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Analyse de la pauvreté urbaine à Antananarivo et axes de lutte contre les inégalités

 
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Sommaire

 

ABREVIATIONS. 4

LISTE DES TABLEAUX. 4

  1. INTRODUCTION.. 5
  2. CONCEPT DE LA PAUVRETE. 7

2.1.         Définitions et mesures de la pauvreté. 7

2.1.1.      La pauvreté monétaire. 7

2.1.2.      La pauvreté des conditions de vie. 7

2.1.3.      La pauvreté des potentialités. 7

2.1.4.      La pauvreté humaine. 8

2.1.5.      Autres dimensions de la pauvreté. 8

2.2.         Evolution du concept de la pauvreté. 8

2.3.         Les approches théoriques de la mesure de la pauvreté. 9

2.4.         L’extrême pauvreté dans les bas-quartiers. 10

III.     ETUDE  DE LA PAUVRETE DANS LES BAS-QUARTIERS D’ANTANANARIVO.. 11

3.1.         Problématique. 11

3.2.         Méthodologie. 11

3.2.1.      La recherche documentaire. 11

3.2.2.      L’enquête qualitative. 12

3.2.3.      Résultats des enquêtes quantitatives existantes. 12

  1. LES GRANDES CARACTERISTIQUES DE LA PAUVRETE DANS LES BAS QUARTIERS D’ANTANANARIVO.. 13

4.1.         Une augmentation croissante de la pauvreté nationale et urbaine. 13

4.2.         Niveau de pauvreté dans la Commune Urbaine d’Antananarivo. 15

4.3.         Résultats des études : les caractéristiques et les causes de la pauvreté dans les bas-quartiers de la ville d’Antananarivo  15

4.3.1.      Revenus précaires et instables. 16

4.3.2.      Accès aux services de base. 19

4.4.         Les moyens de subsistance des ménages pauvres. 34

4.4.1.      Stratégies impliquant des actions individuelles. 34

4.4.2.      Stratégies impliquant des institutions. 35

4.5.         Facteurs d’aggravation de la pauvreté et des inégalités. 36

4.6.         Aspirations des pauvres. 37

  1. LES REPONSES DES DIVERS INTERVENANTS POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETE URBAINE. 37

5.1.         Etat : Très faible degré d’intervention dans la lutte contre la pauvreté urbaine. 38

5.2.         Bailleurs multilatéraux: Intervention limitée. 41

5.3.         Bailleurs bilatéraux : Intervention limitée. 44

5.4.         Les ONGs : intervention disparate et peu conséquente. 45

5.5.         La coopération décentralisée: intervention insuffisante. 47

  1. Propositions de plans d’action pour mitiger la pauvreté et les inégalités. 49

6.1.         Introduction du développement urbain dans la stratégie de lutte contre la pauvreté. 49

6.2.         Le droit à la citoyenneté des personnes pauvres. 50

6.3.         Création d’emplois pour les pauvres. 51

6.4.         Amélioration des conditions de vie des pauvres. 52

VII.         Bibliographie. 56

VIII.        Annexes. 59

 

 

 

 

ABREVIATIONS

 

AGOA

AMIT

CSB

CTD                            Collectivités Territoriales Décentralisées

CUA                           Commune Urbaine d’Antananarivo

EPIC

FDL                            Fonds de Développement Local

FRAM

HIMO                         Haute Intensité de Main d’œuvre

IDH                             Indice de Développement Humain

INSTAT                      Institut National de la Statistique

JIRAMA                     Jiro sy Rano Malagasy

NTIC                           Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

OMD                           Objectifs de Développement du Millénaire

ONG                           Organisation Non Gouvernementale

PIB                              Produit Intérieur Brut

PIP

PNUD

SAMVA

SIRS                           Santé, Inégalités et Ruptures Sociales

SMIG

 

 

 

 

 

LISTE DES TABLEAUX

 

Descriptions des tableaux

 

Pages
Tableau 1 : Taux de pauvreté par année en %

 

14
Tableau 2: Ratio et intensité de pauvreté en 2010, selon le milieu, par région 14
Tableau 3 : Perception de la situation financière selon le niveau de revenu (en %) 17
Tableau 4 : Caractéristiques des logements et de l’environnement selon le type et le niveau de revenus moyens du quartier 19
Tableau 5 : Taux d’utilisation des latrines dans trois quartiers

 

24
Tableau 6 : Recours aux soins par la population de l’agglomération d’Antananarivo 31
Tableau 7: Problèmes de violence et de drogue selon le niveau de richesse du quartier (%) 33
Tableau 8: Alimentation et aléas du niveau de vie

 

35
  1. INTRODUCTION

 

Capitale  de Madagascar et partie intégrante de la Région Analamanga, la Commune Urbaine d’Antananarivo compte plus de 1 030 000 habitants en fin Décembre 2004, représentant ainsi  39% de la population totale de la Région. La densité globale de cette population urbaine se chiffrant à 8 687 habitants/km² est particulièrement élevée par rapport à la densité nationale moyenne qui ne dépasse pas les 30 habitants par km². De 1993 à 2004, la population de la Région a augmenté de 66% démontrant ainsi une forte augmentation démographique dans la capitale, phénomène accentué par la migration de certaines populations rurales dans la grande ville.

 

Bien que la ville ne soit pas desservie par un port, la ville d’Antananarivo constitue le poumon économique de Madagascar. La ville est particulièrement considérée comme attrayante pour la potentialité de travail et de sources de revenus qu’elle représente en raison de la multitude d’entreprises formelles et multisectorielles qui y opèrent et du secteur informel qui s’y développe de plus en plus. La ville est également attractive pour ses services de proximité : éducation, santé, eau et électricité, assainissement ainsi que ses infrastructures modernes comme la télécommunication. L’agriculture et l’élevage ne sont pas des activités très représentatives dans la Commune Urbaine d’Antananarivo en raison de l’insuffisance des terres disponibles et de la spéculation foncière, ces types d’activités s’exercent plus dans les villes périphériques environnantes.

 

Bien que la capitale soit attractive économiquement, la pauvreté urbaine demeure flagrante dans la ville d’Antananarivo, notamment dans ses bas-quartiers. En 2005, il a été estimé qu’un ménage sur dix dans les villes vivait dans une condition de pauvreté extrême, une population pauvre qui représentait approximativement 700 000 personnes. A l’heure actuelle, le nombre de ménages vivant dans des conditions précaires dans la ville d’Antananarivo a sans aucun doute augmenté au vu de la croissance démographique de la population urbaine, de la migration des paysans en recherche d’une meilleure condition de vie,  des crises politiques qui ont secoué le pays et qui ont engendré  la perte de nombreux emplois et la baisse considérable du pouvoir d’achat de la population.

 

L’aggravation de la pauvreté et des inégalités en milieu urbain est d’autant plus accentuée par l’absence d’une politique et stratégie bien définie pour lutter contre la pauvreté et la misère urbaine. En effet, étant donné que 2/3 de la population de Madagascar vivent en milieu rural, les priorités nationales de lutte contre la pauvreté à Madagascar ont toujours été fortement axées sur le développement rural avec pour objectifs l’augmentation de la production, la sécurité alimentaire ainsi que l’augmentation de l’exportation. La lutte contre la pauvreté urbaine a été ainsi quelque peu négligée.

 

Pour mieux appréhender la pauvreté urbaine et les inégalités dans les bas-quartiers de la ville d’Antananarivo, le présent document cherche à :

 

  • mettre en exergue les différents problèmes auxquels la population des bas-quartiers fait face afin de mieux comprendre les interdépendances entre les différents facteurs de pauvreté et de définir si un facteur ou un problème défini peut être traité en priorité par rapport aux autres facteurs de pauvreté,

 

 

 

  • définir les différents facteurs aggravant l’état de pauvreté et de misère de cette population bien définie ainsi que les moyens adoptés par les familles vivant dans des conditions précaires pour survivre afin de déterminer si des actions peuvent être développées afin d’aider la population à mieux surmonter ses difficultés,

 

  • effectuer une présentation générale des principaux intervenants et des interventions déjà réalisées dans les bas-quartiers de la ville d’Antananarivo. Cette analyse permettra de déterminer les forces et faiblesses des intervenants ainsi que les contraintes qu’ils subissent dans l’exercice de leurs missions.

 

  • proposer des axes stratégiques globaux de lutte contre la pauvreté, la misère et les inégalités dans les bas-quartiers au vu des résultats des analyses précédents.
  1. CONCEPT DE LA PAUVRETE

 

La pauvreté d’un individu se définit comme une insuffisance de ressources financières et matérielles se manifestant généralement par un manque d’argent, empêchant ce dernier de bénéficier de bonnes conditions de vie et de vivre dignement.

 

  • Définitions et mesures de la pauvreté

 

Bien que la dimension économique et financière soit la plus utilisée pour évaluer la pauvreté d’une personne, d’un ménage, d’un pays ou d’une région, elle englobe diverses autres dimensions tout aussi importantes. Quatre formes de pauvreté sont fréquemment observées dans les diverses littératures sur la pauvreté : la pauvreté monétaire, la pauvreté des conditions de vie ou d’existence, la pauvreté des potentialités ainsi que la pauvreté humaine.

 

  • La pauvreté monétaire

 

La pauvreté monétaire se traduit tout simplement comme un manque d’argent. Elle peut être  mesurée suivant le niveau de consommation lorsque les revenus de la population étudiée sont disparates. La population pauvre consomme en effet largement moins que la moyenne. La pauvreté est également mesurée en fonction du revenu, méthode la plus utilisée pour évaluer le taux de pauvreté en raison de sa simplicité.

 

L’approche par la pauvreté absolue consiste à déterminer combien d’individus vivent sous le seuil de pauvreté fixé à 1,25 US$/jour[1]. Cette approche est la plus adaptée dans les pays en développement où une importante frange de la population vit autour et sous le seuil de pauvreté.

 

La pauvreté relative d’une population est calculée sur la base du revenu médian ou de la consommation moyenne des habitants. Les personnes pauvres se situent dans la tranche des  premiers 20% ou sont constituées par celles qui gagnent un revenu inférieur au revenu médian. Cette approche est très utile lorsque le pays étudié est en phase de croissance économique car elle permet de chiffrer la marge de la population marginalisée.

 

  • La pauvreté des conditions de vie

 

Cette définition considère la dimension qualitative de la pauvreté et se base sur la théorie des besoins essentiels. En effet, le pauvre se trouve dans l’impossibilité de satisfaire ses besoins les plus basiques tels que se nourrir convenablement, être logé, avoir accès à l’éducation et à la santé.

 

  • La pauvreté des potentialités

 

La pauvreté des potentialités s’explique par l’incapacité d’une personne à se sortir de la pauvreté, à vivre dignement et à exploiter ses propres capacités faute de moyens physiques ou financiers, faute d’éducation et d’expériences et faute de réseau de relations, droits politiques etc… L’économiste SEN (1985) parle de “functionings” ou de fonctionnement pour définir les activités qu’un individu peut mener ou des états qu’il peut atteindre. Il ne s’agit pas dans ce cas de garantir l’atteinte d’un niveau mais seulement d’assurer la possibilité effective ou l’opportunité réelle d’y accéder. Une personne qui n’a pas eu accès à de l’éducation ou à de la formation professionnelle, qui a faim et ne mange pas suffisamment, ou qui a une mauvaise santé ne sera pas en mesure de mettre en valeur ses capacités et de saisir les opportunités existantes pour se sortir de ses difficultés quotidiennes.

 

 

  • La pauvreté humaine

 

En 1990, le PNUD prend en considération le concept du développement humain en proposant des nouveaux indicateurs de pauvreté humaine – les IDH. Ces indicateurs tiennent compte de plusieurs critères tels que le niveau de revenu, le niveau de consommation, le niveau d’instruction, la santé de la population ou l’espérance de vie moyenne.

 

  • Autres dimensions de la pauvreté

 

Le concept de la pauvreté dans une dimension sociale se focalise sur la détérioration des liens qui rattachent l’individu à la communauté. La pauvreté favorise l’isolement social d’une personne qui n’arrive pas à répondre aux obligations communautaires lors des décès ou dans le cadre des traditions et coutumes d’une population, et qui n’arrive pas à s’insérer dans une communauté étant donné la mauvaise estime de soi qu’un pauvre a de lui-même et au vu de la mauvaise perception des autres membres de la communauté.

 

La pauvreté culturelle se manifeste par l’incapacité d’une personne à s’identifier par rapport à une culture définie.

 

La pauvreté politique  concerne la privation des droits civiques en raison de la non possession de documents attestant l’état civil d’une personne et l’impossibilité de ce dernier à voter lors des élections, à défendre sa cause et à plaider pour l’amélioration de sa situation en haut lieu.

 

Les différentes dimensions de pauvreté sont liées entre elle. En effet, la pauvreté monétaire engendre une pauvreté des conditions de vie à court et à moyen terme puisque le manque de revenus constitue une barrière importante pour satisfaire ses besoins fondamentaux. Lorsqu’elles durent pendant une certaine période, ces deux formes de pauvreté finissent par engendrer une pauvreté des potentialités pour l’individu qui est mal en point physiquement et moralement, qui n’a pas pu avoir accès à une éducation ou à une formation professionnelle et qui est exclu socialement. A cause de ces manquements, le pauvre n’a pas accès au marché du travail et se trouve imbriqué dans des situations défavorables : travail au noir, crime et drogue. L’interdépendance de ces différentes dimensions explique le cercle vicieux de la pauvreté.

 

  • Evolution du concept de la pauvreté

 

L’approche monétaire a particulièrement été utilisée pendant plusieurs années pour mesurer le taux de pauvreté. En 1985, les institutions de Bretton Woods mesurent la pauvreté à partir du seuil établi à 1 US$ par jour. En 1990, le PNUD intègre le concept de développement humain dans la mesure de la pauvreté. La dimension de la pauvreté humaine voit le jour à partir de 1997.

 

Outre les concepts développés par les grandes institutions internationales, la revue de la littérature sur la pauvreté démontre différentes approches qui ont contribué à enrichir la définition de la pauvreté : sont notamment cités l’approche conceptuelle des sociologues (B.S. Rowntree), des économistes du bien-être (W. Pareto), des philosophes économiques de la pauvreté (J.Rawls) (minimum vital, pauvreté absolue, équité, justice et inégalité), ainsi que l’approche normative de l’économiste indien SEN (potentialités).

 

Un concept plus dynamique de la pauvreté est présenté par Wright en 1999, ce dernier estime que la pauvreté consiste en l’incapacité d’un individu à maintenir un niveau de bien-être spécifié. Ainsi, il ne suffit pas  uniquement d’améliorer le revenu des pauvres, il faut les aider à stabiliser leur niveau de vie pour réduire leur vulnérabilité.

 

  • Les approches théoriques de la mesure de la pauvreté

 

La revue des littératures permet de dégager deux différentes écoles dans les approches théoriques de la mesure de la pauvreté: l’approche utilitariste et l’approche non utilitariste.

 

L’approche utilitariste se base sur le principe que chaque individu satisfait son bien-être selon ses préférences. Une personne est ainsi considérée comme pauvre lorsqu’il n’arrive pas à atteindre un certain degré de satisfaction de bien-être qu’il perçoit comme un minimum raisonnable dans la société où il vit et évolue. La notion de bien-être concerne autant les biens que les services. Outre les caractéristiques sociodémographiques et les conditions de vie d’un individu, le niveau d’utilité des actions réalisées par la personne sont également évaluées par rapport à sa perception. L’utilité étant impossible à mesurer, l’approche utilitariste utilise le revenu ou la consommation comme base de la mesure de la pauvreté. Ainsi, un individu ou un ménage qui n’atteint pas un niveau de revenu ou de consommation qu’il juge acceptable dans une société donnée selon les standards de cette société est considéré comme pauvre. Cette approche définit la pauvreté monétaire et sert de base de décisions pour établir des politiques et des stratégies visant l’augmentation du revenu pour lutter contre la pauvreté.

 

L’approche non utilitariste se base sur le principe qu’un individu satisfait son bien-être selon les normes et les valeurs de chaque société. Le niveau de bien-être jugé satisfaisant pour un individu n’a ainsi rien à voir avec la perception propre du ménage ou de l’individu. Cette approche prend en considération différentes dimensions du bien-être. Il existe deux approches non utilitaristes : l’approche basée sur les capacités et l’approche basée sur les besoins essentiels.

 

 

  • Approche non utilitariste basée sur les capacités

 

Selon cette approche, les capacités sont définies comme étant une combinaison fonctionnelle du savoir-être et du savoir-faire que chaque personne peut atteindre. La valeur de la vie d’une

personne dépend d’un ensemble de combinaisons des façons d’être et de faire, définies comme des « fonctionnements ». Cette approche évoque donc  les facultés élémentaires d’une personne à se nourrir convenablement, à rester en bonne santé, à se loger et à bien s’habiller, à être heureux, à avoir confiance en lui, à s’intégrer socialement. Pour qu’un individu soit considéré comme pauvre, il doit manquer d’habiletés ou des capacités humaines. Une personne qui a pu accéder à une bonne éducation et qui pourrait normalement trouver un emploi choisit l’oisiveté et reste volontairement au chômage : il serait considéré comme pauvre dans une approche utilitariste puisque seul son revenu sera pris en considération, mais sera catégorisé comme non pauvre dans une approche non utilitariste. Cette approche est adéquate pour établir des politiques et des stratégies visant à renforcer les capacités des pauvres.

 

 

  • Approche non utilitariste basée sur les besoins essentiels

 

Selon cette approche, le bien-être d’un individu est mesuré en fonction de la satisfaction d’un ensemble de critères jugés comme essentiels pour mener une vie décente : une alimentation saine et suffisante, un logement décent, un accès à la santé et à l’éducation, un accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène, un habillement décent ainsi que le respect des droits de l’individu. Ainsi, une personne est considérée comme pauvre lorsqu’il n’arrive pas à satisfaire ses besoins les plus fondamentaux. Cette approche permet d’établir des politiques et des stratégies visant à accorder une vie décente minimum raisonnable aux pauvres.

 

  • L’extrême pauvreté dans les bas-quartiers

 

L’extrême pauvreté peut être définie comme « le cumul durable des précarités dans tous les domaines de la vie : revenus, logement, santé, éducation, emploi, absence de représentation politique. »[2] Une personne ou une famille vit ainsi dans une condition d’extrême pauvreté lorsqu’elle ne peut pas satisfaire ses besoins les plus élémentaires et qu’elle n’arrive pas à  survivre sans aide extérieure. L’extrême pauvreté vécue par la population des bas-quartiers associe à la fois la pauvreté et l’exclusion sociale car cette frange de population se trouve également dans l’incapacité d’exercer ses simples droits concitoyens et de se réinserer socialement dans la communauté. Pour mieux comprendre le vécu des personnes pauvres des bas-quartiers, un certain nombre de précarités sera étudié dans la prochaine partie : revenu, logement, eau potable et assainissement, éducation et santé.

 

 

 

  • ETUDE DE LA PAUVRETE DANS LES BAS-QUARTIERS D’ANTANANARIVO

 

La pauvreté monétaire et la pauvreté des conditions de vie des ménages dans l’agglomération d’Antananarivo sont nettement visibles dans les bas-quartiers de la basse ville. Parfois cachée dans les entrailles de la capitale, la pauvreté se dévoile dès que les bâtiments bordant les routes principales sont franchis ou à l’intérieur de la ville. Une étude sur terrain a été effectuée afin de collecter des informations suffisantes pouvant servir de base à l’analyse de la pauvreté et des inégalités dans la ville d’Antananarivo.

 

  • Problématique

 

L’objectif général de l’étude effectuée vise à contribuer à une meilleure prise de conscience de la pauvreté dans les bas-quartiers d’Antananarivo et à une meilleure connaissance du vécu quotidien des ménages pauvres dans ces quartiers.

 

L’étude cherche par ailleurs à répondre aux objectifs spécifiques ci-après :

 

  • analyser la perception de pauvreté des ménages localisés dans les bas-quartiers d’Antananarivo,
  • comprendre les caractéristiques et les causes de la pauvreté des ménages,
  • connaître les moyens de subsistance des ménages pauvres face aux différents chocs,
  • formuler des propositions d’actions générales de lutte contre la pauvreté humaine.

