docudoo

COMMENT AMELIORER LA CONFIANCE DANS LE CADRE DES RELATIONS SOCIALES

 

U N I V E R S I T É   P A R I S 1   P A N T H É O N – S O R B O N N E

 

MASTER  M2 Management

Spécialité Professionnelle : Ressources Humaines et Responsabilité Sociale

Mémoire d’Analyse

 

 

 

 

 

 

« Comment améliorer la confiance dans le cadre des relations sociales »

 

 

 

 

 

Rédigé et soutenu par :
Christophe SULPICE
Promotion JB 2015
 
Directeur des Travaux :
Rémi BOURGUIGNON
 
Date de la soutenance :
27 mars 2017

 

 

Mots-clés : (au nombre de 5 à 8)

 

 

 

 

INSTITUT D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES DE PARIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire :

ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Comment améliorer la confiance dans le cadre des relations sociales »

 

 

 

 

 

Remerciements :

 

 

Je remercie très chaleureusement…

 

… Rémi BOURGUIGNON pour sa disponibilité et pour l’aide qu’il m’a apporté dans mes démarches et dans ma réflexion.

 

… Toutes les personnes que j’ai pu rencontrer et interviewer dans le cadre des entretiens pour recueillir des informations essentielles à la construction de ce mémoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire

Note de synthèse

Introduction

À l’ère où les changements structurels et organisationnels dans les entreprises se situent à un point de non-retour et à des fréquences élevées, les relations sociales se trouvent automatiquement impactées. Toute d’abord, la relation sociale est l’ensemble des relations qui existent entre les différents acteurs de l’entreprise : direction, encadrement, représentants du personnel et salariés. Au sein des entreprises, les relations sociales se manifestent à travers les dialogues sociaux et se caractérisent par les relations formelles entre l’employeur et les représentants du personnel et sont encadrées par des règles de fonctionnement ainsi que par des obligations.

Dans une entreprise, les acteurs du dialogue social sont représentés généralement par la direction et les représentants du personnel. Les représentants du personnel sont des employés mandatés pour représenter l’ensemble du personnel. Ces délégués peuvent être élus ou bien désignés par une organisation syndicale (délégués syndicaux et représentant de la section syndicale). Le dialogue social est un élément fondamental à la performance des entreprises. C’est par l’amélioration de son fonctionnement et de sa qualité que l’entreprise peut espérer parvenir à des relations sociales stables et éviter toute forme de blocages.

Conduire efficacement les relations sociales implique de repenser la conduite du dialogue social tout en prenant en compte les divers éléments qui le composent, à savoir : la construction juridique assurant les droits à l’information, la concertation et la négociation des salariés. Néanmoins, le dialogue social ne se limite pas uniquement à sa dimension légale et règlementaire. Il se présente comme un moyen de transmission de l’information et d’organisation du groupe social, donc l’entreprise en elle-même, et se rapporte à des objectifs de performance. Cela permet de saisir pourquoi il est important et urgent de faire évoluer le dialogue social au niveau de l’entreprise d’autant plus que l’organisation des entreprises ne cesse d’évoluer et les instances de représentation du personnel sont adaptées à des acteurs économiques structurés selon les principes de l’organisation scientifique du travail, de l’industrie taylorienne. De plus, le milieu du travail évolue avec le temps en raison de nombreux facteurs dont le plus important est la technologie de l’information. De nos jours, les entreprises ont une structure beaucoup plus plate, décentralisée et avec une forte autonomie des parties les unes par rapport aux autres.

Force est de constater que les relations sociales en entreprise ne peuvent s’améliorer automatiquement si leur intensité augmente avec des acteurs qui sont de plus en plus méfiants quant au respect de leurs intérêts respectifs. Mais à quoi cela peut-il être dû ? Probablement à un déficit de confiance dans la majorité des cas. Ce déficit a comme effet principal d’interdire de fait toute coopération entre les parties qui interviennent dans les dialogues sociaux. Or, toute négociation, et de ce fait tout accord ou compromis, nécessite indispensablement un certain degré de coopération pour sa construction.

Si de nombreux auteurs soulignent l’importance sociale de la confiance, même de manière implicite, celle-ci reste une notion très vague prêtant à confusion que ce soit dans sa signification ou au niveau de sa fonction sociale. Les sciences sociales ont tendance à souligner les bénéfices qu’elle procure sans forcément chercher à en donner une définition rigoureuse. Toutefois dans les relations sociales des entreprises, la confiance est un élément fondamental pour mettre en place des relations sociales constructives, c’est-à-dire, une relation à valeur ajoutée. La construction de cette valeur ajoutée repose sur trois types de confiance, la confiance à l’intérieur de chaque partie à la négociation, la confiance entre les parties en tant que participant à la négociation et la confiance entre les personnes négociant. Dans ces différents types de confiance, il est important que chacun s’assure à ce que les personnes qui portent leurs intérêts leur fassent confiance et vice versa, à défaut de quoi les relations sociales risquent de se fragiliser, notamment en termes de négociation. Dans ce cas, il est capital que le dirigeant ait la confiance de son équipe, de ses actionnaires et du délégué syndical.

Toutefois en tant qu’humain, la confiance entre individus pose souvent problème. Par exemple un dirigeant qui signe un accord ne l’applique pas toujours forcément, et de la même manière un délégué syndical qui signe un accord peut ne pas réellement s’y appliquer ou le discuter en permanence. D’autres formes de problèmes peuvent également être constatés comme la difficulté pour les deux parties, syndicaux et Direction, d’arriver sur un terrain d’entente. Cette situation peut s’expliquer par l’existence de tensions interpersonnelles intenses vécues auparavant. L’intervention de l’État peut également être source de conflits dans les dialogues sociaux et peut engendrer un climat de défiance.

En partant de ces différents constats, il se montre plus que nécessaire de renouveler l’approche qu’a l’ensemble des partenaires de la relation sociale. Cette dernière est souvent considérée par les acteurs sociaux de l’entreprise, comme un processus formel, structuré par différentes contraintes légales qu’il faut scrupuleusement respecter. Actuellement, les directions y voient un ensemble d’obligations accompagnées de risques juridiques, tandis que les représentants du personnel le perçoivent comme un arsenal exclusivement défensif, dont l’arme ultime est le recours au juge pour faire valoir leurs droits.

C’est pour toutes ces raisons que dans ce travail, nous avons décidé de s’intéresser à l’amélioration des relations sociales des entreprises à travers la problématique suivante : Comment améliorer la confiance dans le cadre des relations sociales ? ».

Pour apporter des éléments de réponse à cette problématique, nous allons dans un premier temps synthétiser différents travaux de recherches académiques et scientifiques axés sur la notion de confiance et les relations sociales des entreprises. Cette première étape sera ensuite complétée par une étude qualitative menée auprès d’un échantillon d’acteurs participant aux dialogues sociaux en entreprise soit : quatre représentants du personnel et trois représentants de la direction auprès de quelques entreprises. Ainsi, l’élaboration de ce travail se distingue en trois étapes :

  • Une première étape destinée à une revue de littérature, c’est-à-dire une recherche documentaire portant sur des ouvrages scientifiques et académiques afin de circonscrire le cadrage théorique du travail ;
  • Une seconde étape qui consiste à effectuer des enquêtes sur le terrain ;
  • Une troisième et dernière étape qui est destinée à l’analyse des données recueillies et à leur comparaison avec la théorie pour infirmer ou confirmer les hypothèses établies.

 

 

Partie 1 : Revue de littérature

Chapitre 1 : La confiance

Comprendre la notion de confiance va nous permettre de mieux cerner notre sujet qui est la confiance dans le cadre des relations sociales. La notion de confiance a une signification très large et est aussi important dans le domaine professionnel que dans la vie quotidienne.

Dans ce premier chapitre, nous nous focaliserons premièrement sur la définition et les caractéristiques de la notion de confiance puis l’analyserons dans le domaine de la relation de la relation sociale des entreprises.

 

Section 1 : Définition et caractéristiques

A première vue, la confiance se présente comme une notion complexe dans la mesure où elle est multiforme, c’est  à dire qu’elle peut être soit interpersonnelle ou institutionnelle. Elle est de ce fait reconnue comme étant une variable capitale dans la réussite des échanges. Depuis longtemps, la confiance a toujours été au centre de nombreuses réflexions en sciences de gestion, particulièrement en ce qui concerne sa définition et les différents concepts qui l’entourent.

