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Comment les obligations convertibles sont-ils devenus des moyens optimaux pour le financement et l’investissement ?

Thème : L’obligation convertible en action et leurs incidences financières

 

Problématique : Comment les obligations convertibles sont-ils devenus des moyens optimaux pour le financement et l’investissement ?

 

Plan

 

Introduction

Partie 1.       Stage en entreprise

1.1.      Le groupe Exane

1.1.1.       La Recherche d’Exane

1.1.2.       Exane Derivatives

1.2.      Stage : Exane Derivatives – Recherche Convertibles

1.2.1.       Implications et missions journalières

1.2.2.       Réflexions sur la problématique des obligations convertibles

Partie 2.       Généralités sur les obligations convertibles en action

2.1.      Les obligations convertibles en action

2.1.1.       Entre obligation et action

2.1.2.       Les obligations convertibles

2.2.      Valorisation d’une obligation convertible en action

2.2.1.       Partie obligataire et partie optionnelle

2.2.1.1.       Calcul de la valeur de la partie obligataire : le plancher actuariel

2.2.1.2.       La composante optionnelle de l’obligation convertible

2.2.1.3.       Stratégies optimales de conversion

2.2.2.       Modélisation et valorisation

Partie 3.       Enjeux des obligations convertibles en action pour le financement des entreprises

3.1.      Enjeux pour les contreparties

3.1.1.       Pour l’émetteur

3.1.2.       Pour l’investisseur

3.2.      Obligation convertible : Un moyen d’investissement

3.3.      Le marché des obligations convertibles

Conclusion

Bibliographie

 

 

Introduction

 

 

La dernière crise financière ayant bouleversé le monde en 2008 a donné de nombreuses leçons aux investisseurs qui spéculent sur les marchés financiers, mais également aux entreprises qui sont à la recherche de financement pour leurs activités d’exploitation et/ou d’investissement. La grande variété de produits financiers présents sur ces marchés laisse croire que de telle crise ne devrait pas avoir lieu, compte tenu de l’arbitrage que les acteurs devraient réaliser pour optimiser leurs opérations respectives. Néanmoins, il y a lieu de se demander si cette « trop » grande variété d’instruments n’est-elle-même pas une source de confusion qui brouille les informations rendant opaques les marchés et empêche l’optimisation voulue. A citer par exemple certains produits structurés et complexes tels que ceux issus de la « titrisation » des actifs financiers, un outil très prisé par les entreprises pour obtenir plus rapidement de la liquidité : il s’agit de « vendre » en quelque sorte les créances d’une entreprise contre des titres plus liquides, une manière de « transférer » les risques (de solvabilité des débiteurs de l’entreprise). Certes, les agences de notation financières ont des rôles centraux à jouer dans cette crise, mais, les entreprises ayant eu recourt à cette technique n’auraient-elles pas trouvé d’autres types d’actifs moins complexes mais offrant plus de sécurité à niveau de financement comparable ?

 

En tout cas, les marchés de capitaux constituent toujours pour l’entreprise une source de financement intéressante, du moins par rapport à celle qu’offre le circuit bancaire. En effet, bien que le financement bancaire accorde un minimum de sécurité avec l’application des directives issues de la réforme « Bâle », des règles prudentielles pour réduire les risques pour les établissements financiers. Cependant, ces mêmes règles ont aussi conduit les banques à alourdir les exigences envers ses emprunteurs, ce qui implique alors des coûts considérables pour l’entreprise à la recherche de financement.

 

Toutefois, il faut aussi considérer les comportements des investisseurs sur les marchés des capitaux puisque cela constitue un facteur majeur conditionnant la qualité du financement recherché. Cela dit, il est attendu, suite à la crise évoquée précédemment, que les acteurs présents sur les marchés financiers soient beaucoup plus averses au risque qu’auparavant ; mais, la situation de reprise économique vécue actuellement devrait aussi attirer ces investisseurs vers des actifs plus risqués. En d’autres termes, l’entreprise recherchant une source de financement sur les marchés des capitaux devraient principalement arbitrer entre l’émission d’actifs moins risqués (qui ne restent toutefois pas moins risqués au regard de la solvabilité de l’entreprise en question) de type « obligation » ou d’actifs plus risqués de type « action ».

 

De plus, à côté des enjeux concernant l’attrait des titres à émettre pour les investisseurs, il ne faut pas non plus perdre de vue l’objectif principal de l’émission et surtout ses impacts sur l’entreprise concernée. En effet, opter pour l’émission d’obligations entrainerait une augmentation des dettes de l’entreprise avec les coûts que cela comporte (outre le remboursement à l’échéance, il faut payer les intérêts de ces dettes) ; tandis que s’intéresser à l’émission d’actions ne serait pas sans conséquence sur la structure du capital de l’entreprise, et convaincre les actionnaires dans ce sens n’est pas du tout une chose aisée pour le gestionnaire. Alors, existe-t-il un compromis de solution afin d’optimiser le financement de l’entreprise sur les marchés des capitaux ?

 

C’est dans ce contexte que l’émission « d’obligation convertible en action » est proposée comme alternative à ces deux principaux actifs que sont l’obligation et l’action. Ce type particulier d’actif est souvent considéré comme intégrant certaines caractéristiques conjointes de l’obligation et de l’action, et l’on se questionne donc sur sa potentialité à l’optimisation du financement de l’entreprise. La problématique de la présente étude est ainsi formulée : Comment les obligations convertibles sont-ils devenus des moyens optimaux pour le financement et l’investissement ?

 

Afin de répondre à cette question centrale, la présente recherche est réalisée en trois étapes correspondant à trois parties du mémoire :

 

  • Dans un premier temps, puisque le mémoire en question est réalisé conjointement avec un stage de fin d’étude, il convient de présenter d’abord les intitulés de ce stage et de l’entreprise d’accueil, ainsi que le fil d’idées qui a mené vers le thème et la problématique de la présente étude à partir de ce stage ;

 

  • Dans un deuxième temps, il y a lieu d’appréhender le cadre général de l’étude, c’est-à-dire de faire une analyse descriptive de l’obligation convertible en action, ses principales caractéristiques et sa valorisation (pricing) ;

 

  • Enfin, dans un troisième temps, il faut étudier les enjeux de ce titre de créance particulier dans le cadre de financement des entreprises.

 

 

Partie 1.        Stage en entreprise

 

 

Cette première partie consiste à présenter le stage de fin d’étude effectué par l’impétrant en entreprise. Ainsi, avant de décrire les missions attribuées au stagiaire durant la période de stage, il convient de présenter d’abord l’entreprise en question. Il est à noter que ce stage a permis aussi le stagiaire de faire une réflexion en vue du choix du thème et de la problématique de sa recherche.

 

 

1.1. Le groupe Exane

 

Le groupe Exane est fondé en 1990 en tant que société française d’investissement. Aujourd’hui, son activité s’entend sur trois lignes de métiers : l’intermédiation action, les dérives et « l’asset management » dans 9 emplacements mondiaux (Paris, Londres, Francfort, Genève, Madrid, Milan, Stockholm, New York et Singapour). Le groupe jouit d’une excellente réputation à l’international aussi bien qu’en France en étant un acteur clé et dominant dans plusieurs marchés notamment dans celui des convertibles des options et de crédit.

 

Figure 1 – Exane intervient sur trois métiers

 

  • L’intermédiation action : Suite à un partenariat entre Exane et BNP Paribas, la marque Exane BNP Paribas propose à ses clients, depuis 2004, la suivie, la vente et la commercialisation de plus de 600 valeurs européennes avec une expertise professionnelle remarquable (top-ten broker for european equities). Cette expertise s’appuie à la fois sur les analyses robustes des spécialistes de chaque secteur d’activité ainsi que sur les travaux de recherche effectués par les équipes. Ce partenariat est mis en place à plusieurs niveaux : au plan capitalistique BNP Paribas détient 50% du capital de la holding Exane ; néanmoins, le groupe y conserve la majorité des droits de vote. Sur le plan opérationnel, Exane se confère le droit d’effectuer l’intermédiation actions européennes pour les deux entités sous le nom « BNP Paribas » alors que la collaboration entre les deux groupes se développe aussi en matière d’opérations d’ECM avec lesquelles BNP Paribas en effectue « l’origination » et Exane BNP Paribas en réalise la distribution.

 

  • Les dérivés : Exane Derivatives est aujourd’hui un des leaders mondiaux dans les marchés des produits structurés et listés (options et obligations convertibles). Le succès et le savoir-faire d’Exane dans les marchés des obligations convertibles et des options européennes est étroitement lié avec un des enseignes fondamentales pour le groupe : la recherche. La recherche de qualité et propre au groupe Exane qui se combine avec l’analyse fondamentale et technique, permettant de générer des choix d’investissements originaux et innovants. La combinaison de ces éléments, connue aussi comme « le Mix » d’Exane, est un des piliers fondamentaux de la philosophie d’Exane Derivatives. La capacité de proposer des produits sur-mesure propres et adaptés à chaque type de client est un autre atout très important pour cette structure. Exane Derivatives sert désormais différents types de clients : gestions collectives, institutionnels, banques et gestions privées, réseaux de distribution ainsi qu’aux conseillers en gestion de patrimoine indépendants.

 

  • L’asset management : A travers deux structures différentes, à savoir Exane Asset management et Ellipsis Asset Management (sous Exane Derivatives), le groupe propose à ses clients une variété des fonds. Exane AM est spécialisé dans les fonds alternatifs actions (12 portefeuilles long/short equity et 1 actions) alors qu’Ellipsis AM entend son activité dans la gestion obligataire et précisément à travers des fonds convertibles, crédits et diversifiés.

 

Avec un objectif de performance absolue, Exane AM gère aujourd’hui 6,6 milliards d’euros dans ses fonds actions. Dans leur gestion, l’accent est mis sur l’expertise sectorielle, une approche fondamentale pour Exane AM. La maitrise de risques est aussi d’une grande importance pour l’équipe qui exerce ses savoirs faire autour de deux gammes de fonds : les fonds long/short actions qui est aussi le domaine d’expertise par excellence du groupe ainsi que le fonds action Exane Equity Select Europe.

 

Ellipsis AM, de l’autre côté, jouit d’une expertise reconnue en matière de convertibles européennes. Néanmoins, le groupe développe son activité autant vers des autres produits obligataires proposant ainsi aux clients une gamme complète de fonds. Les fonds convertibles, Crédit (High Yield, court terme, allocation crédit) ainsi que les fonds exclusifs (dividend overlay, long/short credit) sont tous gérés sous la philosophie « research driven ». Ellipsis AM gère 1,9 milliards d’euros à travers ces fonds.

 

Exane a présenté un résultat positif de 65.5 millions d’euros en 2015, soit une nette hausse de sa performance (20%) par rapport à l’année précédente. Ce sont les trois métiers en concert qui a permis cette dynamique :

 

  • Cash Equities à travers Exane BNP Paribas a enregistré de véritable succès en se classant à la deuxième position en Europe. Désormais, disposant d’environ 250 analystes, Exane BNP Paribas occupent plus de 4% du marché institutionnel européen.

 

  • Les dérivés, avec Exane Derivatives, ont connu une forte performance sur l’activité de flow business, surtout du côté options et convertibles. En revanche, des résultats plutôt contrastés sont enregistrés dans l’activité « structurés/indices propriétaires ». En chiffre, Exane Derivatives réalise 1 300 émissions par an, ce qui le place comme troisième broker « dérivés et convertibles » en Europe, et au quatrième rang en « market making » options sur actions européennes.

 

  • Asset Management, quant à lui, a réalisé une collecte nette exceptionnelle de plus de 2 milliards d’euros portant sur les actifs sous gestion de 5 à 7 milliards d’euros. Les performances sur les fonds de la gamme long-short equity sont également bonnes. Exane Asset Management et Ellipsis AM gèrent 13 fonds, avec respectivement 5.1 milliards et 1.9 milliards d’euros d’encours sous gestion.

