].

  • Les causes de la violence

La violence et l’agressivité pourrait refléter un manque ou une attente non satisfait de la part du patient. Ainsi, elles pourraient être l’expression d’un mécontentement ou d’un sentiment d’avoir un manque d’information[10].

D’autre part, l’augmentation de la violence chez les patients qui sont admis dans les services d’urgence pourrait être liée à l’organisation à la structure du service lui-même. En effet, c’est un service qui est marquée par de fortes fluctuations de patients et à des irrégularités. Dans cette optique, pendant les périodes d’arrivée de nombreux patients, le service peut être débordé ce qui conduit à l’allongement du temps d’attente qui peut atteindre jusqu’à  plusieurs heures.

Parfois, la violence peut aussi provenir des caractéristiques intrinsèques à la personne. Dans ce cas, le temps alloué à la prise en charge des patients qui sont en état d’ébriété, les patients qui présentent des troubles psychologiques peut être augmenté. Cependant, l’attente dans le service est un facteur déclenchant la violence à cause de la frustration, de l’impatience et de la douleur des personnes qui y sont présentes.

  • Manifestations de la violence dans les services d’urgence

Dans les établissements hospitaliers, les agressions tendent à augmenter. Pour illustrer ce fait, en 2012, plus de  8000 déclarations de violence aux personnes issues de 350 établissements ont été enregistrées par l’ONVS et 16,5% d’entre elles se sont déroulées au service des urgences. Il faut noter cependant, que cette violence n’est pas perpétrée uniquement par les accompagnateurs, mais aussi par les patients et les soignants aussi. Mais il a été constaté que les violences physiques et verbales des soignants par les soignants ou par leurs accompagnateurs sont corrélées négativement à l’organisation et à la structure de l’établissement hospitalier.

Diverses raisons sont à l’origine de ces agressions dans les lieux de soin. Mais il a été constaté que la longue attente avant d’être reçu par l’IOA et avant d’être reçu par le médecin constitue un des facteurs de mécontentement et d’agressivité du patient. Or, cela est conditionné par les conditions de travail des soignants. En deuxième lieu vient le manque d’informations qui accentue la peur des accompagnants et des patients. En troisième lieu se trouve la douleur physique et/ ou psychique du patient suite à la non prise en charge par le soignant. Les accompagnants dans ce cas peuvent se montrer particulièrement agressifs étant donné qu’ils partagent la souffrance du patient.

Mais il existe entre autre des facteurs intrinsèques aux patients. Pour illustrer ce fait, les patients qui nécessitent une prise en charge psychiatrique sont plus susceptibles de montrer une certaine agressivité. De même, les addictions et la toxicomanie du patient peuvent l’inciter à commettre des actes d’agression. Par ailleurs, les patients sous contraintes, ceux qui sont dans une difficulté sociale et ceux qui sont accompagnés par un groupe sont susceptibles de montrer une agressivité envers les soignants.

Pour éviter la propagation des actes de violence envers les soignants, les mesures prises doivent porter sur les différentes causes de violence envers le soignant. Ainsi, des mesures sont encouragées afin d’améliorer la qualité de l’accueil, et les conditions de séjours du patient au sein du service, la réduction du temps nécessaire à l’attente et l’amélioration de la qualité. D’autre part, des mesures de protection ont été développées[11].

Figure 3 : Evolution des injures et des insultes de 2006 à 2010

Ce graphique a été conçu par l’ONVH. Il montre que les injures et les insultes tendent à augmenter sur les cinq années d’étude, allant de 14,97% en 2006 à 25,49% en 2010. Les violences verbales et psychologiques tendent augmenter dans les établissements de soins par rapport à la violence physique.

L’exercice du métier de l’IOA nécessite certaines compétences de la part de l’infirmier. Il doit montrer des compétences relationnelles, cliniques et organisationnelles. Par ailleurs, les textes réglementaires soulignent déjà les compétences de l’infirmier exerçant dans l’accueil d’urgence. Selon l’article R 4311 – 5, l’entretien d’accueil réservé par l’IAO au patient devrait se baser une écoute de la personne. Il doit par ailleurs attribuer une aide et un soutien psychologique et observer et discerner les troubles de comportement.

Dans ce cadre, la communication constitue un élément clé qui va permettre au soignant de s’entretenir avec le patient et ses accompagnants. La communication ne peut être la même pour tous les patients, elle doit être personnalisée et varier en fonction du patient. L’IOA peut communiquer par le biais des mots ou par les gestes. La communication avec le patient  a pour principal objectif de rassurer le patient et son entourage, mais aussi de les informer. Pour ce faire, le soignant doit se présenter et doit informer les patients accueillis de sa fonction. Il doit entre autre expliquer les raisons de l’évaluation d’accueil, ainsi que les raisons qui ont conduit à la variation d’ordre de passage. Ces informations outre le fait de rassurer le patient lui permettent aussi d’accepter l’attente. Ce premier contact et l’habileté de l’infirmier à parler avec professionnalisme permettent de conditionner sa légitimité.