  • Une multitude de définitions

Il existe jusqu’à ce jour une profusion de définitions de la notion de confiance en fonction du contexte d’application. Cette diversité de définition a souvent comme effet de freine la compréhension de son véritable statut dans la cadre du processus d’échange. Par conséquent, de nombreux auteurs tentent de souligner les différents sens donnés à la confiance pour arriver au final à proposer une vision pluridisciplinaire de celle-ci dans les organisations et entre elles. Pour les auteurs qui ont tenté cette expérience, les psychologues identifient la confiance à la personnalité ainsi qu’aux différents attributs comportementaux des individus. Par ailleurs, les économistes la considèrent comme calculée. Toutefois, même si elle se présente comme un argument destiné à enrichir des théories économiques classiques. De leur côté, les sociologues apprécient la notion de confiance à la fois dans le cadre des priorités encastrées des relations entre acteurs et au sein des institutions  ou des systèmes sociaux[1]. Suivant ce dernier constat,  la confiance se présente ainsi comme étant un phénomène qui se base exclusivement sur le calcul. Ainsi les autres aspects, sociaux, psychologiques ou symboliques, apparaissent donc comme des facteurs qui remettent en cause le statut purement économique de la confiance dans les relations des affaires. Elle s’organise et se fonde dans les relations sociales. Pour cela, elle considère avec beaucoup d’importance la personnalité des partenaires, de leurs expériences et aussi de leurs sentiments comme c’est le cas dans les relations sociales entre deux individus. Le tableau présenté ci-après met en évidence les différents apports de littérature en psychologie, en sociologie, en gestion et économie de la notion de confiance :

 

Tableau 1 : Apports de littérature  sur la confiance selon différents domaines

Source : Shérazade Gatfaoui, « Construire la confiance dans la relation bancaire », HAL, mars 2013, p.6

 

Par ailleurs, dans le cadre des relations interpersonnelles, BtoB ou BtoC, la confiance rassemble généralement deux dimensions essentielles. Ces deux dimensions sont souvent avancées par des travaux marketing en BtoB que ce soit dans les relations interpersonnelles ou institutionnelles. Par exemple plusieurs auteurs comme Crosby, Evans et Cowles (1990) ; Doney et Cannon (1997) ; Luck et Yip (2008) mettent en évidence deux dimensions qui doivent conditionner la notion de confiance l’une cognitive et l’autre affective. La première dimension cognitive se rapporte à la croyance vis-à-vis du partenaire en le considérant comme possédant l’expertise, les compétences et la motivation nécessaires afin qu’il puisse garantir les différents termes d’échanges, notamment sur la performance escomptée. La seconde dimension qui est plutôt affective est en relation avec l’honnêteté ou encore l’affectation de bienveillance du partenaire. Cette honnêteté attendue du partenaire se rapporte  essentiellement à la promesse quant au respect des différents termes d’échanges préalablement fixés. La bienveillance quant à elle correspond  au sentiment de sécurité par rapport au fait de compter sur le personnel en contact qui aura pour mission de prendre en compte l’intérêt du partenaire sans compter uniquement la recherche de profit.

 

La confiance se présente ainsi comme fondamentale car sans elle, il est difficile voire impossible d’envisager l’existence même des relations humaines. La confiance conditionne également l’avenir et le succès d’un projet à bâtir ou un projet qui se développe dans le temps. En ce sens, plusieurs travaux de recherche en science sociale expliquent que c’est à travers la confiance que se construit et se développe la socialité et le fonctionnement de la démocratie[2]. Toutefois, il est également remarqué que la confiance est dangereuse dans la mesure où elle implique le plus souvent un risque, notamment lorsque celui qui reçoit la confiance ne se montre pas digne des attentes ou surtout lorsqu’il trahit intentionnellement la confiance qui lui est accordé.

  • Les différents rapports de confiance

Il existe généralement trois éléments qui caractérisent le rapport de confiance que ce soit au niveau personnel ou institutionnel :

  • La confiance en soi, c’est-à-dire la capacité de se fier à soi-même, d’être sûre de soi-même ou d’avancer dans la vie avec assurance ;
  • La confiance aux autres : c’est-à-dire se fier aux autres ou encore confier quelque chose à quelqu’un sans avoir aucune crainte ;
  • Etre digne de la confiance des autres, c’est-à-dire, avoir la capacité de démontre à d’autre personnes qu’’ils peuvent compter sur nous.

Dans la confiance, il faut généralement tenir compte de plusieurs éléments qui peuvent soit conditionner sa qualité ou bien engager les parties concernées :

  • En matière de confiance, il faut savoir que celui qui accorde la confiance se met en situation de vulnérabilité par rapport à la personne à qui il fait confiance ;
  • La personne qui reçoit la confiance est gardien de quelque chose ayant une certaine valeur et par conséquent, doit impliquer sa responsabilité.

 

A part ces différents éléments, il faut également savoir que la confiance se base sur plusieurs critères. Premièrement, il y a la connaissance ou le savoir reçu à partir des informations acquises à travers les expériences et les informations contextuelles. Il y a ensuite la croyance conditionnée par la conviction personnelle. Enfin, il y a la foi qui correspond à l’état de certitude intérieure et à l’espérance.

  • Les dynamiques de la confiance

Il existe généralement quatre concepts qui déterminent la dynamique de la notion de confiance, à savoir[3] :

  • L’approche rationnelle : de base sur le raisonnement ;
  • L’approche normative : quand un individu à la conformité, par exemple un label, une certification ou un diplôme,
  • La confiance par intuition : se base essentiellement sur l’affective, l’émotionnelle et l’irrationnelle ;
  • L’engagement à se conformer à la norme suivant un code partagé de devoirs réciproques, de valeurs morales, etc.

Dans le domaine des relations interpersonnelles, l’aspect dynamique de la confiance se présente à travers trois phases distinctes :

  • La méfiance réciproque : cette première phase engendre généralement l’établissement d’un mécanisme de contrôle, de sanction ou encore de récompenses dans le but de faire respecter les termes de l’échange ;
  • La connaissance réciproque : cette seconde phase consiste généralement en une prédiction de la performance du partenaire. Elle peut correspondre au jugement de la crédibilité et surtout de la fiabilité du partenaire ;
  • La bienveillance réciproque : les parties concernées doivent pouvoir internaliser les désirs et les intentions de chacun pour ensuite établir un accord sur le souhait de chacun afin de pouvoir s’entraider. Cela s’apparente à la forme affective de la confiance.
  • Confiance et coopération[4]

D’un point de vue général, tout être humain souhaite vivre au sein d’un environnement sûr et stable et dans un monde où la confiance et la bonne foi soient les principaux éléments qui déterminent la conduite de ceux qui les entourent. C’est pour cette raison qu’il a été décidé de régulariser et de formaliser un certain nombre de conduites, ainsi que d’institutionnaliser les contrats. Promettre quelque chose ou conclure une alliance avec une autre personne ou une autre entité se présente effectivement comme une manière de prévoir et maitriser le futur, soit en s’engageant à effectuer quelque chose soit qui nous assure de sa parole. Cela implique la nécessite d’une confiance réciproque, une confiance qui serait « l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société  » comme expliqué par Georg Simmel[5].

Si la confiance n’existe pas entre les différents membres de la société, celle-ci pourrait se désintégrer. Ainsi, l’analyse de la confiance met en jeu soit un contrat soit une promesse représentant une véritable obligation pour les parties qui se mettent en confiance. Celui qui reçoit la confiance et qui promet s’engage et se lie à répondre de ses actions dans le futur, c’est-à-dire qu’il doit accepter implicitement à ce qu’on lui demande des comptes rendu un peu plus tard, notamment sur la manière dont il a réalisé sa promesse. Il donne ainsi sa parole et par conséquent contracte une certaine obligation  et donne à autrui, c’est à la personne qui lui a accordé sa confiance, l’autorisation d’exiger de lui des actions, des prestations ou des conduites.

Par ailleurs, d’autres auteurs comme Diego Gambetta ou Russel Hardin[6] expliquent la coopération dans la confiance à travers la théorie le choix rationnel. Cette théorie vise à expliquer la conduite de chacun en se basant sur l’analyse des motivations en termes d’intérêts personnels. D’après ces auteurs, les individus n’accordent leur confiance que lorsqu’ils attendent quelque chose en retour, c’est-à-dire lorsque l’action est avantageuse. Autrement dit, la confiance est le produit d’un calcul rationnel une fois que l’individu arrive à rassembler certaines informations concernant le dépositaire éventuel de sa confiance et aussi les conséquences possibles de son acte de confiance. Dans ce contexte, la confiance peut se définir comme un « certain niveau de profitabilité subjective »  dans laquelle l’individu se fixe à croire que l’autre sera toujours dans la mesure d’accomplir ce qu’il attend de lui. Ainsi, faire confiance à quelqu’un se traduit par le fait d’envisager la possibilité d’une coopération. Ce constat est plus crédible si l’on considère les motivations qui poussent celui qui reçoit la confiance à se montrer digne de cette confiance reçue. La confiance repose alors sur le fait que les intérêts des parties concernées s’intègrent, c’est-à-dire que le destinataire de la confiance conçoit les intérêts du dépositaire comme faisant, même partiellement, des siens. Cet enchâssement d’intérêts se réalise grâce à différentes raisons, comme par exemple pour faire durer une relation existante entre deux ou plusieurs partenaires ou pour préserver son image dans les rapports avec autrui.

  • La confiance, un « saut » dans le vide

Pour Georg Simmel, la confiance se présente comme une forme de savoir sur un être humain, un savoir qui englobe toujours une part d’ignorance car pour cet auteur : « celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance » [7].  C’est notamment pour cette raison qu’il est difficile de comprendre la notion de confiance sans commencer pas imaginer l’existence d’un « moment aitre » accompagnant « le moment cognitif », c’est-à-dire qu’il est difficile de croire une personne que cela soit justifiée par des éléments de preuve témoignant que la personne est digne de confiance et cela, même s’il y a la preuve du contraire. La notion de confiance est donc liée directement au concept de foi car dans les relations humaines, les individus ont souvent tendance à croire en une personne sans savoir précisément la raison ou sans pouvoir donner des explications exactes par rapport à cette confiance.  En effet, il peut arriver que sans avoir les motifs nécessaires, l’état de « moi » peut s’abandonner en toute sécurité sans démontrer aucune résistance.

