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Approche comparative entre « Enfance gantoise » de Suzanne Lilar et « Enfance » de Nathalie Sarraute

Thème 

Approche comparative entre « Enfance gantoise » de Suzanne Lilar et « Enfance » de Nathalie Sarraute

Plan

  1. Présentation des deux œuvres

 

  1. Présentation du livre « Enfance gantoise » de Suzanne Lilar

 

  1. Bref résumé du livre suivi d’une brève biographie de l’auteur
  2. Etudes préliminaires de l’ouvrage :
    • Délimitation de l’époque où il a été écrit
    • Etude du style d’écriture, du fond et de la forme
    • Présentation primaire des différents thèmes

 

  1. Présentation du livre « Enfance » de Nathalie Sarraute

 

  1. Bref résumé du livre suivi d’une brève biographie de l’auteur
  2. Etudes préliminaires de l’ouvrage :
    • Délimitation de l’époque où il a été écrit
    • Etude du style d’écriture, du fond et de la forme
    • Présentation primaire des différents thèmes

 

>>> Les deux parties sur la biographie serviront à comparer le parcours des deux auteures pour y voir une similitude ou des différences, pour détecter si les raisons propres à l’écriture des deux ouvrages sont proches ou éloignées, bref, pour une comparaison aidant à mieux comprendre l’écriture et sa cause, dans le cadre de la littérature comparative.

  1. Similitudes entre les deux œuvres dans les thèmes traités

 

  1. L’autobiographie 

Les deux récits sont focalisés sur un personnage principal qui est l’auteure elle-même et son histoire, plus précisément son enfance

  1. Les souvenirs d’enfance ou la peinture de l’enfance à travers le vécu

 

  1. La mise en exergue de l’importance du double ou du dédoublement

 

Dédoublement de l’auteur dans Enfance et envie de dédoublement de l’auteur dans Enfance gantoise ainsi que dédoublement de la nature : chaque chose a un double aspect

  1. Le façonnage de l’auteur à travers le récit autobiographique

Ces deux œuvres modèlent petit-à-petit les deux auteurs et les conduisent à devenir ce qu’elles sont devenues à l’âge adulte ainsi que la compréhension de l’auteure « adulte » par la projection dans son enfance. En outre, on y retrouve les auteures en tant qu’enfants et les évènements, les sentiments, etc. qui ont fait d’elles des auteures, qui ont façonné leur âme d’auteures.

  1. L’introspection

 

  • Différences entre les deux œuvres

 

  1. Le style d’écriture des auteures
    • Usage de l’incipit et du dialogue entre deux versions opposées de l’auteur étant enfant dans Enfance de Nathalie Sarraute
    • Style d’écriture classique dans Enfance gantoise de Suzanne Lilar

 

  1. La profondeur des récits

 

  • Enfance de Nathalie Sarraute : plus historique et personnel
  • Enfance gantoise de Suzanne Lilar : plus philosophique avec un rapport plus poussé avec la nature (l’écrivaine se décrit par rapport à la nature et à ses émotions plutôt qu’aux événements vécus comme c’est le cas dans Enfance de Nathalie Sarraute)

 

  1. La description du cadre familial

 

  • Nathalie Sarraute : une enfant avec des problèmes conflictuels avec ses parents, surtout sa mère
  • Suzanne Lilar : une enfant choyée et entourée par un amour parental sans faille
  • La nostalgie : nostalgie heureuse chez Lilar et nostalgie plus douloureuse chez Sarraute.

 

  1. Conclusion ou relation entre les deux œuvres

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

Selon Yves Chevrel, « la littérature comparée est à entendre comme la science comparative de la littérature, une branche des sciences humaines et sociales qui se propose d’étudier les productions humaines signalées comme œuvres littéraires, sans que soit définie au préalable quelque frontière, notamment linguistique, que ce soit. Il ne s’agit pas tant de « comparer des littératures » que de questionner la littérature (au sens de collection d’œuvres) en plaçant chaque œuvre, ou chaque texte, dans des séries élaborées par le chercheur, qui interrogent la singularité relative de cette œuvre. Les comparatistes construisent ainsi des espaces où ils se heurtent volontairement à des œuvres venues de pratiques et de cultures « autres » : l’étranger est leur pierre de touche.[1] » 

 

Il s’agit d’une branche tendant à comparer des œuvres littéraires issues de cultures différentes pour en appréhender les frontières, les échanges, les disparités, les similitudes, bref, les rapports entre les deux œuvres. La comparaison peut donc être menée pour dégager une ressemblance ou une différence entre les deux œuvres. Elle peut également être réalisée à des fins de connaissance, d’instruction, de comparaison de deux cultures différentes et donc d’études, de réflexion, etc.

 

Dans le cadre de ce mémoire, deux œuvres littéraires francophones seront comparées : « Une enfance gantoise » de Suzanne Lilar et « Enfance » de Nathalie Sarraute. C’est une confrontation littéraire entre deux ouvrages produits par deux auteures issues de deux pays différents : Suzanne Lilar étant un auteur belge et Suzanne Sarraute étant un auteur français. Nous allons mettre en évidence, en comparant ces deux ouvrages, les similitudes et les différences entre ces deux œuvres qui se rejoignent dans une seule cause : l’autobiographie des deux auteurs et le récit de leur existence durant l’enfance, permettant de comprendre les auteures dans leur âge adulte et dans leur écriture.

 

Ecrits à 13 ans d’intervalle, Une enfance gantoise en 1976 et Enfance en 1983, ces deux chefs d’œuvre exposent tous les deux l’enfance des deux auteures et leur vécu, une enfance les ayant façonnées et ont construit leur esprit d’auteur. La vie durant l’enfance, l’insouciance, la découverte de la nature, les questionnements fondamentaux sur l’univers et l’environnement qui nous entoure, l’amour parental, etc. sont des thèmes communs à ces deux œuvres. Traitant donc de la même cause, il nous a paru opportun de les étudier dans le présent mémoire qui a pour thème : Approche comparative entre « Enfance gantoise » de Suzanne Lilar et « Enfance » de Nathalie Sarraute.

Pour mener à bien notre tâche, nous diviserons ce travail en quatre parties. La première partie servira de brève introduction au mémoire et présentera les deux œuvres. Y seront abordés des points tels que le résumé des deux œuvres respectives, la brève biographie des deux auteures et les études préliminaires sur les deux livres.

 

A souligner, au départ, que ces biographies serviront à comparer le parcours des deux auteures pour y voir une similitude ou des différences, pour détecter si les raisons propres à l’écriture des deux ouvrages sont proches ou éloignées, bref, pour une comparaison aidant à mieux comprendre l’écriture et sa cause, dans le cadre de la littérature comparative.

 

La seconde partie présentera les similitudes entre les deux œuvres, des similitudes au niveau des thèmes qui y sont traités, à savoir l’autobiographie, les souvenirs d’enfance ou la peinture de l’enfance à travers le vécu, la mise en exergue de l’importance du double ou du dédoublement et le façonnage de l’auteur à travers le récit autobiographique ainsi que l’introspection.

 

La troisième partie présentera les disparités entre ces deux œuvres, dans le style d’écriture, dans la profondeur des récits et dans la description du cadre familial. La dernière partie consiste en une conclusion et en une présentation des relations entre les deux ouvrages, si elle existe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Présentation des deux œuvres

 

 

  1. Présentation du livre « Enfance gantoise » de Suzanne Lilar

 

Dans le cadre de notre étude, nous allons donc présenter brièvement les deux ouvrages que nous allons analyser dans cette partie. Nous allons commencer par la présentation du livre Enfance gantoise de Suzanne Lilar.

 

  1. Bref résumé du livre suivi d’une brève biographie de l’auteur 

 

  • Résumé

 

 

Le livre « Enfance gantoise » est un livre autobiographique qui relate la vie de Suzanne Lilar durant son jeune âge. Cet ouvrage raconte ainsi son histoire, quand elle était petite fille, ayant vécu au début du XXe siècle. Nous découvrons, ou nous nous rappelons donc à travers ce livre cette époque, mais à travers les yeux d’une petite fille de la bourgeoisie gantoise, ayant des parents intellectuels et francophones. Cette vie, qu’elle raconte sera plutôt paisible et calme mais sera loin d’être ennuyeuse.

 

 

La société où elle grandit autrefois, était divisée en castes rigides basées sur la profession et la richesse. Nous retrouvons donc, d’une manière parfois amusante l’avis de cette petite sur cette société où seule la classe ouvrière parlait flamand et où les classes plus aisées parlaient français.

 

 

Nous retraçons donc dans ce livre le chemin suivi par Suzanne Lilar, qui a fait d’elle l’auteur émérite que nous connaissons actuellement. Ce livre, au-delà-de cette aspect autobiographique va également nous permettre de comprendre l’amalgame et la complémentarité des cultures flamandes et françaises. Ces deux cultures, plutôt que de déchirer la culture de cet auteur, vont la permettre de s’enrichir intellectuellement et nous ressentirons tout au long de son périple leur beauté et leur originalité, malgré que toute l’œuvre soit écrite en français.

 

 

 

 

 

  • Biographie de l’auteur

 

Suzanne Lilar (née Suzanne Verbist) est une dramaturge, essayiste et romancière née le 21 mai 1901 en Belgique, dans la ville de Gand et morte le 11 décembre 1992 à l’âge de 91 ans à Bruxelles. D’une mère institutrice et d’un père chef de gare, tous deux intellectuels et amateurs d’art, elle fut la première femme à être admise au barreau après qu’elle se soit installée à Anvers.

 

Elle se maria avec Albert Lilar, avocat devenu ministre de Justice et ministre d’Etat dans les années 30, elle donna naissance à Françoise Mallet Joris, également écrivaine et Marie Frederiq Lilar, historienne d’art.

 

Cette ancienne journaliste (L’indépendance Belge, 1931) a ensuite commencé une carrière de dramaturge dans Le Burlador en 1946 en réinterprétant d’un point de vue féminin le mythe de Don Juan. Elle écrivit aussi des pièces de théâtre, des essais critiques concernant ce domaine, des romans et des œuvres autobiographiques comme celle que nous allons étudier[2].

