Comment la mise en place de cette politique du paquet neutre ou générique impact-t-elle la communication des industries du tabac, et quels enjeux soulève-t-elle ?
Communication
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Plain tobacco packages : enjeux, mises en place et implications.
PLAN GÉNÉRAL
- La communication dans l’industrie du tabac : un secteur ultra-règlementé
1.1. Évolution de la communication de ses débuts à nos jours
1.2. Contraintes imposées aux industries du tabac dans leur communication et causes
1.3. Rôle joué par les institutions internationales et responsabilité étatique
- La politique du paquet neutre : naissance du concept et mise en place dans le monde
2.1. Définition du concept de paquet neutre et évolution
2.2. Mise en place et étude de cas : l’Australie
2.3. Mise en contexte en France
- Les challenges issus de la mise en place de cette politique
3.1. Dans le monde : Arguments de l’opposition
3.2. En France : mise en place et contestation
3.3. Évaluation des résultats donnés par la mise en place de cette politique
- Conséquences de la mise en place du paquet neutre sur la communication des industries du tabac
4.1. La communication dans l’industrie du tabac : une règlementation sévère
4.2. Le paquet de cigarette : dernier véhicule de marketing direct des industries
4.3. Une étude des conséquences de la mise en place de la politique du paquet neutre sur la communication des industries du tabac et sur son impact sur le public
- Le paquet neutre : Une étape vers l’éradication totale de la communication des entreprises de tabac
5.1. Vers une dépréciation croissante de la perception de la cigarette, conformément aux dispositions prises par les autorités
5.2. Un traitement injuste selon les industries du tabac
5.3. Les alternatives à la disposition des industries du tabac pour leur communication et leur marketing
INTRODUCTION (2 à 3 pages)
« Si vous acceptez le paquet neutre, vous aurez demain des intégristes qui vous demanderaient la bouteille neutre puis on aura aussi le fromage neutre. Cette bataille, c’est la bataille de nos appellations, c’est la bataille de notre savoir-faire, c’est la bataille de notre identité, c’est la bataille de notre histoire, c’est la bataille de nos terroirs. Et si nous cédons là, nous cèderons sur tout. » Ainsi s’exprime Nicolas Sarkozy lors d’une réunion du parti Les Républicains – dont il est le Président – le 03 février 2016, à propos du paquet de cigarettes neutre ou générique.
Quelques mois avant sa prise de position, une loi santé avait été adoptée et anticipait l’arrivée de ce paquet neutre.
Concrètement, la politique du paquet neutre vise à l’uniformisation de l’aspect visuel des paquets de cigarettes, avec le retrait de toute image de marque, et n’autorisant que l’apposition du nom de marque dans une police elle aussi uniformisée, mais se distingue toutefois des mesures relatives à l’affichage sanitaire qui a suivi peu de temps après.
Après validation par le Conseil Constitutionnel, cette loi a été promulguée au Journal Officiel le 27 janvier 2016, officialisant la mise en place de cette politique en France.
Bien que ses paroles soient à prendre avec le plus de recul possible, elles encapsulent les craintes ressenties par de nombreux entreprises productrices de cigarettes. Cette législation récente a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs contestations en justice par les grands noms de l’industrie de tabac, sous prétexte que la politique du packaging générique des paquets de cigarettes portait atteinte à la propriété intellectuelle de leur marque, mais ses actions se sont soldées par des décisions judiciaires en faveur des pouvoirs publics, car agissant dans le sens de la santé de la population.
Ainsi, depuis le 1er Janvier 2017, les buralistes français sont contraints à la vente exclusive de paquets de cigarettes neutres, suivant l’exemple de l’Australie qui elle a mis en place cette politique depuis 2012. Également en vigueur au Royaume-Uni, elle le sera dans de nombreux pays du monde dans un futur proche.
Cette politique s’insère dans une campagne plus large de lutte antitabac appuyée par l’Organisation Mondiale de la Santé, et la pression exercée par cette organisation internationale aux ramifications diverses et puissantes a permis l’adoption rapide de ces résolutions par ses pays adhérents.
En effet, l’article 4.4 de la Convention-cadre de l’OMS stipule que « [d]es mesures et des ripostes multisectorielles globales pour réduire la consommation de tous les produits du tabac au niveau national, régional et international sont essentielles afin de prévenir, conformément aux principes de la santé publique, l’incidence des maladies et l’incapacité et le décès prématurés provoqués par la consommation de tabac et l’exposition à la fumée de tabac ». Ainsi, l’OMS demande à ses pays adhérents d’aider à la lutte antitabac en faisant baisser la demande pour des produits de tabac. L’OMS est consciente que la politique de paquet neutre ne suffirait pas à elle seule diminuer la consommation de produits de tabac mais qu’elle est l’une des plusieurs étapes s’inscrivant dans ce sens.
Le retrait de l’identité visuelle de la marque vise à dissuader le consommateur, en supprimant l’association positive de la marque avec la consommation de tabac, et implique la suppression d’un support publicitaire et de marketing pour les entreprises productrices.
En neutralisant le marketing des fabricants de cigarettes, cette politique du paquet neutre veut réduire leur attractivité, notamment auprès de la clientèle la plus jeune, et la plus sensible, au visuel dans la décision de consommation. En effet selon une étude menée par Philip Morris (1990), « des études ont montré que les formes originales de packaging ont un impact fort sur les jeunes fumeurs. »[1]
Et pourtant, la communication dans l’industrie du tabac est déjà très limitée. Le packaging du paquet de cigarettes est en fait le dernier véhicule de marketing direct des industries du tabac, et le retrait de ce dernier territoire d’expression par la politique du paquet neutre, ou générique, sonne le glas de la communication de ces industries, ou du moins la fin de leur communication telle que nous la connaissions. Ces industries doivent s’appuyer sur l’innovation pour trouver de nouveaux canaux de communication ne violant pas les règles déjà très strictes qui leur ont été imposées.
Ces industries, à qui on reproche incessamment de « vendre la mort », commercialisent maintenant un produit devenu « l’archétype de l’anti-marketing »[2]. Ce nouveau packaging standardisé, uniformise la couleur, la forme et la typographie de toutes les marques, ayant pour effet de réduire le produit à ce qu’il est essentiellement, un paquet de cigarettes.
La politique du paquet neutre a été suivie de près par celle d’un affichage sanitaire augmenté, ce qui a donné lieu à des paquets de cigarettes au packaging recherché pour être le plus répugnant possible, avec des éléments graphiques (photos) ayant pour but de décourager le consommateur, des messages d’information sur les conséquences de la consommation du tabac sur la santé, des mises en garde relatives à la santé et un message explicatif portant toujours sur les conséquences de la consommation de cigarettes sur l’organisme.
En un sens, les autorités antitabac ont cherché à faire en sorte que les conséquences de la consommation de tabac soient claires et concises à l’endroit du consommateur, chose qui n’a pas été fait par les industries du tabac dans le monde. Au contraire, ces industries ont souvent essayé de dissimuler les conséquences du tabac sur la santé, et ont même tenté de biaiser des études menées sur le sujet en leur faveur.
C’est en partie à cause de cela que le mouvement antitabac est aujourd’hui si véhément et si vocal à propos de sa cause, parce qu’une personne toutes les six secondes meure à cause de la cigarette[3].
Ainsi, il convient d’étudier les enjeux soulevés par la mise en place de cette politique du paquet neutre, en prenant par exemple comme sujet d’études les premiers pays à l’avoir adopté – l’Australie, la France et le Royaume-Uni – mais également de se pencher sur sa mise en place et sur les conséquences qu’elle a eue sur la communication, déjà soumis à de sévères restrictions, des industries du tabac.
Problématique :
Comment la mise en place de cette politique du paquet neutre ou générique impact-t-elle la communication des industries du tabac, et quels enjeux soulève-t-elle ? Et quelles sont les alternatives qui se présentent à elles pour communiquer sur leur image ?
Comment la mise en place de la politique du paquet générique s’est-elle opérée et quels obstacles rencontre-t-elle?
- I) Revue de littérature
- 1. La communication dans l’industrie du tabac : un secteur ultra-règlementé
Les cigarettes font partie des produits de consommation ayant fait l’objet de plus de publicité, aux États-Unis de manière notable, et dans le reste du monde.
Il convient d’analyser en première partie l’évolution de la communication de l’industrie du tabac, puis les contraintes imposées aux industries du tabac et les causes ayant amené à ces restrictions, et d’identifier le rôle joué par les institutions internationales et les gouvernements des pays où ces règlementations sont en vigueur.
1.1. Évolution de la communication de ses débuts à nos jours
En 2014, les sociétés de tabac dans le monde ont dépensé environ 8,49 milliards de dollars en publicité et promotion de leurs marques. En effet, la baisse des ventes enregistrée depuis 1981 a poussé les grandes industries du tabac à dépenser encore et toujours plus – presque 10 fois plus -dans la publicité et le marketing de leurs produits[4].
Depuis une centaine d’années, l’industrie du tabac a réussi à dominer tous les canaux de communication pour la promotion de leurs produits. Les industries du tabac ont utilisé la publicité et la promotion de manière à faire connaître leurs marques et à créer des préférences chez leur clientèle, afin d’accroître leurs ventes et la loyauté de leurs clients.
Aux États-Unis, avant les débuts de la publicité moderne, la société P. Lorillard and Company a débuté la promotion des produits de tabac à travers l’insertion d’encarts publicitaires dans les journaux locaux. A l’époque, les effets néfastes du tabac étant encore inconnus, ces publicités n’étaient pas vues différemment de celles d’autres produits. Le développement de la lithographie vers les années 1870 a permis aux entreprises de tabac de créer des visuels plus attractifs pour présenter leurs produits, notamment en les imprimant sur le support rigide des paquets de cigarettes.
D’ailleurs, au début du XXème siècle, ces supports se sont transformés en objets promotionnels, sous la forme de cartes à collectionner[5] dans les paquets de cigarettes, et illustrant le plus souvent de grands noms du sport, du cinéma ou de la culture américaine de l’époque. Cette nouveau concept marketing est apparu aux États-Unis, s’est exportée en Grande-Bretagne avant de se diffuser dans le reste du monde. Ces supports de publicité ont d’ailleurs refait une brève apparition en Grande-Bretagne vers les années 50, et aux États-Unis dans les années 2000, pour une réédition des cartes du passé et autres promotions (les 50 états américains) dans certains cas (Doral) et pour des informations liées à la teneur des produits (Natural American Spirit) et aux informations pour la santé des fumeurs dans d’autres cas (Philip Morris USA).
Les imprimés publicitaires ont peu après fait leur apparition, et la publicité de ces produits a été grandement aidée tout d’abord par l’invention de la machine à cigarettes dans les années 1880, et finalement par la distribution de paquets gratuits ou subventionnés aux troupes déployées pendant la Première et la Seconde Guerre Mondiale.
Des années 20 aux années 30, leur communication s’est renforcée dans les journaux et autres imprimés sous forme de publicités[6]. Souvent ces publicités étaient validées, approuvées par des docteurs ou vendaient les produits de tabac comme bénéfiques pour la santé, et parfois comme remède miracle contre plusieurs soucis de santé, bien que certains avaient déjà commencé à questionner les effets de la consommation de tabac sur les consommateurs. Ces affiches illustraient notamment des hommes, des femmes mais également des enfants pour faire la promotion de leurs produits, pour renforcer la respectabilité qui était sensée aller de pair avec la consommation de tabac. La volonté était d’inscrire la consommation de tabac comme chic et à la mode.
A partir de 1940 jusqu’aux années 50, le véhicule publicitaire fétiche des industries de tabac a été la radio, et elles en ont été les principaux sponsors à l’époque. Le message véhiculé par ces publicités était alors encore celui d’un produit en vogue et dont la consommation rendait la vie d’autant plus stylée. De plus, les jingles et autres éléments d’identification sonore ont joué un rôle important dans la décision de consommation de produits de tabac.
Or, pendant cette période, l’industrie du tabac était une des seules à pouvoir se permettre l’achat publicitaire à la radio, et a développé de nombreuses déclinaisons autour des messages publicitaires, tantôt en étant affilié avec des artistes influents, tantôt en étant sponsors d’émissions radio populaires.
De 1950 aux années 60, ces mêmes industries se sont davantage tournées vers le support télévisuel, et elles y ont, encore une fois, été prédominantes. Les effets néfastes de la cigarette n’étaient toujours pas connus du grand public en ce temps-là, et une des méthodes publicitaires les plus utilisées de l’époque étaient de faire parler un docteur non seulement de l’attrait et du bien-fondé de la cigarette, mais aussi de lui faire dire que telle ou telle marque était sa préférence. Les docteurs, en tant que représentant officiel d’un style de vie « sain », étaient associés aux cigarettes car elles n’étaient pas considérées comme néfastes pour la santé. Les publicités télévisées glorifiaient réellement et encourageaient la consommation de tabac.
C’est réellement à partir de cette période que la cigarette est devenue symbole de la société de consommation, avec la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le retour à une consommation et à une vie « normale ».
Tout d’abord phénomène de mode chez les hommes, elle s’étend peu après aux femmes et aux groupe de jeunes. La cigarette comme symbole est alors perçue comme un élément affirmateur d’identité ou d’attitude, mais aussi comme geste social et d’intégration de groupe. Les efforts des industries de tabac sont alors concentrés sur l’acquisition de nouveaux consommateurs, mais elles se soucient également de conforter ceux qui sont déjà consommateurs dans leur choix. La publicité de produits de tabac se faisait sur tous supports, et des appairages improbables ont vu le jour dans la promotion de produits de tabac : le Père-Noël offrait des cartouches de cigarettes, de grands sportifs faisaient la publicité de ces produits[7].
De 1970 aux années 80, elles sont devenues un des principaux sponsors d’évènements sportifs ou autres, et s’affichaient sur de grands panneaux et dans les pages des magazines.
Les grands de l’industrie du tabac ont alors développé des plans marketing de plus en plus segmentés, et de plus en plus sophistiqués. Leurs publicités visaient des groupes démographiques spécifiques et une partie toujours plus importante de leur marketing se faisait à destination de jeunes fumeurs (18-25 ans). La raison de cette segmentation était d’identifier des groupes de consommateurs partageant les mêmes caractéristiques et le même comportement et qui seraient susceptibles de répondre de la même manière à une certaine approche marketing. En effet, des études menées ont prouvé que certains groupes réagissaient différemment aux publicités de l’industrie du tabac, mais plus encore, que ces publicités étaient plus efficaces sur certaines minorités car ces minorités estimaient que le produit renforçait leur sentiment d’appartenance à un groupe.
C’est ainsi que les publicités visant un public féminin se font de plus en plus fréquentes, allant de pair avec la hausse de la consommation de tabac. La cigarette est alors identifiée comme marqueur de la femme « libérée » et séduisante.
A partir des années 80 et jusqu’en 1990, la publicité sur le lieu de vente, par courrier, et par sponsoring étaient les principaux canaux marketing de l’industrie des cigarettes, en partie à cause des nombreuses restrictions imposées sur leur communication. Dès lors et jusqu’à aujourd’hui, les différentes restrictions imposées sur la communication et la promotion du tabac, la multitude des canaux de promotions utilisés a évolué vers des « indemnités » de promotion et du marketing viral.