Cette situation peut s’expliquer par le fait que la nation de confiance dépend la plupart du temps sur des propriétés objectives permettant de dire qu’une personne est fiable. Un individu considéré comme fiable est souvent une personne qui dispose certaines compétences techniques et morales, comme un médecin par exemple. Cependant, il est possible de compter sur quelqu’un qui a ces critères sans pour autant s’abandonner à lui en toute sécurité. Il est également possible que certains individus font confiance à d’autres mêmes en distinguant des signes témoignant que ces individus ne sont pas tout à fait fiables. C’est par exemple ce qui se passe entre amis.

Ces différents constats démontrent qu’il existe un certain lien entre la confiance et le fait de compter sur quelqu’un. Selon le philosophe Simon Blackburn, ce lien se présente comme une sorte de continuité[8]. Dans ce contexte, le fait de compter sur quelqu’un se présente comme une base de la confiance. Il faut également savoir que la confiance se fait à des degrés variés étant donné qu’elle ne se fonde pas sur des standards quantifiables. Elle est grandement liée à la nature même des individus et surtout au fait que personne n’est totalement indépendant des autres et autosuffisant.

 

Section 2 : La confiance, un état ou un processus ?[9]

Suivant son historique, il est possible de mettre en évidence deux approches qui permettent de l’analyser. La première approche est qualifiée de statique dans laquelle les travaux des hauteurs visent à mesurer ou plutôt à photographier la confiance à un instant donné appelé instant « t » à travers des échelles de mesure ou de méthodologies quantitatives. Les mesures peuvent se référer à des mesures de dimensions, des antécédents ou encore des conséquences de la confiance. La seconde approche quant  à elle se réfère à la recherche d’une meilleure compréhension des différents mécanismes et processus à travers lesquels se base la confiance au cours du temps. Dans ce sens, il existe certains travaux de recherche, notamment ceux dans le domaine de la gestion, qui souligne la faiblesse des études empiriques qui se focalise sur la compréhension des processus de développement de la confiance dans le cadre des relations d’affaires, à l’exemple des travaux de Ring et Van de Ven (1992) et Schoorman, Mayer et Davis (2007).

Même si la confiance est généralement qualifiée comme un phénomène complexe avec des variables dynamiques et contextualisées, la majorité des recherches se focalisent davantage sur la première approche, c’est-à-dire, l’approche statique.

La littérature qui se focalise sur l’étude des antécédents et les conséquences de la confiance dans le domaine de la gestion est particulièrement nombreuse, notamment en marketing B to B et en marketing B to C. Ce type de littérature distingue une multitude d’antécédents et de conséquences. Il existe néanmoins des travaux de recherche qui sont un peu contradictoires, notamment en ce qui concerne les antécédents ou certains éléments se rapportant aux conséquences de la confiance. Si certains auteurs comme Ring et Van de Ven (1992) ; Ganesan, (1994) et Gurviez et Korschia (2002) démontrent le fait que la satisfaction, la coopération ou encore la communication sont des antécédents de la confiance, néanmoins d’autres par contre soulignent que ces construits en sont les conséquences. La confiance peut se traduire comme la satisfaction, la coopération ou l’engagement des partenaires dans les termes d’échanges. Toutefois, les différents travaux présentent des résultats identiques où la performance, la diminution des coûts de contrôle ou encore la fidélité à une marque sont également des construits qui peuvent traduire la confiance. La place de la coopération et de la satisfaction comme étant à la fois des antécédents et des conséquences de la confiance peut être lié au stade de développement de la relation entre les partenaires.

Lorsque ces différents construits sont analysés dans une perspective statique, ils dissimulent la réalité du concept de confiance qui est notamment son caractère itératif et dynamique du processus de construction de la confiance.

En tout, la confiance se caractérise donc par deux variables essentielles qui sont tous deux à l’origine des configurations possibles de confiance. La première est une variable rationnelle qui se fonde sur l’intérêt ou la cognition. La seconde quant à elle est une variable émotionnelle fondée sur l’affection[10].

 

 

Chapitre 2 : La confiance dans les relations sociales des entreprises

La responsabilité sociale des entreprises s’accompagne souvent d’une image peu favorable et est conçue par la direction pour se présenter principalement comme un outil de communication en associant les salariés ou leurs représentants dans sa mise en œuvre et dans sa conduite. Toutefois au sein de certaines entreprises, la RSE n’est pas toujours considéré comme un outil devant faire l’objet  d’un dialogue social. Le dialogue social étant toujours cantonné au domaine des relations de travail à travers un système consultatif.

Une stratégie RSE efficace doit se baser sur un système co-productif entre la direction et les organisations syndicales et pour qu’elle fasse l’objet d’un véritable dialogue social, elle doit être favorable à  l’instauration d’un véritable climat de confiance afin de permettre un partenariat qui se base sur des règles claires et bien précises. Appelé également relations collectives de travail, les relations sociales des entreprises recouvrent différents domaines complexes qui peuvent être formalisés ou non.

Pour mieux comprendre l’importance de la confiance dans les relations sociales des entreprises, nous allons dans ce second chapitre commencer par comprendre la nature et les caractéristiques de la relation sociale des entreprises puis nous allons essayez de mesurer l’importance et la portée de cette responsabilité.

 

Section 1 : La relation sociale des entreprises

  • Définition et caractéristiques

La relation sociale sert généralement à désigner les rapports entretenus entre différents acteurs de la société : l’État, les salariés et leurs représentants, les employeurs et leurs organisations. Une fois institutionnalisé, cette relation sociale a fait produire des règles indispensables assurant le bon fonctionnement de l’action collective. Au sein des entreprises, les relations sociales se caractérisent par les relations formelles entre l’employeur et les représentants du personnel. Les relations sociales des entreprises sont encadrées par des règles de fonctionnement ainsi que par des obligations.  En effet, les relations sociales des entreprises se basent sur des échanges d’informations, de négociations, de concertations ou encore de consultations. A première vue, ces relations sont destinées à prévenir les conflits, à générer une certaine synergie entre les exigences de l’organisation et celles des employés à travers la recherche permanente d’un point d’équilibre pour rapprocher autant que possible les attentes respectives des deux parties. Ce point d’équilibre est considéré comme des solutions concrètes, précises et adaptées pour répondre aux circonstances spécifiques et qui conviennent aux deux parties que ce soit en rapport avec les aspects individuels ou aux ceux collectifs des relations de travail.

La figure présentée ci-après donne un aperçu du fonctionnement des relations sociales dans les entreprises

Figure

Source : Appui aux relations sociales, Ministère du Travail, de l’Emploi

 

A partir de ce schéma, nous pouvons en déduire que les relations sociales sont omniprésentes et se concrétisent à travers des dialogues sociaux par le biais de processus formels sur la base de normes de règles régissant le fond et la forme des relations de travail ainsi que de tous types de rapport entre les deux parties.

Par ailleurs, en plus des négociations avec les instances  Représentatives du Personnel, les relations sociales des entreprises servent également à désigner l’ensemble des relations collectives ainsi que toutes les interactions existantes au sein de l’organisation, notamment entre la direction, l’encadrement, les salariés et leur représentant.

Les points suivants désignent plus précisément les différents éléments qui doivent caractériser les relations sociales des entreprises :

  • Les relations sociales des entreprises donnent aux différents acteurs la possibilité de se concerter et de négocier des solutions acceptées par tous et qui sont opérationnelles sur le terrain ;
  • Les relations sociales ne concernent pas uniquement les grandes entreprises, les petites entreprises en sont également concernées ;
  • Les relations sociales peuvent également vivre au sein d’espaces de débats et d’échanges rassemblant l’ensemble du personnel à tous les niveaux hiérarchiques ;
  • Les relations sociales doivent être entendues au sens large et rassembler deux composants essentiels : le dialogue institutionnel et les relations de travail quotidiennes.

 

En France, le paysage des relations sociales se caractérisent par l’existence de nombreux acteurs. Notamment, le pays dispose d’une multiplicité d’organisations syndicales, notamment en raison de l’existence de nombreuses divergences comme le combat pour la défense des intérêts des salariés. Un autre point qui caractérise les relations sociales des entreprises en France est le manque de clarté des stratégies menées par les acteurs syndicaux, les normes de conduites qui varient selon les interlocuteurs ou des structures qui s’expriment. Par conséquent, il existe de nombreux DRH qui commencent à constater un écart croissant entre les conduites sur le terrain des délégués syndicaux et les discours confédéraux.

  • Le cadre juridique des relations sociales des entreprises

Le cadre juridique des relations sociales n’a pas été mis en place pour préjuger de la qualité de ces relations. En effet, les règlementations et leur application ne suffisent pas faire respecter les termes des relations sociales, notamment en ce qui concerne l’esprit et l’obligation légale destinés à créer des structures particulières. Tout cela n’entraine pas automatiquement le respect, l’écoute, l’échange, le débat, la consultation  ni la négociation.