 

  1. Etudes préliminaires de l’ouvrage 

 

 

  • Délimitation de l’époque où il a été écrit

 

Le livre « Enfance gantoise » fut l’un des premiers romans autobiographiques de l’auteur. En effet, à cette époque, ayant atteint une certaine apogée dans le style littéraire et une expérience critique dans ses essais, Suzanne Lilar s’est donc lancée dans l’écriture de cet ouvrage relatant son histoire.

 

La deuxième moitié du XXe siècle fut donc la période à laquelle a été écrite cette histoire, soit près de 30 ans après la fin de la seconde guerre mondiale et certainement en pleine guerre froide, si nous nous référons à la date de publication qui est de 1976. C’est dans ce climat que l’auteur a puisé dans ses mémoires pour sortir un livre relatant sa vision quelque peu enfantine de la société.

 

La période durant laquelle ce texte fut écrit était donc assez tendue étant donné que la guerre froide a duré de 1947 à 1989. L’incertitude qui régnait quant à l’issue des différentes menaces de cette époque mais également la détente de par le rapprochement des puissances des Etats-Unis et de la Russie ont permis à la littérature de cette époque de proliférer malgré le contexte politique. La Belgique étant devenue actrice de cet événement historique depuis 1947 a donc été l’une des possibles cibles d’une guerre nucléaire[3].

 

Il est difficile de dire exactement le contexte de cette époque a poussé psychologiquement et émotionnellement l’auteur à écrire son livre. Peut être est-ce la volonté de trouver refuge dans un passé perdu face à l’incertitude de l’avenir. Inconsciemment, il serait aussi normal de supposer que c’est l’antagonisme des puissances, de différentes cultures, le mépris entre eux qui ont rappelé à l’auteur la même fracture qui a bouleversé la Belgique de son enfance.

 

Ou est-ce une manière de montrer que la différence de cultures peut donner lieu à un enrichissement personnel, cet enrichissement qu’elle a su mettre à profit et cette double origine que nous retrouvons dans les écrits de l’auteur.

 

Parler de cette époque s’avère être assez hasardeux étant donné que malgré le contexte politico-social qui n’était pas réellement calme, plusieurs avancées ont été réalisées dans de nombreux pays. Il s’avère néanmoins que nous pouvons remarquer une certaine influence du contexte sur l’écriture de Suzanne Lilar, qui, d’une certaine manière évoque le passé pour le comparer au présent.

 

  • Etude du style d’écriture, du fond et de la forme

 

L’écriture de « l’Enfance gantoise » est non seulement un accomplissement pour Suzanne Lilar  mais aussi un retour aux sources pour elle-même pour comprendre son succès[4]. Ce roman qui a pour forme un roman autobiographique se base sur une vision franche et parfois ironique de la société belge dans laquelle elle a évolué.

 

 

 

Nous pouvons dénoter chez cet auteur l’influence d’un style néo-classique. En effet, d’une manière amusée et comme nous l’avons déjà précisée, ironique, Madame de la Fayette et Choderlos de Laclos sont les auteurs qui se rapprochent le plus de Suzanne Lilar. Ce style d’écriture se caractérise par l’utilisation d’un langage clair et soutenu.

 

Les phrases sont également souvent longues dans les différents textes écrits par cet auteur. En effet, cette dernière, malgré un langage soutenu comme nous l’avions précisé antérieurement, ne s’abstient pas d’utiliser des parenthèses, des incises, des tirets pour mieux s’exprimer. Les phrases se meuvent dans nos esprits et se lisent facilement de par leur élégance et de par le vocabulaire utilisé qui est réfléchi sans pour autant montrer une once de pédantisme. Malgré qu’elle ait vécu dans une famille plutôt aisée, nous ne décelons pas dans son écriture l’arrogance que certains auteurs ont.

 

Toujours axée sur l’interrogative et la relative, nous pouvons noter que Suzanne Lilar prend plaisir à utiliser une pléthore d’énumérations mais aussi de nombreux aphorismes. Ne produisant pas la vérité dans ses écrits, elle invite donc le lecteur à entrer dans son monde et à rechercher cette vérité avec elle, à la manière d’un Friedrich Nietzsche, qui ne manque parfois pas de se contredire pour la trouver[5].

 

Nous pouvons aussi dénoter l’insertion de discours directs au sein même de certains paragraphes et n’oublions pas l’humour avec lequel elle dépeint la société, dans les yeux d’un enfant, mais également à travers l’intelligence d’un adulte.

 

  • Présentation primaire des différents thèmes

 

Dans ce livre que nous avons eu l’occasion d’analyser, un thème est assez récurrent. Comme nous l’avons déjà dit, la société belge de cette époque était divisée en castes, où les plus aisés parlaient français, tandis que les plus pauvres parlaient flamand. Cette langue, que les « nobles » méprisaient pour préférer l’utilisation du français a donc marqué une fracture dans le pays, mais également une obligation de coexister malgré les différences.

 

 

Nous pouvons donc remarquer que le dualisme est le thème clé de cette histoire. Le dualisme entre deux cultures, la culture française et la culture belge entre lesquelles Suzanne Lilar évoluait. Un dualisme qui ne lui a pas pourtant pas fait perdre ses repères. En effet, nous pouvons voir que cet auteur a réussi à intégrer en on être et en sa mentalité ces deux cultures de manière à pouvoir évoluer. Elle nous donne donc un message d’espoir en ce qui concerne la paix qui peut naître de deux cultures, deux façons de penser différentes.

 

En outre, différents autres thèmes sont abordés : la peinture de l’enfance, le retour aux sources, l’autobiographie, etc. Cet ouvrage se veut annonciateur de l’auteur, c’est-à-dire qu’il explique et présente implicitement l’auteur dans son âge adulte, à travers l’amour de l’environnement et les différents questionnements sur soi qui ont forgé le caractère et la soif de savoir de l’auteure, des facteurs l’ayant amenée à écrire.

 

  1. Présentation du livre « Enfance » de Nathalie Sarraute

 

 

  1. Bref résumé du livre suivi d’une brève biographie de l’auteur

 

 

  • Résumé

 

 

Le livre « Enfance » de Nathalie Sarraute, publié originellement en 1983 est une autobiographique de cet auteur. Basé donc sur l’histoire de son enfance, nous aurons l’occasion de voir en ce livre une introspection sur les différentes raisons qui ont poussé par exemple sa mère à l’abandonner à son père. Plutôt qu’une description de l’environnement social, nous avons ici un récit quasi psychologique ou psychanalytique, un dualisme entre la voix de la raison et celle de la volonté.

 

 

Ce roman autobiographique se caractérise justement par cette manière qu’elle a de parler du passé au présent, de plonger le lecteur dans ses visions et ses pensées profondes. Parlant à la première personne, elle remonte donc aux sources de son enfance pour comprendre également comment elle en est arrivée à ce qu’elle est devenue. Le souci de la vérité se ressent dans ce roman étant donné que l’auteur avoue parfois ne pas se souvenir de certains détails.

 

 

Loin de jouer sur le drame ou d’idéaliser son enfance, nous apprécierons donc en ce livre, une œuvre franche et sincère qui veut dresser un portrait véridique de l’auteur, que nous reconnaitrons sous le nom de Natacha (surnommée aussi Tachok), enfant ordinaire, loin de ses talents d’écrivaine émérite.

  • Biographie

Nathalie Sarraute (Natalia ou Natacha)  connue également sous le nom de Natalie Tcherniak est une écrivaine française née en Russie (Ivano-Voznessenak), dans une bourgeoisie juive, le 5 juillet 1900. Ses parents divorcèrent quand elle eut deux ans et elle dût partager sa vie entre la Russie, la Suisse, France et Genève, où ses parents ont dû déménager. Elle vécut donc dans une famille à la fois dans la famille reconstruite de son père biologique et celle de sa mère biologique.

 

Ayant reçu ne éducation plutôt cosmopolite, elle aura l’occasion d’étudier l’histoire à Oxford, la sociologie à Berlin et le droit à Paris. Elle aura aussi eu une carrière d’avocate et fut admise au barreau de Paris. Elle épouse également un avocat, Raymond Sarraute, qui lui donna 3 enfants, Claude (1927) journaliste, romancière et comédienne, Anne (1930), assistante de réalisation, chef monteuse et secrétaire de rédaction à La Quinzaine Littéraire) et Dominique Sarraute, photographe.

 

Elle ne découvre la littérature que vers ses 41 ans après avoir été radiée du barreau de Paris à cause des lois anti-juives qui ont été promulguées sous la domination d’Hitler. Elle dut même se séparer de son mari afin de le protéger d’une éventuelle radiation et eu l’occasion de se consacrer à la littérature, et publia son premier essai littéraire, en 1956, « L’Ere du soupçon ». Elle écrit ensuite plusieurs romans, essais et théâtres.

 

Elle mourut en 1999, à Paris le 19 octobre à l’âge de 99 ans.

 

  1. Etudes préliminaires de l’ouvrage 

 

 

  • Délimitation de l’époque où il a été écrit

 

 

L’époque à laquelle fut écrite cette histoire est bien différente du contexte dans lequel a été écrit l’œuvre de Suzanne Lilar. En effet, nous nous retrouvons ici, malgré encore quelques conflits entre les deux pôles, une dissolution latente du dualisme entre les Etats Unis d’Amérique et l’U.R.S.S. (Union de la République Socialiste Soviétique) à cause des crises économiques issues causées par les différentes guerres. Il à noter que 2 ans près, l’U.R.S.S. fut peu à peu démantelée pour laisser place à des Etats éparses, dont la Russie.

 

 

Nous avons donc ici une atmosphère sur fond de fin de guerre, après les différents conflits entre les nations. Malgré que la période entre 1975 et 1984, nous assistons à une reprise des conflits avec une menace de guerre de plus en plus probable, la reprise de la tension entre les deux pôles   les conditions économiques de chaque pays ont plutôt laissé penser à une impossibilité d’entrée en guerre.

