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Comment s’inspirer des modèles étrangers pour améliorer les processus et lois de sauvegarde en France ?

INTRODUCTION

 

Dans un contexte de crise financière au niveau mondial, aucune entreprise ne se trouve à l’abri d’éventuelles difficultés de gestion, notamment de paiement. C’est pourquoi, les législations des différents pays ont adopté des mesures permettant aux entreprises de se relever et de sauvegarder leur patrimoine. Ces législations ont connu des évolutions avec le temps, sans pour autant atténuer la situation accablante qui fait qu’aujourd’hui encore, beaucoup trop d’entreprises souffrent de défaillances financières. Des défaillances financières qui tendent à culpabiliser d’une manière ou d’une autre, les dirigeants d’entreprises sachant que la faillite pourrait entraîner une responsabilité pénale.

Afin de mieux cerner le problème, il s’agit de prendre le cas de la France. Cette dernière a adopté le 26 juillet 2005, la loi de sauvegarde des  entreprises, qui est entrée en vigueur  le  1er janvier  2006. Et depuis, la loi sur les entreprises en difficultés ne cesse d’évoluer. C’est une loi qui  a  pour but de  favoriser la  réorganisation d’une entreprise  en  difficultés, tout  en lui permettant de poursuivre  son  activité  économique, de maintenir l’emploi, ainsi que d’apurer son passif. De par l’application de cette loi, on constate encore que dans ce pays, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 3,4%[1] par rapport à l’année précédente, ce qui fait que 16 446 entreprises sont en cessation de paiement, comme en 2009 et en conséquence, 62 800 emplois sont directement menacés.

Affirmant que les résultats semblent médiocres en ce qui concerne l’application des procédures et des lois de sauvegarde pour les PME en France, le sujet de notre recherche porte justement sur « l’amélioration des procédures de sauvegarde des entreprises en difficultés ». Toujours est-il qu’une entreprise est une « unité économique dotée d’une autonomie juridique qui combine des facteurs de production (capital et travail) pour produire des biens ou des services destinés à être vendus sur un marché » (Beitone  et  ali,  2001). A l’égard des économistes, elle reflète donc l’unité fondamentale de l’économie de marché et du capitalisme. En plus de ce qualificatif, il convient d’énoncer que l’entreprise est  une  réalité à la fois économique et sociale et une entité dotée d’une personnalité juridique. Au cours de son existence, elle doit en permanence faire face à un environnement qui ne lui est pas toujours favorable. Ainsi, il arrive que cette dernière rencontre des difficultés qui ne lui permettent pas d’exercer correctement ses activités. Ces difficultés peuvent être à caractères environnemental, social, économique ou juridique. En effet, selon l’article L. 611-2 du  Code de Commerce, une entreprise est considérée comme étant en difficultés dans la mesure où elle « connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation». Par ailleurs, selon le Dictionnaire Encyclopédie Larousse, une amélioration désigne un état de progrès. En d’autres termes, l’amélioration est un processus qui conduit à un changement positif sur une chose ou une personne. Une procédure, par contre, est la manière spécifiée d’effectuer un processus ou une partie d’un processus, de manière à répondre au comment et au pourquoi d’une situation. En ce sens, elle désigne l’ensemble de règles prévues par la loi, par le règlement ou par les normes que doivent respecter les personnes privées et les personnes publiques pour le bon déroulement d’une activité.  Ainsi, une procédure peut être juridique ou administrative. Pour notre part, c’est le premier cas qui nous intéressera. En ce qui concerne la sauvegarde, il s’agit de la conservation, du maintien d’une chose contre toute atteinte. Ici, la sauvegarde implique la protection de l’entreprise contre les possibilités de défaillances financières.

L’intérêt de notre étude porte alors sur la recherche des pistes d’amélioration qui pourraient servir aux entreprises en difficultés, avant même qu’elles soient en état de cessation de paiement. Et ce dans l’objectif de faire subsister l’emploi, l’économie, et d’atteindre au moins les performances de notre voisin européen qui est l’Allemagne. D’ailleurs le commun du mortel a déjà entendu la citation qui dit que le plus tôt sera le mieux. Ainsi, il serait judicieux d’étudier les différentes mesures que l’Etat doit prendre à ce propos, plus précisément sur ceux qui ont traits aux droits des entreprises en difficultés, d’autant plus que certains pays occidentaux comme orientaux possèdent des lois de ce type qui se montrent beaucoup plus efficaces.

Cette situation mène en fait à se poser les questions suivantes : Quelles sortes de difficultés les entreprises françaises rencontrent-elles ? Ces entreprises disposent-elles de moyens de sauvetage pour pallier à ces difficultés ? Qu’en est-il des Réformes promulguées récemment en ce qui concerne la sauvegarde de ces entreprises ? Sont-elles efficaces ? Comment détecter et améliorer les failles du cadre juridique qui régit ces entreprises en difficultés ? Sur qui prendre exemple ? Ces questions se résument effectivement en une problématique fondamentale : « Comment s’inspirer des modèles étrangers pour améliorer les processus et lois de sauvegarde en France ? »

Afin d’avoir une réponse concrète à cette imminente problématique, il apparaît logique de mentionner la méthodologie appliquée pour mener à bien nos travaux de recherches. En effet, il y a lieu de procéder principalement à des analyses comparatives basées sur les lois et les pratiques de différents pays afin d’en tirer des conclusions, tout en s’appuyant sur l’exploitation des cas d’entreprises défaillantes interprétés par les tribunaux et les mandataires de ces différents pays. Ainsi, il s’agira surtout d’effectuer des analyses juridiques qui découlent du droit comparé.

En supposant que les modèles étrangers permettent d’avoir des inspirations quant à l’amélioration des processus et des lois de sauvegarde des entreprises en difficultés, cette méthodologie a permis d’étaler une explication harmonieuse du sujet, de telle sorte que l’ouvrage puisse se diviser en trois parties bien distinctes.

Dans un premier temps, il s’agit de présenter le contexte général du sujet, de façon à expliquer clairement les tenants et les aboutissants des défaillances des entreprises et sans oublier de mettre en lumière les chiffres clefs qui illustrent la situation qui prévalant dans le pays.

Dans un second temps, il s’avère aussi bien intéressant qu’utile de mettre en exergue les comparaisons entre la législation de la France et des autres pays en matière de sauvegarde des entreprises en difficultés. En effet, les pays sont choisis en fonction du fait qu’ils soient intégrés à l’Union Européenne ou non.

Dans un troisième temps, il serait effectivement judicieux de faire le bilan des analyses comparatives effectuées dans la seconde partie, afin de suggérer des recommandations à l’amélioration des processus et des lois de sauvegarde des entreprises en difficultés, aussi bien en amont qu’en aval, tout en tenant compte  des avis des juristes et des acteurs des tribunaux de commerces en la matière.

 

PARTIE I : PRESENTATION DU CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE :

 

Une concurrence internationale effrénée, une clientèle exigeante, des technologies évolutives : tels sont les aspects de l’environnement économique auxquels l’entreprise d’aujourd’hui est confrontée. En ce sens, pour rester pérenne, elle est dans l’obligation de s’adapter à cet environnement turbulent. Mais lorsque cette dernière ne parvient pas à sortir la tête de l’eau, il arrive qu’elle rencontre des difficultés qui peuvent mener jusqu’à sa liquidation.

Cette première partie présentera donc d’une part les généralités sur les défaillances d’entreprise et de l’autre les chiffres clefs concernant la défaillance des entreprises en France.

 

CHAPITRE 1 : GENERALITES SUR LES DEFAILLANCES DES ENTREPRISES

 

La faiblesse de l’entreprise au niveau conjoncturel comme au niveau structurel entraîne la fragilité de sa structure économique, de telle sorte qu’elle soit à un moment ou à un autre en difficultés. Mais comment définir une entreprise en difficultés ? Qu’est-ce qui caractérisent ces difficultés ? Existe-t-il des niveaux de difficultés ? Comment et pourquoi prévenir ces difficultés ?

 

Section 1 : Définition et caractéristiques des entreprises en difficultés

 

Il existe une multitude de définitions quant à la notion d’entreprise en difficultés. Toutefois, celles qui nous intéressent ici sont relatives aux difficultés financières et son escorte de conséquences. Pour ainsi dire, Carole Gresse[2] affirme que: « … la notion d’entreprise en difficultés est assez large…. et comporte trois niveaux : la défaillance économique, la défaillance financière et la défaillance juridique…. ».

En effet, une entreprise en difficultés est en général caractérisée par les faits suivants :

  • faible rentabilité
  • volume d’activité réduite
  • climat social détérioré

Par ailleurs, les problèmes financiers de l’entreprise fait que cette dernière doit adopter un plan de redressement pour ne pas être en situation de cessation de paiement. Une cessation de paiement désignant la situation selon laquelle l’actif disponible se révèle inférieur au passif exigible. Dans ce dernier cas, l’entreprise est en défaillance et non plus en difficultés. Mais dans l’un ou l’autre cas, la situation débouche sur une crise financière.

En effet, on peut établir le schéma suivant quant au processus qui implique les difficultés de l’entreprise :

 

Schéma 1: L’évolution des difficultés de l’entreprise

Source: Adaptation personnelle

 

De façon synthétique, on peut noter que l’entité est en situation de crise financière à partir du moment où elle estime qu’elle ne pourra plus disposer de la trésorerie nécessaire, étant donné les difficultés auxquelles elle est confrontée. Une crise financière peut découler de nombreux facteurs qui ne sont pas toujours contrôlables ni identifiables.

Ainsi, elle ne pourra plus assurer de façon continue son exploitation, ni assurer le paiement des rémunérations, des achats, des locations, des emprunts en temps et en heure. Bref, l’entreprise aura du mal à s’investir et développer ses activités.

 

Face à l’ampleur des difficultés que peut subir l’entreprise, l’on vient à se demander quelles pourront-être les différentes sortes de difficultés qui hantent son fonctionnement et son exploitation. Tel est l’intérêt de la section suivante.

 

Section 2 : Les différentes sortes de difficultés

 

Il existe en général dix  principales  difficultés  liées à la conjoncture que la société doit surmonter :

  • les difficultés d’exploitation comme la perte d’une clientèle stratégique ou la perte de positionnement sur le marché ;
  • les difficultés financières liées aux manques de financements bancaires ;
  • les retards de paiement des fournisseurs ;
  • les problèmes de crédibilité quant à l’inscription des privilèges ;
  • les difficultés de recours à de nouveaux emprunts en vue de rééquilibrer la situation financière de l’entité ou de réaliser des investissements prioritaires ;
  • les conflits entre salariés d’une même entité ;
  • les difficultés engendrées par les employés quant au non respect des valeurs fondamentales de l’entité ou en raison de leur manque d’implication ;
  • les situations litigieuses avec les clients ou les fournisseurs ;
  • les redressements coûteux entrainés par les contrôles fiscaux ou sociaux ;
  • l’ouverture d’une procédure collective à la demande d’un créancier qui dispose la plupart du temps d’un privilège.

Force est de constater que dans la majorité des cas, l’entreprise a affaire des difficultés économiques et financières qui peuvent découler des réactions tardives et lentes des dirigeants, de l’incapacité à contrôler l’environnement, ainsi que du défaut de mise en place de stratégies adéquates.