 

 

1.1.1. La Recherche d’Exane

 

Pour le groupe Exane, la recherche compose un des piliers fondamentaux sur lesquelles s’entend l’activité dans tous les niveaux. La recherche est particulièrement cruciale dans l’univers des actions et des dérivés. Le groupe se fonde sur sa propre expertise issue de la recherche faite par des analystes et qui crée une valeur ajoutée pour le groupe. Ceci permet de générer des propositions originales et exclusives à ses clients. Néanmoins, pour Exane Derivatives, l’analyse fondamentale est loin d’être négligée ; la structure opte depuis longtemps pour une combinaison optimale entre l’analyse fondamentale et la recherche connue comme « Le Mix » qui guide la prise de décisions de manière assez authentique. Au niveau de l’univers actions, l’analyse sectorielle est cruciale alors que des différents types d’analyses se mettent en place en fonction de leur finalité : des analyses globales macro pour suivre les tendances de marché suivies par des analyses techniques, des analyses crédit pour classifier les émetteurs etc.

 

Les sondages Extel-Pan Europe 2016 confirment la réputation de la recherche d’Exane dans les marchés européens. En 2016 ces sondages placent Exane comme le premier acteur dans la recherche small et mid caps en Europe, le numéro deux dans la recherche actions et le troisième dans la recherche sur les convertibles.

 

 

1.1.2. Exane Derivatives

 

Exane Derivatives est un des trois principales structures du groupe Exane dont l’activité met en focus les produits structurés ainsi que les dérivés listés. Exane dérivatives est le 3ème « broker » européen des obligations convertibles. En plus, cette structure est en charge de l’émission de plusieurs types de produits structurés aux différents sous-jacents et s’engage dans environ 1300 émissions par an grâce à sa plateforme d’émissions.

 

L’activité d’Exane dérivatives repose sur deux piliers principaux : l’élaboration et la proposition de nouvelles solutions d’investissements aux clients et son rôle comme fournisseur et apporteur de liquidité sur les futures, options et les convertibles.

 

Les services, la plateforme robuste d’émissions ainsi que les produits personnalisés et spécifiques proposés à chaque client placent Exane Derivatives parmi les acteurs protagonistes des marchés obligataires européennes. Cette offre personnalisée et adapté à chaque client se met en place grâce à la combinaison entre la recherche et la structuration selon chaque type d’investisseur, son gout pour le risque et pour le rendement. La combinaison unique entre l’analyse fondamentale et la recherche sont donc dans le cœur de l’activité.

 

Depuis 11 ans, Exane Derivatives prolonge son activité aussi dans un autre niveau : celui de l’asset management. Ellipsis AM, conçu sous la tutelle d’Exane Derivatives, est une des sociétés de gestion du groupe Exane spécialisé sur des actifs obligataires. Les fonds convertibles, crédits et diversifiés sont gérés sous la philosophie « research-driven ».

 

 

1.2. Stage : Exane Derivatives – Recherche Convertibles

 

Dans le cadre de sa politique de recrutement, le groupe Exane propose des opportunités de stage au sein de ses différentes structures. Dans ce mémoire, on fera référence à un stage auprès d’Exane Derivatives au sein de son équipe Recherche sur les Convertibles.

 

Pour le groupe Exane, les obligations convertibles constituent une des principaux domaines d’expertise dans différents niveaux : dans la recherche, la vente, la commercialisation et l’exécution ainsi que dans la gestion à travers ses fonds dédies aux produits obligataires convertibles. De l’autre côté, comme il est déjà évoqué, la recherche demeure un autre élément très important pour le groupe.

 

Les équipes de Recherche chez Exane Derivatives mènent un travail quotidien de suivi et d’analyse des différentes valeurs obligataires en fonction de leur spécialisation.

 

L’équipe Recherche Convertibles se compose de 5 opérationnels (chef d’équipe – stratégistes – responsables recherche – analystes crédit) qui partagent entre eux différentes tâches quotidiennes concernant la recherche, l’analyse, la stratégie, les recommandations d’allocations sur ces produits obligataires et leurs sous-jacents.

 

  • L’analyse s’effectue à la fois au niveau de l’analyse crédit des émetteurs ainsi qu’au niveau de l’analyse des actions sous-jacents.

 

  • L’analyse crédit des émetteurs se fonde sur une pure analyse financière – retraitement des comptes, prévision des flux financiers, l’analyse de la qualité de signature et leur risque de crédit, la suivie de la notation, les calculs des ratios de crédit ainsi que des différents ratios de solvabilité afin d’avoir une image exhaustive de la société lors de l’élaboration des opinions et des conclusions sur les émetteurs.

 

  • L’analyse des actions sous-jacentes s’effectue en étroite collaboration avec les spécialistes d’Exane BNP Paribas. Avec une approche buy-side, le travail consiste à l’étude des sociétés et des secteurs avec un potentiel d’investissement action, la mise en évidence des arguments à l’avantage des investissements sur l’action.

 

  • Au niveau recherche et stratégie : le travail des spécialistes fait l’objet de publications périodiques dans des revues avec des bilans économiques, des analyses au plan macroéconomique et des recommandations stratégiques destinées à tous les acteurs concernés. Les observations et les conclusions issues du travail des stratégistes et des responsables de la recherche sont, entre autres, mises en disposition des équipes de gestion des fonds convertibles d’Ellipsis AM.

 

 

1.2.1. Implications et missions journalières

 

Les missions d’un stagiaire auprès de l’équipe de la recherche sur les convertibles sont nombreuses. Le stagiaire est censé assister le travail de tous les jours de chaque membre de l’équipe et de répondre efficacement à leurs besoins. Dans le cadre de ce stage, le stagiaire est en contact permanent non seulement avec les membres de son équipe mais aussi avec des autres équipes avec lesquels les opérationnels de la recherche convertible collaborent régulièrement, tel que les sales de la salle de marché Exane et les analystes d’Exane BNP Paribas. L’échange de l’information entre les différentes équipes est primordial pour le bon fonctionnement du travail dans tous les niveaux. Les opérationnels confient au stagiaire différentes missions sur plusieurs plans :

 

  • Au niveau analytique : le stagiaire assiste dans l’analyse de crédit des émetteurs (calculs des différents ratios, suivie des notations analyse des comptes) et dans l’analyse des actions sous-jacents qui s’effectue en coopération avec les équipes d’Exane BNP Paribas qui, eux, sont spécialisés dans la suivie des différentes valeurs (actions) européennes.

 

  • Au niveau stratégique : Les conclusions issues du travail des stratégistes et des responsables de la recherche doivent être synthétisées par le stagiaire lors des présentations des différentes sociétés qui mettent à jour la situation les stratégies et les perspectives de ces sociétés.

 

  • Au niveau quotidien : le stagiaire rédige des rapports courts sur l’actualité en synthétisant les points principaux et pertinents au travail de l’équipe. En plus, il organise les « mornings», des réunions de matin avec les équipes des vendeurs visant à échanger instantanément de l’information nécessaire au travail de chacun des équipes.

 

Cet univers très dynamique a permis, non seulement d’accroitre le savoir-faire pratique et les compétences issues des formations académiques que le stagiaire dispose dorénavant, mais constitue aussi un terrain de réflexion autour du thème de recherche ainsi choisi : concernant les obligations convertibles dans le cadre du financement des activités des entreprises émettrices de ces titres.

 

 

1.2.2. Réflexions sur la problématique des obligations convertibles

 

Le stage auprès de l’équipe de Recherche Convertibles chez Exane Derivatives s’inscrit dans plusieurs domaines et laisse donc au stagiaire plusieurs pistes de réflexion. Etant un travail qui se partage entre l’univers de la finance d’entreprise ainsi que celui de marché, ce stage donne au stagiaire des astuces indispensables dans la compréhension de la finance dans son ensemble.

 

Le travail de recherche et d’analyse de l’univers des obligations convertibles peut inciter une réflexion plus approfondie pour le stagiaire sur ce sujet tel que c’est le cas dans ce mémoire.

Exane jouit d’une réputation excellent dans l’expertise sur les obligations convertibles dans tous les niveaux (recherche, vente, trading/exécution et gestion) ce qui donne au stagiaire un cadre très large et complet pour son analyse et sa réflexion.

 

En outre, l’univers des obligations convertibles est sans doute un des sujets les plus fascinants de la finance du XXIème siècle. Cette forme de financement et d’investissement dépasse les frontières corporate-market en fusionnant dans une nouvelle structure complexe et novatrice.

 

 

En somme, le stage chez Exane a constitué un climat propice pour développer les connaissances du stagiaire qui s’est positionné aussi bien comme véritable acteur au niveau de cette entreprise, mais également en tant que chercheur qui approfondit ses acquis théoriques sur le terrain. Le choix porté sur les obligations convertibles n’est alors pas un hasard mais en parfaite cohérence avec les activités de l’entreprise hôte et les savoirs acquis et approfondis issus de la formation académique.

 

 

Partie 2.        Généralités sur les obligations convertibles en action

 

 

Cette deuxième partie de l’étude cherche à appréhender le concept d’obligation convertible qui revête, suivant les circonstances, les caractéristiques de l’obligation « classique » et celles de l’action. Il est également important de s’intéresser aux méthodes de valorisation de ce titre particulier de sorte à déterminer les paramètres optimaux de celui-ci par souci d’efficacité et d’efficience quant à l’opération d’émission (de l’obligation convertible).

 

 

2.1. Les obligations convertibles en action

 

Pour mieux comprendre ce qu’est une obligation convertible en action, il convient de rappeler d’abord les caractéristiques deux principales valeurs mobilières que sont l’obligation et l’action. Du point de vue de l’investisseur, celles-ci sont deux moyens de paiement parmi d’autres sur le marché des capitaux ; du point de vue des entreprises, l’émission d’obligations et d’actions est un moyen pour financer leurs activités. Le marché financier est alors le lieu de rencontre des demandes (a priori, émanant des investisseurs) et des offres (émanant des entreprises) d’obligations et d’actions.

 

 

2.1.1. Entre obligation et action

 

« Une obligation (également appelée emprunt ou, en anglais, bond) est un titre de créance émis par une entreprise ou par une collectivité de droit public (Etat, commune) » (iconomix, 2016, p. 1). Ainsi, celui qui détient une obligation est alors le créancier de l’entreprise émettrice, c’est-à-dire qu’il est en droit d’exiger le remboursement de la dette en question (le montant étant la valeur nominale du titre de créance) lorsque l’obligation arrive à l’échéance ; mais entretemps, il a aussi droit aux paiements (dits intermédiaires : c’est le coupon, généralement exprimé en pourcentage de la valeur nominale de l’obligation) d’intérêts convenus contractuellement lors de l’émission de l’obligation. Le cours d’une obligation désigne la valeur « actuelle » de celle-ci sur le marché obligataire (exprimée également en pourcentage de la valeur nominale) qui « peut fluctuer et s’éloigner de la valeur de remboursement à l’échéance » (AMF, Autorité des Marchés Financiers (Paris), 2012, p. 3).

 

« Une action est une participation dans une entreprise » (iconomix, 2016, p. 1), c’est-à-dire que celui qui détient des actions d’une entreprise (l’ayant émises) devient copropriétaire de cette dernière (actionnaire de cette entreprise). Celui-ci a alors droit, non seulement aux bénéfices de la société (distribution de dividendes), mais également à la prise de décision au sein de celle-ci (dans les votes lors des Assemblées générales des actionnaires). La valeur nominale d’une action est le montant associée à cette action obtenu par le rapport entre le capital social de l’entreprise et le nombre des actions émises : c’est en quelque sorte la participation de l’investisseur qui détient les actions en question à ce capital social. Le cours d’une action est sa valeur actuelle sur le marché financier, un cours qui est susceptible de varier en permanence.

 

« Les actions font partie du capital propre de l’entreprise, alors que les obligations sont des fonds de tiers (remboursables après un certain délai) » (ibid.). D’une manière plutôt caricaturale, l’obligation (du moins celles émises par l’Etat) est réputée être un titre « sans risque » puisqu’elle paie un coupon régulier jusqu’à son échéance lors de laquelle son détenteur reçoit le remboursement du capital investi. Néanmoins, il faut reconnaitre qu’il s’agit d’une sécurité relative face à la possibilité de fluctuation de la valeur d’une obligation durant sa vie : cette valeur devrait augmenter avec la baisse des taux et diminuer avec la hausse des taux et de l’inflation ; « elle peut en perdre encore davantage lorsque la solvabilité de l’emprunteur se détériore » (Naumer, Gasquet, & al., 2011, p. 4).