 

 

C’est également face à ce dualisme entre son pays d’origine et son pays d’accueil (La France) que l’auteur a écrit ce récit, peut être en souvenir de ce que fut son enfance. Nous noterons que cet auteur, plutôt que de s’axer sur la réalité sociale de son époque a surtout essayé de dresser son propre portrait à travers ses souvenirs, ce qui nous fait demander si c’est le contexte de l’époque qui l’a réellement inspiré.

 

 

En effet, dans le livre lui-même, nous pouvons voir qu’elle a douté de sa capacité et de sa volonté à vouloir retracer dans un livre sa propre enfance, plutôt que de se ranger et de prendre sa retraite. Elle avoue même que c’est pour faire face à ses propres peurs[6], sa peur de l’informe et de l’inconnu, peut être en rapport avec l’avenir incertain que réserve la fin de la guerre. Inconsciemment, la situation et le contexte où elle a vécu, l’a poussée à chercher dans son passé la peur qui la hante dans le présent. Bien sûr, nous n’en sommes qu’à des postulats et il serait bien difficile de dire que cela représente la réalité de l’état d’esprit de l’auteur au moment où elle a écrit son livre.

 

 

 

  • Etude du style d’écriture, du fond et de la forme

 

L’œuvre de cet auteur a été départagée en 70 différents fragments qui correspondent à ses souvenirs selon une situation géographique ou mentale donnée qui pourrait retracer son passer. Nous pouvons remarquer que cette œuvre, même si elle est autobiographique, ne suit pas une chronologie et ressemble plus à un recueil de souvenirs.

 

Nous pouvons également voir un certain dualisme sur lequel se base l’auteur pour développer son histoire. Dualisme à cause de l’opposition entre les différentes éducations qu’elle a reçues de ses parents, son père priorisant les études, sa mère non, son père plus introverti, sa mère extravertie.

 

Nous pouvons également remarquer une interpénétration des idées et des sensations tels la mise en avant  d’un style d’écriture se rapprochant plus d’une pensée que d’un récit, d’une vision subjective que d’une narration. Les espaces géographiques et les lieux que l’auteur a connus servent généralement de base à l’ensemble des histoires et sont associées aux sensations et aux personnages rencontrés.

 

Le livre, en dehors des chapitres, est également divisé en deux grandes parties dans le récit, qui marquent une rupture entre les souvenirs plutôt bons des débuts de l’enfance et une enfance un peu plus difficile. Ces deux parties marquent également la période avant le départ de sa mère, de sa naissance à février 1909 où il y a alternation des souvenirs de chacun de ses parents et après le départ de sa mère, où se sont les souvenirs qu’elle a de sa belle-mère (Véra) et de son père qui sont omniprésents.

 

Le style d’écriture de cet auteur, essaye de sortir des sentiers battus attribués à l’autobiographie, qui offre une vision adulte de l’enfance qui est fortement influencées par les propres préjugés du narrateur et son avis intellectuel d’adulte. Plutôt que d’une introspection philosophique à proprement parler, nous apprécierons dans ce livre une écriture liée aux sentiments sans filtre intellectuel.

 

 

Egalement, le style d’écriture rappelle aussi la pensée avec des phrases brèves, ponctuées par des points de suspension. Nous remarquerons également l’utilisation de phrases juxtaposées ou des phrases utilisant en majorité « et »  comme conjonction de coordination. Ainsi, loin du style compliqué d’un écrivain professionnel, l’auteur essaye de retranscrire l’ambiance de ses souvenirs avec la vision d’un enfant plutôt que de retranscrire son enfance avec la vision d’un adulte.

 

 

De par le caractère imprécis des souvenirs, plutôt que d’utiliser des descriptions vraiment élaborées et des désignations explicites, l’auteur préféra également l’utilisation de mots indéfinis. Ces mots indéfinis comme « ça » ou « quelque chose » accentuent la vision de l’enfant qu’elle était qu’elle se réapproprie. En effet, contrairement à un adule, l’enfant ne connaît pas explicitement plusieurs « choses » et les traitera uniquement comme ce qu’elles sont, des « choses » dont elle ne connait pas exactement ni le nom, ni l’utilité mais dont l’auteur se souvient.

 

 

Le plus intriguant, et ce qui fait l particularité de cette œuvre est la présence de deux voix, une confrontation entre ses deux « moi », qui se donnent la parole pour une introspection critique de la vision de l’enfance et la volonté de retranscrire fidèlement l’enfance.

 

Contrairement à une écriture structurée, mettant d’abord en avant la scène où se déroulent les événements et le contexte, nous remarquerons que ce sont les dialogues entre les deux facettes de sa personnalité qui introduisent in media res l’élément central d’un souvenir qui donne l’impression que la pensée est restituée telle quelle sans qu’il n’y ait arrangement ni modification de tel ou tel processus intellectuel.

 

 

  • Présentation primaire des différents thèmes

 

Le thème omniprésent dans ce récit est également la dualité. Ici, nous ne parlerons pas non seulement de dualité entre la culture de deux pays ni la dualité entre deux cultures. Nous parlerons ici de dualité entre des personnalités.

 

Tout d’abord, comme nous l’avons dit, il ya dualité entre la vision des parents de l’auteur du principe le plus important qui constitue l’éducation.

 

Egalement, il y a dualité entre le pays d’origine, la Russie et les pays d’accueil par lesquels l’auteur est passé. En effet, la différence d’éducation se vit comme un grand changement et même comme une crise pour l’auteur. Le manque d’attache est également une souffrance silencieuse pour cette dernière qui perd parfois ses repères, trimballée, au gré de ses parents d’une ville à une autre.

 

Nous pouvons aussi voir une dualité entre le « moi » de l’auteur, qui a peur, qui essaye de dépasser ses appréhensions par rapport à ses angoisses intérieures et le « moi », qui l’accompagne et qui pose des questions à cette partie d’elle-même, voir, qui la pousse à agir pour évoluer.

 

La dernière dualité qui constitue le cœur de ce récit est la dualité entre l’enfant et l’adulte. En effet, le passage du stade d’enfant à celui d’adulte, se fait souvent d’une manière difficile, et pas souvent à la période où la transition devrait se faire. En effet, nous pouvons remarquer une rupture entre les personnalités, rupture qui se poursuit  l’âge adulte avec le dialogue qu’elle a avec elle-même dans ce récit.

 

Les thèmes secondaires qui sont étudiés dans le récit sont l’enfance et sa peinture, l’introspection, la peinture du vécu et la transition de l’enfance vers l’âge adulte, c’est-à-dire les facteurs ayant conduit l’enfant à devenir l’auteur.

Nous pouvons conclure sur le fait que sur plusieurs points, ces deux œuvres se ressemblent tout en étant différents. Les deux auteurs, elles-mêmes ont vécu un parcours plus ou moins ressemblant. Néanmoins, nous pouvons rappeler que l’autobiographie de Suzanne Lilar a été réalisée vers ses 40 ans, tandis que celle de Nathalie Sarraute vers ses 83 ans, ce qui marque une différence dans la reconstitution des souvenirs. Le style également est différent, l’un utilisant ses capacités d’écrivain pour reconstituer une ambiance enfantine, l’autre se détachant de son statut d’écrivain pour arborer un style enfantin.

 

Après avoir présenté brièvement les deux ouvrages te leurs auteures, nous allons entrer plus en détail dans notre travail et aborder les points-clés de celui-ci qui est la présentation des similitudes et des disparités entre les deux ouvrages, et donc leur comparaison. Nous allons débuter par la seconde partie du mémoire relatant des similitudes entre les deux œuvrés, surtout au niveau des thèmes.

 

  1. Similitudes entre les deux œuvres dans les thèmes traités

 

Les similitudes caractérisent les points communs entre deux choses, ici entre les deux œuvres faisant partie de notre étude. Ces points communs résident dans les thèmes traités dans les deux ouvrages : l’autobiographie, les souvenirs d’enfance, l’importance du double ou du dédoublement, le façonnage de l’auteur à travers le récit autobiographique et l’introspection. Nous allons aborder tour à tour ces thèmes en commençant par l’autobiographie.

 

  1. L’autobiographie 

 

Selon le dictionnaire Larousse, une autobiographie est « le récit d’un individu raconté par lui-même, qu’il soit écrivain ou non.[7] ». Le terme autobiographie résulte de la combinaison de trois mots grecs : « graphein » signifiant « écrire », « auto » ou « soi-même » et « bio » signifiant « vie ». En tout, il s’agit donc d’un récit dans lequel un individu écrit et raconte sa vie.

 

L’autobiographie répond à quelques règles de base fondamentales. La première consiste en l’usage du « je », e pronom personnel indiquant que la narration se fait bien par la personne dont il est question dans celle-ci. Cela conduit à la seconde règle qui consiste en un assemblage du personnage principal, du narrateur et de l’auteur en un seul être. Cela signifie que l’auteur est donc le narrateur qui est, lui-même, le protagoniste.

En outre, l’autobiographie répond à plusieurs motivations propres à chaque auteur. Il peut s’agir d’une motivation personnelle engageant l’auteur à l’envie de se dévoiler, de se dépeindre à ses lecteurs, il peut également s’agir d’un enjeu plus marquant, tel un mémoire. En effet, les auteurs d’autobiographie écrivent souvent leur mémoire et se livrent, dans bine des cas, çà diverses confessions. Dans le cas des mémoires, ces auteurs se servent de leur livre comme d’un outil par lequel ils peuvent amener leur lecteur à se souvenir d’eux, à partager une partie de leur vécu, mais aussi à les comprendre et à se représenter une partie de leur existence.

 

Les deux œuvres que nous étudions ici répondent à ces critères. En effet, Enfance de Nathalie Sarraute est une œuvre autobiographique, mais pas dans le sens complet du terme (un point que nous aborderons dans la présentation des différences entre les deux ouvrages), puisqu’elle narre l’histoire de l’auteure durant une certaine partie de son enfance, notamment jusqu’à ses douze ans. De plus, l’auteur raconte elle-même sa propre histoire en usant du pronom « Je » qui est utilisé du début jusqu’à la fin du livre. En même temps, le récit est rétrospectif, c’est-à-dire qu’il résume ou détaille un vécu ultérieur, contrairement à la fiction.

