Dans quelles mesures la « coopétition » peut constituer une solution afin de contrer la concurrence face aux agences immobilières ?
AGENCES IMMOBILIERES ET COOPETITION : S’ALLIER A LA CONCURRENCE POUR LA DEFIER
Problématique: Dans quelles mesures la « coopétition » peut constituer une solution afin de contrer la concurrence face aux agences immobilières ?
1.1.1. Concept et définition de la coopétition. 6
1.1.2. La performance de la coopétition. 10
1.2. LE FONCTIONNEMENT DE LA COOPETITION AU SEIN
DES ENTREPRISES. 16
1.2.1. S’allier avec la concurrence : pour quelles raisons ?. 16
1.2.2. Les stratégies de coopération mises en œuvre par les entreprises. 18
1.2.3. Les risques de la coopétition. 21
2.1. METHODOLOGIE DE RECHERCHE ET CADRE EMPIRIQUE.. 23
2.2. L’UBERISATION DU MARCHE DE L’IMMOBILIER.. 25
2.2.1. Définition de l’ubérisation. 25
2.2.2. Vers une économie collaborative. 26
2.2.3. L’ubérisation de l’économie. 27
2.2.4. La mondialisation de la filière immobilière. 29
2.2.5. L’ubérisation du secteur de l’immobilier. 30
2.3. LA COOPETITION COMME MOYEN STRATEGIQUE POUR FAIRE
FACE A LA SITUATION INSTABLE DU MARCHE.. 31
2.3.1. Une stratégie innovante pour le secteur français de l’immobilier. 31
2.3.2. Les facteurs décisifs de la coopétition. 33
2.4. LA STRATEGIE DE COOPETITION EN PRATIQUE.. 36
2.5. RESULTATS DES RECHERCHES. 42
2.5.1. L’établissement du Fichier AMEPI pour braver les risques du marché. 42
2.5.2. La séparation de la compétition et de la coopération. 44
2.5.3. Le paradoxe de la stratégie de coopétition. 45
3.1. LES OBSTACLES RENCONTRES SUR LE TERRAIN.. 47
3.1.2. Les obstacles de la coopétition liés à la sphère professionnelle. 48
3.2. LES FACTEURS CLES DE REUSSITE DE LA COOPETITION POUR
LES AGENCES IMOBILIERES. 50
3.3. LES COROLLAIRES DE LA COOPETITION SUR LA PERFORMANCE
DES ENTREPRISES IMMOBILIERES. 51
3.4. LA PERSPECTIVE D’EVOLUTION DE LA COOPETITION EN FRANCE.. 53
Dans les années 1960, on assistait à la naissance d’un nouveau concept permettant de se faire une place sur le marché, il s’agit du management stratégique qui s’est, à l’époque, révélé être un paradigme de la concurrence. En perpétuelle compétition avec toutes les entreprises de son secteur d’activité, la firme devient une organisation isolée contrainte de se démarquer. Cette attitude la pousse à développer un avantage concurrentiel certain, tiré des ressources qu’elle a en sa disposition afin d’assurer sa compétitivité sur le marché, et ce, de manière durable (Porter, 1982).
La stratégie d’entreprise se présente alors comme le seul geyser d’avantage compétitif, et, corollairement, de création de valeur (Porter, 1980). La dominance du paradigme concurrentiel, en ce temps-là, peut être expliquée par l’approche commerciale des entreprises qui considère la compétition comme force motrice pour obtenir une part de marché (Walley, 2007, p. 11–31). Aussi, un environnement concurrentiel était perçu, à cette époque, comme profitable aux consommateurs, car il conduit les firmes à baisser les coûts de leurs produits et services. Il stimule également la créativité de ces dernières et favorise l’innovation. Par contre, la coopération était perçue comme une connivence qui atténue le jeu concurrentiel dans un secteur et qui, par conséquent, entraine la hausse des prix se présentant même comme une entrave à l’innovation.
Dans les années 1980, les relations évoluent et les entreprises sont de plus en plus nombreuses à signer des accords de coopération malgré leur rivalité (Dussauge, 1990, p. 5-16. ; Hamel et al. 1989, p. 133-139). Désormais, les firmes coopèrent sur certains points et rivalisent sur d’autres (Bengtsson et Kock, 1999, p. 178-190). Cet engouement résulte des changements drastiques de l’environnement économique international (Garrette, 1995, p. 245). Du fait, la vision classique des rapports concurrentiels est remise en cause non seulement au sein des entreprises, mais aussi dans les recherches académiques. Dorénavant, la coopération se présente comme une solution indispensable pour les firmes (Le Roy et Sanou, 2013).
Cette importance accordée à la coopération conduit Astley et son confrère Fombrun à élaborer un nouveau concept notamment celui des stratégies collectives (Astley et Fombrun, 1983, pp. 576-587). Ils s’inspirent de l’écologie humaine pour mettre en évidence la relation entre l’entreprise et son environnement ainsi que l’accommodation collective des organisations par rapport à l’environnement même (Yami, 2006, p. 91). D’après Astley et Fombrun, il n’est pas bénéfique pour les firmes de s’isoler et d’établir leurs stratégies de manière individuelle. Elles doivent plutôt se concerter afin de monter des stratégies collectives pour se faire une meilleure place sur le marché (Le Roy et Sanou, 2013) tout en le faisant évoluer. En formant un réseau, les entreprises joignent ensemble une partie de leurs activités en vue d’améliorer ou d’optimiser les résultats de cette activité commune, sans pour autant perdre leur singularité. Depuis 1980, cette approche collective est pratiquée dans quasiment tous les secteurs d’activités, à savoir : le domaine de la technologie comme l’alliance entre Sony et Samsung pour conquérir le marché du téléviseur LCD en 2003, le secteur de l’automobile comme le cas de l’alliance Renault — Nissan, le groupement des hôteliers dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, etc.
Le secteur immobilier, quant à elle, n’a pas cessé de croître depuis les trente glorieuses. La demande en matière de logement s’est accrue d’une manière phénoménale entrainant, par la même occasion, l’augmentation du nombre d’agents immobiliers. Ce qui a rendu la concurrence très rude, même à l’heure actuelle. Mais l’adoption de l’approche coopérative par les entreprises rivales du secteur de l’immobilier a été observée pour la première fois aux États-Unis, patrie de la libre concurrence. En observant le phénomène, certaines firmes nationales ont alors importé cette stratégie sur le territoire français. Les instances professionnelles ont, ensuite, encouragé la pratique et la massification de cette approche coopérative auprès des agences immobilières. La volonté indéfectible des entreprises de s’allier dans un environnement fortement concurrentiel a fait de la coopétition une stratégie profitable dans le cadre de ce secteur d’activité. Mais si la coopétition permet aux entreprises de développer leurs parts de marché grâce à leur alliance, « dans quelles mesures peut-elle constituer une solution pour contrer la concurrence face aux agences immobilières ? »
Pour répondre à cette question, nous allons aborder, au cours de ce mémoire de recherche, trois parties essentielles : premièrement, nous allons voir la revue de littérature sur la coopétition et son fonctionnement au sein des entreprises ; deuxièmement, nous verrons la coopétition dans les agences immobilières ; et dernièrement, nous exposerons les obstacles et les facteurs clés de réussite de la coopétition dans la filière immobilière.
Cette première partie sera consacrée à la revue de littérature sur la coopétition et son fonctionnement au sein des entreprises.
Dans ce premier chapitre, nous allons tout d’abord essayer de comprendre le concept de la coopétition et de voir les définitions que les chercheurs ont données au terme. Ensuite, nous allons voir la performance de la coopétition.
- Concept et historique de la coopétition
Le mot de coopétition a été, à l’origine, inventé par les dirigeants d’entreprise pour traduire le contexte dans lequel ils se trouvaient, stratégiquement parlant (Chiambaretto, 2011, pp. 95–104). L’apparition de cette stratégie au sein des entreprises remonte à plus d’un siècle. Sa mise en pratique date de la fin des années 1890, notamment dans le secteur de l’immobilier avec les premiers Multiple-Listing Service initiés aux États-Unis. Ce stratagème, toujours pratiqué à l’heure actuelle, consiste à partager les mandats de vente entre les agents immobiliers qui, pourtant, sont en situation de concurrence, en établissant des fichiers communs. Au début des années 1900, le terme est populaire dans le domaine de la production et commercialisation d’huître aux États-Unis pour exprimer les relations que doivent établir les distributeurs entre eux (Cherington, 1913). D’ailleurs, le mot « coopétition » se fût, pour la première fois, entendre dans ce secteur. Le mot est, après, employé dans le journal du LA. Times en 1937 dans un article de R. Hunt (Hunt, 1937, pp. 4-9), cependant, il n’a pas fait l’objet d’une attention particulière de la part des lecteurs lors de sa publication (Czakon et al., 2014, pp. 122–150).
Le mot fut délaissé jusqu’à ce que, dans les années 1980, le chef de l’entreprise Novell[1], Ray Noorda, le réutilise (Fischer, 1992) pour désigner le partenariat qu’il a conclu avec les entreprises rivales afin d’établir des standards consensuels (Granata et Marquès, 2014). Ainsi, Ray Noorda est considéré comme la première personne à avoir employé le terme « coopétition », même si le mot a été créé bien avant son époque.
Mais l’introduction du concept de coopétition n’a été connu des chercheurs (Stein, 2010, pp. 256-265) et du grand public qu’en 1996, grâce à l’ouvrage best-seller des deux économistes Brandenburger et Nalebuff[2], intitulé « Co-opetition » (Brandenburger et Nalebuff, 1996). Ces auteurs expliquent, dans leur livre, la façon dont la coopération va concourir à la création de valeur dans le cadre de la stratégie de coopétition ainsi que la manière dont la compétition va contribuer à son appropriation. Ils soutiennent également le point de vue selon lequel les organisations ne devraient pas s’isoler et opérer individuellement. Les entreprises doivent admettre qu’elles sont interdépendantes et doivent agir collectivement sur le marché. Il s’agit d’établir des relations « gagnant-gagnant » et de laisser tomber les comportements désuets les mettant en situation de « gagnant-perdant » ou bien « perdant-gagnant » dans le cas où l’organisation n’aurait pas la possibilité de jouir de la valeur créée. Hamel et ses condisciples voient, cependant, des problèmes pouvant être causés par ces relations de partenariat entre entreprises concurrentes (Hamel et al., 1989, pp. 133-139). Pour mettre en exergue les interactions entre une société et ses partenaires, Brandenburger et Nalebuff représentent à l’aide d’un schéma, un système de valeur qui remplacent la notion de concurrence par la « complémentarité ». Ainsi, les sociétés concurrentes sont considérées comme des complémentaires qui proposent des produits ou des prestations complétant ceux de l’entreprise et avec laquelle elles ont établi une relation de coopération, construisant, de cette manière, une valeur ajoutée pour le consommateur (Yami et Le Roy, 2010, p. 263).
Schéma du système de valeur de Brandenburger et Nalebuff
Clients
Concurrents Entreprise Complémentaires
Fournisseurs |
- Définitions de la coopétition
C’est Dowling et ses confrères-collaborateurs qui ont donné une première définition au terme « coopétition » en 1996 (Dowling et al., 1996, pp. 155–167). Mais la plupart des chercheurs ne considèrent pas la publication de ces auteurs comme l’œuvre fondateur du concept malgré le fait qu’il ait été imprimé avant le livre de Lado et ses camarades (Lado et al., 1997, pp. 110-141). Dowling et ses collaborateurs analysent les situations passées qui ont favorisé la prise de conscience des acteurs pour l’adoption de la coopétition comme stratégie en recourant à la méthode par les ressources ou Resource-Based View et la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975, pp. 26-30). Ils aboutissent des résultats qui illustrent les conditions des environnements internes et externes de l’entreprise. Ainsi, ils sont arrivés à cette définition :
« La coopétition est une relation multiforme lorsqu’un fournisseur, un client et/ou un partenaire sont aussi des concurrents (Dowling et al., 1996, p. 155) ».
Cette définition donnée par Dowling et ses camarades considèrent la coopétition de deux manières : la première prend un sens vertical où l’entreprise coopère avec ses fournisseurs et ses clients, et la seconde prend un sens horizontal où elle collabore avec des entreprises concurrentes. Toutefois, cette définition est lacunaire, car elle ne connote pas la concomitance entre la coopération et la compétition des entreprises, isolant, de la sorte, la coopétition des partenariats stratégiques.
La première définition conforme et claire du terme coopétition a été apportée par Bengtsson et Kock. Selon eux, la coopétition est « relation dyadique et paradoxale qui émerge quand deux entreprises coopèrent dans quelques activités, et sont en même temps en compétition l’une avec l’autre sur d’autres activités » (Bengtsson et Kock, 2000, p. 412). Cette définition dépeint les spécificités de la coopétition : la concomitance des situations de coopération et de compétition entre les firmes et aussi la contradiction qui résident dans ces relations, la distinction de ces activités dans le sens qu’elles soient coopératives ou compétitives et enfin, la complémentarité des deux démarches dans le cadre de la coopétition.
En 2002, Dagnino et Padula donnent une nouvelle définition de la coopétition suite à l’examen de celle donnée par Bengtsson et Kock. Les deux auteurs voit en ce terme des relations qui mettent en scène de nombreux acteurs et non seulement deux comme le suggèrent la définition précédente. Voici donc ce qu’est la coopétition selon Dagnino et Padula : c’est un « système de congruence relative des intérêts et des objectifs de firmes interdépendantes (Dagnino et Padula, 2002, p. 3) ». D’ailleurs, la considération des intérêts et des objectifs des entreprises dans ces relations donne une vision plus étendue de la compétition et corollairement de la coopétition.
Gnyawali et ses confrères proposent aussi une définition du terme en mettant en exergue deux niveaux distincts d’interaction dans le processus, à savoir : l’individuel et l’organisationnel. Ainsi, ils décrivent la coopétition comme « la coopération et la concurrence simultanées entre différents acteurs individuels ou organisationnels (Gnyawali et al., 2008, p. 386) ». En 2011, ils donnent une nouvelle précision (Fernandez et al., 2014, pp. 222-235) sur le terme et y intègrent un aspect dyadique en se basant sur l’analyse du cas de Sony et de Samsung. Dans ces conditions, la coopétition est définie comme « une poursuite simultanée de la collaboration et de la compétition entre une paire de firmes (Gnyawali et Park, 2011, p. 51) ».
En 2014, Bengtsson et Kock établissent un bilan qui résume les vingt dernières années de recherche sur la coopétition et aboutissent la définition ci-après : « la coopétition est une relation paradoxale entre deux ou plusieurs acteurs simultanément engagés dans des interactions coopératives et compétitives, que leur relation soit verticale ou horizontale (Bengtsson et Kock, 2014, pp. 180-188) ». Cette dimension de la coopétition est vraisemblablement la plus complète puisqu’elle réunit toutes les spécificités du terme : le paradoxe dans la relation de coopétition, la concomitance entre la coopération et la compétition et enfin, la prise en compte des relations horizontales et verticales entre les firmes.
Pellegrin-Boucher et ses condisciples adoptent une vision plus approfondie de la coopétition verticale et intègrent des réflexions sur le marché, l’activité et le produit de l’entreprise. Selon eux, la coopétition verticale est la « situation dans laquelle deux firmes concurrentes sont engagées dans une relation fournisseur-client pour une activité donnée, un marché ou un produit » (Pellegrin-Boucher et al., 2013, pp. 71-89).
