EN QUOI L’ACCOMPAGNEMENT DE L’INFIRMIER AUPRES DE L’AIDANT NATUREL JOUE UN ROLE DANS UN PROJET DE RETOUR A DOMICILE POUR UN PATIENT PARAPLEGIQUE ?
« EN QUOI L’ACCOMPAGNEMENT DE L’INFIRMIER AUPRES DE L’AIDANT NATUREL JOUE UN ROLE DANS UN PROJET DE RETOUR A DOMICILE POUR UN PATIENT PARAPLEGIQUE ? »
SOMMAIRE
- Situation d’appel 4
- 1. Description de la situation d’appel 4
- 2. Réflexion et questionnement 5
- 3. Définition de la question de départ 6
- Cadre de référence. 7
- 1. Patient paraplégique. 7
2.1.1. La paraplégie : une déficience motrice et sensitive. 7
2.1.2. Les conditions minimales d’autonomie pour un retour à domicile. 9
2.2.2. Les principes de l’éducation thérapeutique. 11
2.2.3. Les aides techniques pour l’assistance d’un patient paraplégique. 12
2.3.1. Définition et cadre législative. 13
2.3.2. Les difficultés et stress de l’aidant naturel : conséquences physiques et psychologiques 14
2.3.3. Motivation et accompagnement de l’aidant naturel 15
- Étude empirique. 17
- 1. Méthodologie. 17
- 2. Résultats et interprétations. 18
- Analyse globale de la situation et proposition d’amélioration. 21
INTRODUCTION
Dans le cadre de l’évaluation de l’UE 5.6 S6, un travail de fin d’étude est requis. C’est d’ailleurs dans ce contexte que j’effectue la présente étude. En effet, je souhaite approfondir mes recherches concernant les traitements à domicile des patients atteints d’une maladie chronique.
Lors de mes stages, j’ai effectivement remarqué que les personnes atteintes d’une maladie chronique peuvent être traitées à domicile. C’est-à-dire qu’elles seront soignées et suivies par leurs soignants chez elles, et non dans un hôpital. Cette forme de prise en charge est de plus en plus encouragée par les structures qui veulent diminuer le temps passé à l’hôpital. Toutefois, il s’agit d’une pratique qui n’est pas facile à effectuer suite à son caractère pluridisciplinaire.
De ce fait, une bonne communication entre les divers professionnels s’occupant du patient est primordiale, pour répondre au mieux aux besoins de ce dernier. Cette communication pluridisciplinaire ne touche pas seulement le corps professionnel. Elle est aussi incontournable pour les aidants naturels. Ces derniers jouent en effet un rôle important dans l’évolution de la maladie de la personne soignée.
Le traitement à domicile est donc un sujet qui mérite un questionnement, car cette pratique touche non seulement le patient et son soignant, mais aussi l’entourage du malade.
- À cet effet, dans un premier temps je vais donc présenter une situation qui m’a interpelée et questionnée sur ce thème.
- Puis, j’aborderai le cadre de référence en mettant en avant les concepts en lien avec la problématique.
- Ensuite je présenterai qui me permettra de confronter les notions théoriques des cas réels rencontrés dans le cadre professionnel.
Je suis en stage dans un hôpital militaire, dans lequel je suis assignée à un service de soins de longue durée et rééducation. Ce dernier a pour objectif de prendre en charge des patients ayant des atteintes neurologiques centrales et périphériques, des séquelles neuro-orthopédiques de traumatisme, de pathologies orthopédiques et de l’appareillage, dans le but d’assurer :
- une rééducation pour que le patient puisse retrouver le meilleur potentiel de ses moyens physiques, cognitifs et psychologiques.
- une réadaptation pour accompagner et éduquer le patient si les limitations de ses capacités s’avèrent irréversibles.
- une réinsertion pour garantir autonomie optimale du patient afin qu’il recouvre au maximum les conditions de vie qui précédaient sa maladie ou son traumatisme.