Les relations sociales des entreprises, particulièrement pour la France, s’accompagnent souvent de cadres règlementaires. Dans ce contexte, il est important de noter que l’Etat ne détient pas le monopole en ce qui concerne les normes sociales, toutefois, il joue un rôle de pivot dans leur mise en place. Par exemple à travers les lois de 1982, l’Etat a le pouvoir d’intervenir à travers un procédé d’extension d’une convention collective où il a la possibilité de faire émerger de nouveaux thèmes de négociation notamment grâce aux leviers d’action que constituent les aides financières, les exonérations fiscales. Il y a par exemple la loi du 1 février 2001 qui a permis de faire émerger le thème d’épargnes sociales.  Il y aussi la mise en place du salaire minimum ou SMIC, les règles en ce qui concerne la durée du travail ou l’hygiène et la sécurité. A part ces différents points, l’Etat assure également une action d’animation de la politique sociale en offrant aux parties prenantes des données économiques et sociales nécessaires pour mener à bien les débats[11].

Par ailleurs, il est constaté qu’il existe plusieurs procédures qui ont pour objet de faire glisser les relations sociales vers le contentieux juridique au détriment du dialogue. L’accroissement des litiges se présente comme un effet fréquent du conflit relationnel. Ces litiges sont menés auprès des tribunaux soit par les travailleurs isolés soit par les organisations syndicales même lorsque les parties concernées sont dans l’impossibilité de résoudre les litiges par elles-mêmes. Les causes des litiges peuvent varier selon le contexte : validité d’une décision prise par la direction, manque de respect des procédures conventionnelles ou légales, etc. Généralement, le recours aux tribunaux est lié à la faiblesse ou aux limites d’action des syndicaux vis-à-vis du pouvoir exercé par la direction de l’entreprise. Toutefois, le recours au tribunal, à l’inspection du travail ou aux experts ne permettent jamais, en tout cas dans la plupart des cas, à éteindre le conflit permanent et latent entre les parties concernées.

Afin de modérer les litiges entre les systèmes représentatifs du personnel et la direction de l’entreprise, il a été mis en place une loi appelée loi Borloo du 18 janvier 2005. Cette loi est vient modifier les dispositions décrites par l’article L 2325-15 du code du travail relatif à l’élaboration de l’ordre du jour des réunions du comité d’entreprise. Cette nouvelle loi se présente comme une illustration de la préoccupation du législateur à l’égard du phénomène de judiciarisation des relations sociales.

  • Les conflits relationnels

Avant de parler des conflits relationnels qui existent assez souvent dans les entreprises, il se montre opportun de commencer par définir la notion même de « conflits » relationnel. Le mot conflit recouvre généralement des réalités bien différentes selon le contexte de son apparition. Lorsque cette notion est abordée en sciences humaines, il se trouve généralement dans sa dimension sociale et collective. Par ailleurs dans le cadre des entreprises, c’est la dimension interpersonnelle qui est concernée car elle caractérise le mode de dialogue social dans au sein d’une organisation[12]. Dans le cadre de cette relation interpersonnelle, le message diffusé ne se réduit pas forcément à l’information mais se caractérise par deux éléments fondamentaux : le contenu et la relation. Dans ce contexte, la relation peut s’avérer conflictuelle si le modèle d’interaction n’est pas partagé ; c’est là qu’apparait le « conflit relationnel » qui vient s’opposer au « conflit sur le contenu »[13].

Techniquement, le conflit relationnel évolue selon deux axes contradictoires : la méfiance et la confiance. La première se manifeste à la suite de craintes sur les intentions, des malentendus, des convictions idéologiques, de la peur de ne pas être reconnu ou de perdre de la maîtrise d’une situation ou encore des interprétations. Elle naît ainsi d’une relation de pouvoir dans laquelle les règles qui régissent cette relation sont incertaines et imprévisibles et qui ne sont destinées qu’à répondre à un seul objectif prioritaire : contrer l’adversaire pour le dominer et conserver le pouvoir.  Dans ce cas, si deux personnes, physiques ou morales, ont fondé leur relation sur un principe de méfiance, elles ne peuvent plus changer cette règle, car chaque proposition va être considérée comme un manouvre par l’autre. Par conséquent, aucune des deux parties ne souhaite renoncer à sa position et cherche à avoir le dernier mot tout en contribuant à reproduire les règles caractérisant la relation selon leur façon. C’est de cette manière qu’apparait une confusion communicationnelle, notamment entre la relation et le contenu.

Généralement, c’est la relation qui constitue de cadre au contenu et quand elle est perturbée, le conduit est malmené automatiquement et passe au second plan. Ainsi, tous les sujets qui sont abordés se transforment en source de d’affrontement et c’est le seul fait d’avoir raison sur l’autre qui compte. Tout cela donne place à une relation d’hostilité bloquant tout dialogue et par conséquent, rend improductif tout processus d’échanges entre les deux parties que ce soit dans le cadre d’une coopération, d’une résolution de problème, de concertation ou de négociation. Ainsi, le conflit relationnel devient structurel et permanent, « énergivore » et « mortifère ».

  • La confiance dans les relations sociales des entreprises : le dialogue social

La relation sociale des entreprises se matérialisent à travers des dialogues sociaux entre les différentes parties prenantes. L’OIT définit le dialogue social comme suit : « Le dialogue social inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun. Il peut prendre la forme d’un processus tripartite auquel le gouvernement participe officiellement ou de relations bipartites entre les travailleurs et les chefs d’entreprise (ou les syndicats et les organisations d’employeurs), où le gouvernement peut éventuellement intervenir indirectement. Les processus de dialogue social peuvent être informels ou institutionnalisés ou associer – ce qui est souvent le cas – ces deux caractéristiques. Il peut se dérouler au niveau national, régional ou au niveau de l’entreprise. Il peut être interprofessionnel, sectoriel ou les deux à la fois. L’objectif principal du dialogue social en tant que tel est d’encourager la formation d’un consensus entre les principaux acteurs du monde du travail ainsi que leur participation démocratique. Les structures et les processus d’un dialogue social fécond sont susceptibles de résoudre des questions  économiques et sociales importantes, de promouvoir la bonne gouvernance, de favoriser la paix et la stabilité sociale et de stimuler l’économie »[14]. Même si cette définition semble être particulièrement large, elle met néanmoins en évidence quelques composantes se présentant comme des points de repère pour délimiter les contours du dialogue social. Le dialogue social englobe également des éléments appartenant au droit du travail, c’est-à-dire, la construction juridique destinée à assurer les droits à l’information, la concertation et la négociation des salariés. Il est toutefois important de noter qu’il va bien au-delà de cette dimension légale et règlementaire, notamment par le fait qu’il se positionne en tant que mode de transmission de l’information et d’organisation.

Par ailleurs, afin de mieux comprendre la notion de dialogue sociale, ci-après un tableau résumant les différentes approches avec les éléments qui les caractérisent :

Tableau 2 : Les composants du dialogue social

Source : Virginia ALBARRACIN – Christophe HAUTBOURG – Laurent LEVRARD – Céline MARTIN, « DIALOGUE SOCIAL ET PERFORMANCE : Comment passer du « jeu social » à la « stratégie sociale » ?, Dauphine Université Paris, Octobre 2014

 

Ainsi, le dialogue social peut se caractérise par les éléments suivants :

  • réuni un ensemble d’acteurs, publics ou privés, à savoir les représentants des salariés, des employeurs et des gouvernements ;
  • concerne tous les types de négociations, d’information et de consultation ;
  • peut être informel ou institutionnalisé, tripartite, lorsqu’il s’effectue avec les autorités publiques ou bipartite lorsque le dialogue s’effectue entre les employeurs et les organisations syndicales ;
  • peut se faire à différents niveaux de la hiérarchie, au niveau national ou régional, interprofessionnel ou sectoriel ;
  • porte sur des sujets sociaux ou économiques.

Lorsque le dialogue social s’applique au niveau des entreprises, il s’effectue de manière formelle avec les organisations syndicales et des instances représentatives du personnel (IRP). Il peut néanmoins s’effectuer dans un cadre plus informel lorsque le dialogue est destiné à un certain nombre d’acteurs ou sein de l’entreprise.

  • Les acteurs du dialogue social[15]

Au sein des entreprises, les acteurs traditionnels qui interviennent dans les dialogues sociaux sont généralement l’employeur, c’est-à-dire la direction et les représentants des organisations syndicales et les membres des instances représentatives du personnel comme le délégué du personnel, le comité d’entreprise, le comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail. Par ailleurs, les managers et les salariés font également partie des dialogues sociaux. Ces derniers se présentent de plus en plus comme des acteurs incontournables du dialogue social des entreprises. La présence de ces différents acteurs forme un ensemble se présentant comme un système comme présenté comme suit :

Source : Gérard Taponat, 2010, page 29

Les dialogues sociaux menés par ces différents acteurs se présentent comme un mécanisme d’ajustement qui ne peut fonctionner que sur la base d’une relation de confiance. Toutefois, les acteurs ne se font pas confiance et ont tendance à limiter le risque. Pour les dirigeants, on limite le risque en se conformant strictement au droit pour ne pas risquer le procès. Pour les syndicats, on limite le risque en négociant des accords qui ne laisse aucune liberté d’interprétation et d’ajustement au management dans la mise en œuvre. Cette notion de risque est définit par Dominique Vincenti comme étant « une menace qu’un événement ou une action ait un impact défavorable sur la capacité de l’entreprise à réaliser ses objectifs avec succès »[16].