 

Les hypothèses qui soutiennent la présente étude sont :

 

  • les mauvaises conditions de vie des pauvres constituent des freins au développement économique, social et humain de chacun des membres d’un ménage pauvre,
  • la meilleure connaissance de la pauvreté urbaine dans l’agglomération d’Antananarivo permet de définir une stratégie adaptée au contexte,
  • la lutte contre la pauvreté urbaine est un facteur essentiel au développement économique et social du pays.

 

  • Méthodologie

 

Pour pouvoir atteindre les objectifs susmentionnés, l’étude a nécessité la combinaison de trois méthodes de collecte d’information consistant en :

 

  • une recherche documentaire,
  • une enquête qualitative,
  • une exploitation des résultats des enquêtes quantitatifs existants.

 

 

  • La recherche documentaire

 

La recherche documentaire permet de faire le point sur les documentations existantes, les études et recherches déjà réalisées. A l’issu de cette recherche documentaire, il a été constaté que très peu d’études et d’analyses ont été réalisées et que celles existantes sont très récentes.

 

  • L’enquête qualitative

 

L’approche qualitative a été choisie parce qu’elle permet de collecter des informations qualitatives et descriptives et que le coût de réalisation de l’enquête est relativement faible. Elle permet en outre de mener des discussions ouvertes avec les interviewés et d’appréhender certains points qui n’ont pas été abordés au départ.

 

L’approche qualitative de cette étude repose sur deux principes:

 

  • la reconnaissance que les ménages pauvres sont plus expérimentés pour expliquer les caractéristiques et les causes de la pauvreté qu’ils vivent au quotidien, leurs moyens de survie, ainsi que les raisons pour lesquelles les actions mises en place sont inefficaces ou insuffisantes,
  • et la reconnaissance que les résultats des enquêtes qualitatives réalisées dans le cadre de la ville d’Antananarivo ne suffisent pas à définir toutes les dimensions de la pauvreté, notamment humaine des ménages pauvres.

 

L’enquête qualitative a été menée par le biais d’entretien individuel auprès de :

  • 20 ménages pauvres du quartier Manarintsoa Isotry,
  • 20 ménages pauvres du quartier Anatihazo Isotry,
  • 5 chefs de fokontany des quartiers Manarintsoa Isotry, Anatihazo Isotry, Andranomanalina, Andavamamba, Anosibe Angarangarana,

 

Les entretiens individuels auprès des ménages et des chefs fokontany ont été réalisés grâce à des guides d’entretien attachés en annexe et ont duré 30 minutes en moyenne.

 

Les quartiers cibles et les ménages interviewés ont été choisis d’une manière aléatoire. Il a été particulièrement difficile de trouver les chefs de ménage durant chaque visite car ils étaient déjà attelés à leur tâche quotidienne.  Les entretiens avec les chefs fokontany ont été réalisés après une prise de rendez-vous.

 

La méthode d’analyse du contenu a été adoptée pour traiter les informations collectées lors de l’enquête qualitative.

 

  • Résultats des enquêtes quantitatives existantes

 

Les informations collectées lors de l’enquête qualitative peuvent être biaisées par la perception subjective d’un ménage par rapport à son degré de pauvreté. En effet, un ménage peut ne pas se considérer comme pauvre s’il se compare à un autre ménage plus démuni que lui. Par ailleurs, il est difficile de considérer l’ensemble des informations qualitatives collectées comme représentatives de la perception de la pauvreté par tous les ménages pauvres de la ville d’Antananarivo. Pour limiter ces biais, les statistiques obtenues des enquêtes quantitatives ci-après ont été considérées afin de mieux appréhender l’état de pauvreté des ménages urbains :

 

  • Enquête permanente sur les ménages 2010, INSTAT,
  • Enquête McRAM 2010, situation économique des ménages de la ville d’Antananarivo,
  • Enquête SIRS, 2003, INSTAT/DIAL, MADIO

 

 

Il est important de noter que les statistiques sur la pauvreté et la précarité des ménages peuvent être biaisées par le fait que bon nombre de familles ne sont pas enregistrés dans les fokontany et ne disposent pas en outre de documents attestant leur état civil. Or, il s’avère que l’échantillonnage des ménages lors des enquêtes  sus mentionnées est effectué sur la base des listes de population fournies par les fokontany ciblés. Une frange de population vivant principalement dans les bas-quartiers est ainsi peu représentée dans les statistiques. Cette constatation permet de penser qu’un plus grand nombre de ménages de la Commune Urbaine d’Antananarivo vivrait dans des conditions d’extrême pauvreté.

 

 

 

  1. LES GRANDES CARACTERISTIQUES DE LA PAUVRETE DANS LES BAS QUARTIERS D’ANTANANARIVO

 

La présente partie restitue les perceptions des ménages pauvres, les différentes caractéristiques et les causes de la pauvreté définies par les pauvres eux-mêmes, et les constatations déduites des résultats statistiques.

 

  • Une augmentation croissante de la pauvreté nationale et urbaine

 

Des enquêtes permanentes auprès des ménages malagasy ont été réalisées sur le plan national en 1993, 1997, 1999, 2001 et 2010 par l’INSTAT aux fins de décrire et de dégager le profil de pauvreté à Madagascar. La première enquête effectuée en 1993 avait couvert un échantillonnage de 4508 ménages et une grande proportion de ces mêmes ménages (environ 60%) ont été ré-enquêtées lors des prochaines enquêtes afin d’évaluer l’évolution de la pauvreté. D’autres ménages ont été intégrés au fil des enquêtes pour que tous les métiers soient pris en considération, notamment les métiers du secteur agricole, les fonctionnaires ou les indépendants, ce qui a porté le nombre des ménages étudiés à plus de 5000 en 1999 et en 2001, et à 12 460 ménages en 2010. Par rapport au seuil de 468 800 Ar/personne/an, évalué en fonction des prix pratiqués dans la capitale, 76,5% de la population sont classés comme pauvres. Avec une probabilité de 95%, l’incidence de la pauvreté se situe entre 74,97% et 78,03%.

 

La définition de la pauvreté extrême retenue lors de ces enquêtes correspond à celle où tout individu dont « les ressources sont insuffisantes pour consommer, en plus des produits non alimentaires indispensables, une ration alimentaire de 2 133 calories par jour, le minimum nécessaire pour entretenir une vie normale et active. » Conformément à cette définition, le seuil de pauvreté extrême a été fixé à 328 162 Ariary par individu par an, et toute personne dont les revenus annuels sont en dessous de ce seuil est considérée comme en situation de pauvreté extrême. Ainsi, un peu plus de la moitié, soit 56,5% de la population malagasy vivent dans la pauvreté extrême. Cela représente plus de 11 millions de personnes. C’est en milieu rural que l’incidence de la pauvreté est la plus élevée avec un taux de 62,1%, contre 34,6% en milieu urbain.[3]

 

Pour ce qui est de l’inégalité, les 10% les plus riches consomment 5,4 fois plus que les 10% les plus pauvres. Les plus pauvres consomment moins de la moitié du niveau de consommation des ménages médians.

 

Le tableau comparatif par année ci-après démontre une augmentation de la pauvreté de 2001 à 2010. Entre 2005 et 2010, la pauvreté a augmenté de 7,8 points à Madagascar.  Au niveau national, l’intensité de la pauvreté [4]est au même niveau que celle de 2001. En milieu urbain, on retrouve la situation de l’année 1999.

 

Tableau 1 : Taux de pauvreté par année en %

Année

 

1993 1997 1999 2001 2010
Madagascar

 

70,4 73,7 71,7 69,6 76,5

 

Source : INSTAT/EPM

 

 

 

Bien que le ratio et l’intensité de pauvreté de la région Analamanga soient les moins élevés par rapport aux autres régions de Madagascar, il n’en demeure pas moins que le ratio de pauvreté dans le milieu urbain de la région Analamanga reste considérable.

 

 

Tableau  2: Ratio et intensité de pauvreté en 2010, selon le milieu, par région

Unité : %

 

  Ratio de pauvreté Intensité de pauvreté
Région Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble
Analamanga 44,2 61,7 54,5 14,2 21 18,2
Vakinankaratra 59,5 80,1 75,8 20,4 31,9 29,5
Itasy 73,0 80,6 79,9 31,3 31,3 31,3
Bongolava 55,2 80,1 76,8 18,3 30,7 29
Matsiatra Ambony 55,5 91,1 84,7 21,7 48,1 43,3
Amoron’i Mania 61,0 88,2 85,2 20,4 39,7 37,6
Vatovavy Fitovinany 71,1 92,8 90,0 35,4 48,1 46,4
Ihorombe 72,0 82,6 80,7 35,5 36,9 36,6
Atsimo Atsinanana 63,1 97,5 94,5 25,7 53,7 51,2
Atsinanana 60,2 88,7 82,1 25,1 46,0 41,2
Analanjirofo 59,4 89,1 83,5 25,6 45,7 41,9
Alaotra Mangoro 47,5 72,2 68,2 17,6 26,4 25,0
Boeny 45,2 69,9 62,6 14,9 27,4 23,7
Sofia 52,8 73,8 71,5 17,3 27,2 26,1
Betsiboka 66,4 84,7 82,2 21,3 39,1 36,7
Melaky 60,5 85,8 80,2 20,4 38,0 34,1
Atsimo Andrefana 65,9 87,4 82,1 28,8 48,0 43,3
Androy 94,4 94,3 94,4 63,8 60,3 60,9
Anosy 55,1 87,6 83,5 24,2 46,5 43,7
Menabe 38,9 72,5 64,2 14,1 28,0 24,6
Diana 31,7 69,2 54,4 7,7 29,3 20,8
Sava 38,9 78,7 74,9 13,5 35,2 33,1
Ensemble 54,2 82,2 76,5 21,3 38,3 34,9

Source: INSTAT/DSM/EPM 2010

 

Outre cet indicateur de pauvreté pécuniaire, les autres dimensions de la pauvreté incluant les différents types de précarité désignant l’incapacité des individus et des ménages à faire face à leurs besoins les plus élémentaires sont reflétées dans l’IDH ou l’indice de développement humain : l’IDH de Madagascar en 1999 est de 0,467 ; celui de 2002 s’élève à 0,469 ; celui de 2005 se chiffre à 0,527 ; celui de 2009 est de 0,543 et celui de 2010 se situe à 0,435. Les diverses crises politiques que connaissant le pays font fluctuer le niveau de pauvreté de la population, la pauvreté augmente considérablement pendant et immédiatement après chaque crise.

 

  • Niveau de pauvreté dans la Commune Urbaine d’Antananarivo

 

Etant donné que le dernier recensement officiel de la population datait de 1993 et que la dernière enquête des ménages de la ville d’Antananarivo a été réalisée il y a une dizaine d’années, il est difficile de préciser avec certitude le nombre de ménages vivant en situation d’extrême pauvreté dans la capitale. Les résultats de l’enquête McRAM[5] effectuée auprès d’un échantillon de 503 ménages (2194 individus au total) représentatifs de la Commune Urbaine d’Antananarivo  démontrent que 38% des ménages vivent avec un revenu mensuel inférieur à 100 000 Ariary. Un ménage étant statistiquement composé en moyenne de 4,4 personnes, chaque individu vit en moyenne avec 757 Ariary par jour, ce qui est largement inférieur au seuil de pauvreté international fixé à un revenu de 1,25 US$/jour par personne[6].

 

 

  • Résultats des études : les caractéristiques et les causes de la pauvreté dans les bas-quartiers de la ville d’Antananarivo

 

La population urbaine se répartit d’une manière logique dans les différents quartiers d’Antananarivo en fonction de son revenu, de la stabilité du revenu, du niveau de richesse, du prix de la location des logements, du prix des terrains et des maisons, et à proximité des zones industrielles, des zones de travail ou des ressources exploitables présentant des potentialités de revenus pour l’individu. Ainsi, 34% des personnes pauvres (avec un revenu inférieur à 50 000 Ariary par mois) habitent dans des quartiers pauvres à forte concentration de pauvreté. 8% d’entre elles habitent un quartier riche et aucune n’habite un quartier à forte concentration de richesse, démontrant à cet effet le regroupement des plus pauvres dans certains quartiers.

 

  • Revenus précaires et instables

 

Le travail constitue  (i) la source principale de revenus des ménages leur permettant d’accéder à un certain niveau de consommation et constitue également (ii) un élément d’insertion sociale d’un individu dans la communauté. Apprécier la situation socio-économique de la population de l’agglomération d’Antananarivo permet d’appréhender la situation de l’offre du marché du travail, surtout pour les plus pauvres qui vivent exclusivement des revenus de leur emploi.

 

Les entreprises à Madagascar sont concentrées dans les centres urbains comptant plus de 50 000 habitants. La majorité des entreprises malagasy sont situées sur l’axe Antananarivo-Antsirabe et l’agglomération d’Antananarivo contribue à elle seule à la moitié du PIB national. Cette concentration s’explique par le nombre important de consommateurs possibles dans les villes, la disponibilité d’une grande quantité de main d’œuvre, la disponibilité et la proximité de diverses infrastructures, l’existence d’une expertise élevée dans certains secteurs. Le secteur de la communication (NTIC) a pris de plus en plus d’ampleur depuis ces dix dernières années.

 

Entre 2006 à 2010, le marché du travail dans l’agglomération d’Antananarivo a connu une forte dégradation marquée par une augmentation du chômage et du sous-emploi et surtout une explosion du secteur informel de subsistance, un effondrement du pouvoir d’achat des travailleurs et un creusement sensible des inégalités.[7]

 

Taux d’activité élevé

 

60,4% des individus âgés de plus de 10 ans sont actifs sur le marché du travail nonobstant le type d’activités exercées. Ce taux d’activité élevé s’explique par la mobilisation de tous les membres de la famille y compris les enfants dans certains ménages afin de rapporter le plus de revenus.

 

1/2 des ménages cumulent deux emplois et plus

 

Près de la moitié (48%) des ménages tananariviens déclarent cumuler deux types d’emploi ou d’activités pour s’en sortir.

 

Contraintes financières des ménages

 

90% du quartile des ménages à faible revenu estiment que leur niveau de revenu est inférieur au minimum requis pour vivre dignement. En effet, 73% des revenus du 1er quartile sont consacrés à l’alimentation laissant peu de place aux autres dépenses vitales. 62% d’entre eux sont ainsi obligés de s’endetter pour pouvoir joindre les deux bouts chaque mois et 8% d’entre eux prélèvent régulièrement dans les épargnes qu’ils ont pu constituer pour faire face aux besoins quotidiens. Ces statistiques démontrent l’ampleur de la pauvreté des populations défavorisées.

 

 

 

 

Tableau 3 : Perception de la situation financière selon le niveau de revenu (en %)

  Q1 Q2 Q3 Q4 Ensemble
Obligation de tirer sur ses réserves 7,9 6,3 10,5 6,6 7,8
Obligation de s’endetter 62,1 45,3 29,3 10,4 36,8
Revenu < revenu minimum estimé 90,3 73,4 63,5 43,2 67,6

Source : Enquête 1-2-3, SIRS 2003, DIAL/INSTAT/MADIO

 

 

Augmentation du chômage

 

Le taux de chômage à Antananarivo est passé de 5,2% (en 2004 et en 2006) à 6,8% (en 2010)[8], la variation correspond à une augmentation du nombre de chômeurs avoisinant 20 000 individus en plus. Ces nouveaux chômeurs se composent :

 

  • des jeunes nouveaux diplômés qui ont des difficultés à décrocher leur premier boulot.
  • des anciens employés qui ont été licenciés par les sociétés privées (dans 49% des cas) et par les zones franches (dans 36% des cas).

 

La crise économique mondiale qui a débuté en 2008, la crise politique nationale de 2009 et le climat d’incertitude qui en découle ainsi que la suspension du marché AGOA ont contribué en partie à la fuite des investissements étrangers occasionnant ainsi l’insuffisance  d’offres d’emplois pour les jeunes par le secteur privé formel et la fermeture de plusieurs sociétés et zones franches. En effet, le secteur privé formel a perdu 4% de son personnel résultant d’un important licenciement de  16 000 emplois dans les zones franches (décompte arrêté au 1er trimestre 2010). Une grande majorité de ces emplois perdus concerne les travailleurs qui sont généralement peu qualifiés et qui touchaient une faible rémunération au sein des zones franches, accentuant le risque de vulnérabilité de cette frange de population déjà fragile à sombrer dans une situation d’extrême pauvreté.

 

La faiblesse du taux de chômage reportée par les différentes enquêtes ne traduit pas une prospérité du marché du travail, il s’explique par une prolifération du sous-emploi qui se manifeste par : (i) la réduction des heures travaillées au cours d’une journée ou (ii) la diminution de la rémunération perçue par rapport au salaire minimum, ou (iii) l’absence de salariat pour les employés qui ne sont pas rémunérés à juste titre en contrepartie de leur emploi et qui sont parfois payés en nature. Le taux de sous-emploi culmine aux environs de 70% dans la ville d’Antananarivo.

 

 

Explosion du secteur informel de subsistance

L’offre sur le marché de travail se répartit entre trois secteurs institutionnels : le secteur public (fonctionnaires), le secteur privé formel ainsi que le secteur informel.

 

65% des emplois dans l’agglomération d’Antananarivo sont fournis par le secteur informel au titre de l’année 2010 contre 59% en 2002.  C’est la première fois que ce secteur atteint une proportion aussi élevée. Cependant, bien que 116 000 emplois supplémentaires aient été créés au passage, la situation économique des ménages concernés ne s’est guère améliorée puisque les conditions d’activité de l’emploi dans le secteur informel restent bien précaires. La majorité des activités informelles sont réalisées sur la voie publique, à domicile ou sur les marchés et rassemble une main d’œuvre peu scolarisée donc peu qualifiée. La rémunération moyenne perçue par les salariés informels est basse et est approximativement supérieure de 35% par rapport au salaire minimum (SMIG)[9]. Les salariés informels ne bénéficient ni de contrat de travail, ni de fiche de paie, ni d’aucun avantage social les excluant de tout système de protection des droits des travailleurs.

 

L’essor du secteur informel ne bénéficie cependant pas à l’économie locale en général puisque les activités concernées ne sont pas créatrices de valeur, elles ont pour principal objectif d’aider le ménage à survivre. Les emplois du secteur informel sont généralement constitués à 70% d’emplois permanents et à 30% d’emplois destinés à fournir des revenus secondaires. Cette permanence des emplois du secteur informel explique en partie la précarité durable des revenus des ménages pauvres. En outre, le pouvoir d’achat moyen du travail s’est effondré de 15 à 30% entre 2006 et 2010, touchant encore plus durement les ménages à faible revenus et creusant encore davantage les inégalités entre les revenus.

 

 

Vulnérabilité financière des ménages

 

Du fait de la nature des activités habituellement exercées par les ménages pauvres, leurs revenus s’avèrent être plus instables que les autres franges de la population tananarivienne. 57% du premier quartile des familles démunies estime leurs revenus instables et 58% d’entre elles considèrent que leur niveau de vie se dégrade progressivement. L’insuffisance et la précarité des revenus ainsi que l’impossibilité des ménages pauvres à épargner renforcent leur vulnérabilité par rapport aux chocs économiques, naturels ou accidentels.

 

Conclusion :

 

Les revenus des ménages pauvres restent fortement précaires, que ce soit en termes de  disponibilité de l’offre en emploi, ou de salariat approprié au travail fourni, de la possibilité d’effectuer des activités porteuses de revenus ou de la stabilité de ces sources de revenus. Les débouchés de travail des ménages pauvres de l’agglomération d’Antananarivo représentant 37% de la population totale sont fortement orientés vers des activités informelles de survie, non créatrices de valeur. Ces emplois informels se caractérisent par une absence de  protection sociale et par un caractère permanent expliquant en partie l’incapacité d’une personne à se sortir de la pauvreté. Ceux qui travaillent dans le secteur formel sont par contre exposés aux risques de licenciement vu l’effondrement du secteur industriel et textile face aux crises politiques et économiques. Tous les membres de la famille sont mis à contribution afin de bénéficier du maximum de revenus et les ménages cumulent diverses activités,  bon nombre d’eux s’endettent afin de pouvoir boucler le mois et ils sont particulièrement vulnérables aux chocs. Cette précarité des revenus constitue une des causes principales de la pauvreté pour la simple raison que « l’absence de ressources constitue la principale source de privation des capacités d’un individu. »[10]

 

  • Accès aux services de base

 

Chaque personne a le droit d’accéder à un ensemble de services de base qui lui permette de satisfaire ses besoins fondamentaux : se nourrir convenablement, s’habiller dignement, vivre dans un environnement sain, avoir accès à l’éducation et à des soins de santé. Un environnement sain inclut entre autres un logement adéquat, un quartier propre et bien assaini sans violence. La réalité vécue dans les bas quartiers de l’agglomération d’Antananarivo semble cependant bien loin du respect de ces droits de la personne puisque seuls 37% des personnes vivant avec un revenu situé dans le quartile le plus inférieur vivent dans des maisons en dur, seuls 8% d’entre eux ont accès à l’eau à domicile et seuls 3% disposent de WC adéquat.