 

Dans ce sens, le récit autobiographique survient donc après que l’auteur ait vécu les évènements et est destiné à la postérité. L’extrait du livre ci-dessous atteste ces affirmations :

 

« Maintenant que c’est en moi, il n’est pas question que je le lui cache, je ne peux pas à ce point m’écarter d’elle, me fermer, m’enfermer seule avec ça, je ne peux pas le porter à moi seule, c’est à elle, c’est à nous deux que ça appartient… si je le garde, comprimé en moi, ça deviendra plus gros, plus lourd, ça appuiera de plus en plus fort, je dois absolument m’ouvrir à elle, je vais le lui montrer… comme je lui montre une écorchure, une écharde, une bosse… Regarde, maman, ce que j’ai là, ce que je me suis fait… « Je trouve qu’elle est plus belle que toi »… et elle va se pencher, souffler dessus, tapoter, ce n’est rien du tout, voyons, comme elle extrait délicatement une épine, comme elle sort de son sac et presse contre la bosse pour l’empêcher de grossir une pièce de monnaie… « Mais oui, grosse bête, bien sûr qu’elle est plus belle que moi »… et ça ne me fera plus mal, ça disparaîtra, nous repartirons tranquillement la main dans la main…
Mais maman lâche ma main, ou elle la tient moins fort, elle me regarde de son air mécontent et elle me dit : « Un enfant qui aime sa mère trouve que personne n’est plus beau qu’elle. » »

 

Dans Une enfance gantoise de Suzanne Lilar, le personnage principal est également l’auteur qui fait aussi office de narrateur. Ce dernier raconte une partie de son enfance en s’exprimant à la première personne du singulier, comme nous allons le voir dans l’extrait suivant : « Parce que Maman était amoureuse de Gand, presque autant que de mon père, elle me promenait tantôt à la cour du Prince et tantôt au Rabot. » (p. 9)

Du début jusqu’à la fin du récit, Suzanne Lilar se livre à une description de son enfance, de ses sentiments, bref, à une rétrospection permettant au lecteur de mieux la connaitre et d’appréhende rune partie de son existence. Dans ce sens, le livre est donc une autobiographie permettant à l’auteur de se dévoiler et de partager avec son public un extrait de son vécu, un vécu passé et non présent, ni futur.

 

  1. Les souvenirs d’enfance ou la peinture de l’enfance à travers le vécu

 

Une Enfance gantoise de Suzanne Lilar narre l’enfance de l’auteure. Dans un passage dédié à ce livre, Piron Chantal ne manque pas de relever le thème de l’enfance qui constitue un thème récurrent du récit : « La description d’une enfance vécue au début de ce siècle peut donner matière à un livre captivant. Charme du souvenir pour ceux qui ont plus ou moins bien connu cette époque. Charme de la découverte pour les autres. Récit d’une enfance heureuse, paisible mais vivante, simple mais pas ennuyeuse.[8] »

 

Cette enfance est dépeinte de manière vivante et parfois amusante, est marquée par des réflexions profondes, presque psychologiques. L’auteure développe, dès sa tendre enfance, uen prédisposition à l’écoute et à l’admiration de l’environnement et de son entourage, se plaisant à se questionner sur des principes qui n’intéressent généralement pas les enfants, et aimant à analyser le monde. Suzanne Lilar était donc une enfant éprise du beau et consciente de son  pouvoir et de son importance dans le monde, dès son plus jeune âge : « La splendeur du monde et des êtres de nature, arbres, pierres, oiseaux, m’était apparue très tôt.».  

 

Les souvenirs présentés par Suzanne Lilar font état d’une enfance joyeuse et confortable auprès de parents travailleurs, aimants, compréhensifs et stricts à la fois. L’auteure partageait uen relation privilégiée avec sa mère qui lui fit découvrir monts et merveilles. Dans cette œuvre, la sublimité de l’enfance est dépeinte, l’auteure est une enfant vivante qui apprécie chaque instant, et chaque souvenir dépeint démontre l’amour que la jeune fille ressent pour son existence, malgré l’existence d’un conflit des castes qui la concerne énormément du fait qu’elle aime la langue flamande qui est pourtant réservée qu’aux pauvres.

 

Dans cette peinture de l’enfance, l’auteure met également en exergue la relation et le lien qu’elle entretien avec sa mère qui est le pilier de son existence, le rocher même sur lequel elle s’appuie. Sa mère est omniprésente dans son récit, elle lui fait découvrir la vie et toutes deux communiquent dans la simplicité et avec complicité. Dans la plupart des actions qu’elle entreprend dans son enfance, sa mère semble toujours impliquée.

Leur relation mère-fille est à son apogée et sa mère est son complice au quotidien, elle s’occupe de son éducation et de son enseignement. Cultivée, sa mère l’emmène parcourir la ville entière pour qu’elle en apprécie la beauté et comprenne son point de vue. Etant elle-même institutrice, cette dernière éduque son enfant à la manière d’un enseignant et d’un parent à la fois :

 

« Ma mère, qui n’avait pas comme nous le goût des cimes, préférait m’emmener dans les rues. Et c’était aussitôt une promenade dans l’histoire, celle de la cité ne faisant qu’un avec la mienne. Car d’un même geste, Maman pouvait me montrer le steen de Gérard de Vilain, dit le Noir ou le Diable, et la maison de la rue de Flandre où j’étais née, la chapelle de Saint-Bavon où l’ion conservait de très précieux retable de l’Agneau au cœur percé et celle où j’avais été baptisée, la porte cochère qui avait été enfoncée par les assassins de notre Artevelde et le magasin de la place de la Calandre où j’étais admise une fois l’an à serrer la main du grand Saint-Nicolas. » (p. 14)

 

Cet extrait nous montre que les plus beaux moments de l’enfance de l’auteure sont passés avec sa mère qui, par les promenades qu’elle organise pour sa fille, contribue fortement à l’écriture de son histoire, à la création de ses souvenirs qui, près d’une quarantaine d’année plus tard, seront exposés et présenté dans son ouvrage autobiographique.

 

L’enfance est aussi le thème le plus abordé dans l’ouvrage de Nathalie Sarraute. Mais loin du parfait portrait de l’enfance et de la famille, les souvenirs épars rassemblés en 70 fragments par l’auteure révèlent plutôt uen enfance relevant d’une réalité actuelle : celle entre un père et une mère divorcés. Dans cet ouvrage, la position de Nathalie en tant qu’enfant est controversée par la présence d’une mère froide et absente et d’une belle-mère tout aussi distante.

 

Voguant de son père à sa mère, elle découvre la différence entre la culture russe et la culture française. Contrairement à Suzanne Lilar, cette dernière tisse des liens plus étroits avec son père qui la fait se sentir plus aimée et plus choyée et vit uen relation assez complexe avec sa mère. Dans ce récit, la mère de la jeune fille n’est pas représentée, elle surgit ici et là mais n’est pas réellement dépeinte comme un personnage à part entière.

 

Dans cet ouvrage, on se rend compte que les bribes de souvenir font du livre une espèce de roman, plus qu’une autobiographie. En effet, ces derniers sont placés maladroitement, sans être chronologiques. L’auteure, du haut de ses 83 ans, évoque les souvenirs selon qu’ils réapparaissent, sans qu’ils suivent un ordre chronologique précis.

La tension entre elle et sa mère marque énormément le récit de la jeune fille qui en est blessée et s’en sent quelque peu coupable, surtout lorsqu’elle avoue à cette dernière qu’elle souhaite appeler sa belle-mère « Maman ». N’accordant pas assez d’attention à Nathalie Sarraute, la mère s’offusque pourtant lorsque cette dernière la compare à une autre :

 

« Maintenant que c’est en moi, il n’est pas question que je le lui cache, je ne peux pas à ce point m’écarter d’elle, me fermer, m’enfermer seule avec ça, je ne peux pas le porter à moi seule, c’est à elle, c’est à nous deux que ça appartient… si je le garde, comprimé en moi, ça deviendra plus gros, plus lourd, ça appuiera de plus en plus fort, je dois absolument m’ouvrir à elle, je vais le lui montrer… comme je lui montre une écorchure, une écharde, une bosse… Regarde, maman, ce que j’ai là, ce que je me suis fait… « Je trouve qu’elle est plus belle que toi »… et elle va se pencher, souffler dessus, tapoter, ce n’est rien du tout, voyons, comme elle extrait délicatement une épine, comme elle sort de son sac et presse contre la bosse pour l’empêcher de grossir une pièce de monnaie… « Mais oui, grosse bête, bien sûr qu’elle est plus belle que moi »… et ça ne me fera plus mal, ça disparaîtra, nous repartirons tranquillement la main dans la main…
Mais maman lâche ma main, ou elle la tient moins fort, elle me regarde de son air mécontent et elle me dit : « Un enfant qui aime sa mère trouve que personne n’est plus beau qu’elle.
»

 

La complexité entre la relation mère-fille fait le charme de l’ouvrage. Tantôt, la mère de Nathalie Sarraute partage avec elle des moments de fous-rire et d’émoi et, d’un instant à l’autre, elle se fait distante, presque agressive. L’auteure tente de comprendre sa mère mais, en même temps, recherche l’amour materne auprès de sa belle-mère Vera avec laquelle elle finira par mieux s’entendre au fil de la narration.

 

Bien que ces deux ouvrages relatent de l’enfance des deux auteures, force est de constater qu’Enfance de Nathalie Sarraute consiste plus à retranscrire, à revivre des souvenirs d’enfance, tandis qu’Une enfance gantoise met pus en exergue les sentiments, les ressentiments et les émotions liés à ces souvenirs. Suzanne apporte un regard plus introspectif et plus psychologique à son ouvrage et met en place un processus de compréhension de celle-ci, contrairement à Sarraute qui décrit uniquement des moments vécus sans se prendre à y réfléchir davantage ni à les analyser en profondeur.