Dans les dialogues sociaux, le jugement porté à l’autre s’appuie le plus souvent sur l’expérience acquise et son développement est conditionné par un facteur facilitateur, notamment la possibilité pour les différentes parties d’entretenir des interactions quotidiennes, informelles, organisées sur le vif pour résoudre des problèmes. La confiance ne se limite donc pas uniquement à une dimension formelle mais prend également une dimension plus informelle impliquant  à la fois reconnaissance, transparence et partage.

  • Les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux des entreprises

Généralement, le dialogue social doit se présenter comme une clé de changement et servant à l’efficacité des stratégies de l’entreprise de façon à ce qu’il :

  • Contribue à la pérennité économique de l’entreprise
  • Offre à l’ensemble du personnel les meilleures conditions de travail possibles ainsi qu’une pérennité de travail.

Ainsi, le dialogue social doit permettre de combiner à la fois l’intérêt économique de l’entreprise et l’intérêt de chaque acteur qui la composent. Tout type de conflits et toute déficience du système de dialogue social peuvent se présenter comme des risques pouvant altérer soit l’intérêt économique de l’entreprise, soit l’intérêt des individus, ou les deux à la fois.

Le dialogue social a comme première rôle une fonction de contre-pouvoir dans lequel les syndicats doivent être capables, non seulement de revendiquer et de s’opposer, mais aussi de dialoguer et de négocier des compromis utiles ». Pour fonctionner comme il le faut, le dialogue social a besoin de se baser sur une relation de confiance dans laquelle la réciprocité est incontournable. Toutefois, cela ne signifie pas toujours que les intérêts de chaque partie soient identiques. Ce qui est important est que chacun doit faire confiance à l’autre et surtout avoir la capacité d’être jugé comme étant digne de cette confiance par l’autre.

Les difficultés rencontrées dans les dialogues sociaux sont également liées à l’intervention de l’Etat dans le domaine des relations sociales traduisant l’existence d’un climat de défiance. Par ailleurs, nous pouvons également parler de la lutte des classes qui imprègne les relations sociales, particulièrement en France. Cette idéologie se présente souvent comme un conflit fondamental entre les apporteurs de capitaux et les apporteurs de force de travail[17]. Devenu comme une tradition, cette opposition des acteurs  syndicaux est actuellement renforcée par une autre réalité, notamment la crise de légitimité dont souffre le syndicalisme aboutissant à une perte d’influence des instances représentatives du personnel. En effet, le syndicalisme a de plus en plus du mal à répondre aux préoccupations des salariés ni à comprendre et prendre en compte les orientations stratégiques de l’entreprise.

Dans les négociations, il est souvent remarqué la difficulté pour les deux parties, syndicaux et Direction, d’arriver sur un terrain d’entente. Cela peut s’expliquer premièrement par l’usure des parties fatiguées des tensions interpersonnelles intenses qu’elles ont vécue auparavant. Une fois arrivée à une phase de marchandage où chaque partie essaie de s’approprier le temps et d’affaiblir l’autre, le compromis qui est obtenu est souvent insatisfaisant, du moins pour l’une des parties, car il ne prend pas réellement en compte les intérêts de chacun. Par conséquent, on aboutit souvent à un accord « donnant-donnant » s’opposant aux accords  « gagnant-gagnant ». En ce sens, Hubert LANDIER met en évidence l’attitude des parties prenantes dans les négociations de position[18] :

  • « L’organisation syndicale adopte généralement une position maximaliste alors que la direction de l’entreprise s’engage le plus souvent à minima ;
  • Les organisations syndicales arrivent difficilement à trouver leur place et sont par conséquent tentées par la surenchère verbale ou par l’alignement sur l’organisation la plus radicale ;
  • Les négociateurs syndicaux ont tendance à s’attacher à leurs demandes. Cela a comme conséquence de mettre en avant les écarts entre les revendications syndicales et les propositions de la direction.
  • Les séances de négociation sont le plus souvent caractérisées par les déclarations de principe ainsi que par des affrontements verbaux. Dans ce contexte, les concessions se font rares et les menaces de rupture peut arriver à tout moment ;
  • Les parties qui participent aux négociations ont souvent tendance à camper longtemps sur les mêmes positions tout en continuant à les réaffirmer inlassablement étant donné la moindre concession est considérée comme un signe de faiblesse ;
  • Durant les séances de négociation, la direction des entreprises fait le minimum de concessions alors que les syndicats ont souvent tendance à dénoncer un simulacre de négociation en attendant les circonstances favorables dans lesquelles elles pourront faire jouer leur apport de force ».

Il est ainsi remarqué que les acteurs syndicaux contribuent également à l’instauration d’un climat de méfiance engendrant des conflits de relationnelles dans les dialogues sociaux. De leur côté, les entreprises sont également réticentes.

Par ailleurs, afin de mieux comprendre l’existence d’importantes dans les dialogues sociaux des entreprises, il faut prendre également mettre en évidence les tendances contrastées des dirigeants, notamment les dirigeants français. D’une certaine manière, les dirigeants ont souvent tendance à s’opposer au dialogue car cela se traduit en quelque sorte comme reconnaitre son interlocuteur comme des égaux et revient à risquer de perdre le pouvoir. Par conséquent, les dirigeants ont tendance à privilégier la vision univoque de l’intérêt sans considérer les intérêts des autres parties prenantes. Dans le même sens, il est également constaté que la personnalité et les émotions des dirigeants engendrent une importante influence sur la gestion des entreprises et plus particulièrement sur la conduite des dialogues sociales. Dans le même sens, Kets de Vries mettent en évidence cinq formes de pathologie du dirigeant engendrant cinq autres formes de pathologie organisationnelle[19] :

  • Une organisation paranoïaque : ce type d’organisation est caractérisé par la méfiance du dirigeant vis-à-vis d’autrui et dans lequel la direction exprime généralement un besoin de maitrise de la situation qui aboutit souvent à une minimisation de confiance vis-à-vis des salariés. Ce type d’organisation provoque également de la part de la direction un rejet de toutes les remontées d’informations négatives, particulièrement lorsque celles-ci proviennent des acteurs syndicaux ou des représentants du personnel qui sont considérés comme des opposants ;
  • Une organisation compulsive : ce type d’organisation se caractérise par le perfectionnisme de la part du dirigeant et également par d’autres éléments comme le dogmatisme, l’obstination ainsi qu’une domination et de soumission dans la relation à autrui ;
  • Une organisation théâtrale : se caractérisant par une dramatisation du comportement dans laquelle, des préoccupations narcissique ou encore d’exploitation d’autrui. Dans ce type d’organisation, la direction a souvent tendance à rejeter toute forme de contre-pouvoir tout en incitant les parties prenantes, notamment la partie syndicale et les représentants du personnel, à un combat permanent.
  • Une organisation dépressive : cette forme d’organisation est caractérisée par un sentiment de culpabilité et de médiocrité ainsi que par un manque de motivation et une soumission à l’évènement. Dans ce contexte, la direction est considérée comme indécise avec une autorité faiblement exercée. Par conséquent, les jeux de pouvoir se développent aux niveaux inférieurs de la hiérarchie et à travers lesquels certains acteurs tirent des bénéfices sur des faits que d’autre subissent. Ainsi, chaque décision prise provient des jeux d’influence et par conséquent n’est pas accepté car ne provenant pas de pouvoir considéré comme noble et n’a donc pas la capacité de répondre suffisamment aux besoins de la situation car servant des intérêts personnels.
  • Une organisation schizoïde : ce dernier type d’organisation est associé à un forme d’isolation car la direction ne trouve aucun intérêt dans les relations à autrui et fait preuve de froideur et de passivité.

L’existence de ces différentes formes de pathologie organisationnelle a comme premier effet de remettre en question la noblesse du dirigeant. En effet, celui-ci est souvent considéré comme n’étant pas digne de son statut, car soit il ne reconnaît pas ses subordonnés et automatiquement leurs représentants, soit parce qu’il n’a plus aucune crédibilité aux yeux de ses subordonnés et de leurs représentants en n’exerçant pas le pouvoir qui lui est investi, ou bien encore parce qu’il est trop fier et dépourvu d’humanité. Tout cela engendre des réactions de fronde venant des salariés et leurs représentants qui perçoivent un manquement à l’honneur inacceptable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie 2 : Partie empirique

 

Chapitre 1 : Méthodologie de recherche

 

Il est important de noter qu’il n’existe pas une véritable échelle de mesure du degré de confiance dans les relations sociales des entreprises. Ainsi, il appartient à chaque partie d’établir leurs propres outils de mesure pour évaluer l’évolution de la situation précédent qui a fait l’objet de négociation ou autre. Il existe ainsi plusieurs méthodes d’évaluer le degré de confiance entre la direction et les représentants du personnel :

 

  • Il y a par exemple l’observation du comportement de chaque partie concernée : une écoute plus active montre par exemple un niveau de confiance élevé.
  • L’ouverture de chaque partie aux dialogues sociaux. Cette ouverture se manifeste le plus souvent par la transparence et l’échange d’informations ;
  • Une rupture des cloisonnements ;
  • Des dialogues structurés ;
  • Une prise de recul pour une meilleure prise de conscience ;
  • Existence de convivialité dans les relations avec moins d’agressivité ;
  • Considération du point de vue de l’autre

 

J’ai donc choisi de partir sur la base d’hypothèses, au nombre de cinq, et d’interviewer sur la base de questionnaires, différents en fonction des parties (annexes 1 et2), représentants du personnel  et représentant de direction en charge des relations sociales au sein de leur entreprise.