Il faut noter entre autre, que le patient qui arrive aux urgences sont en situation de crise à cause de son état d’une part, mais également à cause de l’inconnu : les dépenses qui seront allouées à la prise en charge, le médecin qui va le prendre en charge, la peur de l’inconnu ou une appréhension du lieu, etc. Tous ces faits sont sources d’angoisse. Dans ce cadre, l’infirmier doit prendre en charge non seulement la raison qui a mené le patient aux urgences, mais aussi sa peur et son inquiétude. Cette dernière favorise chez le patient le sentiment d’urgence de son état mais il se peut que ce ne soit qu’un ressenti. Par ailleurs, le soignant réagit toujours en fonction de  l’urgence médicale. Ainsi, il y aura des patients qui sont venus les premiers au sein du service mais qui devraient encore attendre alors que d’autres qui arrivent derrière eux sont déjà orientés vers le lieu adapté à leur cas. Dans ce cadre, la capacité de l’infirmier en communication va lui permettre d’aider le patient à diminuer son sentiment de danger et de relativiser les dangers ou les menaces ressentis par les patients.

Il n’est pas rare d’observer que les patients et leurs accompagnateurs ne supportent pas l’attente. Ils se montrent impatients et  tendent à demander fréquemment le temps qu’ils devraient encore attendre. Dans ce cadre, l’infirmier doit prendre une marge pour éviter les conflits. Par ailleurs, l’IAO doit communiquer progressivement l’évolution de l’état du patient à ses accompagnants. L’information devrait tenir en compte de l’avancée de la prise en charge du patient pour rassurer ses accompagnateurs. Mais ces mesures doivent être multipliées quand il s’agit d’un parent qui accompagne son enfant[12].

Parfois, la violence perpétrée à l’endroit du soignant se manifeste à travers l’agressivité des patients. Le dictionnaire Larousse[13] la définit comme étant « une tendance  à attaquer ». Ainsi, la notion d’agressivité tient compte de la menace et de l’attaque qui sont faits à une autre personne. Gbezo (2011)[14], la considère comme étant « à la base de tous les instincts de survie, elle serait utile et régulatrice pour l’être social » et la décrit comme étant « un comportement physique ou verbal, consciemment ou non, à détruire, à humilier ou à contraindre une personne ». Les paroles blessantes, les menaces (à travers les mimiques, les regards, etc.) constituent les formes les plus fréquentes d’agressivité.

L’agressivité de la part des patients ou de leurs accompagnateurs peut témoigner de l’anxiété, de la peur, de la sensation d’être menacée ou d’être en danger. Elle pourrait correspondre de ce fait à un moyen permettant au patient d’exprimer son mal-être.

  • Conséquence de la violence sur les soignants

Quand le soignant a subi la violence de ses patients, alors sa première réaction est d’en donner un sens. Dans cette optique, les soignants tendent à se culpabiliser et pensent que leur agression provient d’une fausse manœuvre de leur part pendant la relation avec le soigné. Or, cela entraîne la frustration et la colère. En effet, l’image de soi et plus particulièrement, l’image d’eux en tant que soignants sont affectées par les patients qui les ont agressés. La violence est aussi perçue par le soignant comme étant un manque de respect envers lui. Etant donné que les violences ne devraient pas se produire ou devraient être contrôlées, les soignants peuvent parfois se plaindre du manque voire de l’absence de soutien de la part de leur institution (Gbézo, 2011).

Il a été rapporté que la violence cause chez le soignant la peur aussi bien des patients que du jugement de leurs collègues et du jugement des acteurs externes. Une scène de violence est toujours mal considérée par les acteurs externes et ternit l’image de l’établissement. Dans cette optique, le professionnel de santé va chercher à préserver l’image de l’établissement en dissimulant la violence qu’il a subi (Gbézo, 2011). Les réactions subies par le soignant face à la violence sont représentée comme suit :

Passive                                                 Se défendre                                             Active

Accepter            Eviter                 verbalement             Négocier              se défendre physiquement

 

<……………<…………………..<……>…………………>……………………………>

 

Figure 4 : Echelle de réactions immédiates face à la violence (source : Conseil International des Infirmières (Genève, 1998))

D’autre part, la violence envers les soignants peut aussi occasionner l’épuisement professionnel des soignants. Le burnout est fréquent chez les professionnels soignant qui subissent la violence. Le burnout correspond à un « syndrome d’épuisement physique et émotionnel qui induit une perte de sens au travail. Dans la majorité des recherches, ce concept est appréhendé à partir de la relation et le sentiment d’incompétence ou de non accomplissement ». Par la suite, le salarié n’est plus motivé à faire son travail[15].

  • Les cadres législatifs relatifs aux droits des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions

Les obligations et les droits des fonctionnaires dans le cadre de l’exercice de leurs métiers sont rapportés dans l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires. Cette loi stipule que les fonctionnaires bénéficient de la protection de la collectivité publique dont  ils dépendent. Celle-ci doit protéger les fonctionnaires contre les menaces, les violences, les voies de fait, les injures, les diffamations et les outrages qui peuvent se produire lors de l’exercice de leurs fonctions par les fonctionnaires. Mais au cas où le fonctionnaire n’a pas bénéficié de cette protection, alors la collectivité publique lui doit une réparation. Ainsi, elle doit demander à l’endroit des auteurs de ces violences, la restitution des sommes dues au fonctionnaire ou rapporter l’affaire au niveau de la juridiction pénale. Cependant, cette protection juridique ne peut avoir lieu à moins que le fonctionnaire en fasse la demande à son employeur et cette opportunité ne peut se faire que chez les contractuels.