 

  1. La mise en exergue de l’importance du double ou du dédoublement

 

 

Le dédoublement ou le double est un thème commun aux deux ouvrages. Chez Sarraute, le dédoublement joue le rôle essentiel de contradiction. Dès le début du livre, le double est représenté par un personnage sarcastique, analyseur, qui remet en question les souvenirs de l’écrivaine, la revoie dans la réalité, sous forme de dialogue. Dès le commencement du livre, le dédoublement est volontaire, il sert à l’auteure à rapprocher l’enfant et l’auteur adulte, à leur conférer une relation qui ne peut être peinte que par le moyen du livre et du dialogue :

 

  • « Alors tu vas vraiment faire ça ? « Evoquer tes souvenirs d’enfance »… Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »… il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça.
  • Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi…
  • C’est peut-être… est-ce que ce ne serait pas… on ne s’en rend parfois pas compte… c’est peut-être que tes forces déclinent…
  • Non, je ne crois pas… du moins je ne le sens pas…
  • Et pourtant ce que tu veux faire… « évoquer tes souvenirs »… est-ce que ce ne serait pas… »

 

Dans Enfance de Sarraute, le dédoublement est très perceptible et se manifeste dès l’incipit. Il reste palpable jusqu’à la fin du récit étant donné que ce dernier sera formé de plusieurs dialogues engageant la version adulte de Sarraute et sa version enfant. Le dédoublement aide à comprendre le récit mais permet aussi à l’auteure de s’évader du mode autobiographique et d’y apporter une touche d’originalité.

 

Chez Lilar, la notion de dédoublement se caractérise plutôt par la compréhension de l’enfant que le monde et les êtres vivants qui le peuplent ont deux natures opposées mais interdépendantes renfermées dans chacun d’entre eux. De ce fait, la notion de dédoublement renvoie plutôt au fait qu’étant enfant, Lilar a déjà saisi le double sens de la vie et de l’existence et qu’elle l’a analysé.

 

Le dédoublement n’est donc pas physiologique comme chez Sarraute, mais plus psychologique. Ce n’est pas réellement l’auteur qui veut se dédoubler, bien qu’elle prenne également conscience de l’existence de deux natures opposées en elle. Le dédoublement réside plutôt dans le monde et dans la nature, dans toute chose qui est faite de deux facettes qui interagissent et coexistent.

 

Ce dédoublement la rend plus réceptive à l beauté de l’univers et lui fait encore plus aimer le monde pour lequel elle se pose désormais des questions existentielles.

D’ailleurs, il a également contribué au façonnage de l’auteur qui, à travers ses questionnements, a fini par vouloir en trouver les réponses et la partager à ses lecteurs.

 

  1. Le façonnage de l’auteur à travers le récit autobiographique

 

Ces deux œuvres modèlent petit-à-petit les deux auteurs et les conduisent à devenir ce qu’elles sont devenues à l’âge adulte ainsi que la compréhension de l’auteure « adulte » par la projection dans son enfance. En outre, on y retrouve les auteures en tant qu’enfants et les évènements, les sentiments, etc. qui ont fait d’elles des auteures, qui ont façonné leur âme d’auteures.

 

Ceci est très visible dans l’œuvre de Lilar qui introduit petit à petit l’écrivaine, ses principes et ses préceptes. En effet, dès son enfance, l’auteure est de nature curieuse et aime à étudier ce qui l’entoure. Cet esprit affûté et cette soif de connaissance contribueront à faire de l’auteur ce qu’elle est actuellement et se répercute fortement sur son style d’écriture. L

 

Le livre, relatant le passé de Lilar, laisse déjà présager la passion de l’enfant pour le monde et pour sa connaissance, une passion qui s’estompera avec le temps mais qu’elle finira par regagner. C’est surtout l’écriture plus philosophique et l’exploitation psychologique du personnage qui permettent de voir en l’enfant l’adulte qu’il est devenu plus tard. Pour arriver à cette constatation, le lecteur doit bien connaitre l’auteur, ses œuvres et son style d’écriture.

 

Quant à  Sarraute,  le récit autobiographique ne permet qu’à un très faible degré de déceler le processus de façonnage de l’auteur. En effet, le récit fait état des sentiments et de la physiologie de l’auteure plus que des raisons l’ayant conduite à devenir écrivaine plus tard. ce façonnage relève surtout du fait que le livre constitue un récit autobiographique, qui aidera donc le lecteur, par la présentation d’une partie du passé de l’auteur, à le comprendre et à comprendre ses œuvres.

 

Mais pour ce qui est de réellement mettre en évidence des situations pouvant amener le lecteur à percevoir une trace de l’auteure adulte dans l’exposition de son passé, Sarraute a plutôt préféré exposer son passé et son enfance proprement dite, en accord avec ses simples sentiments, sans faire le lien direct entre eux et son statut d’auteur. En d’autres termes, les éléments prouvant le façonnage de l’auteur dans l’œuvre sont non seulement moindres mais aussi implicites.

 

Le passage le plus représentatif de ce façonnage reste celui où, en présentant la petite histoire qu’elle a écrite à sa mère, celle-ci lui a conseillé de la montrer à un de ses amis pour qu’il en donne l’appréciation. Bien que cette appréciation ait été négative, on peut déjà, à travers ce passage, voir que l’auteure a déjà possédé le talent d’écrire dès son enfance et qu’elle a  déjà souhaité en faire une vocation lorsqu’elle sera grande.

 

  1. L’introspection

 

Le dictionnaire Larousse définit l’introspection comme étant « l’observation méthodique, par le sujet lui-même, de ses états de conscience et de sa vie intérieure[9] ». Il s’agit d’un voyage, d’un regard en soi, voire même au plus profond de soi pour faire état de sa vie intérieure. L’acte d’introspection s’accompagne d’une réflexion sur soi-même, sur notre état d’âme, nos points de vue et nos prises de position par rapport à la vie elle-même.

 

Dans le retour vers leur passé et leur récit autobiographique, Suzanne Lilar et Nathalie Sarraute entreprennent une démarche d’introspection car elles font un travail de réflexion sur elles-mêmes pour pouvoir produire les récits sur leur vécu. Cela signifie que le processus d’écriture des deux ouvrages s’est accompagné d’introspection, et cela se ressent dans la lecture des livres. Dans Une enfance gantoise, l’introspection se manifeste à travers la narration du dilemme entre le dédoublement, c’est-à-dire l’envie de l’auteure de se dédoubler, et dans les passages dans lesquelles l’auteur se souvient des sentiments qu’elle ressentait à l’égard de la vie et de la nature étant petite.

 

Un passage spécifique dans l’ouvrage témoigne de cette introspection : celui dans lequel elle a dû réciter le poème sur le laboureur et ses enfants :

 

« Sur ces entrefaites on me fit réciter à l’école le laboureur et ses enfants. Le distique : Travaillez, prenez de la peine, C’est le fonds qui manque le moins. Me fut une révélation…ma mère m’assura que ce fonds, toujours à déblayer, n’était rien d’autre en nous que la présence continue de Dieu ». Page 104.

«  Vers la même époque, je me mis aussi à creuser mon jardin. »

« Mon père, Féru de Jules Vernes, me demandait si je comptais atteindre la terre…Jules Verne qui avait dit que la fouille était une passion première. La passion de déterrer figure celle de connaitre ? Image minière qui  ne correspond pas seulement à un mode de penser mais à un tempérament onirique- celui des déterreurs de trésors. De dévoileurs, des traqueurs d’absolu et à une conception philosophique, celle de la purification critique. »

 

Cet exemple concret d’introspection nous montre comment l’écrivaine, dans son jeune âge, a déjà acquis un esprit aiguisé et curieux, mettant en pratique l’enseignement qu’on lui confère à l’école. Son introspection lui a aussi permis, à travers ce poème, de comprendre qu’elle devait fournir encore plus d’effort et de travail. Elle a donc su saisir ce que le poème voulait lui faire passer, elle a su en déceler le sens et le pratiquer, en s’interrogeant elle-même sur sa position face à ce poème.

 

L’introspection est représentée par le retour en arrière qui ne peut être effectué que par le moyen d’une profonde réflexion sur soi. Le voyage intérieur des écrivaines ne peut donc être décrit que grâce à une réflexion sur l’enfance, à un assortiment de souvenirs liés à la vie de l’enfant elle-même, des souvenirs enfouis qui rejaillissent par l’intermédiaire d’un travail intérieur et d’u regard poussé en soi.

 

L’introspection est surtout délimitée par les passages témoignant de l’état d’âme ou retraçant des émotions vécues par les auteures dans leur enfance, comme c’est le cas dans Enfance de Nathalie Sarraute :

 

« Je regardais les espaliers en fleurs le long du petit mur de briques roses, les arbres fleuris, la pelouse d’un vert étincelant jonchée de pâquerettes, de pétales blancs et roses, le ciel, bien sûr, était bleu, et l’air semblait vibrer légèrement… et à ce moment-là, c’est venu… quelque chose d’unique… qui ne reviendra plus jamais de cette façon, une sensation d’une telle violence qu’encore maintenant, après tant de temps écoulé, quand, amoindrie, en partie effacée elle me revient, j’éprouve… mais quoi ? quel mot peut s’en saisir ? pas le mot à tout dire : « bonheur », qui se présente le premier, non, pas lui… « félicité », « exaltation », sont trop laids, qu’ils n’y touchent pas… et « extase »… comme devant ce mot ce qui est là se rétracte… « Joie », oui, peut-être… ce petit mot modeste, tout simple, peut effleurer sans grand danger… mais il n’est pas capable de recueillir ce qui m’emplit, me déborde, s’épand, va se perdre, se fondre dans les briques roses, les espaliers en fleurs, la pelouse, les pétales roses et blancs, l’air qui vibre parcouru de tremblements à peine perceptibles, d’ondes… des ondes de vie, de vie tout court, quel autre mot ?… de vie à l’état pur, aucune menace sur elle, aucun mélange, elle atteint tout à coup l’intensité la plus grande qu’elle puisse jamais atteindre… jamais plus cette sorte d’intensité-là, pour rien, parce que c’est là, parce que je suis dans cela, dans le petit mur rose, les fleurs des espaliers, des arbres, la pelouse, l’air qui vibre… je suis en eux sans rien de plus, rien qui ne soit à eux, rien à moi. »

 

Le souvenir est ici mu par l’introspection. Le souvenir de la sensation ressentie, de l’exaltation et du bonheur, ne peut être représenté qu’en effectuant uen analyse de celui-ci, une analyse qui ne peut être menée qu’en regardant en soi. Pour que ce souvenir soit le pus exact possible, l’auteur se remet en question pour pouvoir en identifier la vraie nature, d’où l’introspection.