Mira apporte également sa contribution à la définition de la coopétition prenant en compte les qualités essentielles du terme et en limitant son aspect compétitif à des relations strictement horizontales. Ainsi, il décrit la coopétition comme « une relation paradoxale entre deux ou plusieurs acteurs simultanément engagés dans des interactions compétitives horizontales et des interactions coopératives horizontales ou verticales » (Mira, 2016).
D’après Chiambaretto, la définition du terme a connu plusieurs modelages selon les faits et circonstances éprouvés par les acteurs d’une part et leur observation par les chercheurs, d’autre part (Chiambaretto, 2011, pp. 95–104). Cependant, chaque définition donnée par les auteurs ne dénigre pas celle fournie antérieurement, elles viennent plutôt les compléter.
Pour des auteurs comme Bengtsson et Kock, Lado et ses confrères, Brandenburger et Nalebuff, la coopétition donne de meilleurs résultats à l’entreprise qu’une stratégie basée sur la simple coopération ou la stricte compétition.
Brandenburger et Nalebuff abordent la question de la performance de la coopétition dans leur livre best-seller du 1996 par la création d’un contexte Win-Win entre entreprises alliées. Ils insistent sur le fait qu’il est beaucoup plus profitable pour les firmes de réussir mutuellement que de se détruire et qu’en collaborant, leurs bénéfices seront supérieurs à ceux gagnés par la compétition.
En 1997, Lado et ses compagnons de travail élaborent un article qui traite la performance économique des entreprises par syncrétisme (Lado et al., 1997, pp. 110-141). À noter que ces auteurs n’ont pas utilisé le terme coopétition dans leur ouvrage bien que les conditions, qui y exposées, soient remarquablement similaires à ses caractéristiques. À la place, ils ont utilisé le mot « syncrétique ». Selon leur étude, cette approche hybride permet aux firmes de conjuguer leurs atouts coopératifs et concurrentiels pour acquérir une performance nettement supérieure à une stratégie conçue et mise en œuvre individuellement.
Bengtsson et son associé Kock décrivent, en 1999, la coopétition comme la stratégie la plus accomplie pour une entreprise en vue de combler son besoin de ressources extrinsèques et afin d’entretenir sa position prééminente sur un marché. Les auteurs laissent entendre que la coopétition crée pour la firme les conditions nécessaires pour l’atteinte des objectifs établis, à l’origine, par celle-ci, de manière précise. Cette conjoncture contribue à la performance de l’entreprise. En 2000, ils reprennent les points de vue de Lado et ses collaborateurs et présentent la coopétition comme la démarche la plus bénéfique pour les firmes permettant de profiter des avantages de la coopération et de la compétition en même temps et de manière efficace.
En principe, une société peut donc jouir synchroniquement des qualités de la coopération et celles de la compétition si elle adopte une stratégie de coopétition (Le Roy et Sanou, 2014, pp. 64-92 ; Le Roy et Fernandez, 2015, pp. 671-688). D’un côté, l’entreprise peut accéder à des moyens ou des technologies qui lui permettraient de conquérir de nouveaux marchés ou de mettre au point un nouveau produit et ce, grâce à la coopération, qui est un élément constitutif de la coopétition. Et d’un autre côté, la compétition, qui est elle aussi une partie constitutive de la coopétition, permet à l’entreprise d’être dynamique dans sa conquête du marché et de ne pas tomber dans la complaisance vis-à-vis de ses partenaires. La coopétition entretient donc la rivalité entre les sociétés ainsi que la créativité. Elle encourage les firmes à l’innovation (Quintana-Garcia et Benavides-Velasco, 2004, pp. 927-938), à l’amélioration des produits proposés (Raza-Ullah et al., 2014, pp. 189-198), à la création d’autres produits (Park et al., 2014, pp. 893–907), etc.
De nombreux recherches et travaux empiriques ont été menés pour apprécier l’impact de la coopétition sur la performance des entreprises. La grande majorité de ces travaux ont été conduits par des entreprises innovantes, leur objectif étant de prouver si la coopétition contribue à la performance de l’entreprise en matière d’innovation. De notre part, nous allons étudier les impacts de la coopétition sur la performance en amont et ses impacts en aval.
Compte tenu des recherches que nous avons effectuées, nous constatons qu’il existe de nombreuses études axées sur qui pourrait bien lier la coopétition dans le cadre de la recherche et développement et de la productivité des industries, à la performance.
Benavides-Velasco et son confrère Quintana-Garcia sont les premiers à analyser le lien entre la performance de l’entreprise en termes d’innovation et la coopétition. Dans leur article, ils définissent la performance d’innovation comme la disposition d’une entreprise à innover en matière de variété technologique et de mise au point de nouveaux produits. Leur étude s’est portée sur les petites et moyennes entreprises du secteur de la biotechnologie en comparant les dispositions de ces dernières d’après les approches relationnelles qu’elles ont adoptées : compétition, coopération, ou bien coopétition. Les résultats démontrent que les firmes qui ont opté pour la coopétition affichent une meilleure performance d’innovation que celles utilisant les deux autres approches.
Belderos et ses condisciples réalisent également les effets positifs de la coopétition en matière de recherche et développement, sur la performance d’innovation des entreprises. Leur recherche s’est portée notamment sur les partenaires avec qui la firme coopère. Les résultats ont révélé que la productivité de l’entreprise augmente lorsque celle-ci collabore avec des concurrents et fournisseurs et que l’objectif même de cette collaboration est tourné vers l’innovation incrémentale, c’est-à-dire, vers l’amélioration de produits existants. Par contre, si l’entreprise vise l’innovation radicale, autrement dit, le développement de nouveaux produits, il est capital pour elle de travailler avec des concurrents et/ou des universités (Belderbos et al., 2004, pp. 1477-1492).
Luo et ses camarades (Luo et al., 2007, pp. 73–83) constatent une interaction entre le rendement des capitaux propres de l’entreprise et la compacité des partenariats. Dans leur article, ils exposent les effets que pourrait avoir la coopétition sur la performance des industries du point de vue financier. Il en résulte que l’entreprise réalise une performance financière remarquable quand elle coopère avec ses concurrents sans chercher à les ruiner pour renfoncer ces avantages et réduire ses faiblesses.
Gnyawali et Park mettent en évidence dans leur étude sur l’impact de la coopétition sur la performance d’innovation, les gains et les coûts engendrés par le choix d’une stratégie de coopétition au sein des petites et moyennes entreprises (Gnyawali et Park, 2009, pp. 308-330). Selon l’étude, les petites et moyennes entreprises peuvent, sans différer, jouir des avantages de la coopétition par effet de levier en usant des moyens et des compétences de ses alliés-rivaux. Les avantages sont considérés comme des impacts positifs, ce qui connote de manière tacite la performance. Les firmes diminuent les incertitudes et les aléas liés aux coûts de recherche et développement lorsqu’elles se répartissent les coûts. Ce qui leur donne la capacité de mettre au point rapidement de nouveaux produits.
Dans leur ouvrage paru en 2011, Gnyawali et Park, suite à l’observation et l’analyse des relations entre Samsung et Sony, indiquent que les entreprises concurrentes, mais qui coopèrent créent de la valeur et ensuite se l’attribuent (Gnyawali et Park, 2011, pp. 650-663). Cette situation impacte le marché : en effet, on assiste à une mutation de la structure concurrentielle du marché des téléviseurs, grâce à d’importants progrès technologiques qui ont permis de créer des produits plus performants et, par la même occasion, de réduire le prix de vente aux consommateurs. Il est, d’ailleurs, courant de présenter cette stratégie de coopétition en matière de recherche et développement entre ces deux géants, comme un exemple type des effets positifs de la coopétition sur la performance.
Peng et ses confrères se penchent sur le cas des grandes surfaces taiwanais pour étudier la performance de la coopétition (Peng et al., 2012, pp. 532–560). Il en résulte que cette stratégie accroit la performance de deux manières : soit en accroissant l’efficacité outre ce qui aurait été concevable en recourant à une autre stratégie, soit en atteignant cette prouesse plus précocement par rapport au planning.
Cependant, la coopétition n’est pas performante en toute situation, certaines études présentent, en effet, un impact neutre en termes d’innovation (Knudsen, 2007, pp. 117–138). Il existe même des résultats où la coopétition engendre des conséquences négatives en termes de performance pour les entreprises partenaires (Kim et Parkhe, 2009, pp. 363–376).
En regard des résultats en partie modérés, de nombreuses recherches ont entrepris de déboucher sur des résultats plus fouillés et plus exacts afin d’apprécier l’impact de la coopétition sur la performance en introduisant des paramètres régulateurs dans leurs modèles. Dans ce sens, une analyse menée par Ritala démontre que la coopétition favorise l’innovation au sein des entreprises, mais aussi elle contribue grandement à la performance de ces dernières sur le marché (Ritala, 2012, pp. 307-324). D’ailleurs, la coopétition accroit la performance d’innovation des firmes grâce à des variables comme l’intensité de la concurrence, les risques du marché et l’effet de réseau.
Fredrich et son confère Bouncken ont également réalisé une étude auprès des entreprises œuvrant dans le domaine de la haute technologie et portant sur la performance de la coopétition en termes d’innovation. Ils ont abouti à ces conclusions : cette stratégie accroit, de manière considérable, la performance des entreprises alliées aussi bien en matière d’innovation radicale que d’innovation incrémentale (Bouncken et Fredrich, 2012, p. 128). Cependant, ce dernier type d’innovation ne peut être significatif que si le degré de loyauté et d’interdépendance entre les firmes sont élevés.
Les deux confrères, Hurmelinna-Laukkanen et Ritala décèlent aussi ces types d’innovation dans leurs travaux. Dans leur article, ils présentent la façon dont l’aptitude et la disposition des firmes à échanger entre elles affectent grandement l’innovation incrémentale et aussi la manière dont les aptitudes de ces dernières à s’approprier les savoirs et savoir-faire développé durant la coopétition, impactent l’innovation radicale.
En 2013, Le Roy et ses condisciples (Le Roy et al., 2013, pp. 81– 100) se sont penchés sur la question de la performance des entreprises en termes d’innovation et dans le cadre de la coopétition. Toutefois, ils ont introduit d’autres paramètres : ils ont fait un rapprochement entre la coopération des firmes rivales et la coopération des firmes qui ne sont pas concurrentes selon la nationalité de l’alliée. Il en résulte que la coopétition contribue bien à la performance des firmes en matière d’innovation radicale dans le cas où le partenaire rival est d’origine européenne ou américaine. En 2016, ils réalisent une autre étude faisant suite à la précédente et démontrent que cette stratégie affecte positivement la capacité d’innovation-produit des partenaires lorsqu’ils sont éloignés géographiquement (Le Roy et al., 2016, pp. 136-158).
Park et ses collaborateurs avancent une approche qui consiste à évaluer le seuil où la compétition contribue de façon positive à la performance d’innovation (Park et al., 2014, pp. 893–907). Selon leur étude, la performance des entreprises en matière d’innovation accroit proportionnellement avec le niveau de la compétition, cependant, cette performance déprécie lorsque la compétition atteint un certain point. Ainsi, la performance d’innovation des firmes arrive à son apogée quand les niveaux de compétition et de coopération ne franchissent pas un certain seuil.
En regard des études effectuées par les auteurs citées tout au long de cette section, nous constatons, d’une part, que les résultats présentant des effets positifs de cette stratégie en amont sur la performance des entreprises en termes d’innovation sont différents les uns des autres. Certains chercheurs aboutissent des résultats atténués, voire laxistes. Pour obtenir des informations plus pointues, les auteurs ont introduit des paramètres modérateurs dans leurs modèles. Alors, on a pu avoir des résultats pertinents et beaucoup plus précis grâce à leurs méthodes de recherche qui incluent, par exemple, l’intensité de la concurrence dans la coopétition ou encore la séparation de la performance en termes d’innovation incrémentale et d’innovation radicale.
Les recherches sur l’impact en aval de la coopétition sont bien plus légères que celui en amont de cette stratégie.
Brandenburger et Nalebuff indiquent, dans leur article avant-gardiste concernant la coopétition, que la finalité suprême de cette stratégie est la création d’une valeur supérieure au profit du consommateur final. Pour illustrer cette situation, ils ont analysé les cas des antiquaires de Bruxelles[3], des marchands de livres anciens qui habitent la capitale du Royaumi-Uni (Londres), les vendeurs de diamants de Manhattan situé notamment entre la Première avenue et la Douzième avenue, les galeries d’art du quartier de SoHo (Manhattan), et les salles de cinéma de Los Angeles. Dans une optique strictement concurrentielle, ces entreprises devaient s’établir dans des zones éloignées les unes des autres pour pouvoir conquérir chacun, de leur côté, un marché local. Néanmoins, cet éloignement de localité ne permet pas aux clients de confronter les prix proposés par chacune d’elles, ce qui atténue la concurrence du point de vue tarifaire. Lorsque les entreprises sont concentrées dans une zone limitée, il est facile pour le client de faire une comparaison des prix et de la qualité des produits proposés. De la sorte, la concurrence entre les firmes devient plus intense sur les plans tarifaire et qualitatif des produits. Dans ces conditions le client accède à des produits de qualités proposés à des prix avantageux et également d’une offre centralisée.
On peut également appliquer ce concept de valeur créée au profit du consommateur final sur la stratégie de coopétition en amont. En effet, en collaborant dans la phase de recherche et développement, les entreprises partenaires pourront concevoir et mettre au point de nouveaux produits de meilleure qualité et commercialisés à des prix raisonnables. Ces produits qu’ils n’auraient pas pu développer individuellement (Fernandez et al., 2014, pp. 222-235).
Il est à noter qu’à la différence de la coopétition en amont, celle établie en aval ne modifie pas les spécificités techniques du produit qui fait l’objet de coopétition. C’est l’approche commerciale et la présentation du produit auprès du consommateur final qui démêleront les entreprises partenaires des autres. Par voie de conséquence, l’évaluation de l’impact en amont de la coopétition sur la performance de l’entreprise devrait être axée sur des éléments qui mesurent l’efficacité des outils marketing ou carrément la performance en matière de vente.
Dans ce second chapitre de la première partie, nous aborderons trois points essentiels : premièrement, les raisons qui poussent les entreprises à s’allier avec leurs concurrents ; deuxièmement, la mise en œuvre des stratégies de coopération par les entreprises ; et dernièrement, les risques de la coopétition.
Il est évident que le fonctionnement des petites entreprises est très différent des entreprises de taille, elles ne sont pas des versions miniatures de ces dernières. Leur petite taille est leur principal blocage et cela se manifeste par l’insuffisance de ressources, le manque de compétences techniques contraintes ou encore le manque de temps (Welsh et White, 1981, pp. 18–32).
La contrainte la plus apparente est le manque de ressources. Mais contrairement aux firmes d’envergure qui sont confrontées à des problèmes d’ordre conjoncturel, les sociétés de petite taille font face à de l’insuffisance de moyens structurelle (Puthod, 1998, pp. 95–104 ; Jaouen, 2006, pp. 111-136 ; Das et He, 2006, pp. 114-143). La majorité des recherches sont, d’ailleurs, focalisées sur cette particularité (Gueguen, 2009, pp. 16–22). Cette insuffisance de moyens résulte des situations particulières du marché. À l’évidence, les petites entreprises tendent à se concentrer dans des secteurs fortement atomisés où le nombre de concurrents est très important. En outre, elles ne se spécialisent, dans la plupart des cas, que sur un seul produit (Torrès, 1999). Généralement, la taille de l’entreprise est inversement proportionnelle avec cette insuffisance de ressources. Autrement dit, plus l’entreprise est petite, plus l’insuffisance est importante.