  1. L’aspect relationnel de la prise en charge des patients lors de l’accueil en service des urgences

L’accueil du patient aux urgences suppose une certaine compétence relationnelle et en communication de l’infirmier. Nous allons aborder cet aspect dans cette partie

  • La communication

La communication constitue un des piliers de la prise en charge des patients par les soignants en général. Il a été observé que dans son rôle propre, l’infirmier doit faire des échanges avec le patient à travers l’information de celui-ci et de ses accompagnateurs. Mais il doit entre autre l’aider, le soutenir pendant la période difficile qu’il traverse afin que la maladie ne constitue pas une fin en soi et pour que la personne puisse s’épanouir. La prise en charge infirmière exige entre autre que le soignant puisse comprendre le patient et entrer en communication avec le patient. Il a été rapporté en effet que la communication constitue un moyen de guérison du patient (Nizard, 1985).

La communication suppose la présence d’un émetteur qui diffuse le message et d’un récepteur qui le reçoit. Le but de l’émetteur est de provoquer une réponse chez le récepteur. Cette réponse se traduit par un changement de comportement.  Mais cette réponse ne peut être obtenue à moins que le récepteur arrive à recevoir le message et cela ne peut avoir lieu à moins que l’émetteur ne le considère en tant qu’être humain. Ainsi, la communication suppose la présence d’au moins deux acteurs dont le comportement peut impacter positivement ou négativement sur l’échange (Nizard, 1985). Cela est résumé sur le tableau suivant :

Tableau 1 : Les différents variables influençant la communication (source : Nizard, 1985)

  Emetteur Récepteur
ATTITUDES Authenticité Empathie
Savoir-être Congruence
TECHNIQUES Capacité d’expression

Structuration du discours

Ecoute
Savoir-faire Redondance adaptée Reformulation

Nous voyons sur ce tableau que l’émetteur doit faire preuve de congruence afin de pouvoir induire chez le récepteur l’empathie permettant la bonne communication. Mais pour ce faire, il existe des techniques développées par les deux parties. L’émetteur doit savoir s’exprimer et structurer son discours de manière à ce qu’il ne comporte aucune ambiguïté. Le récepteur pour sa part, doit écouter ce que l’émetteur lui dit. Pour s’assurer de la réception et de la compréhension du sens du message à son destinataire, il s’avère utile que l’émetteur fasse une redondance adaptée et que le récepteur arrive à bien reformuler le sens de ce qu’il a reçu (Nizard, 1985).

Mais les différentes attitudes des deux parties peuvent ne pas correspondre à ce que l’autre partie recherche et des bruits ou des blocages peuvent exister, ce qui empêche l’établissement d’une bonne communication. Ces blocages peuvent être liés à l’individu. Dans ce cadre, les individus peuvent se montrer indifférents, ou exclure la priorité des autres lorsqu’ils entrent en communication avec autrui. D’autre part, la communication ne peut pas être bien établie lorsqu’une personne refuse d’écouter une autre. La communication dépend principalement de la considération de la personne qui va recevoir le message (Nizard, 1985).

D’un côté, le blocage de la communication peut avoir pour origine la sémantique qui est relatif à la multiplicité des sens qui peuvent être attribués à un seul mot. Ainsi, la perception du sens du mot par le récepteur peut être complètement différente de celle de l’émetteur. Cela entraîne des incompréhensions voire des conflits. Les patients peuvent ne pas comprendre le sens des termes techniques qui sont utilisés par les soignants si bien que les performances des  individus peuvent diminuer. Cela entraine entre autre une réduction de la qualité des soins (Nizard, 1985).

Enfin, il existe des blocages organisationnels relatifs aux manques d’informations ou à l’absence de supports permettant de diffuser les informations. Dans certains cas, les données n’arrivent pas chez les soignés. D’autre part, les membres d’une équipe peuvent rompre le partage d’informations, ce qui ne permet pas au reste de l’équipe de connaitre les travaux accomplis par leurs collègues alors que cela est à l’origine de la continuité des soins (Nizard, 1985).

La communication peut être analogique ou digitale. La communication analogique rassemble la communication à travers les attitudes, les gestes, les mimiques, les intonations. Mais la communication digitale se réfère à la communication à travers l’expression verbale, la logique et la capacité abstraite. Cependant, dans le cadre de la communication avec le soignant, le soigné est plus sensible à la communication analogique. Or, cela peut échapper parfois à l’émetteur. Dans la prise en charge des patients, les soignants sont amenés à diffuser des informations aux patients mais aussi d’entrer en relation avec eux (Nizard, 1985).

  • La relation soignant-soigné

Après avoir survolé la communication d’une manière générale et apporté quelques précisions concernant la relation établie entre le soignant et le soigné, nous allons maintenant nous focaliser sur la notion de relation soignant-soigné. Dans ce cadre, le soignants et les patients peuvent s’échanger des informations, mais aussi des sourires, des grimaces, des paroles, des sourires et des regards. Mais ces différents éléments doivent être exploités de manière à ce qu’ils contribuent au renforcement de la relation entre le soignant et le soigné. Dans cette optique, le langage du corps occupe une place essentielle dans la mesure où elle reflète les pensées les plus profondes (Manoukian, 2008).

