Analyse Psychique et Aide Thérapeutique : Le Cas de Marie, 14 ans
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1.3 Pathologie et comportement. 7
2- Approche du concept de psychose infantile.. 15
2.1 Définition de la psychose infantile (J.LACAN) 15
2.2 Relation fusionnelle à la mère dans la psychose infantile. 18
2.3 La forclusion du nom-du-père dans la psychose (J.LACAN) 21
2.4 Le rapport à L’Autre (J.LACAN) 22
2.5 Psychose ou malade du signifiant (J.LACAN) 23
2.6 La logique du désir dans la psychose (J.LACAN) 26
2.7 La dimension narcissique chez le sujet psychotique. 29
2.8 L’objet fétiche autistique. 34
3- Pulsions agressives et angoisses. 35
3.1 Pulsions et pulsions de mort. 35
4- L’image du corps dans la psychose.. 42
4.1 Construction de l’image du corps. 46
4.2 L’image du corps perturbée. 49
6.1 Qu’est ce que le deuil ?. 52
6.3 Le deuil ou la perte de l’objet. 54
La logique du deuil dans un cas de psychose. 61
BIBLIOGRAPHE
INTRODUCTION
1- Présentation Clinique
Marie est une jeune fille âgée de 14 ans, j’ai pu la rencontrer cette année au cours de mon stage en Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique où elle a fait son entrée en septembre 2015.
Je la rencontre dans le cadre d’entretiens où il s’agit d’effectuer une analyse fine des actes et des mots afin de savoir déchiffrer les éléments remarquables de la problématique du jeune.
L’analyse de ces éléments permet d’apprécier sa position psychique.
L’objectif thérapeutique consiste à aider Marie à modifier cette position psychique qui grève son existence, vient entraver ses aspirations et l’empêche de tisser des relations stables nécessaires à son épanouissement.
Cette articulation se fait avec les autres professionnels de l’établissement et également avec les parents.
1.1 Histoire familiale
Du côté maternel il y a eu 3 unions :
1ère union : 3 filles, Emmanuelle (34 ans); Lucie (32 ans) et Capucine (30 ans)
2ème union : Geoffrey (24 ans)
3ème union : Marie (14 ans)
On nommera la maman Mme « Guichard-Aubert ». « Aubert » est le nom de famille d’un homme avec qui elle a vécu. Mme Guichard-Aubert a partagé sa vie avec Mr Aubert jusqu’au 6 ans de Marie. Aujourd’hui séparé de cet homme, le divorce avec celui-ci est actuellement en cours depuis plusieurs années.
On appellera « Guichard » le nom d’usage paternel de Marie.
Du côté paternel, il a eu 2 unions :
1ère union : 3 garçons, Franck (36 ans), Guillaume (32 ans), Gildas (31 ans).
2ème union : Marie (14 ans)
Dès l’âge de ses 18 mois son père est décédé des suites d’une longue maladie.
Franck est Le parrain de Marie et Emmanuelle sa marraine.
Marie entretenait des contacts réguliers avec Gildas son demi-frère. Elle était très proche de celui-ci néanmoins cette relation s’est rompue.
Marie visite régulièrement ses sœurs aînées, elle entretien une relation hebdomadaire avec celles-ci et passe ses vacances scolaires ensemble.
Les 3 demi-frères de Marie ont accusés Mme Guichard-Aubert d’avoir soutiré de l’argent à Mr Guichard avant son décès.
Ces derniers ont empêchés Mme Guichard-Aubert d’assister aux funérailles de son mari (Mr Guichard), celle-ci ignorait le lieu de la cérémonie.
Mr Guichard a été incinéré dans un cimetière proche de l’institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) où est prise en charge actuellement Marie, ses cendres ont été dispersées au pied d’un arbre.
Marie a eu connaissance de ce fait en juillet 2015, le décès de son père reste un sujet tabou au sein de la sphère familiale, elle donne le sentiment d’avoir été très perturbée par cette révélation.
Avant son entrée en ITEP en septembre 2015, Marie a consulté régulièrement une psychologue durant une année, une relation de confiance s’était crée petit à petit. Malheureusement celle-ci est actuellement en congé maladie depuis plusieurs mois, ce que regrette Marie, elle ne pensait pas que cela se prolongerai.
Elle déclare avoir appris « quelque chose d’important en juillet 2015 » et qu’elle aurait souhaité en discuter à cette psychologue à qui elle se confiait.
Les souhaits de Marie se font très rares, elle a pu formuler une demande en désirant revoir sa psychologue.
Marie entretien une relation fusionnelle avec sa mère. Il a cependant été noté une carence d’étayage d’un point de vue maternel.
Malgré ses 14 ans, il lui arrive fréquemment de dormir aux côtés de sa maman, pour apaiser ses angoisses nocturnes et par peur que « quelqu’un apparaisse dans sa chambre », elle dort avec la lumière.
Elle fait régulièrement des insomnies, son sommeil est perturbé, résultant un teint blême. Il arrive que Marie soit prise par de l’énurésie nocturne.
1.2 Scolarité
Marie souffre d’énurésie durant sa période scolaire de CP et CE1.
Durant cette période de sa vie, elle a du a redoubler sa première année du cours préparatoire.
En CE2 et CM1, Marie présente un désintérêt des cours, ses professeurs déclarent que Marie n’est pas attentive en classe, ne fait pas preuve d’investissement, parfois perturbe les temps de classe.
Suite à cette attitude persistante, ses professeurs de CM2 se désintéressent de Marie.
De par ses mauvais résultats scolaires, on lui a proposé la passation des tests WISC IV, suite aux résultats des tests, il a été démontré que Marie disposait d’aptitudes intellectuelles indéniables malgré quelques disharmonies. Cependant elle se décourage très rapidement lorsqu’elle ne sait répondre aux items. Toutefois lorsque Marie réalise une évaluation avec succès, celle-ci se motive et y s’investie volontiers.
Suite aux résultats des tests d’évaluations Le Directeur de son école primaire a toutefois refusé son passage en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté).
Depuis son entrée en ITEP en septembre 2015 Marie n’est plus scolarisé au collège, elle est actuellement prise en charge à plein temps dans cet institut.
Les modes éducatifs et pédagogiques du collège ne sont pas adaptés pour Marie, de plus il n’y a pas d’intégration avec ses pairs, elle ne communique avec aucun élève de son âge et reste à l’écart du groupe lors des temps récréations.
Il n’y a pas d’évolution dans les apprentissages, de surcroit on constate une aggravation des troubles du comportement tel que l’opposition.
Par ailleurs sur certains relevés de notes, il est mentionné par quelques professeurs des capacités qu’elle n’exploite pas et méconnus par Marie.
1.3 Pathologie et comportement
Il y a eu une aggravation des troubles du comportement lors de son entrée au collège, ce qui a entravé les apprentissages.
On retrouve dans les troubles du comportement une opposition au sein du domicile parental, en l’occurrence avec sa maman.
Au collège Marie était continuellement en opposition avec ses professeurs, elle refusait de travailler lors de certaines disciplines dont le français ainsi que les sciences et vie de la terre, ensuite, elle refusait d’assister à ces cours, déclinant certaines évaluations.
Afin de montrer son opposition, elle tournait le dos à ses professeurs en ne souhaitant pas montrer ses compétences.
Elle interrompait régulièrement les cours et reproduit actuellement le même schéma au sein de l’ITEP.
Lorsqu’elle est énervée, elle dit ne plus réussir à se concentrer.
Marie est toujours vêtue de ses deux sweat-shirts à capuche. Il est important de préciser qu’elle ne retire jamais ses capuches à l’intérieur de l’institution, autorisée par l’équipe pluridisciplinaire prenant conscience que celles-ci avaient une fonction de protection ou de camouflage.
Marie se présente comme une jeune fille ayant un comportement masculin, dans sa façon de s’exprimer, dans sa démarche avec une allure vestimentaire similaire à un garçon de son âge, on pourrait la désigner « garçon manqué ».
L’intégration pour Marie au collège ainsi qu’à L’ITEP reste difficile. Elle est seule durant les temps de récréation puis est en constante observation, elle erre quotidiennement dans les couloirs.
Marie ne communique pas avec les enfants de son âge et n’est pas à la recherche de relations amicales, elle n’a pas d’amis. En revanche on peut remarquer qu’elle est capable de communiquer aisément avec les adultes préférant leur présence.
Au collège elle refuse fréquemment d’écrire. Son écriture est parfois illisible, en effet il a été noté lors de la passation des tests WISC IV, à partir du subtest « symbole » une dystonie ce caractérisant par des tremblements, Marie l’évoque lors d’une séance, il lui arrive parfois d’avoir des tremblements dira t-elle, n’étant pas en lien avec un éventuel traitement.
A son domicile Marie n’a pas d’obligation d’effectuer des taches ménagères et n’y participe jamais. Parfois elle sera sujette à des excès de violence sur le matériel. Chez elle, elle dit écouter aux portes, elle déclare être au courant de tout. Elle entend parfois sa mère « parler seule dans la salle de bain », cela lui pose question. Elle n’arrive pas à déchiffrer ce qu’elle dit et lorsqu’elle l’entend parler toute seule, Marie dit que parfois elle « s’arrête de respirer, reste immobile et figée dans son lit » afin d’essayer de décoder des bribes des chuchotements de sa mère. De la même façon elle dit: « écouter aux porte à l’ITEP pour savoir tout ce qui se dit », et « où se trouve tel et tel jeune ou personnel de l’équipe ». Du fait que Marie n’investisse que très rarement ses activités, elle passe le plus clair de son temps à errer dans les couloirs et les escaliers, comptant les allés et venus de chacun.
Marie exprime sa crainte d’être « trop heureuse » peut-être à entendre comme « être trop peureuse ». Il est à relever chez Marie de façon général, un processus d’inhibition relativement marqué, une dimension paranoïde générant des angoisses nocturnes, observations en continue, de l’errance. Elle est continuellement sur la défensive, comme si on lui voulait du mal. On peut repérer une dimension de persécution sur sa façon d’observer perpétuellement, de surveiller dans les couloirs de l’établissement les mouvements de chacun.
Il a été relevé de la part des éducateurs que Marie pouvait ressentir parfois une sensation d’étouffement, celle-ci résultant à de très grandes sueurs incontrôlables conjuguée à une forte sensation de mal être.
Sa maman confie que Marie s’isole régulièrement dans sa chambre, et ne participe pas à la vie familiale. Elle occupe ses journées en dormant ou en jouant sur son téléphone.
Lors d’un anniversaire organisé à son domicile, Marie n’a pas souhaitée y participer, préférant rester enfermée dans sa chambre, cela fait preuve d’un isolement.
Un jour en rentrant au domicile familial, sa maman a découvert Marie marchant debout seule sur la table du salon, faisant des allers retours, donnant le sentiment d’errance. D’après les dires de l’équipe pluridisciplinaire ainsi que sa maman, il arrive que Marie rie seule sans raison apparente (phénomènes d’hallucinations auditives ?). Elle est aux prises par des phénomènes de pensées donnant lieux à des difficultés à mobiliser son attention au quotidien.
Marie est réglée comme la majorité des adolescentes de son âge, sa mère confie qu’elle néglige ses soins corporels pendant cette période de règles, on peut parle d’incurie. Elle rester plusieurs jours avec les mêmes sous-vêtements lors de ces périodes de menstruations. Marie fait abstraction de ses règles. L’une de ses sœurs lui a fait remarquer qu’elle « commençait à avoir un corps de femme » ce qui aurait été inadmissible pour Marie.
Marie est de corpulence moyenne pour sa taille, actuellement elle aurait perdu beaucoup de poids, en effet depuis quelques mois elle refuse de s’alimenter durant les déjeuners à l’ITEP. Elle souhaite manger uniquement la cuisine de sa mère.
a) Clinique formelle
Dans le cadre d’un entretien habituel Marie n’a pas souhaité s’asseoir, elle était très agitée, observait par la fenêtre qui donnait sur le parking de l’établissement comme si elle était aux aguets. Elle est restée debout durant les 20 min de notre entrevue, agitée, elle manipulait parfois des objets se trouvant sur le bureau.
Quelques minutes avant cet entretien, Marie venait de quitter sa maman à l’entrée de l’établissement, la séparation est toujours difficile, celle-ci s’est fait avec pudeur de la part de Marie néanmoins elle était confronté à la difficulté pour sa maman de devoir la laisser seule sa fille au sein de l’ITEP.
Durant l’entretien Marie manipulait une médaille en argent appartenant à sa maman, elle avait été offerte par le papa de Marie. Cette médaille représentait le signe astrologique de sa mère, celui du « taureau ». Marie a peu parlé lors de cette séance, il a été difficile d’échanger, malgré les stimulations telles que la proposition d’une médiation par le jeu.
Dans le cadre d’une consultation Marie a passé les tests WISC IV afin de compléter son dossier pour la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Sur le premier subtest, l’épreuve des « cubes » qui était chronométrée, Marie a mis du temps à s’investir sur cette tâche, elle manipulait les cubes d’une seule main, l’autre étant dans la poche de son pantalon, elle adoptait une attitude désinvolture. Par la suite elle a pu s’investir davantage, son investissement était motivé par mes encouragements et sa réussite sur certains items.
Cependant Marie se démotive très facilement, si elle n’arrive pas à fournir une réponse elle peut se renfermer et se désinvestir. Les difficultés d’attention sont notables, il est compliqué pour elle de mobiliser son attention sur une tâche, un temps donné. Pendant la passation elle pouvait se distraire avec un jeu de carte qu’elle avait dans sa poche ou encore manipuler sa médaille en argent. Il a donc été nécessaire de lui suggérer à plusieurs reprises de se concentrer à nouveau. Elle est aux prises par des phénomènes de pensées qui la parasitent.
Dans le cadre d’un entretien Marie stipule, je cite « Je suis toujours ailleurs, mais je suis toujours à l’heure » faisant référence à ses activités.
Lors d’une matinée, Marie n’avait pas souhaité se rendre sur son activité « création ». Je lui ai proposé de lui consacrer un temps, ce qu’elle a accepté. Lors de cette entrevue Marie a été dans un réel échange, elle a pu aborder quelques points intéressants comme ses phénomènes de pensées lorsqu’elle lit, ce qui nuit à son activité favorite. En ce qui concerne ses pensées elle dit, je cite: « partir ailleurs… » et qu’elle a « beaucoup de pensées qui lui viennent en tête lors de la lecture », alors je l’interroge sur ses pensées, puis elle me répond, je cite: « je ne sais pas, c’est le vide… » « C’est bizarre mais ne je pense à rien, c’est vide ».
Elle a abordé le fait de ne plus consulter sa psychologue qu’elle voyait durant une année, celle-ci étant en congés maladie. Marie pensait que ce serait une absence temporaire, mais elle prend conscience qu’elle ne la verra peut être plus. Selon ses dires à l’ITEP elle évoque « des petites choses » avec son psychologue référent, les éléments importants sont confiés à la psychologue qu’elle consultait en dehors avant son entrée à l’ITEP. Marie exprime le besoin de la consulter a nouveau afin de lui confier « une chose très importante qu’elle a appris en juillet 2015 ». Cette nouvelle importante serait l’endroit où les cendres de son père (Mr Guichard) auraient été dispersées.