L’hôpital compte aussi un service de chirurgie qui assure une prise en charge chirurgicale des séquelles et des complications des lésions neurologiques centrales et des amputations. Je suis rattachée à l’équipe de l’après-midi. Au total, l’équipe soignante prend en charge 36 patients en chambres simples.
Je m’occupe de Monsieur F, un caporal-chef à l’armée de terre de 28 ans qui est marié et père de deux enfants, de 5 et 8 ans, qui viennent lui rendre visite chaque semaine. Il garde aussi un contact avec les hommes de sa compagnie qui lui rendent visite dès qu’ils le peuvent. Il garde un souvenir ému de cette période de sa vie.
Monsieur F souffre d’une paraplégie suite à une compression médullaire lors d’un accident de véhicule durant une mission militaire il y a un an et cinq mois. Il a été pris en charge par une équipe médicale sur place avant d’être rapatrié en France. Il est hospitalisé en service de chirurgie dans un premier temps où il y subit une laminectomie qui lui permettra de diminuer sa radiculalgie mais qui ne lui permettra pas de retrouver une motricité des membres inférieurs. Il est pris en charge en service de soins de longue durée et rééducation par la suite.
Monsieur F est doté d’une bonne orientation dans le temps et dans l’espace. Il est capable de faire ses transferts seuls et de se déplacer en fauteuil de façon indépendante. Il prend ses traitements en autonomie à l’aide d’un pilulier que je contrôle chaque semaine. Monsieur F se rend de lui même à ses rendez-vous de kinésithérapie tous les deux jours et d’ergothérapie chaque semaine.
Il a besoin d’une aide partielle uniquement lors de la toilette et de l’habillage car il lui est difficile d’atteindre ses membres inférieurs.
Lorsque je termine d’habiller Monsieur F, ce dernier me confie qu’il souhaite rentrer chez lui et continuer ses traitements à domicile dans le but de s’occuper à nouveau de sa famille, de sa maison et de retrouver une activité professionnelle. Il affirme : « Avant mon accident, j’étais un homme sportif et respecté qui servait son pays avec fierté. Et aujourd’hui je ne sers plus à rien. (…) Je me sens prêt à rentrer chez moi. Je veux m’occuper de mes enfants, de ma maison et pourquoi ne pas trouver un travail afin de soulager ma femme et apporter des revenus. Vos collègues m’ont dit que c’était possible ».
Face à cela, l’infirmière et moi en discutons avec la femme de Monsieur F qui est l’aidante naturelle. Cette dernière refuse que son mari rentre pour plusieurs raisons : « J’ai conscience que je devrais aider mon mari à son retour. Mais vous imaginez que j’ai aussi deux enfants qui devront en plus accepter cette situation ! Que j’ai une maison à gérer et un travail à assurer chaque jour déjà. Puis ce n’est pas avec le peu d’aide qu’il perçoit que l’on pourra payer des aides à domicile. (…) Il veut travailler pour avoir plus de revenus ; c’est beau, mais qui voudrait l’embaucher ? Et comment pourrait t’il s’y rendre ? (…) Je suis trop épuisée et en manque de moyens pour le prendre en charge toute seule ».
Dans cette situation, l’opposition entre monsieur F et sa femme, concernant le devenir du patient, m’a interpelé. Cela pourrait entrainer des conséquences au niveau de la prise en charge de Monsieur F.
Je commence par m’interroger sur le niveau d’autonomie que doit avoir un patient, atteint d’un handicap physique, afin de programmer un retour à domicile.
- Quels critères principaux doit acquérir un patient pour être suffisamment autonome en dehors de l’hôpital ?
- Comment sont évalués ces critères ?
- Quel rôle joue l’infirmier en service de soins de longue durée et rééducation dans l’évaluation de ces critères ?
Par la suite, je me demande si l’origine de cette opposition n’est pas due, en partie, à un manque de connaissances de Madame F, concernant le projet de retour à domicile de son mari.
- Existe-t-il un accompagnement des aidants naturels définis par le service afin d’apporter des connaissances sur la maladie que subit le proche ?
- Quel serait le contenu de cet accompagnement ?
- Quel rôle joue donc l’infirmier dans l’accompagnement de l’aidant naturel ?