Par rapport à ces difficultés économiques et financières, on peut classer les entreprises selon leur niveau de difficultés. Ainsi, il peut exister trois catégories d’entreprises en difficultés : les entreprises non rentables, les entreprises saines mais vulnérables et enfin les entreprises présentant des déséquilibres. Par ordre croissant de difficultés, on peut donc établir le schéma ci-contre :

 

Schéma  2: Les catégories d’entreprises selon leurs difficultés

Source: Jean-François DAIGNE, 1993

 

Les entreprises non rentables sont celles qui sont effectivement en état de cessation de paiement. En ce sens, elles sont insolvables et il leur est impossible de continuer l’exploitation d’autant plus qu’elles ne sont plus à même d’honorer leurs engagements ni de rétablir l’équilibre financier à leurs niveaux.

Les entreprises saines mais vulnérables sont celles qui, en raison de leur croissance exponentielle, risquent d’être en état de cessation de paiement du fait qu’elles soient sous-capitalisées. Il s’agit en général de Petites et Moyennes Entreprises (PME) nouvellement créées[3] et qui n’ont donc pas encore assez d’expériences ou d’entreprises dont les technologies et les machines industrielles sont en désuétude. En outre, il peut également s’agir de celles qui notent une faible diversification des activités et des produits et un manque d’ouverture à l’internationale.

Enfin, il existe des entreprises présentant des déséquilibres, que ce soit au niveau des données industrielles, sociales ou financières. Le déséquilibre au niveau industriel tel que l’inadéquation des technologies utilisées induit effectivement une baisse de la productivité. Le déséquilibre au niveau social a trait aux problèmes comportementaux des salariés qui engendrent des licenciements ou alors des démissions. Le déséquilibre financier est par contre lié au manque de trésorerie. Dans tous les cas, les déséquilibres nécessitent des plans de redressement. En effet, les problèmes financiers de l’entreprise peuvent mener jusqu’au redressement judiciaire[4].

 

Force est de constater que nombreuses et diversifiées sont les difficultés que peut rencontrer une entreprise au cours de son existence. Ainsi, pour éviter d’avoir à déposer son bilan, elle doit se montrer vigilante quant au moindre signal d’alerte. Il s’agit alors de voir dans la section suivante les signaux d’alerte qui servent à prévenir les difficultés des entreprises.

 

Section 3 : Les signaux d’alerte

 

Les signaux d’alerte, qu’ils soient internes ou externes, financiers ou non financiers ne doivent en aucun cas être négligés par l’entité qui désire se protéger des risques de défaillances. Il s’agit, en effet, d’énoncer dans un premier temps les signaux économiques et financiers et dans un second temps les signaux sociaux.

 

  1. Les signaux économiques et financiers :

Les signaux économiques et financiers sont les indicateurs qui permettent de juger la santé financière de l’entité, notamment à travers les états financiers. En effet, parmi ces indicateurs, il existe :

  • Les indicateurs d’exploitation : il s’agit par exemple de la hausse de certains coûts de production révélant une baisse possibles des marges si la société n’augmente pas ses prix. Par ailleurs, on peut également trouver des indicateurs révélateurs d’une évolution du marché tels que la diminution du chiffre d’affaire.

 

  • Les indicateurs financiers : ce sont des indicateurs qui résultent la plupart du temps des indicateurs d’exploitation. Ainsi, on peut citer la réduction des flux de trésorerie ou encore la hausse des frais financiers.

 

 

  • Les indicateurs d’investissement : sachant que les opérations d’investissement sont la plupart du temps,  financées par les bénéfices réalisés, les indicateurs d’exploitation et financiers  influent directement sur ces indicateurs.

 

  • Les indicateurs concernant l’environnement économique général : il existe par exemple la hausse des taux d’intérêt ou les fluctuations du taux de change. Ces derniers ne sont pas tellement révélateurs. Toutefois, ils peuvent servir à suivre l’évolution de l’environnement macro-économique.

Par ailleurs, hormis les indicateurs, il existe également des éléments qui permettent de détecter des difficultés au sein de l’entreprise : c’est le cas lorsque les entreprises ne publient pas ou ne déposent pas leurs états financiers et ne payent pas leurs dettes dans les échéances prévues.

 

2.      Les signaux sociaux:

 

D’une part, il peut exister des indicateurs sociaux qui peuvent permettre de détecter les difficultés en entreprise. En effet, il peut s’agir du fait que:

  • on constate une hausse importante du taux de rotation et de l’insatisfaction du personnel ;
  • les administrateurs démissionnent les uns après les autres et demandent la sortie de leur capital ;
  • l’entreprise a du mal à recruter du personnel;
  • les partenaires sociaux comme le conseil d’Administration s’interrogent sur la situation financière de l’entreprise.

D’autre part, pour prévenir les difficultés qui existent au sein de l’entreprise, il arrive d’entamer la procédure d’alerte aussi bien au niveau interne qu’au niveau externe. La procédure d’alerte[5] consiste à demander des informations ou des explications au dirigeant d’entreprise en ce qui concerne les indicateurs révélateurs de premières difficultés et ce dans l’objectif d’établir des plans de redressement.

 

2.1.   Les procédures d’alertes internes :

 

Les procédures d’alertes internes peuvent être exécutées par le comité d’entreprise et les associés.

D’abord,  le comité d’entreprise, en tant que représentant du personnel, il peut demander au dirigeant  de lui fournir des explications sur la situation financière de l’entité. En effet, l’article L. 432-5 du Code du travail accorde cette possibilité  aux  comités  d’entreprises  qui  « ont connaissance  de  faits  de  nature  à  affecter  de manière  préoccupante  la  situation  économique  de entreprise ».  L’absence  d’information  étant perçue comme un «fait préoccupant ».

Ensuite, les  associés ont également le  droit  de  poser deux fois par an des  questions écrites aux dirigeants sur  tout  fait qui puisse être de nature à nuire à la continuité de l’exploitation. En effet, ce sont les articles L. 223-36 et L. 225-232 du Code de  commerce qui le prévoit, qu’importe la catégorie de l’associé.

Enfin, le commissaire aux comptes a une place importante à jouer dans cette procédure d’autant plus qu’il est compétent  à tous les niveaux. En ce sens,   s’il  relève  dans  l’exercice  de  sa mission d’audit , des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il se trouve dans l’obligation d’ informer les dirigeants de  l’entreprise  et  le  président  du  tribunal  de  commerce. Cela est prévu par l’article L. 234-1 du Code de commerce.

 

2.2.   Les procédures d’alerte externe

 

En fait, lorsque les comptes annuels d’une entreprise ne sont pas déposés au greffe du Tribunal, ce qui constitue d’ailleurs une obligation annuelle, le président du tribunal peut adresser aux dirigeants d’entreprise une injonction de faire[6]. En cas de résistance ou de riposte, il peut décider de les convoquer pour que  soient envisagées  des dispositions visant à redresser la situation[7]. Si ces dirigeants ne répondent toujours pas à la convocation, le Président du Tribunal peut se renseigner auprès de tout organisme ou individu susceptible de pouvoir lui fournir les informations adéquates sur la situation économique et financière de l’entreprise. On peut citer par exemple le personnel ou le commissaire aux comptes.

En outre, le président du Tribunal peut, en cas d’absence des dirigeants à la convocation, invoquer d’office le redressement judiciaire ou la liquidation judicaire de l’entreprise s’il constate que cette dernière est en état de cessation de paiements.

 

On peut donc dire qu’il existe de multiples signaux qui permettent de déclencher l’alerte en cas de difficultés importantes. Il faut tout de même savoir qu’il ne faut attendre qu’il ne soit trop tard. Après le déclenchement de l’alerte, des premières mesures de survies s’imposent. Mais quelles sont ces mesures de survie ?

 

Section 4 : Les premières mesures à prendre

 

En cas de difficultés, l’entreprise doit prendre des premières mesures de survie pour que sa situation ne se détériore. En ce sens, il convient de prendre en considération deux points fondamentaux quant à l’exécution de ces premières mesures :

  • La gestion des risques inhérents aux activités de l’entreprise ;
  • La prise de responsabilités des dirigeants quant au bon déroulement de la préparation du redressement de la situation.

 

 

1.      La gestion des risques :

 

En période de crise, l’entreprise doit impérativement minimiser les risques susceptibles de se produire dans l’exercice de ses activités. Pour ce faire, elle doit se concentrer sur les éléments suivants :

D’une part, elle doit identifier et gérer les risques potentiels qui pourront survenir,  de façon à évaluer  leur  conséquence, ainsi que leur probabilité de survenance. En effet, on peut citer les risques opérationnels tels que les changements d’actionnaires ou la réduction de leur nombre, les risques financiers tels que les risques de liquidité et de solvabilité, les risques commerciaux tels que l’arrivée d’une nouvelle concurrence sur le marché et les risques juridiques en cas de contentieux ou de litiges. Quoiqu’il en soit, tous ces risques doivent être identifiés et classés dans des grilles d’évaluation pour en assurer le suivi. Après avoir analysé l’impact et la probabilité de chaque risque, il s’agit de prendre des mesures qui consistent à éliminer, à réduire, à transférer ou à accepter les risques. Mais toujours est-il que cette mise en œuvre doit être testée et suivie en permanence, à l’aide de cartographies de risques. Ces contrôles continus permettront effectivement de définir au fur et à mesure des seuils d’alerte, permettant d’ajuster  la vulnérabilité  ces risques et d’avoir le contrôle sur l’environnement externe de l’entité.

D’autre part, l’entreprise doit mettre en place des tableaux de bord, de façon à établir des indicateurs[8] qui pourront permettre de suivre les différentes tendances actuelles et prévisionnelles de l’entreprise, tells que la baisse de la rentabilité ou la diminution des activités, et établir des plans d’actions pour y remédier. Toujours est-il que ces tableaux de bord doivent être adaptés à la taille de l’entité et répondre à des critères de simplicité, de fiabilité et de remise à niveau.

 

Ces indicateurs permettront en fait au dirigeant d’établir des plans de redressement de la situation. Mais, de son côté, il dot prendre ses responsabilités en ce qui concerne le diagnostic de la situation de l’entité et le choix du cadre juridique à adopter.

 

2.      Les responsabilités des dirigeants:

 

En connaissance de cause, les dirigeants doivent impérativement trouver une issue de crise. Il s’agit de premières mesures à prendre en vue de redresser la situation de l’entreprise. Ainsi, il  convient de faire respectivement :

  • Un diagnostic de la situation de l’entité afin de pouvoir formuler des recommandations et des projections.
  • Un choix quant au cadre juridique à adopter pour la sauvegarde de l’entreprise.

Ces mesures seront accompagnées d’outils qui permettront d’une manière ou d’une autre de renforcer l’efficacité des mesures prises, notamment la constitution d’une cellule de crise, la mise en place d’un système de communication efficace, et la gestion prudente de la trésorerie.

 

2.1.   L’établissement de diagnostic

 

Cette analyse ou diagnostic vise à connaître la nature et l’origine des difficultés de l’entreprise, ainsi que la véritable situation qui prévaut au niveau financier, et ce en vue de décider du cadre juridique adapté à la sortie de crise. Pour ce faire, il s’agit d’étudier d’une part  l’origine des difficultés et les éléments financiers de l’autre.

2.1.1.      Recherche des sources de difficultés :

 

Avec l’appui de ses conseillers et du Management, le dirigeant doit rechercher les sources des difficultés de l’entreprise de façon à trouver une issue de crise. Ainsi, il s’agit pour lui d’étudier si les difficultés sont liées:

  • à la conjoncture et au contexte économique;
  • au business model de l’entité ;
  • au positionnement de l’entité sur le marché ;
  • à la question de rentabilité ;
  • à la satisfaction de la clientèle ;
  • au manque de trésorerie.

Ainsi, ces analyses permettront de déterminer s’il est possible de poursuivre les activités de l’entreprise et dans quelles conditions. En effet, il est nécessaire de savoir si ces conditions requièrent de nouveaux financements ou de nouvelles restructurations.