Les canaux promotionnels susmentionnés sont des outils de publicité indirecte, or ces industries ont prouvé leur versatilité en usant de publicité indirecte afin de contourner les interdits qui régissent leur communication.
Le sponsoring des produits de tabac s’est surtout fait dans les courses automobiles, comme les compétitions de Formule 1, avec notamment le cas de Marlboro affilié à la marque Ferrari jusqu’en 2011, les courses Nascar, ou IndyCar. Il s’est également fait dans d’autres domaines sportifs, comme le cricket (le Benson & Hedges Cup), le tennis féminin (Virginia Slims), les Grands Prix de Moto, le ski et les courses de chevaux.
La publicité indirecte, ou illicite, a commencé à être utilisée par les industries quand des interdictions sont entrées en vigueur et ont restreint le champ de leur communication. Aussi appelé partage de marque ou extension de la marque, il se réfère à l’application du nom, du logo ou d’autres éléments distinctifs de la marque (et de leurs publicités) sur des produits qui ne sont pas de tabac. Un exemple est la création d’une ligne de bottes Camel Boots par Camel en 1975 en Norvège. Les publicités de Camel Boots étaient quasiment identiques à celles des cigarettes Camel qui avaient été diffusées dans le passé. D’autres exemples similaires sont la ligne de vêtements Marlboro Classics, les briquets Camel ou les allumettes Pall Mall. A noter que la France a également connu des chaussures Camel suite aux restrictions sur la publicité des produits de tabac ayant suivi la Loi Veil en 1976. Benson & Hedges a également ouvert un bistrot à Kuala Lumpur en Indonésie, où la publicité est formellement interdite pour les industries du tabac.
Les documents « Communication Strategy and Strategic Plan 1992-1996 » et « Worldwide Brands, Inc. Strategic Plan 1993-1997 » de la société R.J. Reynolds décrivent les façons de contourner les restrictions légales imposées sur les industries du tabac en se basant sur la promotion de produits et de services hors tabac. Ces documents ont été rendus publics par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 19 Octobre 1998.
1.2. Contraintes imposées aux industries du tabac dans leur communication et causes
La découverte des effets néfastes de la consommation de tabac a été découverte en Grande-Bretagne et aux États-Unis dans les années 50.
Avant 1964, la majorité des industries prônaient l’absence de risques dans la consommation de tabac, de manière à augmenter les ventes mais également pour tacler la connaissance réelle des effets de la consommation de tabac par la population.
Les restrictions sur la communication des entreprises de tabac se sont généralement faites, et durcies, en même temps qu’un mouvement sanitaire antitabac a commencé à se développer. Au fur et à mesure que la réalisation des effets néfastes de la consommation de tabac s’est faite, les droits dont les marques de tabac jouissaient dans la promotion et la publicité de leurs produits leur ont été révoqués.
Cela est dû en partie aux stratégies employées par l’industrie, jugées trompeuses sur de nombreux points, mais également parce la publicité de cette industrie était souvent faite à destination d’un public à capter, et généralement jeune et influençable.
De nombreuses sociétés n’hésitaient pas à faire de la publicité pour leurs produits dans des programmations télévisées destinées aux enfants et aux adolescents aux États-Unis. Après de nombreuses pressions de la part du public, le Cigarette Advertising Code a été créé par les sociétés de tabac, qui interdit la publicité et la promotion du tabac à destination d’un public jeune.
En France, ce n’est que bien plus tard, avec la mise en application de la loi Veil – Mme Veil étant alors Ministre de la Santé à l’époque – que des campagnes sont lancées dans l’information des effets du tabac sur la santé.
– Aux États-Unis :
Avant les années 70, la publicité pour les produits de tabac n’était interdite ni aux États-Unis, ni dans la plupart des pays d’Europe. Toutefois, en 1964 est sorti aux États-Unis un rapport officiel[8] liant la consommation de tabac à l’apparition de cancers et d’autres maladies. Ce rapport a donné lieu à la création de lois selon lesquelles des avertissements sanitaires devaient dès lors être affichés sur les produits, ainsi que des lois imposant des restrictions sur la publicité et la promotion de ces produits. Quand ces lois sont entrées en vigueur, le marketing de l’industrie s’est alors fait de manière plus subtile.
Aux États-Unis, la proéminence de la cigarette coïncide avec la position de la FTC[9] comme entité régulatrice de publicité. Il est ainsi facile de faire le lien entre l’histoire de la publicisation de la cigarette et celle des régulations imposées par cette institution. C’est cette même FTC qui a joué l’un des rôles les plus importants dans la régulation de la communication des industries de tabac et qui a cassé le mythe construit du bien-fondé de la cigarette aux États-Unis. Une prise de conscience s’opère alors sur les méfaits engendrés par le tabac.
En 2006, la mise en place du Master Settlement Agreement, dont l’élaboration avait commencé en 1998[10] avait pour but de contrôler l’expansion de la consommation de tabac aux États-Unis. Plusieurs groupes ayant traduit l’industrie en justice – afin qu’elle couvre les dépenses médicales de patients souffrant de maladies directement liées à la consommation de produits de l’industrie – ont décidé de se regrouper et de confronter l’industrie afin de trouver un compromis. Le groupement demandait à la législation de faire rembourser aux sociétés productrices les frais médicaux résultant de la consommation de leurs produits et surtout de mettre en place des restrictions sur les ventes de tabac et sur sa publicité et sa promotion.
Cette première étape s’est soldée par un échec mais a consolidé la base de la création du Master Settlement Agreement[11] en 1998, quand un compromis a été atteint entre quatre des plus grands producteurs de produits de tabac et les procureurs de 46 états. Les états ont accepté de retirer leurs plaintes et les producteurs de produits de tabac ont accepté de verser 206 milliards de dollars sur 25 ans, constituant une véritable victoire dans la lutte légale antitabac.
Ce MSA impose des limites idéologiques et pratiques au marketing des produits de tabac, et interdit par exemple toute action destinée à un public jeune, l’utilisation de panneaux publicitaires ou la mise en place de campagnes promotionnelles mêmes destinées à un public majeur et averti. Il a également contraint les industries à rendre certains de leurs documents publics et notamment accessibles depuis leurs sites web.
L’efficacité du MSA est largement discutée et les règlements devant être effectués par les industries ont été rentabilisés par cette dernière à travers l’augmentation graduelle du prix de leurs produits – pourtant mise en place pour décourager l’achat de produits de tabac par la clientèle la plus jeune.
En 2012 la loi de contrôle du tabac (Juin 2009) a mandaté la FDA[12] pour contraindre les industries du tabac à révéler la liste de 20 additifs entrant dans la production de leurs produits de tabac, afin de vérifier leur teneur en produits chimiques. Cette décision tient dans le fait que la composition de ces produits de grande consommation est largement inconnue du grand public alors que de nombreux additifs potentiellement dangereux – voire mortels, comme l’ammoniaque, le formaldéhyde ou le monoxyde de carbone– entrent dans leur composition.
La mise en place des mesures de la MSA et de la FDA a poussé les industries du tabac a augmenter leurs investissements dans le marketing, la communication et la publicité. Mais ils ont également radicalement changé leur marketing en ce qui concerne leurs produits, en explorant des canaux encore peu connus du secteur de la santé publique et disposant d’encore peu d’attention publique, comme l’Internet par exemple, ou encore la publicité en point de vente.
Les industries du tabac aux États-Unis ont compris l’impact de ces canaux sur la jeune population qu’ils tentent de capter afin de renouveler leur bassin de clients et ont donc poussé leur recherche et développement sur ces supports. Sur le web, Google et Microsoft ont des politiques selon lesquelles la promotion de produits de tabac sur leurs réseaux est interdite. Cependant, les industries réussissent à contourner ces interdits en créant des pages faisant la promotion d’accessoires à la consommation de tabac, comme des briquets ou autres.
– En France :
La Loi Veil du 9 Juillet 1976 est le premier texte de loi français à se poser officiellement pour la lutte contre les effets nocifs du tabac. Son premier objectif est de s’attaquer aux publicités favorables au tabac sur certains supports, et elle vise à imposer l’interdiction de fumer dans certains lieux publics. La loi Veil impose notamment l’apposition de la mention « Abus dangereux » sur les paquets de cigarettes. Aux États-Unis, ces dispositions sont en vigueur depuis 1965. Cette première réglementation a mis fin à la grande liberté dont l’industrie jouissait jusqu’alors, et l’a forcée à composer avec la nouvelle structure qui lui a été imposée. Dès lors, elle conçoit de nouveaux moyens de poursuivre une communication qui se veut le plus efficace possible malgré ces restrictions.
C’est à cause de nombreux écarts de la part de l’industrie que la législation s’est durcie davantage, avec la loi Évin du 10 Janvier 1991, relative au tabagisme et à l’alcoolisme, deuxième marqueur fort dans la régulation des industries de tabac.
Elle favorise la hausse du prix des cigarettes, renforce l’interdiction de fumer dans certains endroits publics, interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur de la consommation de tabac et de ses produits dérivés (sponsorisation d’évènements sportifs et autres inclus), interdit toute distribution d’échantillons gratuits en dehors des débits de tabac, interdit tout parrainage et la vente aux mineurs. Elle autorise également et – sous conditions – les associations luttant contre le tabagisme à se porter comme partie civile devant les tribunaux. Cette loi a fait l’objet d’un décret novembre 2006 afin d’étendre l’interdiction de fumer dans les lieux publics. La cigarette passe alors d’un produit de consommation en vogue et glorifié à un produit dérangeant et contre lequel la société doit lutter, par un processus de dé-normalisation.
Cette nouvelle législation est plus dure que la précédente et réduit davantage le camp d’action de l’industrie du tabac dans sa communication, le seul support lui étant autorisé étant l’affichette en bureau de tabac.
En France, si la production et la vente de tabac était auparavant monopole de l’État, ce n’est plus le cas depuis 1995. Depuis, l’État français – comme de nombreux autres dans le monde – s’est positionné en faveur de la lutte contre le tabagisme, notamment dans le Plan Triennal 1999-2002 de lutte contre les drogues et de prévention des dépendances, et il inscrit le tabac et l’alcool dans le champ de l’usage des drogues, de par leur côté addictif.
En 2002, Jacques Chirac déclare la « guerre au tabac » dans le « Plan Cancer » et en 2004 est créé l’Institut National du Cancer après la loi de santé public du 9 août. Ces développements ont marqué le début de la dé-normalisation du tabagisme en France.
En 2003, les appellations « light », « mild » ont fait l’objet d’interdiction, étant perçues comme trompeuses car ces produits ont prouvés être tout aussi nocifs que les produits dits « standards ».
Une circulaire sur la représentation des fumeurs dans les œuvres culturelles, publiée le 28 mars 2012, propose trois critères cumulatifs pour statuer sur « la représentation de personnages illustres ou non consommant un produit de tabac » : la nature de l’annonceur, l’ancienneté de la photographie ou de l’œuvre, et la notoriété de la personne, tant que l’effet recherché n’est pas publicitaire.
Depuis 2011, et de par l’intervention de la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot, les paquets comportent obligatoirement des photos chocs en couleur, parmi une liste de quatorze photos tirées d’une sélection proposée par l’Union Européenne. Les fabricants ont eu gain de cause et ces photos sont apposées à l’arrière du paquet, et doivent couvrir une surface de 40% du paquet.
1.3. Rôle joué par les institutions internationales et responsabilité étatique
– L’Organisation Mondiale de la Santé
Au niveau mondial, l’Organisation Mondiale de la Santé s’est posée comme un fort acteur contre le tabagisme. En effet, elle décrit le tabagisme comme une pandémie mondiale, engendrant plus de 7 millions de décès par an : 6 millions de manière directe et le reste à cause du tabagisme passif – et condamne ainsi sa consommation.
Selon l’OMS, le tabac tue près de la moitié de ses consommateurs, et que 80% du milliard de consommateurs sur Terre proviennent de pays aux revenus bas à moyens.
Les programmes de l’OMS dans la lutte contre le tabagisme sont la Convention-Cadre pour la lutte antitabac et l’initiative pour un monde sans tabac.
La Convention-Cadre pour la Lutte Anti-Tabac (CCLAT) de l’OMS est entrée en vigueur en février 2005 et a été ratifiée par 176 de ses états membres, apportant une couverture de plus de 90% de la population mondiale. Il nécessitait de la part de ces pays de bannir la publicité des produits de tabac, tant que cela n’enfreignait pas leurs Constitutions respectives.
C’est un évènement considéré comme majeur dans l’histoire de la lutte contre le tabagisme et pour la santé publique. Traité basé sur des preuves, il réaffirme le droit de la population aux plus hauts standards de santé, pose la base des dimensions légales dans la coopération internationale pour la santé.
En 2008, cette Convention-Cadre a introduit six mesures dans son programme MPOWER dans la mise en place de ses résolutions :
Monitor tobacco uses and prevention policies : « Surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention »
Protect people from tobacco use : « Protéger la population contre la fumée de tabac »
Offer help to quit tobacco use : « Offrir une aide à ceux qui veulent renoncer au tabac »
Warn about the dangers of tobacco : « Mettre en garde contre les dangers du tabagisme »
Enforce bans on tobacco advertising, promotion and sponsorship : « Faire respecter l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage »
Raise taxes on tobacco : « Augmenter les taxes sur le tabac »[13].
L’OMS assiste ses pays membres dans la lutte antitabac et leur fournit la structure nécessaire dans l’organisation de leurs actions : elle les assiste notamment dans l’institutionnalisation de la lutte antitabac et donc de sa législation, leur bonne adoption des dispositions de la Convention-cadre de l’OMS dans la lutte antitabac leur permet également de réduire les méfaits du tabac au niveau national mais leur procure également une expertise propre au secteur de santé et une aide dans la lutte antitabac concentrée sur certaines communautés ou certains groupes sociaux.
Dans la lutte antitabac, la surveillance et le contrôle de l’industrie est primordiale et nécessite donc la compréhension de leurs pratiques. L’OMS met l’accent sur le caractère mortel, à terme, des produits de tabac et attire l’attention de ses membres sur ce caractère.
Dans son initiative pour un monde sans tabac, l’OMS consacre le 31 Mai à la journée mondiale sans tabac. Il est également à noter que les nouveaux objectifs de développement de l’Organisation des Nations Unies considèrent la consommation de tabac comme un « problème de développement » depuis le 06 octobre 2015.
En décembre 2016, l’OMS a également mis à disposition un document présentant l’intérêt de l’affectation spécifique de taxes sur le tabac à travers l’étude des problèmes, revers et avancées etudiées dans 9 pays, et elle a effectué un rapport considérant le tabagisme comme épidémie mondiale en 2015, visant à augmenter les taxes sur le tabac.