La situation d’appel évoqué, a orienté ma réflexion sur l’importance de l’accompagnement infirmier auprès de l’aidant naturel dans un projet de retour à domicile d’un patient paraplégique. En effet, le retour au foyer exige une étroite collaboration entre le patient, l’équipe soignante et l’aidant naturel. Sans concert de ces trois parties, le suivi à domicile du patient serait contestable voire impossible.
C’est dans ce contexte qu’a été formulée la question de départ de la présente analyse, selon laquelle : « En quoi l’accompagnement de l’infirmier auprès de l’aidant naturel joue un rôle dans un projet de retour à domicile pour un patient paraplégique ? »
Plusieurs champs disciplinaires ont été mobilisés pour bien expliciter les contributions de l’infirmier dans l’accompagnement de l’aidant naturel, pour faciliter le retour à domicile d’un patient paraplégique.
En effet, l’UE 1.3 portant sur la législation, l’éthique et la déontologie m’a permis de reconnaitre les cadres légaux sur les différents acteurs concernés. De même, les UE 3.1 et 3.3 m’a permis d’analyser les fondements et méthodes dans l’organisation de travail et l’inter professionnalité. L’UE 4 me permet de mettre en avant le rôle de l’infirmier en soins éducatifs et préventifs. Et enfin, l’UE 5 me renseigne sur les différentes compétences que l’infirmier doit acquérir en lien à ma situation.
Du point de vue littéraire, les ouvrages, articles et textes de lois émanent pour référencer le contexte du patient paraplégique, avec son éducation thérapeutique pour accompagner son processus de soins de l’hôpital vers le retour à domicile. Ainsi, le cadrage théorique sera présenté en 3 parties : en premier lieu sera développé la notion de « patient paraplégique », en second lieu, j’aborderai les principes de l’éducation thérapeutique, et dans une troisième partie sera présenté le concept de l’aidant naturel avec ses rôles et les difficultés qu’il rencontre dans le cadre de l’accompagnement de son proche dépendant.
Être un patient paraplégique est un état chronique. C’est une affection de longue durée, noté ALD 20 pour le personnel médical, dont l’individu ne peut se remettre complètement. Toutefois, il peut adapter son mode de vie par rapport à la situation, en ayant recours aux différents dispositifs et aides humaines et matérielles. Selon les statistiques, la France compte en 2006, dans les 30 000 patients paraplégiques[1].
La paraplégie est un état d’incapacité des membres inférieurs. Pour la plupart, elle résulte des accidents de travail ou de sport, mais dans d’autre cas, il peut s’agir de causes médicales telles que des causes infectieuses, des causes vasculaires, des causes tumorales… .
Selon une définition de Pages[2] : « la paraplégie est une paralysie résultant d’une atteinte de la moelle épinière située, au plus haut, au niveau des vertèbres thoraciques, d’origine traumatique, c’est-à-dire survenue lors d’un accident, ou parfois suite à une maladie ». Du point de vue médical, une déficience sensitive ou motrice est le résultat d’une défaillance du système nerveux contrôlant ces parties du corps.
Il y a aussi la paraplégie spastique héréditaire (PSH) ou maladie de Strümpell-Lorrain, qui est une maladie congénitale pouvant apparaitre pendant l’enfance sous la forme juvénile ou en âge adulte sous la forme tardive. Comme elle est héréditaire, la PSH se transmet par la reproduction, et jusqu’à maintenant un traitement curatif de cette maladie n’a pas encore été découvert. La prise en charge des patients se résume alors jusqu’ici aux traitements symptomatiques.
Dans cette maladie, la lésion peut être classée de A à E par rapport aux caractéristiques de l’atteinte, allant d’une paralysie complète à une motricité normale, selon la catégorisation présentée dans le tableau ci-après. Le niveau lésionnel permet donc de déterminer les problèmes techniques de la personne paraplégique. Une lésion incomplète a encore plus de chance de récupération, par rapport à une lésion complète.