 

2.1.2.      Etude des éléments financiers :

 

L’étude financière, quant à elle, permet de déterminer réellement le  niveau d’endettement de l’entité et son adaptation vis-à-vis de cette situation. De plus, cette étude permet de d’identifier ses besoins de financement à court terme.

Toujours est-il que ces études sont basées sur les états financiers de l’entité, à savoir le bilan, le compte de résultat et le tableau des flux de trésorerie, ainsi que les chiffes prévisionnels qui concerne le semestre à venir.

L’étude de l’origine des difficultés de l’entreprise, ainsi que les études financières permettent au chef d’entreprise de choisir parmi une étendue de procédure, celle qui semble la mieux adaptée à la situation financière de celle-ci. Les procédures amiables[9] et collectives[10], pour lesquelles le dirigeant peut opter découlent de la loi du 26 juillet 2005, modifiée par l’ordonnance du 18 décembre 2008.

 

2.2.   Le choix du cadre juridique :

 

Le droit des entreprises en difficultés en France a été renforcé par les différentes lois qui se sont succédées, et ce, dans le but de prévenir davantage les difficultés des entreprises quelles que soient leur nature. A cet effet, on note le mandat ad hoc et la procédure de conciliation qui forment les procédures amiables, ainsi que la procédure de sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire qui forment les procédures collectives :

  • Le mandate ad hoc consiste à recruter à l’initiative du Tribunal de Commerce, un mandataire indépendant de l’entreprise, et qui a pour mission de rechercher des solutions préventives aux difficultés de l’entreprise.

 

  • La procédure de conciliation qui a pour objectif de conclure entre l’entreprise et ses créanciers un accord amiable, pouvant être homologué par le Tribunal de Commerce, afin d’assurer la pérennité de l’entreprise.

 

  • La procédure de sauvegarde, réservée aux entreprises qui risquent d’être en cessation de paiement, permet de réorganiser l’entreprise de manière à suspendre le remboursement des dettes sur le long terme, mais en s’assurant que les intérêts des créanciers sont préservés. Dans ce cas de procédure, le dirigeant doit justifier qu’il n’est en mesure de surmonter les difficultés auxquelles l’entreprise est confrontée.

 

  • Le redressement judiciaire est prévu pour toute entreprise en situation d’insolvabilité, donc en état de cessation de paiement. Un plan de redressement servant à assurer, dans la mesure du possible la continuité de l’exploitation sera arrêté par jugement du Tribunal.

 

  • La liquidation judiciaire est la dernière option qui reste au dirigeant lorsque le redressement de l’entreprise s’annonce impossible. Ainsi, les activités de l’entreprise prennent fin avec la mise en place d’un plan de cession ou tout de suite après la constatation de la cessation de paiement par le Tribunal.

 

 

Ce cadre juridique sera approfondi dans la seconde partie de notre ouvrage, sachant qu’il fait l’objet de notre étude principale.

 

Force est de constater que nombreuses sont les procédures et les différentes mesures que doivent mener les entreprises en situation de crise. Il convient donc de mettre en exergue dans une section suivante, l’importance de la prévention des difficultés et de la sauvegarde des entreprises en difficultés.

 

Section 5: Importance de la prévention des difficultés et de la sauvegarde des entreprises en difficultés

 

L’importance de la prévention des difficultés et de la sauvegarde des entreprises en difficultés peut être cernée à trois niveaux :

  • au niveau des acteurs économiques en général ;
  • au niveau de l’entreprise ;
  • au niveau de l’Etat.

Au niveau des acteurs économiques, l’importance de la prévention des difficultés de l’entreprise réside dans le fait que les défaillances des entreprises peuvent avoir des répercussions sur le circuit économique et financier. En effet, les entreprises en difficultés n’arrivent pas ou arrivent mal à honorer leurs engagements envers les créanciers. Autrement dit, leur situation d’endettement est délicate. Pourtant l’enchevêtrement des agents économiques fait que l’effet du non paiement des dettes se répercute sur toute la chaîne économique. En conséquence, la défaillance de l’entreprise cause un trouble aussi bien sur le plan économique que sur le plan social à cause de la diminution de la masse monétaire et de la masse salariale.

Au  niveau de l’entreprise, cette importance a effectivement trait à la continuité de son exploitation. En période de crise financière, elle doit prendre des mesures pour se protéger des éventuelles faillites[11] causées par les situations d’insolvabilité. En effet, l’insolvabilité est en fait l’incapacité à honorer ses engagements. Cette situation est atteinte à un moment donné si l’encaisse est négative.  Ce qui peut entraîner la cessation de paiement, et qui risque à son tour de bloquer tout le fonctionnement de l’entreprise en amont comme en aval.

Au  niveau de l’Etat, il s’agit d’un intérêt qui porte sur un nouvel aspect de son interventionnisme en matière de faillite d’entreprises. Cet intérêt se justifie d’ailleurs par la mise en place de lois sur la sauvegarde des entreprises en difficultés. Aussi, il a été constaté que la saisine retardée des tribunaux est un des motifs essentiels de la disparition des entreprises.

 

Afin de pouvoir justifier cette importance, il s’agit d’établir dans un second chapitre les chiffres clefs sur les entreprises en difficultés en France. Cela permettra de délimiter notre étude dans le temps et dans l’espace.

 

CHAPITRE 2 : LA SITUATION DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES EN FRANCE

 

En France, comme partout ailleurs dans le monde, la plupart des entreprises continuent de faire face à des difficultés financières, malgré les palettes de procédures qui existent aujourd’hui pour assurer leur pérennité. Nous n’allons pas encore juger de l’efficacité des procédures prévues par le droit des entreprises en difficulté mais il s’agit d’étudier dans ce chapitre,  les réalités qui sévissent en France en cette année 2014. En effet les données sont puisées des études effectuées par Altares[12]  au premier trimestre, de façon à comparer les chiffres à ceux de l’année précédente. A partir de ces données, il s’agit de construire notre argumentation de la manière suivante :

  • D’une part, il y a lieu d’établir les chiffres clefs sur les défaillances des entreprises.
  • D’autre part, il convient de mettre en lumière les chiffres clefs sur la réalisation des procédures de sauvegarde.

 

Section 1: Les chiffres clefs sur les défaillances des entreprises

 

Les études menées par Altares ont montré que les défaillances d’entreprises ont augmenté de 3,4 % au 1er trimestre 2014. Les tendances s’inscrivent en fait de la manière suivante : il y a lieu de déterminer d’une part, les entreprises les plus touchées par la défaillance, et de l’autre les entreprises les moins touchées.

  • En ce qui concerne les entreprises les plus touchées par la défaillance, on a :

Tableau 1: Profil des entreprises les plus touchées par la défaillance

Donnée sur l’entreprise Tendances 2013 2014 Evolution
Effectif Les micro-entreprises 6 079 6 900 13,5 %
Tranche d’âge 51 ans et plus 42 65 54,8 %
Secteur d’activité Activités financières et d’assurance 83 115 38,6 %
Région Alsace 421 538 27,8 %

Source: Altares, 2014

  • En ce qui concerne les entreprises les moins touchées par la défaillance, on a :

Tableau 2: Profil des entreprises les moins touchées par la défaillance

Donnée sur l’entreprise Tendances 2013 2014 Evolution
Effectif Les entreprises de 100 à 199 salariés 37 24 -35,1 %
Tranche d’âge Moins de 3 ans 2 805 2 587 – 7,8 %
Secteur d’activité Industrie 1 166 1 133 – 2,8 %
Région Franche-Comté 284 236 – 16,9 %

Source: Altarès, 2014

Interprétation :

On peut constater que la taille de l’entreprise jour un grand rôle dans les stratégies pour pallier aux difficultés. En fait, les PME s’en sortent plutôt bien par rapport aux micro-entreprises qui souffrent largement de la situation de crise.

Par ailleurs, les entreprises nouvellement crées ne ressentent pas encore tellement les effets de la crise, ce qui n’est pas pour celles qui sont sur le marché depuis plus d’un demi-siècle.

En outre, les établissements de crédits et les assurances sont dans le rouge, contrairement aux industries agroalimentaires. Sûrement parce que ces dernières sont en continuelle évolution du point de vue technologique et les produits manufacturiers sont des produits phares sur le marché.

Enfin, l’Alsace et le Franche-Comté sont des régions voisines. En ce sens, on peut affirmer que la situation de défaillance ne dépend pas tellement de la situation géographique (Cf. Annexe 1).

 

Force est de constater que cette année, les entreprises ont bien du mal à sortir leur tête de l’eau. Mais qu’en est-il alors des mesures de sauvegarde ?

Section 2: Les chiffres clefs sur les mesures de sauvegarde

 

Altares a effectué des  études menées qui ont montré que les procédures de sauvegarde ont augmenté de 0,2 % au 1er trimestre 2014. Les tendances s’inscrivent en fait de la manière suivante : d’une part, il y a lieu de déterminer, les entreprises qui ont eu le plus recourues aux mesures de sauvegarde et d’autre part, les entreprises en meilleure situation.

  • En ce qui concerne les entreprises qui ont le plus recourues aux procédures de sauvegarde, on a :

Tableau 3: Profil des entreprises ayant le plus recouru aux procédures

Donnée sur l’entreprise Tendances 2013 2014 Evolution
Effectif 10 à 19 salariés 38 52 36,8 %
Tranche d’âge 6 à 10 ans 90 117 30,0 %
Secteur d’activité Services aux particuliers 8 17 112,5 %
Région Bretagne 1 7 600,0 %

Source: Altares, 2014

 

  • En ce qui concerne les entreprises qui ont le moins recourues aux mesures de sauvegarde, on a :

Tableau 4: Profil des entreprises ayant le moins recouru aux procédures

Donnée sur l’entreprise Tendances 2013 2014 Evolution
Effectif 100 salariés et plus 12 6 – 50,0 %
Tranche d’âge 11 à 15 ans 67 52 – 22,4 %
Secteur d’activité Transport et Logistique 19 9 – 52,6 %
Région Champagne-Ardenne 16 4 – 75,0 %

Source: Altares, 2014

Interprétation :

Il est évident que les très petites entreprises ont plus besoin d’aides que celles qui contiennent plus de 100 salariés, considérées comme des PME.

Par ailleurs, les entreprises plus âgées, ayant plus d’expériences en matière de gestion de crise, ne vont pas toutes jusqu’à demander des mesures de sauvegarde.

En outre, le secteur tertiaire affiche des tendances extrêmes qui s’expliquent par le fait que ces services soient réalisés par des personnes exerçant indépendamment leurs activités ou non.

Enfin, on constate que la Bretagne et le Champagne-Ardenne  sont deux régions totalement opposées mais ont un point commun : la périphérie. En ce sens, on peut affirmer que la nécessité de recours aux mesures de sauvegardes ne dépend pas tellement de la situation géographique (Cf. Annexe 2).

 

Cette première partie a permis de montrer les différentes possibilités qui s’offrent à l’entreprise en difficultés, étant donné la diversité même de ces difficultés. Il a également permis de situer le cas de la France par rapport à ces difficultés. Tels étaient donc le contexte général de l’étude.

Maintenant, il s’agit d’entrer en profondeur dans nos recherches afin de pouvoir à notre problématique. En effet, la seconde partie traite du cadre juridique de l’étude, basée effectivement sur le droit des entreprises en difficultés.

 

PARTIE II : ANALYSE COMPARATIVE DES MODELES DE PROCEDURES

 

Afin de booster la compétitivité des entreprises françaises et d’assurer leur pérennité, les législations qui se sont succédées ont fait en sorte d’améliorer le droit des entreprises en difficultés. D’ailleurs, les entreprises sont celles qui contribuent le plus au développement économique du pays.