 

Cette considération de l’obligation comme actif « sans risque » est aussi relative à l’autre actif qu’est l’action. En effet, le copropriétaire d’une entreprise (celui qui en détient une ou plusieurs actions) participe également aux risques qu’elle encourt, mais en contrepartie, la rentabilité d’une action est généralement plus élevée que celle d’une obligation. Désormais, les acheteurs d’actions et d’obligations risquent tous de subir des pertes, voire de devoir renoncer aux montants qu’ils ont investis respectivement (cf. plus bas pour les risques liés à l’obligation). « L’expérience a montré que ces risques étaient clairement plus élevés pour les actions que pour les obligations: les fluctuations de cours sont généralement limitées pour les obligations, alors qu’elles sont régulièrement importantes pour les actions et conduisent souvent à des pertes notables » (iconomix, 2016, p. 3). De plus, lorsqu’une entreprise fait faillite, ce sont toujours les obligataires qui sont indemnisés en premier avant les actionnaires : en cas d’insuffisance du produit de la liquidation, ces derniers subiront une perte certaine.

 

En outre, au fil du temps, en considérant un investissement initial équivalent dans une société très bien notée (en matière de risque), le rendement de l’action de celle-ci peut devenir nettement supérieur à celui de son obligation[1]. Lorsque l’Assemblée générale des actionnaires décide le réinvestissement (et non le partage sous forme de dividende) des bénéfices nets, les capitaux investis augmentent, ce qui fait aussi accroitre la valeur de l’action achetée. Ainsi, les dividendes et les cours de l’action sont susceptibles d’augmenter (de façon illimitée, en principe) si la société présente d’important bénéfice ; par contre, les intérêts des obligations sont généralement fixes et les cours de celles-ci ne dépassent point la valeur nominale.

 

Sur le plan juridique, « l’obligation est un contrat passé entre l’émetteur et les souscripteurs qui l’acceptent. Ainsi, les modalités de ce contrat sont bien évidemment dictées par le droit, les conditions de marché et les caractéristiques de l’émetteur (taille, secteur d’activité, perspectives, cours de bourse, etc.) mais laisse une large place à l’ingénierie juridique et financière (maturité, modalités de remboursement, paiement des intérêts, prime de non conversion, remboursement par anticipation, etc.) » (Emé & Doly, 2011, p. 2). Il existe principalement trois types d’obligations :

 

  • Obligations à taux fixe : celles dont la rémunération (le coupon) est connue d’avance, ne changeant pas tout au long de la vie des titres concernés ;

 

  • Obligations à taux variable, c’est-à-dire que le montant du coupon évolue en fonction des taux du marché ;

 

  • Obligations indexées, celles dont le montant du remboursement final (la valeur nominale) varie avec la valeur d’un sous-jacent convenu initialement lors du contrat.

 

En général, les émissions obligataires « corporates » (celles des entreprises, par opposition aux émissions « souveraines » des Etats) sont à taux fixes (rarement à taux variables). L’obligation simple à taux fixe a alors un échéancier de flux connu dès l’émission. Il faut toutefois noter que l’obligation (même à taux fixe) comporte quelques risques suivant que son détenteur la conserve ou décide de le vendre en cours de vie. Il y a d’abord le risque de défaut, à l’échéance, si l’émetteur n’est pas en capacité d’honorer ses engagements. En cours de vie, il y a aussi le risque de perte en capital car la valeur marchande de l’obligation évolue négativement avec la hausse des taux d’intérêt et de liquidité (du fait que le marché obligataire est peu liquide, les obligations sont moins échangées par rapport aux actions).

 

Devant ces caractéristiques majeures qui différencient les obligations des actions (cf. Tableau 1 – Principales différences entre Actions et Obligations), le marché propose également d’autres types de titres qui, en quelque sorte, participent à ces deux types de valeurs mobilières. Parmi ces titres figurent l’obligation convertible en action, étant donné qu’il s’agit d’une « obligation classique à laquelle est adjointe une option de conversion » (Banque de France, 2012, p. 1).

 

Tableau 1 – Principales différences entre Actions et Obligations

  Actions Obligations
Qualité de l’acheteur Copropriétaire (détient des parts de l’entreprise) Créancier (détient une créance sur l’entreprise ou l’Etat)
Droits patrimoniaux de l’acheteur Droit à une part des bénéfices (dividende) et à une part du produit de la liquidation de l’entreprise Droit à des paiements d’intérêts (coupons) et au remboursement de l’obligation (à la valeur nominale) à son échéance
Droit de vote Oui Non
Type de capital du point de vue de l’émetteur (entreprise) Fonds propres Fonds de tiers
Rang pour un paiement en cas de faillite Après les obligataires (et tous les autres ayants droit) Avant les actionnaires (mais après les créances des collaborateurs notamment)
Cours Cours par action Cours en % de la valeur nominale
Durée Illimitée (ou jusqu’à la dissolution de l’entreprise) Limitée (fixée par obligation, par exemple 10 ans)  
Potentiel de gain du point de vue de l’investisseur Dividendes et éventuels gains de cours illimités à la hausse (à long terme, plus rentable en moyenne que les obligations) Coupon fixe; le cours des obligations ne peut donc guère dépasser le nominal (à long terme, moins rentable en moyenne que les actions)
Risques du point de vue de l’investisseur Supérieurs à ceux des obligations: fortes fluctuations de cours et, en cas de faillite, perte totale probable Inférieurs à ceux des actions: fluctuations de cours limitées, mais perte totale également possible dans les cas extrêmes

Source : iconomix (2016)

 

 

2.1.2. Les obligations convertibles

 

C’est d’abord une « obligation » mais ayant la spécificité d’accorder à son détenteur, durant une période de conversion, la possibilité d’échanger ce titre contre une ou plusieurs actions de l’entreprise émettrice. Les obligations convertibles relèvent alors de la famille des obligations « corporates », émises par les sociétés par actions, qu’elles soient cotées ou non, suivant la décision de l’Assemblée extraordinaire des actionnaires.

 

Le prix d’émission de ces titres doit être supérieur ou égal à la valeur des actions que les acheteurs de ces obligations convertibles devront recevoir en contrepartie de la conversion. Celles-ci ont généralement une durée de vie de 3 à 7 ans, en fonction des besoins de l’émetteur et les contraintes conjoncturelles. Il y a deux principaux types d’obligations convertibles (Emé & Doly, 2011) :

 

  • Obligation convertible classique en action qui donne à son détenteur le droit de la convertir en nouvelles actions de l’entreprise émettrice ;

 

  • Obligation convertible en actions nouvelles ou existantes (OCEANE) : l’émetteur aura le choix lors d’une décision de conversion soit en actions existantes (par le biais d’une augmentation de capital ou bien d’une cession d’actions d’autocontrôle), soit en actions nouvelles.

 

Désormais, il y a de nombreuses variantes de l’obligation convertible. Parfois, la conversion donne droit non plus à des actions ordinaires, mais plutôt à des actions « privilégiées », voire à des bons de jouissance. Il y a aussi des cas où l’emprunt émis par une entreprise est convertible en actions d’une toute autre entreprise, mais en général, les deux sociétés sont liées (Dallèves, 1963).

 

Ce titre présente pratiquement toutes les caractéristiques d’une obligation classique : elle verse un coupon régulièrement, est remboursable à l’échéance, a une valeur marchande qui évolue en fonction des taux (des obligations d’Etat d’une part, et du supplément de taux qu’exige le marché vis-à-vis de la détérioration ou l’amélioration de la solvabilité de l’émetteur). Néanmoins, la particularité de l’obligation convertible est que son remboursement peut ne pas se réaliser en numéraire, mais en actions ; les termes et les conditions de conversion sont précisés et définis par le contrat d’émission. En revanche, lorsque le cours de l’action sous-jacente à l’obligation convertible se rapproche ou dépasse le cours de conversion, les conditions sont alors réunies pour que cette conversion ait lieu (le détenteur est motivé à effectuer la conversion). Dans ce cas, l’obligation convertible adopte les caractéristiques d’une action. Autrement, elle prend le comportement d’une obligation privée : elle attend son remboursement, et son cours est susceptible d’évoluer inférieurement à la somme à recevoir si jamais le marché estime que l’entreprise a une faible capacité à honorer ses échéances. Par ailleurs, l’obligation convertible est qualifiée d’une grande souplesse d’utilisation du fait qu’elle peut être adossée à un taux d’intérêt fixe, variable, flottant, indexé, ou encore variable.

 

Le choix de la conversion revient a priori à l’investisseur puisqu’il faut rappeler qu’il s’agit d’un droit (de conversion) et non d’une obligation (sinon, il s’agirait plutôt d’une « obligation remboursable en action »). Le remboursement en action est donc généralement facultatif. Par ailleurs, l’émetteur peut aussi décider de racheter ses obligations et donc à un prix nécessairement supérieur au remboursement pour inciter les investisseurs à les céder. En tout cas, c’est une question d’arbitrage, chaque partie compare les avantages que pourraient procurer la conversion par rapport au remboursement (Naumer, Gasquet, & al., 2011) :

 

  • D’un côté, il y a lieu de toujours faire une comparaison entre la valeur des actions qu’il faut émettre et la valeur du remboursement ;

 

  • D’un autre côté, il convient de confronter les dividendes que les actions à émettre devraient donner droits avec les coupons que devrait verser l’obligation.

 

De ce fait, lorsque la valeur des actions sous-jacentes est nettement supérieure à celle du remboursement de l’obligation, le souscripteur de cette dernière optera pour la conversion. Si cette différence est très importante, l’émetteur a intérêt à racheter l’obligation, même si cela exige l’augmentation de son capital ultérieurement à un cours plus élevé (à condition que ce rachat soit prévu dans le contrat d’émission de l’obligation).

 

Une caractéristique essentielle de l’obligation convertible est que la rémunération de la composante obligataire soit souvent faible que celle d’une obligation classique. En fait, il est proposé au souscripteur la diminution du taux actuariel auquel cet acteur peut prétendre contre l’obtention d’une option de conversion qui peut générer pour lui de gains très significatifs.

 

Du point de vue juridique l’acheteur de l’obligation convertible devient un créancier social de l’entreprise émettrice, ce qui veut dire qu’il a droit au remboursement à la date convenue dans les conditions de l’emprunt. Si l’obligataire choisit de ne pas demander la conversion, il continuera jusqu’à l’échéance à toucher les intérêts du capital emprunté. Par contre, s’il choisit d’exercer son « option » de conversion, il va perdre sa position de créancier et deviendra par cette occasion un associé de la société et aura alors droit de percevoir des dividendes (et éventuellement, en cas de liquidation, une part de la fortune sociale). L’obligation en question sera alors « annulée », une annulation de créance qui servira à libérer les actions de conversion.

 

Il est possible de résumer les caractéristiques d’une obligation convertible à travers les différences majeures entre celle-ci et l’obligation classique (ou ordinaire) :

 

  • D’une part, le détenteur du titre convertible possède le droit et non l’obligation de convertir en actions de l’émetteur le titre en question, c’est-à-dire qu’il a le choix entre ces actions et leur rémunération d’un côté, et l’obligation qui paie un coupon régulier et un remboursement à l’échéance. L’option pour les actions ne figure pas dans la détention de l’obligation ordinaire.

 

  • D’autre part, la détention d’un droit supplémentaire (de conversion) implique une minoration de l’intérêt de l’obligation convertible par rapport à celui d’une obligation classique.

 

Tout cela accorde de l’importance cruciale à la valorisation (pricing en anglais) de ce titre particulier.

 

 

2.2. Valorisation d’une obligation convertible en action

 

« Une obligation convertible se définit comme une obligation privée (ou « corporate ») assortie d’une option d’achat sur les actions de l’émetteur à un prix déterminé » (Naumer, Gasquet, & al., 2011, p. 7). A l’échéance, le remboursement du titre de créance servait en quelque sorte à lever l’option d’achat des actions pour le cours fixé lors de l’émission. Cela donne déjà des idées sur les procédés à suivre pour la valorisation d’un titre composé principalement de deux éléments devant être évaluables séparément : une partie obligataire et une autre optionnelle.