 

 

Tableau 4 : Caractéristiques des logements et de l’environnement selon le type et le niveau de revenus moyens du quartier

 

Quartiles de revenus moyens des quartiers Quartile 1 (Q1) Quartile 2 Quartile 3 Quartile 4 Q1 à forte concentration de pauvreté Q4 à forte concentration de richesse
Conditions de logement (% d’individus qui ont..)
Maison en dur 37 50 67 73 39 87
Accès à l’électricité 57 77 83 91 50 97
Raccordement à l’eau 8 18 36 53 7 85
WC avec fosse septique 3 5 16 40 2 72
Entretien du quartier (% d’individus dont le quartier fait face à ….)
Manque de propreté 39 26 18 17 42 6
Dégradation des bâtiments 37 17 8 7 39 1
Peuplement des logements
Nombre moyen de personnes par pièce 3,5 2,9 2,7 2,3 3,6 1,8

Source : Enquête 1-2-3, SIRS 2003, DIAL/INSTAT/MADIO[11].

 

Les aspects relatifs au logement, à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, à l’éducation, à la santé ainsi qu’à la violence vécue dans les bas quartiers sont développés dans les sections ci-après afin de faire un diagnostic de la situation qui prévaut et d’analyser les causes principales des lacunes ou des dysfonctionnements.

 

 

  • Logement précaire

 

Vécu des pauvres

 

39% des pauvres vivant dans les bas quartiers qui sont des quartiers à forte concentration de pauvreté dans la ville d’Antananarivo habitent dans des maisons en brique. Bien que ce taux semble assez élevé par rapport à la situation précaire de la basse ville, la majorité de ces maisons sont en brique crue et se trouvent dans un état délabré, peu confortables et peu entretenues. Les ménages qui ne disposent pas de maisons en brique résident dans des habitations précaires en bois ou en tôle délabrées exposées à tout moment aux risques d’incendie.  Ces logements ne disposent ni d’eau potable, ni de WC, ni de douche, ni de lavoir. La majorité des familles dorment à même le sol sur de la terre battue couverte par des nattes. Les mobiliers restent précaires et certaines habitations n’ont ni portes, ni fenêtres. Ces habitations s’étalent sur une surface inférieure à 9 m² et logent généralement plus de 6 personnes incluant les membres du ménage et la famille hébergée.

 

Les plus miséreux sont constitués par des familles sans abri appelées également 4Mi qui habitent généralement dans des maisons-sachets montées dans différentes matières récupérées par ci et là telles que des toiles en plastique, des cartons, des sachets ou des bâches. Certains démunis s’abritent les nuits dans les jardins publics, les tunnels, les ruelles étroites sombres ou sur les terrassements de certains bâtiments.

 

Très peu de ces habitations sont étanches, et en saison de pluie, l’eau pénètre dans les maisons malgré les toiles de plastique ou les sachets éparpillés sur les toits.  Les précarités du logement sont accentuées par le fait que ces habitations sont généralement implantées dans des zones marécageuses facilement inondables, sur une partie des rizières, ou dans une partie basse de la ville, ou près des décharges publiques.  Le choix de ces zones à risques pour s’implanter est favorisé par :

 

  • l’absence de spéculation foncière des personnes qui disposent de moyens financiers, de l’Etat et des entreprises sur ces terrains peu favorables à une construction,

 

  • l’absence de plan d’aménagement urbain dans cette partie et l’absence flagrante de suivi par l’Etat du respect dudit plan,

 

  • la faiblesse du coût du loyer à payer pour un petit lopin de terre ou une petite cabane délabrée (entre 5 000 à 10 000 Ariary environ dans les quartiers les plus insalubres) au cas où le terrain appartiendrait à un individu. La sous-location constitue d’ailleurs une pratique très courante dans la ville d’Antananarivo où des chambres individuelles sont louées sans sanitaire afin de pallier à l’insuffisance de l’offre en logement,

 

Les personnes s’implantant dans ces zones non autorisées risquent à tout moment d’être expulsées par l’Etat pour des raisons de construction d’infrastructures (routes, voie ferrée, remblaiement etc…). L’absence et l’insuffisance  d’assainissement dans ces zones marécageuses font qu’en saison de pluie, l’eau pénètre facilement dans les maisons à hauteur de genou, la population circule dans de l’eau sale et nauséabonde. En période sèche, une partie des eaux sales demeure dans les canaux et des boues noires insalubres s’accumulent sur le sol. Etant donné qu’aucune espace verte n’est disponible dans les bas-quartiers ou dans les zones d’habitation à proximité des décharges, de  centaines d’enfants démunis  jouent tous les jours dans la boue, l’insalubrité, l’humidité et la poussière.

 

Outre les différents problèmes de santé occasionnés par cette insalubrité, la promiscuité dans les bas-quartiers favorise les conflits entre les habitants. Les disputes entre les nouveaux venus qui viennent s’installer et les anciens installés sont fréquentes pour des raisons économiques et sociales.

 

 

Principales causes des difficultés rencontrées dans le secteur du logement

 

Offre en logement largement insuffisante :

 

Le secteur du logement est confronté à de nombreuses difficultés dans l’agglomération d’Antananarivo et touche toutes les couches sociales de la ville sans exception. Durant les travaux d’élaboration de la politique nationale de l’habitat, la demande annuelle de logements urbains a été estimée à 130 000 unités de logement calculée sur la base de la projection de croissance démographique et en considérant que 5 personnes habiteraient une même unité. A cette estimation s’ajoute le nombre de logements nécessaires pour remplacer les habitations précaires et insalubres dans la basse ville. L’offre en logement existant actuellement n’arrive pas à satisfaire (i) la croissance démographique urbaine,  (ii) les besoins des migrants ruraux qui viennent en masse chercher du travail dans la capitale, ainsi que le plus important, (iii) les besoins en logements de chaque couche sociale.

 

Offre en logement peu adaptée aux différentes couches sociales :

 

En effet, les offres immobilières existantes correspondent plus au pouvoir d’achat des ménages à revenu élevé. Ces offres sont réalisées par de grands groupes immobiliers qui produisent des résidences et des appartements de luxe. Il existe peu d’offres immobilières pour les ménages à revenu moyen et quasiment pas d’offres pour les ménages à faible revenu.

C’est l’Etat qui est normalement chargé de prendre en charge l’offre en logement pour les démunis puisque la situation de ces derniers ne permet même pas le remboursement du coût de revient d’une habitation à court ou moyen terme. La SEImad a assuré dans les années 1980 l’offre publique en logement en facilitant l’achat annuel d’une centaine d’habitations pour des ménages moyens aisés. Cette offre est cependant devenue moindre au vu de l’absence de financement vécue par cette société.

 

Faible solvabilité des ménages :

 

Les prêts immobiliers ou programmes de logement disponibles ne sont pas accessibles pour tous les ménages, surtout les pauvres. Le coût de construction d’un logement ne cesse d’augmenter avec le coût des matériels. Les ménages qui vivent au quotidien des contraintes financières en raison de la précarité de leurs revenus dans le secteur informel ne leur permettent pas de s’inscrire dans un programme ou de garantir l’effectivité des remboursements.  Etant donné que 73% des revenus des populations pauvres sont consacrés à l’alimentation, il est évident que le ménage ne pourrait rembourser qu’à hauteur d’un très faible montant mensuel qui ne serait pas profitable pour les sociétés immobilières commerciales.

 

Faible investissement public dans le logement:

 

Le niveau global de l’économie du pays et l’incapacité de constituer des ressources durables expliquent le faible investissement public dans le logement. Le pays doit faire face à plusieurs priorités et répartir les fonds publics disponibles entre les secteurs prioritaires au détriment du logement. Les fonds disponibles au niveau des municipalités au titre de la fiscalité communale par exemple ne sont pas suffisants pour mener à terme des programmes de logement. Certains bailleurs de fonds ont financé des activités afférentes au logement telles que l’élaboration du Plan d’Urbanisme Directeur ou le Projet de Développement urbain d’Antananarivo ou l’étude d’assainissement de parcelles de terrains. Les bailleurs n’ont pas financé des programmes de logement proprement dits à l’exception de l’initiative CCCE qui a financé les opérations de la SEImad pendant quelques années. Les aides extérieures sont orientées vers des secteurs plus prioritaires tels que les infrastructures, la sécurité alimentaire, la santé ou l’éducation.

 

Foncier, casse-tête pour les opérateurs immobiliers:

 

Le foncier constitue un véritable problème pour les opérateurs immobiliers ou pour ceux qui veulent s’investir dans l’immobilier (associations à but non lucratif ou bailleurs de fonds). Il existe peu de larges terrains disponibles adéquats aux programmes immobiliers ans l’agglomération d’Antananarivo, les larges terrains sont situés dans les périphéries éloignées des infrastructures viables. Les propriétés ont généralement des statuts fonciers complexes et sont morcelées en plusieurs parcelles appartenant à différents propriétaires. La complexité et la lourdeur administrative des procédures foncières rendent la mobilisation des terrains particulièrement difficiles. L’Etat et les collectivités territoriales ont du mal à transférer la propriété d’un domaine public devenu rare dans la capitale. Mobiliser et acheter des terrains auprès de différents propriétaires nécessitent une ressource financière plus élevée pour les promoteurs qui devront prévoir des coûts d’acquisition élevés de terrains qui seront répercutés dans le coût de production d’un logement.

 

Faible cadre institutionnel :

 

La Direction de l’Aménagement du Territoire est chargée de l’urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire. Elle ne dispose pas d’un opérateur public compétent et viable financièrement dans la conception et dans la réalisation de programmes urbains de logement. Le secteur privé n’a pas la compétence complète requise dans la maîtrise d’ouvrage des programmes d’habitat: cette lacune de compétence est constatée lors de la réalisation de logements après des catastrophes naturelles telles que les cyclones ou les inondations. En outre, aucun cadre réglementaire ne régit les partenariats possibles entre le secteur public qui pourrait transférer la propriété d’un domaine public et le secteur privé qui pourrait se charger de la maîtrise d’ouvrage. La recherche de profit du secteur privé limite en outre la possibilité de développer un programme de logement urbain pour les ménages pauvres.

 

 

  • Accès à l’eau potable et à l’assainissement largement insuffisant

 

La faible offre en logement engendre la prolifération des constructions illégales et des habitations précaires dans des zones insalubres dépourvues de toutes infrastructures de base. Ces zones inondables et à risques n’étaient pas prévu contenir des logements et ne sont pas ainsi desservies par les services de base urbains tels que l’accès à l’eau ou l’enlèvement des déchets.

 

Faible accès à l’eau potable

 

La ville d’Antananarivo compte un taux d’accès global à l’eau potable de 32%, cette couverture inclut les branchements particuliers ainsi que ceux des bornes fontaines. Les branchements particuliers comptent pour 17% de la population totale tananarivienne. [12] L’enquête SIRS 2003 fait part d’un taux très faible (7%) de raccordement à l’eau potable dans les quartiers à forte concentration de pauvreté à Antananarivo, ce taux démontre l’ampleur du désastre urbain dans les bas quartiers de la capitale. La ville d’Antananarivo est par ailleurs desservie par 1 borne fontaine pour 1663 habitants, ce qui est relativement faible par rapport à la norme internationale préconisée nombre de bornes fontaines/nombre d’habitants.

 

Les bornes fontaines, sources d’approvisionnement en eau potable, sont construites et mises en place à l’initiative des fokontany, de la Commune Urbaine d’Antananarivo ou de plusieurs ONG œuvrant dans le secteur social.  Les bornes fontaines sont généralement payantes pour permettre au fokontany ou à l’association du quartier de contribuer au paiement de la facture d’eau, de payer la personne responsable du bon fonctionnement et de l’entretien de la borne. Les utilisateurs des bornes doivent s’acquitter en moyenne d’une cotisation de 6 000 Ariary par mois par ménage, dépendamment des quartiers. Malgré les efforts déployés par les divers intervenants dans la construction et l’opérationnalisation de bornes fontaines, la population fait face à des problèmes additionnels :

 

  • le nombre de bornes fontaines est largement insuffisant par rapport au nombre de la population : une borne fontaine dessert en moyenne 1663 habitants dans la ville d’Antananarivo. Dans le quartier d’Antohomadinika III G Hangar par exemple, il y a 5 bornes fontaines pour 9 300 habitants soit un ratio d’1 borne fontaine pour 1860 habitants,

 

  • cette insuffisance de bornes fontaines engendre de longues files d’attente qui peuvent durer de 30 minutes à une heure par jour,

 

  • certains bas-quartiers expérimentent des problèmes de débit d’eau et de fréquentes coupures d’eau,

 

Les personnes qui n’ont pas le temps d’attendre la longue file d’attente des riverains ou celles qui sont dans l’incapacité de rapporter suffisamment de seaux lors d’un seul trajet choisissent d’acheter de l’eau par seau : les coûts moyens s’élèvent approximativement à 10 et 20 Ariary respectivement pour un seau de 10 et de 20 litres.

 

Les personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté se trouvent dans l’incapacité de payer la cotisation annuelle exigée par le fokontany ou de payer des seaux d’eau, elles s’approvisionnement en eau auprès des points d’eau existants tels que la rivière d’Ikopa par exemple, eau insalubre à la consommation.

 

Les problèmes de débit et de coupures d’eau survenant dans certains quartiers sont en partie causés par la vétusté des infrastructures de la JIRAMA.

 

Faible accès à l’assainissement

 

L’assainissement se définit comme « toute mesure destinée à faire disparaître les causes d’insalubrité de manière à satisfaire à la protection de la ressource en eau, la commodité du voisinage, la santé et la sécurité des populations, la salubrité publique, l’agriculture, à la protection de la nature et de l’environnement ».  L’assainissement collectif des eaux usées domestiques concerne l’évacuation et le traitement des eaux usées par les consommateurs après avoir été distribuées par les systèmes d’approvisionnement en eau potable.[13]

 

Selon les estimations de WaterAid en 2006, seule 27% de la population urbaine d’Antananarivo a accès à un assainissement adéquat incluant entre autres la gestion des excrétions humaines (collecte, conservation, enlèvement), la gestion des déchets solides ( collecte, traitement et recyclage des ordures) ainsi que la gestion des eaux usées.

 

Faible taux d’utilisation des latrines modernes

 

28% de la population dans les grandes villes urbaines déclarent utiliser des latrines modernes dotées de chasse d’eau ou de dalles nettoyables. 58% de la population déclare utiliser des latrines traditionnelles. Le taux faible d’utilisation de latrines modernes qui sont plus propres et plus faciles à entretenir que les latrines traditionnelles, démontre un problème d’assainissement grave pour toute l’agglomération d’Antananarivo.

 

Il n’est pas surprenant de constater que le désastre est plus important dans la basse ville puisque seuls 2% des logements situés dans les quartiers de forte concentration de pauvreté sont dotés de latrines individuelles. Certaines de ces latrines restent cependant sales et mal entretenues faute d’hygiène. La population ne disposant pas de latrines à domicile a recours à divers moyens tels que:

  • utiliser des latrines partagées entre plusieurs ménages ou
  • utiliser des latrines publiques payantes mises en place par la CUA ou les ONG,
  • recourir aux pots de chambre ou aux « flying bags », ou
  • faire ses besoins dans la nature.

 

Tableau 5 : Taux d’utilisation des latrines dans trois quartiers

Quartier Taux d’utilisation des latrines
Manjakaray II C 94%
Andohatapenaka II 79%
Anosimasina 43%

Source : Enda Ocean Indien, Novembre 2010

 

 

Les utilisateurs paient un droit d’utilisation des latrines publiques afin de participer au frais d’entretien et au  frais de vidange des toilettes. L’éloignement des latrines publiques par rapport au logement, le manque d’hygiène des latrines existantes, la nécessité de payer des droits d’utilisation ainsi que la fermeture des latrines les nuits, incitent certaines personnes à recourir aux pots de chambre déversés dans les caniveaux ou aux flying bags jetés dans les rues ou les décharges sauvages. Ces gestes accentuent encore plus l’insalubrité des quartiers et la persistance des mauvaises odeurs de tout genre à proximité des logements.

 

La défécation en plein air expose par ailleurs la population pauvre aux: (i) risques d’insécurité, les femmes et les jeunes filles sont fortement exposées aux agressions diverses pour faute d’intimité, et aux (ii) risques de morsure par des animaux et des risques d’accident lorsque les personnes se soulagent près des routes ou des cours d’eau.

 

La non utilisation des latrines par certains ménages relève également d’une insuffisance d’éducation et de sensibilisation puisqu’il est noté que la proportion de ménages riches possédant une latrine moderne est six fois plus élevée que les ménages pauvres.

 

Evacuation des ordures ménagères

 

Seuls 21% des ordures de l’agglomération d’Antananarivo sont collectées par le système de collecte de déchets pris en charge par la CUA. Les ordures restant font l’objet de pré-collecte dans les fokontany, sont récupérés pour différents usages, jetés dans les décharges ou terrains vagues ou enterrés.

 

Le service de collecte de déchets ménagers de la CUA est loin de satisfaire les besoins réels sur terrain. La gestion des déchets est par exemple assurée par 460 bennes à ordures et 17 camions uniquement pour l’agglomération d’Antananarivo. Une benne à ordure dessert ainsi en moyenne approximativement 5 000 habitants. Avec aussi peu de moyens, il n’est pas étonnant qu’une quarantaine de quartiers (20% du total des quartiers tananariviens) ne soient pas couverts par le service de collecte des déchets.  Une enquête menée auprès de la population des bas-quartiers Antohomadinika et 67ha montre par exemple que seuls 20% des habitants de ces quartiers ont accès aux bennes à ordures de la SAMVA. Ces quartiers non dotés de bennes à ordure à proximité sont plus exposés à la formation de décharges sauvages à proximité des ruelles et des habitations.

 

L’absence de route principale ou de desserte à l’intérieur des quartiers démunis constitue également un facteur rendant difficile l’accès du service de collecte de déchet auprès des différentes décharges.

 

Evacuation des eaux usées et des eaux pluviales

 

Le réseau d’égouts de la CUA ne raccorde que 17% des ménages dans la ville d’Antananarivo. Ce réseau est très vieux, mal entretenu et complètement saturé, ce qui fait que durant la saison des pluies, les égouts de certains quartiers n’arrivent pas à assurer leur rôle favorisant une inondation des zones sans compter le déversement de l’eau de la haute ville vers la basse ville. Les eaux ont par la suite du mal à être évacuées favorisant la stagnation des eaux au sol ou dans certains caniveaux.

 

 

Causes majeures des insuffisances en assainissement

 

L’assainissement des bas-quartiers ne s’est guère amélioré au fil des années, cette détérioration est causée par plusieurs facteurs incombant à la population et aux responsables étatiques.

 

Infrastructures en assainissement insuffisantes :

 

Les infrastructures existantes (bornes fontaines, lavoirs, blocs sanitaires, bennes à ordures et camions de collecte, conduites d’égouts, canaux d’évacuation et autres) sont largement insuffisantes par rapport au nombre d’habitants, à la projection de la croissance démographique de la population urbaine d’Antananarivo et à l’augmentation de la population dans les bas-quartiers et à proximité des décharges publiques en partie causée par l’afflux des migrants en provenance du milieu rural en quête de meilleures conditions de vie.