Mais on remarque toutefois que, vu le contexte de crise économique et financière au niveau mondial, notamment au niveau de la France, les entreprises rencontrent malgré elles de plus en plus de difficultés,  de telle sorte qu’on peut admettre que le cadre juridique qui régit les entreprises n’est encore assez efficace. Afin de pouvoir justifier cette hypothèse, il convient de mettre en exergue :

  • dans un premier chapitre le cadre légal régissant les entreprises en difficultés en France de façon à évoquer son évolution et ses principes ;
  • dans un second chapitre une comparaison inter-pays des différents processus de sauvegarde, tout en comparant la législation de la France avec des pays membres et non membres de l’Union Européenne.

 

CHAPITRE 1: LE CADRE LEGAL REGISSANT LES ENTREPRISES EN DIFFICULTES

 

Le droit des entreprises en difficultés puise sa source dans le droit commercial et le droit des sociétés. Au fil du temps, ce droit s’est étendu à l’ensemble des secteurs d’activités, de telle sorte que toutes les personnes aussi bien physiques que morales du droit privé en sont concernées. Mais d’une manière ou d’une autre, l’entreprise reste la cible principale des textes et des réformes. En ce sens, comment ont évolué ces textes ? Que contiennent-ils ?

 

Section 1 : Historique et évolution des lois 

 

Tout texte de lois possède un historique et des évolutions qui justifient le contexte général de chaque époque. En ce qui concerne le droit des entreprises en difficultés, l’opportunité de son évolution résulte du contexte de crise, notamment en ce qui concerne les procédures collectives. Ainsi, au fil des années, le cadre juridique des entreprises en difficultés a évolué de la manière suivante:

 

Schéma 3: Historique et évolution du droit des entreprises en difficultés

Source: Adaptation personnelle

 

Source: Adaptation personnelle

 

Ne connaissant pas encore les résultats d’application de la nouvelle ordonnance mise en vigueur le 1er juillet 2014, celle-ci sera présentée en tant que solution proposée par les juristes et les experts en la matière. Ceux qui feront l’objet de notre analyse comparative seront donc les procédures qui découlent de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 portant sur la simplification et la sécurisation de la vie des entreprises. Pour ce faire, il conviendrait d’abord de développer les différentes mesures concernant les procédures amiables et collectives, qui découlent de cette loi.

 

Section 2: Les différentes procédures actuelles

 

Les différentes évolutions du droit des entreprises en difficultés se justifient par la nécessité de mettre en place des mesures adéquates à la réalité économique du pays. Autrement dit, le droit des entreprises en difficultés  ne doit en aucun cas devenir obsolète en raison de la place que ces dernières occupent dans la chaîne économique. En effet, les grandes évolutions ont eu lieu depuis la loi du 26 juillet 2005 et la plupart d’entre elles, ou même toutes, visent à conserver la variété des possibilités de recours pour traiter les difficultés des entreprises. En fait, les différentes lois et réformes qui se sont succédées ont apporté des améliorations aux différents recours tels que nous les connaissons[13]. Il s’agit donc de noter pour notre part la version du 02 janvier 2014.

 

1.      Le mandat ad hoc :

 

Lorsque le dirigeant d’entreprise se trouve confronté à des difficultés sous toutes ses formes sans avoir atteint la situation délicate de cessation de paiement, il existe une procédure qui consiste à trouver des solutions par le biais de consensus et d’échanges avec les créanciers : le mandat ad hoc.

 

1.1.   Les conditions d’ouverture :

 

Cette procédure commence par une prise de rendez-vous confidentielle avec le Président du Tribunal. A cet effet, le dirigeant précise la nature des difficultés qu’affronte son entreprise, ainsi que l’utilité de l’engagement d’un mandataire ad hoc, dont il possède la liberté de nomination, pour l’aider à analyser la situation et établir en conséquence un plan de redressement économique, financier et même social.

Toutefois, l’accord préalable du Président du Tribunal de Commerce est exigé en ce qui concerne les rémunérations dudit mandataire sollicité.

Après les différentes vérifications nécessaires quant à la situation financière de l’entreprise[14], le Président du Tribunal désigne par voie d’ordonnance, le mandataire ad hoc[15], ses attributions, ainsi que la durée de sa mission.

 

1.2.   Le déroulement de la procédure :

 

Le mandat ad hoc est une procédure simple et souple qu’il convient d’encourager avant qu’il ne soit trop tard. D’ailleurs, la loi du 02 janvier 2014 a stipulé dans son article 2, alinéa 1er qu’il faudrait « Favoriser le recours aux mesures ou procédures de prévention relevant du livre VI du code de commerce ou du titre V du livre troisième du code rural et de la pêche maritime et améliorer leur efficacité». Ainsi, nous pouvons dresser le tableau suivant quant au déroulement de la procédure :

 

Tableau 5: Les caractéristiques du mandat ad hoc

  Le mandat ad hoc Observations
Durée 1 à 4 mois Le Président du Tribunal établit la durée en fonction de l’état de la trésorerie ou d’évènements susceptibles de bouleverser  la vie de  l’entreprise.
Mission du mandataire –          Analyse de la situation de l’entité ;

–          Restructuration de  la dette ;

–          Recherche de  financements d’exploitation en plus ;

–          Négociation avec les créanciers

La mission du mandataire peut être prorogée ou modifiée par le Président.

 

Etendue du pouvoir Absence de pouvoir de contrainte  

Source: Adaptation personnelle

 

1.3.   L’issue de la procédure :

 

La procédure de mandat ad hoc peut s’achever par simple demande du dirigeant d’entreprise et peut avoir pour objectif de servir de relais vers la procédure de conciliation.

 

La procédure de conciliation est en fait la seconde procédure amiable de nature confidentielle. Elle dispose à peu près des mêmes caractéristiques que la procédure de mandat ad hoc.

 

 

 

2.      La procédure de conciliation:

 

La procédure de conciliation est une procédure amiable qui a pour objectif d’aider les entreprises en difficultés à trouver avec ses principaux créanciers et partenaires un accord confidentiel qui pourra solutionner les difficultés en cours et une éventuelle cessation de paiement.

Il  s’agit en fait d’une procédure plus protectrice envers le débiteur, mais de façon à préserver les intérêts des créanciers. Par rapport à la première procédure, en plus de sa souplesse et de  sa confidentialité, la procédure de conciliateur se veut être rigoureuse et coercitive, ce qui fait la raison de son succès.

 

2.1.   Les conditions d’ouverture :

 

Pour commencer, la procédure de conciliation concerne les personnes et les entreprises exerçant une activité commerciale et qui manifestent des difficultés, y compris financières, sans être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

Si le dirigeant remplit ces conditions, il peut demander une requête confidentielle auprès du Président du Tribunal tout en explicitant la situation économique, sociale et financière de l’entité, ses besoins en financements et en fonds de roulement, sans oublier les préconisations envisagées afin de surmonter la situation. Par ailleurs, le dirigeant peut également proposer un conciliateur à condition toutefois, comme au précédent cas, d’avoir un accord préalable du Président du Tribunal en ce qui concerne la rémunération de celui-ci.

Après les vérifications nécessaires sur le remplissage de ces conditions préalables, le Président du Tribunal rend effectivement une ordonnance qui désigne les missions et les attributions du conciliateur[16].

 

2.2.   Le déroulement de la procédure :

 

A la différence du mandat ad hoc, cette procédure se fait à l’aide d’un conciliateur désigné ou sollicité. En effet, la procédure fonctionne de la manière suivante :

 

Tableau 6: Les caractéristiques de la procédure de conciliation

  La procédure  de conciliation Observations
Durée 4 mois avec possibilités de prolongements. La procédure est poursuivie en cas de demande d’homologation de l’accord par le dirigeant.
Mission du mandataire –          Analyse de la situation de l’entité;

–          Restructuration de  la dette ;

–          Recherche de  financements d’exploitation en plus ;

–          Négociation avec les créanciers

–          Amélioration des garanties pouvant s’y rattacher

Malgré cette négociation, les créanciers peuvent poursuivre les débiteurs pour agir en paiement. Mais les articles 1244-1 à 1244-3 du Code Civil prévoient que le débiteur peut se voir accorder des délais de paiement jusqu’à 24 mois par le Tribunal.
Etendue du pouvoir Aucune mesure de contraintes  

Source: Adaptation personnelle

 

2.3.   L’issue de la procédure :

 

D’une part, si un accord n’a pas été conclu entre le dirigeant d’entreprise et les créanciers, l’accord prend normalement fin. Toutefois, si au cours de la procédure, l’entreprise se trouve être en situation de cessation de paiement, le Tribunal peut enchaîner avec la procédure de redressement judiciaire.

D’autre part, si un accord a été conclu entre le dirigeant d’entreprise et les créanciers, soit le Président du Tribunal de Commerce constate l’accord intervenu, soit le Tribunal compétent homologue l’accord, et ce dernier est rendu public.

Dans ce dernier cas, c’est-à-dire l’homologation, l’intérêt de son application réside dans le fait qu’elle permet au dirigeant d’éviter toute en action en nullité en ce qui concerne les opérations de gestion et de bénéficier d’une suspension de poursuite par les créanciers. Elle permet également de purger les responsabilités des différentes parties à la négociation et de faire prévaloir l’accord au regard des codébiteurs et des personnes physiques ou morales se portant caution de l’entreprise. Il ne faut pas non plus oublier que tout créancier ayant apporté des avantages matériels ou financiers au cours de la procédure de conciliation seront prioritairement remboursés en cas d’éventuelles ouvertures de procédures collectives.

 

Après la mise en exergue des procédures amiables, il convient d’expliciter les procédures collectives, à commencer par celle qui a fait le plus l’objet de réformes : la procédure de sauvegarde, qui peut également prendre la forme  d’une procédure de sauvegarde accélérée depuis la loi du 22 octobre 2010.

 

 

3.      La procédure de sauvegarde:

 

La procédure de  sauvegarde est normalement une procédure collective qui a pour finalité d’éviter  le  redressement  judiciaire, de  façon à pouvoir poursuivre l’activité de l’entité, à maintenir l’emploi et apurer le passif grâce à un «plan de sauvegarde» présenté par le dirigeant d’entreprise au Président du Tribunal de Commerce. Mais depuis la loi du 22 Octobre 2010, la sauvegarde financière accélérée a vu le jour, de façon à permettre aux entreprises en difficulté de réorganiser leurs dettes financières, sans pour autant devoir obtenir l’accord de la majorité des créanciers. Et la loi du 02 janvier 2014 a encore permis de rendre plus accessible la procédure de sauvegarde.

 

3.1.   Les conditions d’ouverture :

 

D’une part, selon la loi du 26 juillet 2005, « la procédure de sauvegarde est ouverte sur la demande d’un débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter, sans être en état de cessation des paiements ».  Le dirigeant commence en fait par demander une requête au Tribunal du Commerce.

Après les vérifications nécessaires, le Tribunal décide l’ouverture de la procédure de sauvegarde qui sera publié au Journal Officiel. Pendant ce temps, le chef d’entreprise peut solliciter un administrateur[17] sachant que dans le cas d’une procédure de sauvegarde, l’entreprise a affaire à deux mandataires dont l’un est chargé de l’assistance à la gestion et l’autre de l’établissement du passif.