Les études menées par l’OMS ont démontré l’efficacité des résolutions qu’elle préconise à ses membres, insistant sur les faits que :
– « Les consommateurs de tabac ont besoin d’aide pour le sevrage » or cette aide n’est disponible que dans 24%, ne représentant que 15% de la population mondiale, et où les pays de revenus faibles ne disposent encore ni des structures ni des moyens adéquats. De plus, l’OMS estime que très peu de gens connaissent les risques réels liés à la consommation de tabac, et que ceux connaissant les risques souhaitent le plus souvent stopper leur consommation mais la continue à cause de l’absence d’aide au sevrage.
– « Les mises en garde illustrées sont efficaces » : Selon l’OMS, les mises en garde, et surtout celles comprenant des photos, ont permis de réduire le nombres de nouveaux consommateurs mineurs, de réduire le tabagisme passif et d’accroître le nombre de fumeurs décidant de quitter la consommation de cigarettes. Des études menées par l’organisation ont prouvé l’efficacité des mises en garde dans la sensibilisation aux méfaits du tabac par le public.
– « L’interdiction de la publicité fait baisser la consommation » : L’interdiction totale de la publicité en faveur du tabac a permis de réduire la consommation de tabac de 7%[14]. Elle dénonce tout de même que seuls 29 pays préconisent une interdiction totale de la publicité en faveur du tabac sur leur territoire, et qu’un pays sur 3, limite peu à pas du tout, la publicité en faveur du tabac, son parrainage et sa promotion.
– « Les taxes dissuadent les gens de consommer du tabac » : Selon l’OMS, l’application de cette mesure permettrait de dissuader les consommateurs, en particulier les jeunes et les couches les plus défavorisées de la population, bien que cette mesure soit rarement mise en place seule.
– « Il faut mettre un terme au commerce illicite des produits du tabac » : cette pratique met l’économie, la santé et la sécurité en danger dans le monde, où « 1 produit du tabac sur 10 est issu de ce marché[15]. » L’industrie du tabac fait souvent le rapprochement entre le haut niveau de taxation des produits de tabac et l’incitation à la fraude, bien que de nombreux facteurs de nature non-fiscale aient aussi une incidence dessus. Ainsi, l’OMS vise à aider dans l’amélioration des systèmes d’administration fiscale nationaux et internationaux. Un Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits de Tabac, relevant de la Convention-cadre de l’OMS a ainsi été mis en place.
L’Organisation Mondiale de la Santé constitue un outil de relations internationales formidable dans la lutte contre le tabagisme car l’adoption ou non de ses résolutions peut avoir des conséquences profondes sur les relations internationales de ses pays membres.
– L’Union Européenne
L’Union Européenne[16] a développé de nombreuses initiatives législatives dans le cadre de la lutte antitabac depuis les années 80. Il s’agissait d’une part de réglementer et de normaliser les produits de tabac – tout en rendant les informations disponibles aux consommateurs – et d’autre part d’imposer certaines restrictions relatives à la commercialisation de produits de tabac pour des soucis de santé publique.
La législation antitabac de l’UE repose sur deux directives fondamentales : la directive sur les produits de tabac (2001)[17] et la directive sur la publicité en faveur des produits du tabac (2003).
La Directive sur la publicité en faveur du tabac « interdit la publicité transfrontalière en faveur des produits du tabac dans les médias imprimés, à la radio et dans les services en ligne. Elle interdit également le parrainage d’évènements transfrontaliers s’il a pour effet de promouvoir des produits de tabac. »[18] L’UE a également spécifié que la publicité et la promotion de produits de tabac était interdite pour ses pays membres. La Directive Télévision Sans Frontières de 1989 l’interdit en même temps que le sponsoring, et ce depuis 1991.
« La directive sur les services médias audiovisuels étend cette interdiction à toutes les formes de de communication audiovisuelles, notamment les placements de produits. »
Cette interdiction globale de la publicité a été étendue en 2005 pour couvrir d’autres formes de médias comme internet, les médias imprimés, la radio et les évènements sportifs comme le F1, et constitue la « pierre angulaire d’une politique de lutte antitabac efficace. »
Toutefois, certains cas tombent hors de la juridiction de la Commission Européenne, comme le sponsoring d’évènements locaux. Pour y pallier, certains états membres ont transposé ces directives en lois nationales au champ d’action plus large et couvrant ce genre de cas.
Ainsi, des organisations internationales ou régionales telles que l’OMS et sa Convention-Cadre pour la lutte antitabac, et l’Union Européenne et ses Directive sur les produits de tabac et sur la publicité en faveur des produits de tabac, ont un impact majeur sur leurs États-membres et adoptent des résolutions dans un cadre global afin de lutter contre le tabagisme.
Ces entités dont les sanctions sont réelles en cas de non-suivi de leurs résolutions, sont un levier d’action puissant et ont permis la mise en place de nombreuses politiques antitabac dans le monde. C’est souvent grâce à l’appui de telles structures que des politiques concrètes ont été mises en œuvre et poursuivies par des États.
- La politique du paquet neutre : naissance du concept et mise en place dans le monde
Le concept du paquet neutre est introduit en 1998, lors de la 9ème convention mondiale sur le tabac et la santé.
Puis, parmi les mesures prononcées par l’Organisation Mondiale de la Santé, l’imposition d’un packaging neutre ou standardisé pour les paquets de cigarettes est vue comme une solution efficace pour en réduire l’attractivité, avec un emballage standardisé et dépouillé de tout élément distinctif de marque.
2.1. Définition du concept de paquet neutre et évolution
Les régulations sur le packaging ont été mises en place afin de réduire l’attractivité des produits de tabac. De par l’importance de la diminution de cette attractivité, les régulations marketing font que les industries de tabac ont de plus en plus de difficulté à faire croire à leur clientèle que la consommation de tabac est liée à un meilleur style de vie.
La Convention-Cadre pour la Lutte Anti-Tabac de l’Organisation Mondiale de la Santé a été ratifiée par 176 états, dont la France. Cette Convention-Cadre implique pour les États l’ayant signé l’application de certaines mesures, comme l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la suppression totale de la publicité de produits de tabac, la mise en place de certaines mesures fiscales mais également de mesures relatives au conditionnement des produits de tabac. D’un côté, la présence de visuels sanitaires est demandée sur les paquets de cigarettes, ainsi qu’un packaging standardisé.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, « le conditionnement neutre a plusieurs objectifs, notamment les suivants :
- Réduire l’attractivité des produits du tabac ;
- Eliminer l’effet du conditionnement des produits du tabac en tant que forme de publicité et de promotion ;
- Faire échec aux techniques de design du conditionnement qui pourraient laisser penser que certains produits sont moins nocifs que d’autres ; et
- Donner davantage de relief aux mises en garde sanitaires et accroître leur efficacité. »[19]
De plus, l’Organisation Mondiale de la Santé souligne que dans la mise en œuvre du conditionnement neutre, « la Convention-Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac et ses directives :
– suggèrent que le conditionnement neutre s’applique à toutes les catégories de produits du tabac ;
– recommandent que le nom de la marque et celui du nom du produit, imprimés dans une police de caractères normaux et une couleur standard, soient la seule forme de logo, de couleur, d’image de la marque ou de texte promotionnel figurant sur le conditionnement ;
– recommandent que la législation en matière de conditionnement neutre porte sur les caractéristiques du design qui rendent les produits du tabac plus attrayants pour le consommateur, par exemple des figures animales ou autres, des expressions humoristiques, des papiers de cigarette de couleur, des odeurs agréables, des paquets nouveaux ou saisonniers ;
– recommandent de standardiser l’apparence des produits du tabac (contrairement à ce qui se fait pour le conditionnement des autres produits destinés à la vente au détail) ;
– recommandent que les Parties veillent à ce que les étiquettes adhésives, autocollants, étuis, couvertures, manchons, emballages et encarts et surcharges promotionnels des fabricants ne masquent ni n’oblitèrent ou n’altèrent les mises en garde sanitaires et les messages (et partant ne portent pas atteinte aux objectifs du conditionnement neutre) et ;
– recommandent que le délai imparti pour mettre en œuvre les mesures relatives au conditionnement et à l’étiquetage soit suffisant pour permettre aux fabricants et aux importateurs de faire imprimer de nouveaux paquets[20]. »
La réglementation du packaging et du visuel des produits de tabac est sensé améliorer la santé publique en réduisant leur attractivité auprès des consommateurs, d’augmenter l’efficacité des avertissements de santé sur le packaging du produit et de réduire l’effet trompeur que certains packaging pouvait avoir sur les consommateurs concernant les risques sanitaires liés à la consommation de tabac.
Les autorités comme celle de l’OMS ont bien saisi que le conditionnement des produits de tabac constituait un véhicule de publicité et de promotion pour les industries, surtout du fait que leur communication ait déjà été sévèrement restreinte. Elle apparente les produits de tabac à des tableaux d’affichage, voire même à des « badges », des « produits socialement très visibles et que les consommateurs associent à l’image de la marque mise en avant sur le conditionnement du produit. »[21]
D’ailleurs, cette organisation a mené des études et conclu que le conditionnement neutre favorisait effectivement l’arrêt du tabac, « même si l’intention de cesser de consommer des produits du tabac n’indique pas forcément un futur changement de comportement. »[22], et que cette mesure réduisait effectivement l’attractivité et l’attrait des produits de tabac[23].
Ainsi, le paquet neutre est un conditionnement dépouillé de tout élément marketing – hormis le nom de la marque, apposé dans une police standardisée – de couleur neutre et pouvant être agrémenté d’avertissements sanitaires. Il a été pensé de manière à réduire l’attractivité du paquet de cigarettes dans le cadre de la lutte contre le tabagisme, d’intérêt public.
L’adoption du paquet neutre « pourrait conférer plus de relief et d’efficacité aux messages et aux mises en garde sanitaires, en empêchant que la présentation de l’emballage ne détourne l’attention des consommateurs et en faisant échec aux techniques de design employées par l’industrie du tabac pour tenter de faire croire que certains produits sont moins nocifs que d’autres. »[24]
La politique du paquet neutre est en vigueur en Australie (2012), en France (2017), au Royaume-Uni (2017) et en Norvège (2017).
2.2. Mise en place et étude de cas : l’Australie
L’Australie a été le premier pays à adopter des lois imposant le conditionnement neutre, ou standardisé des produits de tabac. La législation relative au conditionnement neutre a été contestée par les industries devant les tribunaux.
En Avril 2011, le Ministre Roxon a fait circuler une proposition de loi concernant le paquet neutre, avec pour date prévue le 01er Juillet 2012. Les médias australiens prévoyaient que la loi allait passer, malgré des réserves émises par l’opposition, opposition ayant notoirement accepté des donations de la part des industries du tabac.
Le 31 May 2011, le leader du parti libéral, Tony Abbott, annonce que son parti offrirait son support à la législation et travaillerait de concert avec le gouvernement pour faire en sorte que la loi entre en vigueur.
Puis le 06 Juillet 2011, le Ministre Roxon a introduit la loi sur le paquet neutre auprès du Parlement, et la loi a été passée par la Chambre basse le 24 Août 2011. Elle passe par la Chambre Haute le 10 Novembre 2011 et a été amendée à la date du 01 Décembre 2012.
Ainsi, tous les produits de tabac vendus depuis le 01 Décembre 2012 doivent avoir un packaging standardisé.
La mise en place de cette politique, applaudie par l’Organisation Mondiale de la Santé et le Cancer Council Australien, a été vivement contestée par l’industrie du tabac, qui a notamment eu recours aux tribunaux pour plaider en leur faveur, mais sans succès.
Le Tobacco Plain Act Packaging Act 2011 et le Tobacco Plain Packaging Regulations 2011 posent les bases de la régulation du paquet neutre en Australie. Leurs objectifs étaient d’améliorer la santé publique en décourageant la consommation et la reprise de consommation de produits du tabac et en réduisant l’exposition à la fumée de tabac.
La politique du paquet neutre poursuit ces objectifs en régularisant le conditionnement et l’apparence des produits de tabac, et ce afin de réduire l’attractivité des produits pour les consommateurs, de rendre les affichages sanitaires plus efficaces et de réduire la capacité des industries à induire les consommateurs en erreur concernant les effets néfastes liés à la consommation et à l’utilisation de ces produits.
Des études menées ont fait le choix de la couleur verte olive Pantone 448 C, couleur jugée la plus repoussante par un panel étendu de personnes, comme couleur de base du nouveau conditionnement de produits de tabac. La mise en œuvre de cette politique du paquet neutre s’est faite en parallèle avec une vague d’augmentations de prix significatives en Australie.
2.3. Mise en contexte en France
En Août 2010, le député Yves Bur propose une première loi sur le conditionnement neutre de paquet de cigarettes. Le 03 Avril 2015, l’Assemblée avait approuvé le projet de loi Santé de la Ministre de la Santé – Marisol Touraine – et dont un amendement concernait l’introduction future du conditionnement neutre pour les paquets de cigarettes pour mai 2016. Cet amendement a été supprimé le 22 juillet 2015 et a été réintroduit le 25 novembre 2015.
En France, la loi sur le paquet neutre a été adoptée dans le cadre de la loi Santé de 2015 afin d’être appliquée à partir du 20 mai 2016, mais elle n’a été effective que depuis le 21 janvier 2016 et depuis le 1er Janvier 2017, seuls les paquets de cigarettes au conditionnement neutre sont autorisés à la vente.
Après quatre ans de bras de fer entre la législation et les industries de tabac et de distribution de produits de tabac, la loi entre finalement en vigueur.
Bien entendu, buralistes et fabricants de produits de tabac avaient déjà effectués des recours auprès de la Justice pour faire appel de cette loi. Mais selon la juridiction la santé publique défendue par cette loi est prioritaire face aux soucis de propriété intellectuelle, d’image de marque et de logistique des plaignants.
Or, depuis l’apparition de ce nouveau conditionnement, le casse-tête est apparemment réel pour les distributeurs. Selon Bernard Gasq, Président de la Fédération Ile-de-France des buralistes pour l’Agence Française de Presse, il faut « trois fois plus de temps pour alimenter les rayonnages, car tout est identique. »
- Les challenges issus de la mise en place de cette politique
La mise en place de la politique du paquet neutre, et même seulement son annonce, a suscité de nombreuses réactions, autant de la part des industries que des distributeurs, mais également des consommateurs. En effet, ce paquet neutre signifiait le retrait de leur dernier véhicule marketing pour les entreprises de tabac. Pour les distributeurs, ce paquet neutre est synonyme de rallongement de temps de transaction, mais également d’abandon de la part des consommateurs, qui pourraient s’en trouver dégoutés.
Et pour les consommateurs, ce paquet neutre serait de nouveau symbole du manque de considération dont les pouvoirs publics font preuve dans leur entêtement à livrer des batailles contre les industries.
3.1. Dans le monde : Arguments de l’opposition
La mise en œuvre de la politique du paquet neutre a soulevé de nombreux débats et a même créé des discordes entre plusieurs pays.
L’Australie a par exemple été attaquée par des pays comme Cuba, le Honduras, l’Indonésie et la République Dominicaine sur la base de règles fixées par l’Organisation Mondiale du Commerce dans des traités d’investissements bilatéraux.
L’Irlande et le Royaume-Uni font également face à des attaques de sociétés productrices de tabac sur la base d’éléments de droit de la Communauté Européenne.