Tableau 1 : Classification de l’ ASIA[3] des lésions, (rapporté par PAGES p11)
Selon l’atteinte neurologique, l’individu pourrait être autonome ou non dans ses actes quotidiens (habillage, déshabillage, transfert, toilette…).
Différents soins spécialisés sont apportés aux patients paraplégiques, afin qu’ils retrouvent au maximum leur autonomie.
En général, les deux premiers mois après le traumatisme indiquent les probabilités de l’évolution du patient. Mais la prononciation définitive du type de lésion ne s’effectue qu’après 8 mois post-traumatique pour les lésions de la moelle, ou après 18 mois post-traumatique pour les atteintes des racines et nerfs périphériques (Jean-François Désert).
La prise en charge d’un patient paraplégique se divise en 3 étapes principales :
- la phase aigüe,
- la phase de rééducation
- et la phase de suivi
Pendant la phase aigüe, le patient est systématiquement sous surveillance médicale. Plusieurs paramètres sont examinés soigneusement tels que les fonctions vitales, les fonctions respiratoires, les complications cutanées, les complications urologiques…
La seconde étape de la prise en charge est la phase de rééducation. Les objectifs sont de rendre au patient l’autonomie maximum. C’est également la phase de préparation du patient et de sa famille pour le retour à domicile. Le retour à domicile d’un « patient dépendant », exige effectivement la collaboration des trois parties : le patient, le soignant et l’aidant naturel, pour procéder convenablement au suivi.
En mesure de l’autonomie, seul le calcul du score ASIA (American Spinal Injury Association) réalisé en effectuant soigneusement un diagnostic du patient, permet de reconnaitre le niveau de dépendance. (Un modèle de fiche d’évaluation motrice du patient paraplégique est présenté en annexe de ce document).
Si la paraplégique est confirmée, l’accompagnement et/ou l’assistance du patient par un aidant devient indispensable pour certaines tâches et actes quotidiens. Le déplacement peut s’effectuer certes, à l’aide des dispositifs d’appui comme le fauteuil roulant, mais l’accomplissement des autres besoins comme l’habillage peuvent nécessiter de l’aide externe.
L’éducation thérapeutique d’un patient ou ETP fait partie de la prise en charge de l’individu. Le but est d’aider le patient à maintenir et/ou à acquérir des compétences pour gérer sa vie avec sa maladie. Du point de vue financier, l’ETP permet de réduire les coûts de soins de longue durée en hospitalisation car son principe consiste à apprendre au patient l’autogestion.
Dans le cadre des lésions médullaires comme la paraplégie, l’éducation thérapeutique aide à la récupération et à la compensation des incapacités. Mais avant de s’étaler sur les principes et techniques d’aide aux patients, je vais d’abord rappeler en premier lieu le droit des handicapés.
Les droits des personnes handicapées sur « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » sont indiqués dans la loi du 11 février 2005.
Les objectifs visent à faciliter l’autonomie et la participation à la vie sociale des personnes handicapées d’une part, et d’autre part de garantir une solidarité aux personnes dont la situation nécessite des prestations spécialisées, des mesures d’accompagnement et la mise en place de solutions de compensation ou l’attribution d’allocations spécifiques.
Ainsi, selon la loi, les personnes handicapées (adultes) ont droit à une compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.
Cette compensation a pour but de payer les dépenses spécifiques de la personne handicapée comme l’achat des aides techniques indispensables (fauteuil roulant,…) ou l’aménagement du domicile et du véhicule pour la personne,…
En s’additionnant aux interventions physiques et médicamenteuses, l’ETP permet au patient de gérer le traitement.
Elle comprend plusieurs activités structurées autour de :
- la sensibilisation,
- l’information,
- l’apprentissage de l’autogestion
- et le soutien psychologique,
Les différents domaines relatifs à la maladie, au traitement prescrit, au cadre hospitalier et soins, aux informations organisationnelles, et aux comportements de santé et de maladie, doivent également être abordés en ETP.
L’apprentissage des savoir faire spécifiques est primordiale pour le patient en premier lieu, et postérieurement pour son aidant afin d’avoir la compétence d’auto-soins et la compétence d’adaptation nécessaire et pouvoir retourner à domicile.