L’affectivité conditionne la relation entre le soignant et le soigné. Il est à la base de son renforcement ou de son affaiblissement. Mais la relation suppose aussi la rencontre entre deux personnes différentes. Ainsi, la relation établie est conditionnée par des facteurs psychologiques comme les valeurs personnelles, les représentations, les préjugés, les émotions, les désirs, etc. Les facteurs sociaux peuvent intervenir pour affecter la relation entre le soignant et le soigné. Cela se réfère à l’appartenance de l’individu à une catégorie professionnelle précise, à une classe d’âge, à une culture et aux rôles et aux fonctions de chacun. Enfin, la relation peut être influencée par les facteurs physiques comme les perceptions de chaque acteur, sa présentation, etc. (Manoukian, 2008).

Mais il a été montré que ces relations entre le soignant et le soigné peuvent être affectées par différents facteurs comme la difficulté des patients et de leurs accompagnants à surmonter l’épreuve, leur angoisse et leur histoire, etc. peuvent les conduire au refus de la relation d’aide et du soutien  apporté par le soignant. Quand la relation entre les deux parties se trouve compromise, alors il est nécessaire de faire une négociation c’est-à-dire, à rechercher un compromis. Cela demande des aptitudes de communication de la part des soignants afin d’élaborer les moyens permettant d’améliorer la relation et de résoudre le problème (Manoukian, 2008).

L’urgence pourrait changer la relation entre le soignant et le soigné. Etant donné la contrainte liée au temps, il n’est pas toujours évident de mettre en œuvre des protocoles psychothérapeutiques permettant au soignant de gagner la confiance du soigné. Ainsi, la relation de confiance peut être construite sur la base de la présentation des personnes qui vont prendre en charge le patient et les motifs de la consultation. L’information du patient sur les différentes démarches par lesquelles, il va devoir passer constitue un pas amenant à la confiance (Ducrocq et Vaiva, 2004).

Dans cette optique, le soignant ne doit pas juger ou critiquer le patient au risque de le faire fuir ou de provoquer chez lui l’envie de rejeter l’aide apporté par le soignant. Le soignant doit accepter la personnalité du soigné et le recevoir. Lors de l’accueil il doit uniquement se focaliser sur l’anxiété et le ressenti du patient. Cela demande une écoute attentive et bienveillante. Le soignant est aussi amené à faire preuve d’une empathie avec la souffrance du patient, sans pour autant risquer de fusionner avec ses pensées. La bonne distanciation conditionne alors l’établissement d’une bonne relation entre le soignant et le soigné  (Ducrocq et Vaiva, 2004).

  1. Etablissement d’une question de recherche

Les urgences nécessitent une prise en charge rapide des patients et une bonne organisation permettant de les orienter vers les structures qui sont les plus adaptées à leur situation. Dans cette optique, l’IOA a pour rôle d’accueillir les patients et leurs accompagnants. Puis, il doit faire le tri pour pouvoir orienter le patient par la suite. Mais nous avons constaté que les soignants peuvent parfois subir la violence des patients lors de leurs prises en charge.  La communication a été rapportée être un des moyens permettant de contrôler la violence des patients. Ceci nous conduit à la question de départ suivante : Quelles capacités relationnelles l’infirmier doit-il développer pour éviter les excès de violences lors de l’accueil des patients dans les services d’urgences ?

  1. Formulation des hypothèses

Nous avons montré dans notre cadre conceptuel que l’information du patient pourrait constituer une démarche amenant à construire un cadre de confiance permettant de calmer le patient. Ainsi, nous annonçons comme première hypothèse : Il est nécessaire d’informer le patient concernant son état, les raisons de son attente et le fonctionnement du service pour le faire accepter l’attente.

Nous avons entre autre démontré théoriquement, que les patients qui arrivent dans le service des urgences sont des patients qui souffrent et qui présentent de la douleur. Dans cette optique, la deuxième hypothèse s’annonce comme suit : Les patients ont besoin d’une prise en charge de leur douleur et de leur souffrance par le biais d’administration de médicaments, mais aussi par l’écoute et l’attention du soignant.

  1. Méthodologie
  2. Déroulement de l’enquête

Pour répondre à la question de départ, nous avons choisi de mener notre enquête auprès des personnels des services d’accueil des urgences qui sont au centre de mon étude. Les IOA sont les principales cibles de cette enquête étant donné qu’ils constituent les acteurs principaux de mon étude. Nous avons choisi de distribuer les questionnaires auprès des populations cibles afin de recueillir le plus d’avis possibles.

Les soignants interrogés travaillent dans la région Basse Normandie et plus particulièrement, dans les services d’urgences urbains qui enregistrent le plus grand nombre de passage tout au long de l’année et les services d’urgences localisés près de la campagne et qui enregistrent de plus faibles passages. Cette démarche a été adoptée afin de voir si les causes et les manifestations de la violence et des agressions sont différentes d’une structure à une autre. Pour réaliser notre étude, nous avons choisi comme support le questionnaire. Les thèmes abordés dans ce questionnaire sont présentées sur le tableau suivant :

Tableau 2 : Présentation des questions, des objectifs et des thèmes abordés dans le cadre de l’enquête