 

Investissement et entretien très insuffisants dans l’assainissement :

 

L’Etat n’investit pas suffisamment dans la mise en place de nouvelles infrastructures ou dans l’entretien des infrastructures existantes. Ce manque d’investissement est principalement du à la non disponibilité de ressources financières dans les caisses des entités responsables. Cette lacune financière se traduit dans le budget annuel des ministères et entités publiques œuvrant dans l’eau et l’assainissement qui est de 7 fois inférieur aux besoins définis par la PNAEPA pour atteindre les objectifs du Millénaire en ce qui concerne le taux d’accès à l’eau potable et le taux d’accès à un environnement sain. Bien que des objectifs aient été par exemple fixés par la JIRAMA pour doubler le nombre de bornes fontaines à raccorder entre 2005 et 2008, cette entreprise publique n’a pas pu réaliser cet objectif faute de financement. Les différentes entités ont par ailleurs du mal à prioriser et à coordonner les actions à mener pour l’assainissement des bas-quartiers et de l’agglomération d’Antananarivo.  Leurs priorités d’activités ne suivent aucun plan stratégique d’activités ou d’opérations, les entités responsables ne font que colmater les urgences. Les activités réalisées par les différentes autorités restent ainsi disparates et ne répondent pas aux problèmes d’insalubrité de l’environnement dans les quartiers pauvres de la capitale.

 

Le secteur de l’assainissement à Madagascar souffre également de l’inexistence de l’investissement du secteur privé jugé risqué pour les investisseurs au vu de la complexité de son cadre légal et institutionnel et du manque d’incitation à l’investissement.

 

Diverses ONG œuvrent cependant dans la construction de petites infrastructures comme des bornes fontaines, des blocs sanitaires ou dans la mise en place de système de pré-collecte de déchets dans les quartiers défavorisés de la capitale tout en renforçant la capacité de la communauté locale dans la gestion de ces initiatives.

 

Faible cadre institutionnel :

 

L’eau et l’assainissement relève de la responsabilité de plusieurs intervenants. Pour mieux comprendre cette disparité, les différents éléments de l’eau et assainissement incombent à la responsabilité de différentes entités, dont :

 

  • le Ministère chargé de l’eau – pour la gestion des excrétas,
  • le Ministère de l’Aménagement du Territoire – pour la gestion des ordures ménagères,
  • la Commune Urbaine d’Antananarivo et un organisme EPIC (SAMVA) pour la gestion et l’exploitation de la gestion des ordures ménagères,
  • le Ministère de l’Aménagement du Territoire et le Ministère chargé de l’eau pour la gestion des eaux usées et des eaux pluviales,
  • la JIRAMA pour la gestion des services publics urbains en eau et électricité,

 

Les responsabilités et les relations entre ces différents intervenants ne sont pas parfaitement établies, clarifiées et comprises de tous sur un même niveau. Le cadre réglementaire et légal reste complexe et incomplet puisque des textes d’application n’ont pas pu être élaborés pour certaines lois. Il est dans certains cas non appliqué en raison de sa complexité. Plusieurs entités et sous-entités ont été créées afin de veiller à la mise en œuvre effective du cadre réglementaire. Ces entités ne sont pas cependant entièrement fonctionnelles pour cause d’insuffisance de ressources financières.

 

Lourdeur administrative :

 

Le raccordement à l’eau par branchement particulier ou d’un borne fontaine est soumis à une lourde procédure administrative. Les raccordements à l’eau sont par exemple soumis à des conditions de respect du plan d’aménagement urbain ou à l’obtention d’un permis d’habiter. Or, chacune de ces conditions renvoie le demandeur à d’autres procédures encore plus contraignantes auprès de divers intervenants qui peuvent être la mairie ou la CUA ou des institutions de l’Etat.

 

Aménagement anarchique dans certains quartiers :

 

L’absence d’aménagement rend difficile les raccordements aux réseaux collectifs d’assainissement, la création de canaux d’évacuation additionnels ou les réseaux de distribution d’eau. Les maisons se trouvent en effet accolées les unes aux autres sans aucun espace libre laissant juste des petites ruelles de passage. Les logements déjà précaires font l’objet d’extension toute aussi précaire à chaque fois que la famille s’élargit pour abriter de nouveaux venus : locataires ou migrants.

 

Comportement déplorable de la population :

 

Une partie des ménages ne fournit pas assez d’efforts pour utiliser les infrastructures existantes, une plus grande proportion de ménages ne se soucie aucunement d’utiliser à bon escient et de bien entretenir les infrastructures existantes, comme éviter de jeter les ordures dans les canaux d’évacuation qui vont à long terme les boucher. Les latrines individuelles nauséabondes et sales illustrent par exemple l’absence du respect des règles d’hygiène élémentaires par leurs utilisateurs ou propriétaires. La population semble parfois s’abriter derrière la pauvreté pour justifier ces comportements peu citoyens et semble peu sensibilisée sur les dangers de cette insalubrité pour leur santé et leur bien-être.

 

 

Ces déficiences ont un impact direct sur l’environnement des bas-quartiers notamment la multiplication de décharges sauvages un peu partout dans les quartiers pauvres, la congestion et la bouchure des différents réseaux d’évacuation qui sont devenus des dépotoirs pour certains ménages, l’inondation des zones marécageuses et de toutes les parties basses durant la période de pluie, l’insalubrité des lieux d’habitation. Cet environnement insalubre constitue une source de problèmes de santé pour les enfants et les adultes, et expose facilement la population aux risques d’épidémie. La population vivant au milieu d’un tel état de précarité n’est pas capable de se développer et de s’épanouir.

 

 

  • Scolarité et éducation difficile à achever

 

Les résultats de l’enquête McRAM 2010 montrent que 2,5% de la population âgée de 6 ans et plus n’ont jamais fréquenté l’école. Un peu plus d’un individu sur quatre (26,5%) a un niveau d’instruction primaire sans avoir pu achever le cycle tandis que 11,5% l’a achevé. Plus des deux cinquièmes de la population (46%) a atteint un niveau secondaire dont 8% avec un cycle complet.

 

L’éducation de base et la formation professionnelle constituent des outils indispensables pour l’insertion sociale d’un individu, elles permettent à toute personne d’envisager sa situation professionnelle et d’acquérir une valeur sociale. Les statistiques relevées permettent d’établir un diagnostic sur l’accès à l’éducation de la population à Antananarivo : la longue tradition de scolarisation dans le mode de vie des Malgaches ainsi que le programme de l’Education pour tous mis en œuvre par l’Etat, permettent d’expliquer la forte fréquentation des écoles avant l’âge de 6 ans. Seul un faible taux de la population n’a jamais fréquenté l’école, la majorité des enfants quelque soit le niveau de revenu de leurs parents sont scolarisés au niveau primaire. Malheureusement, les enfants issus des familles pauvres se trouvent peu à peu exclus du système scolaire puisque peu seulement d’entre eux arrivent à obtenir le baccalauréat (1 enfant sur 10) et à obtenir un diplôme d’enseignement supérieur.

 

L’exclusion progressive des enfants pauvres du système scolaire s’explique par un certain nombre de raisons.

 

Offre d’établissements scolaires insuffisante en primaire:

 

Les enfants de niveau primaire sont généralement inscrits par les parents à proximité de leur domicile ou de leur lieu de travail afin de les déposer facilement le matin et de les récupérer à temps après l’école. Le trajet dure en moyenne 10 mn à pied.  Vu le nombre important d’établissements scolaires de niveau primaire public et privé dans les quartiers, les parents n’ont pas de difficulté majeure pour trouver une école primaire à leur convenance. Cependant, bien que le nombre d’établissements scolaires de niveau primaire soit largement plus élevé que les établissements scolaires de niveau secondaire, leur nombre reste toujours insuffisant par rapport au nombre d’enfants scolarisables à Antananarivo. En effet, certaines classes en niveau primaire atteignent un effectif supérieur à 50 pouvant atteindre 70 élèves, et certaines écoles publiques organisent des classes alternées dans la même journée afin de pouvoir accueillir différents groupes d’élèves. Ces effectifs énormes ne permettent pas un suivi étroit de l’avancement scolaire de chaque élève et de détecter facilement les élèves qui ont plus de difficulté que les autres.

 

Prise en charge des enfants en retard scolaire inexistante:

 

En outre, les enfants qui n’ont pas pu intégrer l’école à un certain âge sont refusés par les écoles publiques en raison du dépassement d’âge standard. Aucune politique de prise en main n’est prévue par l’Etat pour prendre en charge les enfants en retard scolaire, ou les enfants ayant fait l’objet de plusieurs échecs scolaires tels que le redoublement. Ces enfants ne devraient pas être laissés sans mesure d’accompagnement au risque d’augmenter les enfants de rue et de favoriser le cercle vicieux de la pauvreté.

 

Facteurs contraignants pour l’achèvement de la scolarité : 

 

La performance des enfants pauvres et leur réussite aux examens officiels tels que le CEPE ou BEPC restent assez faible, leur développement est en effet limité au vu des différents obstacles auxquels ils font face : insécurité alimentaire, manque de revenus des parents, insalubrité de leur logement et de leur environnement, absence d’électricité, non accès aux fournitures de bureau, non accès aux livres et autres. Or, la réussite à ces examens  et l’obtention de bonnes notes conditionnent l’accès par les enfants aux établissements scolaires de niveau supérieur.

 

La non possession de documents administratifs de l’état civil de l’enfant constitue également une condition restrictive à la scolarité d’un enfant. En effet, certains enfants nés de couples non mariés, de très jeunes filles, ou de mères accouchées à domicile ne sont pas inscrits dans les registres d’état civil. Ces documents administratifs sont cependant nécessaires lors de l’inscription scolaire et lors inscriptions aux examens officiels. C’est au moment de la scolarité que certains parents ou mères régularisent les documents de leurs enfants.

 

La faible instruction des mères de famille peuvent également fortement influencer sur l’avenir scolaire des enfants. Une mère peu instruite ou analphabète aura du mal à effectuer un suivi scolaire étroit de ses enfants et à les aider à surmonter leurs difficultés scolaires, même dans les apprentissages de base qui sont la lecture, l’écriture et le calcul. Des parents peu instruits ont tendance à pousser leurs enfants à apprendre précocement un métier ou à les faire travailler d’où l’importance de sensibiliser ces parents sur l’importance et la valeur de l’éducation.

 

Scolarité écourtée faute de moyens financiers :

 

Contrairement à la scolarité en primaire où les élèves bénéficient gratuitement de kits scolaires, d’uniformes et de manuels, les parents doivent prendre en charge l’intégralité des dépenses scolaires au collège, au lycée et en université.. La scolarité coûte cher aux parents que ce soit en termes de frais de scolarité dans les écoles privées, de cotisations parentales pour les enseignants FRAM dans les écoles publiques, ou en termes de coûts additionnels indirects générés par le transport par exemple. En effet, les quartiers ne sont pas systématiquement dotés de collèges et de lycées qui sont généralement éloignés du domicile des enfants. Ces derniers doivent emprunter le transport en commun ou marcher quotidiennement à pied sur une certaine distance alors qu’ils sont généralement mal nourris. Plusieurs parents doivent inscrire leurs enfants dans des écoles privées vu la saturation et l’insuffisance des écoles publiques, le coût de la scolarité dans ces établissements n’est pas à la portée de toutes les familles. En effet :

 

  • le coût de scolarité au collège représente le double du coût de scolarité au primaire,
  • le coût de scolarité au lycée s’élève à deux fois le coût de scolarité au collège,
  • et le coût de scolarité en enseignement supérieur représente dix fois plus le coût de scolarité au lycée.

 

Même si l’enfant est inscrit en école publique, les parents doivent participer à des frais comme la cotisation FRAM qui peut s’élever entre 1 000 à 10 000 Ariary par an par enfant suivant la décision de l’assemblée générale des parents. Bien que ces montants semblent bien modestes, les ménages pauvres ont du mal à faire face à ces dépenses.

 

Ces coûts de scolarité augmentent suivant le nombre d’enfants d’un ménage. En outre, le risque d’abandon scolaire augmente lorsque l’enfant habite un quartier non doté d’infrastructures scolaires publiques à proximité.

 

La grande majorité des enfants issus de familles pauvres commencent petit à petit à ne venir que partiellement à l’école et finissent par complètement abandonner le système scolaire pour aider leurs parents à effectuer les tâches ménagères quotidiennes ou à apporter des sources de revenus supplémentaires au ménage. En effet, plus de 90% des enfants âgés de 10 à 17 ans sont assignés à des tâches ménagères pendant une durée d’une à trois heures par jour. [14]Les enfants se retrouvent ainsi actifs dès leurs plus jeunes âges et travaillent en tant que marchands de journaux, petits commerçants, transporteurs d’eau, lessiveuses, aide-ménagères, mendiants dans les rues, porteurs aux marchés et autres.

 

Lorsque les parents n’arrivent pas à scolariser tous leurs enfants, ils effectuent un arbitrage et décident généralement de continuer la scolarité des garçons et d’exclure les filles en espérant que ces derniers aident ultérieurement la famille entière. Un mariage et une grossesse précoce constituent également des raisons d’abandon scolaire des jeunes filles.

 

Les enfants des familles pauvres sont ainsi plus exposés à l’abandon scolaire à cause de la pauvreté monétaire et de la pauvreté de leurs conditions de vie qui ne permettent pas aux enfants d’accéder à l’éducation et de se développer normalement. Bien que les enfants des familles défavorisées aident également leurs parents à survivre quotidiennement, leur non scolarisation les éloigne encore un peu plus de la réinsertion et de la réussite sociale. Ces enfants de rue s’exposent à divers risques : prostitution et grossesse prématurée chez les jeunes filles, mendicité, petits larcins et vols à l’étalage, crimes et drogue ainsi que toutes formes de violence.  Avec le système éducatif public actuel, ces enfants ne peuvent pas espérer trouver un emploi rémunérateur décent une fois adulte et ils ont peu de chances de se réinsérer dans un programme scolaire faute de mesures palliatives ou de mesures d’accompagnement.

 

Système scolaire et marché de l’emploi non relié :

 

Lorsque les familles pensent que leurs enfants ne pourront pas atteindre le niveau baccalauréat ou un niveau d’enseignement supérieur, elles pensent qu’il n’y a aucun intérêt à envoyer les enfants à l’école puisque l’obtention d’un CEPE ou d’un BEPC seulement par exemple ne permet pas d’accéder à un travail qui leur permette de s’en sortir plus tard. L’enseignement général effectué au sein des collèges et des lycées prépare les étudiants aux études supérieures alors qu’une seule une petite minorité  arrive à ce stade. L’achèvement du lycée ne permet pas à une personne d’affronter le marché du travail et de trouver un emploi qualifié. Le système éducatif malagasy se caractérise par l’absence de liens entre le système scolaire et le marché de l’emploi.

 

Offre en formation professionnelle déficiente :

 

L’offre en formation professionnelle peut constituer un alternatif au cursus complet scolaire surtout pour les enfants pauvres qui ne pourront pas mener à terme leur scolarité ou les adultes qui sont peu qualifiés donc peu aptes à affronter le marché du travail. La formation professionnelle forme une personne dans un domaine d’activité spécifique afin de lui permette d’être qualifiée et d’avoir une place dans le monde du travail. La formation professionnelle à Madagascar reste insuffisante et inadéquate, elle se cantonne à quelques activités basiques (couture, cuisine, menuiserie, ferronnerie, mécanique et autres) non liées aux besoins réels du marché du travail. La formation technique fournie dans les établissements publics se concentre sur le génie civil et industriel. Peu de concertation est effectuée entre le secteur public et le secteur privé pour établir les programmes de formation technique et professionnelle, ce qui fait que les filières proposées restent bien loin des réalités sur terrain. A l’heure actuelle, il existe une plus grande demande de main d’œuvre qualifiée dans le domaine du tourisme et de la sous-traitance informatique, or aucun programme public n’a été développé dans ce sens. Plusieurs centres de formation privées ont cherché à pallier ce déficit public, leurs formations restent cependant bien théoriques en raison de l’expérience limitée des enseignants, ou de la limite financière des centres, ou du non respect des cahiers de charge fixés par le Ministère en charge de la formation professionnelle. La formation professionnelle privée reste ainsi peu encadrée engendrant une baisse de la qualité de leurs prestations et leur non adéquation aux besoins des entreprises.

 

 

La difficulté d’accès et à la continuité  de la scolarité des enfants issus des ménages pauvres s’explique : (i) en premier lieu par la précarité de leurs revenus et leur très faible pouvoir d’achat, par la priorité accordée à la politique du ventre, par un environnement délabré peu propice à un bon développement ; puis (ii) en second lieu par les faiblesses du système éducatif malagasy : établissements scolaires publics insuffisant au niveau du premier et du second cycle, absence d’appui des élèves aux collèges et lycées en termes de fournitures, manuels et frais de scolarité, absence de système de prise en charge des retards et des exclus scolaires, inexistence d’un bon système éducatif efficace reliant directement l’éducation au marché du travail.  Bien que les défaillances du système d’éducation publique ne se résument pas à uniquement à ces quelques points,  ceux-ci ont un impact direct sur l’accès des ménages pauvres à la scolarité.

 

 

  • Soins de santé inaccessibles financièrement

 

L’offre en soins de santé de base s’avère assez élargie dans l’agglomération d’Antananarivo puisque chaque quartier ou commune dispose, soit d’un centre de santé de base public CSB1 ou CSB2,  d’un dispensaire implanté par des associations caritatives, des églises ou des ONGs, et de plusieurs cabinets de médecins privés.

 

Renonciation importante aux soins de santé :

 

Malgré cette offre élargie, 34% des ménages pauvres ont renoncé à accéder à des soins de base pour des raisons d’insuffisance financière étant donné que les centres de soins publics et privés sont tous payants bien que les centres de soin publics ne facturent qu’un montant raisonnable pour se conformer aux politiques de recouvrement des coûts mises en place par l’Etat. Outre les frais de consultation, les ménages doivent également payer des médicaments qui ne sont pas suffisamment fournis par les centres de santé et dont les coûts sont prohibitifs en pharmacies. Lorsque la consultation d’un médecin s’avère nécessaire, le taux de consultation des ménages pauvres dans les dispensaires (51%) s’avère supérieur par rapport au taux de consultation des médecins dans les cabinets privés (45%).

 

 

Tableau 6 : Recours aux soins par la population de l’agglomération d’Antananarivo

 

  Ensemble Quartile revenu inférieur Quartile revenu supérieur
Bénéficie d’une couverture sociale maladie 24% 13% 45%
A un médecin régulier 68% 57% 82%
A renoncé à des soins pour des raisons financières 25% 34% 16%
A un suivi gynécologique (femmes) 11% 7% 17%

Source : Enquête SIRS, 2003– Santé, Inégalités et ruptures sociales à Antananarivo

 

 

La renonciation aux soins de base dans les institutions publiques et privées existantes s’explique également par d’autres facteurs tels que le recours à la médecine traditionnelle (guérisseurs, masseurs, réflexologues, pharmacopée traditionnelle…) jugée plus efficace et largement plus économique, et le recours à des personnes expérimentées non dotées de formation professionnelle telles que les matrones pour les accouchements. Les ménages pauvres n’ont recours aux médecins que lorsqu’ils ont épuisé certaines formes de médecine traditionnelle exposant encore plus cette frange de population à l’aggravation des maladies et à un risque de mortalité plus élevé.

 

Si plus d’un tiers des ménages pauvres renoncent déjà à consulter un médecin pour des soins de base, l’accès aux soins plus spécifiques comme les soins dentaires, les soins ophtalmologiques et l’achat de lunettes ou les examens de prévention contre le cancer du col de l’utérus des femmes notamment s’avère  encore plus difficile pour les ménages du quartile pauvre.

 

En ce qui concerne la santé dentaire, seules 24% des personnes de ce quartile consultent un dentiste pour des soins dentaires alors que presque la moitié de la population pauvre ont des problèmes de dents. Les autres personnes se font arracher leurs dents malades afin d’arrêter la douleur et de ne pas poursuivre des traitements et des soins payants. Outre la mauvaise hygiène dentaire, cette façon de faire explique en partie que 60% des personnes dans les ménages pauvres n’ont plus toutes leurs dents.