 

 

2.2.1. Partie obligataire et partie optionnelle

 

L’obligation convertible présente toutes les caractéristiques d’une obligation classique en termes de sécurité (moins risquée), celles-ci étant également associées au potentiel que possède l’action. C’est un produit « hybride », un intermédiaire entre l’obligation et l’action, se décomposant en partie obligataire et en partie optionnelle. En conséquence, il est possible de faire un calcul approximatif de sa valeur par la somme des valeurs de ces deux composantes. Il faut alors déterminer la valeur de chacune de ces composantes.

 

 

2.2.1.1.   Calcul de la valeur de la partie obligataire : le plancher actuariel

 

En fait, le détenteur d’une obligation convertible est un créancier de l’entreprise émettrice, et si cette dernière ne fait pas défaut, et si le porteur n’exerce pas son droit de conversion, il lui est assuré : un remboursement du capital à l’échéance à un prix défini à l’avance d’une part, et le paiement régulier d’un coupon également déterminé préalablement. Le risque qu’il supporte est limité : sauf en cas de faillite de l’émetteur, il percevra toujours les coupons durant la vie de l’obligation et il bénéficiera du remboursement à l’échéance même dans le pire des cas, c’est-à-dire une chute du cours du titre.

 

Ainsi, il convient de fixer comme plancher actuariel de l’obligation convertible la valeur nue de l’obligation. Pour déterminer la valeur de cette partie obligataire de l’obligation convertible, il suffit d’actualiser les flux fixes de l’obligation composés des coupons et du prix de remboursement. La formule usuelle suivante sert à calculer cette valeur (Bernadou, 2010) :

 

Formule 1 – La valeur du plancher actuariel d’une obligation

 

  • P(t) étant la valeur nue recherchée de l’obligation convertible à la date ;

 

  • Ci est le coupon payé pour la période ;

 

  • est le taux de la période i correspond à la courbe des taux « sans risque » (des obligations d’Etat) ;

 

  • désigne le spread de crédit (également « écart de crédit ») de l’émetteur à la date : c’est le risque d’une société comparée à une entité considérée comme de référence car réputée sans risque ; autrement dit, c’est l’écart de taux actuariel entre l’obligation émise par la société concernée et un emprunt d’Etat qui devrait produire les mêmes flux financiers (Singer, 2014)[2] ;

 

  • N est le prix du remboursement à l’échéance, et ;

 

  • T est la maturité de l’obligation convertible.

 

Cette formule montre, entre autres, que la valeur de l’obligation convertible sur le marché ne doit pas descendre en dessous de son plancher actuariel, quelle que soit l’évolution du cours de l’action sous-jacente. En revanche, il faut noter que ce plancher lui-même n’est pas immobile : ce dernier est sensible cette fois à l’évolution des courbes des taux, mais aussi au spread de crédit de l’émetteur. Il faut alors conclure que la composante obligataire du titre étudié est une obligation classique correspondant à un plancher qui fixe la valeur minimum du cours de l’obligation convertible. Mais, de par sa spécificité, l’obligation convertible comporte aussi une partie optionnelle.

 

 

2.2.1.2.   La composante optionnelle de l’obligation convertible

 

En théorie, le porteur de ce titre a la possibilité de convertir « à tout moment » son obligation en action de l’entreprise émettrice. Implicitement, le détenteur de l’obligation convertible possède une option d’achat sur une certaine quantité des actions de cette entreprise, ce qui correspond aux caractéristiques d’un call américain (Bernadou, 2010). En fait, un call est une option d’achat (par opposition à une option de vente ou put) sur un instrument financier, c’est-à-dire un droit de réaliser une transaction à une date future suivant des conditions fixées à l’avance. L’option se distingue du Forward par le fait que le détenteur de ce dernier a « l’obligation » et non le « droit » de réaliser la transaction à l’échéance ou jusqu’à l’échéance.

 

Il est fait aussi une distinction entre le call européen et le call américain : le premier confère à son détenteur un droit d’exercer son option seulement à l’échéance, tandis que le second a la possibilité de faire valoir son droit d’achat à n’importe quel moment entre la conclusion du contrat futur jusqu’à la maturité. En d’autres mots, étant donné que l’obligation convertible présente les caractéristiques d’un call américain, le porteur du titre peut exercer avant échéance son droit de conversion. Il est important alors de savoir la stratégie optimale du porteur de l’obligation convertible, c’est-à-dire le temps d’exercice qui lui est susceptible d’apporter le maximum de gain.

 

Le détenteur de l’obligation convertible ne devrait pas exercer son droit de conversion que lorsque la « valeur de conversion » ou « parité de conversion » est plus élevée que la valeur de la partie obligataire. La valeur de conversion est le produit du cours du sous-jacent avec le nombre d’actions obtenues lors de la conversion, on parle aussi de taux de conversion ou de ratio de conversion. La parité de conversion est fixée dans les conditions de l’emprunt et ne peut plus faire l’objet d’une modification unilatérale par l’entreprise émettrice (la parité de conversion est toutefois corrigée en cas d’augmentation de capital postérieurement à l’émission de l’obligation convertible). La fixation de cette parité est alors une décision délicate, devant être soigneusement pesée : elle conditionne essentiellement la qualité de l’emprunt convertible, autant pour la société émettrice que pour l’investisseur. Ainsi, si cette parité est trop basse, l’investisseur estime invraisemblable que la cote de l’action dépassera (pendant la durée de vie du titre) la valeur de l’obligation (la condition qui motive la conversion). Le titre convertible risque alors de ne pas trouver preneur. A l’inverse, la fixation d’un taux de conversion qui se rapproche « trop » de la valeur des actions à la date d’émission pourrait constituer une mauvaise affaire pour l’entreprise émettrice : en effet, la moindre hausse constatée du cours de l’action de l’entreprise incite l’investisseur à convertir son obligation en vue des gains offerts par cette hausse. Mais, cela équivaut en quelque sorte à la vente « à bon marché » des actions de l’entreprise. La fixation du taux de conversion doit alors s’appuyer sur une estimation de la variation future du cours des actions de l’entreprise.

 

Il y a des entreprises qui essaient de prévoir cette variation future en recourant à un taux de conversion variable. Il y a par exemple celles qui optent pour un taux dégressif, surtout en période d’inflation : un taux de conversion relativement élevé pour une première période, puis un taux plus faible pour une deuxième période, etc. Par contre, lorsque l’entreprise veut que la conversion ait lieu le plus tard possible, elle adopte plutôt un taux progressif : les obligataires auront alors tendance à attendre jusqu’à l’échéance pour exercer leur droit de conversion afin d’obtenir le plus de gains. Il faut alors dire que la fixation du taux de conversion dépend essentiellement des facteurs économiques, mais également de l’objectif poursuivi par l’entreprise émettrice des titres convertibles.

 

Pour ce qui concerne la durée de la convertibilité, il faut noter qu’il s’agit aussi d’un point crucial à considérer dans le contrat d’émission de l’obligation. L’entreprise émettrice peut être exposée à des risques importants, proportionnellement à la période de convertibilité. Il y a un usage (surtout des français comparés aux allemands et aux américains) qui dissocie alors la durée de convertibilité avec la durée de vie de l’obligation convertible (Dallèves, 1963).

 

D’habitude, les acteurs du marché financier utilisent la « prime de conversion » ou encore le « prix de conversion » comme indicateurs pour apprécier la qualité du titre convertible, c’est-à-dire pour déterminer s’il est vraisemblable de convertir ce dernier en actions de l’entreprise émettrice. En fait, l’investisseur accepte une « minoration » du montant des intérêts intermédiaires qu’on lui accorde par rapport aux conditions du marché : d’où la notion de prime (premium). D’habitude, cette prime concerne 10% à 15% de la valeur de l’obligation convertible à l’émission, mais plus précisément, la prime de conversion est le rapport entre le « prix de conversion » et le cours actuel de l’action sous-jacente. Par simplification, le prix de conversion (une approximation du prix d’exercice) s’obtient par le rapport entre le prix de l’obligation convertible et le ratio de conversion. Plus la prime de conversion (ou le prix de conversion par rapport au cours de l’action) est élevée, moins l’option a d’attrait pour les investisseurs (cf. Figure 1 – Exemple illustratif du fonctionnement de l’obligation convertible).

 

Données de l’exemple :

–        Valeur de l’obligation = 100 euros

–        Cours de l’action à l’émission = 4 euros

–        Ratio de conversion = 1 obligation contre 20 actions

 

Calcul :

–        Prix de conversion = 100 euros / 20 = 5 euros

–        Prime de conversion = (5 euros / 4 euros) – 1 = 0.25 ou 25%

 

On imagine alors les deux scénarios suivants :

 

Scénario 1 : L’action monte à 5.5 euros

Le cours de l’obligation convertible peut être approchée par :

Valeur à l’émission + [ratio de conversion x (cours de l’action – prix de conversion)]

= 100 euros + [20 x (5.5 euros – 5 euros)]

= 110 euros

Le titre convertible connait donc une appréciation de 10%

Cours de l’action = Prix de conversion Scénario 2 : L’action est en dessous du prix de conversion

Dans ce cas (cours de l’action < 5 euros), l’option de conversion n’a pas vraiment de valeur car n’apportant pas de gain pour l’investisseur. L’obligation convertible est alors assimilée à une obligation classique (sans option de conversion)

Dans les deux scénarios, la valeur du titre convertible à la date d’émission est aussi la valeur minimale de l’option convertible

Figure 2 – Exemple illustratif du fonctionnement de l’obligation convertible

 

La question cruciale concerne la détermination du moment optimal de conversion, c’est-à-dire celui qui devrait conférer le maximum de bénéfice pour l’investisseur.

 

 

2.2.1.3.   Stratégies optimales de conversion

 

En réalité, et plus précisément, le prix d’exercice de l’option d’achat en question est le plancher actuariel de l’obligation convertible (cf. formule précédente). A priori, l’obligation convertible est susceptible d’être convertie à tout moment car il est supposé que ce plancher devrait évoluer suivant la variation de la courbe des taux et du spread de crédit de l’entreprise émettrice. La détermination du moment optimal pour l’exercice du droit de conversion a été longtemps débattue dans la littérature scientifique, mais deux travaux semblent donner des précisions intéressantes pour la présente étude : ceux d’Ingersoll (1977) et de Brennan et Schwartz (1977).

 

Ingersoll (1977) démontre que la stratégie optimale pour le détenteur de l’obligation convertible est celle d’attendre l’échéance et ainsi de convertir si la valeur de conversion est plus élevée que le plancher actuariel (prix de remboursement) de l’obligation à cette date. Autrement dit, il n’est jamais optimal d’exercer le droit à la conversion avant l’échéance. Cette thèse est valable à condition qu’il n’y ait ni de distribution de dividende, ni modification des termes de conversion. Dans ce cas, l’obligation convertible est plutôt associée à un call européen.

 

De leur côté, Brennan et Schwartz (1977) apporte une nuance à la thèse précédente en démontrant qu’il peut être optimal s’il y a modification de base de conversion ou encore juste avant la distribution de dividendes. En effet, le prix de l’action diminue du montant du dividende distribué, ce qui réduit la valeur de conversion de l’obligation convertible. Ainsi, l’investisseur a intérêt à convertir son titre immédiatement avant le versement de dividende, c’est-à-dire pendant que la valeur de conversion est plus élevée que la valeur anticipée de celle-ci après cette distribution.

 

Il existe aussi un troisième cas de conversion anticipée (outre le changement de base de conversion et le versement de dividende. En fait, Ingersoll (1977) souligne que l’investisseur aura davantage de gains s’il convertit son obligation lorsque le dividende actuel de l’action est plus élevé que le coupon de l’obligation. Néanmoins, cela dépend également du montant des dividendes futurs à distribuer ; ce qui veut dire que, en plus du dépassement du coupon de l’obligation par les dividendes « actuels », il faut aussi que les dividendes futurs soient supérieurs à la valeur actualisée des coupons futurs pour que la conversion anticipée soit véritablement la stratégie la plus profitable pour l’investisseur.

 

Tous ces éléments devraient alors permettre de modéliser et de valoriser les composantes de l’obligation convertible.