Les arguments en défaveur de l’application de la politique du paquet témoignent de la volonté des industries de tabac de s’accrocher à ce véhicule de communication.
1) Atteinte à la propriété culturelle :
Comme le paquet standardisé retire aux industries du tabac leur capacité de montrer leur image de marque sur leurs produits de tabac, elles estiment que cela équivaut à l’appropriation illégale de leur marque déposée par l’État, violant ainsi leurs droits à la propriété intellectuelle.
La Tobacco Manufacturers’ Association (TMA), comptant parmi ses membres Imperial Tobacco, Japan Tobacco International et British American Tobacco, a proposé une révision de la Dérive sur les Produits de Tabac de l’Union Européenne[25] : « La Commission Européenne doit reconnaître que des changements dans la régulation du packaging et de l’emballage pourraient avoir des impacts fondamentaux sur les droits légaux, économiques et commerciaux de l’industrie du tabac et ses consommateurs. Ceci incluant … leur droits de propriété dans leurs marques.[26] »
Les sociétés de tabac ont intenté le Gouvernement Australien en justice en 2012 pour l’appropriation de leurs images de marque par le Gouvernement.
En France, un groupe de parlementaires a saisi le Conseil Constitutionel pour violation du droit de propriété intellectuelle avec l’instauration de la politique du paquet neutre. Le 21 Janvier 2016, la Cour Constitutionnelle a jugé que la mise en place de cette politique était conforme à la Constitution, que « cette mesure ne constituait pas une privation de propriété au sens de l’article 17.[27]»
2) Augmentation des trafics illicites
Un des arguments les plus rencontrés est que l’adoption du packaging neutre pourrait mener à une augmentation des contrefaçons et du trafic illicite de produits du tabac. Les industries du tabac sont même allés plus loin en ajoutant que les sommes colossales générées par ce trafic bénéficieraient au crime organisé et au financement de la prostitution, du trafic d’armes et du terrorisme.
Les autorités ont balayé ces arguments en les qualifiant de largement exagérés. D’ailleurs, le trafic de produits de tabac ne profite pas qu’au crime organisé, en effet, de nombreux producteurs de cigarettes ont été eux-mêmes liés à des affaires de trafic de leurs propres produits afin d’éviter certaines taxes et restrictions, comme par exemple Philip Morris International, qui a été traduit en justice par la Commission Européenne en 2000 pour avoir acheminé des cigarettes illégalement en Europe. Philip Morris International a alors été contraint, en plus de payer une amende de 1,25 milliards de dollars, à publier un rapport annuel portant sur le trafic illicite de produits de tabac en Europe.
Selon le rapport de 2010, il a été conclu que l’équivalent de 64,2 milliards de cigarettes de contrebandes avaient trouvé leur chemin jusqu’en Europe, et les experts de la Commission Européenne ont jugé que ce rapport était erroné et fortement biaisé.
3) L’état-nounou va trop loin
Cet argument est utilisé afin d’obtenir le soutien public. Le terme État-nounou est utilisé pour véhiculer l’idée que le gouvernement ou ses politiques sont surprotectrices ou interfèrent de manière exagérée dans la vie privée et dans les choix personnels de ses citoyens. Il est de la même veine que l’argument « Le droit de fumer » et il vise à détourner l’attention des impacts de la consommation de produits de tabac sur la santé en rapprochant le sujet de problèmes de liberté personnelle.
4) Impact négatif pour les petites entreprises
L’argument suivant est celui selon lequel la mise en place de la politique du paquet neutre serait néfaste pour les petites entreprises. Selon British American Tobacco : « Pour de nombreux d’entre vous, les ventes de tabac représentent un tiers du turnover, parfois plus…
Pendant les fortes périodes, comme le rush du matin, il y a un véritable risque que la clientèle qui doit attendre préfère se rendre dans un supermarché ou dans des établissements plus grands, où le staff sera plus nombreux ce qui réduira la durée des transactions.[28] »
Pareillement, Imperial Tobacco a invoqué la durée des transactions rallongée par ce packaging neutre qui pourrait nuire aux petits établissements de revente. Malheureusement pour ces entités, leurs recherches et leurs arguments n’étaient basés sur aucune preuve tangible, rendant leur discours irrecevable.
5) Cette politique empiète sur les Accords de Commerce internationaux
De nombreux pays ont souligné que l’application de la politique du paquet neutre allait négativement impacter le commerce international, notamment concernant la libre circulation des marchandises. Plusieurs pays d’Europe ont ainsi argumenté que la mise en place de cette politique serait un obstacle dans le marché unique européen face à l’adoption de la politique du paquet neutre envisagée par l’Irlande et par le Royaume-Uni.
Pareillement, l’instauration de cette politique par l’Australie a engendré la contestation de cinq pays (Cuba, Honduras, Indonésie, République Dominicaine et Ukraine) auprès de l’Organisation Internationale du Commerce. Toutefois, ces actions se sont soldées par un échec pour les plaignant, les juridictions ayant à chaque fois statué en faveur de la politique du paquet neutre.
3.2. En France : mise en place et contestation
Depuis la proposition de l’introduction de la loi relative au paquet neutre en France, de nombreux arguments ont été soulevés en sa défaveur.
Les buralistes ont notamment fait entendre leur colère face à la mise en œuvre de cette loi qui semblerait ne pas les prendre en compte, bien avant son introduction. En effet, les buralistes estiment que cette politique favoriserait les contrefaçons et qu’ils seraient les premiers à en souffrir. De plus, ils ont également argumenté que tant que tous les pays frontaliers n’adoptaient pas la même mesure, l’économie de la cigarette en pâtiraient, et bien entendu, eux en premier.
Cet argument a été réfuté par le Comité National contre le Tabagisme, qui estime que « la proportion de fumeurs consommant des produits contrefaits n’a pas évolué de manière significative » en Australie. Pour aller plus loin, Emmanuelle Béguinot, directrice du CNCT explique que « l’argument des marchés parallèles est un peu tarte à la crème » et que c’était un moyen de déplacer le sujet. Toujours selon cette directrice, « les paquets neutres seront tout aussi difficiles à contrefaire, il y aura des marquages pour assurer la traçabilité. »
Le CNCT résume d’ailleurs le lobby contre le paquet neutre comme rattaché de près ou de loin à l’industrie du tabac[29] : Le lobby est tout d’abord créé par l’industrie du tabac, les agences de communication (dont Publicis, chouchou de l’industrie), les débitants (dont les buralistes) et les cabinet d’audit (dont KPMG) sont payés par cette industrie. Les relayants des positions de l’industrie du tabac sont liés à l’industrie, et les adhérents à cette industrie sont les syndicats et les regroupements d’entreprises (UNIFAB, CNAC, APRAM). Et finalement, les fournisseurs de l’industrie du tabac, les fédérations et autres fournisseurs de papier à rouler précèdent la fin de la boucl du lobby, qui s’achève avec ceux ayant accepté « l’hospitalité » de l’industrie, comme les membres du Parlement, dans le cadre de déjeuners d’affinités, de loges au Stade de France et à Rolland-Garros.
La CNCT dénonce les mesures prises par ce lobby pour décrédibiliser la politique du paquet neutre, notamment en arguant de l’incertitude de son efficacité, de la nullité de son influence sur la consommation de tabac, de l’affirmation que cette politique favoriserait la contrebande, et de créer des arguments qui n’ont pas lieu d’être à l’endroit de cette politique en général.
Le comité recense « des études et des enquêtes sur la contrefaçon et la contrebande financées par l’industrie du tabac », des manifestations effectuées par les buralistes et les débitants, des pétitions, des sondages d’opinion, la création de sites internet et de comptes twitter, etc.
Ainsi, la France est le deuxième pays à avoir mis en place la politique du paquet neutre, et elle a été suivie de près par la Grande-Bretagne. Débarqués sur les étalages des buralistes, les paquets se ressemblent tous, tous identiques, jusqu’à la police utilisée – standardisée – pour toutes les marques. Les industries déplorent la mise en place de cette politique, car selon l’administration des douanes, les ventes de produits de tabac n’ont pas baissé depuis[30].
A ce jour, et à la lumière de cette absence relative d’incidence sur les ventes de cigarettes, les distributeurs et les débitants de tabac continuent de décrier cette politique.
Or le but de cette politique n’était pas tant de toucher à l’ensemble des consommateurs de produit de tabac, mais plutôt d’empêcher de nouveaux consommateurs, les jeunes, à pénétrer le marché, dans un souci de santé publique davantage préventif.
Les débitants, quant à eux, se plaignent des difficultés liées à la distribution de ces paquets au nouveau conditionnement, rendant les paquets méconnaissables et leur rajoutant une charge de travail au quotidien, mais rendant également la tâche d’autant plus difficile pour la clientèle.
3.3. Évaluation des résultats donnés par la mise en place de cette politique
Selon le Comité National de lutte Contre le Tabagisme[31] français, ayant étudié le cas de l’Australie, plus de 60 études scientifiques ont attesté de l’efficacité de la politique du paquet neutre : « Ces recherches montrent que le paquet neutre influence les comportements et les perceptions des fumeurs. Par ailleurs, celui-ci ne donne pas envie d’être acheté par les adolescents et ne leur donne pas envie de commencer à fumer ».
Cependant, dans le cas australien, il est important de préciser que la mise en œuvre de cette politique a été suivie de près par une campagne massive de prévention, mais surtout de quatre augmentations de taxes successives ayant fait exploser le prix des produits de tabac.
Ainsi les résultats sont mitigés car ce succès est sûrement davantage dû aux prix prohibitifs des produits de tabac qu’à un packaging pensé pour être le plus repoussant possible.
Toutefois, comme les industries du tabac en Australie ont tenté – vainement – de traduire les autorités en justice, cela a poussé certains à penser que si cette mise en place était vraiment inefficace, les industries ne seraient pas aussi véhémentes dans leurs réclamations.
Le Département Australien de la Santé a commissionné un « National Monthly Tobacco Plain Packaging Tracking Survey : 400 fumeurs et anciens fumeurs « récents » ont fait l’objet d’un suivi entre Avril 2012 et Mars 2014, puis en Mai 2014.
Il a été conclu que l’implémentation de la politique du paquet neutre en Australie a réduit l’attrait du paquet, que l’efficacité des messages sanitaires avait augmenté, que le public comprenait mieux les implications du tabac sur la santé et que le taux d’abandon de consommation avait également augmenté.
Une évaluation menée en 2013 examinait l’impact du packaging neutre et des messages et images sanitaires sur la perception de l’image du pack, sur les différences dans les marques et sur leur processus cognitif.
La comparaison entre les résultats obtenus avant la politique du paquet neutre en 2011 et ceux de 2013 a montré que l’attractivité des paquets de cigarettes avait dramatiquement chuté chez les adolescents et que la connaissance des effets négatifs de la consommation de tabac sur la santé étaient déjà élevée, et que la mise en place de cette politique n’avait pas changé leur processus cognitif dans le traitement des informations de santé[32].
Le National Drug Strategy Household Survey (NDSHS) de 2013 a collecté des données auprès de presque 24 000 personnes à travers l’Australie du 1er Juillet au 1er Décembre 2013, (notamment, après l’introduction des mesures relatives au packaging neutre de paquet de cigarettes et surtout avant une première série de quatre augmentations de 12,5% des taxes le 1er Décembre 2013). Les résultats du NDSHS 2013 montrent que la fréquence journalière des Australiens de 14 ans et plus ont baissé de manière significative, passant de 15,1% en 2010 à 12,8% en 2013, une chute de 15%.
Cette étude incluait tous les états australiens en dehors de la Tasmanie[33].
En résumé, les études réalisées en Australie ont démontré que[34] :
– la propension de fumeurs ayant arrêté leur consommation avait augmenté
– que les adultes fumeurs étaient davantage motivés à arrêter leur consommation
– que le paquet neutre réduisait fortement l’attractivité du paquet de cigarette et des marques de produits de tabac,
– que les fumeurs adultes avaient tendance à moins fumer dans les lieux publics, en particulier en présence d’enfants,
– que la perception des consommateurs quant au goût des produits s’était dépréciée
– que davantage d’appels vers la ligne d’information tabac avaient été enregistrés (près de 78% de plus)
– que les paquets de cigarettes étaient moins visibles dans les lieux publics
– et finalement que l’achat de produits de contrefaçon et de contrebande n’avait pas augmenté depuis l’instauration de la politique du paquet neutre.
En France, il a été démontré que le paquet neutre – combiné avec les avertissements sanitaires de grande taille – avait considérablement réduit l’attractivité du produit de tabac, qu’il donnait moins envie aux jeunes de fumeur, qu’il augmentait les envies d’arrêter de fumer et diminuait le nombre de fumeurs, qu’il confortait les anciens fumeurs dans leur décision d’arrêter de consommer des produits de tabac, qu’il donnait envie de le dissimuler et qu’il réduisait le plaisir de fumer, qu’il annihilait la « fonction marketing de l’emballage et l’attractivité de la marque », qu’il empêchait la désinformation quant à la dangerosité des produits de tabac, et qu’il augmentait l’efficacité des avertissement sanitaires[35].
Une étude menée par Karine Gorvel[36] et en évidence que le paquet neutre réduit nettement l’attractivité et l’image de la marque. En effet, une concurrence de plus en plus rude dans l’industrie du tabac a conduit l’emballage a remplir une fonction de marketing. Il a d’ailleurs été considéré comme un élément vital de la communication de l’industrie, influençant le choix des consommateurs, et dans de nombreux pays, il était leur dernier véhicule dans la communication de leur image de marque. British American Tobacco l’avoue d’ailleurs : « Notre croissance 2010 s’explique par les innovations autour du produit et du packaging lancés sur de nombreux marchés. »[37]
Le paquet neutre supprime cette fonction marketing de l’emballage du paquet de cigarettes, et le dépouille de son attractivité. Attractivité pourtant vitale pour l’industrie car c’est elle qui motive le plus souvent le choix et l’acte d’achat de deux démographies particulièrement prisées de l’industrie : les jeunes et les femmes. Avec le paquet neutre, « les emballages sont jugés fades, ternes, peu attirants, inintéressants et ennuyeux. »[38] par ces groupes démographiques.
Un autre effet que la mise en place de cette politique a eu a été de détruire le statut du packaging comme marqueur social.
En effet, les jeunes ont tendance à commencer à consommer des cigarettes pour intégrer un groupe et pour donner une certaine image d’eux-mêmes, le packaging du paquet de cigarettes ayant été sciemment dessiné de manière à agir comme une sorte de badge d’identification positive, pour répondre à ce besoin exprimé par une jeunesse en manque de marqueurs sociaux.
« Si vous fumez, votre paquet de cigarettes est l’unique accessoire que vous utilisez régulièrement et qui parle de vous. Seul le paquet de cigarettes est sorti 20 fois par jour de votre poche et seul cet objet est présenté de telle sorte que chacun le voie.[39]
- Conséquences de la mise en place du paquet neutre sur la communication des industries du tabac
4.1. La communication dans l’industrie du tabac : une règlementation sévère
Pour pousser la population à la consommation de produits de tabac, les industries ont fait massivement appel à la publicité, sur tous les supports qui étaient disponibles. Les cigarettes sont rapidement devenues des symboles de virilité, pour les hommes, et d’émancipation, pour les femmes, notamment grâce à sa très forte présence dans le cinéma jusqu’en 1970. Elle a également aidé la jeunesse à s’affirmer dans la société et à asseoir son identité.