 

Peur des ménages pauvres à recourir aux services de santé publique :

 

Les ménages pauvres renoncent également à consulter les services de santé publique plus abordables que les centres de santé privés par peur. En effet, ils n’arrivent pas à instaurer une bonne relation avec le personnel médical qui les juge sur leurs apparences pauvres ou sales, les rabroue sur leur mode de vie et sur leur méthode traditionnelle ou pratique pour soigner leurs enfants, leur reproche de ne pas suffisamment prendre soin de leurs progénitures, ce qui n’est pas forcément vrai car certaines mères font preuve d’ingéniosité pour concilier la santé de leurs enfants et leurs revenus précaires.  Les ménages pauvres perçoivent par ailleurs une mauvaise qualité de l’accueil du personnel médical et une mauvaise qualité des soins de santé.

 

Protection sociale des ménages pauvres largement insuffisante :

 

Seule une faible proportion de la population (24%) tananarivienne bénéficie d’une couverture médicale : les fonctionnaires et les employés du secteur privé formel affiliés soit à l’AMIT, soit à d’autres assurances médicales. Certaines entreprises ont mises en place des dispensaires au sein de leurs locaux afin de prendre en charge les soins de base et de contribuer à maintenir leur productivité. Les ménages pauvres travaillant majoritairement dans le secteur informel, il est tout à fait prévisible que leur taux de couverture (13%) soit plus faible que le taux de couverture des ménages riches.  Cette situation est assez contradictoire étant donné que les ménages pauvres devraient normalement bénéficier d’une meilleure protection sociales parce que (i) ils sont généralement en moins bonne santé en raison de leurs conditions de vie précaires : sous-alimentation, aliments peu nutritifs, environnement dégradé et pollué, exposition plus élevée aux épidémies, impossibilité de recourir à des actes de prévention de la santé et que (2) ils ne disposent pas suffisamment de revenus financiers pour prendre en charge des frais de consultation et des frais médicaux.

 

 

La difficulté d’accès aux soins de santé par les ménages pauvres s’explique donc particulièrement par (i) l’insuffisance de leurs revenus financiers, (ii) la peur et l’appréhension du système public ainsi que (iii) la non existence de protection sociale pour cette frange démunie de la population.

 

 

  • Violence dans les bas quartiers

 

Les bas quartiers semblent être un agrégat de tous les maux urbains car outre les logements précaires, l’entassement des personnes, l’importante proximité des habitations, les problèmes d’hygiène et d’assainissement ou l’accès difficile à l’éducation et à la santé, les problèmes d’insécurité caractérisent également les quartiers pauvres de l’agglomération d’Antananarivo. Bien que tous les quartiers quelque soit leurs revenus ne sont pas épargnés par l’insécurité, les quartiers pauvres ressentent et vivent un peu plus diverses formes de violence.

 

Tableau 7: Problèmes de violence et de drogue selon le niveau de richesse du quartier (%)

 

Types de quartiers Pauvre (Q1) Q2 Q3 Riche (Q4) Ensemble
Sentiment d’insécurité 22 20 22 15 20
Problèmes de violence 34 30 33 24 31
Problèmes de drogue 46 43 36 33 40
Mauvaise réputation 40 37 28 23 33
3 ou 4 de ces problèmes 24 22 19 14 20

            Source : Enquête 123, SIRS 2003, DIAL/INSTAT/MADIO

 

 

L’insuffisance des revenus des ménages, la non scolarisation des plus grands, le faible encadrement des parents occupés à chercher de l’argent, l’incapacité à s’intégrer dans le monde du travail, le faible espoir de toucher un salaire décent poussent les adolescents et les jeunes adultes âgés de 15 à 25 ans à exercer des petits larcins incluant les vols à l’étalage ou les trafics de stupéfiants à petite échelle. Ces larcins peuvent prendre plus d’importance et devenir plus violents dépendamment des quartiers.

 

La pauvreté et les différents problèmes sociaux contribuent à favoriser :

 

  • l’éclatement des familles : les parents se séparent, le père ou la mère abandonnent son foyer,
  • la prolifération des phénomènes de toxicomanie, d’alcoolisme, de prostitution et des jeux de hasard,
  • l’augmentation de la violation domestique exercée contre les femmes et les enfants incluant les disputes, les mauvais traitements, les violences sexuelles,
  • la croissance du nombre des enfants de rue qui sont incités par les parents à mendier dans les rues dès leur plus jeune âge les éloignant encore plus de la valeur du travail fourni et de la culture des efforts,
  • la dégradation des valeurs morales : non respect de la vie, de la personne ou des biens d’autrui, désobéissance civile, …

 

Ces différentes formes de violence existent dans un bas quartier et leur importance croît avec le degré de concentration de la pauvreté et l’exclusion sociale vécus par les ménages pauvres.

 

  • Les moyens de subsistance des ménages pauvres

 

Les ménages pauvres arrivent à peine à couvrir 75% de leurs dépenses les plus élémentaires réduites au strict minimum avec leurs revenus. Outre les insuffisances financières que les ménages doivent gérer au quotidien, des chocs externes et internes accentuent  encore plus leur vulnérabilité.

 

Ces chocs sont constitués en majeure partie par (i) la période de soudure, (ii) les catastrophes naturelles telles que les cyclones ou les inondations ou  les catastrophes imprévues comme les incendies, (iii) les variations macro-économiques telles que l’inflation ou l’augmentation du chômage ainsi que (iv) les évènements qui surviennent au sein des ménages : maladie, décès, accident, perte d’emploi, et autres. Pour survivre à leurs besoins quotidiens et aux chocs, les ménages ont recours à diverses stratégies  impliquant des actions individuelles ou le recours des institutions.

 

  • Stratégies impliquant des actions individuelles

 

Les ménages pauvres essaient d’augmenter leurs sources de revenus suivant leur capacité, ou de réduire certaines dépenses estimées compressibles.

 

  • Diversification des revenus

 

Travailler davantage  permet aux ménages de gagner plus de revenus et de combler leurs insuffisances financières. Les stratégies de  diversification de revenus incluent :

  • l’exercice de petits métiers informels,
  • la sous-traitance à domicile,
  • le travail des enfants,
  • les activités illégales ou peu recommandables (vols, marchés noirs, mendicité, prostitution, trocs, jeux de hasard,…)
  • la vente des actifs du ménage.

 

Les stratégies telles que le travail des enfants, les activités peu recommandables ou la vente des actifs constituent des mécanismes régressifs qui appauvrissent encore plus  les ménages et qui amoindrissent la capacité d’un ménage à se sortir de la pauvreté.

 

  • Réduction de l’alimentation

 

Une enquête de l’ONG Hardi en 2000 a permis de mettre en exergue que 60% du budget du 1er quartile des revenus sont alloués par les ménages pauvres à l’alimentation et 27% au logement, ce qui n’est pas loin des taux respectifs de 58,4% et de 23,7% constatés lors de l’enquête Madio en 1998.  Considérée comme une dépense compressible, les pauvres cherchent avant tout à réduire leur budget alimentaire en diminuant la quantité de nourriture consommée en réduisant soit la quantité de portion individuelle ou en diminuant le nombre de repas journalier. Les stratégies appliquées incluent également l’achat de nourriture moins chère au détriment de la qualité, la suppression des aliments essentiels à la croissance  comme la viande ou le poisson, la non diversification des repas.

 

 

 

Tableau 8: Alimentation et aléas du niveau de vie

 

En cas de difficulté financière Ensemble des ménages du 1er quartile de revenu
Impact sur l’alimentation du ménage 99%
Stratégies d’adaptation :
Réduction des quantités consommées 99%
Substitution en utilisant des aliments de meilleur marché 33%
Suppression de certains aliments protéinés 73%
Ménages ne mangeant pas à leur faim 39%
Ménages ayant une source d’approvisionnement d’aliments alternative à l’achat en ville (*) 7%

(*) 2/3 des ménages reçoivent de la nourriture (riz) à titre de paiement en nature

du loyer des terres qu’ils possèdent à la campagne

Source : Enquête ONG Hardi 2003

 

 

  • Déscolarisation des enfants

 

La déscolarisation des enfants par les ménages pauvres rentre dans l’optique de la compression des dépenses. Les parents évitent ainsi de faire face aux dépenses scolaires et annexes incluant les frais de transport par exemple. Exclus de la scolarité, les enfants travaillent pour rapporter plus de revenus à la famille ou effectuent des tâches ménagères afin que les parents puissent se focaliser sur d’autres tâches. Cette stratégie est régressive puisqu’elle met en jeu l’avenir des enfants.

 

  • Retour à la campagne

 

Le retour à la campagne permet à une personne de se débarrasser des pressions financières de la capitale notamment les dépenses en logement, en transport et autres. Ce retour lui permet de revenir près des siens où l’entraide sociale est plus développée.

 

  • Stratégies impliquant des institutions

 

Les ménages ont également recours à des aides externes pour les aider à amortir les chocs.

 

  • Entraide sociale et familiale

 

L’entraide en cas de décès constitue une règle sociale bien ancrée dans la culture malagasy. La famille, les amis, les voisins et les habitants du quartier cotisent pour aider le ménage à faire face aux dépenses.  L’entraide familiale se pratique plus ou moins dépendamment des relations familiales, des régions d’origine ou des quartiers. Cette stratégie ne peut être mise en œuvre qui si les familles ne subissent pas en même temps les chocs. Trois familles habitant un même quartier frappé par une inondation ne pourront pas s’entraider puisque ces familles sont exposées aux mêmes problèmes et contraintes. Les entraides sont généralement de faible montant et servent uniquement à affronter des problèmes à court terme puisque ce sont les pauvres qui s’aident entre eux.

 

  • Dons

 

Les dons des associations caritatives ou religieuses, des organismes internationaux, ou de la communauté constituent des aides externes pour les familles pauvres, ils sont cependant irréguliers, insuffisants et aléatoires.

 

  • Crédit

 

Les ménages pauvres contractent des crédits sur gage auprès des karana ou des usuriers qui leur taxent un taux d’intérêt de 50 à 100%. Ces crédits financent à court terme les besoins des ménages, ils les entraînent cependant dans un cycle de difficulté de remboursement favorisant leur décapitalisation ou la perte de leur patrimoine.

 

Conclusion :

 

Les stratégies adoptées par les ménages pauvres visent toutes à solutionner des problèmes à très court terme au détriment des enjeux tels que l’avenir des enfants ou des risques encourus tels que la décapitalisation. Elles demeurent aléatoires, sont dans certains cas régressives et ne constituent pas des solutions pérennes puisque leurs objectifs ne concourent pas à augmenter d’une manière stable les sources de revenu des ménages. Ces stratégies présentent de gros risques d’appauvrissement et ne permettent pas au ménage de sortir du cercle vicieux de la pauvreté.

 

  • Facteurs d’aggravation de la pauvreté et des inégalités

 

Outre l’insuffisance des revenus des ménages pauvres qui constitue la principale cause de pauvreté, des facteurs additionnels favorisent la précarité de ces familles démunies.

 

L’individualisme constitue un facteur favorisant la précarité des ménages pauvres. Si les regroupements et la solidarité constituent des alternatives pour faire face aux difficultés au quotidien dans les zones rurales, il n’en est pas de même dans les villes, notamment à Antananarivo où le chacun pour soi est plus dominant. Les pauvres sont ainsi isolés et éprouvent des difficultés pour chercher des infirmations et contacter des structures d’appui.

 

Les obligations sociales ou adidy qui caractérisent la société malagasy constituent des facteurs d’aggravation de la pauvreté et des inégalités. En effet, il est de coutume par exemple dans les familles d’organiser des « famadihana » de leurs proches parents. Cette tradition familiale et sociale nécessite l’organisation d’un véritable festin pour toute la famille élargie et pour les invités qui peuvent compter jusqu’à 500 personnes.  Outre les repas riches en riz, en viandes, en boissons alcooliques ou non, les familles achètent des linceuls d’un prix prohibitif et prévoient également des animations musicales. Cette coutume coûte relativement chère aux familles qui épargnent pendant des années, vendent leur patrimoine ou s’endettent en vue de remplir leurs contributions. L’attachement des ménages pauvres à organiser cette coutume s’explique par la valeur et la considération sociale qu’elle procure, cependant les dépenses réellement engagées semblent bien contradictoires par rapport au niveau de pauvreté des familles.

 

L’appartenance à un quartier pauvre et l’appartenance à une couche sociale défavorisée sont perçus très négativement par la société en général. Les individus n’arrivent pas à associer la pauvreté à une situation précaire durable, à l’insuffisance de capacités de la personne pour se sortir du cercle vicieux de la misère ou au désarroi d’un être humain. Les pauvres et les miséreux sont immédiatement perçus comme des personnes sales, paresseuses, ignorantes, dangereuses ou criminelles, mendiantes. Ces préjugés et ce mépris constituent un lourd handicap pour la personne pauvre puisqu’en plus de sa condition de vie extrêmement difficile, il n’arrive pas à s’insérer socialement. La personne se dévalorise elle-même, elle a une mauvaise estime d’elle et n’a pas confiance en elle également. Son ignorance ne lui permet pas d’échanger librement des discussions avec des personnes mieux loties qu’elle puisqu’elle pense ne pas avoir assez de connaissances pour défendre ses convictions. Le sentiment de honte et d’impuissance se développe également chez la personne pauvre surtout lorsqu’elle voit tous les matins l’insalubrité et la dégradation de son environnement, et qu’elle mesure chaque jour le fossé existant entre son vécu réel et ses aspirations.

 

Les pauvres ne peuvent pas faire entendre leur voix. Ils ne sont pas considérés pour les décisions qui les concernent et sont exclus du processus d’élaboration des stratégies de développement urbain. Les mesures adoptées s’avèrent parfois inadéquates par rapport au vécu réel des ménages pauvres.

 

La vulnérabilité est une des causes principales de la pauvreté. Les pauvres sont les premières victimes des chocs divers incluant les crises politiques, les catastrophes naturelles, les épidémies, ou l’inflation des prix sur le marché. Cette vulnérabilité peut conduire à des situations précaires telles que malnutrition, abandon scolaire, …. Bien que la faiblesse du revenu soit la première cause de la vulnérabilité et de la pauvreté, l’inexistence d’un mécanisme de protection pour stabiliser les revenus et pour face aux chocs constitue un facteur d’aggravation de la pauvreté.

 

  • Aspirations des pauvres

 

Tous les ménages interviewés aspirent à une meilleure vie : un travail rémunéré à la valeur de leur travail, un toit sur la tête à l’abri de la pluie, un environnement propre dans lequel leurs enfants peuvent jouer en toute sécurité, un service hospitalier pour les pauvres et accueillant.

 

Ils ont tous été unanimes sur un point : Que leurs enfants puissent accéder à l’éducation et finir un cursus scolaire. Les pauvres considèrent que c’est la solution la plus efficace pour permettre à la famille de sortir du cercle vicieux de la pauvreté. L’éducation leur permettrait de sortir de l’ignorance qui constitue une vraie barrière dans la relation pauvre/employeurs, pauvre/institutions et autres.

 

 

 

  1. LES REPONSES DES DIVERS INTERVENANTS POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETE URBAINE

 

La présente partie essaie de recenser les différents intervenants dans l’agglomération d’Antananarivo œuvrant pour la réduction de la pauvreté urbaine.

 

  • Etat : Très faible degré d’intervention dans la lutte contre la pauvreté urbaine

 

 

Absence de politique publique de développement urbain

 

Madagascar est fortement orienté vers le développement rural depuis la 1ère République à ce jour expliquant ainsi les choix stratégiques économiques et politiques des dirigeants qui s’illustrent par la quasi-inexistence de stratégie de développement urbain.

 

L’autosuffisance alimentaire par le développement agricole notamment pour le riz, la diminution des importations des produits de première nécessité ainsi que l’augmentation de l’exportation par le développement industriel ont été prônés dans les années 1960 dans les discours et les actions du premier président Tsiranana. Une forte proportion des investissements publics était alors dédiée au secteur agricole pour élargir la quantité de parcelles de terre cultivées. Les années 1970 voient l’arrivée du président Ratsiraka au pouvoir, l’économie tirée par le développement agricole change alors de cap et se dirige vers le socialisme imposant l’omniprésence de l’Etat  dans tous les domaines et une politique de désurbanisation mise en œuvre afin de réduire aux maximum les risques de velléités politiques et sociales dans les grandes villes. Les importations ne cessent d’augmenter au détriment du marché intérieur.  Le plan d’aménagement du Grand Tana a été établi en 1975 afin de pouvoir diriger la construction des infrastructures urbaines dans la ville d’Antananarivo. Les stratégies politiques et économiques prennent un revirement important à partir des années 2000 sous la présidence de Marc Ravalomanana. Le MAP, document de stratégie de lutte contre la pauvreté, détaille les programmes de travail et les actions à mener par le gouvernement entre 2007 et 2012. Le document s’articule autour de 8 engagements principaux : une gouvernance responsable, une infrastructure reliée, la transformation de l’éducation, le développement rural, la santé et la lutte contre le VIH, l’économie à forte croissance, l’environnement ainsi que la solidarité nationale. Bien que le document ne fasse pas de distinction avérée entre les zones urbaines et rurales, les objectifs affichés d’une révolution verte ne trompent pas sur l’importance accordée au développement rural. Il est vrai que certains programmes sectoriels tels que la transformation de l’éducation ou l’accès à la santé peuvent contribuer au développement urbain et réduire les inégalités entre les pauvres et les riches. L’objectif d’atteindre une croissance économique à deux chiffres en 2012 pourrait relancer les emplois et la création d’activités génératrices de revenus que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale.

 

Il s’avère ainsi indéniable que la ville n’a jamais fait l’objet d’une politique publique de développement urbain et que toutes les stratégies de lutte contre la pauvreté développées depuis 1960 ne prévoyaient pas particulièrement la lutte contre la pauvreté urbaine.

 

 

Confusion dans les responsabilités institutionnelles des CTD

 

Madagascar est administrativement découpé en régions, en communes et en fokontany. Ce découpage administratif vise à favoriser le développement local par le biais de la décentralisation.

 

Les Communes constituent des Collectivités Territoriales Décentralisées, elles sont catégorisées comme des communes urbaines lorsqu’elles présentent les critères d’une agglomération urbanisée, comprennent plus de 5 000 habitants, et disposent de ressources nécessaires à sa gestion. La loi n° 94-007 du 26 Avril 1995 définit les compétences de la Commune qui consistent en:

 

  • l’identification des principaux besoins et problèmes sociaux rencontrés au niveau de la Commune, et la mise en œuvre d’opérations qui sont liées à ces besoins et problèmes,
  • la définition et la réalisation des programmes d’habitat et des équipements publics à caractère urbain,
  • la réalisation d’actions d’aides sociales,
  • les opérations de voirie, d’assainissement, d’hygiène, et d’enlèvement des ordures ménagères,
  • la réalisation et la gestion des places et marchés publics et des aires de stationnement de véhicules, et de tout autre équipement générateur de revenu comme les abattoirs, les espaces verts,
  • la construction et la gestion des équipements et infrastructures socio-sportifs,
  • Toutes opérations ayant trait à l’état civil, à la conscription militaire, au recensement de la population,
  • la gestion de son patrimoine propre,
  • la gestion du personnel relevant de son ressort, recruté directement par la Collectivité territoriale décentralisée, transféré ou mis à sa disposition par l’Etat.

 

En matière de développement économique et social, les compétences de la commune tiennent essentiellement des principes de proximité et d’appartenance.

 

L’article 136 de la Constitution 2007 stipule que les CTD sont également en charge de la sécurité publique, la défense civile, l’administration et l’aménagement du territoire, le développement économique et l’amélioration du cadre de vie. Cette disposition sème cependant la confusion autour des compétences des CTD puisque les Régions et les Communes sont tous les deux concernées par cette délimitation de responsabilités. Les actions publiques se déroulent cependant différemment dans la réalité : plusieurs activités relevant de la compétence des communes sont délaissées ou négligées, certaines activités sont assurées directement par l’Etat Central comme la sécurisation foncière ou l’entretien des infrastructures, d’autres activités sont confiées à des entreprises publiques telles que la SEImad pour l’habitat ou la Jirama pour l’eau et l’électricité, entreprises qui n’arrivent pas à satisfaire les besoins urbains.