Cette limitation de ressources peut se manifester de différentes manières. Par exemple, l’entreprise peut être limitée financièrement : il est, en effet, difficile pour une petite entreprise d’obtenir du crédit auprès des établissements financiers et, de plus, elles disposent de réserves limitées de liquidité (Morris, et al., 2007). Cette limitation peut également concerner l’accès à des ressources humaines : les sociétés de petite taille ne peuvent pas se payer de la main d’œuvre disposant des compétences hautement qualifiées (Akdogan et Cingšz, 2012, pp. 252–258). Enfin, cette limitation de moyens peut être d’ordres techniques et technologiques : mises à part les entreprises du secteur de la technologie (haute technologie, biotechnologie, etc.), les petites structures ont difficilement la possibilité de profiter des avantages des nouvelles technologies ou à l’innovation.
Tous ces désavantages causés par le manque de moyens rendent les établissements de petite envergure vulnérables aux instabilités de l’environnement. Dans leur article, Morris et ses condisciples insistent sur cette susceptibilité face aux évolutions du marché parce que les nouveaux marchés sont difficilement accessibles aux petites entreprises et il en est de même pour les marchés grand budget. Par ailleurs, elles subissent tellement les incertitudes du marché que, selon Levy et confrères, elles ont de très faibles influences sur le maniement des prix (Levy et al., 2003, pp. 3–17).
Afin de compenser ces manques et faire face à ces aléas du marché qui vont nuire à leur prospérité, voire même mettre en cause leur survie, ces sociétés adoptent des stratégies basées sur les relations (Schermerhorn, 1980, pp. 48–54). Ce qui les amène à coopérer avec d’autres entreprises dans leur lutte pour la survie (Merrifield, 2007, pp. 10-14). D’après Puthod, les stratégies de coopération profitent beaucoup plus aux petites structures qu’aux grandes entreprises et elles contribuent grandement à la performance de celles-ci (Puthod, 1998, pp. 95–104.). La coopération leur permet de bénéficier des ressources externes qui leur font défaut (BarNir et Smith, 2002, pp. 219-232), d’acquérir les connaissances et les savoir-faire techniques nécessaires (Barthélemy et al., 2001, pp. 289-323), de les appuyer dans leur conquête de nouveaux marchés ou encore d’accéder promptement à l’innovation, et ce, à des coûts moins importants (Puthod et Thévenard-Puthod, 2006, pp. 181-204).
Ainsi, les petites entreprises vont pouvoir établir des relations selon qu’elles soient verticales et/ou horizontales. La coopération verticale se traduit par la signature de contrats avec les divers fournisseurs, les banques et les clients. Par contre, la coopération horizontale s’exprime par des accords de partenariat avec des concurrents. Il est important de préciser que l’issu de la coopération est influencé par la taille de l’entreprise en regard de ses coopétiteurs potentiels (Gomes-Casseres, 1997, pp. 33-44). En effet, s’allier avec des entreprises de même envergure qu’elle est plus bénéfique pour que de coopérer avec des grandes entreprises. Teng et son compagnon de travail, Das, estiment que le partenariat idéal est celui où les sociétés sont identiques en termes de taille, disposent d’un même niveau de rentabilité et possèdent peu près des parts de marché équivalentes. Toutefois, à cause de leur petite taille relative, de l’insuffisance de moyens et du manque de ressources financières, les petites structures ont tendance à s’allier avec des sociétés plus imposantes les engageant dans des relations asymétriques : elles voudront coopérer avec des moyennes ou grandes entreprises pour profiter d’économies d’échelle et mieux pénétrer leur marché et, corollairement, être à leur apothéose.
Néanmoins, il apparaît qu’aujourd’hui, les petites entreprises sont contraintes par la conjoncture économique de se rapprocher de leurs concurrents (Yami, 2008, pp. 143-156). Il est désormais vital pour ces dernières de rester à proximité de leurs partenaires en réduisant autant que possible les problèmes de coordination. Ce lien qui les rapproche peut être culturel : cela peut être une histoire qui lie ces alliées-concurrentes, ou des valeurs communes ou bien encore une similitude entre leurs styles de management. À noter que les divergences ou l’hétérogénéité culturelle entre les coopétiteurs peuvent nuire aux stratégies de coopération (Doz Y., (1988, pp. 317-338). Les coopétiteurs peuvent aussi être proches géographiquement : il sera plus facile pour les partenaires-concurrents d’interagir s’ils opèrent dans les mêmes zones et sont présents sur les mêmes marchés.
Les deux dernières décennies du XXe siècle ont été marquées par l’explosion des contrats de coopétition. Au cours de cette période, les entreprises de petite taille sont très nombreuses à collaborer (Peillon, 2005, pp. 103-128). Au tout début même de ce phénomène, Schermerhorn publie un article sur la collaboration inter-firmes de petite structure. Ces travaux sont focalisés sur quelques points fondamentaux, à savoir : les déterminants de la coopération entre petites entreprises, les spécificités et les coûts de cette collaboration.
Les auteurs comme Astley et Fombrum observent cette alliance des entreprises et commencent à élaborer un nouveau concept sur les stratégies collectives (Astley et Fombrun, 1983, pp. 576-587). Ensuite, Dollinger et son confrère Golden se penchent sur les particularités des approches collectives entre sociétés de petite taille. Leurs travaux ont démontré que ces types de stratégies sont davantage utilisés par petites entreprises dans les secteurs atomisés (Dollinger et Golden, 1992, pp. 695-715). Il en résulte que les environnements stables sont des facteurs favorables aux comportements collaboratifs et contribuent à la performance des entreprises, tandis que les environnements disparates et délicats sont défavorables aux approches collectives. Dans son article de 2003, Yami traite les obstacles et les problèmes rencontrés par les petites firmes qui adoptent la stratégie collective. Il constate que c’est la capacité cognitive des dirigeants-propriétaires qui obstrue cette stratégie au sein des petites entreprises. En effet, ces dirigeants ont, dans la plupart des cas, du mal à s’adapter à l’environnement dans lequel leurs sociétés vont devoir évoluer.
Vers la fin du XXe siècle et au début du XXIe, on ne parle plus de stratégies collectives, mais d’une autre forme de coopération : les alliances stratégiques. Gomes-Casseres s’intéresse au sujet et son fonctionnement dans les sociétés, il étudie alors le phénomène en axant les analyses sur les tailles relatives de ces dernières. Il en résulte que les petites firmes s’allient avec des concurrents relativement plus grands qu’elles pour profiter d’économies d’échelle (Gomes-Casseres, 1997, pp. 33-44). Par contre, les firmes qui sont relativement plus imposantes que leurs concurrents ont tendance à éviter les partenariats.
BarNir et son confrère Smith concentrent leur recherche sur l’impact des réseaux sociaux dans le cadre d’une alliance stratégique. D’après leurs études, le réseau social des managers influe sur le niveau d’implication d’une entreprise dans une alliance (BarNir et Smith, 2002, pp. 219-232). Aussi, le nombre de partenariats entre les entreprises accroit avec les spécificités du réseau comme leur disposition à tisser des relations au sein d’un réseau, leur degré d’interaction et l’image et la notoriété du réseau dans lequel elles évoluent. Après une étude des cas des très petites entreprises, Jaouen aboutit à des résultats selon lesquels les alliances stratégiques peuvent être axées, soit sur la conception, la production et la commercialisation d’un produit, soit sur le métier même (Jaouen, 2006, pp. 111-136). De plus, dans ce genre de partenariat entre très petites entreprises, il n’y pas de formalités, ni d’accords signés et la logique d’entraide prévaut entre alliées. Quant à Nakos et ses condisciples, ils ont établi des comparaisons sur l’impact des partenariats stratégiques entre firmes de petite taille en situation de concurrence et celles qui sont non-concurrentes : l’idée est de comparer leur performance dans le domaine de l’export notamment leurs chiffres d’affaires, leurs parts de marchés, leurs rentabilités et retour sur investissement (Nakos et al., 2013, pp. 167–182). Il en découle que les partenariats entre firmes non concurrentes sont fructueux tandis que les partenariats entre sociétés rivales sont improductifs. En outre, dans les partenariats entre non-concurrents, l’orientation entrepreneuriale impulse la performance des entreprises alors qu’elle diminue seulement l’impact négatif dans le cadre des partenariats entre entreprises rivales.
Peillon concentre ses recherches sur la gouvernance des groupements de petites et moyennes entreprises. Les groupements s’apparentent à un réseau d’entreprises qui collabore pour réaliser un projet commun. L’auteur distingue deux sortes de groupements, à savoir : les « groupements de similitudes » et les « groupements complémentaires » (Peillon, 2005, pp. 103-128). Il désigne par groupement de similitudes, un réseau d’entreprises qui réalisent des activités homogènes et qui travaillent ensemble en vue de réduire leurs coûts et aussi pour atteindre une taille bien plus importante que leur envergure actuelle. Ces firmes sont pilotées sur la base de contrats exhaustifs et intégraux. Les groupements complémentaires concernent la mise en commun des actifs des firmes alliées dans l’objectif de produire ensemble de nouvelles ressources. Ce type d’alliance est établi sur la confiance entre partenaires, appuyée par des contrats fragmentaires. Thévenard-Puthod et son associé Puthod ont réalisé des travaux sur les risques relationnels que pourraient engendrer les groupements complémentaires de petites entreprises qui mettent en commun leurs ressources et savoir-faire. Selon eux, les attitudes opportunistes des firmes concurrentes, mais alliées impacter négativement leur alliance.
La coopération entre petites entreprises rivales est très différente selon qu’elle est opérée à travers une stratégie collective, un partenariat stratégique ou un groupement d’entreprises. Les spécificités de ces types de coopération ont été mises en exergue par les différentes études réalisées par les auteurs que nous avons mentionnés dans notre recherche. Les facteurs de l’émergence de la coopération entre entreprises rivales sont essentiellement dus à une insuffisance structurelle de ressources à disposition, aux analogies et aux complémentarités entre sociétés rivales et à la dominance du propriétaire-dirigeant dans le cadre de la coopération. Nous avons également évoqué les principaux facteurs de succès et les obstacles de ces types de stratégie pour qu’ils contribuent à la performance de l’entreprise.
Toutefois, nous avons vu par ces analyses que ces formes de coopération présentaient des risques qu’on peut éviter grâce à un style de management spécifique. Il est de fait que la coopération entre firmes rivales puisse occasionner des coûts d’investissements en termes de ressources qu’elles soient temporelles, financières ou matérielles. Selon Schermerhorn, ces coûts peuvent entrainer une perte d’atout concurrentiel aux entreprises, ils peuvent également provoquer des problèmes d’ordre légaux, la réalisation de bénéfices personnels est même incertaine et enfin, ils peuvent conduire les entreprises à l’isolation (Schermerhorn, 1980, pp. 48–54). Golden et Dollinger relèvent également une perte de données essentielles et Gomes-Casseres note une perte de contrôle du marché. Mais l’opportunisme des concurrents est le risque le plus important. Yami précise que l’individualisme des firmes dans une relation coopérative est un phénomène absurde étant donné qu’elles manquent de moyens, elles devraient plutôt montrer une certaine solidarité et un esprit collectif. Cependant, Peillon affirme que cette imprévisibilité du comportement de l’entreprise alliée ne peut être évitée (Peillon, 2005, pp. 103-128). Cette incertitude morale peut forger des attitudes individualistes des firmes alliées qui peuvent se manifester par l’utilisation des ressources communes à des fins privées, ou par l’accaparement indélicat de la valeur créée conjointement. Les incertitudes liées à l’opportunisme entrainent, ainsi, des risques d’insuccès de la coopération, autrement dit, les partenaires n’arrivent pas à atteindre les objectifs qu’ils ont fixés (Ring et Van de Ven, 1992, pp. 483-498).
Pour atténuer ces risques et optimiser les privilèges de la coopération, l’entreprise doit, avant tout, bien choisir ses partenaires selon leur notoriété (Hanna et Walsh, 2008, pp. 299-321). Cette notoriété peut s’affilier à l’image des salariés des entreprises partenaires, à l’expérience de celles-ci dans le management des stratégies relationnelles et des savoir-faire de leurs équipes dans le domaine et à la possession d’une technologie louable (Hagedoorn et al., 2006, pp. 39-53).
Il est de fait que les firmes qui adoptent des stratégies de coopétition sont confrontées à de multiples risques (Park et Russo, 1996, pp. 875-890 ; Pellegrin-Boucher et al., 2013, pp. 71-89 ; Fernandez et Chiambaretto, 2016, pp. 66–76). En général, ce sont les tensions provoquées par le paradoxe que constitue la coopétition qui sont la cause de ces risques. Nalebuff et Brandenburger signalent déjà, dans leur article sur la coopétition du 1996, les inconvénients des relations coopératives et à la fois compétitives des entreprises vu l’opposition de ces deux approches. La coopération permet aux entreprises de créer de la valeur pendant que la compétition se l’approprie. C’est cette conjoncture qui engendre des conflits dans les stratégies de coopétition. Les entreprises travaillent ensemble, elles créent des profits et après l’une d’entre elles accapare les bénéfices à titre personnel (Khanna et al., 1998, pp. 193-210 ; Czakon, 2010, pp. 58–73 ; Ritala et Tidström, 2014, pp. 498-515). En coopération, les entreprises travaillent pour optimaliser les gains mutuels (Bouncken et Fredrich, 2012, p. 128). En revanche, elles ne travaillent que pour optimaliser leurs propres gains lorsqu’il s’agit de compétition (Luo et al., 2006, pp. 67–80).
En théorie, deux firmes rivales devraient exploiter leurs ressources et savoir-faire pour leurs propres intérêts, elles ne sont pas censées les partager entre elles. Ce point est ce qui démarque les partenariats entre firmes rivales des partenariats entre firmes non rivales (Dussauge et al., 2000, pp. 99-126). La coopération et la compétition fonctionnent selon des logiques divergentes : chez les partenaires-rivaux, leurs relations sont basées sur le pouvoir et ceci peut déséquilibrer leur coopération (Hamel et al., 1989, pp. 133-139). Il est donc important pour les entreprises partenaires de savoir conjuguer concomitamment la méthode coopérative, qui favorise l’ouverture et l’interaction, avec la méthode compétitive, qui pousse à l’isolation et à l’individualisme.
Comme nous l’avons souvent évoqué, le comportement opportuniste est le principal risque qui affecte négativement les stratégies de coopétition (Quintana-Garcia et Benavides-Velasco, 2004, pp. 927-938). Das et Teng décrivent l’opportunisme comme « la recherche d’un gain pour soi-même au détriment des autres » (Das et Teng, 2004, p. 745). La coopétition devient inquiétante quand les gains personnels excèdent les gains mutuels (Yoshino et Rangan, 1995 ; Gulati et al., 2000, pp. 203–215). Il arrive que l’un des coopétiteurs exploite et mêle les moyens communs avec ses moyens et ses savoir-faire à son propre avantage. Il peut aussi être tenté de minorer son implication dans la coopétition afin de maximiser ses profits individuels.