Marie a pu énoncer que ses phénomènes de pensées seraient liés à cette révélation qui a eu lieu il y a quelques mois. Cette découverte parait l’envahir et l’encombrer.
C’est au cours d’un entretien que Marie me dit « être passionnée » par les séries télévisées de type « esprits criminels » et « Greys anatomy ». Il y a comme un paradoxe entre cette passion des séries criminelles et anatomique qui son en étroite relation avec le thème de la mort et ses angoisses nocturnes, la faisant dormir avec la lumière ou bien avec sa maman. Elle dit avoir « peur qu’une personne surgisse dans sa chambre la nuit lorsqu’elle dort ».
b) Clinique informelle
Lors des récréations Marie n’hésite pas à employer des jeux de mains d’une certaine violence avec un adolescent de la structure, contrairement à Marie ce jeune garçon a une attitude très efféminée, il y a comme un jeu entre eux deux, un point de rencontre.
Marie est en recherche de liens et d’échanges avec les membres de l’équipe pluridisciplinaire, notamment avec les femmes. Marie semble avoir besoin d’une place privilégiée auprès de l’adulte.
Un jour où Marie n’avait pas investi son activité médiathèque, me propose de venir m’aider à « travailler dans mon bureau », j’ai saisie cette demande, en lui proposant de lui consacrer un temps afin de d’échanger ensemble, ce qu’elle a accepté. L’objectif étant de la découvrir, en proposant un lieu où elle aurait l’opportunité de déposer des choses par la parole. Son psychologue référent était un homme, peut-être qu’une femme lui permettrait de la mettre davantage en confiance ? Elle a de grandes difficultés à faire confiance à autrui.
En me proposant de l’aide Marie à pu me formuler un désir, ce qui est très rare de la part de cette jeune fille.
C’est lors d’un entretien informel que Marie me fait part de ne plus apprécier lire en ce moment. Elle dit avoir des difficultés à mobiliser son attention sur ses lectures, c’est pourtant un passe temps qu’elle apprécie beaucoup. D’après ses propos elle serait parasitée par des phénomènes de pensées, pour ajouter que c’est « le vide dans sa tête », « je suis là, mais je ne suis pas là » « je ne sais pas où je suis, je suis nul part ».
Sur un temps de vie de classe Marie devait créer une carte de vœux pour la personne de son choix, il s’est porté sur celui de sa maman. il était difficile de susciter un intérêt, un désir chez et n’y mettait aucun entrain. Elle était très agitée, énervée, lors de cette activité et n’a pas souhaité rédiger de mot sur cette carte, je cite: « c’est trop loin à chercher » me dit-elle. Elle a décidé de remplir le corps de celle-ci avec des « nœuds papillon » fabriqué par elle même en papier crépon. C’est sur un autre temps dans la journée que Marie a évoqué ne plus se souvenir de certaines années de son enfances proche et plus lointaine, elle dit avoir oublié des choses, je cite: « il faut penser trop loin ».
Lorsque Marie assiste aux activités, elle se met à l’écart du groupe, assise très souvent sur une table qui surplombe la salle. Elle trouvera la nécessité d’être dans la pièce, elle observe beaucoup et parfois interagit sur les activités des adolescents sans s’impliquer, de loin. Il est à noté que sa présence reste malgré tout nécessaire pour elle.
Elle se met sur un mode « pause » en ne montrant aucune marque d’investissement, elle est dans une perpétuelle observation, parfois semble être dans une attente en regardant aux fenêtres de l’établissement ou encore restant assise dans le hall principal près de l’entrée.
Dernièrement Marie s’est blessée à la main, occasionnant une plaie qui saignait. Suite à cette blessure, il a pu être constaté une attirance pour le sang ainsi qu’une jouissance lorsque le sang coulait. Elle est allée voir les membres de l’équipe à plusieurs reprises avec le sourire afin de montrer sa blessure, en pressant celle-ci pour que le sang coule davantage. Lorsque sa blessure s’est alors arrêté de saigner, Marie à dit: « Oh non ça ne saigne plus » « regarde ça ne saigne plus… » (D’un air déçu tout en appuyant sur son écorchure pour se faire saigner à nouveau). Le lien peut-être fait entre sa fascination pour les séries criminelles et anatomique en lien avec la mort et cette jouissance qui s’en dégageait lorsqu’elle saignait. Il a été observé par l’équipe qu’elle est sujette aux scarifications.
Il est de plus en plus difficile pour elle d’être assidue aux activités prévues dans son emploi du temps. Elle a besoin d’être stimulée et qu’on la sollicite à plusieurs reprises. Lorsqu’elle décide finalement de participer à son activité elle déclare parfois, je cite: « je ne suis pas un chien à la SPA », elle reproche à sa mère, je cite: « tu m’as abandonné comme un chien qu’on met à la SPA ».
Un après-midi Marie se trouvait à l’étage sur une passerelle, au bord d’une balustrade dominant l’entrée principale du bâtiment ainsi que le parking, elle regardait droit devant elle. Son psychologue référent lui demande alors ce qu’elle faisait là, elle lui répond: « je regarde derrière », alors qu’elle regardait droit devant elle.
Lors d’une entrevue au détour d’un couloir Marie me stipule vouloir exercer le métier de coursier, elle dit être intéressé par les différents quartiers de la ville de Nantes. En effet, Elle a une facilité à mémoriser le plan de la ville. Marie aime sa liberté et rendre service, sans qu’il n’y ait pour autant trop de contact avec l’Autre. Parfois sur les temps de pause des déjeuners qui ont lieu à l’ITEP, Marie propose ses services pour distribuer les repas aux adolescents, néanmoins elle doit être à l’origine de cette démarche, sinon elle sera dans l’opposition. Elle évoque aimer servir les autres afin de ne pas s’ennuyer, elle exprime la nécessité d’être toujours en action. Dernièrement elle souhaiterait être « veilleuse de nuit ».
Lors de son activité cuisine habituelle du jeudi, Marie n’a pas souhaité réaliser de recette, cette activité était dirigée par une éducatrice remplaçante et moi même. Assise sur une table, elle observait les adolescents réaliser leur recette. Cette activité fut très mouvementée, Marie était à la recherche de limites, elle arborait une attitude provocatrice, manipulant l’extincteur et le déclenchant. Selon les dires de son éducateur référent, Marie accepterait de réaliser des recettes uniquement si elles sont sélectionnées par sa mère.
Lors d’une activité création qui était cette fois également dirigée par une éducatrice remplaçante, Marie n’a pas souhaité poursuivre son projet dans lequel elle s’était engagée avec son éducatrice attitrée. Elle à su faire comprendre que ce changement inattendu d’éducatrice était inconfortable pour elle, et que la réalisation d’une tâche avec une « inconnue » lui était problématique, elle dit, je cite : « Vous ne m’avez pas mise au courant, que clémentine ne serait pas là aujourd’hui ! ». Connaissant son intérêt pour les jeux d’investigation, il lui a été proposé de jouer au « Cluedo » dont l’objectif du jeu est de découvrir le meurtrier, intéressée elle a volontiers saisi cette proposition.
Marie a commencé à rédiger de temps en temps un carnet de bord, proposé par un éducateur spécialisé. L’objectif étant de ramasser des papiers, objets trouvés sur son chemin puis les coller dans ce carnet, l’idée étant de créer une histoire autour de ces objets. L’une de ses trouvailles est un billet électronique où était inscrite la destination « Deuil-la-Barre » une commune du Val-d’Oise. En effet Marie est libre de sélectionner ses trouvailles afin d’enrichir son carnet de bord, il est intéressant qu’elle ait porté son intérêt sur ce ticket.
2- Approche du concept de psychose infantile
e terme « psychotique » ramène principalement à des « idées délirantes ou des hallucinations prononcées » qui sont fortement soulignées par la « perte des frontières du moi ou une perturbation grossière de la perception de la réalité »[1] [2].
Lacan affirme que la psychanalyse ne doit pas reculer devant la psychose, et surtout que la théorie Lacanienne se veut être la continuité et l’approfondissement de la théorie Freudienne, l’essai explicatif de la psychose se basera donc sur les différentes étapes de la structuration d’un sujet « normal » et « psychotique » en débutant dès l’enfance afin de déterminer l’émergence du symbolique, de même que sur le rapport du sujet psychotique à l’Autre complémentairement à la construction de la chaine signifiante.
2.1 Définition de la psychose infantile (J.LACAN)[3]
Selon Feder, la psychose ne se traduit pas par une perte du sens de la réalité mais plutôt par la création d’une fausse réalité. Ce qui supposerait donc que les symptômes psychotiques reflètent non pas une réaction défensive mais une défaite du Moi qui se trouve dont l’incapacité de se défendre contre la pulsion.
La compréhension de la psychose repose ainsi sur la théorie des frontières du Moi. En effet, quand une personne est psychotique, chaque évènement perçu, c’est à dire sous la forme d’une pensée retentit à l’intérieur des frontières du Moi alors que chaque évènement vécu résonne à l’extérieur du Moi.
D’où l’existence de confusion entre la pensée et le vécu, confusion subséquente à l’effacement de la frontière du Moi qui ne se trouve plus investie par le sujet.
Des régressions apparaissent donc à la suite de cette confusion :
– régression de la pensée à la réalité
– régression à des états de Moi primitifs
– régression du concept à l’expérience concrète, autrement dit la perte de la conception par le sujet.
En outre, l’effacement de la frontière entraîne la dépersonnalisation et par voie de conséquences, l’infiltration de sensation, de sentiment d’étrangeté de l’inconscient dans le Moi. D’ailleurs, les retards de personnalisation (sentiment éprouvé vis-à-vis du corps) précoce sont fortement corrélés aux phénomènes de dépersonnalisation de la psychose.
Une personnalisation satisfaisante est ainsi « l’expérience instinctuelle et les expériences paisibles des soins corporels ».
L’origine du problème de la psychose serait reliée à un défaut de la relation authentique avec la réalité extérieure. D’ailleurs, chez la personne psychotique, la faiblesse du Moi se manifeste à travers une intolérance à la frustration de même qu’un refus de tout manque et le déclenchement d’une réaction disproportionnée. S’apparentant aux processus d’individuation et de séparation.
Ainsi, dans la psychose se retrouve l’émergence d’affects comme le Moi très faible qui va permettre par voie de conséquences l’invasion du Ça.
Dénués de toutes défenses, les affects vont s’accompagner d’un désinvestissement du Moi complémentairement à langage sur un mode narcissique où chaque mot sera référé à la libido malgré que les choses lui soient propres, c’est-à-dire faisant partie intégrante du Moi corporel mais qui n’a pas pour but la communication.
Dans sa compréhension du traumatisme psychique, Sandor Ferenczi estime que certains traumatismes face à une réalité certaine sont délaissés et induisent une confusion de langue.
Cependant, Ferenczi de dire qu’: « à partir des obstacles à la réunion des éléments de la personnalité en une unité, on peut peut-être remonter à la manière dont se constitue le clivage lui-même. Au cours d’une torture psychique ou corporelle, on puise la force de supporter la souffrance dans l’espoir que tôt ou tard cela va changer ; on maintient donc l’unité de la personnalité. Mais si la quantité et la nature de la souffrance dépassent la force d’intégration de la personne, alors on se rend ou cesse de supporter, cela ne vaut plus la peine de rassembler ces choses douloureuses en une unité, on se fragmente en morceaux. Je ne souffre plus, je cesse même d’exister tout au moins comme Moi global. Les fragments isolés peuvent souffrir chacun pour soi. La cessation de la souffrance globale et son remplacement par des fragments de souffrance pourraient apporter ce soulagement soudain qui fait que des pleurs, la lutte, les cris s’inversent brusquement en rire »[4].
2.2 Relation fusionnelle à la mère dans la psychose infantile
a) Psychose symbiotique de Margaret Mahler
La théorie de Mahler a été élaborée au début des années 70[5]. Effectivement, se basant sur la psychose infantile, Mahler développe sa théorie en fonction de l’angle de la distance relationnelle entre l’enfant et sa mère.
– la phase autistique normale (0-1 mois) se caractérise par la présence d’une indifférenciation entre le monde extérieur et l’enfant complémentairement à une absence de conscience quant à la présence de la mère : effectivement l’enfant ainsi que le sein maternel est perçu comme un tout. La satisfaction hallucinatoire se manifeste dès lors que l’enfant confond l’hallucination du sein avec la réalité. Système qualifié de clos et d’autosuffisant par Freud qui le compare à un œuf.
– la phase symbiotique normale (2 – 5 mois) se traduit par la fusion comportementale que le nouveau-né manifeste envers sa mère, de telle manière que la symbiose in-utero se poursuivait normalement ex-utero. Cette fusion qualifiée de psychosomatique est à l’origine de l’illusion de la toute-puissance : l’unité duelle avec un total état de dépendance à la mère.
En effet, la mère est identifiée, investie comme un objet qui fait partie de l’enfant, un objet qui lui est totalement fusionné et qui lui satisfait totalement.
Petit à petit, la coquille se fissure conjointement avec l’investiture du monde extérieur malgré le fait que ce dernier n’est pas encore défini comme « dehors » par l’enfant.
– la phase de séparation/individuation se traduit par la capacité du bébé à anticiper la satisfaction. En effet, il commence par identifier les origines externes de ses sources de gratification à partir des frustrations et de la réalité : que l’hallucination n’est pas l’objet. D’où le début de l’ébauche entre le moi et le non-moi.
– le processus d’éclosion ou la différenciation (5-10mois) est marqué par certains comportements de différenciation tels que le fait d’observer, de loin, le corps de la mère et l’exploration de ce dernier : doigt dans la bouche de la mère, tiraillement des cheveux de la mère …. Le bébé commence à reconnaître sa mère en tant qu’une personne à travers des comportements qui lui font, un peu, mal.
– Les essais (10 – 15 mois) se manifestent par l’autonomie de l’enfant de par son développement cognitif, c’est à dire sa capacité en l’établissement de relations entre les personnes et les objets à travers une relation de causalité outre le développement moteur tel que l’apprentissage de la marche. Les essais offrent effectivement l’établissement de spécificités relationnelles entre l’enfant et la mère à travers les absences de la mère, l’intérêt pour le monde extérieur qui lorsque diminue est favorable à la construction imaginaire de l’enfant.
– Le rapprochement (15 – 24 mois) débute dès lors que l’enfant prend conscience de la séparation. Prise de conscience qui est conjointe à un fort besoin d’amour. Ce qui le place dans une situation de partage entre deux contraires que sont l’autonomie et la symbiose.
De ce fait, durant un certain laps de temps coexiste l’envie de développement ainsi que le désir de régression auxquels vient s’opposer une double angoisse : l’angoisse de séparation et l’angoisse de disparition qui se manifestent par des comportements de poursuite tels que le fait de s’agripper à la mère, courir vers la mère pour se précipiter dans ses bras.
L’horizon de l’enfant commence à s’ouvrir dès lors que cette crise s’efface peu à peu et que l’enfant s’ouvre à d’autres personnes que la mère.