La prise de conscience vis-à-vis des méfaits de la consommation de tabac ne s’est faite que vers la moitié du 20ème siècle, avec l’apparition des premières études médicales, et peu de temps après, la menace du cancer et d’autres maladies liées à la consommation de tabac s’est posée de manière de plus en plus évidente. Les industries ont dans un premier temps répondu à ces études en créant le filtre à cigarettes, censé protéger le consommateur, mais elles ont également lancé des campagnes de discréditation de ces études[40], afin de retarder cette prise de conscience par les consommateurs, mais sans succès, bien que conseillés par des spécialistes en relation publique.
Les industries américaines ont également créé un institut de recherche, le « Tobacco Institute Research Committee », qui réalise ses propres études dans le domaine.
Si la règlementation est aussi sévère envers l’industrie du tabac, c’est parce que cette industrie a prouvé par le passé qu’elle n’était pas franche et honnête dans sa communication. En effet, elle est davantage connue pour avoir manipulé la recherche afin de servir ses intérêts. Quand les chercheurs de l’industrie du tabac ont réalisé que la consommation de leurs produits étaient liée à l’apparition de certaines maladies, plutôt que d’en prévenir le public et de, quelque part, prendre ses responsabilités quant aux produits que cette industrie commercialisait, la tendance a été à la dissimulation et à la discréditation des résultats de recherche. « Fumer tue. » Le grand public le sait depuis 2003, mais ce n’est plus un secret pour l’industrie depuis 1953.
Face à ce manque cruel de bonne volonté de la part de l’industrie, de nombreuses campagnes antitabac ont vu le jour, et ont été armées par des recherches aux résultats irréfutables devant les tribunaux. Devant la gravité et l’impact de ces résultats, le tabagisme est devenu un problème d’ordre public, et aussi car leur publicité et leur promotion s’étant très souvent faite à destination d’une démographie encore non-consommatrice et souvent mineure.
La raison derrière ce choix de cible est stratégique. Les industries du tabac sont constamment à la recherche de nouveaux clients pour remplacer ceux qui auront malheureusement disparu, souvent à cause de leur consommation de tabac. Or, quelle meilleure cible que les jeunes –mineurs– pour leurs produits ? En effet, les produits de tabac ont cet avantage de bénéficier de la plus grande loyauté de la part de leurs clients. En effet, seuls 10% des consommateurs changent de marque par année. Le choix de la marque consommée est effectué très tôt durant la vie du fumeur, et souvent, la marque de prédilection du consommateur est une de celles qu’il aura essayées dans les premières phases de sa vie de fumeur. Ainsi, une fois qu’un fumeur aura choisi sa marque, il y a peu de chances qu’il en choisisse une autre.
« Les adolescents d’aujourd’hui sont les consommateurs réguliers potentiels de demain, et la très grande majorité des fumeurs commence à fumer à l’adolescence.» (Philip Morris, 1981)
Et ce sont les raisons pour lesquelles l’industrie du tabac a décidé de cibler la jeunesse, car elle sait qu’en faisant en sorte que le packaging de leur produit reflète les qualités que ces jeunes souhaiteraient avoir, elle capte leur attention et les guide dans leur choix de consommation. Ainsi, la communication de cette industrie peut se résumer par une bataille des marques pour capter l’attention de la jeunesse.
En France, l’interdiction de publicité ou de propagande indirecte des produits de tabac est totale. Toute opération de sponsoring, de parrainage ou de mécénat par l’industrie du tabac est également interdite lorsqu’elle constitue une publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou du vapotage. Tout est fait en sorte par l’État de protéger ses consommateurs, et il n’hésite pas à user de campagnes choquantes pour faire passer son message.
Si la communication de l’industrie du tabac a été autant réglementée, c’est parce qu’elle est considérée comme une vendeuse de mort.
En France, toute publicité en faveur de la consommation de tabac est interdite. Au niveau de l’Union Européenne, la législation est également très sévère, interdisant par exemple la publicité transfrontalière, à la radio, sur supports imprimés et également en ligne.
4.2. Le paquet de cigarette : dernier véhicule de marketing direct des industries
Pour la plupart des produits de consommation, le packaging est devenu une composante primordiale de la stratégie de marketing globale. De manière traditionnelle, la fonction première de l’emballage était simplement de contenir et de protéger le contenu. Toutefois, une compétition accrue, et la présence de nombreux autres produits sur les étalages ont fait que le packaging d’un produit doit dorénavant également bénéficier aux ventes, par exemple en attirant l’attention des consommateurs, en décrivant le produit de manière « vendeuse » et en aidant à réaliser l’acte de vente.
Le contenant du produit de tabac, et du paquet de cigarettes en particulier, est régi par les mêmes principes. Il constitue à lui seul est un réel support de communication et peut bel et bien être considéré comme un « vendeur muet ».
« Un paquet de cigarette est unique dans le sens où le consommateur l’emmène partout avec lui tout au long de la journée… Il fait partie de la tenue du fumeur, et quand il s’installe au bar et qu’il sort son paquet, il fait une déclaration à propos de lui-même[41] », selon John Digianni, designer de paquets de cigarettes.
Dans des pays où la publicité de cette industrie est complètement interdite, le souci du détail apporté au packaging du produit est particulièrement important.
Le packaging est vu comme l’image du produit vendu, ainsi il est normal que les efforts des industries soient soutenus dans l’élaboration de ce packaging. Pour les cigarettes, ce packaging est d’autant plus important car le contenant n’est pas ouvert une fois et jeté, mais à chaque fois que le consommateur se servira dans son paquet, il a le packaging sous les yeux et l’offre à la vue de tous.
Cette visibilité et cette publicité mobile sous ces circonstances spécifiques fait du packaging du paquet de cigarettes un enjeu majeur pour les industries. « Le premier but du paquet de cigarettes est de créer le désir d’acheter et de gouter. Pour ce faire, le paquet doit se démarquer et attirer l’attention du consommateur. »[42]
De plus, les industries de tabac se sont basées sur le packaging de leurs paquets pour toucher certaines démographies de leur clientèle, les femmes ou les jeunes par exemple[43].
En effet, l’impact du visuel du paquet de cigarettes a été longuement analysée par les industries du tabac, qui en ont déduit qu’il a un effet certain sur la perception que la clientèle a du produit et encourage l’essai de produits qu’elle ne connait pas encore.
Dans les environnements compétitifs ou où des restrictions sont en vigueur, le paquet de cigarettes est perçu comme affirmateur d’image. De plus, ce paquet est également un fort véhicule d’image de marque, notamment en magasin, où un design fort et percutant peut rendre la présence de la marque plus importante et se démarquer des autres. Les couleurs du paquet ont leur importance, tout comme dans le marketing traditionnel. Par exemple, certaines industries utilisent des couleurs plus claires, plus douces pour les paquets de cigarettes mentholées, ou celles à destination d’un public féminin, peut-être pour véhiculer l’image d’une cigarette plus douce ou plus saine.
Le packaging du paquet de cigarettes a prouvé renforcer l’image de marque du produit, mais il a également eu tendance à divertir le consommateur des différents messages sanitaires également présents dessus.
Ainsi, la mise en place d’un packaging neutre ou standardisé a pour effet auprès des consommateurs d’arrêter l’association involontaire entre une certaine image et la marque de cigarette, mais elle influence aussi les habitudes de consommation de la clientèle consommatrice de produits de tabac, en en réduisant l’attractivité.
La mise en place de la politique du paquet neutre a considérablement réduit l’attractivité et l’image de la marque des paquets de cigarettes, mais elle a aussi détérioré le rôle précédemment joué par le paquet de cigarettes en tant que marqueur social, et a supprimé les valeurs de la marque précédemment visible à travers le packaging de ses produits.
Le packaging neutre semble être le moyen le plus radical pour que les industries du tabac ne puissent plus profiter des vides juridiques. Si elles perdent leur image de marque, il n’y aura plus rien à lui associer à par son goût.
4.3. Une étude des conséquences de la mise en place de la politique du paquet neutre sur la communication des industries du tabac et sur son impact sur le public
« L’objectif est de casser la stratégie marketing des cigarettiers qui accordent une grande attention au design des paquets. Pour eux, l’emballage est un vecteur de communication essentiel, une sorte de « vendeur muet » redoutablement efficace pour cibler des publics précis : les femmes, les adolescents… » (Yves Martinet, professeur de pneumologie au CHU de Nancy et président du Comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT), 2016)
De nombreuses études menées dans les pays où le paquet neutre a été mis en place ont remarqué qu’il avait un impact sur les « intentions comportementales[44] ». En effet, un conditionnement calculé pour être le plus repoussant possible couplé avec des affichages sanitaires inratables – et suscitant des émotions négatives – mais aussi des informations de santé destinées aux consommateurs ont forcément eu un impact sur eux.
Les jeunes et les femmes sont par exemple plus sensibles à ce nouveau conditionnement et ont tendance à moins consommer, et dans le cas de jeunes non-consommateurs, le visuel du produit suffit à en dérouter certains. Quant aux consommateurs aguerris, le nouveau packaging des produits de tabac a néanmoins eu comme impact sur eux de les pousser à réfléchir à l’arrêt ou du moins à la diminution de leur consommation[45].
Ainsi, le rôle dissuasif de ce nouveau conditionnement semble fonctionner. Pour les autorités, c’est une petite victoire, une étape réussie vers le mutisme total de cette industrie.
Leur dernier vecteur de communication et de marketing leur a été retiré, et légalement, il ne leur reste plus que le nom de leur marque à faire valoir. Cependant, comme l’annonce Eric Sensi-Minautier, directeur de la communication chez British American Tobacco : « A ce stade, il n’y a aucun indicateur qui montre l’effet du paquet neutre » sur la consommation directe en France. Selon le pneumologue Bertrand Dautzenberg : « nous [les anti-tabacs] n’avions aucun espoir que le paquet neutre fasse baisser les ventes de cigarettes maintenant, balaye Bertrand Dautzenberg. Car les drogués ont besoin de leur dose de nicotine, paquet marqué ou pas ». (2017 pour l’AFP).
Si cette politique a été mise en place, c’est pour la jeunesse, pour la préserver des techniques de communication et de persuasion très développés de l’industrie du tabac, donc une mesure qui est calculée sur le long terme.
Ainsi, qui dit long terme dit aussi prise de recul dans l’appréciation des résultats sur le public en général.
Par contre, en ce qui concerne la communication de l’industrie du tabac, le constat est amer. C’est une industrie qui a donné tout son sens à la communication par le marketing. La différentiation et la visibilité sont des critères cruciaux pour cette industrie qui a dédié des sommes astronomiques pour trouver de nouveaux moyens de se démarquer de ses concurrents, dans un milieu de plus en plus réglementé.
Pour certains spécialistes du marketing, le paquet neutre c’est du marketing négatif. Tous les paquets sont désormais égaux dans l’étalage du buraliste. En Australie, la législation est alors encore plus loin et a carrément interdit la publicité à l’intérieur des points de vente.
- Le paquet neutre : Une étape vers l’éradication totale de la communication des entreprises de tabac
La politique du paquet neutre est vue – à raison – comme une étape supplémentaire vers l’éradication totale de la communication des marques dans la publicité et la promotion de leurs produits. En effet, dans la lutte antitabac, il n’y a pas de demi-mesure. Elle vise a une prise de conscience totale de la part des consommateurs, concernant les conséquences de leur consommation sur eux-mêmes mais également sur leur entourage, en insistant sur les effets pernicieux du tabagisme passif. Mais cette lutte antitabac cherche aussi à briser l’emprise des industries du tabac sur les pouvoirs en place, sur la législature, les médias et l’opinion publique.
5.1. Vers une dépréciation croissante de la perception de la cigarette, conformément aux dispositions prises par les autorités
Depuis le 01er Janvier 2017, en plus du conditionnement neutre, un message se trouve sur les tranches latérales, une photo choquante est présente sur les deux faces et un message est répliqué sur l’ouverture du paquet et en dessous de l’image au dos. Les avertissements sanitaires sur es tranches sont « Fumer tue » et/ou « La fumée de tabac contient plus de 70 substances cancérigènes », sur toute la surface du capuchon « Votre fumée est dangereuse pour vos enfants, votre famille et vos amis » et/ou « Pour arrêter de fumer : www.tabac-inf-service.fr ou 3989 (appel non surtaxé) ».
Les affichages sanitaires, présents sur le conditionnement de tabac depuis plus d’une dizaine d’années, ont pour but d’informer les consommateurs des risques encourus. Tout d’abord sous format texte, ils sont, depuis 2011, complétés d’images dites « chocs » de patients souffrant de maladies dues à la consommation de tabac, ou d’enfants pour renforcer le message du tabagisme passif.
Quand le paquet neutre est couplé avec les affichages sanitaires – et plus encore quand cet affichage est effectuée avec la présence de larges images – l’attractivité du conditionnement du paquet de cigarettes diminue de manière drastique. En effet, les messages sanitaires finissent de remettre les produits de tabac à leur place, et leur fait assumer leur statut d’instrument de la mort.
Le souhait des autorités est de laisser cette industrie fonctionner, mais de la rendre muette, car son activité et ses produits sont dangereux pour la santé publique. En la faisant taire, les autorités espèrent que cette industrie ne pourra plus vendre.
En supprimant sa communication et en régulant le conditionnement de ces produits, les autorités tiennent à ce que les consommateurs et futurs consommateurs soient mis au courant des risques qu’ils encourent en fumant. Parce que l’industrie s’est trop laissée aller en termes de communication et qu’elle a mis la vie de millions de personnes en danger – comme statué par la Justice au travers du monde – il n’est que juste retour des choses que cette industrie paye aujourd’hui pour les torts qu’elle a causé.
Le début de ce processus est le marketing négatif dont cette industrie commence, malgré elle, à vivre, à travers le paquet neutre, affublé des messages et images sanitaires.
Le paquet de cigarette, depuis son design dit neutre, est maintenant un véritable affichage sanitaire prévenant des risques liés à la consommation de produits de tabac, et le consommateur se trouve dans une position où il sait qu’à un moment ou à un autre, ce qui est affiché sur ses paquets risque de lui arriver un jour.
Ce processus est loin d’être rapide, mais l’idée qu’il commence à faire germer dans l’esprit du consommateur est néanmoins là, de manière subliminale avec par exemple le choix de la couleur la plus « repoussante » selon des études, puis de manière plus choquante avec des photos extrêmement graphiques.
Fumer est une addiction, et une addiction se combat avec des mesures que l’on pourrait qualifier d’électrochocs. Le paquet neutre est sous plusieurs aspects une mesure choc dans la lutte antitabac.