Ainsi, une mauvaise attribution des ressources et l’opportunisme diminuent la performance de la coopétition et augmente son taux d’échec (Ritala, 2009, pp. 39–55). Il s’avère donc indispensable de savoir gérer la coopétition afin de manager correctement cette démarche relationnelle. Dans un article, Song et ses condisciples (Song et al., 2016, pp. 118-140) démontrent la manière dont le géant de la technologie, Samsung, est parvenu à dominer le marché des smartphones grâce à son habileté à gérer la coopétition.
Le défi principal dans la gestion de la coopétition est de manager les risques relatifs à un pareil partenariat pour pouvoir se protéger des incertitudes du comportement opportuniste du partenaire-rival. Les firmes confrontées à ce risque doivent observer de près les attitudes de leurs alliées.
L’objectif de cette deuxième partie est d’exposer le cadre empirique, la méthodologie et les résultats de notre recherche dans le cadre de la coopétition. Le premier chapitre de cette partie sera focalisé sur la méthodologie et le cadre empirique. Nous étudierons spécifiquement le cas des agences immobilières et expliquerons son enrôlement dans notre ouvrage. Le deuxième chapitre abordera la question de l’ubérisation du marché de l’immobilier. Le troisième chapitre présentera la coopétition comme moyen stratégique pour faire face à la situation instable du marché. Et le dernier chapitre sera consacré à la stratégie de coopétition en pratique.
- Cadre empirique
La Nomenclature d’Activités Française (NAF), regroupe dans le domaine d’activités immobilières toute activité : d’achat et de revente de biens immobiliers, de location et d’exploitation de biens immobiliers, de gestion de biens immobiliers pour le compte de tiers. Cette dernière activité inclut celle des agences immobilières qui nous intéresse le plus dans ce mémoire de recherche. En France, on compte plus de 47 200 sociétés œuvrant dans ce domaine en tant qu’agences immobilières ou administrateurs de biens immobiliers. 30 000 d’entre elles sont des agences immobilières. En une année, elles affichent en moyenne un chiffre d’affaires hors taxe d’environ 5 milliards d’euros (INSEE, 2011).
Le secteur des agences immobilières présente des caractéristiques adéquates pour appréhender la coopétition au sein des entreprises. Nous nous sommes focalisés sur les cas des petites et moyennes entreprises puisque quasiment 100 % des agences immobilières opérant sur le territoire français sont des entreprises de moyenne et petite taille.
En second lieu, la coopétition est historiquement liée au secteur de l’immobilier. On a vu à travers la première partie que les premières stratégies de coopétition ont été observées aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle avec la mise en place des Multiple Listing Service. Il s’agit des associations d’agences immobilières rivales qui collaborent en formant des réseaux et en mettant en commun des ressources pour que chacune puisse en profiter. Les cas de coopétition concernaient essentiellement les activités de ventes de biens immobiliers, les moyens partagés sont notamment des mandats de vente. Il faut attendre les années 1990 pour que la stratégie s’importe en France. Les stratégies de coopétition adoptées par une bonne partie des agences immobilières françaises sont inspirées des Multiple Listing Service américains. Il s’agit du fichier de l’« Association des Mandats Exclusifs des Professionnels de l’Immobilier » ou du Fichier AMEPI. Le Fichier AMEPI regroupe les organisations professionnelles à l’instar de FNAIM, SNPI et UNIS, et les plus grands réseaux marchands du secteur comme Avis, Century 21, Cimm, ERA, Guy Hoquet, Immo de France, l’Adresse, Laforêt, Orpi, et Solvimo. Plus de la moitié des agences immobilières françaises (18 000) pratique une activité de vente. On compte, actuellement, 3 000 agences, soit 17 % d’entre elles, qui ont intégré un Fichier AMEPI. Ce Fichier est réparti en de nombreuses associations locales regroupant des agences situées dans leurs zones respectives. On dénombre 180 associations locales éparpillées dans 83 départements de la France. Cela fait maintenant près de 30 ans que la coopétition est adoptée par les agences immobilières sur le territoire français. En France, elle est de plus en plus appréciée par les entreprises du secteur.
Par ailleurs, le cas de la coopétition dans les agences immobilières nous intéresse, car dans ce secteur, il existe de nombreuses approches pour vendre les biens. Ce qui est adapté pour étudier la performance de cette stratégie. En effet, il est possible de vendre les biens immobiliers en adoptant une stratégie purement compétitive lorsque l’entreprise qui dispose du mandat ne l’échange pas avec les autres entreprises du secteur. Il est également possible de vendre les produits en coopétition verticale, c’est-à-dire dans une relation client-fournisseur où une entreprise procure un mandat de vente à une entreprise rivale. Dans ce contexte, l’entreprise qui reçoit le mandat devient la seule légalement apte à le commercialiser.
Aussi, il est possible de commercialiser les biens immobiliers en coopétition horizontale, c’est-à-dire dans une situation où une entreprise fournit un mandat de vente à une autre tout en restant en concurrence avec cette dernière pour la commercialisation dudit mandat.
- Méthodologie
Afin de bien cerner le fonctionnement des stratégies de coopétition dans les entreprises immobilières, nous avons opté pour une méthode qualitative grâce à des études de cas fouillées. Nous avons pu constater via la revue de la littérature que les recherches effectuées dans le domaine sont encore incomplètes. En outre, la méthode qualitative est plus adaptée comparée à d’autres approches lorsqu’on a affaire à des interrogations dont la finalité est de savoir le « comment » et/ou le « pourquoi » d’un évènement ou d’une situation (Yin, 1981, pp.58–65 ; Yin, 1984).
Dans ce deuxième chapitre, nous parlerons de l’ubérisation du marché de l’immobilier. Mais avant tout, il nous faut définir ce qu’est l’ubérisation, ensuite, nous aborderons la mutation du modèle économique vers l’économie collaborative, puis, nous verrons l’ubérisation de l’économie, ensuite nous exposerons la mondialisation de la filière immobilière, et enfin, nous parlerons de l’ubérisation du secteur de l’immobilier.
Le premier homme à avoir officiellement évoqué l’ubérisation fut le Président-directeur général de Publicis, Maurice Lévy lorsqu’il a été interviewé par le Financial Times le 14 décembre 2014. D’après lui, « l’ubérisation, c’est la prise de conscience comme quoi notre métier a évolué et que la méthode habituelle a disparu ». Depuis, ce néologisme est utilisé par les médias, la sphère économique et même dans la vie quotidienne. Il nous incombe donc de nous accoutumer avec ce terme, car elle atteint la quasi-totalité des secteurs d’activité. Pour notre part, nous définissons l’ubérisation comme « la suppression des intermédiaires ou la disparition de plusieurs services. L’ubérisation est fondée sur trois principes : promptitude, qualité et prix. Ce néologisme est également associé à l’économie collaborative. Les principaux leviers de l’ubérisation la mondialisation, l’informatique, les nouvelles technologies et surtout internet. Sans eux, le phénomène n’aurait jamais connu un tel essor. Guy Rocher[4] évoque que « la mondialisation est un terme utilisé pour désigner l’expansion d’enjeux à travers le monde alors qu’avant ils étaient seulement réduits à l’échelle nationale, ou régionale ». Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, soutient que la mondialisation a rendu l’humanité interdépendante ». La mondialisation n’est pas un phénomène nouveau contrairement à l’ubérisation. Néanmoins, ce nouveau concept s’est parfaitement intégré à la mondialisation. Dans notre cas, nous allons étudier l’ubérisation du secteur de l’immobilier.
Dans un article sorti en juin 2013, Marquès et Bouzou[5] parlent de la transformation des habitudes dans le secteur de l’hôtellerie : « L’économie collaborative est fondée sur la location, l’échange, le crédit, le partage et la vente de biens d’occasion ». La mentalité des consommateurs a évolué, on vit désormais à une époque où le public préfère louer ou partager un bien immobilier que de l’acheter. Ce comportement est plus apparent en milieu urbain et il touche les domaines du transport, de l’immobilier, du crédit et des objets.
L’immobilier est un bien qui est à la fois considéré comme un produit de consommation, dans le contexte où on l’utilise, et un produit durable qui s’inscrit dans l’actif de celui qui le possède ». Dans l’économie collaborative, les utilisateurs sont, en fait, occupants de tout et possesseurs de rien. L’utilisation d’un bien prévaut sur sa possession. Près de la moitié de la population française estime qu’acquérir un logis pour les vacances est un achat futile[6].
Cela dit, les immeubles de bureaux seront toujours très demandés dans les 30 prochaines années. Les besoins des entreprises vont muter. On s’attend à des modifications des normes et démarches juridiques pour que ces immeubles innovants, connectés, et modulables puissent être mis en location dans des conditions raisonnables. Les baux de trois, six et neuf ans notamment ceux qui sont fermes semblent être trop longs et inappropriés pour les firmes qui n’arrivent pas à évaluer correctement leurs besoins en matière d’immobilier à moyen terme. En effet, une bonne startup qui se développe rapidement peut, à un moment donné, avoir besoin d’un bureau plus spacieux à louer. Dans ce cas-ci, deux solutions s’offrent à elle : déménager dans les plus brefs délais ou continuer ses activités dans l’immeuble. Dans ces conditions, si l’entreprise n’a pas un bail précaire, elle sera obligée de rester jusqu’à la fin du contrat pour ne pas subir des pénalisations. Les firmes de notre époque ont un besoin d’espace différent de celui d’hier. Par ailleurs, on utilise en Europe qu’un tiers de la capacité des parcs logistiques. La perspective de croissance dans la numérisation des immeubles et bâtiments de demain est donc élevée.
La technologie s’avère désormais plus indispensable pour de nombreux secteurs d’activité qu’un entrepôt de stockage. Le locateur se doit d’être ouvert et flexible en tenant compte de l’innovation ou de la fluctuation des volumes d’activité. Le contexte actuel tend vers la mutualisation et le partage d’immeubles avec des services externalisés et ubérisés. À titre d’exemple, BureauFlexible.fr est une agence ou plutôt une plateforme qui met en relation des entreprises proposant ou étant à la recherche d’espace de travail en contrat de prestations de services. Les locateurs comme les usagers profitent entièrement de cette malléabilité de l’immobilier tertiaire. D’autre part, bon nombre de locateurs privés et publics possèdent de places de parking libres, pourtant trouver un endroit pour se garer n’a jamais été aussi difficile que maintenant à Paris. Ce qui a ouvert la voie à des entreprises comme YesPark qui propose du parking partagé. Clara Gaymard[7] s’est exprimée sur cette économie de partage selon ces termes : « On a vécu dans un monde où celui qui savait, avait le pouvoir de dire “I know, I can”. Aujourd’hui, on est dans un monde où c’est celui qui partage qui a le pouvoir “I share, I can” ». D’après PwC, l’économie collaborative génèrera d’ici 2025, un chiffre d’affaires mondial de 335 milliards de dollars[8]. Et elle influencera considérablement le secteur immobilier au cours de cette période.
Si certaines entreprises tirent avantage de l’ubérisation de l’économie, d’autres sont impactées négativement par ce phénomène. Les firmes de la nouvelle économie auront à leur disposition de nouvelles technologies leur permettant de mettre au point et commercialiser des produits et services destinés à une catégorie de clientèle bien précise. Internet permet désormais à toute entreprise locale ou des produits locaux de se faire connaitre sur le marché international. Cependant, cette ubérisation peut également devenir très inquiétante pour les entreprises qui refusent de s’adapter au changement et au progrès du monde moderne.
Maurice Lévy constate que: « Tout le monde craint de subir l’ubérisation[9] ». À l’évidence, ce que l’on pourrait assimiler à une crise conjoncturelle persistante n’est, en fait, que la mutation durable du modèle économique. On estime à environ 42 %, le nombre de métiers existants qui vont s’éteindre d’ici 2020, ou connaîtront un changement ou une affectation.
Il est d’autant plus normal que cette estimation inquiète aussi bien les entreprises et la sphère politique que le public. Aujourd’hui, cette mutation vers l’ubérisation économique est bel et bien une évidence dans un monde où la compétition est devenue très rude et où les entreprises comme Ford et Kodak[10] ne sont plus les dominatrices de l’économie, mais les géants du numérique à l’instar de Apple, Google, Facebook et Amazon[11]. À elles seules, ces quatre entreprises dominent, sur le plan technologique et financier, l’économie mondiale. Marc Dugain et Christophe Labbé soulignent, d’ailleurs, leur puissance par ces mots : « Les Gafa – pour Google, Apple, Facebook[12] et Amazon, ont réussi à conquérir en une dizaine d’années l’ensemble du monde numérique. Ces sociétés du “septième continent”, comme on les appelle, sont la nouvelle incarnation de l’hyperpuissance américaine. …). En moins de quinze ans, l’Américain Google, rebaptisé Alphabet, est devenu la plus grosse entreprise du monde » (Dugain et Labbé, 2016, pp. 26-28). Nous avons aussi les Natu avec Netflix, Airbnb, Tesla et Uber[13]. Ces géants américains du numérique ont ubérisé en l’espace de quelques années une bonne partie des secteurs d’activité.
La nouvelle économie digitale a touché tous les secteurs d’activités, même la filière droit. Christiane Féral-Schuhl s’est exprimée à ce sujet : « Sur le marché du droit, de nombreux acteurs proposent des solutions techniques et des services internet facilitant l’accès au droit ou référençant des prestations d’avocat à des prix inférieurs à ceux d’un cabinet d’avocats classique. Ces sites simplifient la vie des citoyens en leur permettant de saisir des tribunaux, d’éditer des actes juridiques, de choisir leur avocat et d’avoir accès à ces services à moindre coût. Il s’agit donc bien d’une “ubérisation du droit” » (Féral-Schuhl, propos recueillis par Battisti, 2016, pp. 9-10).
Ces entreprises de la nouvelle économie emploient 3 fois moins de salariés que le secteur de l’automobile alors même que leurs capitalisations boursières sont, à l’heure actuelle, les plus valorisées du monde, notamment pour Google, Apple, Facebook et Amazon[14]. Dans ce contexte, elles font partie des 10 entreprises les plus importantes de la planète. Certains acteurs de l’économie traditionnelle ont pris conscience du bouleversement du modèle économique et ont décidé de s’adapter à la situation pour ne pas être dépassés par les événements pendant que d’autres sont contraints de déposer le bilan et de disparaitre : « Il n’y a pas une seule filière de l’ancienne économie qui peut se passer de l’innovation technologique ou des pratiques qui rendront anachronique le modèle d’affaires des entreprises appartenant de cette économie. Les entités qui veulent suivre le courant actuel doivent inéluctablement considérer l’adoption des nouvelles technologies et l’influence des acteurs de la nouvelle économie digitale. Ceux même qui sont des agents de l’innovation de rupture ». La symbiose des nouvelles pratiques (co-sharing, co-lending, desksharing, crowdfunding) et la technologie pourrait donner naissance à de nouvelles entreprises dans la filière immobilière. L’ubérisation de l’économie menace de disparition toutes les professions d’intermédiation immobilière. Un des fruits de cette symbiose est la start-up HopShop, une plateforme qui met directement en relation les locateurs et les locataires dans le cadre de location de boutiques.