– La consolidation du processus d’individuation (24 – 36 mois) est une étape importante de par l’acquisition et l’apprentissage des fonctions cognitives comme le langage, le processus d’imagination, la fonction sémiotique, l’élaboration d’une réalité stable, l’assurance de la permanence de l’objet … faisant en sorte que l’enfant puisse consolider le processus à travers une véritable image mentale de la mère qu’il utilise en son absence.
Il est important de noter que l’établissement de confusions et de décalages à l’origine de psychoses précoces s’établissent durant cette période.
Mahler a mis en évidence deux principaux types de psychoses infantiles : les autistiques et les symbiotiques.
– L’autisme correspond à un mécanisme de défense radicale par l’enfant qui se retrouve dans l’impasse quant à l’utilisation du pôle d’orientation émotionnelle qu’est la mère. En d’autres termes, l’enfant ne fais pas appel à la fonction de moi auxiliaire qu’est le moi de la mère, or cette fonction lui offre la possibilité de donner du sens à ses perceptions et sensations.
L’enfant est ici comme emprisonné dans un cercle infernal terrible qui lui ôte toute possibilité d’arranger, d’ordonner son univers dans lequel il y a extrême confusion entre son monde intérieur et extérieur.
Par conséquent, l’enfant s’enferme sur lui–même dans un lieu qui lui est personnel, restreint et qui est totalement intolérant au changement.
– La psychose symbiotique est la conséquence directe de la fixation durant le stade de l’objet partiel durant lequel le self de l’enfant est et reste en fusion à la Mère qui de son côté est active dans l’illusion de son omnipotence.
C’est durant la deuxième année de l’enfant que les symptômes commencent à apparaître pour faire suite dans les moments clefs comme l’abandon de la fusion symbiotique, au moment de l’Œdipe… moments qui induisent une angoisse massive d’annihilation qui se traduit cliniquement par une désorganisation de la personnalité complémentairement à une perte de langage et la survenue de symptômes psychotiques.
2.3 La forclusion du nom-du-père dans la psychose (J.LACAN)
Si par « La paranoïa, je veux dire la psychose »[6] , Lacan traduira la schizophrénie comme « la psychose lacanienne » durant la présentation du cas clinique d’un malade dénommé Gérard Plumeau.
Complémentairement au concept d’Œdipe inachevé de Freud, Lacan se réfère à la fonction paternelle, au père dans le sens où le complexe d’Œdipe ne peut se faire qu’en présence d’in tiers dénommé l’ordre du père ou nom du père. Or, cela est intimement lié avec la réalisation de la sexualité par le biais de la question d’identité sexuelle : un homme ou une femme.
En d’autres termes, l’identification au père entraînant une représentativité dans l’inconscient notamment l’unicité du signifiant phallique, le complexe d’Œdipe constitue les prémices de la de la réalité humaine, particulièrement sa conquête.
La psychose représenterait alors un trou, une rupture au niveau du signifiant. Le sujet n’arrive pas à définir la réalisation du « père » dans l’allégorique et se tourne vers une image d’un père qui subsume au lieu d’assumer l’image paternelle.
Cela se traduirait par une sexualisation d’une relation aliénante, asservissante et spéculaire étant donné le reflet agressif de la relation lors de la phase du miroir. La forclusion effaçant complètement l’Autre dans lequel devrait se fixer l’imago paternelle.
Lacan souligne ainsi l’absence de lien, de réponse, de réaction de l’Autre au cri de la fonction paternelle. De surcroît, pour le sujet psychotique, « c’est la fonction réelle du père dans la génération » qui ne peut s’intégrer.
2.4 Le rapport à L’Autre (J.LACAN)
Lacan atteste que le sujet va dépendre essentiellement de ce qui ce passe en l’Autre. L’inconscient se constituant au discours de L’Autre, c’est au sein du discours de l’Autre que le sujet va donc réceptionner le message qui lui aura été transmis par l’Autre.
Cependant si ce message n’est pas acceptable pour le sujet, alors ce qui n’aura pas été admis a été disposé dans l’Autre fera retour à son insu, le lapsus en est l’exemple.
Le discours se trouve au lieu de l’Autre c’est à cet endroit que la parole de l’Autre prend ascendance. Lacan va décrire dans le séminaire III[7] et dans ses écrits[8]le schéma L qui va faire circuler la parole à partir du grand Autre. Ce circuit correspond à la chaîne signifiante nommée ainsi par Lacan ; elle va traverser l’axe symbolique A-S (S faisant référence à l’existence du sujet et A au grand Autre) et l’axe imaginaire entre le Moi et l’image de son semblable. Il est essentiel que l’entité de l’Autre soit établie pour fonder l’adresse du sujet qui parle.
Dans la psychose, l’Autre est forclos. Il y a un transfert au niveau de l’axe imaginaire a-a’. « Le sujet est séparé de lui-même par l’ordre du langage, et se retrouve représenté en un tenant-lieu qui fonctionne en place de a (Moi) »[9]. Le Moi va se prendre pour le « je » (S) Le discours vient de l’autre et non de l’Autre. Il va s’agit de son propre message qui parvient au sujet de cet autre semblable, son double.
Dans le contexte des hallucinations verbales, le sujet est totalement identifié à son Moi, avec le quel il parle, c’est en fait « lui qui parle à lui ».
Dans la psychose se dévoile le discours intérieur du sujet lorsqu’il y a des hallucinations visuelles, verbales, auditives…ce discours peut être analysé comme étant vécu par le sujet. L’hallucination est une forme de rejet ; au lieu ou l’objet indescriptible est rejeté dans le réel, un mot se fait entendre, venant à la place de ce qui n’a pas de nom. N’ayant pas suffisamment de signifiant pour nommer l’objet, il va déclencher le débordement imaginaire.
2.5 Psychose ou malade du signifiant (J.LACAN)
Les conflits latents vont être représentés par des enchainements langagiers rigoureux que l’on va pouvoir percevoir dans les mots d’esprit permettant d’évoquer un désir, les lapsus, les oublis, ces différentes problématiques seront rencontrées sur le concept du signifiant selon Lacan. Le signifiant se définit comme un « élément du discours, repérable au niveau conscient et inconscient, qui représente le sujet et le détermine »[10]. Il y a un lien conventionnel entre le signifiant, le son, et le signifié, le sens.
a) Le signifiant
Chez le psychotique il y a un défaut de la chaine signifiante se traduisant par un manque. C’est de cette carence du signifiant dont va témoigner le délire. Lacan note que le délire peut-être plus ou moins compréhensible, mais ce qui le caractérise « …c’est qu’il est inaccessible, inerte, stagnant par rapport à toute dialectique »[11]
Lacan parlera de « signifiant dans le réel », le signifiant s’inscrit dans le réel lorsque la chaine signifiante part à la dérive. Mais pour Lacan ce manque du signifiant n’est pas la cause essentielle qui va conduire à la psychose, il y a également des causes occasionnelles qui se traduisent par des évènements de vie mais qui fait toujours appel au signifiant du Nom-du-père ce qui rend son défaut efficient. Parfois cette défaillance peut avoir des conséquences ce déclenchant tardivement à la rencontre d’Un père réel, qui pourrait être illustré par le cas Schreber. [12]
b) Les signifiants au sein de la psychose
Lacan cadre et délimite son enseignement au niveau du : Réel, Imaginaire et du Symbolique, notamment à l’ordre symbolique.
Il aborde ainsi la schizophrénie par son statut parlètre, autrement dit qui « mérite » l’écoute.
Lacan apporte ainsi dans sa théorie le fonctionnement psychotique qui pourrait être transposable à la schizophrénie[13].
Selon Lacan, la psychose ne fait pas partie de l’imaginaire comme une image non satisfaisante du père mais plutôt d’un déficit symbolique par le rejet fondamental d’un signifiant comme le serait le phallus par rapport à la castration, autrement dit la forclusion du Nom-du-père[14].
L’holophrase serait également applicable à la schizophrénie d’après Lacan. Effectivement, l’holophrase ou concept de solidification du couple des signifiants engendrerait l’arrêt, l’interruption des lois du langage, notamment la métonymie et la métaphore, subséquemment à l’éradication du lien, de l’intervalle qui devrait être présent entre le couple des signifiants pour qu’il puisse représenter le sujet.
Le fonctionnement mental du malade schizophrène est donc traduit par l’holophrase dans l’aliénation étant donné que le sujet est présent pour l’Autre par le signifiant tout en étant absent par l’impossibilité de lien identitaire, d’identité entre l’objet et le signifiant ; et dans la séparation compte tenu que c’est dans cet intervalle de lien que le sujet pourrait s’harmoniser et se coordonner à l’objet[15].
Il est donc essentiel de tenir compte de la rupture dans le rapport au signifiant. D’ailleurs Lacan représentait comme corollaire le trouble du lien qui permet l’unité, l’association dans la notion bleulérienne.
En somme, le vide, la béance résultante de la forclusion nécessiterait une prise en considération, une localisation de l’Autre, d’un tiers-lieu de l’Autre dans lequel le psychotique pourrait, par transfert, restaurer la fonction de sa parole, de son langage schizophrénique.
Qu’est-ce qui différencie le « vide » du « rien » ?
Le « rien », opposé à « tout » concerne la chute interminable, la mort alors que le « vide » est l’opposé du « plein » tout en se rapportant à la chute avec la possibilité de toucher le sol dans son aboutissement.
Le « tout ou rien », le verre à moitié « vide » et à moitié « plein », ces expressions font ressortir la nuance et la différence dans le sens de ces deux mots.
Il est intéressant de se pencher sur cette phrase d’Audibert qui stipule que : « Disparaitre du regard de l’autre est dans certains cas disparaitre entièrement, ne plus exister, devenu un néant »[16].
Pourtant, Audibert de dire que « Vivre sans la présence de l’autre signifie fréquemment pour ces sujets un suicide. Ils ont peur de disparaitre. Ils n’existent plus sans les autres. Ils se sentent incapable de s’extraire de leur regard. L’autre accapare toute leur attention …. » supposerait qu’il aurait été préférable que la continuité de la mère, l’intégration et l’assimilation de l’image maternelle se fassent.
D’ailleurs, WINNICOTT souligne que « Graduellement, l’environnement qui sert de support au mot est introjecté et sert à l’édification de la personnalité de l’individu, si bien que se forme une capacité d’être vraiment seul »[17].
2.6 La logique du désir dans la psychose (J.LACAN)
Dès 1958, c’est-à-dire après la rédaction de la QP, Lacan remarque que la question du désir reste voilée dans les conceptualisations de l’expérience analytique. Il se propose alors de la réintroduire, en termes d’une éthique qui n’est pas celle d’Aristote Ŕ laquelle exile le désir, le désir étant au-delà de la maîtrise de la raison-, sinon qu‟elle est en syntonie avec le propos spinozien qui conçoit le désir comme essence de l’homme. Un parcours par les références, bref et métonymique, nous apprend que le désir est lié à l’élan vital[18]1 et à la libido. Une activité érotisée est une activité « prise dans le mécanisme du désir.»[19]2 Le désir ne se manifeste que dans l’intervalle, dans la béance et il est défini par Lacan comme « la métonymie de l’être dans le sujet.»[20]3 , ou « métonymie du manque à être.» [21]
Cette définition du désir par rapport à la métonymie d’un être qui manque se maintient tout au long de son enseignement[22].2
Le désir est impossible à dire – bien qu’il soit articulé, il n’est pas articulable[23]3 -, irréductible à la demande et au besoin, on ne peut pas le nommer, on ne peut que le cerner[24].4
La brièveté du parcours trouve ici sa raison, le désir n »est pas saisissable dans des définitions, il est ce qui échappe à tout effort de le capturer. Le désir s’établit ainsi dans la dialectique d‟un manque, du fait que c’est l’Autre qui donne au sujet l’expérience de son désir. Ceci implique une dépendance du désir du sujet par rapport à l’Autre, le désir de désir est la dimension essentielle[25].5
La relation du désir du sujet au désir de l’Autre n’est pas une structure réservée uniquement à la névrose. Lacan est explicite à ce propos quand il dit que c’est une « structure essentielle, non seulement de la névrose, mais de toute autre structure analytiquement définie.»[26]6
Il ne renonce pas à situer la position du désir dans les différentes structures, il y aurait différentes formes du désir et différentes formes du sujet: « Car le paradoxe du désir n’est pas le privilège du névrosé, mais c’est plutôt qu’il tienne compte de l’existence du paradoxe dans sa façon de l’affronter.»[27]7 La position du névrosé à l’endroit du désir concerne le fantasme[28]8 . La position du psychotique à l’égard du désir concerne le corps[29]. La question est alors celle de savoir « Où est-il ce sujet comme tel ? Est-il au point où il désire? »[30]
Les rapports de désir deviennent le champ « où l’expérience analytique nous apprend qu’il a à s’articuler.»[31]2 , et cela découle dans la formulation d’une éthique du désir concernant la psychanalyse: « Une éthique est à formuler qui intègre les conquêtes freudiennes sur le désir: pour mettre à sa pointe la question du désir de l’analyste.»[32]3
La formulation de la fonction du désir de l’analyste comme inhérente à la psychanalyse va dans le même sens. Les analystes sont enfin « les entremetteurs, les accoucheurs, ceux qui président à l’avènement du désir.»[33]
Pour le névrotique, dont la position dans le désir est le fantasme, la référence métaphorique au Nom-du-Père noue les registres, en instaurant une réalité psychique œdipienne et donc religieuse. L’objet a, cause du désir, est coincé par le nouage. Le désir est médiatisé par la référence phallique qui lui donne une commune mesure et symbolise le x du désir de la mère. La fonction du père noue ainsi le désir à une loi, celle de l’interdiction de l’inceste, voici la père-version[34]5 .
Le x du désir se fixe dans le fantasme qui apporte une interprétation du désir, en même temps que celui-ci est englué, fixé dans celui-là. Le sujet névrotique a un rapport fantasmatique à son désir, étant donné que le fantasme est le support de celui-ci. La situation est différente pour le psychotique, du fait que sa condition implique le rejet de la référence métaphorique au père, c’est-à-dire la forclusion du Nom-du-Père. Mais l’absence de métaphore ne conditionne pas la présence du désir, dont le support est la métonymie. Lacan souligne : Là où le Nom-du-Père manque, cet effet métaphorique ne se produit pas, et je ne peux pas arriver à faire venir au jour ce qui fait désigner le x comme le signifiant phallus.
C’est ce qui se produit dans la psychose, pour autant que le Nom-du-Père est rejeté, est l’objet d’une verwerfung primitive, n’entre pas dans le cycle des signifiants, et c’est pourquoi aussi le désir de l’Autre, nommément de la mère, n’y est pas symbolisé.[35]
Le désir de la mère est le désir fondateur de toute la structure[36]2 et chez le psychotique celui-ci reste hors de la symbolisation que la métaphore paternelle produit. Lacan n’affirme pas qu’il n’y ait pas de désir chez le psychotique, mais qu’il s’agisse d’un désir non symbolisé, c’est-à-dire sans l’orientation du phallus en tant que signifiant du manque.
Mais, d’autres signifiants du manque peuvent s’établir. Exiler de la condition humaine le désir du psychotique serait plutôt un geste que Lacan attribuerait à Aristote[37].3
2.7 La dimension narcissique chez le sujet psychotique
Tout d’abord le terme de narcissisme est défini comme étant « l’amour que porte le sujet à un objet qui est lui même »[38]. En reprenant le terme des sexologues créé à partir du mythe de Narcisse qui était amoureux de son image, Freud introduira en 1910 ce terme afin de rendre compte du choix d’objet chez les homosexuels.