 

 

2.2.2. Modélisation et valorisation

 

La valorisation de la composante obligataire d’une obligation convertible est la même que pour une obligation classique présentant les mêmes caractéristiques (en termes de maturité, de coupon, de nominal, etc.). Comme montré plus haut (cf. sous-section précédente), la valeur de marché du titre de créance « nu » est obtenue par actualisation des flux financiers futurs, les taux de la courbe des taux et le spread de crédit de l’émetteur servant de facteurs d’actualisation. Ainsi, à titre d’exemple, prenons le cas d’une obligation convertible ayant une maturité de 3 ans, une valeur nominale de 100 euros, et payant un coupon de 2.5%. Supposons que la société émettrice de ce titre est notée BBB, ce qui devrait correspondre à un spread de crédit de 1.79%. On suppose également que le taux sans risque se base sur les taux des OAT (obligations assimilables du Trésor français) de maturité 3 ans de 1.87%. On obtient le tableau d’échéancier de flux (et flux actualisés) ci-après :

 

Tableau 2 – Tableau d’échéancier pour l’exemple illustratif relatif au pricing du titre convertible

Année Flux Flux actualisé
1 2.5 2.43
2 2.5 2.35
3 102.5 92.2
Total   96.8

 

Soit la valeur de marché de la partie obligataire à la date d’émission du titre convertible : 96.8 euros. Pour obtenir la valeur de ce dernier, il faut ajouter à ce résultat le prix de la partie optionnelle.

 

Par souci de simplification, on imagine un cas simple où le titre convertible ne comprend pas de clause de remboursement anticipé par l’émetteur. En principe alors, l’option de conversion peut être modélisée comme un call américain car l’investisseur est susceptible d’exercer son droit de conversion à n’importe quel moment entre l’émission de l’obligation et l’échéance. Le prix d’exercice est bien entendu le plancher actuariel de l’obligation, évalué précédemment.

 

Toujours par souci de simplification, on fait l’hypothèse qu’il n’y a pas lieu de distribution de dividende, ce qui implique que le call en question peut être associé à un call européen qui a comme prix d’exercice le montant de remboursement de l’obligation (il a été évoquée qu’avec cette hypothèse, il n’est jamais optimal d’exercer le droit de conversion avant l’échéance). La méthode la plus utilisée pour valoriser une option de type européenne est celle de la formule de Black et Scholes (1973) :

 

Formule 2 – Prix de l’option d’achat sans distribution de dividende

 

Avec :

  • S(t) est la valeur du sous-jacent (l’action) à la date ;

 

  • K(t) est le prix d’exercice (le montant du remboursement) à la date ;

 

  • T est la maturité de l’option qui est aussi la maturité de la partie obligataire, T – t étant la période résiduelle précédant l’échéance de l’obligation convertible ;

 

  • rf est le taux supposé sans risque, et

 

 

 

  • N(u) représente la fonction de répartition de u, u étant une variable aléatoire qui suit la loi normale (gaussienne) centrée réduite.

 

En levant l’hypothèse de distribution de dividendes, il vient une adaptation de cette formule de Black et Scholes (1973), mais toujours en gardant qu’il s’agit d’un call européen (et non américain), c’est-à-dire que le droit ne doit être exercé qu’à l’échéance. La formule précédente devient alors :

 

Formule 3 – Prix d’une option d’achat en présence de distribution de dividende

 

  • q représente le taux annuel de dividende ;

 

 

 

Or, quand il y a distribution de dividende, il peut être optimal pour l’investisseur d’exercer son droit de conversion avant la date d’échéance. Cela dit, les formules ci-dessus ne donnent plus qu’une valeur approximative de la composante optionnelle dans ce cas. Mais, au moins, ces formules (issues de celle de Black et Scholes (1973)) donnent une idée (même caricaturale) sur la valeur réelle recherchée.

 

En reprenant l’exemple chiffré d’illustration précédent, on suppose que la volatilité implicite est celle du CAC40, soit de 21.06%. Le calcul donne alors une valeur estimée de la partie optionnelle du titre convertible, soit de C(0) = 8.04 euros. Finalement, comme le prix de l’obligation convertible est la somme des valeurs des deux composantes, on a :

 

Formule 4 – Valeur de l’obligation convertible

 

Soit de 96.8 euros + 8.04 euros = 104.84 euros

 

 

En conclusion, l’obligation convertible est un titre de créance avec la particularité de contenir une option d’achat d’actions. Le titre convertible se place ainsi dans une position intermédiaire entre les deux principaux types de valeurs mobilières (que sont l’obligation et l’action), chacune de ceux-ci comportant des avantages et des risques pour l’entreprise émettrice et pour l’investisseur. L’entreprise qui projette une opération d’émission d’obligation convertible a intérêt à trouver un compromis entre ses propres intérêts et le potentiel de gains pour l’investisseur. En effet, il faut motiver ce dernier, sinon les titres ne pourront pas trouver preneur. Il convient alors d’appréhender les enjeux de l’obligation convertible pour les deux parties en présence, surtout pour la société émettrice qui conçoit l’émission de ce titre comme un moyen de financement.

 

 

Partie 3.        Enjeux des obligations convertibles en action pour le financement des entreprises

 

Cette troisième partie se focalise sur les enjeux des titres convertibles en tant que moyen utilisé par l’entreprise en vue du financement de ses activités d’exploitation et de financement. Dans un premier temps, il convient de faire une analyse descriptive des enjeux de l’obligation convertible pour les deux parties contractantes : l’émetteur et le souscripteur. Il y a lieu aussi d’apprécier les comportements du marché de ce type d’actifs pour juger du potentiel qu’il présente en terme de moyen de financement pour l’entreprise.

 

 

3.1. Enjeux pour les contreparties

 

L’obligation convertible intéresse au premier plan deux acteurs : d’un côté l’entreprise émettrice et de l’autre côté, le ou les investisseurs qui s’intéressent à ce titre. A priori, les intérêts respectifs de ces deux parties contractuelles sont en concurrence : en effet, du point de vue des gains (donc, à titre spéculatif), si l’entreprise sera nettement avantagée par une baisse du cours de l’action, l’investisseur parie plutôt pour la hausse du sous-jacent. Mais, dans un autre sens, il est bien plus commode de parler de complémentarité de ces intérêts (et non pas nécessairement de concurrence) : en fait, si l’investisseur vise surtout à obtenir des gains substantiels, l’entreprise se concentre souvent sur des objectifs de nature différente, notamment lorsque ces derniers se focalisent sur le financement de ses activités (fonctionnement et/ou investissement). Désormais, il est possible de dire que l’entreprise a atteint l’essentiel de ses objectifs d’émission lorsque ses obligations convertibles ont trouvés d’acheteurs (quels que soient les gains obtenus par les investisseurs, par la suite).

 

Ainsi, lorsque l’entreprise opte pour une émission d’obligations convertibles dans des objectifs de financement, il lui est important de s’intéresser également aux avantages que devraient conférer ces titres, non seulement à son endroit directement, mais aussi pour les souscripteurs.

 

 

3.1.1. Pour l’émetteur

 

« A l’origine, elles [les obligations convertibles] ont été utilisées pour financer l’industrie ferroviaire américaine dans les années 1860 : les sociétés pouvaient emprunter de l’argent à des conditions relativement intéressantes et les détenteurs d’obligations recevaient en échange une option leur permettant de convertir par la suite leurs obligations en actions » (Saber, van Ingen, & Nikolov, 2016, p. 2). Désormais, l’émission d’obligation pourrait conférer un certain nombre d’avantages pour une entreprise, notamment lorsque cela s’inscrit dans une stratégie de financement des activités de cette entreprise :

 

  • « L’obligation convertible permet à l’émetteur de collecter des ressources financières très peu coûteuses, puisque l’option de conversion lui permet de diminuer la rentabilité actuarielle de la composante obligataire de l’ordre d’un tiers» (Banque de France, 2012, p. 1). Cette baisse de coût peut s’expliquer sur quelques points majeurs :

 

  • Le coût de financement associé à une émission de titre convertible est intéressant par rapport à celle d’une obligation classique pour l’entreprise en raison de l’existence de l’option de conversion (une sorte d’option d’achat d’actions) qui fait alors diminuer le coupon (le taux d’intérêt) à verser aux investisseurs. A préciser que c’est nécessairement à cause de la possibilité de conversion en actions et offrant par l’occasion un potentiel de plus-value substantiel au porteur que le marché accepte au titre convertible un versement de coupon inférieur à celui de l’obligation classique.

 

  • Cela permet un accès plus souple au marché des titres liés aux actions (equity-linked) pour certaines entreprises qui auraient une certaine difficulté à trouver du financement sur le marché obligataire classique. En effet, ce dernier est relativement contraignant surtout concernant les niveaux de notation exigés et la taille minimum des émissions requises. En principe, un emprunteur doit se conformer aux conditions des prêteurs, et dans ce sens, le marché financier apparait moins exigeant que les banques.

 

  • De nombreux investisseurs recherchent des émissions nouvelles assorties d’un profil action équilibré.

 

  • « La dilution consécutive à la conversion des obligations à terme est mieux maîtrisée car la parité de conversion prend en compte la croissance potentielle de l’émetteur sur la durée de l’obligation» (Emé & Doly, 2011, p. 3)[3]. Désormais, la conversion permet à l’émetteur un renforcement de son capital à terme à moindre coût, en plus des moyens de financement pour la croissance de l’entreprise au moment d’émission du titre. La dilution pourrait être mieux maîtrisée suivant que l’émetteur choisit comme sous-jacent du titre convertible des actions nouvelles ou des actions existantes (auto-détenues) comme dans le cas d’une OCEANE. L’éventuelle dilution est également différée ; celle-ci pourrait ne survenir qu’à l’échéance du titre convertible si le porteur décide la conversion. De ce fait, la rentabilité des investissements et l’accroissement des bénéfices devraient compenser (au moins en partie) l’augmentation du nombre d’actions. « Ainsi, l’impact de l’augmentation de capital sur le bénéfice par action, et donc sur le cours de l’action en bourse, peut-il être faible, voire nul » (Naumer, Gasquet, & al., 2011, p. 5).

 

  • L’émission d’obligation convertible permet un financement associé à un remboursement différé, voire avec un actif non-numéraire lorsque le détenteur du titre exerce son droit de conversion. C’est particulièrement intéressant pour une entreprise qui souhaite financer une opération de croissance externe ou des lourds investissements qui demandent une période relativement longue avant de devenir rentable.

 

  • Il est aussi possible de « forcer » la conversion lorsque le contrat d’émission le prévoit. Cela pourrait préciser que le porteur du titre doit choisir entre remboursement en actions ou en numéraire à la satisfaction d’une certaine condition, même avant l’échéance : lorsque le cours du sous-jacent dépasse une certaine proportion du prix de conversion, par exemple. L’émetteur aura alors la possibilité de convertir sa dette (à travers l’obligation convertible) en actions pour renforcer par anticipation son capital.

 

  • De manière analogue au point précédent, il y a aussi le « droit de rappel », c’est-à-dire la possibilité pour l’emprunteur de racheter les titres convertibles en circulation (les conditions en sont fixées dans le contrat d’émission : niveau du cours, période concernée, etc.). « Le prix de rachat est alors supérieur au prix d’émission, afin de rendre à l’investisseur une part de la rémunération à laquelle il a renoncé en échange d’une perspective de plus-value sur les actions qu’il ne recevra pas» (Naumer, Gasquet, & al., 2011, p. 6). C’est un moyen permettant d’éviter une augmentation de capital, une alternative au forçage de la conversion (évoqué dans le point précédent).

 

Néanmoins, il faut aussi citer quelques contraintes et points sombres dans la mise en œuvre d’une émission d’obligation convertible :

 

  • Les contraintes de mises en œuvre ne sont pas les mêmes suivant que la société prévoyant l’émission soit cotée ou non. Par exemple, dans le cas d’une offre au public, la société émettrice cotée doit obtenir le visa de l’AMF. Mais, dans tous les cas, cette mise en œuvre relève de la décision de l’Assemblée générale des actionnaires. Cette dernière doit procéder au vote d’une résolution pour déléguer au conseil d’administration sa compétence d’émettre sans droit préférentiel de souscription de titres donnant accès au capital de l’entreprise. Le conseil d’administration décide ensuite des caractéristiques de ladite émission.

 

  • Le risque d’échec de la conversion est assumé par l’émetteur.