Les 5 hypothèses :

  • C’est le manque de crédibilité, en termes de représentativité, de compétences, des représentants du personnel et des syndicats qui poussent les dirigeants d’entreprise à ne pas avoir confiance en eux
  • L’opinion des instances représentatives du personnel sont sous-évaluées par les dirigeants
  • L’instauration d’un climat de confiance et de coopération entre les acteurs permet de favoriser le débat plutôt que le combat
  • L’alignement du niveau d’information des salariés à celui des dirigeants permet d’améliorer la confiance dans les dialogues sociaux ou c’est la confiance qui permet le partage d’information ?
  • L’instauration d’un climat de confiance nécessite la reconnaissance mutuelle des parties prenantes ?

Les personnes interviewées :

 

Pour les représentants du personnel :

  • Marie-Christine BOURY déléguée syndicale CFDT Pôle emploi région Centre Val de Loire
  • Loïc BARBOUX délégué syndical national FO Pôle emploi
  • Pascal NEZAN délégué syndical national CFDT Pôle emploi
  • Guillaume YDIER délégué syndical national CFE-CGC Pôle emploi

Pour les représentants de la direction :

  • Dominique BLONDEL : Pôle emploi, adjointe du DGARH chargée des relations sociales et de la QVT
  • Laetitia JOUANNEAU : SNCF, responsable des relations sociales au sein de l’établissement de production Bretagne, Pays de la Loire, Grande Aquitaine et Région centre Val de Loire
  • Philippe-Albert JEAN et Céline SZCZYRBA, EDF, respectivement DRH groupe à la direction du dialogue sociale et responsable des relations sociales internationales

 

 

Chapitre 2 : Présentation et discussion des résultats

 

 

Nous allons reprendre les 5 hypothèses et vérifier si celle-ci sont validées ou non ou si elles font l’objet de nuance.

 

  • Hypothèse 1 : C’est le manque de crédibilité, en termes de représentativité, de compétences, des représentants du personnel et des syndicats qui poussent les dirigeants d’entreprise à ne pas avoir confiance en eux.

Très clairement cette hypothèse pourrait être validée côté employeur. On retrouve lors des 3 interviews des notions de compétences et de représentativité. Compétences dans la connaissance des dossiers, dans la connaissance des métiers et des impacts terrains des différentes propositions.  Représentativité dans le sens ou le faible taux de participation aux élections professionnelles ne démontrent pas que les élus représentent la majorité des salariés. Représentativité également dans le fait que la multiplicité des mandats coupe les élus de la « vrai vie » de l’entreprise. Enfin ce manque de crédibilité est aussi caractérisé par une formation insuffisante des élus par les fédérations.

Côté représentant du personnel, cette hypothèse serait très clairement à nuancer. L’aspect « être élu » serait censé imposer la crédibilité de chacun. Le côté statutaire, amène une notion de représentatif donc crédible. A noter que lors des interviews il y a un réel souhait de la part des syndicats d’être en capacité, en position de démontrer cette crédibilité.

 

En conclusion cette hypothèse est à nuancer mais on retrouve des similitudes des 2 côtés, la notion de statut, la notion de compétence et la notion d’espace pour assoir cette crédibilité.

 

  • Hypothèse 2 : L’opinion des instances représentatives du personnel sont sous-évaluées par les dirigeants

Cette  hypothèse peut être validé à la fois sur le champ représentant du personnel et à la fois côté employeur. On retrouve la notion d’espace pour exprimer cette opinion, espace à la fois en termes de temps, de lieu d’expression et de marge de négociations.

De manière unanime, les syndicats souhaitent être associés le plus en amont possible dans les négociations et les projets. Il y a une réelle volonté de s’impliquer et de démontrer qu’ils peuvent être force de proposition.

Côté employeur, le lieu de négociation a une importance, les échelons, locales, régionales et nationales ne permettent pas tous la même notion de prise en compte de l’opinion de l’autre. Mais, on retrouve cette notion de participation de la part des syndicats à la négociation et à la construction des projets. Toutefois cela demande, ensuite un engagement du syndicat pour promouvoir des choix auxquels il a participé, voir proposé.

 

  • Hypothèse 3 : L’instauration d’un climat de confiance et de coopération entre les acteurs permet de favoriser le débat plutôt que le combat

 

Cette hypothèse est vue sous l’angle de la méfiance. .La notion de confiance est un ingrédient essentiel, un point de vue partagé par les 2 partis, mais l’instauration d’un climat de confiance nécessaire à un dialogue de qualité n’est pas si simple. La confiance se développe sur le temps, comme cela est évoqué, à la fois par les représentants du personnel comme pour les représentants de la direction, il faut du temps, il faut apprendre à ce connaitre et c’est une relation d’individu à individu. Chaque parti se méfie de l’autre, « qu’est-ce que l’on nous cache » pour les syndicats, la surenchère syndicale de l’autre.

 

  • Hypothèse 4 : L’alignement du niveau d’information des salariés à celui des dirigeants permet d’améliorer la confiance dans les dialogues sociaux ou c’est la confiance qui permet le partage d’information ?

Sur cette hypothèse on en revient à la règle, ce qui est diffusable et non diffusable, tout en prenant en compte la notion de délit d’entrave.

Les 2 partis sont d’accord pour pousser la diffusion  auprès des salariés. Toutefois chacun est méfiant, les syndicats souhaitent être vigilants à ne pas être court-circuité par la direction. Les salariés ne doivent pas devenir un troisième partenaire dans les négociations.

D’un côté les employeurs souhaitent que les salariés soient informés au mieux, d’une part pour que chacun puisse se faire sa propre opinion et d’autre part pour éviter toute désinformation ou manipulation de la part des syndicats.

De l’autre les syndicats ne sont pas contre mais aimeraient avoir un droit de regard sur cette diffusion de l’information.

On retrouve ici, de nouveau, cette notion de confiance, une confiance mutuelle faciliterait très certainement la communication d’informations auprès des salariés.

 

  • Hypothèse 5 : L’instauration d’un climat de confiance nécessite la reconnaissance mutuelle des parties prenantes ?

Cette hypothèse est très clairement validée des deux côtés. Côté employeur, on retrouve la nécessité d’être crédible et compétent, d’avoir le temps de se connaitre et de prouver ou approuver cette reconnaissance. Cela nécessite, et c’est valable des 2 côté d’avoir des personnes en capacité de prendre des décisions, on peut noter que cela est un problème quand il y a un cadrage, notamment national, trop important. Cette notion d’espace, de « terrain de jeux », revient à plusieurs reprises dans le cadre des interviews. Pour être reconnu les interlocuteurs doivent être en capacité négocier, avoir des marges de manœuvre et de prendre des décisions.

 

 

 

 

 

 

 

Section 2 : Discussion

 

Comment améliorer la confiance dans le cadre des relations sociales ?

 

3 concepts ressortent des travaux empiriques :

 

  • la notion de crédibilité

 

  • la notion d’expertise et de compétence

 

  • la notion d’espace de travail pour prendre des décisions (terrain de jeux)

 

La notion de crédibilité :

 

La notion de crédibilité recouvre plusieurs domaines, en premier lieu la représentativité, qui à la vue des interviews semble mettre dans l’embarras, en deuxième lieu la démonstration de cette crédibilité et enfin l’implication.

 

Concernant la représentativité, d’un côté les syndicats l’estime légitime. Cette volonté de dire « je suis légitime » tient aux statuts et au code du travail. Le faible taux de participation aux élections professionnelles ne semble pas poser question aux différents syndicats. C’est notamment pourquoi les syndicats ne souhaitent pas que les salariés soient considérés comme un troisième acteur des négociations. Le fait d’être élu, semble, de fait, imposer cette crédibilité.

De l’autre côté, compte-tenu du faible taux de participation aux élections professionnelles, les employeurs estiment que les représentants du personnel ne représentent pas l’ensemble des salariés, ou tout du moins, une partie des salariés ne sont pas entendus et écoutés. La tentation est forte, pour les employeurs de s’appuyer sur cette majorité silencieuse pour passer des projets ou des accords, en mettant les représentants du personnel en porte à faux vis-à-vis de l’avis des salariés.

 

Le deuxième point soulevé, est la démonstration de cette crédibilité. Globalement c’est la direction qui doit créer les conditions pour que cette crédibilité puisse s’exprimer et de fait être démontré.

Deux axes de travail sont exprimés dans le cadre des interviews. Le premier consisterait à développer les groupes de travail ou seraient impliqué les salariés, au sens large, et les représentants syndicaux. Cela permettrait d’une part de donner de l’espace aux syndicats pour s’exprimer, donner des avis, faire des propositions très en amont des informations / consultations classiques. Cela obligerait les représentants de d’assumer, voir de promouvoir des décisions prises de manière commune et ainsi éviter des positions de principe, voir des positions dogmatiques qui deviendraient difficile à tenir.