En 1911, il va proposer le stade de l’évolution sexuelle intermédiaire entre l’auto-érotisme et l’amour d’objet.
Ce n’est qu’en 1914 qu’il va introduire le terme « narcissisme » dans l’ensemble de la théorie psychanalytique de part son article intitulé « Pour introduire le narcissisme ». D’ailleurs, le Narcissisme est une fixation orientée sur soi-même se traduisant par un investissement de la libido sur le Moi, c’est une étape normale dans le développement de l’enfant. Alors que chez l’adulte la notion de narcissisme est un retour à ce stade archaïque du développement. La libido est « l’énergie psychique des pulsion sexuelles »[39].
A cette période, l’enfant rassemble ses pulsions sexuelles qui agissaient sur un mode auto-érotique pour conquérir un objet d’amour et commencer par prendre son corps comme objet d’amour : c’est un temps de la construction de l’autoérotisme et de la relation d’objet où la libido va investir dans des zones du moi et de l’autre c’est ce que Freud appellera le narcissisme primaire.
Ce n’est qu’après avoir investi les objets, que la libido peut faire retour sur le moi : c’est le narcissisme secondaire : étape qui va conduire l’enfant à choisir un objet doué d’organes génitaux identiques aux siens puis par la suite différents des siens.
Il est à rappeler que les pulsions homosexuelles sont détournées de leur objectif sexuel et employées pour les pulsions sociales.
En rattachant la découverte de la dimension narcissique chez le sujet psychotique, Freud repérera une faille dans la construction libidinale qui est située quelque part entre le stade de l’auto-érotisme et du narcissisme. Effectivement, une production délirante d’ordre morbide étant une tentative de reconstruction de ces investissements, Freud en vient à confirmer que ce qui fait défaut dans la psychose c’est « ce qui est aboli du dedans revient du dehors ».
La tentative de guérison ramènerait la libido et supprimerait ainsi le refoulement, autrement dit c’est la libido libérée qui se fixerait sur le Moi.
C’est ainsi qu’il va y avoir une régression du Moi avec un retour au stade du narcissisme : le stade où le Moi du sujet est l’objet unique et c’est ce qui fait défaut. La régression peut aller jusqu’au stade de l’auto-érotisme infantile avec l’abandon de la relation d’objet.
Freud va dégager les causes de ce refoulement dans le stade du narcissisme. La libido va se trouver détachée du monde extérieur, elle va venir renforcer par la régression plusieurs point de fixation, elle va venir également renforcer le désir ainsi que le fantasme homosexuel d’après Freud ce qui va influencer le sujet à sexualiser les investissements sociaux notamment ceux avec le même sexe. La libido qui se libèrerait représenterait un danger pour le sujet dans le sens où elle va ramener des représentations inacceptables. Cette menace est colossale par le fait qu’elle va constituer une fixation de ces sujets au stade du narcissisme, ce qui ferait la menace de la castration un danger vital de la désagrégation du Moi. Le mécanisme qui va être utilisé par le sujet comme tentative de résolution pour remédier à cela, c’est la projection.
a) La paranoia
Comme toutes les formes de paranoïa se ramènent à diverses façons par la contradiction d’une proposition unique, la persécution va se traduire par « Moi (un homme) », je l’aime (lui, un homme), il peut y avoir un délire de persécution du type « je ne l’aime pas, je le hais ».
Effectivement, le mécanisme de formation des symptômes de la paranoïa vise que les sentiments, la perception intérieur, soient remplacés par une perception venant de l’extérieur », c’est à dire qu’il va y avoir une transformation effective par la projection tel que « je le hais » deviendrait « il me hait » ce qui justifie la haine que le sujet lui porte, le réel sentiment interne va donc se retranscrire en perception externe.
Le délire de jalousie, le changement de la qualité de la personne qui aime suffisent à projeter le processus entier hors du Moi pour aboutir aux délires de grandeur qui font référence à une surestimation sexuelle du Moi.
Durant le processus de projection, le sujet va rendre la production délirante acceptable à la conscience : « il me hait » (pour le délire de persécution), « je m’en aperçois, elle m’aime » (pour le délire érotomaniaque).
c) Le narcissisme et le stade du miroir par Lacan
Lacan va suivre la démarche Freudienne en reprenant la notion de narcissisme que Freud avait développée en 1914.
Pour Lacan, le narcissisme est la libido investie sur le corps propre mais également la relation imaginaire dans les relations entre les humains, c’est à dire que l’on s’aime dans l’Autre, nos identifications érotiques vont émerger entraînant l’établissement de la base des tensions agressives.
Pour comprendre la construction du sujet il faut débuter par le stade de l’auto-érotisme qui selon Lacan se définit comme « une des conséquences régulières de la causation première du désir, et l’angoisse de castration ne serait pas un dernier terme, mais seulement une modalité spécifique de la fonction de l’objet qui ce désir la cause. Ce qui est opérant dans cette fonction doit d’abord être considéré à partir d’une coupure entre le sujet et l’Autre, qui n’est pas uniquement le fait du signifiant mais qui résulte de sa rencontre avec certaines particularités anatomiques ou physiologiques de l’humain, coupure qui résonne avec celle qui est propre au langage articulé. Cette coupure se produit entre l’enfant et la mère, puis ultérieurement entre le sujet et l’Autre, mais aussi à l’intérieur de l’unité subjective. Elle détermine trois termes et non pas deux, mais dont l’un reste élidé tout en agissant, ce qui a un certain nombre de conséquences sur le fonctionnement du désir et son rapport à la jouissance. »[40].
C’est ce que Lacan va conceptualiser par le stade du miroir[41].
Ce stade fonctionnerait sans parole, il va mettre en jeu la représentation que l’enfant va se faire de son unité, il ne fonctionnerait pas s’il n’y avait pas le nom étant donné que l’enfant à conscience de son unité qui répond au nom dont on l’appelle.
On peut alors dire que le nom propre est en quelque sorte le répondant symbolique de cette forme qui constitue l’image du corps.
Mais l’accent est mis sur « le virage du –je- spéculaire au –je- social » c’est à dire le moment où le sujet va se dire que c’est lui dans le reflet du miroir.
C’est à dire que ce virage va donner la possibilité de se reconnaître dans le miroir. C’est ce virage qui donne la possibilité de se désigner dans une image ou une forme avec toutes les conséquences qui peuvent en découler : de la rivalité ainsi que de l’agressivité.
Cette reconnaissance en tant qu’unité n’est pas inscrite dans les gènes et c’est bien pour cela que parfois elle n’a pas lieu.
C’est à ce carrefour que l’on peut voir émerger la psychose.
Le stade du miroir est la possibilité de se désigner en tant que Moi. Le « Je » spéculaire peut dans certains cas ne pas se voir évolué au « je » social ce qui revient à dire que la personne se voit dans le miroir mais ne se reconnaît pas, c’est comme si elle voyait une autre personne totalement étrangère à elle-même.
Dans ce cas, le sujet n’a pas été captivé par son image et l’image n’a pas été constituante pour lui.
Le stade du miroir est une identification primordiale de l’enfant à cette image qui va nommer la structuration du « je ».
Il met un terme au fantasme de corps morcelé.
Le narcissisme secondaire s’inscrit dans la suite du stade du miroir et c’est l’instant où l’enfant va investir un objet extérieur à lui.
C’est à partir de cette non reconnaissance ainsi que cette image non constituante que le sujet va avoir de lui même au stade du miroir que Lacan va fonder sa théorie en différenciant la névrose de la psychose.
2.8 L’objet fétiche autistique
Les objets peuvent être investis de pouvoir par un sujet psychotique compte tenu des mécanismes d’identification projective. En effet, le sujet vient s’appuyer sur le fait que l’objet soit inanimé et lui confère un pouvoir, des fonctions afin de le protéger de menaces d’anéantissement.
Par extrapolation, l’objet fétiche est ainsi un objet extérieur au soi de l’enfant, d’ailleurs il ne peut s’en passer. Effectivement, l’objet fétiche est un objet réel qui vit, qui participe en permanence avec le besoin d’immuabilité de l’enfant sans qu’il y ait projection fantasmatique particulière.
Selon Tustin F, l’objet autistique se définit comme étant « des parties du corps de l’enfant, des parties du monde extérieur vécues par l’enfant comme appartenant à son corps »[42].
D’après Lemay, l’objet autistique ne possède pas de valeur représentative. Son choix est fixé à partir des sensations visuelles, tactiles ou encore auditives stéréotypées qu’il procure outre sa participation dans la réalisation du vide mental.
L’objet autistique n’est donc pas un objet transitionnel, mais une sorte de prolongement du corps, de l’identité qui est considérée comme une première possession du non-Moi. Cette notion de possession traduisant la capacité de reconnaissance de l’enfant en tant qu’unité distincte de l’autre. D’ailleurs, à l’objet autistique est corrélée à une figure d’attachement infantile dont la possession ne peut ni être discutée ni remise en cause[43].
A contrario, chez l’enfant psychotique, la création de l’objet traduit l’expression d’un Moi qui souffre, est morcelé. Par l’objet crée, l’enfant tente de se forger une protection par rapport à un envahissement destructeur[44].
3- Pulsions agressives et angoisses
3.1 Pulsions et pulsions de mort
En psychanalyse Eros désigne les pulsions de vie par opposition à Thanatos qui désigne les pulsions de mort*.
À propos de la théorie des pulsions Freud utilise ce terme grec signifiant amour (Eros étant le dieu de l’amour). Eros comprend cependant l’ensemble des pulsions de vie, c’est-à-dire les pulsions d’autoconservation (ou pulsions du moi) comme les pulsions sexuelles.
La compréhension du rôle d’Eros et de Thanatos demande une aptitude à l’acceptation du paradoxe, pour lequel l’univers inconscient n’est d’aucune réticence : si les deux types de pulsions sont en conflit, ils entretiennent également des relations très intimes, très intriquées.
Les pulsions de morts, bien que contraires à la vie, lui sont inhérentes car avant la vie, était la mort (au sens de l’inorganique). Ainsi, Eros tend à unifier, dans le sens de la vie, de la construction, tandis que Thanatos détruit, réduit à néant le vivant. Pourtant, en un sens, l’un comme l’autre participent à la vie car les pulsions agressives, une fois socialisées, sont indispensables à la combativité, à l’activité, etc.
Eros et Thanatos sont, en définitive et malgré leur opposition, des forces créatrices (car c’est de la dualité conflictuelle que naît la créativité) à condition que Thanatos ne soit pas prédominant, enfermant le sujet dans un processus morbide.
Le lien entre les deux est quelquefois pratiquement inextricable, s’utilisant mutuellement pour mieux parvenir à leurs fins : le plaisir habituellement attribué à Eros s’obtient parfois à travers l’expression de Thanatos (agressivité jouissive perverse), tandis que Thanatos s’exprime parfois dans le sens de la vie : agressivité nécessaire à la survie en situation de danger par exemple.
Il importe que prévale Eros sur Thanatos de façon générale, afin que soit préservée la vie. La cure analytique* axe une partie essentielle du travail sur l’approche de ces deux types de pulsions, car Eros contrarié dans ses désirs (pulsions sexuelles inassouvissables interdites par exemple) ou Thanatos trop puissant (agressivité morbide, destruction ou autodestruction), sont à l’origine de symptômes ou pathologies névrotiques, voire dépressifs graves.
Freud a introduit la notion de pulsion de mort dans la psychanalyse, définie sur un plan propre à la biologie, comme tendance à reconduire l’être vivant à l’état inorganique. C’est là une proposition qui provoque une certaine perplexité à l’époque actuelle où, à partir de l’influence du structuralisme et de l’épistémologie française, via Lacan, la pensée des analystes est bien moins accoutumée à l’idée d’une continuité entre le biologique et le psychique que ne l’était le fondateur de la psychanalyse, toujours influencé par le modèle évolutionniste. Cependant l’hypothèse de la pulsion de mort a été présentée comme relevant de la spéculation et frappée d’extraterritorialité par rapport aux autres constructions freudiennes.
En proposant la notion de Thanatos, dans le cadre d’une opposition entre pulsions de vie et de mort, Freud prend la défense du dualisme – défense on ne peut plus justifiée quand on sait l’importance que le conflit psychique a eu dès les débuts de la psychanalyse. Malgré cela, ce nouveau dualisme demeure sans utilité et inopérant, lorsque Freud commence à théoriser, à partir de cette époque, sur les névroses et les psychoses qui seraient à l’origine de tels cadres.
En effet : la seconde topique érige le ça, le moi et le surmoi comme trois pôles de conflits psychiques possibles qui seraient à la base des symptômes névrotiques et psychotiques[45] [46].
Néanmoins, l’opposition entre les deux types de pulsions ne s’adapte pas à ce schéma, puisque les pulsions primaires sont toutes deux envisagées comme se trouvant en action, de manière diffuse, dans la totalité du psychisme et dans n’importe laquelle de ses instances[47] . Comme la pulsion de mort n’est abritée par aucune de ces instances en particulier, mais se retrouve, conjointement avec les pulsions de vie, dans tous les territoires du psychisme, les pulsions sont toujours plus ou moins mêlées, ne rendant pas compte du conflit psychique.
3.2 L’agressivité
L’agressivité désigne la tendance à attaquer autrui, ou tout objet susceptible de faire obstacle à une satisfaction immédiate.
Plusieurs courants psychologiques (comportementalisme, phénoménologie) ont donné des interprétations théoriques différentes de l’agressivité:
- L’approche psychanalytique: c’est l’approche la plus complète. L’importance de l’agressivité et son lien complexe avec la sexualité ont été soulignés de plus en plus précisément par les psychanalystes. Ainsi, dans sa dernière théorie des pulsions, Sigmund Freud introduit la notion d’union-désunion des pulsions de vie et de mort. Globalement, cette notion correspondant au dualisme agressivité-sexualité: de la désunion triomphe la pulsion destructrice et naît le comportement agressif.
Pour Mélanie Klein, l’agressivité, très importante dans la première enfance, apparaît dès les premiers mois (notamment avec les fantasmes de destruction et de dévoration). Aussi, elle joue un rôle fondamental dans la maturation de la personnalité, en particulier par la structuration progressive de l’individu par rapport à l’objet.
Pour Daniel Lagache, aucun comportement humain n’est sans rapport avec l’agressivité.
Par ailleurs, en ce qui concerne les comportements agressifs pathologiques, la clinique psychanalytique insiste sur le rôle des carences affectives précoces et des violences exercées très tôt par le père. Celles-ci aboutissent à un trouble de l’identification et à un défaut d’élaboration symbolique: l’agressivité ne peut trouver son sens positif. Selon Rêne Spitz, « enfants privés d’amour, ils deviendront des adultes pleins de haine ».
Dans les états névrotiques, l’agressivité est d’autant moins manifeste que les mécanismes de défense, qui lui permettent de s’exprimer de façon codée, sont plus efficaces:
- Dans la névrose obsessionnelle: c’est dans cet état que l’agressivité est la plus intense mais aussi la plus masquée par des formations réactionnelles extrêmement organisées. Même si quelques émergences peuvent se manifester (des colères, des tics, de l’ironie), les passages à l’acte restent exceptionnels et sont souvent marqués par l’ambivalence, le remords et le désir de punition.