 

D’autre part, pour pouvoir recourir à la nouvelle procédure de sauvegarde mise en vigueur le 1er mars 2011, c’est-à-dire celle accélérée, le débiteur ou le dirigeant d’entreprises en difficultés doit notamment être « engagé dans une procédure de conciliation en cours ». A cette condition s’ajoute la constatation d’un passif financier important dont les effets se limitent à ceux des créanciers financiers. En effet, peuvent en bénéficier les sociétés dont l’effectif des salariés est supérieur à 150 ou dont le chiffre d’affaires dépasse les 20 millions d’euros, ou, depuis la loi n°2012-387 du 22 mars 2012, dont le total de bilan excède une somme fixée par décret. C’est en effet dans cette condition que le débiteur peut soumettre[18] son plan au comité de créanciers[19].

 

3.2.   Le déroulement de la procédure :

 

Que ce soit dans l’un ou l’autre cas, le déroulement de la procédure se présente comme suit :

 

 

 

 

Tableau 7: Les caractéristiques de la procédure de sauvegarde:

  La procédure  de sauvegarde (accélérée) Observations
Durée –          Poursuite des activités pendant 6 mois (renouvelables 2 fois) Pendant la période d’observation, l’entreprise peut continuer son exploitation durant six mois, renouvelable une fois sur décision motivée, et une nouvelle fois à la demande du procureur de la République.
Mission du mandataire –          Surveillance et assistance dans la gestion

–          Etablissement du passif

–          Aide à l’établissement du plan d’apurement à soumettre au comité de créanciers au cours de la période d’observation ;

 

Les pouvoirs du chef d’entreprise sont préservés face à ceux de l’administrateur judiciaire.
Etendue du pouvoir Aucune mesure de contraintes  

Source: Adaptation personnelle

 

3.3.   L’issue de la procédure :

 

Si la mise en œuvre  d’un plan de sauvegarde s’avère impossible ou si la clôture de la procédure débouche sur une cessation des paiements, le  Tribunal a en fait la possibilité de convertir  la  procédure  de  sauvegarde en redressement judiciaire.

 

Ces trois premières procédures sont applicables aux entreprises qui ne manifestent pas encore une cessation de paiement. Dans le cas contraire, avant la décision de liquidation, il reste la procédure de redressement judiciaire.

 

4.      La procédure de redressement judiciaire:

 

Tout comme la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire vise à instaurer un plan de continuation qui puisse permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi, ainsi que l’apurement du passif.

 

 

 

4.1.   Les conditions d’ouverture :

 

Que ce soit voie de contrainte[20] ou de façon volontaire, la procédure de redressement judiciaire est lancée dans les 45 jours qui suivent la cessation de paiement. Mais toujours est-il que le dirigeant d’entreprise doit avertir le Comité d’Entreprise sur un dépôt éventuel de déclaration de cessation de paiement.

Les conditions préalables à l’ouverture exigent en fait la remise de l’état de l’actif et du passif de la société, des chiffres prévisionnels de 4 à 6 mois, de la note d’accompagnement exposant l’origine des difficultés et les perspectives de redressement.

Après la vérification de ces pièces justificatives, le Tribunal décide de l’ouverture d’une période d’observation en sollicitant le redressement judiciaire. A cet effet, un salarié doit être désigné pour représenter l’ensemble des salariés aux audiences et ce dernier est convoqué avec le dirigeant dans un délai de 15 jours qui suit le dépôt de la déclaration.

A partir des éléments fournis, le Président du Tribunal se renseigne sur la situtaion de l’entreprise et rend en conséquence son jugement avec la poursuite ou non de l’activité. Autrement dit, il décide, à partir des informations obtenues sur papier et à l’audience, si l’entreprise doit avoir recours au redressement judiciaire ou à la liquidation judiciaire.

D’un ou l’autre cas, le jugement d’ouverture désigne comme dans la procédure précédente deux mandataires et cette ouverture fait effectivement l’objet d’une publicité au RCS[21], au BODACC[22] et au JAL[23], qui lui rend opposable aux tiers.

 

4.2.   Le déroulement de la procédure :

 

Le déroulement de cette procédure similaire à celle de la procédure de sauvegarde. En effet, il se présente comme suit :

Tableau 8: Les caractéristiques de la procédure de redressement judiciaire

  La procédure  de redressement judiciaire : Observations
Durée –          Poursuite des activités pendant 6 mois (renouvelables 2 fois) Pendant la période d’observation, l’entreprise peut continuer son exploitation durant six mois, renouvelable une fois sur décision motivée, et une nouvelle fois à la demande du Ministère Public.
Mission du mandataire –          Surveillance et assistance dans la gestion

–          Etablissement du passif

–          Aide à l’établissement du plan d’apurement[24] à soumettre au comité de créanciers au cours de la période d’observation ;

–          Vente des biens du débiteur

 

Des repreneurs doivent établir un plan de reprise prenant la forme d’un « plan de  cession  »,  totale[25] ou partielle.
Etendue du pouvoir Aucune mesure de contraintes  

Source: Adaptation personnelle

 

Si les repreneurs ont établi un plan de cession total ou que le redressement judiciaire paraît impossible à l’égard du Président du Tribunal ou que les fond s’avèrent insuffisants pour la poursuite de la procédure de redressement, la dernière procédure qu’il reste à suivre consiste à la liquidation judiciaire.

 

5.      La liquidation judiciaire:

 

Lorsqu’aucun moyen de recours n’est plus envisageable, il reste au dirigeant de procéder à la liquidation judiciaire qui est destinée à faire céder totalement ou partiellement le patrimoine du débiteur, notamment ses droits et ses biens.

 

5.1.   Les conditions d’ouverture :

 

L’ouverture de la liquidation judiciaire peut résulter de deux éléments :

  • D’une part, elle découle de la demande du chef d’entreprise après la constatation de la cessation de paiement ;
  • D’autre part, elle résulte de l’échec de la mise en place des procédures précédentes.

 

5.2.   Le déroulement de la procédure :

 

Le tableau ci-dessous résume le déroulement de la dernière procédure collective qu’est la liquidation judiciaire :

 

 

 

 

Tableau 9: Les caractéristiques de la liquidation judiciaire

  La procédure  de liquidation  judiciaire : Observations
Durée –          Poursuite des activités pendant 3 mois (renouvelables 1 fois).

–          Jugement de clôture après 2 ans et après 1 an pour les liquidations simplifiées[26]).

 

Si le motif de clôture réside dans l’insuffisance d’actif, les créanciers seront privés de l’exercice individuel de leurs actions en justice.
Mission du mandataire –          Surveillance et assistance dans la gestion

–          Etablissement du passif

–          Aide à l’établissement du plan d’apurement[27] à soumettre au comité de créanciers au cours de la période d’observation ;

–          Vente des biens du débiteur

 

Des repreneurs doivent établir un plan de reprise prenant la forme d’un « plan de  cession  »,  totale ou partielle.
Etendue du pouvoir Aucune mesure de contraintes  

Source: Adaptation personnelle

 

Connaissant le fonctionnement et le déroulement de chaque procédure, il serait judicieux d’énoncer dans un dernier paragraphe un récapitulatif des améliorations stipulées dans la loi du 02 janvier 2014.

 

6.      Un panel d’outils en constante amélioration:

 

Il est clair que les modifications et les ajouts apportés par la loi du 02 janvier 2014 n’ont pas tous été cités dans les descriptions respectives de chaque procédure. C’est pourquoi, il s’agit de dresser un tableau qui synthétise les derniers changements apportés :

 

 

 

Tableau 10: Synthèse des Réformes de la loi du 02 janvier 2010

Les changements apportés aux procédures amiables Les changements apportés aux procédures collectives
Promotion du recours aux mesures préventives liées aux difficultés des entreprises ou aux exploitations agricoles. Réforme sur les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde.
Facilitation de la recherche de nouveaux fonds qui puissent financer l’entreprise usant d’une procédure de conciliation. Réforme sur les procédés de traitement des difficultés des entités en cessation de paiement et dont la situation est irréversible, de façon à créer une procédure spécifique pour ceux dont les fonds ne permettent plus de mener à bien les procédures.
  Facilitation du maintien de la continuité d’exploitation et de l’emploi par une nouvelle répartition des pouvoirs entre les acteurs, et un progrès quant aux droits des salariés et des actionnaires.
  Perfectionnement des procédures de liquidation
  Conciliation des  textes régissant la situation de l’entreprise avec les réalités économiques et financières.
Renforcement de  la transparence des informations en ce qui concerne le cadre légal des entreprises en difficultés, clarification des compétences des tribunaux et consolidation de la sécurité juridique.

Source: LOI n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises

 

Force est de constater nombreux sont  les changements apportés aux procédures collectives par rapport aux procédures amiables. Serait-ce dans le but d’améliorer davantage les opportunités qui s’offrent aux entreprises en difficultés en cas d’échec de négociation à l’amiable avec les créanciers. Et différents pays du globe terrestre sont passés par des réformes qui visent les procédures collectives, notamment en matière de sauvegarde des entreprises. Il s’agit donc d’établir une comparaison entre la France et différents pays européens ou non afin de déduire de l’efficacité de nos procédures. Tel est l’objet du second chapitre.

 

CHAPITRE 2: COMPARAISON INTER-PAYS DES DIFFERENTS PROCESSUS DE SAUVEGARDE

 

D’après les différentes études menées par Altares en 2014, il apparaît que les entreprises en difficultés ne cessent d’augmenter. Encore, cette évolution était-elle de 3,4% par rapport à l’année 2013. Un diagnostic qui est loin d’être satisfaisant, de telle sorte que l’on demande quelles méthodes adoptent certains pays pour faire beaucoup mieux. En effet, selon le Doing business 2011, la France affiche un taux de recouvrement de 48,4% et se place au 43ème rang en termes de règlement d’insolvabilités. Dans ce second chapitre, il s’agit de comparer d’une part la législation de  la France avec les autres pays de l’Union Européenne et d’autre part, la législation de la France avec les pays non membres de l’Union Européenne.

 

Section 1: Comparaison des procédures avec les pays membres de l’Union Européenne 

 

Toujours est-il que si la France affiche de résultats très médiocres à côté de ses voisins européens, c’est qu’une comparaison est nécessaire afin d’en tirer un bilan synthétique.  En effet, nous avons choisi deux pays modèles à comparer avec la France : l’Allemagne d’un côté et le Royaume-Uni de l’autre. Toujours est-il que ces études comparatives sont puisées des analyses menées par des cabinets d’avocats tels que Taj[28] et par le sénat français sur la législation comparée.

 

1.      Comparaison entre la France et le Royaume-Uni :

 

Le Doing Business 2014 estime qu’il est plus facile d’entreprendre au Royaume-Uni qu’en France. En effet, les textes de base qui régissent le droit des entreprises en difficultés en Angleterre comme en Grande Bretagne sont :

  • L’Entreprise Act de 2002 et de 2006 ;
  • L’Insolvency Act de 1986.

Ils constituent le fondement des trois procédures essentielles au traitement des difficultés des entreprises, à savoir :

  • Une procédure amiable caractérisée par le CVA ou Company Voluntary Arrangement.
  • Une procédure consistant à solliciter des mandataires judiciaires pour l’établissement d’un plan de redressement.
  • Une procédure de liquidation

Toujours est-il que la législation anglaise se donne pour finalité d’améliorer et de rendre plus pratique le sauvetage des entreprises en difficultés quelque soit la nature des créances. Ainsi, le tableau suivant illustre les ressemblances et les différences entre les procédures françaises et les procédures anglaises :

Tableau 11: Comparaison entre les législations de la France et du Royaume-Uni

  Ressemblances Différences
Priorité La loi sur les entreprises en difficultés vise à assurer la pérennité de l’entreprise par la préservation de l’activité et de l’emploi

 

Il existe une vente des actifs de l’entreprise en cas de liquidation judiciaire pour le remboursement des créanciers privilégiés.