La globalisation financière a pour finalité la dynamisation ou la fluidification des échanges afin d’incorporer les marchés financiers. Ce qui est problématique puisque les actifs immobiliers ne sont pas de nature liquide. Les coûts de transaction et d’investissement pour ticket d’entrée sont trop importants. Néanmoins, les transactions entre les banques et les institutions internationales se sont fluidifiées grâce à la financiarisation de l’immobilier. Beaucoup d’entreprises immobilières d’envergure ont commencé leur digitalisation, bien qu’en retard de quelques années, à la différence des startups innovantes et de Google, Apple, Facebook et Amazon. Édouard Rencker et son confrère Denis Marquet ont constaté que certaines organisations publiques et privées n’ont adopté que tardivement la communication virale de leurs produits et services : « À l’ère numérique, 80 % des contenus publiés sur l’entreprise sont aujourd’hui produits par d’autres émetteurs qu’elle » (Marquet et Rencker, 2016, p. 251). Des défis attendent les entreprises de l’ancienne économie pour échapper à la disparition : elles doivent à tout prix se réinventer en vue de se distinguer des autres et investir dans l’innovation pour être à jour et être connectées à son environnement.
Les entreprises immobilières sont les plus menacées par la désintermédiation depuis l’apparition des applications innovantes et des plateformes d’échange destinées au grand public. Et aucune amélioration concrète de la loi Hoguet, prenant en compte la numérisation de l’économie et l’émergence des plateformes collaboratives, n’a été faite. Les plus vulnérables sont les acteurs qui refusent de modifier leur business model et qui préfèrent opérer à l’ancienne.
Depuis l’apparition du site Airbnb, on assiste à une diversification et une explosion de l’offre en matière d’hébergement dans presque toutes les grandes villes de la planète. Ainsi, il est désormais possible de louer, depuis son appareil mobile ou son ordinateur, une maison victorienne dans la ville de San Francisco, un penthouse dans les quartiers chics de Los Angeles ou encore un loft dans la ville de New York pour un budget égal, parfois même inférieur à celui d’une chambre d’un hôtel de même prestige. Airbnb propose des services d’hébergement allant de 3 à 7 nuits. Paris est le marché le plus important et le plus profitable d’Airbnb devant New York et Londres. À ce jour, on recense sur le site plus de 60 000 appartements situés dans la ville parisienne et en Île-de-France.
En l’espace de 5 ans, le marché d’Airbnb a augmenté de 224 %. De nouveaux investisseurs se sont établis sur le segment de l’immobilier résidentiel dans les quartiers londoniens dans l’objectif de les convertir en résidences meublées avec services. À Londres, le taux d’occupation des chambres d’hôtel atteint 90 %. Mais l’apparition de ces nouveaux concurrents inquiète les acteurs traditionnels du secteur de l’hôtellerie alors que dans les faits, ils dynamisent surtout la compétitivité des acteurs. A priori, leur existence a favorisé les clients-vacanciers en termes de prix, de qualité et de transparence. Puis, il est devenu possible pour les locateurs d’entretenir leurs biens immobiliers en recourant à des compléments de revenus générés par la location. Lesdits revenus leur permettent de louer leur logement à des prix très avantageux leur inscrivant parmi les records dans les grandes villes du monde. Enfin, cette nouvelle concurrence conduit le secteur de l’hôtellerie à reconsidérer leurs offres. C’est le cas Accord Hotels qui s’est vu créer son propre site de réservation sur internet. Il a investi dans les plateformes innovantes par le biais d’un rachat ou de prises de participations comme dans les cas respectifs d’Onefine stay, Oasis Collections et de Squarebreak. Le géant de l’hôtellerie s’est doté d’instruments technologiques performants afin d’enrichir et d’élargir les produits et services qu’il propose. Les acteurs de l’immobilier se doivent d’intégrer les innovations technologiques qui s’imposent dans tous les secteurs d’activité, sinon ils ne pourront que subir les changements et ne devenir que des sous-traitants des entités comme Google, cette dernière qui, de toute manière, tente d’investir dans le domaine avec son projet de maison intelligente.
Il n’y pas que les logements qui sont ubérisés, mais les immeubles de bureaux aussi. Aujourd’hui, ces immeubles ne sont plus faits pour durer 20 ans. En effet, l’usage de l’immeuble de bureaux peut changer au cours de sa vie, il peut servir d’appartements que ce soit de manière totale ou partielle, voire même être transformé en hôtellerie. Ce qui est sûr c’est que sa valeur ajoutée résidera dans l’immeuble même, qu’il s’agisse d’un immeuble à usage résidentiel ou tertiaire. Il est également dans l’intérêt des agences immobilières de s’ouvrir à la numérisation de leur activité. Dans ce contexte, même les jours de fermeture de leurs agences, les clients pourront toujours accéder à leurs publications sur leur vitrine et/ou sur internet. Ainsi, ceux qui sont intéressés pourront y laisser leurs coordonnées.
Ce troisième chapitre traitera deux points importants, à savoir : la coopétition comme stratégie innovante pour le secteur français de l’immobilier et les facteurs décisifs de la coopétition.
Établir une stratégie coopérative avec ses rivaux a été, pour le secteur de l’immobilier, le moyen de braver une situation très instable. L’objectif est de pouvoir combiner les atouts compétitifs et coopératifs des agences alliées-concurrentes afin d’aboutir à un résultat « gagnant-gagnant ». La concurrence permet d’entretenir le dynamisme de l’activité pendant que la coopération garantit le partage des mandats des biens mis en marché. Le stade de coopération est réalisé entre agences, c’est une relation Business to Business (B to B). Le client n’est pas concerné par cette phase. Par contre, la compétition met en scène le client, qui s’avère être vendeur et à la fois acquéreur, et les agences. Leur relation est désignée par le terme Business to Consumer (B to C). Les agences sont en compétition pour vendre l’immobilier dont le mandat relatif à ceci a été, au préalable, partagé entre elles. Le schéma ci-après simplifie l’appréhension de leur activité.
Le fonctionnement de la coopétition entre agences immobilières peut être présenté comme suit : quand un client vendeur et détenteur du mandat confie la commercialisation de son bien immobilier à une entreprise immobilière faisant partie d’un réseau de coopétition, grâce à un mandat exclusif, celle-ci va diffuser ledit mandat à tous ses partenaires-rivaux[15].
Dans ce contexte, les fichiers fournis (mandats) alimentent le réseau de coopétition. Plus l’association coopétitive met en commun des fichiers, plus les clients-acquéreurs potentiels tirent avantages de son offre et la trouve donc très attrayante. Dès lors, les agents immobiliers en profiteront également de la forte fréquentation de ce type d’association. Les agences rassemblées en réseau disposent alors d’un avantage concurrentiel certain face à celles qui sont hors réseau, en raison de la variété de leur offre. Parmi les hors réseau, acteur de la filière immobilière, est le vendeur particulier. Il ne fait pas partie d’une agence et ne propose qu’un nombre très limité de biens, parfois même une offre unique. Ce type de vendeur fait travailler les clients acquéreurs et les oblige à prendre des contacts et à effectuer eux-mêmes une présélection. Si l’association coopétitive met à disposition de ses agents des mandats exclusifs, les établissements hors réseau peuvent, conséquemment, perdre le privilège d’accéder auxdits mandats. Cette diminution de privilège peut, ipso facto, affecter considérablement leur attrait à l’égard des clients acquéreurs, et à un moment donné, à l’égard des clients vendeurs et détenteurs de mandats (Brandenburger et Nalebuff, 1995, pp. 57–71).
En France, presque toutes les agences immobilières sont de très petite taille. Cependant, leur capacité à établir et pratiquer la stratégie de coopétition est remarquable. La coopétition est essentiellement pratiquée par les très grandes entreprises, œuvrant notamment dans des domaines hautement technologiques. Dans les secteurs de prestation de services, cette stratégie est perçue comme une approche originale et une innovation authentique, elle n’a jamais concrètement fait l’objet d’analyse. Ce qui handicape les managers dans le cas où ils veulent adopter cette approche. C’est pourquoi nous proposons d’identifier les facteurs décisifs qui conduisent à l’adoption d’une telle stratégie.
- Le comportement du manager et le profil de son agence
Le profil du manager de l’entreprise est un des facteurs cruciaux de la coopétition. En effet, les managers plus orientés vers la communication et l’interaction avec ses rivales du secteur sont favorables à l’adoption de l’approche coopétitive. Sa mise en place sera encore davantage facile s’ils ont suivi des formations analogues ou ont une perception très approchante de l’activité ainsi que de sa perspective d’évolution.
La proximité entre les agences favorise également la coopétition. Elle peut être géographique dans le cas où elles se situent dans des endroits à faible distance, ou économiques dans le sens où elles veulent combiner leurs ressources (financières, commerciales ou humaines). La similarité des pratiques managériales des dirigeants est un autre facteur pouvant conduire à la mise en place de la stratégie de coopétition.
- La sphère professionnelle
La sphère professionnelle des agents immobiliers constitue aussi un mobile crucial menant les entreprises à la coopétition. L’encouragement et le ralliement des organismes professionnels, dans le but de populariser la culture de la coopétition dans le cadre du métier, sont un avantage certain dans l’adoption de cette démarche sur le terrain. Nombreux sont les motifs qui encouragent les réseaux coopératifs à mettre en place cette stratégie.
Premièrement, la finalité de cette démarche est d’augmenter les parts de marché des agences classiques en compétition avec les réseaux de mandataires et les vendeurs particuliers. Ces derniers exploitant principalement internet pour pratiquer leur métier. Ce qui fait qu’ils ont des charges fixes moins importantes et facturent donc aux clients des commissions allant jusqu’à deux fois moins chères qu’une agence classique. Et afin de faire face à cette concurrence, les agences en coopétition doivent restreindre l’accès des réseaux mandataires et des particuliers aux mandats. La restriction à l’accès à la ressource, au moyen de l’usage de mandats exclusifs partagés, est la méthode la plus efficace pour garantir l’attractivité d’une offre par rapport aux autres, et, ainsi, assurer un taux plus élevé de mutation de mandats en ventes effectives. La stratégie de coopétition doit permettre de bénéficier d’un avantage compétitif durable. Dans les années 1990, 90 % des ventes de biens immobiliers s’effectuaient par l’intermédiaire de mandats simples. Toutefois, le taux de mutation d’un mandat simple est seulement de 10 %, il est de fait que ce type de mandat n’est pas rentable. Celui d’un mandat exclusif non partagé est d’environ 30 à 40 %. Le partage du mandat accroît naturellement son taux de mutation. La coopétition est une stratégie qui permet à la fois aux organismes professionnels de remodeler la concurrence en écartant les autres concurrents (réseaux de mandataires et particuliers) et de l’optimiser.
Deuxièmement, elle a également pour but d’augmenter les parts de marché des agences immobilières en réduisant les transactions réalisées entre particuliers, il s’agit là de l’ubérisation du secteur de l’immobilier. En effet, grâce à internet, ces derniers s’échangent plus aisément entre eux et il existe même des petites entreprises qui les mettent en relation directe à l’instar de « mapetiteagence.com » qui arbore le slogan très attractif suivant : « l’immobilier du net sans commission ». Pour atteindre ce but, il faut atténuer de l’attractivité des vendeurs particuliers et, par la même occasion, accroitre celle des agences classiques grâce à une offre élargie de mandats exclusifs partagés au sein de l’association coopétitive.
Par ailleurs cette stratégie permet aux organismes professionnels d’influencer la concurrence. La compétition est essentielle pour entretenir le dynamisme de l’économie grâce à un niveau élevé de concurrence. En moyenne, un bien en mandat exclusif partagé est disputé entre 15 agences immobilières alors qu’un mandat simple met en moyenne, en compétition 3 ou 4 agences. Le bien en mandat exclusif partagé dynamise donc la compétition entre les agences.
Lorsque les organismes professionnels instaurent la coopération entre entreprises rivales, leur objectif est de remodeler et d’optimiser la concurrence sur le marché de l’immobilier, tout en dynamisant la compétition. Avant d’importer cette pratique en France, les organismes français ont observé leur efficacité au sein d’autres pays. À titre d’exemple, la part de marché des agences immobilières en Hollande et en Suède ont atteindre 80 % grâce à la stratégie de coopétition. Les agences américaines et canadiennes ont, quant à elles, obtenu une part de marché de 90 % en appliquant cette méthode. Il est ainsi de fait que la coopétition a permis aux entreprises étrangères de dominer le marché immobilier sur leurs territoires. En France, la part de marché des agences en coopétition est estimée entre 45 % et 60 %.
Ces divers facteurs décisifs de la coopétition ont été établis d’après les entretiens que nous avons réalisés sur le terrain, notamment dans différentes villes situées au sud de la France, auprès de chefs d’agences. Dans le paragraphe qui suit, nous allons présenter les extraits des interviews concernant le rôle du comportement du manager et du profil de son agence dans la coopétition ainsi que celui de la sphère professionnelle de l’agence.
- Explications données par les dirigeants d’agences au cours des interviews
Marius Guillet, tenant d’une agence située à Montpellier affirme par ces paroles : « ma perception est que pour assurer l’avenir de notre métier, on doit adopter cette stratégie (la coopétition) pour lutter contre la rude concurrence enclenchée par les nouveaux acteurs, à savoir : les mandataires et les particuliers eux-mêmes. Dans les temps actuels, les professionnels de l’immobilier n’assurent que la moitié des transactions réalisées dans tout le pays. Ce n’est pas conséquent par rapport aux chiffres réalisés dans d’autres États. Nous voyons cela comme une menace à ne pas minimiser pour la profession ». Corollairement, un agent immobilier établi depuis de nombreuses années sur le marché et se présentant comme un digne représentant de la profession peut être l’initiateur ou le fervent adepte de la coopétition sur le terrain en raison de l’opinion qu’il s’est forgé lui-même.
Pour Thierry Beaubrun, agent immobilier à Montpellier : « La coopétition est la stratégie parfaite pour redynamiser les transactions sur notre territoire grâce à une dynamique de groupe. Les instances nationales nous encouragent, d’ailleurs, dans cette voie ». En conséquence, la coopétition peut même être initiée par un agent immobilier jouissant d’une position bien établie sur son marché local dans le but de dynamiser sa zone géographique. Les conditions de son environnement professionnel l’ont conduit à adopter une démarche coopétitive.
Pour Pascal Guzman, implanté, il y a un an, dans le centre-ville d’Avignon : « La coopétition est la stratégie la plus prompte pour être à même de proposer un éventail de biens immobiliers à la vente sans passer par des démarches de prospection à la fois longue et soporifique. Il est, aujourd’hui, difficile d’exercer ce métier à cause du nombre de professionnels qui ne cesse d’augmenter, tous demandant un mandat aux propriétaires des biens. De plus, ma situation n’arrange pas du tout étant donné que je suis nouveau sur le marché de Montpellier et que je ne me suis pas encore bâti une forte réputation ». Dans cette circonstance, un jeune entrepreneur indépendant qui vient de monter son agence immobilière peut être enclin à adhérer à un réseau coopétitive ou à en créer un par manque de ressources. Le profil de son agence l’a directement conditionné à opter pour cette stratégie.
Dans ce quatrième chapitre intitulé, la stratégie de coopétition en pratique, nous exposerons tout d’abord la première apparition de la stratégie de coopétition dans le secteur de l’immobilier en France, et après la concrétisation de l’idée de reproduction du système Multiple-Listing Service incarné par le Fichier AMEPI.