Questions Thèmes Objectifs
Vous sentez-vous en sécurité sur votre lieu de travail ? Sécurité Evaluer le ressenti des soignants en ce qui concerne sa sécurité au travail
Avez-vous déjà été victime de violence physique ? verbale ? Violence Evaluer la fréquence de la violence chez les soignants
Ressentez-vous un épuisement professionnel lié à cette violence ? Epuisement professionnel Evaluer l’état, le ressenti des soignants face à la violence des patients
Comment estimez-vous le temps d’attente des patients (trop long, normal, trop court) Temps d’attente Evaluer si le temps d’attente constitue la principale raison de la violence
Les patients se plaignent-il du temps d’attente ? Temps d’attente Evaluer la perception du temps d’attente par les patients
Comment réagissez-vous face à l’attente des patients ? Réaction des soignants Connaitre la posture des soignants face à la violence des patients quand le temps d’attente est long
Selon vous, d’où vient le problème de l’attente ? Cause de l’allongement du temps d’attente Connaitre les raisons de l’allongement du temps d’attente
Selon vous, quelles seraient les solutions pour remédier au problème d’attente Solution Recueillir les solutions proposées par les soignants pour réduire le temps d’attente
Avez-vous une formation complémentaire sur la prise en charge de la violence Formation Evaluer les connaissances des IAO en termes de contrôle de la violence
Y a-t-il des signes chez les patients qui vous font penser à un débordement vers la violence ? Signes de violence Connaitre les différents signes qui permettent aux soignants de déceler qu’un patient va agir avec violence
Déceler ces signes précocement vous permet-il d’apaiser les tensions et d’éviter la violence ? Posture du soignant devant les signes de violences Connaitre les réactions du soignant quand il décèle la violence
Etes –vous IOA ? Si oui, avez-vous reçu une formation complémentaire ? Formation des infirmiers Connaitre le profil du répondant et savoir s’il a bénéficié d’une formation complémentaire relative à la posture à prendre pour contrôler la violence dans le service
Cette formation vous a –t – elle  permis de mieux prendre en charge vos patients ? Corrélation entre formation et qualité des soins Evaluer si la formation a des impacts positifs sur la prise en charge des patients
Quel est votre ressenti sur vos conditions de travail actuel ? Les conditions de travail aux urgences Connaitre la perception du soignant en ce qui concerne la charge du travail et les risques liés à l’épuisement professionnel
Depuis ces longues années passées au sein du service, avez-vous remarqué une augmentation des manifestations de violence ? Si oui, comment se manifestent-elles ? Manifestations de la violence Savoir à quel type de violence le soignant est confronté tous les jours

 

  1. Résultats

Perception de la sécurité dans les grandes et les petites structures

Tableau 3 : Etude comparative de la perception de la sécurité au travail dans les petites structures et les grandes structures

Grande structure Petite structure
Sentiment de sécurité Sentiment d’insécurité Sentiment de sécurité Sentiment d’insécurité
60% 40% 85% 15%

Ce tableau montre la perception de la sécurité par les différents soignants du service d’accueil. Les petites structures jouissent d’une plus grande perception de sécurité par rapport aux grandes structures. Dans les grands établissements hospitaliers 60% des employés uniquement estiment qu’ils sont sécurisés au travail contre 85% chez les petites structures.

Occurrence de violence dans les différentes structures

Tableau 4 : Manifestations des violences à l’encontre en fonction de la nature de la structure et de la nature de la violence

Grandes structures Petites structures
Nombre de personnes qui se sentent en sécurité au travail Proportion  de victimes de violences verbales Proportion de victimes de violences physiques. Nombre de personnes qui se sentent en sécurité au travail Proportion de victimes de violences verbales Proportion de victimes de violences physiques
60% 100% 65% 80% 100% 80%

Sur ce tableau, nous pouvons constater que les professionnels de santé qui travaillent dans les petites structures se sentent beaucoup plus en sécurité par rapport à ceux qui travaillent dans les grandes structures. Cependant, à l’unanimité, tous les travailleurs ont mentionné la violence verbale comme étant la forme de violence qu’ils ont déjà expérimentée dans le cadre de leur profession. D’autre part, les victimes de violences physiques chez les petites structures sont plus nombreuses (80%) par rapport à celles des grandes structures (60%).

Les conséquences des violences sur les soignants

Figure 5 : Proportion de soignants sentant un épuisement professionnel dans les grandes structures

Figure 6 : Proportion de soignants sentant un épuisement professionnel dans les petites structures

Ces deux figures, nous montrent que malgré les différentes violences qui ont été rapportés plus haut dans notre analyse, les professionnels de santé ne se sentent pas épuisés professionnellement dans la grande majorité des cas, que ce soit dans les petites structures que dans les grandes structures. Il est noté cependant, que l’épuisement professionnel est beaucoup plus important dans les grandes structures (30%) par rapport aux petites structures (15%).

Les problèmes relatifs au temps d’attente

Les répondants ont souligné que le temps d’attente dépend principalement de l’activité du service. Mais la prolongation de celui-ci a été observée par tous les soignants. Dans les grandes structures, le temps d’attente s’étale sur 1heure ou 1h30 dans les grandes structures alors qu’en moyenne, ce temps d’attente est d’environ 30 minutes dans les petites structures soit, le tiers du temps d’attente observé dans les grandes structures. Il a été rapporté entre autre, que les patients tendent à beaucoup se plaindre dans les grandes structures par rapport à ceux des grandes structures. Le taux de plaintes reçues est de 80% dans les grandes structures alors qu’il équivaut à 50% dans les petites structures.