 

Cette situation démontre la pluralité des acteurs publics chargés de fournir les services urbains nécessaires à la population ainsi qu’une grande confusion dans les responsabilités réelles de chaque institution. Il est ainsi difficile pour les citoyens de définir qui est exactement redevable pour les insuffisances et les incompétences du service public. Une cohésion de politique urbaine et des actions n’est pas reflétée dans les quotidiens de ces institutions qui se focalisent principalement sur les besoins urgents immédiats sans réelle projection dans le futur.

 

 

Insuffisance des ressources financières

Les dispositions légales et les responsabilités définies mentionnées ci-dessus permettent de mesurer l’ampleur des responsabilités confiées aux Communes pour le développement urbain. Le budget public dédié aux Communes reste cependant largement insuffisant pour couvrir les besoins. Cette insuffisance s’explique en premier lieu par la faiblesse des ressources financières de l’Etat qui dépend fortement de l’aide publique extérieure. En effet, les Communes perçoivent des financements du (i) Ministère de l’Aménagement du Territoire au travers des subventions de l’Etat pour leur budget de fonctionnement, ce montant s’élève approximativement à 4 825€ par commune et par an, (ii) Fonds de Développement Local ou FDL pour les investissements en infrastructures, les dépenses dans l’amélioration des services administratifs et pour des appuis de développement au commerce, et (iii) des ressources fiscales communautaires.

 

Mis en place en 2008 afin de capter les financements des bailleurs qui souhaitent se positionner sur d’autres secteurs non explicitement définis comme prioritaires dans la politique nationale, le FDL est alimenté par les aides extérieures des bailleurs de fonds. A la fin du mois d’Octobre 2010, le FDL n’a reçu que 394 millions de transfert du PIP sur les 5,6 milliards prévus, il n’a pu financer que 576 communes sur les 1548 communes à Madagascar et les fonds étaient majoritairement utilisés pour des programmes de formation relatifs à la maîtrise d’ouvrage communale et de financement d’investissements tels que des travaux de construction/réhabilitation des pistes rurales, de construction/réhabilitation de CSB I/II, de travaux de construction/réhabilitation des EPP, de travaux de construction/réhabilitation des bureaux administratifs. [15] Les fonds accordés à chaque commune s’élèvent en moyenne à 9 000 000 Ariary au titre de l’année 2010, ce qui s’avère dérisoire par rapport aux besoins exprimés.

 

Outre l’insuffisance des ressources financières de l’Etat et l’insuffisance des aides extérieures perçues au titre du développement urbain, le manque d’investissement dans ce secteur peut également s’expliquer par la perception que :

 

  • les investissements dans les villes ne sont pas rentables économiquement puisqu’ils ne génèrent pas de revenus et n’ont pas d’effets sur la croissance économique, ils ont plus d’impacts sur le bien-être de la population. L’absence des villes dans les priorités nationales peuvent ainsi s’expliquer par l’urgence accordée au développement économique.
  • les actions de développement entreprises dans les grandes villes exigent beaucoup de volonté et de rigueur de la part des autorités afin de redresser le laisser-aller qui y prévaut. Certaines actions même bien fondées peuvent soulever des échos négatifs de la part de la population, risques que la plupart des autorités ne tiennent pas à prendre au vu du pouvoir politique détenu par les grandes villes lors des élections.
  • les aides publiques de développement fournies par les bailleurs de fonds sont octroyées conformément aux priorités des politiques et des programmes du pays aidé puisque les bailleurs de fonds confirment que les aides sont plus efficaces et porteuses de résultats lorsqu’elles concernent des secteurs prioritaires du gouvernement faisant l’objet d’une forte volonté politique. Les ministères concernés font ainsi un travail de dialogue et de lobbying important auprès des bailleurs pour exprimer leurs besoins, formuler des demandes et faire comprendre la nécessité d’appuyer tel ou tel secteur. Les villes ne disposent pas malheureusement d’interlocuteurs prêts à défendre leur besoin en développement.

 

 

Faible compétence des Communes dans la gestion urbaine

 

D’un point de vue technique, les personnels des Communes Urbaines connaissent également des lacunes de compétences en matière de planification, d’urbanisme et de gestion de l’urbanisation en général. Ces lacunes peuvent s’expliquer en partie par l’absence de cursus de formation complet dédié aux villes dans les universités publiques ou privées et par l’insuffisance des formations dont bénéficie le personnel communal.

 

D’un point de vue décisionnel et financier, les Communes Urbaines ne sont pas dotées de compétences suffisantes pour rechercher et négocier des financements auprès des bailleurs de fonds. Les Communes ne disposent pas d’une indépendance et d’une autonomie financière qui leur permette de contracter directement des prêts auprès des bailleurs, elles doivent toujours passer par l’Etat et si des financements sont obtenus, les fonds doivent entrer dans le rouage administratif en sachant tous les tracas administratifs et de délai engendrés.

 

 

Absence de suivi et de respect du Code de l’Urbanisme existant

 

Les constructions illicites et précaires fleurissent dans l’agglomération d’Antananarivo au détriment de la sécurité des personnes et de la préservation du patrimoine et des biens publics communs. Certains habitants commencent par construire des logements précaires en bois, en l’absence de rappel à l’ordre des autorités locales, les petits logements ont place à des maisons en dur même si celles-ci restent précaires. Une fois que les habitants sont bien installés, les autorités ont du problème à rétablir l’ordre et tout projet d’embellissement de la ville est suivi d’un trouble social.

 

 

  • Bailleurs multilatéraux: Intervention limitée

 

Les bailleurs multilatéraux fournissant de l’aide publique au développement à Madagascar regroupent entre autres la Banque Mondiale, l’Union Européenne, la Banque Africaine de Développement ainsi que les différentes agences du Système des Nations Unies.

 

 

Le système des Nations Unies

 

Les actions du PNUD présent à Madagascar depuis 1960 s’exercent en accord avec (i) le Plan Cadre des Nations Unies pour l’assistance au développement (UNDAF), document qui précise les domaines de coopération de l’agence pendant 4 ans successifs ; ainsi que (ii) le Plan d’Action du Programme Pays (CPAP), document qui stipule principalement les programmes d’actions prévues et qui définit l’enveloppe financière à consacrer à chaque objectif visé.

 

Ces documents de référence du PNUD (UNDAF et CPAP) sont élaborés suivant les priorités du programme national inscrites dans le document de stratégie de lutte contre la pauvreté et suivant les objectifs d’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Il en va de même pour toutes les agences des Nations Unies. Les priorités nationales constituant une base primordiale pour finaliser ces documents de référence, il est parfaitement logique que des interventions purement urbaines ne soient pas au centre de la coopération internationale puisque les villes sont absentes des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté. Les agences réalisent cependant quelques actions destinées à la population urbaine et la brève analyse effectuée ci-dessous permet de situer leur niveau d’importance par rapport aux besoins urbains.

 

Cas du PNUD et de l’ONG UN-HABITAT:

 

Le PNUD prévoit dans son CPAP 2008-2011 de « mettre en place un processus d’urbanisation soutenu des communes et de renforcer la capacité des collectivités afin qu’elles puissent baser leurs décisions socio-économiques sur des systèmes d’informations améliorée et des outils performants de planification et de suivi-évaluation.  » Pour réaliser les actions afférentes à cet objectifs, le PNUD finance l’ONG UN-HABITAT qui dispose des compétences nécessaires en urbain et qui œuvre déjà sur le terrain.

 

Les domaines d’intervention de l’ONG HABITAT incluent cinq volets et priorités : le plaidoyer, l’aménagement urbain participatif, le foncier et logement pour les plus pauvres, l’ environnement et infrastructures de base ainsi que les systèmes de financement des établissements humains. Les activités de l’ONG relèvent principalement de l’amélioration de l’habitat et elle effectue des actions ponctuelles. Dans le cadre de ses activités financées par le PNUD, l’ONG a : (i) réalisé des études portant sur l’analyse de la problématique des quartiers informels à Madagascar en 2005, (ii) lancé des opérations de régularisation foncières dans diverses communes, et (iii) contribué à l’élaboration d’outils de planification tels que la Politique Nationale de l’Aménagement du Territoire et de l’Habitat (PNAT et PNH) et le Schéma National de l’Aménagement du Territoire Vision 2030 ainsi que les Plans d’Urbanisme détaillé des  CTD. [16]

 

Ses activités démontrent les champs d’intervention des projets financés par le PNUD qui se limitent à ce jour aux études, à la conception d’outils, et à des actions certes nécessaires mais qui n’entrent pas dans une optique de développement urbain telle que le financement des infrastructures ou la participation au financement d’un programme de logement social. Cette constatation est d’autant renforcée par la faiblesse des montants des projets financés par le partenariat PNUD/UN-HABITAT qui sont inférieurs à 700 000 US$.

 

Etant donné que l’ONG UN-HABITAT opère sur la base des financements qu’elle reçoit, ses fonds propres et ses financements ne lui permettent pas également de s’engager dans des activités de gros œuvre.

 

 

La Banque Mondiale

 

La Banque Mondiale constitue le plus gros bailleur de fonds multilatéral de Madagascar en termes de volume de portefeuille. C’est un bailleur particulièrement intéressant pour sa capacité à fournir des financements conséquents pour des projets de très grande envergure et pour son influence dans la coopération internationale.

 

Les projets de la Banque Mondiale de 2005 à ce jour concernent les secteurs de :

  • l’environnement et du développement rural,
  • le secteur privé et la finance qui inclut la micro-finance et le projet PIC, Pôles Intégrés de Croissance,
  • l’infrastructure (transport), l’énergie et les mines,
  • la population (la nutrition, la santé ou la sécurité alimentaire),
  • la gouvernance.

 

La Banque Mondiale intervient par secteur et le développement urbain n’est pas considéré comme un secteur à part. Bien que cette institution financière ait financé des travaux urbains tels que la protection des plaines d’Antananarivo ou la réhabilitation des routes urbaines par le biais de l’AGETIPA dans les années 1990, les actions sont restées dans le cadre du développement du secteur du transport ou de la population.

 

Les actions du projet multisectoriel PIC illustrent des exemples d’actions menées pour l’amélioration des villes. Le projet intervient dans trois pôles de croissance du pays : Antsirabe, Nosy Be et Fort-Dauphin et met en œuvre des actions destinées à la croissance économique des pôles en favorisant leurs secteurs porteurs qui sont respectivement les zones franches industrielles, le tourisme et les mines. Des actions telles que la réhabilitation des hôpitaux et des marchés ou la mise en place d’un système de gestion de déchets visent à améliorer le vécu de la population urbaine. Ces actions sont cependant minimes par rapport au fonds total du projet et le projet ne représente que 16% du montant du portefeuille global de la Banque Mondiale entre 2005 et 2009.

 

 

L’Union Européenne

 

Les financements de l’Union Européenne à Madagascar sont fortement orientés dans les infrastructures routières par le biais du FED, ou dans le développement rural par le biais du programme ACORDS [17] Elle finance également des ONGs : elle a par exemple financé ENDA Europe pour €735,000 pour un projet quinquennal 2008-2013 portant sur l’amélioration de l’environnement sanitaire et social des quartiers pauvres d’Antananarivo et de sa périphérie. Les montants octroyés pour le volet urbain est peu conséquent.

 

 

Projets financés par les bailleurs multilatéraux

 

Il ressort de cette brève analyse  que les financements des bailleurs multilatéraux pour les bas quartiers d’Antananarivo restent très limités. Plusieurs bailleurs multilatéraux financent des petits projets en milieu urbain via des ONGs locales. Ces projets concernent par exemple :

 

  • la construction de blocs sanitaires, de lavoirs, de bornes fontaines ou de latrines dans plusieurs quartiers, et le renforcement des capacités du quartier pour les gérer,
  • des activités relatives à la santé, au planning familial et à la réduction de la mortalité infantile (ex : actions du FNUAP),
  • des activités relatives à l’amélioration de la scolarisation des enfants dans certains quartiers portant notamment sur la mise en place du cash transfer[18] auprès de certains ménages en difficulté (ex : actions de l’UNICEF).

 

Ces projets s’inscrivent habituellement dans la mise en œuvre de programmes sectoriels visant des objectifs de l’OMD tels que la réduction de la mortalité infantile, l’accès accru à l’eau potable ou l’éducation pour tous. Pour réaliser les objectifs des programmes sectoriels, les ONG financés par les bailleurs doivent intervenir auprès des ménages défavorisés urbains et ruraux. Les indicateurs de résultat sont par ailleurs indifférents que les objectifs ont été atteints en milieu urbain ou milieu rural. L’intervention est donc dictée par la nécessité de résoudre les problèmes directement liés au secteur concerné et non dans une optique de développement urbain.

 

Il est par ailleurs constaté que les projets restent dans une envergure de projets pilotes. La vulgarisation de ces projets à tous les niveaux nécessiterait un important niveau de financement de la part des bailleurs de fonds étant donné l’importance des problèmes urbains, rien que dans l’agglomération d’Antananarivo.

 

  • Bailleurs bilatéraux : Intervention limitée

 

L’aide bilatérale désigne les opérations de coopération réalisées par un pays donateur avec et en faveur d’un pays partenaire. Elle s’inscrit dans le cadre de l’Aide Publique au Développement qui se décline sous forme d’aide humanitaire d’urgence, aide alimentaire, assistance technique, aide-projet et aide-programme.

 

Les opérations des agences bilatérales en faveur du développement urbain à Antananarivo ont été sommairement étudiées et seules l’AFD et le JICA démontrent jusqu’à ce jour un intérêt pour les questions d’urbanisation.

 

 

L’AFD – Agence Française de Développement

 

L’Agence Française de Développement est pour l’instant, la seule agence bilatérale qui possède un département consacré au développement urbain puisqu’elle considère la ville comme un vrai moteur de développement. Ses interventions en urbanisme à Antananarivo sont orientées sur des infrastructures  qui sont censées rapporter des revenus aux communes afin d’assurer leurs entretiens, ces infrastructures incluent à titre d’exemple les marchés ou les gares routières. Considéré trop cher, le financement des voiries urbaines ne rentre pas dans les axes de l’intervention de l’AFD. Ce dernier finance cependant des infrastructures de type voirie lorsque celles-ci sont nécessaires par rapport à un projet de développement économique.

 

L’AFD a par exemple financé au titre de l’année 2008 la réhabilitation d’une partie de la RN1 et de voies de desserte qui traversent plusieurs quartiers Sud Ouest d’Antananarivo. Ce projet a été accompagné de construction d’équipements sanitaires comme des bornes fontaines, des blocs sanitaires, des bassins lavoirs et des bacs à ordure.

 

 

JICA – Japanese International Cooperation Agency

 

La JICA a financé en 2008-2006 la construction du Boulevard de Tokyo nommée également By-pass. Cette agence bilatérale n’a pas de stratégie urbaine spécifique, elle décide des financements à octroyer à partir des projets soumis par le gouvernement, quelque soit les secteurs proposés. Les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’eau et assainissement restent cependant prioritaires dans son enveloppe budgétaire.

 

  • Les ONGs : intervention disparate et peu conséquente

 

Les organisations non gouvernementales constituent les acteurs les plus présents sur terrain en ce qui concerne le développement urbain ou périurbain. Bien que très peu d’ONGs présentes à Antananarivo n’est spécialisée dans le secteur urbain, plusieurs d’entre elles opèrent des activités pour le bénéfice de la population urbaine. Les axes d’intervention des ONGs concernent le secteur social et de l’éducation, le social et l’exclusion, le social et la santé, le secteur de l’eau et de l’assainissement en termes d’infrastructures de base.

 

Ci-dessous quelques exemples d’organisations non gouvernementales travaillant dans l’agglomération d’Antananarivo :

 

  • l’ONG ENDA axe ses interventions dans (i) la formation des animateurs éducateurs pour encadrer avec professionnalisme les enfants et jeunes en situation difficile, mais aussi pour accompagner la population défavorisée en général, (ii) l’habitat, pour l’amélioration et l’entretien des habitations de la population des quartiers inondables, (iii) l’assainissement des quartiers et la gestion des ordures par la population elle- même[19].

 

  • l’ONG EAST promeut l’accès des populations défavorisées à l’eau potable et à l’assainissement. Elle met également en œuvre des actions de sensibilisation pour l’amélioration des pratiques d’hygiène.

 

  • l’ONG CARE axe ses interventions urbaines dans la promotion de l’hygiène, la construction d’infrastructures sanitaires comme les bornes fontaines, et le renforcement de capacités de gestions des associations des usagers de l’eau.[20]

 

  • l’ONG Handicap International (i) favorise l’accès aux soins, à l’école et aux loisirs des enfants handicapés, (ii) met en place des infrastructures sociales comme des bureaux d’accueil dans des centres socio communaux pour la prise en charge personnalisée des personnes handicapées et leur entourage , (iii) contribue à l’amélioration de l’éducation et de la prise en charge de la petite enfance en difficulté.

 

  • l’ONG GRET a mis en œuvre en 2007 un programme Nutridev – volet urbain visant à améliorer les pratiques ménagères de nutrition infantile sur la commune urbaine d’Antananarivo et promouvoir des aliments de complément au lait maternel adaptés au contexte local.[21]

 

  • l’ONG MANDA œuvre depuis 1999 pour la réinsertion des enfants de rue et leur fournit un accès aux soins de santé de base, à la scolarité pour les plus petits, à l’alphabétisme et à l’apprentissage du calcul pour les enfants en retard scolaire, à la formation professionnelle pour les adolescents.

 

  • l’Association humanitaire AKAMASOA intervient dans la réinsertion sociale des familles les plus démunies dans les régions périurbaines d’Antananarivo, et leur permet d’accéder à tous les services de base incluant un logement décent, un travail rémunéré, l’éducation pour les enfants, une formation professionnelle, des apports alimentaires pour les enfants. L’Association privilégie la mise en place de villages et investit dans la construction d’infrastructures: logement, salle de classe, résidence des personnes âgées, centres de santé, réfectoire, réservoir d’eau, caniveaux, terrains de basket et autres. Les familles démunies sont réinsérés socialement, réapprennent la vie en société, vivent dans la discipline et le respect des personnes et des biens, apprennent la valeur du travail et des efforts, et vivent avec dignité.

 

Cette  liste n’est pas exhaustive. Elle permet cependant de mettre en exergue les modes d’intervention des ONG : à l’exception de l’association AKAMASOA qui réalise une réinsertion sociale intégrée et complète des familles démunies, les autres ONGs interviennent dans des secteurs et des quartiers précis sur des axes d’intervention prioritaires. Certes, les efforts effectués sont louables, les interventions demeurent cependant limitées.

 

Les ONGs dépendant entièrement du financement de leurs donateurs, la portée de leurs activités est assez limitée et leurs projets ne sont pas pérennes dans le temps. Or, il suffit qu’une famille démunie se retrouve sans support pour replonger dans la misère, cette situation s’illustre bien dans l’éducation des enfants. Dès qu’un projet qui a permis a un enfant d’être scolarisé s’arrête, il y a de grandes chances pour l’enfant abandonne sa scolarité au vu des problèmes financiers des parents.

 

Au plus près des populations défavorisées, les ONGs constituent des sources de bonnes pratiques et sont incontournables dans la capitalisation des leçons apprises pour mener à bien des interventions de développement urbain sur terrain. La recherche documentaire effectuée a permis de recenser quelques unes des leçons apprises à prendre en compte lors de l’élaboration d’une stratégie relative au développement urbain, de la planification des actions à mener et même dans le cadre de leur réalisation. Ces leçons apprises préconisent entre autres de :

 

  • considérer les perceptions, les avis, les solutions proposées par les pauvres eux-mêmes dans tout document stratégique et opérationnel les concernant. Contrairement aux préjugés dont ils font l’objet, les pauvres ont un savoir et une culture[22]. Les mères dans les familles démunies, par exemple, savent mieux que personne trouver des solutions et des pratiques pour maintenir leurs enfants en bonne santé.