 

Les grandes obligations convertibles représentent au niveau mondial une valeur d’environ 300 milliards de dollars et concernent près de 800 émetteurs, en 2015-2016. La grande majorité d’entre elles sont émises à partir des Etats-Unis et d’Europe, et le solde vient essentiellement d’Asie, le Japon compris (cf. Figure 2 – Répartition des obligations convertibles par région d’émission). Les sociétés émettrices sont très diverses, allant des grandes sociétés de renommées internationales (Boeing, Intel, Vodafone, etc.) jusqu’aux sociétés de taille de croissance moyenne. Les sociétés qui ont recouru à l’émission d’obligations convertibles sont également diverses vis-à-vis de leurs niveaux de notation (cf. Figure 3 – Répartition des obligations convertibles par niveau de notation des sociétés émettrices).

 

Figure 3 – Répartition des obligations convertibles par région d’émission

 

Figure 4 – Répartition des obligations convertibles par niveau de notation des sociétés émettrices

 

Comprendre les enjeux de l’obligation convertible seulement pour l’émetteur ne suffit pas, car il importe de motiver les investisseurs à s’intéresser davantage sur les titres émis ainsi, sans quoi, l’opération d’émission ne peut qu’échouer. Il faut alors également appréhender les avantages et les inconvénients associés à ce genre d’instrument financier pour les investisseurs.

 

 

3.1.2. Pour l’investisseur

 

Plusieurs avantages s’offrent au souscripteur d’une obligation convertible :

 

  • D’abord, présentant les caractéristiques à la fois d’une obligation classique et d’une action, le titre convertible offre un rendement qui se rapproche de celui de l’action tout en octroyant moins de volatilité comparable à celle de l’obligation : « Cette classe d’actifs [l’obligation convertible] souvent négligée offre un potentiel comparable à celui des actions en ce qui concerne la performance, ainsi qu’une protection à la baisse à l’image des obligations» (Saber, van Ingen, & Nikolov, 2016, p. 1). Saber et al. (2016) soulignent même que les obligations convertibles auraient une meilleure performance par rapport aux obligations et aux actions sur le long terme, ce qui peut limiter les pertes si jamais il y a un repli des marchés (cf. Figure 2 – Comparaison des performances des obligations moins risquées, des titres de créance privés risqués, des obligations convertibles et des actions) :

 

  • Du fait que ces titres de créance convertibles intègrent une option de conversion en actions d’une part, et que la plupart d’entre eux rapportent à l’échéance la valeur nominale et les intérêts accumulés d’autre part, nul autre titre à revenu fixe ne peut rivaliser aux obligations convertibles quant au potentiel de gain.

 

  • En cas de baisse du marché (à cause d’une hausse des taux, par exemple), la valeur nominale de l’obligation (la partie obligataire) sert de niveau plancher pour le prix d’exercice de l’option de conversion : cela constitue alors une sorte de protection contre les perturbations sur le marché. De plus, en cas de faillite de l’entité émettrice, les créanciers de celle-ci (dont les détenteurs d’obligations convertibles) sont considérés comme prioritaires par rapport aux actionnaires ordinaires au niveau de la structure du capital.

 

  • La détention d’obligation convertible confère à l’investisseur un minimum de sécurité de paiement :

 

  • Avant tout, il bénéficie d’une rémunération régulière à travers le coupon, celle-ci est parfois comparable à celle d’autres produits sur une même période ;

 

  • Après tout, il recevra au minimum un remboursement de son capital à l’échéance, soit en numéraire, soit en actions. Il faut noter qu’en sus du paiement d’intérêts, l’investisseur peut éventuellement toucher une prime de non-conversion au moment du remboursement, à condition que le droit de conversion n’ait pas été exercé(Emé & Doly, 2011).

 

  • L’investisseur peut « espérer », même en théorie, un rendement relativement élevée car, à l’échéance, s’il y aura conversion, cela veut dire que le cours de l’action aura dépassé significativement le cours de conversion, ce qui constitue alors un potentiel de gains intéressant.

 

  • Il est attendu une amélioration de la compréhension des spécificités des titres convertibles dans les années à venir. Cela devrait être un résultat de l’application des directives de Solvabilité II et d’IORP II de l’Union Européenne auxquelles les fonds de pension et les assureurs européens doivent se conformer[4]. En fait, ces établissements sont quelque peu contraints d’évaluer presque en permanence la performance de leurs portefeuilles. Par ailleurs, l’incertitude augmente à cause de l’augmentation des taux américains associée à une relative faiblesse des rendements sur les marchés financiers. Tout ceci devrait rendre encore plus attrayantes les caractéristiques des obligations convertibles en termes de performance par rapport à d’autres produits financiers

 

  • D’un côté, les directives de Solvabilité 2 obligent les compagnies d’assurance à se concentrer sur la manière dont elles emploient leurs capitaux, ce qui devraient mettre un accent sur le potentiel d’amélioration du rendement des obligations convertibles en tenant compte des ajustements vis-à-vis des risques.

 

  • De son côté, la directive IORP exigera bientôt que les fonds de pension se soumettent à des principes d’adéquation des fonds propres similaires, et cela devrait souligner aussi les points forts des obligations convertibles. A partir du moment où cette directive entrera en vigueur effectivement, les fonds de pension seront contraints d’évaluer également l’emploi de leurs fonds propres, ce qui insistera davantage sur l’attrait des titres convertibles.

 

  • Aussi, c’est un moyen qui permet aux investisseurs de participer au potentiel de l’entreprise émettrice tout en s’exposant à un niveau de risque moindre. En effet, les émissions d’obligation convertible s’inscrivent d’habitude dans des objectifs en termes de croissance. La performance future des actions d’une société émettrice d’obligation convertible pourrait alors être estimée positivement. Si la croissance projetée ne se manifestera pas éventuellement pendant la durée de vie du titre convertible, l’investisseur peut toujours décider de ne pas réaliser son droit de conversion (préférant ainsi le remboursement plutôt que de devenir copropriétaire de l’entreprise en question).

 

  • Dans le même ordre d’idées, les investisseurs sont davantage attirés par les titres émis par des sociétés ayant un potentiel accru de croissance grâce à une utilisation plus efficace de leurs capitaux. « Le fait que les obligations convertibles ont dans le passé participé à la hausse des actions tout en bénéficiant d’une protection à la baisse propre aux obligations implique que les assureurs peuvent allouer un montant de fonds propres moins élevé pour un investissement en obligations convertibles que pour un portefeuille équilibré d’actions et d’obligations. Ceci permet aux compagnies d’assurances d’utiliser leurs fonds propres de façon plus efficace» (Saber, van Ingen, & Nikolov, 2016, pp. 3-4).

 

  • L’obligation convertible présente un potentiel de diversification du portefeuille intéressant pour l’investisseur. Ce potentiel résulte d’ailleurs de sa structure hybride. « Parce que l’option de conversion en actions implique que les obligations convertibles peuvent profiter du meilleur des deux mondes : elles participent à la hausse des actions, mais sont protégées à la baisse grâce à leurs caractéristiques obligataires» (Saber, van Ingen, & Nikolov, 2016, p. 2), ce qui accroit le potentiel de diversification de ces titres convertibles. En cas de survenance d’une turbulence sur les marchés financiers, la valeur obligataire se présente comme un seuil minimum (un plancher), limitant alors le risque boursier. Sur cette question de diversification du portefeuille :

 

  • En principe, le gestionnaire d’un portefeuille peut, grâce aux obligations convertibles, modifier plus aisément la répartition des titres composant ce portefeuille suivant la conjoncture des marchés et selon les objectifs d’investissement. Le gestionnaire peut alors prendre une position plus défensive en cas de nécessité de placements résistant aux risques en privilégiant les titres convertibles ; en revanche, il lui est facilement accessible des titres semblables aux actions en cas de situation opposée.

 

  • « La faible corrélation […] des obligations convertibles avec les autres catégories d’actif à revenu fixe offre aux investisseurs l’avantage d’une forte diversification, ce qui fait de cette catégorie d’actif un ajout idéal à un portefeuille d’obligations de base». Il faut savoir que l’intégration de titres convertibles dans un portefeuille d’obligations et d’actions peut potentiellement réduire le profil de risque de ce portefeuille.

 

  • Etant donné que les titres convertibles sont liés aux actions ordinaires sous-jacentes, ceux-ci se montrent généralement moins vulnérables à une hausse éventuelle des taux, par rapport aux obligations classiques. « Les actions ont souvent vu leur valeur croître en période de remontée des taux et les obligations convertibles ont eu tendance à suivre leur exemple» (Saber, van Ingen, & Nikolov, 2016, p. 3) : en effet, lorsque le cours des sous-jacents monte pour se rapprocher du prix de conversion, le titre convertible se comporte de moins en moins comme une obligation et s’apparente de plus en plus à une action. Il y a toutefois des obligations convertibles dont les caractéristiques se rapprochent beaucoup plus des titres à revenus fixes ce qui rend ces convertibles sensibles à une hausse des taux.

 

  • A l’inverse (du point précédent), lorsque le cours de l’action sous-jacente connait une baisse tendancielle, la valeur de l’obligation convertible épouse celle de sa partie obligataire : le titre convertible se comporte de moins en moins comme une action et s’apparente davantage à une obligation classique (cf. Figure 5 – A qualité de crédit équivalente, une obligation convertible amortit une baisse du marché des actions).

 

  • Avec une tendance à la réduction de la durée de vie des obligations, les échéances des titres obligataires sont généralement moins longues que celles des obligations conventionnelles : d’où une manière de motiver davantage les investisseurs quant à un plus faible risque relatif aux taux d’intérêt dans un portefeuille à revenu fixe, notamment face à une hausse des taux d’intérêt. En fait, entre les obligations classiques et les obligations convertibles, il y a une différence majeure en faveur de ces dernières en matière de robustesse face à des hausses des taux d’intérêt puisque les taux élevés traduisent d’habitude une relance économique pouvant même être un marché boursier haussier (cf. Figure 6 – Solide protection historique contre les hausses des taux d’intérêt).

 

  • Lorsque l’investisseur souhaite bénéficier du potentiel des actions tout en étant en aversion au risque, les titres convertibles se présentent comme un moyen permettant de dominer la courbe rendement/risque sans perdre la protection en cas d’un marché baissier. De plus, les obligations sont d’habitude plus rentables que les actions : la Figure 7 (La valeur de l’obligation par rapport à celle de l’action) montre que la courbe du titre convertible reste toujours au-dessus de la ligne de parité obligation-action, tout en restant également au-dessus du plancher obligataire. L’investisseur peut ainsi revenir graduellement comme il souhaite vers les actions sans s’exposer trop au risque. A ce sujet de rendement, le titre convertible offre un couple rentabilité-risque original pouvant être très attractif, notamment à travers les deux composantes de l’obligation convertible :

 

  • « La partie fixe assure à l’investisseur un taux de rendement actuariel brut d’environ les deux tiers de ce qu’il pourrait obtenir avec une obligation classique» ;

 

  • « la partie aléatoire est la plus-value éventuelle liée à la conversion du titre suivie de sa revente. Cette plus-value peut être très importante en théorie. Mais, dans la pratique, elle est le plus souvent plafonnée par une option de rachat anticipé qui vient limiter son taux à environ 20% à 30 %» (Banque de France, 2012, p. 1).

 

 

Figure 5 – Comparaison des performances des obligations moins risquées (IG Bonds), des titres de créance privés risqués (HY Bonds), des obligations convertibles et des actions (S&P 500)[5]

Source : Saber et al. (2016)

 

Figure 6 – A qualité de crédit équivalente, une obligation convertible amortit une baisse du marché des actions

Source : Allianz Global Investor (Naumer, Gasquet, & al., 2011)

 

Figure 7 – Solide protection historique contre les hausses des taux d’intérêt

Source : Bloomberg, JPMorgan, novembre 2014 (AGF, 2014)

 

Tableau 3 – Faible corrélation historique des obligations convertibles

Corrélation de 5 ans Obligations canadiennes Obligations mondiales Actions canadiennes Actions mondiales
Obligations convertibles – 0,35 – 0,16 0,77 0,95

Source : Morningstar Direct, au 30 novembre 2014 (AGF, 2014)

 

Figure 8 – La valeur de l’obligation par rapport à celle de l’action

Source : UBS, octobre 2008 (AGF, 2014)

 

 

Saber et al. (2016) concluent sur les atouts de l’obligation convertibles : « La hausse des taux américains et la modification des réglementations européennes augmentent l’importance de la diversification et d’une utilisation efficace des capitaux. Si l’on garde ceci à l’esprit, les obligations convertibles ont une place à part entière au sein des portefeuilles institutionnels. En combinant le potentiel de croissance des actions et les qualités de protection du capital des obligations, elles peuvent accroître le rendement ajusté pour le risque des portefeuilles. En outre, alors que l’on s’inquiète d’un éventuel retournement du cycle de crédit, il convient de souligner que les obligations convertibles présentent aussi un risque de crédit moins élevé que les actions et généralement similaire à celui des obligations d’entreprises non garanties. Le profil asymétrique d’une obligation convertible combine le meilleur du monde des actions et de celui des obligations, ce qui en fait un outil de diversification idéal à long terme avec des atouts spécifiques dans un contexte incertain » (p. 4).