La prolongation du temps d’attente provient des attentes par rapport aux autres services notamment, la radiologie, le service médecine ou la chirurgie. Parfois, elle résulte de l’augmentation des consultations même pour des raisons qui ne relèvent pas de l’urgence, ou à cause du manque de médecins pouvant accueillir les patients. Les problèmes liés à l’accueil quand le service ne dispose pas d’IOA constituent une des causes de la prolongation du temps d’attente et à cela s’ajoute le non contrôle des flux de patients.

Les différentes compétences relationnelles développées par les soignants

Les répondants ont tous souligné la nécessité de communiquer avec le patient afin de le calmer et de le faire accepter la situation d’attente au sein du service des urgences. Dans cette optique, les IOA ont souligné

  • La nécessité d’informer les patients. Ces informations portent notamment sur les raisons de l’attente et les raisons de la priorité de la prise en charge. En d’autres termes, l’infirmier doit expliquer le fonctionnement du service des urgences.
  • La nécessité d’écouter les patients, leurs demandes afin de pouvoir mieux y répondre
  • L’importance des gestes de l’infirmier face aux patients. Certes, les patients sont stressés, et sont en colère à cause de leur souffrance et le temps qu’ils vont encore attendre. Mais même dans ce cas, il est nécessaire que l’infirmier se montre souriant et courtois envers le patient

La réponse des soignants en ce qui concerne la posture à adopter face à la manifestation de violence de la part des patients a montré une autre compétence que l’infirmier doit avoir : l’adaptabilité à la situation.

Formation des infirmiers relative à la prise en charge de la violence

Figure 7 : Proportion d’infirmiers ayant reçu une formation relative à la prise en charge de la violence des patients qui sont admis au service des urgences

95% des infirmiers qui ont répondu au questionnaire ont reçu une formation complémentaire qui leur permet de prendre en charge des patients violents. 5% seulement n’ont pas bénéficié de cette formation. La formation les permet d’améliorer la prise en charge du patient notamment :

  • Au niveau de la rapidité de la prise en charge
  • Au niveau de l’écoute
  • Au niveau de la prise en charge de la douleur selon le parcours de l’IOA

Discernement des signes de violence chez les patients et capacité d’anticipation de la part des soignants

Les patients qui sont susceptibles de manifester de la violence à l’endroit des soignants en général, ne restent pas assis. Leurs gestes deviennent rapides. Ils se montrent agités, haussent leur ton. De manière générale, ces patients interpellent de nombreux soignants à qui, ils posent les mêmes questions. Ils observent les faits et gestes des soignants. Ces différents signes permettent au soignant de comprendre que le patient commence à être survolté et pourrait perpétrer un acte de violence. Selon les répondants, le discernement de ces différents signes permettent au soignant de prendre des mesures permettant d’éviter la montée en violence. Mais ce discernement précoce ne permet pas toujours de régler les problèmes.

La perception des conditions de travail par les soignants

Les répondants ont souligné la dégradation des conditions de travail liées au manque d’effectifs. Les soignants se plaignent du fait que les patients qui sont admis au sein du service ne sont pas en état d’urgence, ce qui fait qu’ils doivent gérer les problèmes sociaux ou des troubles psychiatriques, des personnes en état d’éthylisme qui ne relèvent pas de leurs fonctions. A part cela, les patients se montrent exigeants et agressifs envers les soignants, qui, pourtant, s’investissent à fond. Mais cela ne manque pas de causer la fatigue des soignants.

Mais il a été rapporté aussi que des différences existent au niveau de l’afflux de patients le jour et la nuit. Mais le manque de personnel constitue la principale source de danger aussi bien pour les patients que pour les soignants. Cela entraîne aussi la prolongation du temps de travail, l’augmentation du stress et de la tension aussi bien chez les patients que chez le soignant. A cela s’ajoute le débordement du service puisque dans la plupart des cas, les patients sont accompagnés et ce sont les accompagnants qui remplissent le service.

Manifestations de la violence dans le service des urgences

Les soignants ont particulièrement souligné l’incivilité, le manque de respect, l’impatience comme étant les principaux signes de violence. Les violences sont beaucoup plus fréquentes la nuit par rapport au jour parce que les patients qui sont accueillis sont des personnes qui ont bu de l’alcool ou qui ont consommé de la drogue, ou des médicaments. Mais le jour, les violences sont dues à la prolongation du temps d’attente. Au cas où il s’agit d’un patient psychiatrique, alors il faut que le soignant le calme le plus rapidement possible.

Les violences son perpétrées principalement dans les salles d’attente. Les usagers arrivent au niveau de ce lieu et pendant qu’ils vont devoir attendre alors qu’ils n’ont même pas été accueillis. La perception des patients de la salle d’attente constitue selon les répondants, des facteurs de violence. C’est un lien qui n’est pas confortable pour les patients puisqu’ils ne trouvent pas d’autres choses pour s’occuper.

  1. Discussion

Notre enquête a fait ressortir que la violence se manifeste dans la salle d’attente. Ce sont surtout les personnes qui ne montrent pas d’urgence réelle qui perpètrent les actes de violence étant donné que ceux qui présentent des urgences réelles sont déjà admis dans les salles de soin. Nous avons montré que l’attente constitue la principale source de tension. Nous pourrions retirer de cette constatation que le patient manifeste le besoin d’être pris en charge rapidement. Les angoisses du patient se manifestent par leur agitation, leur demande et leur questionnement répétitif à l’endroit du médecin. Cela pourrait refléter le besoin d’être écouté par le soignant.