 

Cette section nous a permis de relever les différentes ressemblances que les ouvrages que nous étudions dans ce mémoire présentent. Ces ressemblances se situent toutes au niveau des thèmes abordés qui sont communs aux œuvres, bien que le style d’écriture, la motivation ou les intentions des auteurs ne soient pas les mêmes. Cela  nous mène au prochain point à discuter dans ce mémoire, c’est-à-dire aux différences entre les deux œuvres.

 

  • Différences entre les deux œuvres

 

 

  1. Le style d’écriture des auteures

 

 

  • Usage de l’incipit et du dialogue entre deux versions opposées de l’auteur étant enfant dans Enfance de Nathalie Sarraute

 

Parmi les disparités existant entre les deux œuvres étudiées présentement, le style d’écriture des deux auteures est le plus palpable. En effet, Nathalie Sarraute et Suzanne Lilar se livrent à la peinture de leur enfance dans des ouvrages écrits de façon totalement opposée.

 

Chez Nathalie Sarraute, l’autobiographie ne respecte pas totalement ses règles, et ceci par l’usage de l’incipit. L’incipit, terme dérivé du latin incipere (commencer) désigne les premiers mots d’un ouvrage. Il ouvre le livre, le commence et l’introduit. Dans le cas de Nathalie Sarraute, l’usage de l’incipit constitue une dérogation aux règles complètes de l’autobiographie. En effet, l’incipit lui permet de prévenir contre l’autobiographie qui est pourtant le genre littéraire de son ouvrage.

 

L’incipit est ici un dialogue, fait encore peu commun dans l’autobiographie qui commence généralement par la narration de l’auteur qui fait l’usage de la première personne du singulier pour dégager les vertus autobiographiques de son récit. Le dialogue met en évidence deux personnages formant le protagoniste qui n’est autre que l’auteure elle-même. Cette dernière se sert de l’incipit pour déjouer les pièges classiques de l’autobiographie et conférer de l’originalité dans son récit, mais aussi pour le rendre plus réel et terre-à-terre, son but étant de présenter le plus de réalité possible, contrairement à certains écrivains qui embellissent leur histoire.

 

  • Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d’enfance »… Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »… il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça.
  • Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi…
  • C’est peut-être… est-ce que ce ne serait pas… on ne s’en rend parfois pas compte… c’est peut-être que tes forces déclinent…
  • Non, je ne crois pas… du moins je ne le sens pas…
  • Et pourtant ce que tu veux faire… « évoquer tes souvenirs »… est-ce que ce ne serait pas…
  • Oh, je t’en prie…
  • Si, il faut se le demander : est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu’ici, tant bien que mal…
  • Oui, comme tu dis, tant bien que mal.
  • Peut-être, mais c’est le seul où tu aies jamais pu vivre… celui…
  • Oh, à quoi bon ? je le connais.
  • Est-ce vrai ? Tu n’as vraiment pas oublié comment c’était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s’échappe… tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant… vers quoi ? qu’est-ce que c’est ? ça ne ressemble à rien… personne n’en parle… ça se dérobe, tu l’agrippes comme tu peux, tu le pousses… où ? n’importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre… Tiens, rien que d’y penser…
  • Oui, ça te rend grandiloquent. Je dirai même outrecuidant. Je me demande si ce n’est pas toujours cette même crainte… Souviens-toi comme elle revient chaque fois que quelque chose d’encore informe se propose… Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous paraît toujours avoir l’avantage sur ce qui tremblote quelque part dans les limbes…
  • Mais justement, ce que je crains, cette fois, c’est que ça ne tremble pas… pas assez… que ce soit fixé une fois pour toutes, du « tout cuit », donné d’avance…
  • Rassure-toi pour ce qui est d’être donné… c’est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune parole ne l’ont encore touché, il me semble que ça palpite faiblement… hors des mots… comme toujours… des petits bouts de quelque chose d’encore vivant… je voudrais, avant qu’ils disparaissent… laisse-moi…
  • Je me tais… d’ailleurs nous savons bien que lorsque quelque chose se met à te hanter…
  • Oui, et cette fois, on ne le croirait pas, mais c’est de toi que me vient l’impulsion, depuis un moment déjà tu me pousses…
  • Moi ?
  • Oui, toi par tes objurgations, tes mises en garde… tu le fais surgir… tu m’y plonges… (Incipit. Page 7)

 

Deux personnes dialoguent dans l’incipit : l’auteur en tant qu’adulte et l’auteur en tant qu’enfant. Il s’agit d’une rencontre entre deux époques qui ne peut être rendue possible que par l’écriture. Sarraute use d’elle en tant qu’adulte pour rappeler à l’ordre l’enfant et met l’accent sur le fait que ses bribes de souvenirs ne sont pas réellement fiables, d’autant pus que l’auteur est âgé de 83 ans lors de l’écriture de l’ouvrage.

 

Le dialogue entre deux versions opposées de l’auteure tout au long de l’œuvre met en exergue le fait qu’il soit impossible à l’auteur de se remémorer son passé en faisant uniquement appel à sa version enfant. Elle met donc en évidence l’importance du dédoublement et de la dualité de l’être dans l’évocation des souvenirs puisque l’auteur en tant qu’enfant ne peut retrouver vie qu’en étant présenté par lui-même en tant qu’adulte.

 

Dans ce contexte, la version adulte de l’auteur est là pour corriger, remettre e question, confirmer ou infirmer les dires de l’auteur enfant afin que les souvenirs soient d’une exactitude parfaite. L’âge et la mémoire de l’auteur entrant en jeu, la version adulte permet à l’enfant de maintenir la réalité et de ne pas dériver vers le fantastique pour éviter à l’auteur de révéler des souvenirs surfaits et de raconter une version pus imaginée et moins réelle de sa véritable enfance.

 

La forme de l’ouvrage diffère également de celle de celle de Suzanne Lilar. En effet, ce dernier est constitué de 70 petits fragments retraçant le passé de l’auteur. Il ne s’agit donc pas d’un récit en bloc, mais plutôt de petits segments, des fractions de souvenirs qui semblent avoir surgi soudainement et avoir été assemblés de manière non chronologique. Cela témoigne aussi de l’âge avancé de l’auteur qui ne lui permet plus que l’écriture d’une œuvre discontinue, les souvenirs étant eux-mêmes discontinus et survenant un à un, dans un ordre peu ou pas du tout chronologique.

 

 

  • Style d’écriture classique dans Enfance gantoise de Suzanne Lilar

 

Dans on ouvrage Une enfance gantoise, Suzanne Lilar respecte entièrement les règles de l’autobiographie, faisant d’elle l’unique personnage principal de son récit. A travers le récit entier, le vécu, les sentiments et la vie de l’auteur sont exposés, présentés, discutés, analysés et retranscrits dans un style d’écriture classique proche du roman.

 

Comme nous l’avons évoqué dans la partie consacrée à l’étude du style d’écriture de l’auteure, cette dernière use de phrases longues, ludiques, interrogatives et significatives pour dépeindre de façon ironique la société dans laquelle elle vit à l’époque. En se remettant dans la peau d’elle-même étant enfant, elle reproduit, par le biais d’une écriture franche, amusée mais non moins sérieuse, les différences de castes et la manifestation de ces différences.

 

A l’instar de Nathalie Sarraute, Suzanne Lilar se livre à une étude psychologique d’elle-même par ses diverses remises en question et par l’usage du « je » en permanence pour rappeler qu’elle est le centre même de l’histoire. Son écriture ne laisse pas transparaitre le recours à l’adulte pour recréer l’enfant, comme c’est le cas chez Sarraute. Elle use plutôt de son écriture pour montrer comment l’enfant a contribué au façonnage de l’adulte.

 

  1. La profondeur des récits

 

 

  • Enfance de Nathalie Sarraute : plus historique et personnel

 

En écrivant son autobiographie, Nathalie Sarraute avait pour principal motif de se raconter dans la plus grande exactitude : « m’efforcer de faire surgir quelques moments, quelques mouvements qui me semblent être intacts, assez forts pour se dégager de cette couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs blanchâtres, molles, ouatées qui se défont, qui disparaissent avec l’enfance… » (p.277)

 

L’auteur déclare vouloir formuler ce qui n’a jamais été formulé et faire donc un profond travail en soi. Cependant, la vision du livre à sa lecture laisse paraître un aspect moins profond puisque le récit se focalise essentiellement sur les évènements qu’elle a vécus, sur les sentiments et la perception de chaque évènement ainsi que sa répercussion sur elle-même étant enfant.

L’auteur se sert de son enfance et de son passé pour se remémorer et faire un travail introspectif. Elle n’analyse pas ses sentiments d’un point de vue psychologique, mais les expose naturellement.

 

Ainsi, le récit n’est pas assez profond, bien que loin d’être léger car il met quand même en évidence un bon nombre de sentiments relevant d’un grand travail sur soi et représente les ressentiments d’une jeune enfant faisant face à une certaine injustice de la part des adultes l’entourant, surtout de la part de sa mère.

 

Pour illustrer cette affirmation, nous pouvons étudier les différents « tropismes »  que l’auteure a inclus dans son ouvrage. Ces tropismes se manifestent pas le récit d’évènements troublants ou douloureux suite à certains gestes ou à certains mots blessants de

 

« L’oncle ouvre le cahier à la première page… les lettres à l’encre rouge sont très gauchement tracées, les lignes montent et descendent… […] il a l’air mécontent… il referme le cahier, il me le rend et il dit : « Avant de se mettre à écrire un roman, il faut apprendre l’orthographe… » […] Et voilà que ces paroles magiques… […] rompent le charme et me délivrent. (p. 86-88) »

 

Ce passage, selon Nathalie Sarraute elle-même, représente un « magnifique traumatisme d’enfance »[10]. Mais loin de la blesser, ces mots finissent pas la libérer d’un certain envoûtement. Dans ce passage, l’auteur est confuse de la réponse de l’oncle, étant certaine de son talent d’écrivain suite aux propos de sa mère qui l’encouragent à poursuivre cette voie et lui font remarquer qu’elle a un talent pour écrire. En y repensant à l’âge adulte, l’auteur confie pourtant que la sensation de déception et de honte ressentie à cette époque s’est transformée en libération et en compréhension, les mots de l’oncle l’ayant conduite à s’améliorer plutôt qu’à abandonner l’écriture.