 

  • accroître les activités de renforcement de capacités en faveur des pauvres. Outre la non satisfaction des besoins élémentaires physiques (travail, logement, nourriture, santé, éducation, assainissement… ), les pauvres subissent la violence du jugement et des préjugés des autres personnes qui les considèrent comme des paresseux, des personnes qui ne travaillent pas et qui se plaisent dans leur misère. Ces violences ont un impact négatif sur les pauvres qui se renferment dans leur état, qui n’arrivent pas à exprimer et à imposer leurs convictions, ni même à défendre leurs droits. Ils se sentent tellement découragés de leur situation qu’ils n’ont même plus envie d’essayer. Ces activités de renforcement de capacités sont vitales pour encourager les pauvres à s’exprimer, et leur permettre de se réapproprier le sens des valeurs et de la dignité.

 

  • favoriser la participation des pauvres dans la mise en œuvre des actions, les inciter à gérer des infrastructures de base construites pour eux, leur permettre de contrôler et d’évaluer les prestations de service en leur faveur, de les positionner en tant que clients dans les prestations de service fournies.

 

  • capitaliser les leçons apprises dans la mise en œuvre des projets existants et de les vulgariser auprès de tous les acteurs pour servir de base de travail.

 

  • La coopération décentralisée: intervention insuffisante

 

La coopération entre la Commune Urbaine d’Antananarivo et la Région Ile-de-France constitue un des exemples de la coopération décentralisée. Cette forme de coopération est un statut particulier puisqu’il permet aux collectivités locales françaises de coopérer avec d’autres collectivités décentralisées à l’étranger. La coopération décentralisée se fait ainsi entre collectivités et se fait sans intervention de l’Etat. La collectivité locale française finance directement les projets et la possibilité d’une rupture de financement est assez faible.

 

Les collectivités locales françaises fournissent des appuis en renforcement de capacités dans la planification et la gestion urbaine. Elles interviennent particulièrement dans des projets ayant attrait aux domaines des transports urbains, de l’urbanisme et de la planification, de la protection du patrimoine urbain, de l’agriculture urbaine, de l’assainissement et de la promotion du tourisme urbain durable, ainsi que la formation professionnelle. L’appui de la Région Île-de-France à la Commune Urbaine d’Antananarivo a commencé le premier semestre 2008 par le lancement d’une étude de diagnostic du transport à Antananarivo et a débouché sur la création d’un Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine à Antananarivo (PAMU). Ce programme a mobilisé l’ensemble des acteurs du transport local pour sa conception (ministères, CUA, Région Analamanga, intégrant Antananarivo, autorité régulatrice du transport national, société civile, transporteurs, les voyageurs etc.). Il a eu pour première application concrète le projet pilote « ligne 119 », ligne de transport urbain reliant l’Université d’Ankatso à la Cité des 67 hectares, et dont l’objectif est la production d’une offre de transport fondée sur des critères de régularité, de réduction de temps de transport et de qualité accrue au bénéfice des voyageurs.[23] La coopération entre la CUA et le RIF est renouvelée pour 5 ans grâce à la signature d’une convention de financement en 2011.

 

La coopération décentralisée présente une excellente opportunité de financement pour l’agglomération d’Antananarivo de part ses caractéristiques et ses compétences en matière d’urbanisme.

 

 

Conclusion :

Les raisons principales des financements limités des bailleurs de fonds s’expliquent par :

 

  • le développement urbain n’est pas explicitement défini comme une priorité nationale dans les politiques et stratégies du pays,
  • plusieurs bailleurs de fonds ne considèrent pas la ville comme un moteur de développent, certains bailleurs commencent seulement à intégrer le développement urbain dans leur discours stratégique,
  • aucun interlocuteur influent et compétent en matière d’urbanisme ne contacte et arrive à convaincre les bailleurs à financer de montants conséquents dans l’urbanisme,
  • le financement de l’urbanisme bien que reconnu comme essentiel pour tirer un pays de la pauvreté n’est pas systématiquement appuyé dans le cadre de la coopération internationale contrairement à l’éducation ou la santé,
  • le cadre institutionnel existant ne permet pas aux bailleurs de financer directement les communes et celles-ci se trouvent dans l’incapacité de contracter des prêts,
  • une absence de dissociation entre l’urbain et le rural est notée dans les activités financées par les bailleurs de fonds. Les activités sont catégorisées par secteur (éducation ou santé) et se mesurent par rapport aux nombre de personnes ayant bénéficié des opérations du projet financé quelque soit sa provenance. Cette absence de dissociation renforce l’inexistence de stratégie en ce qui concerne le développement urbain.

 

Les interventions des organisations non gouvernementales et des associations dans le développement urbain sont disparates et limitées:

 

  • les organisations non gouvernementales et les associations dépendent fortement du financement de leurs donateurs,
  • les projets se limitent à une population et à des quartiers bien définis – ils sont parfois exécutés en tant que projet pilote,
  • les projets ne sont pas pérennes dans le temps,
  • la plupart des interventions restent sectorielles et ne s’inscrivent pas dans une optique d’intégration.

 

 

 

 

 

  1. Propositions de plans d’action pour mitiger la pauvreté et les inégalités

 

Les précédentes parties ont permis (i) d’une part, de comprendre le profil de la pauvreté dans l’agglomération d’Antananarivo: les perceptions des pauvres sur leurs situations ont été écoutées et analysées, les causes des précarités auxquelles ils font face ont été mises en exergue, les facteurs d’aggravation de la pauvreté ainsi que les moyens de survie des populations face aux divers chocs ont été étudiés ,  (ii) d’autre part, la place de la lutte contre la pauvreté dans la priorité nationale ainsi que le degré d’implication de l’Etat, les réponses des bailleurs de fonds et des organisations gouvernementales ont été également analysés afin de situer le degré d’intervention de chaque entité par rapport aux besoins du développement urbain et de dégager ainsi les lacunes dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans l’agglomération d’Antananarivo.

 

La présente partie essaie de proposer des pistes de réflexion et des actions possibles sur la base des informations collectées durant l’analyse. Les actions proposées s’articulent autour de 4 axes d’intervention ci-après :

 

  • l’introduction du développement urbain dans la stratégie de lutte contre la pauvreté,
  • le droit à la citoyenneté de la population pauvre,
  • la création d’emplois pour les populations défavorisées,
  • l’amélioration des conditions de vie des pauvres.

 

  • Introduction du développement urbain dans la stratégie de lutte contre la pauvreté

 

 

Action 6.1.1: Considérer la lutte contre la pauvreté urbaine comme une priorité nationale

 

La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté s’est toujours focalisée sur le développement rural. Cette priorité nationale s’explique par (i) la contribution élevée du milieu rural au taux de pauvreté national (évalué à 85% approximativement), (ii) l’existence d’un énorme potentiel rural : la disponibilité des terres et de la main d’œuvre, (iii) la croissance économique espérée du développement rural qui aurait pour impact l’autosuffisance alimentaire et à terme une rentrée de devises importante pour le pays grâce aux recettes d’exportation. Grâce à l’existence d’une stratégie bien claire et d’un plan d’actions bien précis sur le développement rural, l’Etat a pu mobiliser d’importants financements de la part des bailleurs de fonds.

 

Cette stratégie a quelque peu favorisé la négligence des zones urbaines où les inégalités entre les pauvres et les riches se sont considérablement creusées au fil des années. La pauvreté urbaine s’est accentuée avec les crises politiques, l’insuffisance des infrastructures et la forte migration des personnes venant du monde rural à la recherche d’une meilleure condition de vie. En effet,  » La plupart des villes à Madagascar ne croissent pas à cause de leur dynamique économique propre, mais parce que leur arrière pays est dans une grande détresse. Dans ces cas, les populations rurales appauvries affluent vers les villes pour trouver du travail et des secours d’urgence, mais se retrouvent souvent en situation d’extrême pauvreté »[24]

 

Le développement urbain, à lui seul, ne constituerait pas un moteur de développement économique du pays. Il s’avère cependant essentiel pour établir un équilibre économique et social entre l’urbain et le rural, pour répartir uniformément la croissance économique à l’ensemble du pays, et pour réduire les inégalités entre les riches et les pauvres dans les grandes villes. Par ailleurs, la lutte contre la pauvreté ne se résume pas à un taux de croissance élevé, le développement requiert le respect des droits de l’homme et de sa dignité, le respect de la justice et de l’équité sociale.

 

Introduire le développement urbain dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté permettrait ainsi de disposer d’un plan d’actions national qui rassemblerait tous les acteurs autour d’une même vision et autour d’objectifs communs, et de mobiliser des financements internationaux.

 

 

Action 6.1.2: Améliorer le cadre institutionnel des secteurs

 

L’analyse effectuée dans les précédentes parties a mis en exergue les faiblesses institutionnelles de certains secteurs incluant par exemple le secteur de l’eau et de l’assainissement dans l’agglomération d’Antananarivo. Ce secteur relève de la responsabilité de plusieurs intervenants dont le Ministère chargé de l’eau, le Ministère de l’Aménagement du Territoire, la Commune Urbaine d’Antananarivo, la JIRAMA ainsi que de plusieurs autres sous-entités. Ni les rôles et les responsabilités de chacun des intervenants, ni les relations entre elles ne sont pas clairement délimités et définis. Le cadre réglementaire est par ailleurs complexe et insuffisant. Il s’avère ainsi primordial d’améliorer le cadre institutionnel des secteurs, de définir clairement les rôles et responsabilités de chacun afin de faciliter la mise en œuvre des actions proposées dans le plan d’action de lutte contre la pauvreté urbaine.

 

 

Action 6.1.3 : Faire respecter la loi et les règles institutionnelles

 

Les problèmes liés à la pauvreté dans l’agglomération d’Antananarivo sont en partie causées par la gabegie, le laisser-aller des autorités locales et le manque de discipline des citoyens. La notion de discipline est à instaurer, le respect des lois et des règles doit être surveillé et se faire de manière permanente. Cette action doit cependant être accompagnée de mesures d’accompagnement afin de permettre aux habitants de disposer de solutions alternatives tant en terme de logements que d’assainissement par exemple.

 

  • Le droit à la citoyenneté des personnes pauvres

 

La majorité des enfants des ménages pauvres et certains adultes ne sont pas enregistrés dans le registre d’état civil des fokontany et des communes. Certains parents procèdent à la régularisation des dossiers d’état civil de leurs enfants avant la scolarisation de ces derniers, ce taux de régularisation reste cependant faible. L’état civil permet à tout citoyen d’accéder à des services de base, de faire entendre sa voix au moyen des votes lors des élections, de participation à des enquêtes ou de participation à des réunions communales. Il est recommandé de :

 

  • sensibiliser les accoucheurs, les matrones, les médecins, les hôpitaux pour que les parents soient sensibilisés sur la nécessité de procéder à l’enregistrement à l’état civil des nouveaux nés,
  • sensibiliser la population sur les intérêts et les enjeux de disposer de son droit civil,
  • mettre à disposition des ménages pauvres des dispositifs permanents peu compliqués assortis de mesures d’accompagnement pour aider les pauvres à remplir cette tâche administrative.

 

 

  • Création d’emplois pour les pauvres

 

L’absence et l’insuffisance de revenus constituent les causes premières de la pauvreté des ménages. Des actions adaptées aux qualifications professionnelles des ménages sont à mettre en place.

 

 

Action 6.3.1: Encourager l’auto-emploi et l’appui aux petits métiers urbains

 

Des programmes sont à mettre en place aux fins d’encourager l’auto-emploi et l’appui aux petits métiers urbains. Ces programmes pourraient inclure des activités relevant de : (i) appui des ménages pauvres dans l’identification des petits métiers possibles, (ii) formation des ménages dans la réalisation des métiers et dans la gestion des fonds, (iii) appui des ménages en terme de fonds et de matériels, (iv) appui des ménages pauvres dans l’identification des débouchés, (v) encadrement technique permanent des ménages, (vi) suivi des résultats obtenus, (vii) encouragement des associations des ménages pauvres, (viii) incitation à l’épargne et à la formation de mutuelle.

 

 

Action 6.3.2 : Développer un système de microcrédit destiné aux pauvres

 

Un système de microcrédit destiné aux ménages pauvres devrait permettre à ces derniers de disposer de financement pour un auto-emploi ou pour les petits métiers. L’Etat pourrait établir un partenariat avec les institutions de microcrédit existantes afin que ces dernières puissent élargir leurs offres et couvrir les besoins des ménages pauvres ou mettre en place un système de microcrédit simple et efficace à proximité des bas-quartiers.

 

 

Action 6.3.3 : Intensifier les programmes de Haute Intensité de Main d’Œuvre

 

Plusieurs programmes HIMO ont été mis en œuvre par les autorités en faveur des habitants des bas-quartiers qui sont payés en numéraire ou en nature avec des produits PPN. Il serait opportun d’évaluer les impacts de ces programmes et d’analyser les perceptions des individus par rapport à la rémunération proposée. Ces mêmes programmes sont à intensifier et les rémunérations octroyées doivent valoir le travail effectué et permettre aux ménages d’assurer leurs besoins alimentaires.

Action 6.3.4 : Favoriser l’investissement dans des secteurs à haute intensité de main d’œuvre

Les zones franches installées à Madagascar ont créé des milliers d’emplois pour les personnes peu qualifiées. Des investissements dans des secteurs à haute intensité de main d’œuvre peu qualifiée sont à favoriser et à rechercher afin de satisfaire les besoins en emploi et de créer en parallèle des emplois indirects.

 

  • Amélioration des conditions de vie des pauvres

 

L’amélioration des conditions de vie des pauvres a pour objectif principal de permettre à la population d’accéder à des services de base essentiels à tout être humain: logement décent, accès à l’eau potable, accès à un assainissement suffisant, accès à l’éducation, et accès à la santé.

 

 

Action 6.4.1 : Faciliter l’accès au logement

 

  • Mettre en œuvre un programme de logement social

 

La mise en œuvre d’un programme de logement social permettrait de répondre à l’insuffisance de l’offre en logement et à l’offre inadaptée existante sur le marché immobilier. Une attention particulière est à apporter dans la conception du programme de logement social qui devra être destiné aux pauvres et prendre en compte le faible pouvoir d’achat des ménages pauvres. Le programme aurait ainsi une visée sociale au détriment du profit immobilier. Le programme de logement social pourrait consister en une :

  • réhabilitation des logements existants en visant à respecter les règles d’urbanisme,
  • ou en construction de maisons ou d’immeubles d’habitation dans la Commune Urbaine d’Antananarivo,
  • ou en construction de maisons ou d’immeubles d’habitation dans les zones périurbaines d’Antananarivo.

 

Outre le fait de fournir un logement décent, ce grand chantier pourrait également contribuer à créer des emplois en grande quantité pour les ménages pauvres.

 

Les logements devant faire l’objet au minimum d’un recouvrement intégral ou partiel des coûts suivant des études de mécanisme approprié et compte tenu de la faiblesse des revenus des ménages, il s’avère nécessaire d’instaurer un système de facilité de paiement pour les pauvres.

 

Les bonnes pratiques et les leçons apprises par l’association Akamasoa dans le logement social pourraient être d’une grande utilité dans cet axe spécifique.

 

 

  • Mettre en place un système de microcrédit pour les pauvres

 

Compte tenu des caractéristiques des revenus des ménages pauvres provenant essentiellement d’activités informelles qui ne leur permettent pas de fournir des contrats ou des fiches de paie ou d’autres documents prouvant l’exercice d’une activité, les ménages se trouvent dans l’impossibilité de contracter des crédits auprès des banques classiques. Plusieurs institutions de microcrédit existent à Antananarivo, elles n’offrent cependant pas un produit adapté dans l’acquisition d’un logement pour les pauvres.

 

 

  • Régulariser la situation foncière des logements existants

 

Les problèmes fonciers sont généralisés dans toute l’île, que ce soit dans les zones urbaines ou rurales. Les ménages pauvres de l’agglomération d’Antananarivo n’échappent pas à ces problèmes d’ordre institutionnel, technique et financier. Des pistes d’actions peuvent cependant être exploitées :

 

  • Régularisation des titres fonciers en mettant en place une agence foncière pour les bas-quartiers, apte à accompagner les pauvres dans les démarches à suivre,
  • Favoriser la régularisation et la distribution des certificats fonciers sur la base d’un inventaire et d’un processus déclaratif,
  • Transfert de propriétés du domaine public en faveur des programmes de logements sociaux.

 

 

Action 6.4.2: Améliorer l’accès à un assainissement suffisant et promouvoir l’hygiène

 

  • Construire des infrastructures communautaires en quantité suffisante

 

Les infrastructures communautaires telles que bornes fontaines, lavoirs, toilettes et douches constituent une solution immédiate aux problèmes des logements insalubres et de non accès à l’eau potable. La construction de ces infrastructures en quantité suffisante par rapport au nombre d’habitant devrait être une priorité pour la Commune Urbaine d’Antananarivo. Ces infrastructures de base conditionnent la propreté de la personne et la propreté de l’environnement et ont des impacts directs sur l’amélioration de la santé de la population.

 

La création des associations des usagers en charge de gérer et d’entretenir ces infrastructures renforce la capacité locale des habitants et les responsabilise. Il est recommandé d’instaurer des systèmes de contrôle de l’état des infrastructures et de la transparence de la gestion.

 

La recherche de solutions locales au niveau des communautés est à encourager pour favoriser une meilleure appropriation des actions menées, et une motivation supplémentaire dans leur gestion quotidienne.

 

 

  • Investir dans la voirie urbaine

 

L’investissement public et privé est incontournable pour améliorer les matériels et les raccordements déjà vétustes des systèmes de gestion des déchets, de raccordement à l’eau ou d’évacuation des eaux usées et pluviales. Ces investissements financiers très considérables  sont à inscrire dans le cadre d’un plan d’investissement pluriannuel.

 

Des mécanismes de valorisation des déchets peuvent par exemple être envisagés afin d’amortir les coûts des investissements. Des acheteurs étrangers s’intéressent actuellement à acheter des déchets tels que des bouteilles plastiques usagées afin de les recycler et de les transformer en produits finis commercialisables sur le marché.

 

Les recherches de financement pour des investissements devraient systématiquement prévoir les dépenses nécessaires pour l’entretien des infrastructures.

 

 

  • Faciliter les procédures administratives

 

Il est surprenant de constater que les démarches administratives sont lourdes pour le raccordement à l’eau ou pour la mise en place d’une borne fontaine. Les procédures administratives devraient être facilitées au mieux pour favoriser la construction d’infrastructures de base jugées d’utilité publique.

 

 

  • Sensibiliser la population sur l’hygiène et sur l’entretien des biens

 

Des campagnes permanentes de sensibilisation de la population sur les pratiques d’hygiène et sur la nécessité de respecter les biens publics communs sont à organiser auprès des personnes démunies. Des systèmes de surveillance pourraient également être étudiés afin d’inculquer la notion de discipline et d’hygiène auprès de la population.

 

 

Action 6.4.3 : Améliorer l’accès à l’éducation après le primaire

 

  • Mettre en œuvre des initiatives favorisant la rétention scolaire

 

L’éducation est la seule voie par laquelle une famille démunie peut briser le cercle vicieux de la pauvreté. Elle permet à l’enfant de s’éloigner de l’ignorance, d’acquérir des connaissances, d’avoir des diplômes et d’espérer obtenir un travail décent. Des initiatives sont à mettre en place afin de retenir les enfants à l’école :

 

  • immobiliser des financements pour continuer l’initiative de la cantine scolaire. Cette initiative soulage les parents en ce qui concerne l’alimentation de leurs enfants. Il est sûr que les enfants mangent au moins à midi.
  • mettre en place l’initiative « cash transfer » auprès des familles les plus démunies. Ce système consiste à subventionner en quelque sorte une famille en lui allouant une certaine somme d’argent destinée à compenser le manque à gagner de ce ménage puisqu’en envoyant l’enfant à l’école, la famille se prive d’une source de revenu portentielle et d’une main additionnelle dans la réalisation des tâches ménagères. L’enfant doit être obligatoirement scolarisé par sa famille en contrepartie du cash transfer.

 

 

  • Etendre les appuis destinés aux enfants aux autres niveaux de scolarité

 

Il a été constaté dans la section Scolarité et éducation difficile à achever que le nombre des élèves qui achèvent un niveau scolaire s’amoindrit au fur et à mesure que le niveau monte, et que les frais de scolarité doublent à chaque passage de niveau scolaire.