Ceci pourrait nous amener à dire que l’infirmier qui accueille et qui prend en charge les patients qui arrivent au sein du service des urgences doit faire preuve d’attention et d’écoute envers le patient afin qu’il puisse répondre à ce qu’il attend. Ceci a été aussi confirmé par Peplau (1995)[16]. L’auteur a montré que l’écoute de la part de l’infirmier a été rapporté être un moyen permettant au patient de calmer les sentiments négatifs du patient. Le fait de se sentir écouté par le soignant constitue pour le patient, un moyen pour créer un environnement où il se sent en sécurité (Lapotre-Andrieux, 2014).

Le patient montre entre autre, le désir d’être pris en charge rapidement. Cela nécessite de l’organisation et de la rapidité de la part du soignant. Le besoin d’être pris en charge rapidement semble résulter de la perception de l’urgence par le patient tant il sent sa douleur ou sa souffrance. Par ailleurs, les répondants ont souligné la nécessité de prendre en charge la douleur par l’infirmier. Par ailleurs, la prise en charge de la douleur constitue un moyen permettant d’améliorer la prise en charge du patient dans les services d’urgence. Or, cette démarche ne peut se faire à moins de disposer d’une échelle d’évaluation de la douleur du patient[17]. Cette prise en charge de la douleur constitue une des finalités des actes réalisées par le soignant (Molinier et Massol, 2007).

Notre enquête a montré que les patients demandent répétitivement les mêmes questions à différents soignants. Cela pourrait être le signe d’une angoisse et d’un besoin d’être rassuré, d’être informé. Cela nous renvoie à la communication par l’infirmier. Nos répondants ont souligné l’information et l’explication du fonctionnement du service par l’infirmier. Le patient a besoin d’être informé de ce qui va lui arriver, de son sort (Michel et Thirion, 2004). L’information du patient pourrait l’aider à mieux comprendre le fonctionnement du service et d’accepter par la suite, l’attente.

D’autre part, les gestes du soignant comptent beaucoup dans le contrôle des patients. L’infirmier doit se montrer courtois, respectueux et doit accueillir le patient avec le sourire.  L’infirmier doit toujours exercer son métier dans le respect de la vie et de la personne humaine. Le respect pourrait aider le patient à se montrer plus respectueux et à diminuer le ton de sa voix quand il s’adresse au soignant. Notre enquête a fait ressortir l’incivilité comme étant une des manifestations de la violence ou de l’agressivité du patient. Le respect et le sourire pourrait aider le patient.

Et notre enquête a fait sortir la notion d’adaptabilité du soignant à la situation. La capacité d’adaptation de l’infirmier aux différents changements de son environnement de travail et au profil du patient qu’il prend en charge permet d’améliorer la prise en charge et l’organisation du travail[18].

Conclusion

Notre étude confirme que la violence est présente dans les services des urgences et plus particulièrement, dans la salle d’attente. Nous avons démontré que ce service subit une profonde modification due notamment au manque de personnel, aux difficultés sociales et à la difficulté des patients à discerner ce qui relève de l’urgence et de ce qui ne l’est pas. Nous avons établi dans le cadre de notre étude que la prolongation de l’attente constitue la principale source de mécontentement et d’angoisse du patient, et le pousse souvent à commettre un acte de violence envers le soignant. Mais ce fait devrait être atténué.

Nous avons pu vérifier notre première hypothèse selon laquelle, l’information du patient concernant son état, les raisons de son attente et le fonctionnement du service constitue une démarche permettant de le rassurer. Dans notre enquête, nous avons montré que les patients avaient besoin d’information et le manque d’information, les incertitudes concernant leur sort conduit à des tensions et finalement, à des violences ou des agressions. Tout se passe alors comme si la violence constituait le seul moyen pour le patient de se faire entendre.

Nous avons pu vérifier entre autre notre deuxième hypothèse selon laquelle, la prise en charge de la douleur et de la souffrance de l’individu nécessite de l’écoute et de l’attention de la part du soignant. C’est la raison pour laquelle, l’écoute et les gestes du soignant envers le patient ont été à rapportés dans le cadre de notre enquête. Le sourire, l’écoute, le regard constituent autant de moyen de communication permettant de mettre en place un climat de confiance.

Nous avons démontré dans notre étude les différentes postures permettant au soignant de contrôler la violence du patient, mais nous n’avons pas pu démontrer la posture que le soignant doit prendre en considération lorsque le patient refuse d’écouter. En effet, nous avons démontré dans le cadre conceptuel que la communication et l’aspect relationnel de l’individu nécessite que l’émetteur soit clair et concis dans ses propos et que le récepteur décrypte ce qu’il veut dire. Mais cela nécessite aussi de l’écoute de sa part. Or, les patients qui se montrent violents peuvent ne pas écouter leurs interlocuteurs.  Etant donné que l’allongement du temps d’attente soit à la base du mécontentement du patient, alors une autre voie de recherche s’ouvre à nous : Comment optimiser l’organisation du service au sein du service d’urgence pour diminuer le temps d’attente ?