Le but, à terme, est de purger les esprits de l’image de marque de ces produits de tabac, de faire en sorte que la communication qu’elle faisait précédemment ne soit plus qu’un lointain souvenir, compilé dans les archives honteuses de l’histoire de l’humanité. Il s’agit de dé-normaliser l’habitude de consommation du tabac, rendue populaire et même tendancieux par les industries pour pouvoir sécuriser encore et toujours plus de ventes, au profit de ses consommateurs qui mourraient à petit feu.
Si les autorités réussissent à faire en sorte que fumer ne soit plus un acte considéré comme normal, la lutte antitabac réalise alors un pas de géant. En effet, c’est à cause de cette normalisation que de nombreux jeunes tous les ans décident d’allumer une cigarette. C’est pour se hisser en tant que futur adulte que de nombreux enfants et surtout adolescents décident de braver le tabou – plus si tabou que ça – et de faire comme ils voient leurs aînés faire.
Le souci avec la consommation de produits de tabac tient dans le fait que la décision de consommation n’est pas aisée. En effet, les débuts de la consommation de cigarettes sont très difficiles. Le produit a un goût très prononcé et peu agréable pour les néophytes. Il faut en griller plusieurs paquets avant que l’organisme ne s’habitue à cette nouvelle entrée de substance, et enfin ressentir une sensation de bien-être, bien que fugace, dans l’organisme.
La consommation de tabac n’est pas quelque chose de naturel. Il y a une chose qui est bien commune à tous les fumeurs, c’est l’entêtement. A force de s’entêter à fumer quelque chose qu’ils sentent bien est mauvais pour leur organisme, les fumeurs finissent par ne plus pouvoir s’en passer.
C’est ce mécanisme que les autorités chassent, et elles refusent qu’il se perpétue chez de nouveaux fumeurs. C’est la raison pour laquelle des mesures comme celle du paquet neutre sont mises en place dans le monde : le but n’est pas tant de faire en sorte que les fumeurs arrêtent de fumer, il est de s’assurer que les nouveaux consommateurs soient bien au fait des risques qu’ils encourent en commençant à fumer, mais aussi qu’ils associent le tabac à une mort certaine et douloureuse. C’est pour cela que les paquets de cigarettes disposent d’images de plus en plus grandes de gens malades, c’est comme pour dire aux consommateurs de ne pas s’étonner s’ils se retrouvent dans la même situation plus tard dans leur vie, car ils l’auront cherché.
Un message qui peut être jugé comme choquant par certains, mais qui choque certainement moins qu’un diagnostic de cancer des poumons confirmé, et c’est le but recherché. Plutôt que d’attendre ce cas de figure, l’état décide de prévenir les consommateurs dès leur premier achat de paquet de cigarettes, le plus tôt, le mieux dans ce cas de figure.
De plus, les mesures qui sont prévues dans un futur proche vont continuer à resserrer l’étau sur les industries de tabac. Au-delà de l’augmentation pour 2018, le Ministère de la Santé prévoit par exemple d’interdire à la vente des produits de tabac au nom jugé trop attractifs, comme Vogue ou Allure, obligeant les industries soit à changer de nom, soit à retirer leurs produits de la vente, mais il souhaite également interdire l’utilisation de certains adjectifs, de termes valorisants (comme biodégradable) et de références aux arômes, que les autorités jugent trompeurs.
5.2. Un traitement injuste selon les industries du tabac
La réaction des industriels ne s’est pas fait attendre et ils se sont tous unanimement montrés particulièrement hostiles à cette politique.
Cette réaction est compréhensible, de nombreux documents internes ont montré que le conditionnement de leurs produits était leur véhicule de communication le plus important et ayant fait l’objet de plus de recherche et d’investissement depuis l’instauration de la loi Évin.
En se mettant à leur place, il nous serait aisé de dire que ce traitement est injuste, et que la mise en place de cette politique est profondément défavorable au bon fonctionnement de l’industrie, voire même qu’il l’entrave. Nous pourrions également décrier l’absence de telles mesures dans des milieux où les produits commercialisés sont tout autant « dangereux » pour la santé publique, comme l’alcool ou le fast-food.
Les industries du tabac dénoncent et décrient qu’on s’acharne sur eux, et que l’industrie toute entière doit payer pour les erreurs de certains. Un argument bien hypocrite aux yeux de la santé publique pour laquelle tous les produits de tabac sont égaux, dans le sens où tous sont néfastes pour la santé de leurs consommateurs.
Il n’est ainsi pas étonnant que cette industrie ait fait de l’Organisation Mondiale de la Santé leur ennemi numéro 1, et que de très nombreux efforts aient été fournis pour neutraliser, limiter et réorienter les initiatives de la lutte antitabac de l’OMS.
Pour ce faire, l’industrie a créé des évènements conçus pour détourner l’attention des problèmes de santé publique, en dressant par exemple d’autres organes des Nations Unies contre l’OMS.
Les industries du tabac ont pour habitude de contrer toutes les décisions publiques les concernant et entravant la trajectoire qu’ils ont décidé de suivre. Au vu des investissements alloués à la définition de leurs stratégies, un tel acharnement est compréhensible. Toutefois, l’ampleur des ventes et de leur pénétration du marché, leurs arguments semblent souvent empreints de mauvaise foi. De plus, ces industries sont coutumières du fait que leur industrie est basée sur la détérioration de la santé des gens. Que leurs consommateurs soient de nos jours bien au fait que la consommation de produits de tabac nuise à leur santé est une chose. Mais d’un autre côté, ces industries devraent assumer leur position, certes délicate, de vendeur de mort.
Ainsi, le traitement auquel ces industries ont droit de la part des pouvoir publics et internationaux n’est pas tant injuste. Les pouvoirs publics sont concernés par la naïveté dont certains consommateurs – les jeunes – font parfois preuve dans leur décision de consommation. La politique du paquet neutre ne sert pas à museler l’industrie du tabac, mais plutôt à protéger une portion de la population qui n’est pas encore prête à faire des choix de consommation réellement réfléchis.
En effet, la décision de consommer des produits du tabac par la jeunesse n’est pas un choix introverti. Au contraire, il est motivé par la pression sociale et le désir des adolescents de s’affirmer à un âge où l’image passe avant tout. C’est pour éviter que ces jeunes prennent des décisions qui vont très lourdement peser sur leur futur que les pouvoirs publics prennent des initiatives aussi drastiques envers les industries du tabac.
5.3. Les alternatives à la disposition des industries du tabac pour leur communication et leur marketing
« Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre. »
Les entreprises du tabac ont prouvé leur versatilité à de nombreuses repries, en particulier en termes de communication. Elle en a de nombreuses fois fait preuve quand elle a profité de vides juridiques pour mener ses objectifs de communication à terme, et à le faire dans des façons auxquelles les législateurs n’avaient pas pensé auparavant. L’industrie a, non sans fierté, montré à de nombreuses reprises qu’elles arrivaient à faire parler d’elle bien qu’en l’absence de communication formelle.
Elle a notamment eu de plus en plus recours au marketing viral, ou de guerilla ces dernières années : une forme de marketing qui s’est récemment développée, et où le publicitaire créé l’environnement durant lequel une idée peut se dupliquer et se répandre. Par exemple en rémunérant des adolescents pour parler de la marque ou d’un produit à son entourage ou sur Internet. De cette manière, le publicitaire se détache du processus et laisse le messager faire la communication. Les industries ont également eu recours à la création de sites web ou de contenus de sites web supportant de manière indirecte leurs produits, comme sur des forums ou sur des sites tels que reddit.
Le terme de marketing guerilla a été gardé car c’est un marketing où l’image de la marque est passée à un niveau tellement éloignée de celui de l’information en elle-même que les consommateurs tendent à croire qu’ils ont fait eux-mêmes la découverte de l’information[46]. C’est par exemple le cas d’avis de « réelles personnes » sur des plateformes de communication sur Internet, auquel la personne lambda aura davantage tendance à faire confiance que des messages publicitaires traditionnels, dont le consommateur a tout de même tendance à se méfier.
Bien que le terme soit récent, il ressemble au concept du train en marche : pour cette industrie en particulier, il a été étudié qu’une fois que 30% des consommateurs mineurs choisissent une marque, son succès sur le marché est assuré[47].
Internet a souvent joué un rôle important dans le marketing de guerilla et viral, mais ce support fait également l’objet d’une communication particulière.
En effet, l’achat de produits sur Internet n’a pas épargné le secteur des produits de tabac. Bien qu’interdit, aux États-Unis en 2003, une étude a montré que les 11-15 ans réussissaient à acheter des cigarettes dans 92% des cas (sur 83 tentatives)[48].
Bien que les sites web des marques aient également une importance particulière dans la communication des industries, ils ne peuvent y faire paraître des éléments de marketing, d’image ou d’e-commerce. Et malgré tous leurs efforts pour tirer le meilleur parti de ce support en particulier, il est malheureusement l’objet de nombreuses interdictions et de restrictions, et doit se contenter de fournir un contenu largement informatif et parfois quelque peu contre-productif.
C’est sûrement la raison pour laquelle les sites internet de bon nombre de marques de produits de tabac tiennent un discours plutôt corporate, de manière à viser non pas le consommateur final mais plutôt tous les intermédiaires entre les deux parties, comme les distributeurs ou les revendeurs, ou que de nombreuses marques aient décidé d’abandonner ce support.
Toutefois, Internet reste le support où ces industries vont pouvoir percer dans le futur, en termes de communications.
En effet, cet espace reste largement insoumis à la législation car il reste très compliqué d’y établir des restrictions. Cependant, il est à noter que la communication des industries du tabac sur Internet reste très surveillée. C’est la raison pour laquelle les experts de ce secteur recherchent des manières informelles de faire parler de leurs produits, de la manière la plus indirecte et la plus discrète possible.
Après examen, on remarque que de nombreuses célébrités consommatrices de cigarettes et de produits de tabac ont leurs marques de prédilection, qu’ils montrent de manière plus ou moins discrète, sur une table, dans leur main sur les photos qu’ils mettent en ligne.
Même si la ligne est mince entre « vie privée » de personnalités publiques et publicité directe, c’est un des moyens que l’industrie a trouvé pour s’offrir le plus de visibilité possible sur le marché.
C’est également ainsi que sur de nombreux forums de discussions tels que reddit, où la quantité d’informations saisies par les utilisateurs est trop grande pour être contrôlée, que des industries du tabac influencent les consommateurs et futurs consommateurs, en rémunérant par exemple des utilisateurs pour parler de leurs produits de manière plus ou moins subtile, et avec plus ou moins de succès.
Conclusion
Au vu des restrictions grandissantes, non seulement dans la communication mais aussi sur les prix etc.
Volonté de faire taire l’industrie du tabac et de l’amoindrir le plus possible
Retirer le panache et la connotation sociale de la cigarette sur tous les fronts
« Attaquer l’apparence d’un produit peut affecter les ventes et sérieusement mettre en danger la viabilité d’un producteur[49] »
Au début du 19ème siècle, les produits de tabac étaient des produits de consommation dont les effets sur la santé étaient encore méconnus, et étaient même « à la mode ». Toutefois, à partir de la moitié du 20ème siècle, les professionnels de la santé ont commencé à alarmer la population sur les réels effets de la consommation de tabac sur la santé, l’ont mis en relation avec l’apparition de maladies pulmonaires et ont prouvé l’impact sur l’entourage des fumeurs.
A partir de ce moment-là, des campagnes de sensibilisation ont commencé à se mettre en place à travers le monde pour avertir les consommateurs, et la population en général, des dangers de la consommation de tabac.
Les industries de tabac ont répondu aux recherches médicales et scientifiques ainsi qu’à ces campagnes en essayant de les discréditer, mais une fois que la dangerosité de sa consommation a été avérée, les différents États ont été obligés de légiférer, et d’imposer une politique fiscale à l’industrie.
La politique du paquet neutre est établie par l’article 5d du projet de loi de modernisation du système de santé, porté par la Ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine : « Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. Un décret en Conseil d’Etat fixe leurs conditions de neutralité et d’uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d’inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports. »
L’objectif de la mise en place du paquet neutre est de réduire l’attractivité du produit, notamment en combinant ce conditionnement standardisé avec des avertissements sanitaires. Cette politique vise notamment à s’attaquer au dernier véhicule de marketing de l’industrie du tabac, le paquet de cigarettes.
La France est le deuxième pays à avoir appliqué la politique du paquet neutre sur son territoire, après l’Australie.
Le retrait du dernier canal de marketing autorisé des industries du tabac est un réel coup dur. Cependant, elles ont prouvé leur versatilité de nombreuses fois auparavant. Elles sont en effet très douées pour tirer profit des vides légaux pour trouver de nouveaux canaux de communication.
Aujourd’hui, avec l’explosion des réseaux sociaux, de nouvelles solutions s’offrent à elles. En effet, les leaders d’opinion de nos jours sont des célébrités et des personnes extrêmement influentes, dont les faits et gestes sont surveillés par des millions de personnes dans le monde. Des personnalités ultra charismatiques comme les artistes internationaux sont mandatés par de nombreuses marques pour placer leurs produits sur leurs réseaux sociaux. Bien entendu, toute affiliation à titre commerciale est interdite pour les industries du tabac, mais cette interdiction peut être contournée si la personne faisant la promotion d’un produit de tabac le fait par exemple pour lui-même. Le futur de la publicité reste la publicité par le consommateur. Elle est gratuite – dans la plupart des cas. C’est la voie que emble avoir suivie la plupart des industries du tabac dans le monde, en se réinventant, et quelque part en réinventant son identité en fonction des véhicules de communication de leur image leur restant.
- II) Méthodologie de recherche
- Objectifs de recherche :
1.1. Démontrer les conséquences de l’instauration de la politique du paquet neutre sur les consommateurs
1.2. Analyser la perception et l’évolution de la prise de décision de consommation de la clientèle ancienne et nouvelle vis-à-vis de la mise en place du packaging neutre
1.3. Faire le lien – ou non – entre l’ancien packaging et la décision de consommation
- Présentation du terrain : Les consommateurs de produits de tabac (particuliers)
- Méthodologie de la collecte de données
3.1. Méthode quantitative et qualitative : un questionnaire à réponse oui/non ou choix multiple et un questionnaire d’entretien non quantifiable
Nous utiliserons dans le traitement du sujet du mémoire la combinaison d’un questionnaire de collecte de données quantitatives et d’un questionnaire d’entretien qualitatif.
Le premier questionnaire, qualitatif, sera effectué sur un panel de personnes large mais ciblé et permettra de quantifier les informations. Le questionnaire d’entretien, quant à lui, permettra d’approfondir les recherches et d’explorer l’impact réel du phénomène étudié sur des personnes choisies comme échantillons représentatifs d’une certaine démographie.
3.2. Les questionnaires
3.2.1. Quantitatif :
– Etablir les facteurs déterminant le choix initial du produit de tabac
– Déterminer l’impact du paquet neutre sur les habitudes de consommation
– Déterminer l’efficacité perçue par les consommateurs finaux de cette politique et de la campagne antitabac en général
3.2.2. Qualitatif :
– Analyser les facteurs débouchant sur le choix de la consommation et de la marque de produit de tabac de certains consommateurs.