Le deuxième axe, il est déjà mis en œuvre mais nécessiterait d’être développé, est l’organisation régulière voir systématique d’échanges en bilatéral entre représentant de la direction et organisations syndicales. Ce type d’échanges permet, d’une part, d’échanger en dehors de la présence des autres syndicats et de fait, évite la surenchère syndicale, mais aussi, d’être crédible en tenant les positions exprimées en bilatérale, en séance plénière. Cela permettrait, pour les syndicats, de démontrer que l’on peut leurs faire confiance et, pour les employeurs d’afficher qu’il n’y a pas de compromission avec tel ou tel syndicat et du coup gagner en confiance collective.

 

Enfin, troisième point, l’implication. De manière unanime, côté employeur et côté élus, il est nécessaire de donner du temps. Donner du temps pour s’approprier les dossiers et les sujets de négociations. Donner du temps au travers d’un agenda social partagé, d’un déroulement sur l’année et d’un rythme de négociation. L’implication passe aussi par une acceptation d’une échelle de temps. Il est à noter une asymétrie entre la temporalité des 2 parties. D’un côté, représentant de direction, le rythme doit être rapide pour avancer et passer à d’autres sujets. De l’autre, on souhaite prendre le temps. Prendre le temps, pour consulter la base, les salariés, prendre le temps pour appréhender les dossiers. De fait cela amène une méfiance réciproque sur la façon de gérer le temps. Les représentants pensent que la direction veut aller vite pour cacher des choses et prendre en compte à minima les remarques syndicales. De l’autre, la direction pense que les syndicats font allonger les négociations dans l’unique but de nuire à l’entreprise.

 

 

La notion d’expertise / de compétence :

 

Lors des interviews, la notion d’expertise revient très régulièrement. Pas toujours pour les mêmes raisons, que l’on soit du côté employeur ou du côté syndicat.

 

Côté syndicat, l’expertise est recherchée pour mieux maitriser le fond des dossiers, être en mesure d’échanger au mieux avec la direction et être en capacité de faire des propositions. C’est aussi une nécessité pour comprendre la position de la direction et éviter le côté « ils nous cachent des choses ». Ils sont prêts à faire des concessions pour avoir cette expertise, la CFDT propose, par exemple sur des sujets très particuliers de faire intervenir des experts en séance pour être mieux au fait des éléments.

 

C’est un sujet très sensible, notamment à Pôle emploi, ou régulièrement, au niveau régional, les syndicats demandent une expertise via un cabinet extérieur. Cela amène 2 contraintes fâcheuses, d’une part l’allongement du délai d’informations / consultations et d’autre l’expertise externe amène un coût supplémentaire.

 

Côté employeur, cette notion d’expertise / compétence revêt aussi 2 aspects.

 

Le premier est en lien direct avec la formation des élus. Il est nécessaire que les élus soient correctement formés par leur centrale syndicale. Les sujets concernés sont la prise de parole en public et l’analyse technique. Selon les personnes interviewées cela améliorerait fortement la qualité des débats. Cela pose, en cascade un autre problème : si je deviens expert, suis-je toujours apte à représenter les salariés ? Une montée en puissance sur de l’expertise technique pourrait amener à une rupture du lien entre salariés et élus.

 

Le deuxième est en lien avec l’activité professionnelle. Il semble important que les élus aient encore contact avec le travail de terrain. Ce n’est une volonté de toutes les centrales mais cela permettrait d’assoir les positions syndicales sur du réel vécu et non pas sur des « on nous a dit que » ou des positions de principes. Cela aurait un autre avantage, de gagner en crédibilité à la fois dans les échanges dans le cadre des instances mais aussi vis-à-vis directement des salariés. La solution pourrait être, comme le cherche à faire EDF, à limiter les mandats.

 

 

La notion d’espace de travail pour prendre des décisions (terrain de jeux) :

 

La notion d’espace de travail pour prendre des décisions, ce que nous pourrions appeler le terrain de jeux. Sur ce point-là, très clairement, les 4 délégués syndicaux interviewés sont unanimes, le fonctionnement national / régional / local est un vrai souci. Un vrai souci pour 2 raisons principales Premièrement les carcans imposés par le national ne permettent que peu de marges de manœuvre dans les négociations. Deuxièmement, c’est un point important pour la notion de confiance, cela place les représentants de la direction dans une situation où il est difficile de pouvoir décider autre chose que la ligne nationale. Le ressenti, côté syndicat c’est de n’être qu’une chambre de validation des décisions nationales.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

 

Les transformations de l’organisation du travail dépendent majoritairement des relations de confiance entre les principaux acteurs qui travaillent en collaboration et ceux qui s’occupent de la gestion.

Tout au long de ce travail, nous avons pu constater que la confiance est la base de toute relation au sein d’une entreprise, car elle se présente comme une variable capitale dans la réussite des échanges, et sans elle il est difficile, voire impossible, d’envisager l’existence même des relations humaines. Toutefois, il est également remarqué que la confiance est dangereuse dans la mesure où elle implique le plus souvent un risque, notamment lorsque celui qui reçoit la confiance ne se montre pas digne des attentes ou surtout lorsqu’il trahit intentionnellement la confiance qui lui est accordée.

Au sein d’une entreprise, la confiance intervient à différents niveaux de la hiérarchie et sous différents rapports : la confiance en soi, la confiance aux autres et le fait d’être digne de la confiance des autres. La qualité de cette confiance dépend de plusieurs éléments qui doivent être pris en compte, car conditionnent sa qualité. Par exemple, il est important de savoir que celui qui accorde la confiance se met en situation de vulnérabilité par rapport à la personne à qui il fait confiance et celui qui reçoit la confiance implique sa responsabilité. L’existence de ces deux éléments engendre souvent, particulièrement dans les relations interpersonnelles, des aspects dynamiques de la confiance qui peuvent varier selon le degré de confiances entre les parties concernées : une méfiance réciproque, une connaissance réciproque ou encore une bienveillance réciproque. À première vue, ces relations sont destinées à prévenir les conflits, à générer une certaine synergie entre les exigences de l’organisation et celles des employés à travers la recherche permanente d’un point d’équilibre pour rapprocher autant que possible les attentes respectives des deux parties. Une réalité qui en cache d’autres.

Actuellement dans les entreprises, il est constaté que les relations sociales sont marquées par une méfiance réciproque entre les parties concernées par les dialogues sociaux. Par exemple en France, les relations sociales sont marquées par un manque de clarté des stratégies menées par les acteurs syndicaux et la Direction. Il y a également les normes de conduites qui varient selon les interlocuteurs ou des structures qui s’expriment. Dans ce contexte, la relation peut s’avérer conflictuelle si le modèle d’interaction n’est pas partagé, d’où un conflit relationnel. Ce conflit est généralement engendré par des craintes quant à l’intention des autres, des malentendus, des convictions idéologiques, de la peur de ne pas être reconnu ou de perdre de la maîtrise d’une situation ou encore des interprétations. Par ailleurs, il est remarqué que les acteurs syndicaux contribuent également à l’instauration d’un climat de méfiance engendrant des conflits relationnels dans les dialogues sociaux. De leur côté, les entreprises sont également réticentes.

Par ailleurs, les interviews effectués dans le cadre de ce travail ont également permis de mettre en évidence que le manque de crédibilité, en termes de représentativité, de compétences, des représentants du personnel et des syndicats poussent les dirigeants d’entreprise à ne pas avoir confiance en eux. Certes, cela est validé côté employeur, mais pas forcément côté représentant du personnel, car il y a un réel souhait de la part des syndicats d’être en capacité, en position de démontrer cette crédibilité. Également, l’opinion des instances représentatives du personnel est sous-évaluée par les dirigeants, ce qui ne cesse de favoriser la méfiance de ces derniers.

Pourtant, le dialogue social doit permettre de combiner à la fois l’intérêt économique de l’entreprise et l’intérêt de chaque acteur qui la compose. Ainsi, tout type de conflits et toute déficience du système de dialogue social peuvent se présenter comme des risques pouvant altérer soit l’intérêt économique de l’entreprise, soit l’intérêt des individus, ou les deux à la fois.

Ainsi, il est possible d’affirmer que l’instauration d’un climat de confiance et de coopération entre les acteurs est un moyen qui permettrait de favoriser le débat dans les dialogues sociaux. En matière de confiance, il est possible de faire des progrès afin d’améliorer les relations sociales. Le moyen qui se présente en premier pour faire progresser le dialogue social est la construction de compromis. Il ne peut s’agir d’attendre de l’autre qu’il s’y mette pour s’y mettre soi-même, mais bien de prendre l’initiative d’une démonstration de la confiance qu’on lui porte. Il est également envisageable de trouver un moyen pour aligner le niveau d’information des salariés à celui des dirigeants. Toutefois, cela nécessite un accord bien établi entre la Direction et les instances représentatives du personnel.