Bibliographie

  • Beltramini, A., Debuc, E. et Pateron, D. 2014. « L’organisation des services d’urgences : un enjeu face à la surcharge », Annales Française de Médecine Urgence, 4 : 106 – 115.
  • Desmettre, T., Baron, A., Capellier, G. et Tazarourte, K. 2013. « L’infirmière organisatrice de l’accueil (IOA) : rôle et fonctions », Réanimation, 22 : 610 – 615.
  • Ducrocq, F. et Vaiva, G. 2004. Etats délirants. In : Carli, P., Riou, B. et Télion, C. (Eds.), Urgences médico-chirurgicales de l’adulte. 2ème édition, Groupe Liaisons, Rueil-Malmaison, pp. 1026 – 1032.
  • Gbézo, B. 2011. Les soignants face à la violence. 2ème édition. Wolters Kluwer France, Rueil-Malmaison, 227p.
  • Gouirand, P. 2011. L’accueil : Théorie, histoire et pratique. L’Harmattan, Paris, 252p.
  • Lapotre-Andrieux, S. 2014. L’accompagnement au clair de lune. In : Demol, J. et Guillaumin, C. (Eds.), Former et prendre soin, L’Harmattan, Paris, pp. 35 – 53.
  • Manoukian, A. 2008. La relation soignant-soigné. 3ème édition. Wolters Kluwer France, Rueil-Malmaison, 223p.
  • Michel, M. et Thirion, J. 2004. Gestion des risques et de la qualité. Faire face à la violence dans les institutions de santé. Groupe Liaisons, Rueil-Malmaison, 237p.
  • Molinier, A. et Massol, J. 2007. Pathologie médicale et pratique infirmière : cardiologie, pneumologie, orthopédie-rhumatologie, gérontologie –gérontopsychiatrie, psychiatrie. Wolters Kluwer France, Rueil-Malmaison, 514p.
  • Nizard, G. 1985. Analyse transactionnelle et soin infirmier. Editions Mardaga, Bruxelles, 188p.

[1] Ce que vous devez savoir sur les services d’urgences, http://www.hopital.fr/Hopitaux/Vos-demarches/Les-urgences/Ce-que-vous-devez-savoir-sur-les-services-d-urgence

[2] Ferrari, R. 2013. La violence aux urgences : une triste réalité ? http://www.sfmu.org/urgences2013/urgences2013/donnees/pdf/110_Ferrari.pdf

[3] Déclarer en ligne un incident à l’observatoire de la violence envers les IDE, http://www.ordre-infirmiers.fr/les-infirmiers/Declarer-un-incident.html

[4] Urgences médico-chirurgicales de l’adulte 2éme édition, Pierre Carli, page 47

[5] Maillard-Acker, C. 2012. Infirmière organisatrice de l’accueil et référentiel. Urgences, http://www.sfmu.org/urgences2012/urgences2012/donnees/pdf/102_maillard.pdf

[6] Maillard-Acker, C. 2012. Infirmière organisatrice de l’accueil et référentiel. Urgences, http://www.sfmu.org/urgences2012/urgences2012/donnees/pdf/102_maillard.pdf

[7] SFMU. 2008. Référentiel de compétences. Commission infirmière. L’infirmier en médecine d’urgence, http://www.sfmu.org/documents/File/referentielsSFMU/Referentiel_IDEU_VF2008-06-1.pdf

[8] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/accueil/569

[9] Ferrari, R. 2013. La violence aux urgences : une triste réalité ? http://www.sfmu.org/urgences2013/urgences2013/donnees/pdf/110_Ferrari.pdf

[10] Maillard-Acker, C. 2012. Infirmière organisatrice de l’accueil et référentiel. Urgences, http://www.sfmu.org/urgences2012/urgences2012/donnees/pdf/102_maillard.pdf

[11] Ferrari, R. 2013. La violence aux urgences : une triste réalité ? http://www.sfmu.org/urgences2013/urgences2013/donnees/pdf/110_Ferrari.pdf

[12] Maillard-Acker, C. 2012. Infirmière organisatrice de l’accueil et référentiel. Urgences, http://www.sfmu.org/urgences2012/urgences2012/donnees/pdf/102_maillard.pdf

[13]   Larousse Encyclopédique universel,  1997

[14] Gbezo, B. 2011. Les soignants face à la violence. 2ème édition. Lamarre, p.13.

[15]  Cintas, C. et Sprimont, P. Soutien social et violence au travail : quels effets sur le burnout ? http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2011cintas-sprimont.pdf

[16] Peplau, H. 1995. Les relations interpersonnelles en soins infirmiers. InterEditions, http://www.benetmax.fr/site5/wa_files/Les_20relations_20interpersonnelles_20en_20SI__20Pepleu_20Hildegard_20-_20R_C3_A9sum_C3_A9_20-_20Fev.pdf

[17] Blettery, B., Ebrahim, L., Honnart, D. et Aube, H. 1996. « Les échelles de mesure de la douleur dans un service d’accueil des urgences », Réanimation Urgences, 5(6) : 691 – 697, http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1164675605805948

[18] Rapiau, M. 2008. Gérer la mobilité professionnelle et l’adaptabilité : le cas des infirmiers. Cahiers de recherche CERAG n° 2008 – 04 E1, http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/45/60/18/PDF/cr_2008_04_E1.pdf

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