 

En ce qui concerne les points faibles de l’obligation convertible :

 

  • L’investisseur ne peut espérer dans l’immédiat qu’un coupon faible par rapport à une celui d’une obligation privée classique ayant une durée de vie comparable. En principe, il n’est majoré par une quelconque plus-value qu’à condition que l’action dépasse le cours de conversion. Or, il n’est jamais assuré qu’une telle situation surviendra.

 

  • De même, le capital n’est pas non plus garanti pour l’investisseur. En effet, le risque de défaillance de liquidité sur le marché financier, de hausse des taux longs, de détérioration de la solvabilité de la société émettrice peut toujours faire baisser le cours du titre avant l’échéance. En cas de défaut à l’échéance, le capital pourrait ne pas être totalement remboursé.

 

  • En fait, l’exposition de l’obligation convertible peut varier selon le cours de l’action sous-jacente :

 

  • Lorsque les actions de l’entreprise émettrice se négocient en dessous de leur prix de conversion, les titres convertibles courent les mêmes risques que les obligations à revenu fixe traditionnelles, tels que la hausse des taux, l’inflation ou encore l’insolvabilité de l’entreprise en question.

 

  • Lorsque le cours des actions se trouve au-dessus du cours de conversion, on dit que l’obligation convertible est « sinistrée » car le rendement de cette dernière est en principe en dessous de celui d’un titre non-convertible de l’entreprise, ce qui soulève une certaine inquiétude sur la solvabilité de cette entreprise.

 

  • Lorsque le cours des actions est maintenu au-dessus du prix de conversion, celles-ci s’exposent à la volatilité du marché.

 

  • Lorsque le contrat d’émission comporte le droit de rappel, la société émettrice du titre convertible risque de racheter celui-ci avant la date d’échéance. Il en est de même concernant la conversion forcée. Ce risque est particulièrement élevé lorsque le cours du sous-jacent dépasse significativement sur une période relativement longue le prix de conversion.

 

 

3.2. Obligation convertible : Un moyen d’investissement

 

Rechercher des sources de financement constitue presque toujours un enjeu majeur pour une entreprise. Le marché boursier offre une perspective intéressante dans ce sens du fait que cela permet d’obtenir des fonds de manière relativement désintermédiée (du moins, en théorie). En d’autres termes, les coûts du financement sur le marché boursier devraient être avantageux pour l’emprunteur que dans d’autres marchés. Néanmoins, du côté de l’investisseur, il faut considérer les risques inhérents aux différents produits permettant ce financement, surtout pour les valeurs mobilières de type « action » qui sont censées être rémunératrices. Par contre, les instruments financiers moins risqués que sont certaines obligations sont de faible rendement. La véritable question pour l’entreprise est alors : quels produits utiliser pour optimiser le financement de ses activités ? Comme démontré dans la section précédente (cf. 3.1 – Enjeux pour les contreparties), le titre convertible est un candidat intéressant pour l’entreprise.

 

Désormais, l’obligation convertible est réputée conférer des avantages à la fois de l’obligation classique et de l’action, soit « le meilleur des deux mondes » (Naumer, Gasquet, & al., 2011, p. 5). En effet, lorsque le marché des actions est haussier, impliquant parfois une baisse de celui des obligations classiques, le titre convertible tend à évoluer comme une action. En revanche, en cas de baisse du marché des actions, c’est-à-dire que les obligations sont beaucoup plus recherchées, le titre convertible se comporte surtout comme une obligation classique (cf. Figure 8 – Performances des obligations convertibles, des actions et des obligations d’Etat en Europe de 1997 à 2011). Sur ce point, l’entreprise émettrice ne devrait donc pas avoir trop de difficulté pour trouver d’acheteurs pour ses obligations convertibles. Celle-ci a toutefois intérêt à privilégier les indicateurs suivants pour pouvoir utiliser l’obligation convertible comme moyen de financement des activités, surtout lorsqu’il s’agit d’obtenir des fonds d’investissement, d’autant plus que les investisseurs font de même :

 

  • Pour la partie obligataire du titre convertible :

 

  • Le taux des emprunts d’Etat ayant une durée de vie comparable au titre considéré : En fait, la hausse des taux longs entraine la dépréciation de l’obligation, tandis que leur baisse est censée leur valoriser ;

 

  • La solvabilité de l’entreprise émettrice elle-même : la détérioration de cette solvabilité a un effet négatif sur l’obligation. Cette détérioration est éventuellement sanctionnée par une baisse de la notation de l’entreprise en question. A l’inverse, l’amélioration de cette solvabilité valorise le titre convertible.

 

  • Pour la partie optionnelle de l’obligation convertible :

 

  • Le temps, c’est-à-dire la maturité du titre : en s’approchant de l’échéance, l’option de conversion perd progressivement de valeur ;

 

  • La volatilité de l’action sous-jacente : la valeur de l’option est proportionnelle à la volatilité de l’action. En fait, l’investisseur évalue (outre la qualité du risque de solvabilité de l’émetteur) la sensibilité du titre convertible (dite « delta » du titre) : c’est l’influence de la volatilité sur le cours de l’action. En effet, un delta en dessous de 20% est associé à une obligation convertible peu sensible, ce qui implique que le risque inhérent à celle-ci est comparable à celui d’une obligation classique. En revanche, une sensibilité au-dessus de 80% est considérée implique que le risque inhérent au titre convertible est comparable à celui d’une action : il en est ainsi quand le cours de l’action est supérieur au prix de conversion. Lorsque la sensibilité de l’obligation convertible se trouve entre 20% et 80%, on parle de titre convertible « mixte ».

 

  • Le cours de l’action de l’entreprise émettrice : plus celui-ci dépasse le prix d’exercice, plus l’option acquiert aussi de la valeur.

 

Source: Thomas Reuters Datastream (Naumer, Gasquet, & al., 2011)

Figure 9 – Performances des obligations convertibles, des actions (MSCI) et des obligations convertibles d’Etat (BOFA) en Europe de 1997 à 2011

 

Il y a lieu d’insister sur le dernier indicateur, c’est-à-dire le cours du sous-jacent. En considérant un marché parfait, le cours de l’obligation convertible est théoriquement égal à la somme de la valeur de la partie obligataire et de celle de la partie optionnelle, cette dernière étant appréciée comme une « prime » (cf. Figure 9 – Valeur de l’obligation convertible comme somme des deux parties obligataire et optionnelle).

 

  • Lorsque le cours de l’action monte, la valeur du titre convertible monte aussi, et la performance de ce dernier se rapproche de celle de l’action quand ce cours (du sous-jacent) monte encore.

 

  • A l’inverse, lorsque le cours de l’action baisse, celui du titre convertible baisse aussi, mais d’une ampleur moindre. Cela est dû au fait que le paiement régulier d’intérêt et le remboursement du capital prévu à l’échéance soutiennent le cours du titre convertible.

 

Figure 10 – Valeur de l’obligation convertible comme somme des deux parties obligataire et optionnelle (prime)

 

Il faut également souligner en toute logique que ces différents indicateurs sont en interaction. Par exemple, quand la détérioration de ses fondamentaux porte atteinte à la solvabilité de l’entreprise émettrice, c’est à partir de ce moment que le cours du titre convertible se corrèle avec une éventuelle baisse du cours de l’action sous-jacente (cf. Figure 9 – Valeur de l’obligation convertible comme somme des deux parties obligataire et optionnelle). Le titre est alors devenu une obligation à haut rendement (HY obligation, c’est-à-dire un titre de créance risqué).

 

En outre, Karim Ben Khediri (2010) avancent que « l’utilisation d’obligations convertibles constitue un substitut à la couverture » (p. 122). En fait, la question de la gestion de risque reste un sujet sensible lorsqu’il s’agit de mettre en jeu les intérêts des créanciers et des actionnaires de l’entreprise. Ces deux auteurs décrivent ainsi la haute importance de la couverture des risques que l’entreprise devrait déployer : « les entreprises non-financières sont exposées aux différents risques financiers, résultant de l’incertitude quant à l’évolution future des taux d’intérêt, des taux de change, des prix des matières premières et des actifs financiers. Cette incertitude affecte leurs valeurs voire même menace leur pérennité. Elles sont donc amenées à utiliser de plus en plus de produits dérivés afin de couvrir ces risques ». (Karim Ben Khediri, 2010, p. 121).

 

Pour mieux comprendre le choix de l’obligation convertible comme « substitut à la couverture » au regard des intérêts des créanciers et des actionnaires de l’entreprise, il convient de recourir à la théorie d’agence (Jensen & Meckling, 1976). Appliqué au cas qui intéresse la présente étude, les actionnaires joue le rôle du « principal » et le gestionnaire celui de « l’agent », deux acteurs soumis à une sorte d’opposition. En effet, le principal veut maximiser son profit tandis que l’agent exploite les moyens de production (détenus par le principal) pour arriver à cette maximisation du profit ; or, pour ce faire, l’agent est amené à entamer une partie du capital du principal et ce dernier va tenter de pousser le gestionnaire à effectuer son action tout en dévoilant la totalité des informations concernant cette action. Pour sa part, pour en tirer bénéfice, l’agent a intérêt à garder pour lui le pouvoir décisionnel. Un des problèmes surgissant de ces conflits d’intérêt entre les deux parties est le problème de sous-investissement : le gestionnaire veut investir davantage, ce qui implique, soit à partir des fonds propres, ce qui est quelque peu à l’encontre du bénéfice immédiat des actionnaires, soit via l’endettement ce qui engendre des risques.

 

L’obligation convertible est avancée alors comme solution pour « contrôler » la relation négative entre les actionnaires et les créanciers dès lors que l’endettement est inévitable. Karim Ben Khediri (2010) confirment que « les obligations convertibles reflètent un endettement additionnel qui contraint l’entreprise aux financements externes, et prévoient donc une relation positive » (p. 122).

 

 

3.3. Le marché des obligations convertibles

 

Recourir au marché bancaire pour financer ses activités d’exploitation et d’investissement apparait coûteux pour l’entreprise. Cela est nécessairement dû à une série d’exigences qu’imposent les prêteurs afin de garantir le remboursement de leurs avoirs. Il ne faut pas non plus oublier les frais que prélèvent les banques en sus des intérêts. Dans ce sens, le marché des capitaux présentent un certain attrait pour l’entreprise voulant trouver une source de financement, et comme évoqué précédemment, l’obligation convertible permet une optimisation de ce financement.

 

La catégorie d’actifs dans laquelle se trouvent les obligations convertibles est réputée de solides rendements historiques, cela indique d’ailleurs le potentiel de gains des actions au cours des années. Même si cette catégorie d’actifs a l’habitude de sous-classer les titres de créances traditionnels en période de marchés baissiers, son ralentissement est souvent moins accentué que celui des actions. Ainsi, les titres convertibles ont même dépassé les actions au cours des années 2008 et 2011, et ont donné de rendements solides par la suite (cf. Tableau 4 – Rendements par année et annualisés des titres). De plus, par rapport aux actions et aux obligations classiques, les titres convertibles ont offert des rendements ajustés solides selon le risque.