- Dans l’hystérie: l’agressivité est plus apparente, notamment dans la mise en échec et la culpabilisation de l’autre.
- Dans la psychopathie: les passages à l’acte agressifs court-circuitent l’élaboration psychique. En outre, ils surviennent à la moindre frustration et jalonnent une biographie tourmentée.
Les états psychotiques voient survenir des comportements agressifs de mécanismes divers. Par exemple, l’agressivité en relation directe avec l’angoisse psychotique, la déstructuration de la conscience et le vécu délirant dans les psychoses délirantes aiguës ; l’agressivité immotivée, discordante des schizophrènes ; l’agressivité en réaction aux persécutions dans les délires paranoïaques.
Les états dépressifs, quant à eux, représentent un modèle de l’intrication entre auto et hétéroagressivité, comme l’illustre le suicide altruiste des mélancoliques. Mais, outre ce cas extrême, on peut souvent repérer des manifestations agressives discrètes au cours des dépressions et elles doivent toujours faire redouter un risque suicidaire. Chez l’enfant et l’adolescent, tout comportement agressif doit faire rechercher une pathologie dépressive sous-jacente.
L’agressivité des états déficitaires organiques traduit l’altération du contrôle émotionnel.
Chez l’épileptique, elle s’inscrit classiquement dans les troubles de personnalité mais elle peut aussi survenir en paroxysmes lors des crises, allant jusqu’à la fureur épileptique, particulièrement violente.
L’agressivité selon Freud
La conception freudienne de l’agressivité a évolué parallèlement à la théorie des pulsions. Dans un premier temps, Sigmund Freud se refuse à reconnaître l’œuvre d’une pulsion spécifique derrière les conduites agressives. Cette spécificité ne ferait que recouvrir à ses yeux celle de toute pulsion, c’est-à-dire une poussée contraignante qui doit surmonter les obstacles.
Cette vue sera sensiblement modifiée avec l’introduction, en 1920, de la pulsion de mort. Freud rend alors compte du sadisme par la partie de la pulsion de mort mise directement au service de la pulsion sexuelle, et du masochisme érogène par une autre partie de la pulsion de mort qui reste dans l’organisme, où elle est liée à la libido par l’excitation sexuelle. Dans la perspective de Freud, la pulsion d’agression apparaît donc comme l’expression même de la pulsion de mort tournée vers l’extérieur.
L’agressivité selon Lacan
Jacques Lacan se place dans une perspective peu différente de celle de Freud. En effet, il émet l’hypothèse d’une agressivité qui serait liée « à la relation narcissique et aux structures de méconnaissances et d’objectivation systématique qui caractérisent la formation du moi ». Aussi, ce n’est que par l’identification œdipienne que cette agressivité pourra être dépassée.
Dans son texte « L’agressivité en psychanalyse »[48], publié dans les Écrits, Lacan pose la chose suivante : « L’agressivité, dans l’expérience, nous est donnée comme intention d’agression et comme image de dislocation corporelle, et c’est sous de tels modes qu’elle se démontre efficiente. »[49].
3.3 L’angoisse
Intégrant la condition humaine, l’angoisse que ce soit de par son histoire ou encore son développement est représentée par la détresse éprouvée devant un danger qu’il soit réel extérieur ou encore un danger d’ordre pulsionnel, non reconnu, intérieur.
Chez le psychotique, il s’agirait d’une angoisse précoce par rapport à l’angoisse classique de castration qui est constatée dans l’évolution œdipienne névrotique et sa triangulation.
En général, il sera question d’angoisse d’abandon face au danger. De manière plus spécifique, le sujet psychotique se retrouve troublé, vulnérable face à sa propre identité avec la peur au ventre que le Moi disparaisse et qu’il retourne au néant[50].
Etymologiquement, l’angoisse dérive du latin « ango » qui signifie « serrer » et traduit le fait d’avoir la gorge serrée de faire un angor, l’angine de poitrine qui se manifeste par l’oppression du thorax et induisant la sensation, la peur d’étouffer, de mourir.
En psychanalyse, deux définitions de l’angoisse par Freud sont attribuées par Laplanche et Pontalis[51] :
– angoisse automatique qui se traduit par la réaction automatique du sujet dès lors qu’il se retrouve confronté à une situation traumatique, autrement dit à des afflux, internes ou externes, qu’il ne peut contrôler ni maîtriser.
– angoisse réelle face à un danger réel qui va constituer une réelle menace à la personne.
a) L’angoisse d’anéantissement
Considérée par Winnicott comme l’« agonie primitive », l’angoisse d’anéantissement se réfère à des perceptions de la vie qui s’établissent précocement chez le nourrisson où le psychisme n’est pas ou peu unifié entraînant la non acquisition de la sensation de l’existence en tant qu’être « entier ».
En effet, c’est l’environnement, notamment celui de la mère qui offre la possibilité au nourrisson d’agencer le rassemblement, le sentiment d’unité de par la tétée et autres rencontres visuelles, tactiles. Unification qui s’établit peu à peu en tant que continuité dans le vécu du nourrisson.
C’est ainsi que le nourrisson passe d’un état plus « désintégré » à travers des alternances de vécu d’unification.
Les angoisses d’anéantissement surviennent dès lors que l’environnement ne rempli pas son rôle de « rassembleur », de « contenant » engendrant par voie de conséquences l’enfant à se livrer à lui-même, à l’exposer à des expériences de désintégration à la fois trop intenses et prolongées. Angoisses qui vont laisser une empreinte au niveau du développement ultérieur de l’individu qui va se retrouver sans cesse dans un mécanisme de défense vis-à-vis de la terreur passée.
Cette angoisse d’anéantissement se manifeste par la sensation d’être annihilé, l’angoisse de disparaître, la perception de revenir au néant[52].
b) L’angoisse de séparation
L’angoisse de séparation peut atteindre deux niveaux de développement.
– niveau archaïque : il s’agit de la perte de l’environnement qui se veut être un pilier, un soutien auquel le nourrisson s’agrippe. A ce niveau, l’angoisse se traduit par une sensation de chute dans un gouffre illimité, sans fond.
En prenant comme référence la phase séparation-individuation, l’angoisse de séparation prend la forme de l’angoisse de perte de l’autre aimé et indispensable et se traduit par l’angoisse que l’autre parte, disparaisse en « nous » laissant seul, démuni.
En outre, cette angoisse peut se manifester également à travers des tendances agressives qui vont amener vers l’autonomie, l’affirmation de soi en détruisant l’apport de l’autre et favorisant l’indépendance.
4- L’image du corps dans la psychose
L’image du corps est un concept qui a été créé afin de mieux expliquer l’intégration psychique de la représentation du corps. Si les sensations semblent être à la base de cette notion, elle peut aussi s’étendre jusqu’à des questionnements plus philosophiques.
D’après Gisela Pankow, dans la psychose, le corps apparaît comme une dissociation. Effectivement, il y a destruction de l’unité de la forme ainsi que la perte de la signification des parties, des connexions entre les parties.
Il n’y a donc plus de liens, d’interactions interhumaines par rapport au corps.
Cela s’expliquerait par un déficit de la « fonction de forme » ainsi que de la « fonction de contenu » de l’image du corps.
De plus, son livre « Structuration dynamique dans la psychose »[53] met en exergue le travail exécutée sur l’élaboration de la forme suivi du contenu de l’image du corps afin de permettre l’établissement de relation entre le corps et la Loi humaine, à savoirs les interactions interhumaines.
Par ailleurs, Gisela Pankow affirme que l’image du corps se veut être un moyen, outil diagnostic afin de cibler la thérapie. Effectivement, l’image du corps se structure au niveau de l’espace à travers un modèle qui se veut être le pilier, le siège de la dynamique qui relie toutes les parties du corps, formant ainsi l’unité, la totalité du corps.
Incontestablement, la première fonction de l’image du corps consiste à offrir une structure spatiale au corps afin d’être une forme. Le terme de « Gestalt » est utilisé par Gisela Pankow afin de mettre en évidence le lien dynamique qu’offre la structure aux différentes parties du corps ainsi qu’à la totalité du corps et le dehors et le dedans.
La deuxième fonction de l’image du corps porte sur un contenu et un sens. En effet : « C’est ici que l’image comme représentation ou reproduction d’un objet ou même encore comme renvoi à autre chose joue un rôle considérable.« [54]. Ainsi, un objet spécifique est corrélé à chaque partie du corps qui possède alors une signification propre, et par voie de conséquences attribue à chaque partie une valeur symbolisant.
Il est à noter que le processus psychotique engendre une destruction de l’image du corps qui subséquemment va provoquer la perte de la relation historique dans la vie du sujet.
En 1935, P. Schilder fut le premier à donner une théorie de l’image du corps. Pour cela, il s’appuie sur les travaux des neurologues de son époque et partage son intuition selon laquelle il existerait un système de prise d’informations sensorielles au sein de l’appareil neurophysiologique. S’il emploie la terminologie d’ « image du corps », il va cependant la rendre équivalente à celle de « schéma corporel » : « Le schéma corporel est l’image tridimensionnelle que chacun a de soi-même. Nous pouvons aussi l’appeler « image du corps », terme bien fait pour montrer qu’il y a ici autre chose que la sensation pure et simple, et autre chose qu’imagination »[55] .
- Schilder va aussi apparenter l’image du corps à un modèle postural en constante transformation et en continuelle élaboration à partir des changements de position du corps dans l’espace et des autres perceptions. De plus, selon lui, l’image du corps se construit dans la relation à l’autre, il lui confère donc une importance intersubjective. C’est pour cela que nous serions incapables de nous construire une image du corps si nous n’avions pas de contacts sociaux.
Pour finir, il va intégrer le concept de libido, qu’il apparente à une « énergie », à sa conception de l’image du corps. En effet, il avance que celle-ci peut se fixer sur des zones corporelles précises, dont les orifices, car ce sont d’importantes sources de sensations.
Ainsi la libido permettrait au sujet d’investir successivement différentes zones de son corps. P. Schilder a eu l’intuition de poser les bonnes questions avec son concept de l’image du corps et ceci à l’aide des connaissances de l’époque.
Cependant, il vient tout de même jeter quelques confusions entre les termes « image du corps », « schéma corporel » et « modèle postural ».
Selon J.D. Nasio, « le corps qui intéresse la psychanalyse n’est pas notre organisme, corps ausculté et soigné par la médecine. Non le corps qui nous intéresse est notre corps vivant, certes, mais tel que nous l’aimons ou le rejetons, tel qu’il est inscrit dans notre histoire et tel qu’il est impliqué dans l’échange affectif, sensuel et inconscient avec nos partenaires privilégiés »[56].
J.D. Nasio explique que, d’après J. Lacan, le corps pourrait être catégorisé ainsi, et qu’à chaque facette du corps correspondrait une image[57] :
L’image du corps réel : c’est le corps tel qu’on le ressent, le « corps des sensations, corps des désirs et corps de jouissance ». Pour construire cette image du corps réel nous pourrions « le ressentir consciemment (image consciente) ou le ressentir en mouvement (image-action) sans savoir que ces deux façons de percevoir notre corps actualisent d’anciennes perceptions ».
L’image du « corps vu » : elle correspond au corps imaginaire et J. Lacan la nomme « Image spéculaire ». Le corps imaginaire serait celui que l’on voit dans le miroir : pas l’apparence physique et tous ses détails mais « le corps appréhendé dans la masse, saisi instantanément comme une silhouette ou perçu globalement comme une ombre humaine ». Elle aurait autant le pouvoir de nous flatter que celui de nous décevoir, mais nous l’investirions forcément. Selon J. Lacan, elle apparaîtrait entre 6 et 18 mois au moment du « stade du miroir ».
Cette étape est essentielle à la construction de l’identité et du « je ». L’enfant reconnaît dans le miroir l’image de son corps et celle de l’adulte qui le tient dans ses bras. Ce dernier va alors lui confirmer que ces deux images sont bien les leurs : l’enfant va pouvoir s’identifier à lui-même mais aussi au parent qui l’entoure. C’est à ce moment que l’enfant découvrirait une image unifiée de sa personne.
L’image du corps symbolique ou signifiant : Le corps signifiant est toujours partiel et fragmentaire selon J. Lacan. Ce sont l’ensemble des particularités physiques (comme le handicap) qui deviennent des signifiants si elles sont toujours associées au sujet. J.D. Nasio écrit que « le corps signifiant est la singularité corporelle qui détermine, directement ou indirectement, le cours de notre existence »[58]. L’image du corps signifiant est le nom qui représente la partie signifiante du corps.
4.1 Construction de l’image du corps
- Dolto propose, elle aussi, une théorisation de l’image du corps mais, contrairement à P. Schilder, elle va clairement la distinguer du schéma corporel.
Sa démarche va être celle de s’intéresser principalement à la construction de l’image du corps durant la prime enfance : de la naissance jusqu’à l’accès au langage.
L’articulation entre le schéma corporel et l’image du corps[59]
Le schéma corporel serait « en principe le même pour tous les individus de l’espèce humaine ». Il correspondrait à un « vécu du corps dans les trois dimensions de la réalité », se réfèrerait au « corps actuel dans l’espace à l’expérience immédiate » et se structurerait par « l’apprentissage et l’expérience ». En résumé, il serait « une réalité de fait, il est en quelque sorte notre vivre charnel au contact du monde physique ».
L’image du corps serait, au contraire, propre à chacun : « elle est liée au sujet et à son histoire ». Elle serait « la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles : interhumaines, répétitivement vécues à travers les sensations érogènes électives, archaïques ou actuelles ». De ce fait, l’image du corps s’éloignerait d’une dimension purement anatomique : c’est « l’incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant ». L’image du corps se structurerait par la communication entre le sujet et la trace. Pour F. Dolto, elle s’actualise dans toute expression langagière, mimiques ou gestes, composition libre (graphique ou plastique). L’image du corps pourrait aussi être un moyen d’expression pour l’enfant : « chez les enfants qui ne peuvent pas parler directement de leurs rêves ou leurs fantasmes comme le font les adultes dans les associations libres, l’image du corps est pour le sujet une médiation pour les dire ».
Selon F. Dolto, ces deux concepts s’articulent entre eux : « c’est lui, ce schéma corporel, qui sera l’interprète actif ou passif de l’image du corps, en ce sens qu’il permet l’objectivation d’une intersubjectivité » et « c’est grâce à notre image du corps portée par – et croisée à – notre schéma corporel que nous pouvons entrer en communication avec autrui »
L’image du corps : une image composite[60]
- Dolto va distinguer trois modalités d’une même image du corps : « image de base, image fonctionnelle et image érogène, lesquelles toutes ensemble constituent et assurent l’image du corps vivant et le narcissisme du sujet à chaque stade de son évolution ».
Elle ajoute que ces modalités sont « reliées entre elles, à tout moment, maintenues cohésives par l’image dynamique ».