 

D’autres cas de tropisme montrent également ces ressentiments, notamment dans certains passages tels que ceux dans lesquels sa mère lui révèle ouvertement que s’occuper d’elle représente un fardeau à son égard et qu’elle n’a aucunement le droit de se mêler des affaires de couple de ses parents. La mère, distante, froide et impitoyable, plonge l’enfant dans un univers d’injustice et de manque de considération.

Selon Anne-Elaine Cliche, « Dans Enfance (1983), récit autobiographique qu’elle écrit à l’âge de quatre-vingt-trois ans, Nathalie Sarraute raconte, en fragments dialogués, des souvenirs qui se rapportent presque toujours à des paroles, à des mots qui ont déclenché en elle des effets puissants, corporels[11] » Sarraute écrit son autobiographie en plusieurs fragmentations et avec dislocation. Cependant, ce récit se veut physiologique et non psychologique.

 

En effet, Sarraute se concentre fortement sur l’enfant qui n fait pas d’analyse ni de prise de conscience sur son vécu mais qui se contente de le vivre et de le suivre. Elle n’analyse pas la situation afin de venir à telle ou telle conclusion, surtout au niveau de ses ressentiments qu’elle n’étudie pas mais qu’elle se contente de décrire. Dans ce contexte, l’auteur ne se livre donc pas à une analyse de ce qui aurait bien pu la rendre ainsi à l’âge adulte, comme le font certains biographes, mais se plaît surtout à évoquer des souvenirs d’enfance.

 

En même temps, la physiologie prônée par l’écrivaine dans son œuvre est représentée par le fait qu’elle met en avant ses sensations, c’est-à-dire ce qu’elle ressent : joie, tristesse, etc. Elle se focalise énormément sur les sentiments de la petite fille et sur sa façon de vivre les situations provoquant chez elle la manifestation de bonnes ou de mauvaises sensations.

 

Le récit est donc plus historique et plus personnel, il narre du quotidien et de la vie de l’auteure en tant qu’enfant, sans entrer dans une analyse psychologique comme c’est le cas pour Lilar.

 

  • Une enfance gantoise de Suzanne Lilar : plus philosophique avec un rapport plus poussé avec la nature

 

Dans cet ouvrage, l’écrivaine se décrit par rapport à la nature et à ses émotions plutôt qu’aux événements vécus comme c’est le cas dans Enfance de Nathalie Sarraute. Elle cherche la relation entre les émotions que la vie produit sur son être et vice et versa. L’enfant Lilar s’interroge, elle est vivante, espiègle et observatrice. Elle aime le contact avec la nature et son étude.

 

 

A la page 211 de son ouvrage, l’auteur s’explique ainsi : « Cette inextricabilité m’aiderait un jour à comprendre que l’opposition matière-forme n’implique aucun dualisme de l’être mais seulement des niveaux et des perspectives, en quelque sorte un dualisme du regard. ».   Après avoir témoigné son amour et son intérêt précoces pour la beauté et pour la beauté de la nature, Lilar démontre dans son ouvrage que son point de vue s’inscrit spécifiquement dans une démarche psychologique, l’écrivaine se livrant à diverses analyses et études de l’environnement qui l’entoure.

 

Dans ce contexte, elle rejoint les biographes dans leur recherche d’exposition des faits ou sensations les ayant conduits à être ce qu’ils sont dans leur âge adulte. Cela signifie que la biographie de Lilar présentée dans ce livre ne s’éloigne pas de celle dans d’autres livres autobiographiques dans lequel on sent que les auteurs se livrent à une étude d’eux-mêmes pour comprendre comment et pourquoi ils en sont arrivés là et quels éléments dans leur passé ont forgé le caractère qu’ils véhiculent dans leur vie d’adulte.

 

En étant en interaction constante avec la nature, l’auteure se paît à l’étudier et à expliquer les fondements psychologiques des ses sentiments à son égard. Prenons exemple sur le passage où elle ramasse une pierre qui se révèle être un mollusque fossilisé.

 

Dans ce passage, l’auteure, étant enfant, comprend déjà l’existence de u mollusque qui n’est pas parti malgré la fossilisation de son corps. Elle se met à arpenter les doubles côtés de la vie, de l’existence, de chaque être vivant. En temps normal, une enfant se contenterait de jouer avec le fossile, de le jeter ou de s’en défaire au fil du temps. Lilar, elle s’est mise à l’analyser et à dégager la notion psychologique qu’il renfermait.

 

Contrairement à Sarraute, Lilar se livre, dans son ouvrage, à une analyse psychologique de son enfance et d’elle-même. Son existence est dominée par de multiples questionnements surgissant depuis son enfance. Chez Sarraute, son enfance met en scène une petite fille moins espiègle qui se plaît à vivre et à exposer ses sentiments plutôt qu’à établir un rapport quelconque entre ces derniers et sa propre existence.

 

  1. La description du cadre familial

 

 

  • Nathalie Sarraute : une enfant avec des problèmes conflictuels avec ses parents, surtout sa mère

Sarraute et Lilar, dans les deux œuvres qui font l’objet de cette étude, se livrent à l’évocation de souvenirs d’enfance baignés de portraits de famille. Chez Sarraute, la famille est disloquée et  séparée en deux : sa première famille étant celle de son père où elle vit avec ce dernier, sa belle-mère prénommée Vera et son enfant qui naîtra au fil du récit. Le portrait de famille mis en évidence par l’auteur trahit un équilibre fragilisé et presque inexistant dans sa famille.

 

Dans les premiers passages du livre, les parents de l’auteure habitent encore ensemble, mais la tension règne sans arrêt dans leur foyer, la mère étant particulièrement distante et nourrissant le désir de partir, de vivre en Russie, de quitter sa famille, ce qu’elle fit. Le père, aimant et travailleur, se soucie plus de Nathalie, alors appelée Natacha, et tente de lui procurer quelques souvenirs d’enfance heureux, voulant faire d’elle une enfant choyée et aimée comme les autres :

 

« Mon père me laissait aller dans toutes les églises où l’on m’emmenait… peut-être se disait-il que ces belles cérémonies ne pouvaient que laisser à un enfant de beaux souvenirs, et il ne cherchait pas plus à me détourner de Dieu, du Christ, des saints, de la Sainte Vierge, qu’il ne m’avait empêchée d’adresser des prières au Père Noël. »

 

La figure maternelle est ici représentée par le père qui est même prêt à accepter le fait que son enfant soit croyant, pour son propre bonheur. Les deux êtres vouent également une complicité sans faille, faisant du père l’être le plus proche de l’écrivaine, à l’instar de la mère qui est toujours sur l’offensive envers sa fille et ne la complimente que très peu.

 

D’ailleurs, la relation entre l’auteure et sa mère sera évoquée durant tout le livre, l’auteure étant presque traumatisée du manque d’amour et de considération et de l’indifférence de sa mère à son égard. Loin d’être une figure maternelle protectrice et compréhensive, la mère est plutôt indifférente et réservée pour elle-même.

 

L’amour maternel est presque absent du contexte, ce qui peut être interprété comme la cause initiale du détournement de la fillette de sa mère et de la recherche d’affection auprès de sa belle-mère avec laquelle elle réussit, tant bien que mal, à nouer une relation plus positive et améliorée.

 

 

 

  • Suzanne Lilar : une enfant choyée et entourée par un amour parental sans faille

 

Contrairement à Sarraute, Suzanne Lilar évolue dans un foyer chrétien et uni avec des parents compréhensifs. Son éducation relevant du milieu aisé dans lequel elle se trouve est surtout marquée par la présence d’une mère complice, présente, compréhensive, aimante et vouée à son enfant. Cet amour conduit la jeune fille à un épanouissement total durant son enfance qui est surtout constitué de souvenirs heureux.

 

La relation que l’écrivaine entretien avec son père est privilégiée. Ce dernier aime partager sa passion avec sa fille, comme le montre le passage suivant : « Mon père aimait les oiseaux chanteurs. Il voulut me les faire connaître » (page 67). Dans le passage que l’auteur consacre aux oiseaux chanteurs, on voit l’importance pour le père de léguer ses connaissances à sa fille. Il prend la peine de l’initier aux bonnes pratiques à adopter afin de ne pas les surprendre et pour pouvoir els approcher de très près. Il ne fait pas non plus abstraction de l’obscurité par cette nuit d’avril pour emmener sa fille découvrir ces oiseaux et prendre connaissance de son admiration pour eux.

 

Quant à sa relation avec sa mère, nous l’avons déjà évoquée précédemment : elle est également basée sur la complicité, l’entraide, la considération de l’une pour l’autre, etc. Lilar passe le plus clair de son temps avec sa mère qui jouit de plus de liberté dans son travail d’enseignant que son père dans son travail de chef de gare. Dans cet ouvrage, on note également le profilement du respect mutuel que les trois personnages vouent l’un pour l’autre.

 

Le portrait de famille dépeint dans l’ouvrage de Lilar fait donc mieux état d’une vie de famille soudée et presque accomplie, ce qui n’est pas le cas chez Sarraute qui est ballottée de son père à sa mère, avec des parents qui ne s’entendent pas, une belle-mère qui ne l’aime pas (au début) et n’hésite pas à e lui faire savoir en ne lui adressant pas la parole au quotidien ou en la raillant : « Nous ne nous parlons pas beaucoup, et je ne sais pas ce qui fait que je ne m’ennuie jamais avec elle, ni elle, il me semble, avec moi. »

 

  • La nostalgie : nostalgie heureuse chez Lilar et nostalgie plus douloureuse chez Sarraute.