 

Les élèves des classes primaires ont gracieusement bénéficié d’uniformes et de fournitures scolaires dans le cadre du programme « Education pour Tous ». Il est recommandé d’étendre ces types d’appuis aux élèves du premier et du second cycle issus des familles défavorisées afin de lever la barrière des problèmes financiers.

 

 

  • Refonte et réforme du système scolaire

 

Cette refonte du système scolaire s’avère primordiale pour accompagner le développement économique du pays. Bien que cette refonte nécessite un travail de fond et des études très approfondies, quelques propositions d’actions permettent déjà de visualiser les efforts à fournir dans ce sens :

 

  • développer des alternatives à l’enseignement classique pour les jeunes défavorisés en échec ou en retard scolaire, ou les jeunes dans l’incapacité d’achever un système scolaire complet,
  • développer des centres d’alphabétisation mobiles à proximité des quartiers,
  • développer les bibliothèques de rue pour éveiller l’attention des enfants et pour susciter leur soif de savoir,
  • relier le système scolaire aux besoins du marché du travail,
  • mettre en place le système de validation des acquis,

 

 

  • Améliorer la formation professionnelle

 

La formation professionnelle constitue une alternative au système scolaire classique, elle permet d’acquérir les bases théoriques et pratiques d’un métier. Des actions prioritaires sont à mener afin d’améliorer la formation professionnelle :

 

  • réglementer la formation professionnelle,
  • effectuer des évaluations régulières des instituts de formation publics et privés, faire respecter les réglementations,
  • étudier les besoins du marché du travail et réconcilier l’offre des formateurs et les besoins en emploi,
  • former les enseignants.

 

 

Action 6.4.4 : Améliorer l’accès à la santé

 

La protection sociale constitue un des meilleurs moyens pour améliorer l’accès à la santé de la population. Il n’existe actuellement aucun système de protection sociale des ménages les plus défavorisés, situation contradictoire étant donné que ce sont les pauvres qui ne disposent pas de moyens financiers pour payer les consultations médicales et les médicaments.

 

Le Collectif Santé mis en place en Mai 2002 par un pool de donateurs (Coopération Française et Japonaise, un fonds canadien, Les amis des enfants du Monde, 44 ONGS, 34 congrégations nationales et 10 associations internationales) avait cherché à répondre aux urgences médicales les plus graves des populations les plus démunies en leur fournissant une protection sociale. Le Collectif, les ONGs et l’hôpital prenaient respectivement en charge 70%, 25% et 5% des frais d’hospitalisation et des frais externes des malades. Le Collectif Santé prenait en charge 80 patients en moyenne par mois. Le projet s’est cependant achevé en 2008 faute de financement. Des initiatives similaires sont à mettre en œuvre, leur pérennité doit cependant être assurée aux moyens d’idées innovatrices sans alourdir les cotisations à payer par les ménages pauvres afin de constituer une mutuelle de santé pour la population démunie.

 

La mise en place d’un Fonds d’équité sociale est également envisageable, il s’agit d’un mécanisme de protection sociale pour les plus pauvres, selon un système de tiers payeur, qui garantit au prestataire un paiement pour les services prestés. Les techniciens pourront se baser sur les facteurs et les clés de succès des fonds d’équité sociale qui ont réussi à bien s’implanter par exemple en Mauritanie.[25]

 

Le  personnel de santé est à former pédagogiquement sur le vécu et sur la réalité des conditions de vie des pauvres afin leur apprendre à mieux accueillir les démunis et à comprendre leur situation. Cette formation est à exercer afin de mitiger la peur et l’angoisse des habitants à aller d’adresser à des hôpitaux pour leurs parents ou leurs enfants malades.

 

 

Conclusion :

 

Une grande diversité d’actions peut répondre aux problèmes et aux besoins des ménages pauvres urbains. Elles doivent cependant s’adapter au contexte local et au vécu réel des pauvres qui doivent être inclus dans le processus d’analyse des problèmes, de formulation d’axes d’intervention, et de priorisation des actions. Les bonnes pratiques de développement urbain appliquées dans les pays en développement sont à recenser et à étudier afin de définir si elles peuvent être appliquées pour l’agglomération d’Antananarivo. Les rapports d’évaluation des bonnes pratiques constituent des ressources d’information précieuses pour comprendre les pratiques, dégager leurs facteurs clés de succès et leurs points critiques. Le processus de chaque action doit cependant être maîtrisé, tant en amont qu’en aval, afin d’assurer une mise en œuvre efficiente et efficace. Il est ainsi primordial par exemple pour le secteur de l’eau et de l’assainissement de formuler des actions pour résoudre la confusion des rôles et des responsabilités des intervenants, actions qui se situent en amont du processus. Il est également important de noter qu’une forte volonté politique assortie d’une excellente phase de conception et de réalisation technique sont des conditions préalables pour mener à bien les actions prévues.

 

 

 

 

  • Conclusion générale

La présente étude se penche sur la problématique de la pauvreté et des inégalités dans les bas quartiers d’Antananarivo. Son objectif principal consiste à mieux connaître les différentes dimensions de la pauvreté qui y prévalent et à formuler des propositions d’actions susceptibles d’y remédier. L’étude cherche ainsi à répondre à plusieurs sous-questions relatives aux caractéristiques et aux causes de la pauvreté urbaine, aux moyens de subsistance des pauvres, à leurs aspirations, et aux réponses déployées par les divers intervenants pour mitiger cette pauvreté. L’étude s’est basée sur les résultats d’une enquête qualitative et des résultats des enquêtes quantitatives existants, elle a été cependant limitée par la faiblesse des études et analyses sur le développement urbain à Antananarivo ainsi que l’inexistence de statistiques officielles sur la pauvreté urbaine dans l’agglomération d’Antananarivo. Le taux de pauvreté urbaine pourrait être par ailleurs supérieur aux statistiques existantes étant donné que plusieurs ménages des bas quartiers ne sont pas enregistrés dans le registre d’état civil et échappent ainsi à la mesure de la pauvreté.

 

La pauvreté urbaine dans l’agglomération d’Antananarivo est principalement causée par une insuffisance et une instabilité des revenus des ménages ainsi qu’un très faible pouvoir d’achat. L’offre d’emploi dans le secteur formel est fortement limitée pour une main d’œuvre peu qualifiée. Pour subvenir à leurs besoins, les ménages pauvres tirent leurs revenus d’un auto-emploi dans le secteur informel et des sous-emplois qui prolifèrent dans la ville. Les ménages cumulent plusieurs emplois et tous les membres de la famille y compris les enfants sont mobilisés afin d’obtenir le maximum de revenus possibles. Ce revenu précaire et instable influence grandement les conditions de vie des ménages pauvres qui vivent dans des quartiers à forte concentration de pauvreté dans des logements précaires et dans un environnement insalubre. Les familles ont du mal à scolariser leurs enfants et à les maintenir à l’école durant le cursus scolaire complet. Les programmes de formation professionnelle permettant aux personnes de s’immerger immédiatement dans un métier sont insuffisants et inadéquats.  Plusieurs familles renoncent également à des soins de santé pour insuffisance financière.  La pauvreté monétaire et la pauvreté des conditions humaines vécue par les ménages pauvres de l’agglomération d’Antananarivo ne leur permettent pas et ne leur donnent pas l’opportunité de se sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Ces ménages pauvres sont particulièrement vulnérables aux différents chocs politiques, économiques ou naturels qui peuvent survenir. Pour y faire face, les ménages s’endettent ou vendent leurs actifs. Les familles aspirent toutes à ce que leurs enfants soient scolarisés et finissent un cursus scolaire, d’après elles, c’est la seule solution durable qui leur ferait de sortir de la pauvreté. L’éducation est considérée comme un moyen efficace pour combattre l’ignorance et elle permettrait par ailleurs aux pauvres de s’intégrer dans le marché du travail, de développer un auto-emploi créateur de revenus, de pouvoir discuter et négocier avec les employeurs ou les clients et même de défendre leurs intérêts au niveau de la communauté. Ces conditions de vie précaires sont principalement causées par une insuffisance des infrastructures urbaines, un manque d’investissement des autorités, une faiblesse du cadre institutionnel régissant les secteurs, et la mise en œuvre de projets non adaptés au contexte local et au vécu réel des pauvres, mais également par un comportement déplorable des personnes qui font fi de l’hygiène et qui ne respectent pas les biens communs publics.

 

Les actions de réponse à ces besoins de la population pauvre urbaine sont réalisées par divers intervenants. La Commune Urbaine d’Antananarivo mène plusieurs actions en faveur de l’assainissement durable de la ville, celles-ci demeurent largement insuffisantes. L’Etat intervient surtout pour faire face à des situations d’urgence occasionnée par des catastrophes naturelles ou des incendies, les actions entreprises ont plus de connotation politique. Les financements des bailleurs de fonds en matière d’urbanisme sont relativement faibles et limités, ces faibles investissements sont dus à une absence du développement urbain dans la priorité nationale du pays, à une absence de discours relatif à la planification et à la gestion urbaine, à l’insuffisance d’interlocuteurs locaux qui défendent la nécessité de combattre la pauvreté urbaine. Les organisations non gouvernementales sont des acteurs fortement impliqués dans le développement de la population urbaine sur terrain, leurs interventions restent cependant disparates, limitées et non pérennes.

 

Bien que les villes ne constituent pas un moteur de développement économique à elle-seule, le développement urbain s’avère cependant nécessaire afin d’assurer l’équilibre économique et social entre le milieu rural et le milieu urbain, de répartir la croissance économique à l’ensemble du pays et tout simplement afin de respecter les droits des hommes à vivre dignement. Au vu du profil de la pauvreté urbaine dans l’agglomération d’Antananarivo et afin de répondre aux besoins de développement des ménages pauvres, quatre axes d’intervention sont proposées : l’introduction du développement urbain dans la stratégie nationale de la lutte contre la pauvreté et l’identifier comme une des priorités nationales, le droit à la citoyenneté des pauvres, la création d’emplois ainsi que l’amélioration de leurs conditions de vie.

 

La politique et la stratégie de développement urbain doivent prendre en compte les expériences, les avis et les recommandations de tous les acteurs, incluant notamment les pauvres qui sont des experts de la pauvreté et plus à mêmes de proposer des solutions adaptées à leur situation. Une politique et une stratégie urbaine nationale permettront à l’Etat de mobiliser des financements auprès des bailleurs, et permettront aux acteurs de développer des programmes et des projets qui convergent vers des objectifs communs et d’harmoniser également les aides pour de meilleurs résultats. Cette politique de développement urbain doit également être cohérente avec la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté car le développement urbain ne peut se faire séparément au risque d’accroître le phénomène de migration rurale.

 

Les actions formulées sont à prioriser aux fins de répondre aux contraintes de disponibilité de fonds. La priorisation des actions est une question assez délicate à mener étant donné que tous les facteurs de pauvreté sont reliés entre eux et forment un cercle vicieux. L’Etat est appelé à sécuriser les financements des projets avant leur mise en œuvre. Les bailleurs et les organisations non gouvernementales devraient également veiller à la pérennité des projets mis en place afin que les résultats attendus des projets perdurent même après la clôture des projets. Les autorités locales sont incitées à mettre en place un dispositif de sensibilisation de la population sur les projets menés, sur les thématiques importants tels que l’hygiène ou le respect des biens communs et mettre en place un système de surveillance pour réinstaurer la notion de discipline dans les villes.

 

Les éléments de la présente étude sont des prémices à l’établissement d’une politique de lutte contre la pauvreté urbaine à Antananarivo et il serait intéressant de définir quelles seraient les actions prioritaires qui pourraient être menées dans l’optique de développer durablement les situations de précarité des ménages pauvres de la basse ville.

 

 

 

 

 

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  • WATERAID MADAGASCAR (2009), Pour un financement local et efficace des services d’eau et d’assainissement,

 

  • WORLD BANK (2009), Stratégie de Banque Mondiale pour les villes et les collectivités locales, Note conceptuelle et de synthèse,

 

  • WORLD BANK (2010), L’urbanisation ou le nouveau défi malgache,

 

 

 

  1. Annexes

 

QUESTIONNAIRE – ENQUETE AUPRES DU FOKONTANY

                        Fokontany :

                                Quartier concerné :

 

Informations sommaires sur le quartier

 

Superficie du quartier :

 

% zone inondable et non approprié pour les logements:

 

Nombre approximatif d’habitants :

 

 

Questions

 

  1. D’après vous, quelles sont les caractéristiques des ménages pauvres ?

 

  1. Quelles sont les principales activités économiques des ménages pauvres dans votre quartier?

 

  1. D’après vous, est-ce que leur situation économique s’est améliorée ou dégradée au cours des six derniers mois ? Pourquoi ?

 

  1. Pour vous, quels sont les 3 problèmes majeurs des ménages pauvres ?

 

  1. Pour vous, quels sont les problèmes les plus marquants dans votre quartier ? Quelles sont leurs causes ?

 

  1. Est-ce que vous trouvez que la pauvreté a des impacts sur la mentalité et les comportements des ménages et des individus pauvres ? Commentez.

 

  1. Quelles sont les initiatives menées par le fokontany, l’Etat, les autorités locales ou les ONGs pour résoudre ces problèmes ? Est-ce que les actions réalisées sont suffisantes  et efficaces ? Si non, pourquoi ?

 

  1. A votre avis, quelles seraient les solutions à votre niveau qui vous permettrait de   solutionner la précarité des ménages pauvres ?

 

  1. Quelle est votre vision de l’avenir proche (prochains 3 mois) pour les gens dans ce Fokontany?

 

  1. Quel est votre vision de l’avenir dans les prochains deux ans?

 

 

QUESTIONNAIRE – ENQUETE AUPRES DES MENAGES

                        Fokontany :

                                Quartier concerné :

 

 

Questions

 

 

SECTION 1 – REVENUS

 

  1. Combien de personnes (adultes et enfants) composent le ménage ?

 

  1. Quelles sont les sources de revenu du ménage ? qui travaillent ? est-ce qu’une personne cumule plus d’un emploi ?

 

  1. Vos revenus sont-ils stables ? Est-ce que vous avez changé d’emploi ou d’activités au cours de l’année ?

 

  1. Etes-vous satisfait de votre travail ? Pourquoi ?

 

  1. Comment estimez-vous votre niveau de vie par rapport à votre revenu ?

 

  1. Quels besoins du ménage avez-vous du mal à couvrir ?

 

 

SECTION 2 – CONDITIONS DE VIE

 

  1. Pourquoi avez-vous choisi le logement où vous habitez ?

 

  1. Est-ce que vous êtes raccordé à l’eau potable? Si non, où est-ce que vous prenez de l’eau ? Avez-vous des contraintes et des difficultés dans l’approvisionnement en eau ?

 

  1. Disposez-vous d’une douche et de toilettes à la maison ? Si non, comment faites-vous ?

 

  1. Est-ce que vous avez une benne à ordures à proximité? Où jetez-vous vos ordures ménagères ?

 

  1. Comment trouvez-vous votre environnement ? Quelles en sont les causes d’après vous ?

 

  1. A quel problème particulier faites-vous face pendant la saison des pluies ?

 

  1. Quels sont les problèmes provoqués par la nature de votre environnement ?

 

  1. Est-ce que vous avez étudié ? est-ce que vos enfants sont tous scolarisés ? Si non, pourquoi ?

 

  1. Est-ce que vous trouvez que la scolarisation des enfants est nécessaire ?

 

  1. Est-ce qu’un membre de votre famille est malade ? Est-ce que vous êtes allé consulter un médecin ? à qui avez-vous recouru pour vous soigner ? pourquoi ?

 

  1. Etes-vous enregistré dans le registre d’état civil du fokontany ou des communes ? Pourquoi ?

 

  1. Avez-vous subi une forme quelconque de violence ces six derniers mois ?

 

  1. D’après vous, est-ce que la pauvreté augmente la violence dans votre quartier ?

 

 

SECTION 3- MOYENS DE SURVIE DES MENAGES

 

  1. A quelles situations imprévues avez-vous fait face ?

 

  1. Comment faites-vous pour vous en sortir ?

 

  1. Est-ce que vous avez du mal à vous relever après les chocs que vous subissez ?

 

 

SECTION 4- ASPIRATIONS DES PAUVRES

 

  1. Est-ce que vous êtes découragés par votre situation ?

 

  1. Quelles sont vos aspirations ? quelles sont vos aspirations pour vos enfants ?

 

  1. D’après vous, qui pourrait vous aider à améliorer votre situation ?

 

 

SECTION 5- REPONSE DES ACTEURS

 

  1. D’après vous, est-ce que vous trouvez que l’Etat et les autorités locales se préoccupent de votre situation ? Est-ce que les actions mises en œuvre sont suffisantes et efficaces ?

 

  1. Est-ce que vous avez déjà été consultés pour des projets qui concernent les pauvres ?

[1] En 2008, la Banque mondiale a fixé à 1,25 dollar américain par jour le seuil de pauvreté international, contre un dollar précédemment. Le nouveau seuil représente le seuil de pauvreté moyen des 10 à 20 pays les plus pauvres.

[2] Définition de  Joseph Wresinki, Fondateur du mouvement ATD Quart Monde, « Grande Pauvreté et précarité économique et sociale, Avis et rapport du Conseil économique et social », JO de la République Française, Février 1987, p.6

[3] Enquête permanente des ménages 2010, INSTAT

[4]La moyenne des pourcentages des écarts des consommations des pauvres au seuil alimentaire

[5] L’enquête McRAM 2010 porte sur la situation économique des ménages de la ville d’Antananarivo et l’impact de la crise sociopolitique au niveau des ménages. L’enquête menée en 2009 se base sur la méthode Multi Cluster Rapid Assessment Mechanism et consiste en une approche multisectorielle coordonnée par un comité réunissant diverses agences des Nations Unies.

[6] Fixé en 2008 par la Banque Mondiale pour mesurer la pauvreté pécuniaire dans les pays en développement.

[7] DIAL et INSTAT (2010), « Le marché du travail dans l’agglomération d’Antananarivo en 2010 : une mise en perspective décennale ».

[8]  L’enquête MC RAM III reporte un taux de chômage supérieur estimé à 13% pour la population active de 15 à 64 ans dans la Commune Urbaine d’Antananarivo.

[9] Enquête 1-2-3, SIRS 2003, DIAL/INSTAT/MADIO

[10] SEN, 2001

[11] Enquête sur la Santé, les inégalités et la Rupture Sociale conduite en Avril 2003 par une équipe conjointe de l’INSTAT et de l’IRD/DIAL à Antananarivo sur un échantillon représentatif de 3000 ménages.

[12] L’accès à l’eau potable dans les centres urbaines – JIRAMA – enquête ECR

[13] Définition légale du Code de l’eau

[14] Enquête nationale sur le travail des enfants à Madagascar, 2007

[15] Plan de travail annuel 2011, FDL, http://fdl.mg/IMG/pdf/PTA_FINAL_2011_pour_site_web.pdf

[16] Document de programme pays, 2008-2009, UN-HABITAT

[17] Programme d’Appui aux Communes et Organisations Rurales pour le Développement du Sud de l’Union Européenne. Les Communes proposent des projets pour leurs zones de leur propre initiative et doivent par la suite générer efficacement les fonds octroyés.

[18] Le cash transfer est une pratique qui consiste à octroyer des subventions mensuelles aux parents dans les ménages défavorisés afin que ces derniers continuent d’envoyer leurs enfants à l’école et afin qu’ils ne les envoient pas ces derniers effectuer des petits métiers générateurs de revenus.

[19] http://enda-europe.org/developpement-urbain-a-madagascar

[20] Care –  A la découverte du potentiel des Associations des Usagers de l’Eau à contribuer au Développement dirigé par la Communauté – http://water.care2share.wikispaces.net/file/view/Un+produit+d’apprentissage+recherche+action_Madagascar+CI.pdf

[21] http://www.gret.org/projet/amelioration-des-pratiques-menageres-de-nutrition-infantile-sur-la-commune-urbaine-dantananarivo-une-composante-du-programme-nutridev-gretird/

[22] ATD Quart Monde, ,2010

[23] http://cncd.diplomatie.gouv.fr/frontoffice/bdd-projet.asp?projet_id=63474

[24] The World Bank, The Urban Challenge in Madagascar, Draft Concept note, 2009

[25] Mauritanie: fonds d’indigence de Dar Naïm (2006).

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