L’image de base serait « ce qui permet à l’enfant de se ressentir dans une « même d’être », c’est-à-dire dans une continuité narcissique », dans une continuité spatio-temporelle qui demeure et s’étoffe depuis sa naissance. Cela malgré les mutations de sa vie, les déplacements imposés à son corps et en dépit des épreuves qu’il est amené à subir. Cette image serait constitutive du « narcissisme primordial », ce qui anime son désir de vivre et qui surviendrait avant la naissance, dans le désir des géniteurs qui l’ont conçu.
L’image fonctionnelle serait plus dynamique, elle porterait vers l’action. C’est par elle que le « sujet vise à l’accomplissement de son désir ». Ce phénomène correspond à un manque localisé dans le schéma corporel qui devient moteur du désir. Le sujet rechercherait alors, de manière active, la satisfaction pulsionnelle dans la relation à son environnement et à l’autre.
L’image érogène servirait à ouvrir « la voie d’un plaisir partagé, humanisant en ce qu’il a valeur symbolique ». Ainsi il peut être exprimé par des mimiques, des actes et des mots. Cette image serait en lien avec le plaisir ou le déplaisir ressenti dans la relation à l’autre. Ces trois composantes de l’image du corps se métabolisent, se transforment et se remanient. Elles sont « reliées entre elles par les pulsions de vie, lesquelles sont actualisées pour le sujet dans ce que j’appelle l’image dynamique ». Cette dernière correspond au désir d’aller vers un but et à la persévération dans un avenir.
Le refoulement[61]
Selon F. Dolto, l’image du corps se « construit et se remanie tout au long du développement de l’enfant » et les castrations symboligènes représenteraient des étapes importantes et structurantes dans ce développement. Elles dépendent de la maturation psychoaffective et neuromotrice de l’enfant et correspondent aux étapes successives de découverte et d’investissement des zones fonctionnelles du corps.
Au contact de l’environnement, l’enfant se trouve obligé d’abandonner un certain mode de fonctionnement et de satisfaction. Cet interdit du pulsionnel l’introduirait au symbolisme et à la civilisation. L’image du corps se développerait avant l’âge de trois ans et l’accès au stade du miroir amorcerait son refoulement. A partir de ce moment, l’enfant reconnaîtrait son image dans le miroir parce qu’il reconnaît simultanément l’image de la personne à ces côtés. A cet instant, l’enfant saurait qu’ « il ne peut plus se confondre avec une image fantasmatique de lui-même ».
L’enfant réaliserait alors qu’il est semblable aux autres humains, qu’il en est un parmi eux. C’est ainsi qu’il découvrirait l’écart qu’il existe entre l’image et son Moi. Dès lors, F. Dolto avance que « le paraître se met à valoir, parfois à prévaloir sur le ressenti de l’être ». Ces évènements entraineraient un refoulement de l’image du corps par l’image spéculaire, elle deviendrait alors totalement inconsciente.
4.2 L’image du corps perturbée
Le concept psychanalytique d’image du corps est très difficile à cerner et à définir. Il a d’abord été confondu avec celui de schéma corporel. Schilder, un des premiers auteurs à avoir travaillé la question passe lui-même d’un terme à l’autre sans distinction.
Schilder, Wallon, Piaget, Merleau-Ponty, Lacan, Dolto ont conceptualisé des notions aussi diverses que l’image du corps, le schéma corporel, l’image spatiale du corps, l’image de soi, l’image inconsciente du corps, etc. qui ne recouvrent pas les mêmes faits et qui se sont succédées depuis la fin du siècle dernier.
LE STADE DU MIROIR CHEZ JACQUES LACAN
C’est d’abord Wallon qui décrit le stade du miroir. Lacan attribue une explication à cette observation de Wallon.
Ce stade du miroir est une expérience que l’on peut observer chez l’enfant entre 6 et 18 mois. C’est la première expérience de son identification que l’enfant va y jouer. Identification qui va s’effectuer progressivement comme une espèce de conquête qu’il va accomplir à partir de sa propre image projetée dans le miroir.
Précisons d’abord deux notions importantes :
- le fantasme du corps morcelé ;
- L’identité du corps propre.
Le fantasme du corps morcelé
L’enfant ne vit pas son corps comme une totalité unifiée. Il n’arrive pas à distinguer son corps de ce qui lui est extérieur. Il le perçoit comme quelque chose de dispersé, de morcelé (comme dans la schizophrénie). C’est le stade du miroir qui va mettre un terme définitif à ce fantasme et qui va permettre à l’enfant d’accéder à un vécu psychique de son corps, une représentation de son corps comme une totalité unifiée.
La représentation du corps propre
C’est la représentation totale de son corps en une seule image pour l’enfant. C’est également une identité. L’enfant s’identifie à sa propre image.
On peut distinguer trois étapes dans le stade du miroir :
- La première : dans cette première étape, tout se passe comme si l’enfant percevait sa propre image dans le miroir non pas comme une image mais comme un être réel et il se comporte en face de son image, à cet âge-là, comme il se comporte en face de son semblable enfant. Cela prouve qu’il n’est pas encore capable de discriminer de façon très précise ce qui est lui de ce qui n’est pas lui, par exemple, il y a des enfants qui pleurent en voyant les autres tomber. Cela prouve aussi que c’est à travers l’image du miroir que l’enfant commence à se repérer, qu’il se vit lui-même, qu’il cherche à se situer.
- La seconde : c’est ce moment où l’enfant finit, à force de répétitions, et surtout, à force de maturation psychique par comprendre que l’autre du miroir n’est qu’une image, c’est-à-dire que ce n’est pas un être réel. Là, on observe que l’enfant ne fait plus aucune tentative pour attraper l’enfant dans le miroir. Il a compris qu’il ne s’agissait pas d’un autre réel.
- La troisième : l’enfant finit par reconnaître que l’autre du miroir est une image, et que cette image est la sienne. De ce point de vue, on peut dire que l’enfant accède à un savoir qu’il n’avait pas. Cette reconnaissance c’est la preuve d’un savoir sur soi. C’est aussi la preuve que l’enfant finit par percevoir son corps comme un corps unifié. C’est une anticipation imaginaire.
Nous avons vu avec le stade du miroir le rôle primordial que joue chez l’individu la captation visuelle par l’image de son corps et donc, la recherche narcissique d’une identification avec les autres.
Les yeux sont pour chacun de nous autant de miroirs pour refléter notre corps, mais ce ne sont pas des miroirs fidèles et ils troublent l’image que nous souhaitions y rencontrer. D’où l’intérêt de la Psychanalyse qui permet de pouvoir écouter sans être vu : place en retrait du Psychanalyste invisible au patient allongé. La présence invisible et silencieuse du Psychanalyste invite ainsi l’analysant à transformer ce corps imaginaire, ce fantasme du corps en un corps parlé. En opérant dans le seul champ de la parole, l’analyste assure cette bienveillante neutralité dont la règle lui a été imposée par son projet de restituer le sujet à lui-même. Par contre dans les situations de thérapie de face à face, il est donc important que le thérapeute soit analyste pour pouvoir analyser les effets de son propre regard sur le patient. Car tout regard humain est à la fois perception et expression de son existence personnelle.
La psychose
On trouve évidemment de graves perturbations de l’image du corps dans la psychose, particulièrement dans la schizophrénie et dans la forme particulière de l’hébéphrénie où l’image du corps reste l’image d’un corps morcelé et où l’on peut même assister à certaines mutilations. Ces sujets n’auraient pas traversé les principales étapes du stade du miroir. La thérapie est essentiellement du domaine psychiatrique.
5- Le deuil
6.1 Qu’est ce que le deuil ?
Etymologiquement, le mot « deuil » est issu du mot latin « dolere, dolus » qui signifie : « souffrir, douleur ».
Selon l’Encyclopédia Universalis, le mot « deuil » dans le langage courant peut avoir deux significations[62] :
– un « état affectif douloureux provoqué par la mort d’un être aimé »,
– une « période de douleur et de chagrin qui suit cette disparition ».
Le deuil se traduit alors comme la perte qui est un objet d’amour au sens psychanalytique. En effet le mot deuil reflète l’ensemble de réactions psychiques inconscientes ou conscientes qui sont relatives à la perte d’ « objet » à laquelle il y a eu un investissement affectif significatif[63]. Les réactions psychiques peuvent amener à une dépense d’énergie qui est corroborée à une notion de labeur et de souffrance ainsi qu’un temps nécessaire et irréductible à son déroulement[64]. Cela se manifesterait par l’application de la volonté de « continuer de vivre en essayant d’intégrer à la vie l’expérience de la mort »[65].
En psychanalyse, le deuil est définit par Freud comme « la réaction à la perte d’une personne aimée ou d’une abstraction mise à sa place, la patrie, la liberté, un idéal, etc. […]. Le deuil remplit une tâche psychique bien précise : il a la fonction de détacher du mort les souvenirs et les espoirs des survivants »[66].
6.2 Le travail de deuil
Il existerait trois formes fondamentales du deuil d’après Bourgeois[67]:
– Le deuil normal qui comprend trois phases
- a) Phase de détresse, de dépression et d’adaptation ;
- b) Processus de désinvestissement, d’intériorisation et d’identification à l’objet perdu, de culpabilité ;
- c) Détachement, acceptation et réinvestissement de la réalité
– Le deuil compliqué ou traumatique qui se caractérise par l’apparition d’un blocage du travail de deuil normal se traduit par une prolongation de la phase première phase, la phase dépressive à travers des réactions de stress ainsi que des tendances voire même des passages à l’acte suicidaire.
– Le deuil pathologique ou psychiatrique comme son nom l’indique engendre ‘une maladie mentale qui se caractérise par :
- a) un retard dans l’apparition de l’affliction,
- b) une prolongation de son évolution au‐delà de deux ans,
- c) une menace réelle sur la santé psychique.
Une quatrième forme de deuil est étayée par Hanus[68] :
– Le deuil difficile contrairement au deuil compliqué se caractérise par sa difficulté d’élaboration et par sa temporalité plus longue qui sont fonction de l’état de la personne décédée et les circonstances de sa mort et de l’état du survivant.
6.3 Le deuil ou la perte de l’objet
a) Approche de la notion d’objet
La théorie de Freud
Selon Freud, le processus de deuil s’associe à un travail psychique réactionnel conjointement à une période de dépression.
En effet, le dépressif se retrouve en proie à une vie qui est marquée par la perte d’un Objet qui était à la fois très idéalisé et très aimé.
De plus, la perte de l’Objet externe, qui a été investi de manière particulière, requiert un certain détachement de la libido qui s’avère être très angoissant et vraiment douloureux afin de permettre au Moi de recouvrer sa liberté.
Ce qui est conforté par la problématique de la perte renvoie à la phase dépressive du huitième mois de Mélanie Klein, suite logique de la théorie freudienne.
La phase dépressive du huitième mois porte sur la description de l’enfant qui ne se retrouve plus en tant que le premier Objet d’amour de la mère. Il vit ainsi sa première dépression qui met en exergue la présence d’Objets internes qui sont à la fois bons et rassurants malgré l’ébranlement douloureux subséquent à de l’Objet externe qui a été fortement investi.
Ce travail constitue un véritable travail de deuil que se doit de réaliser l’enfant à travers des positions dépressives et culpabilisantes.
Par la suite, toutes les expériences et phases de dépression, les ruptures qui seront vécues par l’enfant au cours de sa vie seront constituées en termes de dépendance par la phase dépressive du huitième mois.
Dans le cas où l’enfant va réussir à réinvestir de manière satisfaisante, sa mère, plus tard, il pourra en cas de perte, dans ses relations extérieures, s’investir et s’appuyer sur son entourage, notamment après un deuil.
De cette manière, l’enfant pourra reconstituer des Objets internes qui pourront remplacer l’Objet externe perdu.
Après chaque deuil donc, la personne se retrouve en proie à la dépression et à la culpabilité face à la perte faillible de l’Objet externe comme l’Objet interne.
Le travail de deuil permettra ainsi de reconstituer, en soi, les bons Objets tels que les parents aimés, l’entourage… dont la présence interne aidera à supporter l’idée non-seulement la disparition de l’être mais aussi d’éradiquer la culpabilité de cet être disparu.
La chronologie du processus de deuil s’effectue comme suit :
- Perte d’un être cher, de l’Objet cher
- Formation d’un Objet interne de remplacement
Cet Objet, intériorisé, de remplacement peut s’avérer être une tentative d’identification par rapport à l’Objet perdu et peut par conséquent être soit « bon » ou « mauvais ».
Surtout que la perte est à l’origine de sentiments ambivalents par rapport à l’autre et à soi, notamment du narcissisme de l’autre qui se traduit par la culpabilité.
Trop d’ambivalence pouvant être à l’origine de délire en termes de culpabilité, qui va engendrer subséquemment la mélancolie. Dans ce cas, seule la mort pourrait, de prime abord, effacer la « culpabilité »
Il est à noter que le deuil ne pourra se faire qu’avec le détachement, le désinvestissement de l’Objet intériorisé est désinvesti au profit d’un autre Objet.
La théorie de Klein
- Klein affirme que le deuil, adulte, est identique à celui que l’enfant a vécu durant sa première enfance, notamment durant la phase de sa séparation d’avec la mère lors de la période du sevrage.
Incontestablement, il existe une réactivation, une reviviscence du deuil originel ainsi que de la position dépressive dès lors que le sujet se retrouve face à une perte ou encore une séparation.
Durant cette période, l’enfant se retrouve en proie à la souffrance et ressent de l’inquiétude par peur de perdre ses « bons objets » qui sont symbolisés ici par les seins de la mère, objets qui représentent l’amour, la sécurité…
L’enfant se sent ainsi perdu et seul face au monde extérieur car il pense avoir perdus ses « bons objets » étant donné qu’il n’a pas pu faire face à ses pulsions agressives par rapport à eux.
Durant l’établissement de la relation de l’enfant avec le monde extérieur, s’effectue cependant des processus d’intériorisation au cours desquels l’enfant vient intégrer ses parents, qui par sa pensée deviennent des objets « internes ».
Ces intériorisations lui permettront ainsi de construire, d’édifier sa pensée inconsciente au sein d’un monde intérieur qui correspond, conjointement à ses fantasmes et pulsions, à ses expériences réelles.
« Toutes ces situations, ces gens, ces événements intériorisés deviennent inaccessibles pour le jugement et l’observation de l’enfant et échappent à la vérification perceptive à laquelle on peut recourir lorsqu’il s’agit du monde tangible et palpable des objets ». D’où l’émergence de doutes et d’incertitudes ainsi que d’angoisse qui ne peuvent être réfuté que par la réalité extérieure.
D’après Klein, la preuve que l’objet aimé est indemne et qu’il est resté tel quel : « bon, sécuritaire » ne peut s’effectuer qu’avec la présence de la mère complémentairement à tous les plaisirs issus.
Ce sont les processus de l’introjection et de la projection, régis par l’agressivité et l’angoisse qui sont à l’origine de la peur d’être persécuté par les ‘’mauvais objets’’ et aussi par la peur de perdre les ‘’bons objets’’. M. Klein donne à ces craintes et à ces incertitudes de perdre les objets aimés et ses désirs de les retrouver, le nom de ‘’nostalgie’’ de l’objet aimé. D’après elle, ce qui constitue la position dépressive, c’est la persécution et les défenses caractéristiques qui s’y opposent d’une part, et la nostalgie de l’objet aimé, d’autre part. (1972. p346) Une fois cette position atteinte, le moi déploie les défenses maniaques qui sont constituées d’une part, par des fantasmes de la toute puissance qui ont pour objectif de maîtriser les mauvais objets et de réparer l’objet aimé, ainsi que la négation partielle et temporaire de la réalité. Et d’autre part, de permettre de supporter la menace d’un désastre ressenti comme imminent lorsque la position dépressive atteindra son point culminant. Sans oublier l’idéalisation qui est aussi une partie essentielle de la position maniaque.