Au Royaume –Uni, il existe un droit pour l’ensemble des créanciers de négocier pour un meilleur résultat que l’avancement d’une procédure de liquidation.
Répartition entre les différentes procédures On note une augmentation du recours aux différentes procédures collectives. Il n’existe pas de frontières claires entre les différentes procédures en Grande Bretagne
Sanctions à l’égard des dirigeants Les sanctions se montrent de plus en plus sévères afin de s’assurer de la non répercussion des risques sur les créanciers.  
Déroulement des procédures L’ouverture d’une procédure se fait à la demande du dirigeant

 

Le recours à l’expertise d’un mandataire au cours des différentes procédures est possible.

La législation de la Grande Bretagne ne prévoit pas d’homologation dans l’arrangement amiable.

 

La Grande Bretagne prévoit des conditions plus souples quant aux conditions d’ouvertures de la sauvegarde

 

La liquidation, en Grande Bretagne, peut s’opérer de deux manières : la liquidation volontaire[29] et celle judiciaire.

 

En plus des administrateurs judiciaires et des mandataires, la procédure de liquidation prévoit la présence d’un administrateur-sequestre[30] qui prend temporairement le contrôle de l’entité.

 

La durée normale d’une procédure amiable ne dépasse pas 28 jours en Grande Bretagne.

 

En Grande Bretagne, la demande de liquidation ou de poursuites des entreprises en redressement ou sous administration est irrecevable.

 

En Grande Bretagne, l’administrateur dispose de pouvoirs de contraintes, d’autant plus qu’il se trouve obligé d’agir dans l’intérêt des créanciers.

 

Au Royaume-Uni, les procédures ne prennent pas en compte le privilège de l’Etat et des organismes sociaux.

 

Source: Adaptation personnelle

 

Bien que la France et la Grande Bretagne fassent partie de l’Union Européenne, leurs procédures respectives comportent plus de différences que de ressemblances. Mais qu’en est-il alors de l’Allemagne, l’un des pays les plus puissants de l’Union Européenne ?

 

2.      Comparaison entre la France et l’Allemagne:

 

Dans le cas de l’Allemagne également, les entreprises s’en sortent beaucoup mieux. En effet la dernière réforme qui a marqué le droit des entreprises en difficultés concerne le redressement des entreprises. En effet, il s’agit du « Gesetz zur Erleichterung der Sanierung von Unternehmen »  ou de l’ESUG qui a été voté le 25 Novembre 2011 de façon à satisfaire dans l’ensemble les créanciers lors de procédures collectives.

Cette nouvelle réforme prévoit deux éléments clefs :

  • La création d’un « bouclier de protection » (Schutzschirmverfahren), permettant au débiteur risquant d’être en cessation de paiement de demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en gestion directe sans avoir à être dessaisi de ses biens.
  • L’instauration du « debt to equity swap» ou la conversion de créance en capital sans avoir à requérir l’avis des associés de l’entreprise.

Face à cette modernisation de la législation allemande, il convient de dresser le tableau comparatif suivant :

Tableau 12: Comparaison entre les  législations de la France et de l’Allemagne

  Ressemblances Différences
Priorité La loi sur les entreprises en difficultés vise à promouvoir le redressement des entreprises en difficultés et le maintien de l’emploi.

 

 

La législation de l’Allemagne priorise également le remboursement collectif des créanciers soit via la liquidation soit via une éventuelle réorganisation de l’entreprise.
Répartition entre les différentes procédures On note une augmentation du recours aux différentes procédures collectives. Il n’existe aucune distinction entre les procédures amiables et les procédures collectives en Allemagne. Il s’agit en effet d’une procédure unique débouchant sur la poursuite ou l’arrêt des activités.
Sanctions à l’égard des dirigeants Les sanctions se montrent de plus en plus sévères afin de s’assurer de la non répercussion des risques sur les créanciers.  
Déroulement des procédures L’ouverture d’une procédure se fait à la demande du dirigeant

 

Le recours à l’expertise d’un mandataire au cours des différentes procédures est possible.

 

Les conditions d’ouverture de la sauvegarde sont similaires.

 

 

La législation allemande prévoit la suspension des poursuites par le Tribunal même avant la recevabilité des procédures, mais à condition que les actifs portent sur des biens mobiliers.

 

Le remboursement des créanciers se fait dans l’égalité de traitement entre tous les groupes de créanciers.

 

La désignation de l’administrateur doit se faire avec l’accord préalable du comité provisoire des créanciers.

 

Lors de l’établissement du plan de résorption d’insolvabilité, le dirigeant se trouve être surveillé par un administrateur des biens mais ne se trouve plus dessaisi.

 

L’homologation du Tribunal peut être refusée par un créancier qui se trouve défavorisé par rapport au plan.

 

L’établissement du plan de résorption d’insolvabilité exclut les PME.

 

Les créanciers, avant le remboursement et dans la mesure où le Tribunal décide de la poursuite des activités de l’entreprise, peuvent demander à ce que leur créances soient converties en capital.

 

En Allemagne, les procédures ne prennent pas en compte le privilège de l’Etat et des organismes sociaux.

 

Source: Adaptation personnelle

 

A travers ces analyses, il convient de remarquer que malgré leur proximité, les pays membres de l’Union Européenne adoptent  de mesures différentes et presque opposées quant au traitement des difficultés des entreprises. En gros, chaque pays a sa manière de gérer la crise. Mais pour juger de l’efficacité ou de l’inefficacité des procédures adoptées par la France et adopter en conséquence des améliorations y afférentes, il apparaît logique de comparer également la législation française avec celle des pays non membres de l’Union Européenne.

 

Section 2 : Comparaison des procédures avec les pays non membres de l’Union Européenne

 

Afin d’optimiser les solutions qui se dégagent des comparaisons inter-pays, il serait idéal de comparer le droit français des entreprises en difficultés avec les droits américain et marocain. Ce choix se justifie par leur force dans le monde des affaires. Il faut également noter que comme au premier cas, cette étude s’inspire des analyses menées par le cabinet d’avocat Taj et par le sénat français sur la législation comparée. Sans oublier le cadre juridique qui régit les pays de l’OHADA[31].

 

1.      Comparaison entre la France et les Etats-Unis d’Amérique:

 

Il convient de noter que beaucoup de pays s’inspirent du droit américain des faillites pour améliorer leurs procédures collectives. La France, pour sa part, s’est inspiré du Prepackaged Plan qui implique une réorganisation de l’entreprise par une négociation antérieure à toute procédure, entre le débiteur et le créancier. En effet, il est inscrit dans le Chapitre 11 du Titre 11 du Bankruptcy Code. A propos, ce texte met en exergue deux catégories de procédures, à savoir le redressement judiciaire (reorganization) et la liquidation judiciaire (liquidation). Ainsi, il en découle la comparaison suivante :

Tableau 13: Comparaison entre les législations de la France et des Etats-Unis:

  Ressemblances Différences
Priorité La loi sur les entreprises en difficultés vise à promouvoir le redressement des entreprises en difficultés et le maintien de l’emploi.

 

 

Aux Etats-Unis, cette priorité de range extrêmement du côté du débiteur.
Répartition entre les différentes procédures On note une augmentation du recours aux différentes procédures collectives.  
Sanctions à l’égard des dirigeants   Il n’existe aucune sanction à l’encontre des chefs d’entreprises qui ne déposent pas leur bilan aux Etats-Unis.
Déroulement des procédures L’ouverture d’une procédure se fait à la demande du dirigeant ou des tierces personnes intéressées[32]

 

Le recours à l’expertise d’un mandataire au cours des différentes procédures est possible.

 

Les conditions d’ouverture de la sauvegarde sont similaires.

 

 

Le plan de sauvegarde doit requérir l’accord de l’ensemble des créanciers.

Aux Etats-Unis :

 

Lorsque l’ouverture de la procédure s’est faite à l’initiative du tiers, le dirigeant peut en demander la conversion.

 

Le créancier doit avoir déclaré sa créance.

 

Le remboursement des créanciers se fait dans l’égalité de traitement entre tous les groupes de créanciers.

 

Il existe une suspension des poursuites individuelles à l’encontre du débiteur à l’ouverture de la procédure[33].

 

Dans le cas de la liquidation judiciaire, le dirigeant cède sa fonction au trustee[34]ou au syndic.

 

Le débiteur peut avoir le choix de se passer des contrats pesants lors d’une procédure de redressement.

 

Le plan de redressement peut être imposé par le Tribunal aux créanciers récalcitrants.

Source: Adaptation personnelle

 

On peut conclure que le droit américain de la faillite est plutôt souple et la plupart du temps efficace. Reste à savoir s’il peut en être de même pour la législation de certains pays émergents tels que le Maroc.

2.      Comparaison entre la France et le Maroc:

 

Le droit marocain lui s’inspire du droit français. En ce sens, on distingue cinq procédures auxquelles les dirigeants d’entreprise peuvent avoir recours. Il s’agit effectivement du mandat ad hoc, de la conciliation, de la sauvegarde, du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire. Des procédures récentes qui ont l’air de porter ses fruits. En ce sens, nous pouvons établir la comparaison suivante :

 

 

 

Tableau 14: Comparaison entre les législations de la France et du Maroc

  Ressemblances Différences
Priorité La loi sur les entreprises en difficultés vise à promouvoir le redressement des entreprises en difficultés et le maintien de l’emploi.  
Répartition entre les différentes procédures On note une augmentation du recours aux différentes procédures collectives. Au Maroc, la majorité des entreprises passent devant le Tribunal seulement lorsqu’elles sont en état de cessation de paiement.
Sanctions à l’égard des dirigeants Les sanctions se montrent de plus en plus sévères afin de s’assurer de la non répercussion des risques sur les créanciers. Elles peuvent être pénales ou patrimoniales.  
Déroulement des procédures L’ouverture d’une procédure se fait à la demande du dirigeant ou des tierces personnes intéressées[35]

 

Le recours à l’expertise d’un mandataire au cours des différentes procédures est possible.

 

Les conditions d’ouverture et le fonctionnement des procédures préventives sont similaires.

 

Au Maroc :

Le contrôleur qui représente la masse des créanciers n’a pas accès aux informations financières de l’entité et ne peut participer au plan de redressement

 

L’adoption du plan de redressement requière l’accord du syndic et du Tribunal et non pas ou très peu, celui des créanciers. En effet, le juge désigne un syndic qui dispose d’une durée de 4 mois renouvelable une fois pour déterminer le sort de l’entreprise. Ainsi, il peut proposer soit un plan de redressement pour la continuité de l’exploitation, soit la cession à un repreneur, soit la liquidation judiciaire, avec un plan de règlement des créanciers.

 

Les procédures de redressement des entreprises s’avèrent longues et fastidieuses.

 

Il n’existe pas de cadre règlementaire régissant le syndic.

 

Les textes marocains ne prévoient pas de définitions claires de la situation de cessation de paiement.

Source: Adaptation personnelle

 

Force est de constater que chaque pays possède des procédures spécifiques quant au traitement des entreprises en difficultés. Serait-ce parce que le contexte politico-juridico-économique diffère en fonction des pays. En ce qui concerne la France, en comparaison aux procédures employées par les pays étudiés ci-dessus, possède aussi bien des avantages que des inconvénients. Il s’agit donc d’une part de mettre en lumière les avantages pour pouvoir les maintenir ou les renforcer et trouver d’autre part des solutions aux inconvénients qui découlent des comparaisons effectuées. Il s’agit en fait d’aborder ceux-là dans la dernière partie de notre ouvrage.