Grâce à l’amélioration des connaissances physiopathologiques, la prise en charge multidisciplinaire de la paraplégie a progressé.
Les disciplines impliquées sont constitués notamment de :
- La kinésithérapie qui entretient la mobilité articulaire
- L’ergothérapie qui est l’apprentissage des techniques et des adaptations nécessaires
- Le sport qui contribue à la rééducation
- La prévention des escarres qui consiste à l’apprentissage des gestes et de surveillance indispensable pour éviter les escarres
Les personnes atteintes de paraplégie se déplacent en général en fauteuil roulant. Ainsi, le renforcement des membres supérieurs sera également effectué dans la prise en charge rééducative, pour la manipulation du fauteuil.
Actuellement, les dispositifs d’aide à la marche sont multiples, avec des variétés de plus en plus avancées pour offrir un peu d’autonomie aux patients paraplégiques. Parmi ces méthodes, ont été inventé les systèmes robotisés ou exosquelettes qui exécutent les mouvements à la place de la personne handicapé.
Les schémas qui suivent, illustrent des exemples d’exosquelettes motorisés pouvant être utilisés par les patients paraplégiques pour marcher.
Figure 2 : Exemples de dispositifs d’aide à la marche pour patient paraplégique.
Mais, malgré les grandes avancées dans les recherches, ces dispositifs de remplacement des membres sont encore inaccessibles et trop chers pour la plupart des handicapés. Chaque patient a son propre parcours de réadaptation pour reprendre le cours de sa vie malgré le handicap.
L’aidant naturel est la personne qui s’occupe d’une personne dépendante. Selon la charte de l’aidant familial, l’aidant naturel est : « la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, en partie ou totalement à une personne dépendante de son entourage pour les activités de la vie quotidienne »[4]. Cette aide à la personne dépendante peut prendre plusieurs formes : divers soins, les activités domestiques… ou tout simplement des soutiens psychologiques.
En général, l’aidant est une personne choisie par la personne dépendante, selon le Décret n°2005-1588 du 19 décembre 2005 relatif à la prestation de compensation à domicile pour les personnes handicapées. Il peut s’agir d’un « conjoint, le concubin, la personne avec laquelle le bénéficiaire a conclu un pacte civil de solidarité, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de l’autre membre du bénéficiaire ou l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de l’autre membre du couple, qui apportent l’aide humaine définie en application des dispositions de l’article L. 245-3 du présent code et qui n’est pas salarié pour cette aide ».
Le plus souvent, l’aidant naturel d’un patient paraplégique est son conjoint et/ou ses enfants, permettant à la personne dépendante de rester dans son foyer. Cette personne doit respecter la volonté du patient et doit être capable de prendre des décisions en cas de besoin.
Statistiquement[5], on compte actuellement dans les 5,5 millions d’aidants naturels :
- 44% sont des conjoints
- 57% sont des femmes
- 47 % sont des employés, 33% des retraités, 13% des inactifs et 7% au chômage
- Et la moyenne d’âge des aidants naturels est de 52 ans.
Selon les études de l’ANESM, les difficultés de l’aidant naturel peuvent concerner :
- la santé : avec l’épuisement physique, le stress, la dépression, la dénutrition ou les problèmes de sommeil, etc.
- les ressources financières, en particulier lorsque l’aidant s’arrête de travailler ou réduit son temps de travail pour veiller sur la personne en question.
- la vie sociale : comme la réduction du cercle amical à cause de la fatigabilité qui limite les sorties, de la non accessibilité des lieux pour recevoir une personne en situation de handicap (salle de cinéma, trottoir, magasin, hôtel, etc.), de l’attitude éventuelle de rejet de l’entourage, du manque de relais qui ne permet pas à l’aidant de s’absenter.
Il peut également y avoir un réajustement, réduction ou cessation de l’activité professionnelle et la réduction du temps libre.