– Déterminer l’impact de cette politique sur les habitudes de consommation
– Etudier les conséquences de sa mise en place sur la société
– Analyser la position du consommateur final face aux actions entreprises dans la lutte antitabac.
3.3. La recherche de contacts pour les questionnaires
Les personnes interrogées sont des fumeurs de tout âge. Pour le questionnaire d’entretien, les personnes choisies sont des personnes de plus de 25 ans, dont la consommation de produit de tabac se fait depuis plus de 5 ans et dont l’environnement où la position les rendent représentatifs d’une certain couche démographique : étudiant, jeune diplômé, personnel encadrant, etc.
III) Résultats et Analyse
Présentation des résultats
- Synthèse des résultats
En effet, la majorité des Français interrogés (77%) pensent que cette mesure est inefficace, qu’ils soient fumeurs (82%) ou non-fumeurs (76%). Les accros à la cigarette affirment même qu’ils fumeront autant et ce quel que soit leur âge. 88% des moins de 35 ans et 90% des plus de 50 ans ne modifieront pas leurs habitudes et continueront à acheter leur paquet.
- Analyse des résultats
– Le paquet neutre et les messages d’avertissements ont peu d’effet sur la consommation de produits de tabac, que ce soit sur les consommateurs « habitués » comme pour les nouveaux consommateurs
– Le paquet neutre ne modifie pas les habitudes de consommation des fumeurs dans la plupart des cas
– La plupart des personnes interrogées estiment que la politique du paquet neutre n’a causé que des désagréments dans leur quotidien
– Bien loin de s’être décidés à arrêter de fumer, la plupart des personnes interrogées ne pensent pas s’arrêter ou diminuer leur consommation pour autant
– Les consommateurs estiment que la lutte antitabac ne devrait pas être autant prioritaire pour les pouvoirs publics, et qu’ils devraient se concentrer sur des problèmes d’ordre économique comme le chômage, le pouvoir d’achat et l’économie en général.
– La majorité des personnes questionnées pense que cette politique pourrait pousser les consommateurs à se fournir à l’étranger pour plus de sûreté, notamment en duty-free ou dans les pays transfrontaliers, avouant que cette politique risque d’avoir un impact négatif sur l’économie nationale.
– La prévention directement axée sur les populations sensibles serait davantage efficace que le paquet neutre qui pénalise tous les consommateurs pour protéger une couche de la population qui n’est même pas encore consommatrice.
– Dans l’ensemble, les consommateurs se sentent davantage pénalisés que les industries dans la lutte antitabac car les industries continuent à vendre or les paquets sont de plus en plus chers et laids de surcroît. De plus, les buralistes ont du mal à s’y retrouver, et 2 personnes interrogées disent qu’ils doivent vérifier à deux fois si le paquet donné par le buraliste est bien celui demandé.
– Les personnes interrogées doutent fortement de l’efficacité du paquet neutre dans la prévention de l’acquisition de nouveaux consommateurs pour les industries du tabac. Le fait de fumer étant un geste social, quand il commence à l’adolescence, il est rarement motivé par la couleur ou le visuel du paquet, mais plutôt par l’entourage direct et les médias.
– Certaines personnes ont émis des préoccupations quant à la possibilité d’étendre cette politique de neutralité à d’autres produits jugés nocifs, comme l’alcool et les vins, les boissons sucrées, et les fast-food.
- IV) Implications théoriques et managériales
- Implications théoriques : rapprochement entre la revue littéraire et les résultats obtenus
Les points soulevés par les réponses apportées par les personnes interrogées confirment d’un côté les hypothéses soulevées par la revue de littérature.
D’un côté, quelques personnes dans le panel se rendent compte que la mise en place de la politique du paquet neutre vise réellement à « museler » l’industrie, mais d’un autre côté, il y a une grande partie d’incompréhension de la part des consommateurs quant aux décisions prises par les pouvoirs publics.
De nombreuses personnes interrogées n’ont fait le lien entre la protection des jeunes consommateurs et la politique du paquet neutre par exemple. Et cela s’explique par le fait que le consommateur direct a du mal à comprendre la logique entre ce paquet neutre et le but de diminution de l’acquisition de nouveaux clients par l’industrie.
Cela s’explique en partie par le mécanisme de décision d’achat et de consommation lors des toutes premières expériences ayant résulté en la consommation actuelle et régulière de produits de tabac.
En effet, la totalité des personnes interrogées sont consommatrices de produits de tabac depuis quelque temps déjà. Selon elles, et si on étudie leurs réponses, si les mécanismes actuellement mis en place dans la prévention de l’acquisition de nouveaux clients par les industries du tabac avaient été présents au moment où eux-mêmes formulaient leur désir de consommer des produits de tabac, ces mesures n’auraient pas fonctionné sur eux. Et parce qu’ils sont donc consommateurs, mais qu’ils ont également été non-consommateurs auparavant, ils estiment que les mesures actuelles n’ont pas de sens et ne pourront pas donner de résultats probants.
Il est tout de même intéressant de noter que le packaging du paquet de cigarettes n’étaient pas un facteur déterminant dans le choix de consommation pour les personnes interrogées mais il est indéniable que la notoriété de la marque – et donc sa place dans la psyché des gens et donc sur le marché – a une incidence très importante dans ce processus.
- Implications managériales
2.1. Retrait du dernier véhicule d’expression de l’image de la marque : Pour les consommateurs de longue date, la communication n’a pas vraiment d’impact car elle a déjà sa marque de prédilection. L’application de la politique du paquet neutre n’a pas d’effet direct sur leur consommation, mais par contre, elle est génératrice de désagrément au moment de la transaction. Cela pourrait pousser cette clientèle à se fournir sur des marchés où cette politique n’est pas encore mise en place.
2.2. Les consommateurs de longue date estiment que cette politique n’a pas les effets escomptés dans la protection des parties de la population qui ne sont pas consommatrices et que les industries cherchent à capter car l’acte de fumer est un geste social, et le packaging standardisé ne saurait freiner certaines strates de la population comme la jeunesse qui est très influençable et qui consommera ces produits si elle l’a décidé. Ainsi, le problème de la lutte antitabac est qu’elle est trop concentrée sur la forme et pas assez sur le fond du problème.
2.3. Les consommateurs estiment que les industries du tabac ont jusqu’à maintenant fait preuve d’imagination et de créativité dans leur communication, malgré les interdictions et les restrictions qui leur sont imposées. Avec la multiplication des canaux de communication formels et informels, ils pensent que l’industrie n’aura aucun mal à tirer son épingle du jeu si elle continue à dédier une large part de ses investissements dans la recherche et le développement et qu’elle explore les possibilités qui s’offrent à elles ou qu’elles créent leurs propres canaux en profitant des vides légaux. « Tout le monde le fait, pourquoi pas eux ? »
2.4. Les personnes interrogées ont fait part de leur lassitude vis-à-vis de l’état qu’ils jugent trop protectionniste et à son immiscion dans la vie privée des consommateurs. Ils estiment que les actions menées par les pouvoirs publics et les diverses associations sont intrusives et ont tendance à avoir l’effet inverse sur les consommateurs. Ils proclament le « laissez-vivre » et le « laissez-faire », estimant que de toutes manières, l’état, tout comme les associations et les industries font tous partie du même lot et se sucrent tous au passage, au détriment des consommateurs finaux.
Conclusion
– Le packaging du paquet de cigarettes est un élément primordial dans la stratégie marketing des industries de tabac, et la mise en place de la politique du paquet neutre les prive de leur dernier moyen de véhiculer leur image directement auprès de la clientèle, mais également d’un élément de présence en magasin.
– Cette image de marque est en effet si forte qu’il a été démontré que le packaging influence les consommateurs dans leur choix. D’ailleurs, ce packaging est le résultat de recherches systématiques et approfondies pour assurer leur attractivité auprès des groupes ciblés, notamment les jeunes et les femmes.
– Son retrait oblige cette industrie à redéfinir sa stratégie de marketing et de communication, conformément aux règlementations auxquelles elle est soumise. L’importance de l’innovation est ici accentuée.
– Ne pas oublier que l’objectif des régulations de communication auxquelles les industries du tabac sont soumises vont vers l’éradication quasi-totale de leurs moyens d’expression.
Bibliographie
World Health Organization, “Plain packaging of tobacco products : evidence, design and implementation” (2016)
Comité National contre le Tabagisme, « Emballage des produits du tabac : pourquoi instaurer un Paquet Neutre Standardisé ? » (2011)
Karine Gallopel-Morvan, « Tobacco plain packaging ; is it effective in tobacco control ? »
Karine Gallopel-Morvan, “Perception de l’efficacité des paquets de cigarettes standardisés. Une étude dans un contexte français » (2011)
Tribune médicale « Le paquet de cigarettes neutre semble efficace » (2017)
Karine Gallopel-Morvan, Crawford Moodie, Figen Eker, Emmanuelle Beguinot, Yves Martinet « Efficacité des paquets de cigarettes neutres sur des fumeuses en France: Une étude dans un contexte réel de consummation » (2015)
Karine Gallopel-Morvan, « Le paquet neutre : quelle efficacité dans la lutte contre le tabagisme ? » (2015)
Karine Gallopel-Morvan, Jacques Orvain, Mathias Waelli, Juan Miguel Rey Pino, « Demarketing tobacco products: the influence of plain packs on smokers and non-smokers perceptions and behavioural intentions” (2012)
James L. Hamilton, “The Demand for Cigarettes: Advertising, the Health Scare, and the Cigarette Advertising Ban”
Alexander Nogolica, “An Analysis on the Public Perception of the Tobacco Industry’s Corporate Social Responsibility (CSR) Marketing Communications” (2012)
Respiratory Health Association, “Tobacco Marketing and Advertising at the Point of Sale”
Union Européenne, « La lutte antitabac dans l’Union Européenne » (2009)
M Wakefield, C Morley, J K Horan, K M Cummings, The cigarette pack as image: new evidence from tobacco industry documents”
Karine Gallopel-Morvan, « Le paquet de cigarettes au service de l’industrie du tabac ou de la santé publique ? » (2012)
Laura Bach, « Trends in tobacco industry marketing » (2016)
Organisation Mondiale de la Santé, « Le conditionnement neutre des produits de tabac » (2017)
World Health Organization « Tobacco Explained The truth about the tobacco industry …»
Résultats de recherche
1) Questionnaire quantitatif :
Selon vous, quels sont les objectifs de la mise en place du paquet neutre?
Museler l’industrie : 9,3%
Rendre l’acte d’achat plus laborieux : 36%
Dégouter les consommateurs : 41,3%
Empêcher l’acquisition de nouveaux clients par l’industrie : 2,7%
Miner les ventes : 10,7%
Avez-vous des commentaires à faire?
2) Questionnaire qualitatif :
Première personne interrogée : Marc A. 24 ans, étudiant universitaire, Montpellier
- Depuis combien de temps fumez-vous et qu’est-ce-qui a motivé votre consommation et le choix de la marque à la base?
Depuis jeune, avant d’avoir le « droit ». C’était du à la pression du groupe et au désir d’impressionner pour plaire aux autres.
- Vous sentez-vous sensibilisé par les pouvoirs publics en terme de prévention anti-tabac ? Quel est votre ressenti à ce sujet ?
On ne peut pas démentirait Les efforts faits par les services publics. Seulement ils devraient être plus dissuasifs pour empêcher les plus jeunes de fumer et offrir plus d’assistance aux fumeurs désireux d’arrêter.
- Avez-vous connu les paquets de cigarettes avant l’application du paquet neutre ? Et comment percevez-vous ce nouveau design ?
J’ai connu les paquets « colorés » et j’ai vécu la transition entre. L’idée peut paraître bonne cependant elle rend difficile le travail des buralistes. Aussi la standardisation du paquet ne fera qu’une chose c’est standardiser le tabagisme.
- Ce nouveau packaging a-t-il eu un impact sur votre consommation ? Si oui, de quelle manière ?
Mon tabac est souvent acheté en Espagne ou acheté à la sauvette dans la rue, ce dans la moitié des cas. Dans l’autre je vais au bureau de tabac. Le paquet neutre n’a en soi rien changé. L’augmentation des prix elle en revanche me fera recourir plus aux voies alternatives
- Vous-même étant fumeur, ressentez-vous une gêne ou un malaise vis-à-vis de ces nouveaux paquets? Aurez-vous tendance à le dissimuler, ou votre entourage a-t-il émis des commentaires à l’endroit de votre produit? Ce nouveau packaging a-t-il été créateur de débats autour de vous?
Si oui, pouvez-vous nous décrire brièvement la teneur de ces débats?
Au contraire, le paquet n’a rien changé aux habitudes. L’habit ne fais pas le moine et le déguisement ne fera rien à la nocivité du produit. Le nouveau packaging est plus souvent sujet de railleries que de débats.
- Quelle critique avez-vous à l’encontre de ce nouveau packaging?
La couleur un peu terne. Des images pas assez chocs pour marquer les esprits.
- Le but de la mise en place de cette politique était de créer un sentiment de répulsion à l’égard du produit, ou du moins de ce contenant. En ce sens, pensez-vous que la mise en place de cette politique ait eu les effets escomptés?
Pas sur le fumeur habitué reste à voir pour le nouveau consommateur.
- Selon vous, quel effet a eu ce nouveau packaging sur la société en général?
Réunir plus les fumeurs en créant des points de convergence et des sujets de discussion.
Et aussi les catégoriser plus qu’ils ne l’étaient aux yeux des non-fumeurs.
- Sachant que la communication de l’industrie du tabac est soumise à de sévères restrictions,
pensez-vous que l’application de cette politique du paquet neutre est excessive, le paquet de cigarettes étant le dernier véhicule d’expression de cette industrie?
Il en va de la survie de l’industrie. Et l’industrie sait toujours s’adapter, déjà on peut noter des différences subtiles d’un paquet à l’autre et sur c’est justement sur cela qu’ils devront jouer.
- Estimez-vous que les consommateurs doivent davantage être pris en considération, sachant que cette politique vise majoritairement à décourager une couche de la population que les industries du tabac cherchent à acquérir comme nouveaux clients – les jeunes et les non-fumeurs?
Oui, le fumeur aguerri ne changera pas ses habitudes pourvu que l’ivresse y soit le flacon importera peu. Je me demande si justement le paquet n’aura pas l’effet inverse, voir qu’un style sobre se crée autour
Deuxième personne interrogée : Michelle D., 29 ans, technicienne réseau, Champigny-sur-Marne
- Depuis combien de temps fumez-vous et qu’est-ce-qui a motivé votre consommation et le choix de la marque à la base?
Je fume depuis 12 ans. J’ai commencé à fumer pour faire l’adulte et j’ai pris la marque la plus connue.
- Vous sentez-vous sensibilisé par les pouvoirs publics en terme de prévention anti-tabac ? Quel est votre ressenti à ce sujet ?
C’est de l’argent public gaspillé.
- Avez-vous connu les paquets de cigarettes avant l’application du paquet neutre ? Et comment percevez-vous ce nouveau design ?
Oui j’ai connu les anciens paquets. Le nouveau design est horrible. J’ai pris une boite à cigarette pour le camoufler.