 

PARTIE III : PROPOSITIONS DE SOLUTIONS

 

Cette dernière partie constitue l’étape la plus importante de notre étude, en ce sens qu’elle permet de juger de l’efficacité des processus et des lois qui régissent les entreprises en difficultés en France. Ce jugement puise sa source des différentes comparaisons établies entre la législation de la France et celle des pays membres et non membres de l’Union Européenne. Il vise en effet, à améliorer les procédures existantes en France, sachant que les procédures en cours à l’heure actuelle sont basées sur la loi du 02 janvier 2014 sur la simplification de la vie des entreprises.

Par rapport à cela, il convient donc de dresser le plan suivant :

  • Il y a lieu de mettre en relief dans un premier chapitre, le bilan des différentes comparaisons effectuées dans la seconde partie de notre ouvrage.
  • Il apparaît opportun d’expliciter dans un second et dernier chapitre, les recommandations quant à l’amélioration des procédures existantes.

 

CHAPITRE 1 : LE BILAN DES DIFFERENTES COMPARAISONS

 

La France, au fil des années a connu bien des réformes, notamment en matière de procédures collectives. Ces améliorations lui ont permis de détenir des avantages par rapport à d’autres pays. Mais malgré cela, il existe toujours des efforts à faire pour que les entreprises françaises se portent en meilleur forme. En effet, le Journal « Le Monde » a publié dans son article du 16 avril 2014 que « Le nombre d’entreprises créées a augmenté au premier trimestre, alors que 17.000 sociétés ont déjà fait faillite depuis le début de l’année. Les entrepreneurs attendent du gouvernement des mesures fortes… ».. Ainsi, avant d’élaborer des recommandations à ce sujet, il s’agit d’énoncer les points forts des procédures d’un côté et les points faibles de l’autre.

 

Section 1: Les points forts des procédures

 

En ce qui concerne l’administrateur judiciaire, ce dernier ne dispose d’aucune mesure de contrainte sur le dirigeant. Son rôle se limite à la surveillance, l’assistance dans l’analyse de la situation, l’établissement du plan de redressement, l’établissement du passif, ainsi que la vente des actifs. En ce sens, malgré la situation d’insolvabilité, le dirigeant peut continuer à gérer son entreprise, contrairement à dans d’autres pays tels que l’Allemagne ou les Etats-Unis, où le dirigeant se voit céder temporairement la place au trustee ou à un administrateur désigné par le comité des créanciers. Toutefois, en France, l’administrateur peut disposer des informations financières au niveau de l’entreprise et sa situation est régie par un cadre règlementaire bien défini, ce qui n’est pas le cas pour l’administrateur judiciaire du Maroc.

En ce qui concerne le débiteur, les sanctions ne manquent pas quant à la mise en jeu de sa responsabilité en cas de faillite, et plus précisément lorsque ce dernier a commis une faute de gestion dans l’exercice de sa fonction, qui aurait pu engendrer la cessation de paiement. En fait, les sanctions qui incombent au dirigeant dans cette hypothèse, découlent de la loi du 12 mars 2012 ou la loi PETROPLUS. Elle consiste à appliquer des mesures conservatoires[36] sur le patrimoine du dirigeant en faute, et ce dès la procédure de redressement judiciaire. Cette loi s’étend également aux filiales des entreprises et permet au juge commissaire de mettre en vente les biens saisis afin d’allouer les résultats de cette vente aux besoins sociaux et environnementaux de l’entité. Aux Etats-Unis par contre, les sanctions sont moins sévères d’autant plus que le droit américain des faillites se range rarement du côté du créancier. Cependant, en France, la présentation du plan de sauvegarde ne requiert pas l’accord unanime des créanciers.

En ce qui concerne le créancier, ce dernier à l’avantage de pouvoir engager des poursuites judiciaires à l’encontre du débiteur qui n’a pas payé ses dettes après une mesure d’exécution. Mais le créancier doit préalablement prouver au Tribunal que ce débiteur n’a pas honoré ses engagements.

Quant aux procédures en général, il faut noter que la France est avantagée en termes d’accessibilité par rapport à l’Allemagne par exemple. En effet, en France, les Petites et Moyennes Entreprises, tout comme les Grandes Entreprises, bénéficient de procédures de sauvegardes. Il faut même noter que les mesures devraient jouer en leur faveur sachant qu’en cette année 2014, ce sont les micro-entreprises qui semblent les plus atteintes par la situation de défaillance, notamment financière. Par ailleurs, grâce à la pratique de la sauvegarde financière accélérée, qui s’inspire d’ailleurs du modèle américain, les procédures paraissent moins longues que dans d’autres pays comme le Maroc, avec une durée moyenne d’un an. Cependant, dans ce cas, comme il a été cité dans la seconde partie de notre ouvrage, les conditions d’ouverture de ce nouveau type de sauvegarde sont d’autant plus restreintes.

 

On peut remarquer que la législation française contient pas mal de points forts en termes de traitement des difficultés des entreprises. Mais toujours est-il que les points forts restent les points forts. Toutefois, les points faibles ne doivent pas rester des points faibles. Mais qu’en est-il des points faibles ?

 

Section 2: Les points faibles des procédures

 

D’abord, il convient de formuler que, malgré les différentes réformes qui se sont succédées, les procédures collectives dénotent encore un certain  déséquilibre de pouvoir entre le débiteur et le créancier. Autrement dit, les procédures protègent plus les intérêts des débiteurs que des créanciers, contrairement au Royaume-Uni et l’Allemagne.

Par exemple, en France, le créancier ne peut prendre l’initiative d’engager une procédure judiciaire, ni proposer un plan de sauvegarde ni redressement de l’entité au Tribunal de Commerce. Par contre au Royaume-Uni, comme il a été évoqué dans les analyses précédentes, non seulement l’administrateur doit agir dans l’intérêt des créanciers, mais encore faut-il que le créancier ait un droit de véto quant à la restructuration des actifs du débiteur. Ainsi, c’est probablement la raison pour laquelle la France affiche un taux de recouvrement inférieur, notamment en ce qui concerne les créances hypothécaires.

Par conséquent, la législation devrait envisager à éditer des lois qui protégeraient bien plus l’intérêt du créancier. D’une manière ou d’une autre, ce changement de la donne, qui consiste à rejeter toute idée de sauvetage des entreprises en difficultés, permettrait de promouvoir la politique d’octroi de crédit aux entreprises.

En outre, si les recours aux procédures collectives augmentent, comme dans tous les pays étudiés d’ailleurs, c’est que les mesures de prévention sont loin d’être efficaces et ne permet pas vraiment la sauvegarde de l’entreprise ou alors elles ne font pas l’objet de conditions attrayantes au regard des dirigeants d’entreprise. Quoiqu’il en soit, plus que les procédures préventives doivent être à tout prix encouragées, d’autant plus que plus tôt seront résolues les difficultés, mieux se portera l’entreprise.

Par ailleurs, hormis en France et au Maroc qui s’inspire d’ailleurs du droit français, le déroulement des procédures amiables comme collectives bénéficient de conditions d’ouverture et de procédés plus souples, notamment en termes de durée, de telle sorte qu’en Allemagne, il n’existe aucune distinction entre les procédures amiables et les procédures collectives. Dans le pays, il existe cinq procédures et la liquidation de l’entreprise peut aller jusqu’à deux années.

Enfin, la législation française prend en considération le régime des privilèges de l’Etat et des organismes sociaux. Cependant, le régime des privilèges généraux prioritaires emporte sur les privilèges des créanciers hypothécaires et tend à les fragiliser. D’ailleurs, c’est le code civil qui a institué ce régime et non le code de commerce.

 

En effet, le régime des privilèges en France se présente comme suit (par ordre de priorité) :

  • Les créances ayant servi durant la procédure de conciliation.
  • Le super privilège des salariés.
  • Les créances postérieures.
  • Le privilège général de l’Etat.
  • Les hypothèques.
  • Les créances chirographaires.

 

 

Bref, étant donné les points faibles constatés dans la législation française en ce qui concerne le traitement des difficultés des entreprises, force est de constater que les procédures utilisées sont encore loin d’être efficaces. Ainsi, il importe de prendre des mesures adéquates pour pallier à ces faiblesses. Tel est l’intérêt du second chapitre.

 

CHAPITRE 2: LES RECOMMANDATIONS QUANT A L’AMELIORATION DES PROCEDURES

 

L’utilité des réformes réside effectivement dans l’amélioration des procédures. Dans la plupart des cas, ce sont les procédures collectives qui font l’objet de changements. Mais de toute manière, le législateur doit toujours faire un arbitrage entre les rapports de force suivants :

  • créanciers / débiteurs ;
  • créanciers / actionnaires ;
  • banques / salariés ;
  • investisseurs / fournisseurs ;

Ainsi, pour notre part, il s’agit de mettre en lumière les rééquilibrages nécessaires à l’optimisation du traitement des difficultés des entreprises, aussi bien au niveau des procédures amiables que des procédures collectives.

 

Section 1: Les réformes au niveau des procédures préventives 

 

Selon le bilan dressé précédemment, il s’avère indispensable de faciliter la transparence des informations et le recours aux mesures préventives, c’est-à-dire au mandat ad hoc et à la procédure de conciliation. Pour ce faire, l’ordonnance du 12 mars 2012 met en exergue les points suivants :

  • Annulation des clauses contractuelles[37] qui vont à l’encontre de la réalisation des mesures préventives.
  • Invalidation des clauses contractuelles qui consistent à mettre à la charge du débiteur les rémunérations incombant au mandataire désigné par le créancier.
  • Octroi de délais de paiements au débiteur frappé de mise en demeure ou de poursuite judiciaire par les créanciers, ainsi qu’à ses garants.
  • Octroi d’un privilège de conciliation au créancier ayant apporté des fonds et biens supplémentaires au cours de ladite procédure.
  • Possibilité d’établissement d’un plan de cession au niveau du conciliateur, avec les accords respectifs du créancier et du débiteur.
  • Information du comité d’entreprise sur le contenu de l’accord de conciliation ou du mandat ad hoc en cas de volonté d’homologation, par le débiteur.

 

Par ailleurs, dès l’élaboration des procédures préventives, les administrateurs doivent faire preuve de compétences économiques et commerciales, tout en privilégiant le consensus et la diplomatie.

 

Telles sont les mesures ne que nous pouvons prendre pour encourager les dirigeants comme les créanciers à recourir aux mesures préventives avant qu’il ne soit trop tard. Mais le plus important consiste à optimiser les procédures collectives dans le but même de sauvegarder et de redresser efficacement l’entreprise. Bref, l’on doit toujours faire en sorte qu’elle ne soit pas contrainte de disparaître, sauf s’il s’agit de la volonté des parties à la négociation.

 

Section 2: Les réformes au niveau des procédures collectives

 

En ce qui concerne les procédures collectives, il s’agit de les rendre plus souples et plus efficaces :

En matière de procédure de sauvegarde, le comité des créanciers doit se voir attribuer l’initiative de déposer au Tribunal un plan de sauvegarde. Le Président du Tribunal choisira donc celui sera appliqué au niveau de l’entreprise si le chef d’entreprise en dépose également un.

Par ailleurs, dans le but de renforcer l’efficacité de cette procédure, l’ordonnance du 12 mars 2014 prévoit l’application d’une procédure de sauvegarde accélérée, qui est similaire à la procédure à la procédure de sauvegarde financière accélérée, à quelques exceptions près :

  • Le débiteur peut se trouver en cessation de paiements[38] durant la procédure de sauvegarde
  • Il doit avoir déjà établi avec l’accord du créancier, un plan de redressement ;
  • La durée de la procédure se limite à trois mois.