Nous pouvons ainsi mettre en évidence trois concepts qui permettraient d’améliorer la confiance dans les relations sociales des entreprises : la notion de crédibilité, la notion d’expertise et de compétence et la notion d’espace de travail pour la prise de décision. La première notion fait référence à la représentativité, à la démonstration de la crédibilité et à l’implication. La seconde notion quant à elle fait référence à la capacité des syndicaux à mieux maitriser le fond des dossiers tout en étant en mesure d’échanger au mieux avec la direction et d’apporter des propositions. Enfin, la troisième et dernière notion consiste à permettre aux délégués syndicaux à avoir plus de flexibilité et de marges de manœuvre dans la prise de décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

  • Diego Gambetta, «  The Making and Breaking of Cooperative Relations », Oxford, Blackwell, 2002
  • Dominique Picard et Edmond Marc, « Les conflits relationnels, Que Sais-je » PUF, 2012
  • Dominique Vincenti – « Dresser une cartographie des risques » – Revue Audit, 2012
  • Georg Simmel, «  Etude sur les formes de la socialisation », PUF, 1999
  • Gilles De Robien, Ambassadeur délégué de la France auprès de l’OIT, « Pour un pacte d’innovation sociale», La Tribune, février 2014
  • Hubert Landier, « Histoire et enjeux contemporains du syndicalisme français », Encyclopédie des Ressources Humaines, éd. Vuibert, 2012
  • Laurent Karsenty « La confiance au travail », Octarès, 2013
  • Manfred Kets de Vries, « Combat contre l’irrationalité des managers », Paris, Editions d’organisation, 2002
  • Michela Marzano, « Qu’est-ce que la confiance ? », SER, 2010
  • Niklas Luhmann, « La Confiance. Un mécanisme de réduction de la complexité sociale », Economica, 1990
  • Patrice Laroche « Les relations sociales en entreprise », Dunod, 2009
  • Pierre Collart, « Qu’est-ce que la confiance ? : Aspects théoriques et applications », Septembre 2012
  • Philippe Emont, Yves Halifa, « Dialogue social : prenez la parole !», ESF Editeur, 2014
  • Rousseau, D. M., & Sitkin, S. B., & Burt, R. S., & Camerer, C. « Not So Different After All : a Cross-Discipline View of Trust»,  Academy of Management Review, 1998
  • Simon Blackburn, « Trust, Cooperation and Human Psychology », dans V. Braithwaite, M. Levi (ed.), Trust and Gover-nance, Nex York, Russel Sage, 1998
  • Shérazade Gatfaoui, « Construire la confiance dans la relation bancaire », HAL, mars 2013
  • Virginia ALBARRACIN – Christophe HAUTBOURG – Laurent LEVRARD – Céline MARTIN, « Dialogue Social Et Performance : Comment passer du « jeu social » à la « stratégie sociale » ?, Dauphine Université Paris, Octobre 2014
  • Wafa Khlif, « Processus de construction de la confiance et configuration de contrôle de gestion », Revue Tunisienne des Sciences de Gestion, 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe 1

 

Questionnaire servant de base à l’interview des représentants du personnel

 

Hypothèse 1 :

C’est le manque de crédibilité, en termes de représentativité, de compétences, des représentants du personnel et des syndicats qui poussent les dirigeants d’entreprise à ne pas avoir confiance en eux

 

 

–          Pensez-vous être crédible et représentatif aux yeux de la direction ?

–          Comment améliorer cette crédibilité ?

–          C’est un problème de positionnement ou de représentativité ?

Hypothèse 2 :

L’opinion des instances représentatives du personnel sont sous-évaluées par les dirigeants

 

 

–          Prenez vous souvent des décisions avec la direction ?

–          Avez-vous la sensation d’agir comme un simple observateur au sein de l’entreprise ?

–          Vos propositions, vos remarques, influencent-t-elles prises en compte par la direction ?

Hypothèse 3 :

L’instauration d’un climat de confiance et de coopération entre les acteurs permet de favoriser le débat plutôt que le combat

 

 

–          Etes-vous d’accord sur le fait qu’il y ait une méfiance mutuelle entre RP et direction ?

–          La confiance mutuelle, la confiance calculée, se présentent-elles comme un ingrédient essentiel d’un social de qualité ?

–          Selon vous, comment instaurer cette confiance ?

Hypothèse 4 :

L’alignement du niveau d’information des salariés à celui des dirigeants permet d’améliorer la confiance dans les dialogues sociaux ou c’est la confiance qui permet le partage d’information ?

 

 

–          Constatez-vous que les informations qui vous sont confiées par la direction sont incomplètes ?

–          Souhaitez-vous avoir le même niveau d’informations que la direction ?

–          Un même niveau jusqu’au salarié ?

 

Hypothèse 5 :

L’instauration d’un climat de confiance nécessite la reconnaissance mutuelle des parties prenantes ?

 

 

–          Considérez-vous que la direction manque de confiance envers les délégués du personnel ?

–          De votre côté, éprouvez-vous une certaine méfiance envers la direction ?

–          Que manque-t-il à la direction pour être reconnu vis-à-vis des RP ?

 

 

 

 

 

 

 

Annexe 2

 

Questionnaire servant de base à l’interview des représentants de direction

 

Hypothèse 1 :

C’est le manque de crédibilité, en termes de représentativité, de compétences, des représentants du personnel et des syndicats qui poussent les dirigeants d’entreprise à ne pas avoir confiance en eux

 

 

–          Pour vous, vos RP sont-ils crédibles dans la négociation ?

–          Sont-ils crédibles au sein de l’entreprise ?

–          Comment améliorer cette crédibilité ?

 

Hypothèse 2 :

L’opinion des instances représentatives du personnel sont sous-évaluées par les dirigeants

 

 

–          Vous arrive-t-il de vous appuyer sur l’opinion des RP dans le cadre du dialogue sociale ? si ou comment ? Si non comment faire évoluer cette situation ?

–          Selon vous, est-ce vrai que les employeurs ont tendance à refuser les interrogations des RP ? Pourquoi ?

Hypothèse 3 :

L’instauration d’un climat de confiance et de coopération entre les acteurs permet de favoriser le débat plutôt que le combat

 

 

–          Etes-vous d’accord sur le fait qu’il y ait une méfiance mutuelle entre RP et direction ?

–          Cette confiance est-elle un ingrédient essentiel d’un dialogue social de qualité ?

–          Si oui pour quelles raisons ?

Hypothèse 4 :

L’alignement du niveau d’information des salariés à celui des dirigeants permet d’améliorer la confiance dans les dialogues sociaux ou c’est la confiance qui permet le partage d’information ?

 

 

–          Pensez-vous que pour améliorer la confiance, le niveau d’informations des salariés doit-être aligné sur celui de la direction ?

–          Si oui/non pourquoi ?

Hypothèse 5 :

L’instauration d’un climat de confiance nécessite la reconnaissance mutuelle des parties prenantes ?

 

–          Quelles sont les causes, selon vous, de la méfiance d’une direction envers les RP ?

–          Que manque-t-il aux RP pour être pleinement reconnu par la direction ?

–          Vos relations avec les RP ont-elles évolué durant ces dernières années ?

 

 

 

[1] Rousseau, D. M., & Sitkin, S. B., & Burt, R. S., & Camerer, C. « Not So Different After All : a Cross-Discipline View of Trust »,  Academy of Management Review, 1998

[2]  Niklas Luhmann, « La Confiance. Un mécanisme de réduction de la complexité sociale », Economica, 1990

[3] Pierre Collart, « Qu’est-ce que la confiance ? : Aspects théoriques et applications », Septembre 2012

[4] Michela Marzano, « Qu’est-ce que la confiance ? », SER, 2010

[5] Georg Simmel, « Sociologie. Etude sur les formes de la socialisation », PUF, 1999.

[6] Diego Gambetta, « Trust. The Making and Breaking of Cooperative Relations », Oxford, Blackwell, 2002.

[7] Georg Simmel, « Sociologie. Etude sur les formes de la socialisation », PUF, 1999.

[8] Simon Blackburn, « Trust, Cooperation and Human Psychology », dans V. Braithwaite, M. Levi (ed.), Trust and Gover-nance, Nex York, Russel Sage, 1998

[9] Shérazade Gatfaoui, « Construire la confiance dans la relation bancaire », HAL, mars 2013

[10] Wafa Khlif, « Processus de construction de la confiance et configuration de contrôle de gestion », Revue Tunisienne des Sciences de Gestion, 2007

[11] « La régulation des relations de travail : L’Etat régulateur des relations du travail », sur vie-publique.fr, mars 2006

[12] Laurent Karsenty « La confiance au travail », Octarès, 2013

[13] Dominique Picard et Edmond Marc, « Les conflits relationnels, Que Sais-je »  PUF, 2012

[14] Gilles De Robien, Ambassadeur délégué de la France auprès de l’OIT, La Tribune, Pour un pacte d’innovation sociale, 21/27 février 2014

[15] Philippe Emont, Yves Halifa, Dialogue social : prenez la parole !, ESF Editeur, 2014

[16] Dominique Vincenti – « Dresser une cartographie des risques » – Revue Audit, 2012

[17] Patrice Laroche «  Les relations sociales en entreprise », Dunod, 2009

[18] Hubert Landier, « Histoire et enjeux contemporains du syndicalisme français », Encyclopédie des Ressources Humaines, éd. Vuibert, 2012

[19] Manfred Kets de Vries, « Combat contre l’irrationalité des managers », Paris, Editions d’organisation, 2002

Nombre de pages du document intégral:43

24.90

Retour en haut