- Le fichier Multiple-Listing Service des États-Unis comme source d’inspiration
Le premier système de diffusion de mandats a vu le jour en 1887 dans l’État de Californie, notamment à San Diego. On ne parlait pas encore de Multiple Listing Service (MSL) à cette époque. Au cours de la même période, un système analogue fut créé dans l’Ohio, plus précisément à Cincinnati. Plus tard, en 1907, des agents immobiliers se sont réunis et ont créé une association dénommée la National Association of Realtors[16]. C’est à cette époque que le système Multiple-Listing Service a été mis en place pour la première fois. Ces systèmes ont ensuite été adoptés par des agences immobilières dans l’ensemble du pays durant les 60 années qui suivirent.
Les systèmes Multiple-Listing Service sont, de nos jours, extrêmement populaires et fortement enracinés dans les démarches des agents immobiliers, toutefois, leur évolution a connu des phases de développement, de maturité et de déclin. Leur usage a commencé à se répandre avant la Première Guerre Mondiale, la profession l’a graduellement adopté dès 1920. Néanmoins, leur utilisation a diminué progressivement jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale. Entre 1920 et 1945, on assiste à spécialisation et à la professionnalisation du métier. Ainsi, les agents ont adopté des pratiques qui leur sont propres et se sont individualisés. Après la guerre, la profession a de nouveau montré de l’intérêt pour les systèmes Multiple-Listing Service. En 1968, soit 20 années plus tard, des agents immobiliers habitant Long Island à New York ont informatisé ces systèmes. Toutefois ce fut un échec en raison de la lenteur du matériel informatique et de son coût trop élevé. Les entrepreneurs de Blatimore dans l’État de Maryland ont retenté l’expérience en 1972, mais ils n’ont pas pu totalement informatiser le système.
Cet essor après-guerre des systèmes Multiple-Listing Service a eu lieu dans un secteur qui connaissait une croissance très hétéroclite en fonction des zones géographiques et sans, sinon peu, de normes professionnelles. La situation a drastiquement changé en 1971 puisque la Justice américaine a entamé une analyse très poussée des pratiques dans la profession, de nombreux systèmes Multiple Listing Service ont été examinés et cela a mis à mal tout le secteur professionnel de l’immobilier. Compte tenu de la situation, la National Association of Realtors ont saisi la nécessité d’une normalisation des pratiques au sein de la profession et des politiques adoptées. Ainsi, elle a établi les visées du Code d’Éthique pour encadrer et stimuler la collaboration entre agents immobiliers et, par la même occasion, prévenir les démarches susceptibles de faire une entorse à la loi et aux politiques.
En 1975, les agents immobiliers de la Long Island ont finalement réussi à informatiser totalement le système Multiple Listing Service. Ces systèmes ont depuis lors été adoptés par bon nombre d’agences et ont connu un succès louable. En 1986, une étude réalisée aux États-Unis par la National Association’s Economics and Research Division[17], 86 % des agences immobilières du pays étaient des adhérents d’un Multiple Listing Service au minimum et 59 % disposaient d’équipement informatique pour y accéder.
Un siècle s’est écoulé entre la création des systèmes Multiple Listing Service et son achèvement pour qu’ils soient un outil opérationnel et pratique dans le métier. De nombreux éléments ont été cruciaux dans la mise en place des systèmes Multiple Listing Service : au premier abord, les pratiques professionnelles ont été homogénéisées pour être ensuite standardisées, puis l’informatisation des systèmes a simplifié le partage de l’information, augmentant ainsi leur efficacité et enfin, la mise en place d’un cadre juridique a été très commode et s’est avérée indispensable, assurant ainsi la régulation du système de partage des mandats. Le schéma suivant illustre les périodes clés de la stratégie de coopétition aux États-Unis.
Lors du succès des systèmes Multiple-Listing Service aux États-Unis dans les années 1980, le président France du réseau d’agences immobilières Century 21 de l’époque, Michel Trollé, a eu l’idée d’importer cette pratique sur le territoire français, bon nombre de banques du pays a soutenu son projet. Pour ce faire, une délégation d’agents français ont été mobilisés aux États-Unis et dans d’autres pays. Ils avaient comme mission d’observer les pratiques des agences étrangères et le fonctionnement de leurs systèmes de partage de mandats de vente afin de reproduire un système similaire en France. Plusieurs années ont écoulé avant l’importation effective de ce système sur le territoire français, car le modèle américain ne concordait pas directement avec la situation du secteur français de l’immobilier. La différence se situait surtout au niveau des pratiques : les agents immobiliers français avaient un taux d’usage de mandats exclusifs très faible. Ils les considéraient, d’ailleurs, le pinacle des mandats. En France, les agents immobiliers utilisaient essentiellement un mandat simple, sans exclusivité, à l’inverse des agents américains. Les mandats exclusifs étaient à l’époque très rare, mais de très grande valeur. Avoir ce type de mandat était un gage ou plutôt une assurance de réaliser la vente du bien. Les partager n’était pas donc une approche envisageable. Cette grande différence de culture entre les agents immobiliers français et américains constituait un obstacle dans la reproduction des pratiques coopétitives de ces derniers en France.
Deux systèmes de partage de mandats ont été mis en place en France entre les années 2004 et 2006, à savoir : les Services Inter-Agences (SIA) et le Fichier Français Immobilier des Professionnels (FFIP). Les premiers comprennent les mandats des agences qui sont membres de la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM), le second rassemble les agences faisant partie des plus grands réseaux commerciaux de l’immobilier à l’instar de Century 21, Guy Hoquet et ORPI. Ces deux fichiers ont été utilisés par les adhérents de chaque organisation jusqu’en 2009. Pour être plus efficaces, les professionnels du secteur ont décidé, au cours de cette année, d’unifier les deux systèmes pour créer une offre intégrale unique de mandats exclusifs. C’est ainsi que le Fichier AMEPI ou « Association des Mandats Exclusifs des Professionnels de l’Immobilier », a vu le jour. La création de ce fichier a été une période clé dans le secteur français de l’immobilier. Cependant, certaines agences utilisaient, depuis bien longtemps déjà, un système de partage de mandats en France. En effet, fondée en 1965, l’Organisation Régionale des Professionnels de l’Immobilier (ORPI), un réseau coopératif d’agences immobilières, a, depuis toujours, inclus dans son modèle d’affaires, le partage de mandats. Cette organisation a instauré la coopétition entre ses adhérents comme principe. Elle assure la gestion des mandats inscrits dans son propre fichier commun. Le principe d’exclusivité territoriale n’existe pas dans cette organisation. Les entreprises membres du réseau doivent être établies dans une même zone. En conséquence, les agences en compétition collaborent grâce au système de partage informatisé des mandats. Le Fichier AMEPI est bien plus important que le système installé par l’ORPI ou les deux autres cités plus haut, les mandats partagés sont accessibles aussi bien à tous les réseaux commerciaux qu’aux indépendants. La pratique est donc diffusée dans toute la profession. Le schéma infra illustre les périodes cruciales de la coopétition en France.
- Le fichier AMEPI
Le « Fichier AMEPI – Association Nationale » est une association Loi 1901, c’est une reproduction des systèmes Multiple-Listing Service américains, ajustés au contexte français (Mira, 2016, p. 141). Ce fichier est un moyen de partage et de transmission des mandats exclusifs entre agences en coopétition. Pour ce faire, les agents immobiliers diffusent leurs mandats exclusifs dans un même fichier informatique que chacun peut utiliser librement. Sur le plan national, l’administration du fichier AMEPI est assurée par les groupements FNAIM, CNAB et SNPI, et aussi par les réseaux commerciaux Guy Hoquet, Century 21, CIMM Immobilier, ORPI et ERA Immobilier. Outre les administrateurs, le fichier compte parmi ses adhérents Arthur l’Optimist, Avis Immobilier, Avenue, Immo de France, Solvimo et Keops, ainsi que les réseaux locaux AMEPI. Ces entités sont régies par un Code de Déontologie, d’Ethique et de qualité dans la mise en commun de leurs mandats exclusifs pour éviter les doublons et les conflits sur l’évaluation d’un même bien immobilier dans leurs publications et annonces.
- Le Fichier AMEPI et son fonctionnement au sein du réseau
La direction du Fichier AMEPI international est assurée par un président élu par ses pairs pour un mandat de 3 ans. Actuellement, le Fichier est AMEPI international est dirigé par le président Hervé Bléry, ancien membre de Century 21 France. Il est assisté par 7 directeurs régionaux qui se chargent du développement local. Les cotisations versées annuellement par les membres permettent de les embaucher en tant que salariés du Fichier AMEPI. L’association régionale comprend plusieurs associations locales qui sont dirigées par un agent immobilier du Fichier AMEPI.
Dans cette optique, l’agent immobilier qui détient initialement le mandat est la seule personne apte à réaliser les actions de promotion du bien immobilier sur internet ou dans la presse sur sa zone géographique. Ce privilège lui procure un important avantage concurrentiel. L’agence mandataire se trouve donc en situation de concurrence délimitée par la structure tierce « AMEPI ». Ce système permet de minimiser les risques de déviances et des comportements opportunistes des membres de l’association coopétitive, comme, par exemple, user des ressources de l’association sans pour autant partager les siennes.
Le Fichier AMEPI est accessible par tous les professionnels du secteur immobilier indépendamment de son appartenance aux réseaux commerciaux. Pour jouir des privilèges du Fichier AMEPI, le professionnel doit simplement s’inscrire auprès d’une association Fichier AMEPI locale dans la zone où son agence est établie ou alors participer à sa mise en place. En revanche, il doit toujours assister aux réunions organisées et payer une cotisation annuelle.
Durant tout le processus de négociation, le principe de l’interlocuteur unique est mis en œuvre. Dans ce contexte, les membres coopérateurs et utilisateurs du Fichier AMEPI peuvent présenter les mandats exclusifs, toutefois, c’est uniquement l’agent mandataire de départ qui doit s’entretenir avec le vendeur du début jusqu’à la fin des transactions.
Il est strictement interdit à tous les professionnels adhérents de communiquer directement sur le Fichier AMEPI. Cette restriction est établie afin de préserver la neutralité du fichier auprès des clients et pour que ces derniers ne le considèrent pas comme une marque distincte. Le Fichier AMEPI ne doit pas évincer les agents membres en atténuant leur image de marque ou en les éclipsant.
- La croissance du Fichier AMEPI : les chiffres clés
En 2012, la France comptait 217 Fichier AMEPI sur lesquels sont enregistrées 3100 agences immobilières, soit environ 25 % des professionnels effectuant de la transaction immobilière. En moyenne, un Fichier AMEPI comprend 14 entreprises rivales. Une étude réalisée par la FNAIM chiffre les ventes françaises du secteur à 655 000 biens immobiliers durant la même année, dont 80 000 effectuées par la voie du Fichier AMEPI, ce qui correspond à 12,20 % de l’ensemble des transactions. En France, la stratégie de coopétition ne s’est pas développée de manière homogène dans toutes les régions. On a remarqué que les agences situées en Île-de-France et sur les côtes atlantique et méditerranéenne sont plus nombreuses à adopter cette stratégie. Ce sont les zones qui comptent le plus grand nombre d’associations locales selon le Fichier AMEPI.
Dans ce dernier chapitre de la deuxième partie, nous exposerons les résultats de notre recherche. Pour ce faire, nous allons suivre la logique suivante : premièrement nous parlerons de la mise en place du Fichier AMEPI dans les entreprises immobilières dans le cas où il leur sert à braver les risques du marché. Deuxièmement, nous verrons la séparation de la compétition et de la coopération, avec les points de vue des chefs d’agences à ce sujet. Et enfin, nous allons voir comment ces derniers perçoivent le paradoxe de la stratégie de coopétition.
Dans les années 1980 aux États-Unis, durant la période où les Multiple-Listing Service connaissaient un foisonnement sans précédent, une délégation française de professionnels de l’immobilier y a été envoyée pour observer et ensuite reproduire le principe des Multiple-Listing Service, dans l’Hexagone. Au début des années 1990, des premiers cas isolés de coopétition initiés ont été perçus. Mais l’institutionnalisation de la stratégie entre les professionnels de l’immobilier n’a été effective qu’en 2004. Deux institutions de coopétition ont été créées : les Services Inter-Agences (SIA), composés des mandats de vente des entreprises affiliées à la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM), et le Fichier Français Immobilier des Professionnels (FFIP) rassemblant les professionnels des réseaux commerciaux à l’instar de Guy Hoquet, ORPI et Century 21. La dissociation de ces systèmes en deux réseaux distincts résulte de désaccords politiques. Après les événements de 2008, notamment les grands troubles causés par la crise des subprimes, les dirigeants respectifs de ces deux institutions se sont rendu compte qu’il faut se concilier pour résister aux impacts de la crise. C’est ainsi qu’en 2009, le Fichier AMEPI a vu le jour. Nous avons interrogé 11 dirigeants sur le pourquoi de leur intégration à ce fichier, ci-après donc leurs réponses :
Intégration au Fichier AMEPI et les risques du marché
Dirigeants-propriétaires | Points de vue |
Dirigeant A | « Nous avons choisi d’intégrer le Fichier AMEPI, car les incertitudes du métier étaient trop importantes. » |
Dirigeant B | « Le risque du marché est trop gros. Aujourd’hui, le gars qui fait cavalier seul ne fera pas long feu. » |
Dirigeant C | « Aujourd’hui, le particulier frappe fort, c’est notre principal concurrent… le meilleur moyen de faire face est de s’unir pour devenir plus fort et plus perspicace. Je pense que ça nous permettra de conquérir le marché du particulier, ensemble. » |
Dirigeant D | « Le fichier permet de se respecter entre concurrents. Ça crée des principes et rend la concurrence loyale. » |
Dirigeant E | « Les mecs qui s’isolent en ces temps-ci sont, soit malades, soit profondément inconscients des risques… Ce sont nos concurrents directs qui nous menacent en ce moment, c’est pourquoi il faut s’allier. » |
Dirigeant F | « Avant le AMEPI, j’étais déjà dans le Fichier Français Immobilier des Professionnels. Puis il y a eu la crise de 2008. Et en 2009, tout le monde en pâtissait. Il fallait que notre réseau et les Services Inter-Agences fusionnent. Cette démarche a été nécessaire pour notre survie. » |
Dirigeant G | « AMEPI est une sorte de solution de secours en temps de crise. Il nous permet de maintenir un certain niveau de chiffre. » |
Dirigeant H | « L’union était inévitable pour faire face à la crise… Et même si la crise est passée, faire partie de ce réseau permet de mieux appréhender les risques du marché. Surtout avec la montée des particuliers. » |
Dirigeant I | « Le Fichier AMEPI était incontournable. Hors de ce système, les agences immobilières qui travaillent seules ne survivent pas. Selon moi, se rapprocher de ses rivaux est une démarche vitale aussi bien pour l’agent immobilier que son agence. » |
Dirigeant J | « J’ai ouvert ce cabinet en 1996. Il n’y avait pas encore d’inter-cabinet en ces temps-là. Je vous raconte, mes premières années d’activité étaient rude et barbare. C’était la guerre. À l’époque, le principe c’est éventrer celui qu’on pouvait éventrer. C’était pervers, pitoyable et surtout totalement improductif. » |
Dirigeant K | « L’immobilier est une profession bourrée d’incertitude. Il arrive que cela vous déstabilise, souvent même… Dans ces cas-là, s’unir est le meilleur moyen d’y faire face. Comme on dit, l’union fait la force. Et je pense que c’est vrai. Ensemble, on est plus fort que quand on est séparé. » |
Le Fichier AMEPI est un instrument qui permet de diffuser les renseignements relatifs au marché et de partager les mandats exclusifs de vente. Ce fichier fonctionne de la manière suivante :
- les professionnels adhérents sont en compétition pour signer des mandats exclusifs de vente ;
- sitôt qu’une agence signe un nouveau mandat exclusif de vente, elle a l’obligation de le diffuser immédiatement par la voie du système d’information du fichier, afin que les autres adhérents puissent en avoir l’accès ;
- subséquemment, chaque professionnel affilié au Fichier AMEPI a le droit de vendre le mandat auprès de ses clients-acquéreurs privés ;
- dans le cas où c’est le professionnel qui a reçu le mandat via le Fichier AMEPI qui réalise la vente, la commission sur vente est répartie à parts égales entre lui et l’agence qui a signé le mandat exclusif.