En outre, comme recommandations personnelles à ce sujet, il faut noter qu’afin de compenser l’existence des privilèges au niveau des créanciers, il serait judicieux d’établir les décisions finales en faveur des créanciers dont les droits sont en partie réduits. En effet, ils ne sont ni privilégiés ni lésés mais constitue une classe pivot.

Aussi, il convient de mettre en exergue dans cette procédure de sauvegarde, les intérêts des salariés, d’autant plus que la valeur découlant de l’exploitation des actifs de l’entreprise reflète sa valeur totale. Mais toujours est-il que pour optimiser cette valeur totale, encore faut-il faire un bon choix entre la continuité des activités et la liquidation de la société.

En matière de redressement judiciaire par contre, le créancier peut déposer un plan de redressement au Tribunal, même si ce dernier contrecarre les projets du dirigeant. De plus, le créancier peut également engager un mandataire qui puisse exiger la reconstitution des capitaux propres, conformément aux textes de lois.

Enfin, en ce qui concerne la liquidation, la récente ordonnance prévoit de réduire la liquidation simplifiée à une durée de six mois à un an, tout en simplifiant la procédure de liquidation normale. En outre, un débiteur qui est sur le point d’être en liquidation judiciaire, mais qui n’a recouru à aucune procédure collective ni engagé un employé au cours du dernier semestre, bénéficie d’une procédure de rétablissement professionnel, en foi de quoi, la clôture engendrera la suppression des dettes et des créances qui ont eu lieu avant l’ouverture de ladite procédure.

Et s’il existe une recommandation commune à toutes ces procédures collectives, il s’agit de la déclaration de créances. En effet, le débiteur  doit s’engager à déclarer au Tribunal le montant et la nature de chaque créance auquel il a affaire. Le créancier n’aura ensuite qu’à ratifier cette déclaration en question.

 

Telles sont donc les recommandations qu’il convient d’émettre afin d’optimiser les procédures de traitement des difficultés des entreprises. Ces recommandations concernent en fait tous les acteurs de la négociation. Toujours est-il que la prévention, comme, la sauvegarde, comme le redressement, comme la liquidation de l’entreprise sont autant d’évènements importants qu’il convient respectivement de maîtriser.

 

 

 

 

CONCLUSION

 

En résumé, les analyses documentaires ont permis de  noter que la notion de difficultés d’entreprises ne se limite pas seulement au niveau financier, mais elle regroupe des domaines bien plus vastes, jusqu’à atteindre le domaine social et juridique. En conséquence, il s’avère utile de prendre de mesures nécessaires, en fonction du degré et de la nature de ces difficultés. Des mesures qui concernent plus particulièrement le dirigeant d’entreprise d’autant plus que sa responsabilité personnelle peut se trouver engagée en cas de faillite de l’entreprise. Parmi ces mesures à prendre, il existe le choix du cadre juridique adéquat à la situation de l’entreprise. Un cadre juridique qu’il convient d’améliorer étant donné l’ampleur des défaillances d’entreprises constatées dernièrement. Pour ce faire, il y a eu lieu d’établir des comparaisons inter-pays afin de proposer d’éventuelles solutions qui visent le maintien des activités et de l’emploi, de façon à atteindre au moins les performances de notre voisin européen qui est l’Allemagne. Sachant que ces comparaisons ont permis de confirmer l’inefficacité des procédures de sauvegarde à l’endroit des entreprises, les recommandations qui s’y rapportent ont eu trait principalement à l’arbitrage de pouvoir entre le créancier et le débiteur, ainsi qu’à la mise en place de mesures visant à rendre les procédures plus simplifiées et plus attractives.

En réponse à la problématique, il convient d’énoncer que le meilleur moyen d’optimiser les processus et les lois de sauvegarde des entreprises en difficultés consiste à tirer partie des différences de procédures entre chaque pays afin de renforcer les points forts et de remédier aux faiblesses. Autrement dit, si chaque pays gère différemment la crise, les faiblesses des uns font les forces des autres. En ce sens, afin s’assurer la compétitivité des entreprises au niveau international, il faut s’inspirer des modèles qui ont fait leurs preuves durant ces dernières décennies.

Mais la limite de notre recherche réside dans le fait que chaque procédure doit être adaptée au contexte spécifique du pays. Comme quoi, les procédures qui s’avèrent efficaces dans un pays ne peuvent pas forcément l’être dans un autre. De plus, il est évident que le contexte juridique, économique et fiscal de la France ne favorise pas vraiment la bonne marche des affaires.

Par ailleurs, force est de constater que le droit des procédures collectives, qui était autrefois le droit de la faillite, est devenu un des critères de compétitivité des systèmes juridiques. De ce fait, les Etats doivent faire en sorte de rendre les règles et les procédures attractives pour que les acteurs soient encouragés à les appliquer.

En fait, l’idéal serait non plus de réformer les procédures collectives, comme nous l’avons toujours fait auparavant, mais de mettre en œuvre des mesures qui puissent propulser au premier rang le choix d’une procédure préventive. Après tout, l’adage dit que « mieux vaut prévenir que guérir ».

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE ET WEBOGRAPHIE

Les ouvrages généraux:

  • Académie des Sciences et Techniques Comptables et Financières, « Le management des entreprises en difficulté financière », cahier n°15, mars 2009, 105 pages.
  • Altares, « Analyse 1er trimestre 2014 : défaillances et sauvegardes d’entreprises en France », 22 pages.
  • Doing Business 2014, « Comprendre les règlementations pour les Petites et Moyennes Entreprises », 11ème édition, 44 pages.
  • Evelyne MANDESSI BELL, « Manuel pratique de gestion des entreprises en difficulté dans les pays de la zone OHADA », Collection Droit OHADA 2005, 12 pages.
  • A.Z.-Institut, «  Insolvabilité et restructuration en Allemagne », Annuaire 2014, 163 pages.
  • Jean TIROLE, « Les enjeux économiques du droit des entreprises en difficulté », octobre 2013, 23 pages.
  • Les documents de travail du sénat, série Législation Comparée, « La sauvegarde des entreprises en difficulté »  Juin 2014, 69 pages.
  • Nadine LEVRATTO, « Quels indicateurs d’efficacité économique du droit des faillites? Du classement de Doing Business à une analyse des procédures effectives », 27 pages.
  • Persis Lionel ESSONO ONDO, « L’attractivité des mesures de sauvegarde des entreprises en difficultés en Droits OHADA, français et marocain », Avril 2011, 14 pages.
  • Société d’avocats Taj, « Enquête exclusive : Le droit de l’insolvabilité dans les principaux pays européens », 14 pages.
  • USAID, « La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc », 34 pages.

Les textes juridiques :

  • LOI n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises
  • OCED, « La Réforme du droit des entreprises en difficulté », CCI-Paris Ile-de-France, janvier 2014, 28 pages.
  • Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
  • Projet de loi d’habilitation, « simplification et sécurisation de la vie des entreprises », 79 pages.

Les thèses et Mémoires:

  • Lynda HAROUZ, « Essai d’analyse de stratégie de redressement des entreprises en difficulté, cas de l’ENIEM », juin 2012, 244 pages.
  • Nahid LYAZAMI, « La prévention des difficultés des entreprises : étude comparative entre le droit français et le droit marocain », juin 2013, 554 pages.

Les sites web :

 

 

ANNEXE 1 : Répartition par région de l’évolution des défaillances 2014

ANNEXE 2 : Répartition par région de l’évolution de l’ouverture de sauvegarde 2014

[1] Selon une étude réalisée par Altares, au cours de l’année 2014. Les résultats ont, en effet, été publiés en avril 2014.

[2] Gresse Carole dans « Les entreprises en difficultés », Economica (2ème édition), Paris, 2003, p.09.

[3] Inférieur à cinq ans d’existence.

[4] La procédure de redressement judiciaire est  ouverte  lorsque  l’entreprise,  en dépôt  de  bilan,  accepte  de mettre  en œuvre un plan de redressement décidé par le tribunal qui vise à pallier ses difficultés.  Si  l’entreprise  ne  peut  pas  être redressée ou si le redressement échoue, l’entreprise  est  liquidée  (réalisation  de l’actif pour payer les créanciers).

[5] Selon l’article L.2323-78 du Code du travail, une procédure d’alerte peut être déclenchée dès que l’entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

[6] Ordre d’exécution par le Président du Tribunal de Commerce.

[7] Selon l’article L.611-2 du Code de commerce.

[8] Exemples : trésorerie, stocks, satisfaction de la clientèle.

[9] Elles consistent au traitement préventif des difficultés de l’entreprise par le mandat ad hoc et la procédure de conciliation.

[10] Elles consistent à sauvegarder, à redresser ou à liquider les sociétés en situation de défaillance financière.

[11] Il s’agit d’un terme utilisé jusqu’en 1967 pour désigner l’état du commerçant dont  la cessation des paiements était constatée par  le  tribunal  de  commerce. De nos jours, elle est analogue  à la notion de liquidation judiciaire.

[12] En qu’acteur de référence des services aux entreprises, Altares fournit à ses clients des solutions  pour stimuler leur croissance autour de deux axes majeurs: le développement commercial et la gestion du risque  financier en France, en Europe et à l’international. En effet, il établit depuis 2005 des statistiques sur les défaillances d’entreprises     en France, et les retards de paiement en Europe.

[13] Les procédures amiables et les procédures collectives.

[14] Ces vérifications consistent à confirmer que l’entreprise n’est pas en cessation de paiement.

[15] La plupart du temps, il s’agit d’un administrateur judiciaire.

[16] Ce dernier est également dans la majorité des cas, un administrateur judiciaire.

[17] Sauf pour le cas des Très Petites Entreprises

[18] 8 jours de réflexion pour les créanciers

[19] Etablissement de crédit, créanciers obligataires

[20] Assignation par les créanciers publics oui privés.

[21] RCS : Registre du Commerce et des Sociétés.

[22] BODACC : Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales.

[23] JAL : Journal d’Annonce Légal.

[24] Sur une durée maximale de 10 ans.

[25] La cession  totale de  l’activité engendre nécessairement  la liquidation  judiciaire de l’entité.

[26] La loi a aussi institué une procédure de liquidation judiciaire simplifiée dans les cas réunis suivants :

  • Il n’existe pas de biens immobiliers dans l’actif du débiteur
  • L’effectif des salariés a été inferieur à 5 au cours des six derniers mois
  • son chiffre d’affaires ne dépasse pas 750.000 Euros.

[27] Sur une durée maximale de 10 ans.

[28] Taj fait partie des premiers cabinets d’avocats français à entendre sa recherche sur le plan international. En effet, il compte actuellement près de 430 professionnels.

[29] En dehors de toute procédure judiciaire et sur décision des associés.

[30] Il se présente dans la mesure où le créancier qui bénéficie d’un privilège flottant n’est payé dans les délais. Mais aujourd’hui, cette procédure se réduit seulement aux transactions financières complexes.

[31] L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

[32] Par exemple, il peut s’agir des créanciers non payés.

[33] Les créanciers munis de sûretés peuvent toutefois demander à lever la suspension des poursuites. La suspension de poursuite est également levée en cas de clôture de la procédure ou de rejet de la faillite.

[34] Il s’agit d’un administrateur judiciaire qui occupe le rôle  gestionnaire de l’entité.

[35] Par exemple, il peut s’agir des créanciers non payés.

[36] Par exemple, on peut noter le gage, le nantissement ou l’hypothèque.

[37] On note par exemple le contrat de prêt bancaire.

[38] Elle a eu lieu 45 jours au plus avant la procédure de conciliation.

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