Cependant, la toute puissance qui est liée au désir de maîtriser l’objet, de l’emporter sur lui, de ‘’triompher’’, font naître un sentiment de culpabilité qui paralyse souvent tous les efforts et entraîne une méfiance et un sentiment de persécution, car l’enfant a peur à son tour, du désir de vengeance et de triomphe de l’objet aimé. Lorsque les mécanismes maniaques échouent, le moi va se défendre d’une manière obsessionnelle en répétant certaines actions. Et lorsqu’un équilibre finit par s’instaurer entre l’amour et la haine et que les divers aspects des objets sont mieux unifiés grâce aux preuves et contres preuves fournies par l’épreuve de la réalité extérieure, cela permet à l’enfant de dominer ses tendances hostiles et d’augmenter sa foi dans ses tendances constructrices dans la réalité psychique. De ce fait, il va dépasser cette position dépressive.
La résolution de la phase dépressive dans l’enfance, va jouer un rôle primordial dans les deuils de l’adulte, surtout lorsqu’il est lié à la disparition définitive de l’objet aimé. D’après M. Klein, la douleur ressentie après la perte réelle d’une personne aimée est considérablement accrue par certains fantasmes inconscients selon lesquels les « bons » objets internes sont perdus, eux aussi. La personne en deuil sent que ses « mauvais » objets internes prédominent et que son monde intérieur est en danger d’éclatement. Ce qui veut dire qu’à chaque fois qu’une personne perd un être cher, les bons objets sont également détruits. Là-dessus, l’auteur ajoute que « la position dépressive précoce et avec elle, les angoisses, la culpabilité, l’affliction et la sensation de perte provenant de l’allaitement, du sevrage, de la situation œdipienne et de toutes les autres sources, sont activées à nouveau ». (1972. p 351)
La douleur provient donc en partie de la nécessité de renouer des liens avec le monde extérieur et de revivre sans cesse la perte éprouvée, mais aussi, et grâce à cela, de reconstruire anxieusement le monde intérieur que l’on sent menacé de déchéance et d’effondrement : la personne en deuil doit rétablir et réintégrer son monde intérieur. Un sentiment de triomphe apparaît : la mort de la personne aimée est perçue comme une victoire. Mais comme cela a été décrit dans la position dépressive, ce sentiment va augmenter la culpabilité du sujet. Chaque fois que surgit la haine de la personne aimée et perdue, sa foi dans l’objet décline et le processus de l’idéalisation est entravé. Sa haine est accrue par sa crainte qu’en mourant, celle ci chercherait à le punir et à le frustrer. De la même manière, il avait jadis l’impression que sa mère, à chaque fois qu’il en était séparé et qu’il a désiré sa présence, était morte pour lui infliger punition et frustration. Seulement, lorsque la haine est ressentie pleinement et que le désespoir est à son comble, l’amour de l’objet se fait jour et la personne en deuil se met à sentir de plus en plus profondément que la vie intérieure et extérieure est appelée à continuer malgré tout, et qu’elle peut conserver en soi l’objet aimé et perdu. A ce stade du deuil, la souffrance peut devenir productive. C’est progressivement et en retrouvant sa confiance dans les objets externes et les valeurs de toutes sortes, que la personne en deuil peut raffermir sa confiance dans l’être mort. Ainsi, elle peut supporter de nouveau l’idée que cet être n’était pas parfait, sans pour cela perdre la confiance et l’amour qu’elle ressent à son égard, ni craindre sa vengeance. (M. Klein.1972. p 353).
La nostalgie de l’objet d’amour perdu implique aussi une dépendance à son égard, mais celle ci est d’une espèce qui finit par stimuler la réparation et la protection de l’objet. Elle est créatrice car elle est régie par l’amour, tandis que la dépendance fondée sur la persécution et la haine est stérile et destructrice. Une des différences entre la position dépressive précoce et le deuil normal est la souffrance que ressent le bébé, même si sa mère est auprès de lui. Par contre, chez l’adulte, la souffrance est éveillée par la perte réelle d’une personne réelle, car lui, il a déjà établi sa ‘’bonne’’ mère à l’intérieur de lui-même et c’est ce qui lui vient en aide pour supporter cette perte accablante. Le jeune enfant lutte au contraire, de toutes ses forces contre la peur de perdre cette ‘’bonne’’ mère interne aussi bien qu’externe, car il n’a pas encore réussi à l’établir sûrement à l’intérieur de lui même. Dans cette lutte, la relation de l’enfant à sa mère, la présence réelle de celle ci, sont d’un grand secours. De la même manière, si la personne en deuil est entourée de gens qu’elle aime et qui partagent sa souffrance, et si elle peut accepter leur sympathie, la restauration de l’harmonie dans son monde intérieur s’en trouve favorisée et ses craintes et sa détresse sont plus rapidement réduites. Dans le deuil normal, le sujet recommence à intérioriser et à installer avec la personne réelle qu’il a perdu, ses parents aimés qui sont dans sa pensée, ses ‘’bons’’ objets intérieurs. Son monde intérieur, ce monde qu’il a bâti depuis les premiers jours de sa vie a été détruit dans ses fantasmes lorsque la perte réelle a eu lieu. Inversement, c’est la reconstruction du monde intérieur qui va caractériser le succès du travail de deuil. C’est en réinstallant à l’intérieur de son corps ses bons parents aussi bien que l’être qu’il vient de perdre et en reconstruisant son monde intérieur désagrégé et rempli de dangers, qu’il surmonte sa souffrance, retrouve la sécurité et parvient à l’harmonie véritable et à la paix. (M. Klein.1972. p 369).
La théorie de Lacan
Dans son séminaire « Les relations d’objet » de 1956-1957[69], Lacan émet les différents courants qui se fondent sur la théorie de la relation d’objet, notamment avec Mélanie Klein et Winnicott pour qui la thérapeutique psychanalytique se fonde sur une amélioration des relations entre le sujet et l’objet et par voie de conséquences sur une adéquation de l’objet par rapport aux besoins du sujet.
Cependant, Lacan stipule que cette adéquation initiale s’avère impossible étant donné que l’objet du désir se veut être un objet essentiellement perdu et donc impossible à retrouver.
De plus, il conforte que l’inadéquation dans la relation entre la mère et l’enfant se trouve être la condition préalable afin que le sujet puisse incorporer, intégrer le monde humain en tant que sujet du désir.
De ce fait, selon Lacan, l’objet de satisfaction est perdu de façon irrémédiable dès le début de la vie de l’homme. Perte qui va engendrer une tension entre l’objet et le sujet, tension qui sera à l’origine d’une perpétuelle recherche de l’objet qui va refléter l’insatisfaction qui forme les processus subjectifs, autrement dit, le fondement du désir humain.
- Lacan conforte que le principe de réalité se veut être un passage qui provient du monde intérieur pour atteindre la réalité objective en mettant le point sur la continuité qui existe entre le principe du plaisir et le principe de réalité, sans tenir compte de la tension au cœur de la relation sujet-objet.
Ce principe de réalité entraîne ainsi le besoin d’une autonomie certaine de l’objet externe qui doit être satisfaisante afin que le désir du sujet puisse s’orienter vers le monde extérieur.
Toutefois, comme le soutien Freud, l’hallucination se trouve être l’outil de réalisation du principe du plaisir. Il importe alors de déceler le facteur qui peut permettre le détachement du sujet vis-à-vis du supposé plaisir originaire qui découle de l’objet interne, halluciné. Ce détachement permettant l’orientation du sujet vers un extérieur, pouvant être néanmoins, déplaisant.
Face à ce principe de détachement qui est ignoré par la théorie de l’adéquation initiale mère-enfant, dualiste, Lacan propose de mettre le manque radical de l’objet au centre de la constitution, de la structure du sujet.
Ainsi, l’accès à la réalité s’établira sans frustration mais plutôt par une séparation, à travers le phallus, entre la mère et l’enfant, rejoignant ainsi la triade œdipienne.
Il importe alors que la théorie psychanalytique distingue la réalité matérielle de la réalité symbolique qui est propre à l’expérience analytique. En effet, la réalité symbolique est fortement impliqué tant dans le domaine du principe du plaisir que du principe de réalité[70].
Par voie de conséquences, l’accès à la réalité, par l’enfant, ne peut s’effectuer dès lors qu’il y a relation symbiotique entre la mère et l’enfant.
De surcroît, dans toute relation qualifiée d’imaginaire, la relation à la fois duale et exclusive entre la mère et l’enfant ne peut se faire étant donné que le phallus, en tant que signifiant du désir est également présent. Présence qui vient actualiser l’incidence du langage par rapport au sujet.
Il importe ainsi de mettre en exergue l’importance de décrire l’aire intermédiaire, décrite par D. Winnicott, se situant entre la mère et l’enfant, distance qui s’avère nécessaire pour créer un objet séparateur dont le rôle consistera à véhiculer l’accès à la réalité.
De plus, cette aire peut s’assimiler à la scission de Lacan en ce qui concerne les principes de plaisir et de réalité.
De ce fait, l’objet transitionnel, dans son écrit sur « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien»[71], sera identifié comme étant la première forme de l’objet ainsi que l’outil, l’instrument de séparation entre le sujet et l’Autre.
La logique du deuil dans un cas de psychose
Est-il aisé de parler de deuil dans la psychose étant donné que le deuil repose sur un travail de symbolisation. En effet, il s’agit de l’intégration de la disparition de l’objet via un travail de symbolisation portant sur cet objet. Or, la psychose se caractérise principalement par un déficit du registre symbolique [72] [73].
Discussion :
Il s’avère ici, dans le cas de Marie, que le deuil, le travail de deuil qu’elle devait faire face à la mort de son père se reflète comme un traumatisme, un choc traumatique pour elle.
Selon Ferenczi, le traumatisme serait induit et provoqué par une rupture, un arrêt d’activités psychiques conjointement à l’installation d’un état de type passif tel une soumission qui est dépourvu de résistance, comme si paralysé, anesthésié, déconnecté de la réalité … entraînant subséquemment un arrêt de la perception et de la pensée.
D’ailleurs, Ferenczi affirme que le traumatisme est : « un choc inattendu non préparé et écrasant, agit pour ainsi dire comme un anesthésique »[74].
Le traumatisme provoque ainsi le retrait du sujet par rapport à lui-même à travers une, des effractions de la psyché qui se traduit par une séparation, un clivage de la totalité de la personne en une partie douloureuse, endolorie qui s’avère brutalement destructrice et une autre partie aussi flegmatique qu’omnisciente.
Ferenczi expose d’ailleurs des situations de clivages, de ruptures en cascade qui vont induire une dislocation de la vie psychique, un éparpillement de la personnalité qui peut aboutir à l’éradication du psychisme de la personne.
Effectivement, le morcellement, les fragmentations subséquentes au traumatisme dépossède la personnalité, l’âme … un corps sans âme qui ne ressent rien, ne perçoit rien …
Incontestablement, ce conflit, cette rupture avec le monde extérieur serait dus au fait que la libido lui ait été retiré pour être exclusivement dirigée vers le « Moi ». Autrement dit, il s’agirait principalement de la conséquence d’un Œdipe inachevé compte tenu du fait que la fonction de ce dernier occupe le centre de toutes structures cliniques.
C’est ce que Freud désigne par ailleurs comme une « régression temporelle de la libido » qui permettrait de distinguer la schizophrénie de la paranoïa.
A ce stade, l’Autre n’est pas présent, la fixation ne permet d’ailleurs pas de différencié suffisamment le monde extérieur. Effectivement, le seul sujet que le malade perçoit qui est lui-même se traduit à travers un corps-organisme morcelé et dont les sensations se manifestent à travers l’incohérence de son discours : perceptions désorganisées.
Stade qui se manifeste symboliquement chez Marie par son port de capuche, qui bien que traduit par l’institution comme étant un acte de protection et de camouflage semble plutôt s’apparenter à un isolement.
D’ailleurs, c’est à travers ce refoulement, que la libido initialement rattachée à « l’objet premier » se détacherait tant des personnes que du monde extérieur pur se focaliser, s’accumuler et s’ancrer sur le « Moi ». C’est cette fixation qui rend alors le sujet prédisposé à la maladie.
En outre, compte tenu de son historique familial, le père imaginaire va venir de manière intrusive en ce manifestant par une remise en cause de l’identification phallique.
L’enfant va prendre en compte l’intérêt que va porter la mère au père dans la réalité. Or, les 3 demi-frères de Marie ont accusés Mme Guichard-Aubert, sa mère avec qui elle entretient une relation fusionnelle, d’avoir soutiré de l’argent à Mr Guichard avant son décès. De plus, ces derniers ont empêchés Mme Guichard-Aubert d’assister aux funérailles de son mari (Mr Guichard), qui ignorait le lieu de la cérémonie.
L’enfant va alors se convaincre qu’il ne peut pas tout assouvir pour l’Autre dans la réalité de son existence et par conséquent ne pouvant pas être l’objet maternel.
L’identification phallique et sa remise en cause peut être effective grâce à la médiation signifiante de la mère.
Il y a deux principes qui vont permettre à l’enfant d’avoir accès à la remise en cause de l’identification phallique.
Le premier étant la médiation signifiante de la mère, c’est à dire que l’identification va être suscitée par les exigences de la réalité. C’est à l’aboutissement de cette médiation que la dimension symbolique va faire son apparition dans la dialectique œdipienne et qu’elle va être structurante ou non.
Lors de cette médiation la mère va signaler à l’enfant qu’il n’est pas l’objet qui lui manque. L’enfant va donc comprendre qu’il n’est pas l’objet du phallus pour la mère et que par conséquent qu’il n’a rien à attendre de cette identification imaginaire du phallus.
Toutefois il est important que la mère exprime sa dépendance au père et que le père confirme celle-ci afin de se positionner comme celui instaurant la loi. C’est ainsi que nait le registre symbolique et la chaine signifiante.
Or, la mère est dénuée du phallus dans l’espace imaginaire de la relation fusionnelle, c’est à ce moment là que le rôle du père doit être effectif, déloger le désir de l’enfant car il a le phallus. On peut considérer ce phallus comme le rival de l’enfant auprès de l’Autre.
La figure paternelle va venir faire vaciller l’identification de l’enfant à savoir s’il doit être ou pas le phallus.
Dans sa compréhension du traumatisme psychique, Sandor Ferenczi estime que certains traumatismes face à une réalité certaine sont délaissés et induisent une confusion de langue.