On regardant le mode de fonctionnement du Fichier AMEPI tel qu’il est décrit supra, nous pouvons affirmer que la compétition et la coopération dans le cadre de la coopétition sont donc nettement démêlées :
- Les agences immobilières sont en concurrence pour obtenir la signature du mandat de vente exclusif et pour le commercialiser au client-acquéreur ;
- l’aspect coopératif est observable lors du partage des mandats de vente exclusif.
Les points de vue des chefs d’agence sur la séparation de la compétition et de la coopération
Dirigeants-propriétaires | Points de vue |
Dirigeant B | « Le partage est le maître-mot du Fichier AMEPI. Je trouve que la structuration du partage de mandats de l’AMEPI tient la route. On peut même partager des informations ici. Vous pouvez voir ailleurs, cette notion de partage n’existe pas chez les autres. » |
Dirigeant E | « Le Fichier AMEPI permet de disposer d’un éventail global de biens. Ainsi, on a des agences qui commercialisent nos mandats et nous, on commercialise les leurs… ce besoin de partage est naturel dans ce métier. » |
Dirigeant I | « Ce fichier nous plonge dans une véritable relation de partenariat. Il est vrai qu’on est en situation de compétition, notamment pour signer les mandats, mais ce qui est bien c’est même si c’est une autre agence qui signe le mandat, on rage un peu, mais après ce mandat, on l’aura toujours à la vente. » |
Dirigeant K | « Personnellement je ne vois pas de problème à partager mon mandat et les renseignements dont je dispose étant donné que je peux utiliser ceux des autres. » |
Dirigeant J | « Si je n’obtiens de mandat, ce n’est pas grave, je peux toujours commercialiser ceux qui sont disponibles dans le fichier. Mais après il faut quand même en trouver et ne pas seulement attendre les mandats autres. » |
Les agences immobilières affiliées au Fichier AMEPI comprennent parfaitement de la nature paradoxale des liens qu’elles ont entre elles. Elles savent que leurs relations ne sont ni purement concurrentielles ni exclusivement coopératives.
Points de vue des dirigeants-propriétaires sur les relations paradoxales entre leurs agences et les risques de la coopétition
Dirigeants-propriétaires | Points de vue |
Dirigeant B | « On est en compétition, même au sein de l’AMEPI, mais on est aussi une coopérative. Et dans coopérative, il y a le verbe coopérer. En gros, on travaille ensemble pour trouver en commun des solutions maison n’oublie pas qu’on tous des rivaux. » |
Dirigeant F | « Ce réseau a un état d’esprit que tous les membres ont adopté. Et aussi, tout le monde a forgé ensemble un état d’esprit à l’intérieur de ce réseau. Je fais également partie du réseau ORPI et dedans ou dans l’AMEPI, on a développé une certaine notion de partenariat. Donc, on est une relation de coopération, mais on reste toujours des concurrents, notamment pour la vente des mandats exclusifs. » |
Dirigeant D | « Le Fichier AMEPI nous met en relation de partenariat, mais nous sommes quand même en concurrence » |
Dirigeant C | « A priori ça peut sembler étrange. L’idée même de coopérer avec ses adversaires, mais c’est une réalité. » |
Dirigeant G | « L’AMEPI est un réseau paradoxal. Nous sommes fondamentalement tous des concurrents, mais nous coopérons. » |
Dans cette dernière partie, nous allons exposer les obstacles et les facteurs clés de réussite de la coopétition dans la filière immobilière, ensuite nous présenterons les corollaires de la coopétition sur la performance des entreprises immobilières, et enfin, nous verrons la perspective d’évolution de la coopétition en France.
Ce premier chapitre mettra en exergue deux principaux obstacles qui entravent le développement de la coopétition au sein des réseaux, à savoir : les obstacles à la coopétition liés aux comportements du manager et au profil de son agence, et les obstacles de la coopétition liés à la sphère professionnelle.
De nombreuses raisons peuvent entraver un agent immobilier dans l’adoption et la mise en œuvre d’une approche coopétitive en France. Les professionnels français ne se sont pas encore effectivement imprégnés de la culture du partage des honoraires dans les ventes réalisées entre agences. La plupart d’entre eux n’ont recours à cette stratégie qu’en cas de difficulté, ne la considérant donc qu’en tant que solution de sauvetage. Leur politique commerciale n’accorde pas une place centrale à cette méthode. Au point de vue de la majorité des agents immobiliers, la coopétition n’est pas une stratégie qui assurera le développement de ce secteur d’activité.
Dans le cadre d’une expérience individuelle, certaines agences déclinent cette stratégie à cause d’une expérience infructueuse, voire défavorable, qu’elles ont vécue par le passé, notamment lorsqu’elles ont adhéré d’anciens systèmes de partage de mandats comme les Services Inter-Agences (SIA) et le Fichier Français Immobilier des Professionnels (FFIP). Christophe Duval, un agent immobilier que nous avons interrogé dans la ville de Lyon a affirmé : « Je ne voulais pas m’affilier au Fichier AMEPI à cause de la mauvaise expérience que j’ai vécue à l’époque du Fichier Français Immobilier des Professionnels. Il y a des agences opportunistes qui profitent seulement des ressources disponibles et ne contribuent pas à l’enrichissement du fichier. Elles se moquent sciemment du principe de la coopétition. Elles commercialisaient les mandats des autres qui se trouvent dans le fichier commun, mais n’en fournissent pas de nouveaux ».
La mise en place de la stratégie de coopétition dépendant grandement de la motivation du chef d’agence. Si ce dernier ne s’implique pas totalement, ses commerciaux non plus ne vont pas s’investir. En raison de la très petite taille des entreprises immobilières, le manager se doit d’être un modèle et un moteur du fonctionnement de l’agence. Il est la personne clé qui détermine les marches à suivre et les pratiques à adopter au sein de l’agence et du réseau.
Les obstacles de la coopétition peuvent aussi se situer au niveau de l’agence. Même installées dans la même localité, les entreprises immobilières qui ont des profils économiques trop différents auront des difficultés à mettre en place une relation de coopétition. À titre d’exemple, Jean Campbell, dirigeant-propriétaire d’une agence que nous avons rencontré, nous a attesté : « Il n’est pas évident d’établir une relation de coopération entre franchisés et indépendants. Certains franchisés n’aiment pas collaborer avec des agences lambda de petite taille, qui disposent de très faibles effectifs et de moyens très limités de communication. La différence de taille entre entreprises immobilières peut engendrer une divergence, ou plutôt, une hétérogénéité des motivations et d’objectifs au sein de l’association coopétitive. Mettre en place une stratégie de coopétition devient complexe. »
Enfin, le contexte et les particularités du marché local peuvent également ralentir le développement de la coopétition. Si dans la même localité, il n’existe qu’un petit nombre d’agences, la structuration du réseau coopétitif sera légère et fragile. Ce qui rend la mise en place de la stratégie moins aisée en dépit de l’enthousiasme de départ que les agents locaux. L’éloignement géographique est une entrave à la coopétition. Cette stratégie est plus efficace dans les régions où la concentration d’agences est plus importante.
À l’opposé, cette stratégie peine à se développer dans les zones où la densité d’agences est faible et où elles sont isolées. Un maillage local peu important constitue donc un obstacle à l’établissement d’une approche coopétitive entre entreprises immobilières.
Il existe des facteurs préjudiciables à la mise place de la coopétition à un niveau encore supérieur, relatifs à la mauvaise gestion des rapports entre coopétiteurs.
En cas de management déficient, des conflits peuvent avoir lieu et les tensions entre les partenaires-rivaux peuvent mener des agents immobiliers à sortir de réseau coopétitif. La stratégie de coopétition présente des risques. Bien que la stratégie soit institutionnalisée et soumette les partenaires adhérents au respect d’un code de déontologie et d’éthique avec un certain niveau d’administration assurée en interne, il n’est, toutefois, pas possible de garantir l’éradication des attitudes opportunistes des adhérents. Malgré le fait que les membres soient soumis à une certaine contrainte sociale, certains d’entre eux peuvent enfreindre les règlements internes établis comme, par exemple, les délais de publication des nouveaux mandats.
D’autre part, la compromission de la structure coopétitive par une poignée d’adhérents peut obstruer l’essor de la coopétition sur le moyen long terme. Un agent immobilier installé en Côte d’Azur nous a expliqué que ce genre de situation peut survenir de deux manières :
- Soit à travers des collusions et des accords sur les honoraires, ce qui détourne les législations sur la concurrence ;
- Soit par la constitution de « cercles restreints de privilégiés », cherchant à former un oligopole sur le marché local de l’immobilier. L’objectif d’une telle manœuvre est d’être une minorité d’élus à profiter des bénéfices de la stratégie de coopétition.
Enfin, la coopétition peut être entravée par l’appréhension négative des clients. En effet, un bon nombre pensent que l’institutionnalisation de la coopétition est une ruse, une connivence des agents immobiliers qui a pour finalité de conserver un niveau élevé d’honoraires.
Le partage de mandats exclusifs ne nuit aucunement à l’aspect compétition du marché. La Justice américaine s’est déjà penchée sur le sujet dans les années 1970 en suivant de près les démarches et les us des agences immobilières faisant partie des Multiple-Listing Service. Un accord a été signé, en 2005, entre la National Association of Realtors, représentants des agents immobiliers aux Etats-Unis, et la Division Antitrust du ministère de la justice, stipulant les pratiques admissibles au sein des Multiple-Listing Service. Elles ont été actualisées en 2008.
En France, l’extension et l’enrichissement des fichiers communs ainsi que les comportements des membres sont suivis de près par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Effectivement, les infractions à l’article L. 420-1 du Code du commerce sur les pratiques anticoncurrentielles (voir encadré infra) comportent des risques. Les entreprises et professionnels souhaitant adhérer à un réseau comme le Fichier AMEPI doivent approuver une charte visée par cette entité. Cette charte précise que le partage de renseignements entre entreprises rivales ne doit pas aboutir à des arrangements sur les prix. En outre, ces associations coopétitives sont accessibles à tous, mais ils doivent respecter la charte établie.
Article L420-1
Modifié par Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 – article 52 Journal Officiel de la République Française (JORF) 16 mai 2001
Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à :
1° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;
2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4° Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.
Source : www.legifrance.gouv.fr |
Par ailleurs, la proscription des communications sur le Fichier AMEPI faite à l’endroit des agents immobiliers en coopétition, ne permet pas de redresser les méfaits de ces infractions sur l’image de marque des entreprises adhérentes.
Le chercheur Michael Morris, enseignant chercheur américain de l’université de Syracuse, distingue 3 facteurs majeurs de la réussite de la coopétition dans les petites et moyennes entreprises : la confiance, le profit mutuel et d’engagement. Ces facteurs sont perceptibles dans les spécificités de la filière immobilière (Morris et al., 2007, p. 18).
Le facteur prépondérant de succès est la gestion efficace du réseau de coopétition. Ce facteur booste à un degré élevé la confiance des partenaires et leur niveau d’engagement dans la coopétition en vue de partager des profits dans une optique gagnant-gagnant. Une gestion efficace signifie tout d’abord entretenir de relations fortes et durables entre les entreprises partenaires-rivales. L’accroissement des transactions entre les agences immobilières entraîne un meilleur partage des renseignements sur le marché local. Cette situation leur permet de mieux connaitre le marché, les aidant ainsi à évaluer les biens commercialisés et à établir des prix en accord avec la réalité. Des prix bien déterminés combinés à une promotion adéquate des ventes génèrent logiquement de meilleures modalités et des délais de vente pour les affiliés de la plateforme coopétitive. Cette approche a des effets sur la satisfaction des clients, et accroit la notoriété des agents immobiliers en coopétition de leur localité.
Un des facteurs essentiels de la réussite de la stratégie de coopétition est l’homogénéité des partenaires-concurrents. La similarité des profils économiques des agences membres du réseau coopétitif est capitale, car elle conditionne le nombre de mandats partagés et le nombre de ventes effectives des agences et de leur partenariat dans l’année.
En France, la coopétition ne revêt un caractère institutionnel parfait que depuis l’année 2009. Les agents immobiliers français ne disposent pas encore d’assez de recul pour confirmer in extenso les corollaires de la coopétition sur sa performance dans le domaine de l’immobilier. Cependant, deux critères sont reconnus et attestés de tous pour apprécier la performance de cette stratégie : la promptitude de mutation d’un mandat en vente et l’écart entre le prix du mandat et le prix effectif de la transaction. Une analyse réalisée par le Guy Hoquet et Century coïncident avec les chiffres du Fichier AMEPI pour dire qu’il y a un lien favorable entre la stratégie de coopétition et certains indicateurs positifs de la performance dans le domaine de l’immobilier. Néanmoins, des études sur d’autres réseaux du secteur devraient être faites. D’autre part, une étude à l’échelle nationale devrait être réalisée pour connaitre les parts de marchés que les agences ont concrètement accaparés au détriment des particuliers. Cette démarche donnerait un résultat plus pointu et rigoureux sur la performance globale de l’approche coopétitive dans le secteur de l’immobilier français. À ce jour, aucune étude statistique sur les effets de cette stratégie sur la performance entre agences n’a encore été effectuée. Cependant, nous pouvons relever quelques données issues des résultats des 3 études préalables conduites par les professionnels.
Le service chargé du développement du Fichier AMEPI au niveau national note que la coopération entre partenaires-concurrents a eu un impact positif sur les professionnels affiliés. Le taux de mandats exclusifs des agences membres d’une association locale a accru de 30 % en l’espace d’une année et a atteint 100 % en seulement deux ans. De même, en deux années d’activité, ces agences ont vu leurs ventes accroitre de 20 % en moyenne selon toujours le service de développement du Fichier AMEPI. Ils ont constaté également que les professionnels affiliés à un Fichier AMEPI local apparaissaient plus tenaces que leurs rivales non affiliées par rapport aux troubles du marché. Elles sont moins nombreuses à déposer le bilan dans ces situations.
Au cours de l’année 2013, Century 21 a réalisé une étude comparative au profit de ses membres sur les performances moyennes des professionnels affiliés à un Fichier AMEPI et ceux qui ne le sont pas. L’analyse a été effectuée sur une population constituée de 308 entreprises affiliées et 426 non affiliées. Il en résulte que les agences affiliées ont enregistré une hausse de 26 % du taux de mandats exclusifs. L’analyse a également révélé que 69 % de leurs ventes étaient réalisées par des mandats exclusifs. Century 21 remarque que les affiliées au Fichier AMEPI encaissent un chiffre d’affaires de 71 631 euros[18] de plus que les non-affiliées. Elles affichent, en moyenne, une amélioration de 11,5 % comparée à l’année précédente, toutefois, l’étude ne précise pas la part de contribution de la stratégie de coopétition dans l’évolution de la situation de ces agences.