- Ce nouveau packaging a-t-il eu un impact sur votre consommation ? Si oui, de quelle manière ?
Non ça n’a eu aucun impact sur ma consommation.
- Vous-même étant fumeur, ressentez-vous une gêne ou un malaise vis-à-vis de ces nouveaux paquets? Aurez-vous tendance à le dissimuler, ou votre entourage a-t-il émis des commentaires à l’endroit de votre produit? Ce nouveau packaging a-t-il été créateur de débats autour de vous?
Si oui, pouvez-vous nous décrire brièvement la teneur de ces débats?
Ces nouveaux paquets mettent mal à l’aise c’est tellement horrible à regarder que c’est rangé dans une joli boîte.
Oui le nouveau paquet a été créateur de débat avec des amis fumeurs et avec mon buraliste. Comme les paquets se ressemblent tous et c’est compliqué de savoir lequel est le notre. Ensuite au sujet des images et messages qui mettent mal à l’aise, en tant que fumeur nous ne sommes pas stupides, nous connaissons bien les risques pas la peine de nous les jeter à la figure.
- Quelle critique avez-vous à l’encontre de ce nouveau packaging?
C’est moche, et c’est perturbant.
- Le but de la mise en place de cette politique était de créer un sentiment de répulsion à l’égard du produit, ou du moins de ce contenant. En ce sens, pensez-vous que la mise en place de cette politique ait eu les effets escomptés?
- Selon vous, quel effet a eu ce nouveau packaging sur la société en général?
Je ne pense pas que ces nouveaux paquets aient empêché un quelconque fumeur de continuer à fumer.
- Sachant que la communication de l’industrie du tabac est soumise à de sévères restrictions,
pensez-vous que l’application de cette politique du paquet neutre est excessive, le paquet de cigarettes étant le dernier véhicule d’expression de cette industrie?
Oui c’est assez excessif
- Estimez-vous que les consommateurs doivent davantage être pris en considération, sachant que cette politique vise majoritairement à décourager une couche de la population que les industries du tabac cherchent à acquérir comme nouveaux clients – les jeunes et les non-fumeurs?
Oui j’estime que nous n’avons pas à subir pour d’autres personnes.
- La campagne de lutte antitabac menée par les pouvoirs publics et différentes parties civiles est-elle efficace selon vous? Pour quelles raisons?
Non ce n’est pas efficace selon moi quand on voit que ça n’empêche pas les fumeurs de fumer.
- La campagne de lutte antitabac menée par les pouvoirs publics et différentes parties civiles est-elle efficace selon vous? Pour quelles raisons?
Des gesticulations. Des campagnes chocs comme on a vu aux USA seraient plus efficaces. Dégoûter la population au lieu de la ménager serait plus efficace.
Troisième personne interrogée : Stéphane B. 40 ans, éducateur spécialisé jeunesse difficile, Boulogne-Billancourt
- Depuis combien de temps fumez-vous et qu’est-ce-qui a motivé votre consommation et le choix de la marque à la base?
Depuis tout jeune, peut-être 14 ou 15 ans. J’ai été baladé de foyer en foyer, et c’est là que j’ai formé la plupart de mes « mauvaises » habitudes.
- Vous sentez-vous sensibilisé par les pouvoirs publics en terme de prévention anti-tabac ? Quel est votre ressenti à ce sujet ?
Franchement, je vois que des efforts sont faits mais pour moi c’est de la poudre aux yeux et de l’argent gaspillé.
S’ils voulaient réellement enrayer le tabagisme, ça serait déjà fait.
- Avez-vous connu les paquets de cigarettes avant l’application du paquet neutre ? Et comment percevez-vous ce nouveau design ?
Oui, je les ai connus, et ils me manquent. Le nouveau paquet, soit disant neutre, est hideux et c’était l’effet recherché.
- Ce nouveau packaging a-t-il eu un impact sur votre consommation ? Si oui, de quelle manière ?
Non. Enfin, on perd un temps fou au bureau de tabac mais à part ça rien de différent. ‘es drôle d’ailleurs parce que maintenant, les clients savent qu’ils vont perdre au moins 10 minutes de leur vie en achetant leur paquet du coup ils discutent dans la file d’attente, et se plaignent beaucoup du nouveau paquet ! Je peux vous dire que les discussions vont bon train, et c’est pas toujours sympa pour ceux qui dirigent.
- Vous-même étant fumeur, ressentez-vous une gêne ou un malaise vis-à-vis de ces nouveaux paquets? Aurez-vous tendance à le dissimuler, ou votre entourage a-t-il émis des commentaires à l’endroit de votre produit? Ce nouveau packaging a-t-il été créateur de débats autour de vous?
Si oui, pouvez-vous nous décrire brièvement la teneur de ces débats?
Alors là, aucun. L’entourage et la famille ont bien fait des remarques, mais moi je ne ressens aucune gêne. C’est pas parce qu’il y a des images dégueulasses dessus que je vais me gêner pour sortir mon paquet en public. Il m’a tout de même coûté ce qu’il m’a coûté.
- Quelle critique avez-vous à l’encontre de ce nouveau packaging?
C’est très simple : il ne sert à rien.
- Le but de la mise en place de cette politique était de créer un sentiment de répulsion à l’égard du produit, ou du moins de ce contenant. En ce sens, pensez-vous que la mise en place de cette politique ait eu les effets escomptés?
Non. En tout cas, pas sur moi, et pas sur mes proches non plus.
- Selon vous, quel effet a eu ce nouveau packaging sur la société en général?
La queue est plus longue dans les bureaux de tabac, on s’en plaint aussi beaucoup donc ça a eu un effet social ! On en parle beaucoup en attendant que le buraliste trouve le paquet de chaque client, et on a le temps d’attendre !
- Sachant que la communication de l’industrie du tabac est soumise à de sévères restrictions, pensez-vous que l’application de cette politique du paquet neutre est excessive, le paquet de cigarettes étant le dernier véhicule d’expression de cette industrie?
Ils auront besoin de plus qu’un paquet neutre pour arrêter de vendre ! Vu comment ils investissent dans leurs publicités indirectes, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne s’adaptent au monde dans lequel on vit, sur les réseaux sociaux par exemple. Et ils ont tellement d’argent que la recherche ne sera jamais un problème pour eux.
- Estimez-vous que les consommateurs doivent davantage être pris en considération, sachant que cette politique vise majoritairement à décourager une couche de la population que les industries du tabac cherchent à acquérir comme nouveaux clients – les jeunes et les non-fumeurs?
On peut toujours rêver mais oui, idéalement j’aimerais que nous soyons écoutés. Mais ils ne veulent que notre argent, on l’a bien compris. Et les jeunes, c’est leur manne providentielle. Je pense que le paquet neutre n’est pas une mesure qui va dégoûter les jeunes. Je travaille avec plein de gamins pluri-exclus, et je peux vous dire qu’ils n’en ont rien à foutre de la couleur de leur paquet, ils le découpent et l’utilisent pour fumer de la drogue !
Quatrième personne interrogée : Dina S. 19 ans, étudiante universitaire, Paris XVIème
- Depuis combien de temps fumez-vous et qu’est-ce-qui a motivé votre consommation et le choix de la marque à la base?
Depuis le lycée, vers 13 ou 14 ans. Je voulais faire comme les grands, et comme les gens cool de mon bahut.
- Vous sentez-vous sensibilisé par les pouvoirs publics en terme de prévention anti-tabac ? Quel est votre ressenti à ce sujet ?
Pas vraiment. Y a des affichages à l’uni mais pas vraiment grand-chose. Y a aussi des trucs qui passent à la télé mais c’est pas le genre de programme qu’on a envie de regarder.
- Avez-vous connu les paquets de cigarettes avant l’application du paquet neutre ? Et comment percevez-vous ce nouveau design ?
Oui. J’ai la nostalgie des anciens paquets, ils étaient vraiment beaux, et très bien faits ! J’ai l’œil car je commence à étudier le design industriel. Il y a vraiment eu beaucoup de recherche dans l’élaboration visuelle des paquets, et il y a beaucoup d’appel au subconscient. C’est très subtil mais en fait à bien y regarder, ça crève les yeux, tout est étudié.
Les nouveaux paquets, on voit aussi qu’il y a eu de la recherche, mais c’était pour le rendre le plus moche possible. Pari réussi.
- Ce nouveau packaging a-t-il eu un impact sur votre consommation ? Si oui, de quelle manière ?
Honnêtement, non.
- Vous-même étant fumeur, ressentez-vous une gêne ou un malaise vis-à-vis de ces nouveaux paquets? Aurez-vous tendance à le dissimuler, ou votre entourage a-t-il émis des commentaires à l’endroit de votre produit? Ce nouveau packaging a-t-il été créateur de débats autour de vous?
Si oui, pouvez-vous nous décrire brièvement la teneur de ces débats?
Ben, non. Dans mon groupe d’amis on a tous le même de toutes façons. Des fois on s’amuse à comparer les images, genre qui a eu les images les plus moches. Au début oui on en a débattu mais bon, maintenant on est habitués. On se plaignait de sa laideur et qu’on allait se fabriquer des boites, mais c’est resté des discussions en l’air ! On ne cache pas nos paquets, ça n’a vraiment rien changé pour nous.
- Quelle critique avez-vous à l’encontre de ce nouveau packaging?
Ben je n’en vois pas trop l’utilité.
- Le but de la mise en place de cette politique était de créer un sentiment de répulsion à l’égard du produit, ou du moins de ce contenant. En ce sens, pensez-vous que la mise en place de cette politique ait eu les effets escomptés?
Alors là, pas du tout. Au lycée de ma petite sœur, ça ne les empêche pas de commencer à fumer comme nous on l’a fait. Même à leur place ça ne m’aurait pas stoppé !
- Selon vous, quel effet a eu ce nouveau packaging sur la société en général?
Il a fait parler de lui au début, ça a fâché les gens. Mais après ça, je vous dis, on s’est habitués.
- Sachant que la communication de l’industrie du tabac est soumise à de sévères restrictions, pensez-vous que l’application de cette politique du paquet neutre est excessive, le paquet de cigarettes étant le dernier véhicule d’expression de cette industrie?
C’est vrai que ça doit être dur pour eux. Mais ils vont trouver d’autres moyens de faire parler d’eux, j’en suis sûre. Y a qu’à voir sur Instagram par exemple, toutes ces stars qui posent en festival avec leurs paquets de clopes bien en évidence ! L’industrie est maligne, on ne va pas en plus s’inquiéter pour eux.
- Estimez-vous que les consommateurs doivent davantage être pris en considération, sachant que cette politique vise majoritairement à décourager une couche de la population que les industries du tabac cherchent à acquérir comme nouveaux clients – les jeunes et les non-fumeurs?
Oui, pourquoi pas. Mais tout est déjà fait par les fabricants pour attirer le consommateur. C’est pas vraiment nous plaire qu’ils recherchent mais bien nous faire acheter, on n’est pas dupes.
Et puis les jeunes ils s’en foutent de la couleur du paquet, ils veulent juste fumer.
[1] Lors d’un discours prononcé lors d’une réunion marketing internationale de Philip Morris international à Tampa, en Floride en 1990
[2] Stratégies
[3] Selon l’Organisation Mondiale de la Santé
[4] Cancer control « Themes and targets of tobacco advertising and promotion »
[5] Voir Annexe
[6] Voir Annexe
[7] Voir Annexe
[8] “Smoking and Health : Report of the Advisory Committee to the Surgeon General of the United States” (1964)
[9] Federal Trade Commission
[10] William Alexander “The new face of advertising cigarette : Marketing strategies emergng after the MSA » (2006) p.5
[11] MSA
[12] Food and Drug Administration
[13] Depuis le site web de l’Organisation Mondiale de la Santé
[14] Selon l’Organisation Mondiale de la Santé sur son site
[15] Idem
[16] UE
[17] Voir annexe
[18] Union Européenne « La lutte Antitabac dans l’Union Européenne » (2009)
[19] Dans « Le conditionnement neutre des produits du tabac » OMS 2017
[20] Idem
[21] OMS, « Le conditionnement neutre des produits de tabac » 2017
[22] Idem
[23] Idem
[24] Directives pour l’application de l’article 11 de la Convention-Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (2008)
[25] 2014/40/UE entrée en vigueur le 19 mai 2014 et applicable dans les États Membres de l’UE depuis le 20 Mai 2016
[26] TMA Website, Tobacco Manufacturers’ Association’s complete response to the public consultation on the possible revision of the Tobacco Products Directive 2001/37/EC, 17 December 2010, accessed July 2017
[27] Droit fondamental par l’article 17 de la Déclaration de 1789
[28] Traduction libre
[29] Voir Annexe
[30] Voir Annexe
[31] CNCT
[32] V. White, T. Williams, A. Faulkner et al. Do larger graphic health warnings on standardised cigarette packs increase adolescents’ cognitive processing of consumer health information and beliefs about smoking-related harms?, Tobacco Control, 2015;24,ii50-57, accessed July 2017
[33] “The 2013 NDSHS collected data from nearly 24,000 people across Australia from 31 July to 1 December 2013, (notably, after the introduction of the tobacco plain packaging measure and mostly before the first of a series of four 12.5% tobacco excise increases on 1 December 2013). The results of the 2013 NDSHS show that daily smoking prevalence among Australians aged 14 years and over has fallen significantly from 15.1% in 2010 to 12.8% in 2013, a drop of 15%. This included declines in all Australian states and territories (except Tasmania).” – Department of Health, Australian Government,Post-Implementation Review: Tobacco Plain Packaging 2016, accessed July 2017
[34] CNCT en collaboration avec Karine Gorvel 2016
[35] CNCT en collaboration avec Karine Gorvel 2016
[36] Le paquet neutre, quelle efficacité dans la lutte contre le tabagisme ?
[37] British American Tobacco, Annual Report 2010 ;2011. P.203
[38] Karine Gorvel, Le paquet neutre, quelle efficacité dans la lutte contre le tabagisme ?
[39] Brown & Williamson, Document interne n° 465262194/2273, Report on a qualiitative research into the Greek cigarette market (1982)
[40] Comme “A frank statement to cigarette smokers”
[41] M. Wakefield, C. Morley, JK Horan, KM Cummings (2002)
[42] Rapport de Ligget & Myers 1963 – traduction libre
[43] Cancer control « Themes and targets of tobacco advertising and promotion »
[44] Karine Gallopel-Morvan, Le paquet neutre, quelle efficacité dans la lutte contre le tabagisme ?
[45] Idem
[46] Cancer control: Types and extent of tobacco advertising and promotion dans Monograph : The Role of Media
[47] Burrows, D. S. Strategic research report.Younger adult smokers: Strategies and opportunities. 29 Feb 1984. R.J. Reynolds.Bates No. 50677795/8042. http://legacy.library.ucsf.edu/tid/tei44d00.
[48] Ribisl, K.M. 2003. The potential of the Internet as a medium to encourage and discourage youth tobacco use. Tobacco Control 12 Suppl. 1: i48–i59.
[49] Philip Morris, document interne n°2504091585 (1992)
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