Cependant, Ferenczi de dire qu’: « à partir des obstacles à la réunion des éléments de la personnalité en une unité, on peut peut-être remonter à la manière dont se constitue le clivage lui-même. Au cours d’une torture psychique ou corporelle, on puise la force de supporter la souffrance dans l’espoir que tôt ou tard cela va changer ; on maintient donc l’unité de la personnalité. Mais si la quantité et la nature de la souffrance dépassent la force d’intégration de la personne, alors on se rend ou cesse de supporter, cela ne vaut plus la peine de rassembler ces choses douloureuses en une unité, on se fragmente en morceaux. Je ne souffre plus, je cesse même d’exister tout au moins comme Moi global. Les fragments isolés peuvent souffrir chacun pour soi. La cessation de la souffrance globale et son remplacement par des fragments de souffrance pourraient apporter ce soulagement soudain qui fait que des pleurs, la lutte, les cris s’inversent brusquement en rire »[75].
En d’autres termes, la rébellion ainsi que l’attitude d’isolement de Marie pourraient s’apparenter à une sorte de torture tant psychique que corporelle : rupture sans explication ni raison apparente.
C’est dire donc que la cause du traumatisme n’est pas extérieure mais plutôt intérieure et serait la résultante d’une « absence de réponse de l’objet face à une situation de détresse » qui est perçue comme un « viol de la pensée ».
Or, le cas de Marie met en exergue le décès de son père, ce qui rejoindrait Ferenczi qui affirme que l’origine du traumatisme est externe et peut être soit un accident, une agression, un bouleversement qui va entraîner un dysfonctionnement, une désorganisation de l’appareil psychique du sujet qui l’immerge dans un chaos psychique conjointement à une dévastation de toutes ses enveloppes psychiques le rendant vulnérable car atteignant le plus profond de lui-même.
Le décès de son père semble être vécu comme un véritable choc, un traumatisme à l’origine de la rupture du Soi de Marie : « Un choc inattendu, non préparé et écrasant, agit pour ainsi dire comme un anesthésique. Mais comment cela se produit-il ? Apparemment par l’arrêt de toute espèce d’activité psychique, joint à l’instauration d’un état de passivité dépourvue de toute résistance. La paralysie totale de la motilité inclut aussi l’arrêt de la perception, en même temps que l’arrêt de la pensée. La conséquence de cette déconnection de la perception est que la personnalité reste sans aucune protection. Contre une impression qui n’est pas perçue, il n’est pas possible de se défendre»[76].
Dans lequel, « Le ≪ choc ≫ est l’équivalent à l’anéantissement du sentiment de soi, de la capacité de résister, d’agir et de penser en vue de défendre le soi propre. Il se peut aussi que les organes qui assurent la préservation du soi abandonnent, ou du moins réduisent leur fonction à l’extrême »[77]
Au niveau de Marie, l’effet est immédiat lors de traumatisme assimilé à un choc psychique et/ou physique qui se manifeste par la fragmentation la dissociation de toutes ses enveloppes psychiques subséquemment aux ressentis physiques et/ou psychiques de l’enfant durant l’agression : « Le moment de l’abandon total de la maitrise extérieure (alloplastique) et de l’instauration de l’adaptation interne (au cours de laquelle devient concevable de se réconcilier même avec la destruction du moi, c’est-a-dire avec la mort, en tant que forme d’adaptation) sera éprouvé comme une délivrance ( ?), une libération ».[78].
Face à cela, des mécanismes de défense peuvent s’élaborer sous forme archaïque qui se traduit par des sensations d’étouffement, d’écrasement, submergeant le sujet dans ses défenses psychiques ou encore par des hallucinations, une agressivité certaine : « Dans les moments de grande détresse face auxquels le système psychique n’est pas a la hauteur, ou quand les organes spéciaux (nerveux et psychiques) sont détruits avec violence, des forces psychiques très primitives s’éveillent, et ce sont elles qui tentent de maitriser la situation perturbée. Dans les moments ou le système psychique fait défaut, l’organisme commence à penser»[79].
« Le moi abandonne entièrement ou partiellement le corps, la plupart du temps à travers la tête, et observe de l’extérieur ou de haut le destin ultérieur du corps en particulier ses souffrances »[80].
Effectivement, il s’agira de la défragmentation dont l’origine reste encore assez vague : mécanisme de défense ou d’adaptation ? Réaction directe au traumatisme ? : « Le clivage en deux personnalités qui ne veulent rien savoir l’une de l’autre, et qui sont groupées autour de différentes tendances, fait l’économie du conflit subjectif. […] Un enfant est frappe par une agression imparable, conséquence : ≪ il rend son âme ≫ avec la conviction totale que cet abandon de soi-même (évanouissement) signifie la mort. Mais justement, la relaxation totale qui s’établit par l’abandon de soi peut créer des circonstances plus favorables pour pouvoir supporter la violence. »[81].
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[1] Schizophrénie. Synopsis de Psychiatrie. Psychiatrie de l’adulte I. Kaplan H., Sadock B. eds. Masson. Paris, 1998. pp 176-218.
[2] Autres troubles psychotiques. Synopsis de Psychiatrie. Psychiatrie de l’adulte I. Kaplan H., Sadock B. eds. Masson. Paris, 1998. pp 219-257.
[3] Mémoire Master 2 UCO
[4]Sandor Ferenczi. Le Traumatisme, Petit bibliothèque Payot, 2006, Paris- p. 129
[5] MAHLER, M., Psychose infantile, Payot, Paris, 1977. La thèse de Margaret MAHLER (1897 – 1985) repose sur la théorie freudienne des pulsions et des stades du développement libidinal ; elle y intègre les apports de l’égopsychologie, notamment le concept du moi autonome primitif.
[6] LACAN, J. Ouverture de la section clinique, le 5 janvier 1977, Ornicar ?, no 9, Paris : Navarin, diff. Seuil, 1977.
[7] Lacan J., Le séminaire III.
[8] Lacan J., D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose in les Ecrits.
[9]Dor J., introduction à la lecture de Lacan : l’inconscient structuré comme un langage.
[10]Dictionnaire de la psychoanalyse, Larousse P.265
[11]Lacan J., 1955, « La signification du délire », in Le séminaire, livre III, Les psychoses, Seuil, 1981, p. 31.
[12]C. Soler, L’inconscient à ciel ouvert de la psychose: Presses universitaires du Mirail, coll. Psychanalyse, 2002.
[13] Lacan J. De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité. Paris : Le François, 1962.
[14] Lacan J. Le séminaire, Livre III. Les psychoses. Paris : Le Seuil, 1981
[15] VINCENT MARK DURAND, DAVID H. BARLOW, MICHEL GOTTSCHALK « PSYCHOPATHOLOGIE: UNE PERSPECTIVE MULTIDIMENSIONNELLE ». TRADUIT PAR MICHEL GOTTSCHALK PUBLIE PAR DE BOECK UNIVERSITE, 2004
[16] Catherine Audibert. L’incapacité d’être seul. Essai sur l’amour, la solitude et les addictions. Editions : Payot- p.200
[17] Donald W. Winnicott. La capacité d’être seul, loc. cit. : 329-p.65
[18] « (…) tout ce qui existe ne vit que dans le manque à être » Jacques Lacan, 1959-60, Le séminaire. Livre VII. L’éthique de la psychanalyse. Paris: Seuil, 1986, p. 341.
[19] Jacques Lacan, 1958-59, Le séminaire. Livre VI. Le désir et son interprétation. Inédit. Séance du 12/11/1958.
[20] 3 Jacques Lacan, 1958-59, Ibid.
[21] Jacques Lacan, 1958, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir. » Écrits, Paris: Seuil, 1966, p. 623
[22] «L‟inconscient est discordant. L‟inconscient est ce qui, de parler, détermine le sujet en tant qu‟être, mais être à rayer de cette métonymie, dont „je‟ supporte le désir, en tant que tout à jamais impossible à dire comme tel » Jacques Lacan, 1974-1975, Le séminaire. Livre XXII. RSI, Inédit, leçon du 21 janvier 1975.
[23] Jacques Lacan, 1960, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l‟inconscient freudien. » Écrits, Paris: Seuil, 1966, p. 804
[24] Jacques Lacan, 1964, Le séminaire. Livre XI. Le quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Paris: Seuil, 1973, p. 229.
[25] Jacques Lacan, 1959-60, op.cit, p. 24.
[26] Jacques Lacan, 1958-59, Le séminaire. Livre VI. Le désir et son interprétation. Inédit. Séance du 10/06/1959.
[27] Jacques Lacan, 1958, op. cit., p. 637.
[28] Jacques Lacan, 1958, op. cit., p. 638
[29] « Le psychotique est normal dans sa psychose et pas ailleurs, parce que le psychotique dans le désir a affaire au corps. » « Pour le psychotique le corps propre, qui est à distinguer à sa place, dans cette structuration du désir, le corps propre a toute l‟importance. » Jacques Lacan, 1961-62, Le séminaire. Livre IX. L’identification. Inédit. Leçons 20 juin de 1962 et 13 juin 1962.
[30] Jacques Lacan, 1958, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir. » Écrits, Paris: Seuil, 1966, p. 623
[31] Jacques Lacan, 1958-59, op.cit., 10/12/1958.
[32] Jacques Lacan, 1958, op. cit., p. 615.
[33] Jacques Lacan, 1958-59, op.cit., séance du 01/07/1959.
[34] « Un père n’a droit au respect, sinon à l’amour, que si le dit, le dit amour, le dit respect, est, vous n’allez pas en croire vos oreilles, père-versement orienté, c’est-à-dire fait d’une femme, objet petit a qui cause son désir. Mais ce que cette femme en petit a cueille, si je puis m’exprimer ainsi, n’a rien à voir dans la question! Ce dont elle s’occupe, c’est d’autres objets a qui sont les enfants auprès de qui le père pourtant intervient, exceptionnellement dans le bon cas, pour maintenir dans la répression, dans le juste mi-Dieu si vous me permettez, la version qui lui est propre de sa perversion, seule garantie de sa fonction de père; laquelle est la fonction, la fonction de symptôme telle que je l’ai écrite là, comme telle.» Jacques Lacan, 1974-75, Le séminaire. Livre XXII. RSI. Inédit, séance du 21 janvier 1975.
[35] Jacques Lacan, 1958-59, Le séminaire. Livre VI. Le désir et son interprétation. Inédit. Séance du 03/06/1959.
[36] Jacques Lacan, 1959-60, Le séminaire. Livre VII. L’éthique de la psychanalyse. Paris: Seuil, 1986, p. 329
[37] Dans la lecture de Lacan, Aristote finit par laisser la déraison et le désir du même côté: celle de la bestialité.
[38] Dictionnaire de la psychanalyse, Larousse P.171
[39] Dictionnaire de la psychanalyse, Larousse P.147
[40]G.Chaboudez (2002) l’auto-érotisme de la jouissance phallique.
[41]J.Lacan, le stade du miroir, écrits, Paris, Seuil, 1996, P.95
[42] Tustin, F. Autisme et psychose de l’enfant, Paris: Édition du Seuil, 1977, p67, op. Cit. p11.
[43] http://pontfreudien.org/content/jean-claude-maleval-qui-sont-les-autistes
[44] http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychiatrie/enfant/therapie/margaret-mahler.htm
[45] Freud, S. 1924. The Loss of Reality in Neurosis and Psychosis, S.E. vol. XIX, 183-190.
[46] Freud, S. 1924. A Note on the Mystic Writing-Pad (1925), S.E. vol. XIX, p. 227-234.
[47] Laplanche, J. ; Pontalis, J.B. 1967. Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, puf.
[48] Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 101-124.
[49] Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 103.
[50] A. Bécache. Structure psychotique. Psychologie pathologique © 2012 Elsevier Masson SAS
[51] Freud. Angoisse et culpabilité. – L’ANGOISSE p. 370-388 Article 25
[52] Winnicot D.W. , « La crainte de l’effondrement », La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Paris, Gallimard, 1989, p. 214
[53] Structuration dynamique dans la psychose. Contribution à la psychothérapie analytique. Gisela Pankow, édi tion Campagne Première, 08/2010
[54] PANKOW G., 1969, L’homme et sa psychose, Aubier, p. 277.
[55] E.W. Pireyre, Clinique de l’image du corps, Paris : Dunod, 2011, p.32
[56] J.D. Nasio, Mon Corps et ses Images, Paris : Payot, 2007, p.112
[57] J.D. Nasio, Mon Corps et ses Images, Paris : Payot, 2007, Citations recueillies : pages 114 à 122
[58] J.D. Nasio, Mon Corps et ses Images, Paris : Payot, 2007, Citations recueillies : page 144
[59] F. Dolto, L’image inconsciente du corps, Paris : Le Seuil, 1984, Citations recueillies : pages 16 à 23
[60] F. Dolto, L’image inconsciente du corps, Paris : Le Seuil, 1984, Citations recueillies : pages 49 à 57
[61] F. Dolto, L’image inconsciente du corps, Paris : Le Seuil, 1984, Citations recueillies : pages 154 à 158
[62] Metais. S Deuil. Encyclopedia Universalis.fr
[63] Amar S. Deuil chez l’adulte. La revue du praticien médecine générale, 2008, 22, 811- 812.
[64] Amar S. Deuil chez l’adulte. La revue du praticien médecine générale, 2008, 22, 811- 812.
[65] Bacque M.F., Hanus M. Le deuil, Paris : Presse Universitaire de France, 2009, 228 p.
[66] Freud, S. (1915). Deuil et mélancolie. In : Œuvres Complètes, tome XII. Paris: PUF (1991)
[67] Bourgeois, M. L., Cereijo, C., & Radat, F. (1996). Deuils compliqués et deuils psychiatriques : Etudes de 106 patients hospitalisés en psychiatrie. Annale Médico‐Psychologiques, 154(7), 469‐473.
[68] Hanus, M. (2006). Deuils normaux, deuils difficiles, deuils compliqués et deuils pathologiques. Annales Médico‐Psychologiques, 164, 349‐356.
[69] Lacan J. (1986). Le Séminaire (Livre IV, La relation d’objet, 1956-57). Paris : Seuil.
[70] Lacan va formuler postérieurement la notion du Réel comme ce qu’on trouve à la limite de l’expérience analytique.
[71] Lacan J. (1971). Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien. In Écrits (Tome 2). Paris : Seuil. Page 793.
[72] http://www.causefreudienne.net/les-psychoses/:La parole de l’autre dans la psychose
[73] http://www.amp-nls.org/page/fr/49/nls-messager/0/2014-2015/1913 :Lien entre deuil et psychose.
[74]Sandor Ferenczi. Le Traumatisme, Petit bibliothèque Payot, 2006, Paris- p. 40
[75]Sandor Ferenczi. Le Traumatisme, Petit bibliothèque Payot, 2006, Paris- p. 129
[76] S. Ferenczi S. (2006), Le traumatisme, Petite bibliothèque Payot, Paris,p. 40.
[77] S. Ferenczi S. (2006), Le traumatisme, Petite bibliothèque Payot, Paris,p. 33.
[78] S. Ferenczi S. (2006), Le traumatisme, Petite bibliothèque Payot, Paris,p. 67.
[79] S. Ferenczi S. (2006), Le traumatisme, Petite bibliothèque Payot, Paris,p. 63-64.
[80] S. Ferenczi S. (2006), Le traumatisme, Petite bibliothèque Payot, Paris,p. 54.
[81] S. Ferenczi S. (2006), Le traumatisme, Petite bibliothèque Payot, Paris,p. 87.
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