Sur la même année, c’est-à-dire, en 2013, le réseau Guy Hoquet a aussi fait une étude analogue sur une population de 176 entreprises affiliées du Fichier AMEPI et 271 non affiliées. Le réseau Guy Hoquet aboutit à des résultats similaires à ceux de la Century 21. Les agences du réseau qui sont à la fois affiliées au Fichier AMEPI montrent un accroissement de mandats exclusifs de 39,5 %. Les affiliées réalisent des ventes de 74 000 euros[19] de plus que les non-affiliées.
En considération des résultats des études de ces réseaux, on peut en déduire que la stratégie de coopétition influe sur la progression de ventes de ces agences immobilières. Ces résultats sont très pertinents, néanmoins, ils ne permettent pas de distinguer de manière exacte la part de progression directement attribuable à la coopétition. Il convient donc de mener des études complémentaires pour avoir plus de détails.
En France, le développement de la coopétition entre agences immobilières résultera de l’intensité de l’interaction entre les directoires nationaux qui ont pour mission la gestion de la coopétition, et les agents immobiliers qui travaillent sur le terrain, coalisés au sein de réseaux locaux. À la différence du contexte américain, l’adoption de la stratégie de coopétition ne résulte pas de la volonté propre des agences immobilières. Elle découle de l’initiative de certains administrateurs d’importants réseaux de commercialisation d’envergure nationale.
En France, la mise en place de la stratégie s’est donc faite de façon « top-down », c’est-à-dire, de manière descendante. Afin de la tourner en succès, elle doit se reposer sur la proximité et la force de l’interaction entre ces deux niveaux de la profession. La communication devra être constante entre les administrateurs nationaux et les associations locales. L’instance nationale devra se repaître des plus beaux succès locaux pour ensuite les partager à toutes les associations locales. Les modèles louables de pratiques locales en matière de coopétition devraient être diffusés auprès d’un grand nombre d’agences de manière isochrone. Promouvoir le bon style de management est l’un des objectifs principaux de la profession. Pour ce faire, elle peut recourir à diverses méthodes : inciter les adhérents à s’impliquer dans l’association coopétitive, motiver les plus dynamiques en leur offrant des récompenses, réprimer les affiliés qui enfreint les règles ou ceux qui exploite, voire abuse, du réseau sans y apporter leur contribution. La promptitude et l’ampleur de la propagation de ce type de renseignements seront un élément déterminant pour la mise en place à grande échelle de la coopétition au sein de la profession.
Grâce à cet échange d’informations, les agents immobiliers de terrain pourront dompter cette stratégie. Ainsi, ils pourront naturellement adhérer et user intensément des fichiers communs à l’instar de celui de l’AMEPI ou de ses compétiteurs. Il est important de se rappeler que le réseau ne peut pas imposer aux professionnels de terrain de changer de comportement. Leurs agences sont, du point de vue du droit, de nature indépendante et ils sont habitués à les gérer ainsi. Le changement doit provenir d’eux-mêmes. Mais ll »on ne peut pas les imposer le changement, on peut toutefois les inciter à adopter de nouvelles pratiques par rapport aux mandats exclusifs, via la diffusion des modèles de succès locaux. Ce type de mandats étant encore perçu par la majorité des professionnels, comme une ressource rare et exceptionnelle permettant d’éliminer la concurrence.
L’évolution de la coopétition, dans l’Hexagone, entre agences immobilières relèvera aussi de l’agilité des agents à entretenir l’attractivité de cette approche. La véritable difficulté pour ces derniers sera de maintenir le caractère protectionniste de cette stratégie. Pour le moment, cette dimension de la coopétition leur permet de braver les autres entités rivales (les réseaux de mandataires et les particuliers). L’idée est maintenant de réfléchir à un une démarche qui permettrait à la fois d’entretenir l’attractivité de la coopétition et d’assurer son évolution, tout en observant les législations anticoncurrentielles. Les dirigeants des associations locales devront chercher de nouveaux alliés afin d’étoffer leurs offres. Cependant, ils devront élaborer des critères de sélection quelque peu limitatifs afin de toujours exclure les concurrents. Néanmoins, les restrictions établies à l’entrée ne devront pas être trop rigides, sinon elles passeraient pour des dispositifs anticoncurrentiels. Alors la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes passerait aux actes pour obstruer le développement de la stratégie. Un cas de genre a déjà eu lieu aux États-Unis. En 2008, une procédure judiciaire a été enclenchée à l’encontre du réseau coopétitif et il a fallu signer un accord de 10 ans entre les autorités de la concurrence du pays et les représentants du métier pour pouvoir continuer à pratiquer cette stratégie. Cet accord a considérablement limité le cadre de la mise en place de la coopétition sur le territoire américain.
Par ailleurs, le développement de la coopétition en France découlera de l’aptitude des agents immobiliers à manager l’insertion d’un grand nombre de nouveaux adhérents au sein des réseaux coopétitifs locaux. Une mauvaise gestion de l’intégration des nouveaux membres pourra entrainer des turbulences au niveau des associations récemment établies, qui n’ont encore pas assez d’expérience sur le management de leurs membres.
En bref, les agents immobiliers devront se confronter à une menace externe au métier à l’instar des lois et règlements à respecter, mais aussi à des problèmes internes comme la gestion des membres du réseau de coopétition.
En France, le secteur de l’immobilier s’est toujours montré résistant face aux incertitudes de l’économie nationale et mondiale et aux divers phénomènes préjudiciables de ces dernières années (choc Pétrolier du 1973, l’éclatement de la bulle technologique, crise des subprimes). Les agences immobilières semblent, maintenant, comprendre que la globalisation de la stratégie de coopétition peut favoriser le développement du secteur. Et il est de fait que cette approche s’est déjà montrée efficace dans d’autres pays tels que la Hollande, la Suède, le Canada et les États-Unis.
De nombreuses preuves de succès ont été observées au sein d’autres secteurs d’activités et cela encourage vivement les instances professionnelles à poursuivre et à répandre la pratique de cette stratégie. Ces succès concernent aussi bien des petites et moyennes entreprises que des firmes de grande envergure, et touchent des domaines très variés allant de l’activité agricole jusqu’aux secteurs de la haute technologie. Néanmoins, le métier de la filière immobilière n’a pas une vision complète du tableau pour apprécier de manière précise l’étendue des effets de la coopétition sur la performance des agences.
Ce travail montre que la coopétition constitue réellement une solution pour faire face non seulement aux incertitudes du marché, mais également à la concurrence. Elle a pour objectif d’accroitre les parts de marché des agences classiques en concurrence avec les réseaux de mandataires et les vendeurs particuliers. Ces derniers utilisent essentiellement le web pour commercialiser des biens. Par conséquent, leurs frais fixes sont moins importants que ceux des agences classiques et ils peuvent donc facturer aux clients des commissions pouvant aller jusqu’à deux fois moins chères. Pour contrer leur offensive, les agences coopétitives doivent réduire l’accès des réseaux mandataires et des particuliers aux mandats. La restriction à l’accès aux mandats par l’utilisation de mandats exclusifs partagés, est l’approche la plus efficace pour assurer l’attractivité d’une offre par rapport aux autres, et, par la même occasion, de garantir un taux plus élevé de transformation de mandats en ventes réalisées. Le partage du mandat augmente son taux de transformation. La stratégie de coopétition permet aux organismes professionnels de restructurer la concurrence en éloignant les autres compétiteurs (réseaux de mandataires et particuliers) et aussi de l’optimiser.
L’adhésion au Fichier AMEPI permet, par exemple, aux agences immobilières de toujours disposer de mandats exclusifs de vente à commercialiser même si elles n’en sont pas les signataires. Le partage des ressources et d’informations leur permet de mieux appréhender le marché et de conquérir les parts de marché de leurs concurrents (les réseaux de mandataires et les particuliers). Une meilleure connaissance du marché les conduit à apprécier avec précision les biens mis en vente et à fixer des prix qui reflètent bien la situation du marché. Ainsi, les agences en coopétition peuvent, par rapport à leurs concurrents, aisément commercialiser les biens grâce à une approche promotionnelle des ventes associée aux prix bien fixés. Cette démarche favorise, non seulement la satisfaction de la clientèle, mais elle améliore également la réputation des professionnels dans leur zone géographique.
Outre ce fait, la stratégie de coopétition permet aux instances professionnelles de l’immobilier d’influencer la concurrence pour conserver le dynamisme de l’économie en augmentant le niveau de compétition entre les agences. Nous avons vu qu’un bien proposé en mandat exclusif partagé met en concurrence une quinzaine d’agences immobilières tandis qu’un mandat simple n’est disputé que par 4 agences tout au plus. La coopétition entretient donc le dynamisme de la compétition entre agences.
La coopétition impacte positivement les résultats commerciaux des agences immobilières. Selon les responsables du développement du Fichier AMEPI, les ventes des agences adhérentes ont haussé de 20 % en seulement 2 ans. Selon des études comparatives effectuées par les réseaux Guy Hoquet et Century 21 Century 21, les adhérents au Fichier AMEPI enregistrent plus de 70 000 euros[20] de plus que les agences isolées.
Ils ont remarqué également que les agences inscrites à un Fichier AMEPI local résistent mieux aux turbulences du marché que leurs concurrents isolés. Le nombre d’agences membres du réseau qui a été contraint de fermer est plus faible que celui des professionnels non membres.
L’institutionnalisation de la coopétition en France présente des avantages certains pour les agences immobilières et pour l’avenir du secteur de l’immobilier en général. Cependant, nous avons constaté, au cours de notre recherche, que son développement en France présente encore des risques qu’il faut surmonter par le moyen d’une bonne gestion de la coopétition aussi bien au niveau local que national.
L’établissement d’un véritable système de gestion à visée locale mais piloté par des instances nationales est recommandé pour encourager la pratique coopétitive au sein des agences. Il permettrait le partage des bonnes pratiques issues des diverses associations locales et l’actualisation des renseignements statistiques, mais aussi l’optimisation des ressources et des parts de marché des agences immobilières.
Les limites de la recherche
La limite principale de notre travail de recherche est la validité de nos résultats au-delà du contexte étudié. Notre objet de recherche est la coopétition au sein des agences immobilières dont la question est de savoir si l’alliance avec la concurrence est une solution pour lui faire face. Nous nous sommes tenus aux analyses du phénomène dans les cas des petites entreprises. Les résultats ne sont donc pas applicables à tout type d’entreprises et de secteurs d’activités et ne peuvent prétendre apporter des réponses à tout type de coopétition. Les limites sont également relatives à l’industrie.
Les limites sont aussi d’ordre méthodologique. Nous avons étudié les cas d’une population d’entreprises précises en appliquant le principe de saturation. Les points de vue du chercheur influent donc les résultats de la recherche.
Les futurs travaux sur la coopétition devraient donc étendre le champ d’application de leurs résultats de manière à ce qu’ils soient valides sur des domaines plus larges. Nous suggérons aux chercheurs de réaliser des études de cas tout aussi nombreuses que variées, touchant des domaines d’activités diversifiés, en s’appuyant sur des méthodes qualitatives pointilleuses et des méthodes quantitatives pertinentes.
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Documents numériques
pwc.blogs.com/files/sharing-economy-final_0814.pdf
Internet:
1.1.1. Concept et définition de la coopétition. 5
1.1.2. La performance de la coopétition. 7
1.1.2.1. L’impact en amont de la coopétition sur la performance. 8
1.1.2.2. L’impact en aval de la coopétition sur la performance. 11
1.2. LE FONCTIONNEMENT DE LA COOPÉTITION AU SEIN
DES ENTREPRISES. 12
1.2.1. S’allier avec la concurrence : pour quelles raisons ?. 12
1.2.2. Les stratégies de coopération mises en œuvre par les entreprises. 13
1.2.3. Les risques de la coopétition. 15
2.1. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ET CADRE EMPIRIQUE.. 16
2.2. L’UBERISATION DU MARCHE DE L’IMMOBILIER.. 18
2.2.1. Définition de l’ubérisation. 18
2.2.2. Vers une économie collaborative. 18
2.2.3. L’ubérisation de l’économie. 19
2.2.4. La mondialisation de la filière immobilière. 21
2.2.5. L’ubérisation du secteur de l’immobilier. 21
2.3. LA COOPÉTITION COMME MOYEN STRATÉGIQUE POUR FAIRE FACE
À LA SITUATION INSTABLE DU MARCHE.. 22
2.3.1. Une stratégie innovante pour le secteur français de l’immobilier. 22
2.3.2. Les facteurs décisifs de la coopétition. 23
2.4. LA STRATÉGIE DE COOPÉTITION EN PRATIQUE.. 25
2.5. RÉSULTATS DES RECHERCHES. 29
2.5.1. L’établissement du Fichier AMEPI pour braver les risques du marché. 29
2.5.2. La séparation de la compétition et de la coopération. 31
2.5.3. Le paradoxe de la stratégie de coopétition. 32
3.1. LES OBSTACLES RENCONTRES SUR LE TERRAIN.. 32
3.1.2. Les obstacles de la coopétition liés à la sphère professionnelle. 34
3.2. LES FACTEURS CLÉS DE RÉUSSITE DE LA COOPÉTITION POUR LES AGENCES IMMOBILIERES. 35
3.3. LES COROLLAIRES DE LA COOPÉTITION SUR LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES IMMOBILIERES. 36
3.4. LA PERSPECTIVE D’ÉVOLUTION DE LA COOPÉTITION EN FRANCE.. 37
[1] Novell est une société de fabrication de logiciels installée aux Etats-Unis
[2] Brandenburger est professeurs à Harvard Business School tandis que son confrère Nalebuff est enseigne à Yale School of Management.
[3] Il s’agit des marchands d’œuvres d’art et meubles antiques situé à la place du Grand Sablon
[4] Guy Rocher est un professeur et aussi un sociologue
[5] Christophe Marquès et Nicolas Bouzou sont des économistes travaillant au sein du cabinet Asterès.
[6] Enquête réalisée par Ipsos sur un échantillon de 1 004 personnes représentatives de la population française âgées de 18 ans et plus en octobre 2015.
[7] Présidente de General Electric (GE) France de 2006 à 2016.
[8] http://pwc.blogs.com/files/sharing-economy-final_0814.pdf
[9] Eveyone is starting to worry about being ubered.
[10] Kodak est une entreprise œuvrant dans le domaine de la technologie et qui a été la première à avoir déposé un brevet pour la conception d’un appareil digital en 1978.
[11] Cent cinquante millions d’articles disponibles sur le site en 2016.
[12] Facebook compte 1,6 milliard d’utilisateurs dans le monde, dont 30 millions en France.
[13] La capitalisation boursière de Netflix était de 37 milliards de dollars le jeudi 12 mai 2016. Les entités Airbnb, Tesla et Uber ne sont pas encore cotées en Bourse.
[14] La valorisation cumulée que Google, Apple, Facebook et Amazon au Nasdaq représentait le jeudi 12 mai 2016 plus de 1 661 milliards de dollars de capitalisation.
[15] D’après les auteurs inspirés par les chaines de valeur de Nalebuff et Brandenburger (1995).
[16] National Association of Realtors ou, en français, Association nationale des agents immobiliers.
[17] Service recherche de la National Association of Realtors (NAR)
[18] Montant hors taxe
[19] Montant hors taxe
[20] Montant hors taxe
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