 

Tableau 4 – Rendements par année et annualisés des titres

Rendements par année civile (%, $US) 2014 CDA 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005
Obligations convertibles 4,8 16,9 12,6 –5,7 12,3 36,8 –27,8 9,8 16,0 0,2
Obligations mondiales 1,3 –2,6 4,3 5,6 5,5 6,9 4,8 9,5 6,6 –4,5
Actions mondiales 6,7 23,4 16,8 –6,9 13,2 35,4 –41,8 12,2 21,5 11,4

 

Rendements annualisés (%, $US) 1 an 3 ans 5 ans 10 ans 15 ans
Obligations convertibles 6,3 11,1 8,2 6,5 5,3
Obligations mondiales 0,7 1,2 2,0 3,8 5,2
Actions mondiales 8,6 15,4 10,6 7,3 4,5

Source : Barclays Capital, au 30 novembre 2014 (AGF, 2014)

 

Au niveau mondial, la catégorie des titres convertibles est vaste et réputée bien établie, émise par des sociétés de toute sorte et tout secteur. Cela permet une faible corrélation des obligations convertibles avec d’autres titres à revenu fixe. La diversification par région demeure également, même si 60% du marché mondial des titres convertibles proviennent des Etats-Unis : « il reste amplement d’espace pour une diversification géographique adéquate », c’est-à-dire 30% pour la région de l’Europe, Moyen-Orient et Afrique, le reste est attribué à la région d’Asie (y compris le Japon, Singapour, Hong-Kong et Taiwan). Il en est de même pour la diversification par secteur : même si la moitié du marché des obligations convertibles est attribuée aux secteurs de la finance et des technologies de l’information, de grandes opportunités existent aussi dans les autres secteurs. Tout cela donne des idées sur les opportunités qu’offrent en termes de financement les obligations convertibles, quels que soient les régions d’implantation de l’entreprise ou de son secteur d’activité.

 

Figure 11 – Diversification de l’émission des obligations convertibles par région

Source : Barclays Capital, 30 novembre 2014 (AGF, 2014)

 

Figure 12 – Diversification de l’émission des obligations convertibles par secteur

Source : Barclays Capital, 30 novembre 2014 (AGF, 2014)

 

Au regard du comportement du marché des obligations convertibles (suivant l’évaluation des risques et de la sensibilité de celles-ci par les investisseurs), celles-ci peuvent connaitre quatre configurations (Naumer, Gasquet, & al., 2011) :

 

  • Des marchés des actions haussiers et une baisse des taux : c’est le plus favorable des cas pour les investisseurs car les titres en question se valorisent, mais l’option de conversion s’apprécie aussi avec la hausse du cours des actions. Ce qui signifie que le cours des titres convertibles monte, une configuration associée à la tendance observée aux Etats-Unis et en Europe entre 1980 et 2000 (cf. Figure 12 – Cours des obligations convertibles et des actions (MSCI) européennes de 1991 à 2011).

 

  • Hausse conjuguée des marchés des actions et des taux, une situation surtout observée pendant la reprise d’un cycle économique et d’un cycle boursier. La partie obligataire perd sa valeur avec la hausse des taux, mais l’option de conversion se valorise davantage avec l’appréciation du cours des actions. Les titres convertibles se comportent alors de plus en plus comme une action.

 

  • Baisse conjuguée des marchés des actions et des taux, une situation fréquente lors d’un retournement d’un cycle économique et d’un cycle boursier. Sauf détérioration de la solvabilité de l’entreprise émettrice, la baisse des taux valorise la partie obligataire, mais l’option va dans le sens contraire. Les titres convertibles connaissent alors une faible baisse, et se comportent comme une « obligation corporate ». Ce cas de figure a été observé pendant les deux crises financières de 2001 et de 2008.

 

  • Baisse des marchés des actions accompagnée d’une hausse des taux, la plus défavorable des configurations pour l’investisseur : « seule la trésorerie présente alors un intérêt» (Naumer, Gasquet, & al., 2011, p. 9) puisque les deux composantes (obligataire et optionnelle) se dévalorisent, d’où la baisse du cours des titres convertibles. Cette scénario a été observé mais de manière non durable depuis les années 1990.

 

Figure 13 – Cours des obligations convertibles et des actions (MSCI) européennes de 1991 à 2011

Source : Thomas Reuters Datastream (Naumer, Gasquet, & al., 2011)

 

Ces quatre configurations peuvent aussi associées à quatre catégories de titres convertibles (cette fois-ci, au regard de l’entreprise émettrice singulièrement et non l’ensemble du marché de ces titres) :

 

  • Les « créances sinistrées » (distressed) lorsque ces titres se détériorent suite à de forte inquiétude sur la viabilité de l’entreprise émettrice : les titres se négocient comme des actions puisque les investisseurs projettent la possibilité de défaillance de l’entreprise.

 

  • Les obligations dites « hors-jeu » (Bondcredit/rate sensitive) où les titres convertibles s’apparentent à des titres de créance purs. Les rendements supérieurs de ceux-ci devraient attirer les investisseurs. Le delta de ces titres est relativement faible, généralement entre 0.1 et 0.4.

 

  • Les obligations dites « équilibrés » ou encore « en jeu » (Balanced) avec des rendements et des primes modestes. Le delta de ces titres est d’ailleurs entre 0.4 et 0.8.

 

  • Les obligations dites « actions » ou encore « dans le cours » (Equity-sensitive) qui se comportent comme des actions pures. Les rendements et les primes de conversion sont moins élevés pour ces titres, avec un delta supérieur à 0.8.

 

Figure 14 – Les catégories de titres convertibles

Source : AGF (2014)

 

La Figure 14 montre que ce sont les catégories « actions » et « équilibrés » qui ont surtout dominé le marché des obligations convertibles depuis le début du XXIème siècle. Cela suppose que les obligations convertibles se rapprochent beaucoup plus du comportement des actions (que des obligations classiques), avec un delta sensiblement non faible.

 

Figure 15 – Fluctuation des pondérations des catégories de titres convertibles de 2003 à 2014 (sur le marché des obligations convertibles)

Source : AGF (2014)

 

Naumer, Gasquet, et al. (2011) distinguent à travers ces comportements du marché des obligations convertibles quelques éléments confirmant l’attrait que devraient présenter les investisseurs vis-à-vis de ces titres, des indices qui peuvent encourager les entreprises à recourir davantage à ce moyen de financement (Naumer, Gasquet, & al., 2011) :

 

  • Ces titres ont une performance toujours au moins égale à celle des actions ;

 

  • La volatilité de ces titres convertibles est relativement stable et ne semble pas dépendre de celle des actions, ni de celle des obligations classiques ;

 

  • La volatilité des titres convertibles est nettement moins élevée que celle des marchés des actions ;

 

  • Le cours des obligations convertibles est très corrélé avec celui des actions (77% à 79.9%), la corrélation avec les obligations classiques étant variable suivant la période : faible durant les années 1990 et négative pendant la première décennie du XXIème siècle.

 

 

En conclusion, même s’il n’est pas sûr que l’obligation convertible retrouve dans le futur sa performance observée depuis le début des années 90, une période faste à cause d’une forte progression des marchés des actions et des obligations. Mais, en comparaison à ces deux catégories d’actifs (action et obligation), les titres convertibles devraient toujours présenter un ratio risque/performance attrayant pour les investisseurs dans les années à venir. Cela devrait alors encourager les entreprises plus enclines à des moyens de financement moins risqués à émettre ce genre de titres, plutôt que de recourir à d’autres instruments financiers comparables.

 

 

Conclusion

 

 

La principale caractéristique de l’obligation convertible réside dans les composantes de celle-ci la conférant un caractère hybride. En effet, elle se trouve au croisement des deux valeurs mobilières que sont l’obligation et l’action. Désormais, le titre convertible peut être décomposé analytiquement en partie obligataire et en partie optionnelle, puisqu’il s’agit d’une obligation (classique) assortie d’une option de conversion en action. En fait, il est possible, surtout dans le cadre de la valorisation (pricing) de l’obligation convertible, d’associer cette option à une option d’achat (call) puisqu’elle permet au souscripteur « d’acheter » en quelque sorte une ou des actions de l’entreprise émettrice. Plus simplement, le porteur d’un titre convertible devrait être « motivé » à exercer son droit de conversion lorsque le cours de l’action sous-jacente est supérieur ou égal au prix d’exercice. L’entreprise émettrice a alors intérêt à optimiser la fixation de la parité de conversion, d’une part pour ne pas décourager les acheteurs potentiels du titre convertible avec un prix d’exercice trop élevé, mais aussi, d’autre part, pour ne pas vendre « à bon marché » les actions de la société avec un prix d’exercice faible.

 

L’obligation convertible offre à l’entreprise, entre autres avantages, une opportunité de financer ses activités de manière optimale, du fait du coût moindre que cela occasionne. De plus, c’est un moyen permettant la maitrise de la dilution suite à la conversion des titres en actions. Entretemps, il faut aussi considérer les avantages que peuvent tirer les investisseurs en achetant ce titre puisque, autrement, l’émission ne serait jamais un succès. En fait, comme les obligations convertibles présentent bien des caractéristiques associées aux actions et aux obligations, ces titres convertibles héritent aussi, souvent par circonstance, des points forts mais aussi des points faibles de ces principales valeurs mobilières. Pour les investisseurs, le titre convertible présente en quelque sorte les meilleurs des deux mondes (ceux de l’obligation et de l’action) : en effet, il assure à son porteur une certaine sécurité de paiement (le coupon et le remboursement à l’échéance) avec une opportunité de faire plus de gain en exerçant le droit de conversion lorsque le cours du sous-jacent dépasse le prix d’exercice.

 

Ainsi, outre l’importance de fixer un prix de conversion optimal, l’entreprise émettrice devrait aussi se concentrer sur un certain nombre d’indicateurs pour apprécier le comportement des investisseurs ; ce comportement conditionne les résultats de l’opération d’émission puisque l’exercice ou non de l’option de conversion aura toujours des impacts importants sur la structure du capital de l’entreprise (en termes de remboursement des dettes si la conversion n’est pas décidée, ou en matière d’augmentation du capital si l’option est réalisée). En priorité, il faudrait privilégier des indicateurs tels que le taux des emprunts d’Etat (moins risqué), la solvabilité de l’entreprise elle-même, l’approche de la maturité du titre convertible, le cours et la volatilité de l’action sous-jacente. Par ailleurs, en plus d’être un moyen de financement, les obligations convertibles sont aussi proposées comme des « substituts à la couverture » contre des risques financiers.

 

Enfin, l’attention de l’entreprise émettrice devrait aussi porter sur les marchés, non seulement des obligations convertibles, mais également sur ceux des actions et des obligations classiques. Désormais, il est constaté une relative performance meilleure des titres convertibles dans les trois dernières décennies, une performance en quelque sorte soutenue par la hausse sur le long terme des marchés des obligations et des actions. Même si la pérennité de cette performance n’est pas assurée pour les années à venir, les obligations convertibles ont au moins une bonne perspective au regard de ses atouts de se comporter comme des obligations classiques en période de repli du marché des actions et, au contraire, se comporter comme des actions lorsque les titres de créance sont moins désirés.

 

 

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[1] Le rendement de l’action/obligation se calcule comme suit :

[2] Les obligations convertibles peuvent être assorties d’une notation (ou rating) qui donne une mesure de la solvabilité de la société émettrice à la date d’émission. Cette notation est généralement établie par les agences de notations (dont les célèbres Standard & Poor’s et Moody’s.

[3] La « dilution » correspond, lors d’une augmentation de capital opérée par une entreprise, à une réduction de la part d’actions possédées par un actionnaire lorsque celui-ci ne suit pas cette augmentation.

[4] Les directives de Solvabilité 2 (ou Solvency 2), qui sont en vigueur à partir de 2016, visent à réglementer l’utilisation des fonds propres des sociétés d’assurances.

[5] IG Bonds sont des titres de créance gouvernementaux ou bien émis par des sociétés recevant une bonne notation (supérieure à BBB), donc moins risqués, moins rémunérés mais plus prisés par les investisseurs. Par contre HY Bonds sont des obligations à haut rendement, émises essentiellement par des entreprises qui présentent un niveau d’endettement élevé (ayant généralement une notation relativement faible – inférieure à BBB), d’où la rémunération élevée de ces titres. S&P 500 est un indice boursier (géré par Standard and Poor’s) se basant sur 500 grandes sociétés cotées sur les places financières américaines.

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