 

 

Un autre point abordé par les deux ouvrages présente également des points de différenciations entre les deux : la nostalgie. La nostalgie est le terme usité pour désigner la mélancolie, ici, il représente plutôt les souvenirs. Les souvenirs qui sont exposés dès le début jusqu’a la fin des deux œuvres sont présentées différemment par les auteures.

 

Dans Enfance de Sarraute, la nostalgie est moins heureuse, pour cause, nombreux tropismes y sot révélés :

 

  • Traumatisme dû au comportement de la mère de l’auteure
  • Le souvenir de l’enfance bafouée à cause du divorce de ses parents
  • Le fait d’avoir eu à traverser deux pays pour vivre avec l’un entre eux
  • La relation tendue et difficile entre la mère et la fille

 

Le déchirement familial constitue la cause première de la nostalgie douloureuse de Sarraute. La distance entre elle et sa mère s’est renforcée avec le départ de celle-ci. De plus, elle ne manifeste pas beaucoup d’égard ni d’amour envers sa fille, sa froideur laissant place à la maternité. De sa mère, Sarraute garde un souvenir presque amer et dur, elle se sent malaimée et se rend presque coupable de la situation.

 

C’est d’ailleurs dans ce sens que l’auteur, dans le début du livre, par le biais de sa version adulte, demande à l’enfant sommeillant en elle si elle « veut vraiment faire ça », c’est-à-dire si elle veut vraiment se remémorer des moments douloureux et traumatisants qu’elle a vécus dus à la froideur de sa mère. Sarraute, mue par le désir de retrouver une partie de son enfance, est enthousiaste par le projet. Son double, plus conscient de ce que cela relève, tente d’abord de l’en dissuader avant de la suivre dans le courant, tout en la reprenant dans plusieurs passages, surtout lorsqu’elle s’égare de la vérité.

 

Ce n’est que près de son père qu’elle retrouve l’amour et le réconfort qu’elle désire, ce qui ne la rend pas pour autant comblée, car elle souhaite à tout prix tisser des liens plus amicaux, plus positifs avec sa mère.

 

Chez Lilar, la nostalgie est plus heureuse, l’auteure vit dans une famille moyenne de bonne caste qui ne manque de rien, entourée d’un amour parental sans faille et obtenant tout ce dont elle désire. Etant élevée dans la chrétienté, l’auteure a grandi avec des bases solides et une éducation digne de la moyenne bourgeoise.

D’ailleurs, la plupart des moments décrits et dépeints par l’auteure dans son ouvrage relèvent de moments heureux en compagnie de sa mère ou de son père :

 

« Mais rien ne me plaisait comme de le surprendre dans l’exercice de ses fonctions. Maman me l’accordait pour récompense. Je mettais ma main dans la sienne, toujours si doucement gantée. Nous prenions le chemin de la rue du Poivre et du béguinage Saint-Elisabeth. » (p. 10).

 

En somme, plusieurs différences entre ces deux œuvres traitant de la même thématique sont apparues dans cette section. Ces dernières sont surtout constituées du style d’écriture qui différencie énormément ces deux œuvres, de quelques thèmes tels que la vie de famille, l’amour parental, la nostalgie, etc.

 

Cependant, ces disparités ne nous permettent pas d’émettre une comparaison entre la culture belge et la culture française, les cultures desquelles les deux auteures sont issues. En effet, leur style d’écriture reste propre à chacune d’elle et ne suit pas les standards. De plus, ces auteurs ont mené une existence tout à ait différente. Toutefois, une dualité entre deux cultures et présente dans chaque œuvre, les deux auteures étant partagée entre deux cultures depuis leur enfance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Conclusion ou relation entre les deux œuvres

 

D’après notre étude, nous décelons une certaine relation entre les deux ouvrages, surtout en termes de thème central qui met en exergue un conflit intérieur, un problème de l’être confronté à une certaine dualité : la présence d’un double.

 

Dans Enfance de Nathalie Sarraute, le double est représenté par l’auteure dans l’âge adulte, un auteur omniprésent qui rappelle à l’ordre, commente de manière sarcastique, freine et met en doute les souvenirs d’enfance de l’auteur lui-même. Bine que l’ouvrage soit une autobiographie, on recense la présence d’un protagoniste représenté de deux manières à l’aide de l’incipit. Le double représente, dans ce cas-ci, un être contradictoire au soi capable de mettre en doute les souvenirs que Nathalie Sarraute tente de récupérer et de se remémorer.

 

Dans Une enfance gantoise de Suzanne Lilar, le double, ou le dédoublement, est également un personnage plus négatif, une prise de conscience d’une double facette de chaque chose sur terre, de l’être humain, des animaux, des fleurs, etc.

 

Une autre forme de dualité apparait également dans ces deux ouvrages : celle concernant la confrontation entre deux cultures distinctes. Suzanne Lilar, jeune bourgeoise de naissance, vit dans un milieu dans lequel une guerre des Castes fait rage. Ses parents lui apprennent très tôt la valeur de la vie et de la bourgeoisie et la différence entre gens de bonnes castes, parlant le français, et ceux de basses castes, parlant le flamand. Les bourgeois tels que la famille de l’auteure méprisent les roturiers et domestiques auxquels l’usage de la langue flamande est prescrit. Cependant, la jeune fille passe outre ces distinctions et s’engage dans une certaine compréhension, voire même dans une certaine admiration des Flamands. Pour elle, la beauté de la langue dépasse largement les conflits liés aux castes et à la supériorité ou à l’argent.

 

Nathalie Sarraute, dans son ouvrage, évoque également un dualisme entre deux cultures : la culture russe et de la culture française. Ballotée de son père en France vers sa mère en Russie, l’auteure est prise entre deux cultures qu’elle assimile et appréhende à la manière d’une écrivaine : avec beaucoup d’égard, d’analyse, d’appréhension et de répréhension et tout en admirant la beauté de chacun de ces territoires par le biais de description de leur paysage.

 

 

 

En outre, ces deux auteurs se rejoignent aussi au niveau du thème de l’enfance, d’un retour ou d’une introspection dans l’enfance. Les deux auteurs éveillent des souvenirs enfouis dans les deux ouvrages et semblent, au fil du temps, se construire peu à peu à travers leur récit. Dans une certaine mesure, ces livres constituent donc un moyen pour ces écrivaines de s’exprimer et d’expliquer comment elles sont passées du stade de l’enfant à celui d’auteur.

 

Nous ne disposons cependant pas d’élément nécessaires pour prouver qu’il existe une relation quelconque entre les deux livres ou les raisons qui nt poussé leurs auteures à les écrire. Ce dont il est sûr, c’est que le thème traité est le même, à savoir la peinture de l’enfance. Ces deux auteurs se livrent toutes les deux à l’évocation de leur enfance et de leurs souvenirs, non pas seulement pour le plaisir, mais surtout pour présenter le monde de leur point de vue.

 

Enfance de Sarraute est un livre autobiographique doté d’un double personnage qui est ‘auteure elle-même. L’auteur y exalte ses sentiments et les expose au grand jour, sans faire un rapprochement majeur entre eux et les causes ayant ait d’elle un écrivain. De même, le livre est constitué de 70 fragments de textes laissant paraître des souvenirs confus et épars, reproduits dans le bon ou dans le mauvais ordre, et apparaissant comme bon leur semble.

 

Une enfance gantoise de Suzanne Lilar est une œuvre littéraire autobiographique représentant les jours heureux de l’auteure durant son enfance. La famille, le nature, la relation entre chaque être vivant dans le monde, etc. sont dépeints de manière philosophique. Le récit est surtout centré sur l’interprétation de l’auteure en étant enfant du monde qui l’entoure et est, en soi, une introspection de celle-ci.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

Ouvrages

 

Chevrel Y. (2008).La littérature comparée, PUF, 128 pages.

Jules Gérard-Libois, Rosine Lewin, La Belgique entre dans la guerre froide et l’Europe, (1947-1953),  De Boeck Supérieur, 1992.

 

Cahiers de Suzanne Lilar, Paris, Gallimard, 1986.

Nathalie Sarraute, L’enfance, 1993, « Incipit ».

Chantal P. (1977). Les cahiers du GRIF : Suzanne Lilar, Enfance Gantoise, Grasset. Vol. 16, n° 16, p. 96.

Minogue V. (1995). Autour de Nathalie Sarraute : actes du colloque international de Cerisy-la-Salle des 9 au 19 juillet 1989, Presses Universitaires Franche comté, p. 60.

Cliche A-E. (2012) : Sarraute : Cette puissance d’envoûtement. Possession, conjuration, figuration, Revue de critique et de théorie littéraire,  Vol. 7, nº 2 Printemps-été 2012

Sarraute N. (1983) : Enfance, Gallimard

Lilar S. (1976) : Une enfance gantoise, Grasset, 219 pages.

 

Webographie :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/introspection/44019

www.larousse.fr/encyclopedie/divers/autobiographie/24227

 

[1] Chevrel Y. (2008).La littérature comparée, PUF, 128 pages.

[2] Nous ne pourrons malheureusement pas tous les citer de par le manque de temps et de peur de nous éloigner de notre sujet principal.

[3] Jules Gérard-Libois, Rosine Lewin, La Belgique entre dans la guerre froide et l’Europe, (1947-1953),  De Boeck Supérieur, 1992.

[4] Cahiers de Suzanne Lilar, Paris, Gallimard, 1986.

[5] Référence à la phrase « je cherchais mon plus lourd fardeau, c’est moi que j’ai trouvé », in Friedrich Nietzsche, Journaux

[6] Nathalie Sarraute, L’enfance, 1993, « Incipit ».

[7] Extrait du site http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/autobiographie/24227

[8] Chantal P. (1977). Les cahiers du GRIF : Suzanne Lilar, Enfance Gantoise, Grasset. Vol. 16, n° 16, p. 96.

[9] Extrait du site http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/introspection/44019

[10] Minogue V. (1995). Autour de Nathalie Sarraute : actes du colloque international de Cerisy-la-Salle des 9 au 19 juillet 1989, Presses Universitaires Franche comté, p. 60.

[11] Cliche A-E. (2012) : Sarraute : Cette puissance d’envoûtement. Possession, conjuration, figuration, Revue de critique et de théorie littéraire,  Vol. 7, nº 2 Printemps-été 2012

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