- l’accompagnement du handicap et des pathologies de la personne aidée. En effet, l’aidant peut manquer de « savoir-être » et « savoir-faire » pour accompagner la personne aidée. D’un autre point de vue, le statut d’aidant met les deux individus dans une situation d’intimité inhabituelle.
Selon les analyses de Marie-France Marin & Robert-Paul Juster, l’aidant naturel est plus susceptible au stress. En effet, il peut avoir l’impression de ne pas avoir le contrôle : en premier lieu, il ne peut pas contrôler la réaction de l’aidée, ensuite, les diagnostics et évolution de la maladie sont également imprévisibles.
Le statut d’aidant naturel est désormais un rôle que la personne n’avait pas l’intention d’endosser, ce qui contribue d’une façon ou d’une autre à un stress. Dans le cadre des patients atteints de démences, on parle même de fardeau des aidants.
Et pour le cas de patient paraplégique, l’accompagnement au quotidien du patient peut être considéré comme une forme d’hospitalisation à domicile qui nécessite une surveillance plus ou moins permanente.
Dans le projet de soin et de prise en charge du patient paraplégique, l’aidant joue un grand rôle tant par sa présence physique que par son soutien psychique. En effet, comme l’aidant est généralement une personne assez proche du patient, il pourrait avoir une connaissance privilégiée de la personne, de ses habitudes, de ses réactions. Cette compréhension peut constituer une ressource pour que les professionnels améliorent l’accompagnement de la personne dépendante.
D’autre part, dans l’accomplissement de certains actes techniques (transferts, habillage, prévention de fausse route, toilette, etc.) pour son proche, l’aidant naturel nécessite une formation spécialisée de la part des personnels médicaux.
La collaboration des trois parties « soignant-aidant-patient» s’avère donc être indispensable pour une meilleure prise en charge du patient.
Les formations de l’aidant naturel doivent concerner les gestes de premier secours, les gestes au quotidien, les soins corporels, jusqu’à l’accompagnement psychologique du patient.
Mais pour accompagner réellement le patient, l’aidant doit tout d’abord connaitre ses droits de congé pour concilier sa fonction d’aide à sa vie professionnelle. Sur ce, 3 types de congé peuvent lui être attribués : un congé de solidarité familiale de 3 mois au maximum quand la pathologie est en phase avancée ou terminale, un congé de soutien familial de 3 mois à 1 an, ou un congé de présence parentale de 310 jours sur 3 ans.
Pour comparer cette analyse théorique au cas concret, une étude empirique par une démarche empirico-inductive a été choisie. Et à partir des observations et des données recoupées sera émise par la suite, une hypothèse résultante de nos investigations.
Pour la collecte de données, je prévois de réaliser des entretiens auprès des professionnels de santé, qui vont me témoigner de leurs pratiques et expériences dans la prise en charge des patients paraplégiques et de ses aidants.
L’outil utilisé est donc le guide d’entretien présenté ci-après.
Ce guide comporte 4 thèmes bien distincts :
- En premier lieu, la présentation de l’interviewé, qui me permettra d’établir son profil et de reconnaitre ses expériences par rapport à son parcours
- En second lieu, je cherche à reconnaitre le rôle de l’aidant naturel selon la personne enquêtée
- En troisième lieu, 3 questions semi-directives ont été formulés afin d’identifier les difficultés des aidants naturels des patients paraplégiques
- Et en dernier lieu, je vais questionner sur les dispositifs d’accompagnement des aidants, éventuellement mis en place.
- Les questions posées lors de mes entretiens sont les suivantes.
Question 1 : Quelle est votre âge ? L’année d’obtention de votre diplôme ?
Question 2 : Quelle est votre ancienneté dans le service ?
Question 3 : Quelle est votre expérience professionnelle ?
Question 4 : Selon vous, quels sont les rôles de l’aidant naturel dans la préparation du retour à domicile d’un patient paraplégique ?
Question 5 : Dans vos pratiques, de quelle façon ces aidants sont ils accompagnés du point de vue physique ? Du point de vue psychologique ?
Question 6 : Comment accompagnez vous les aidants face aux questionnements et stress suite à son nouveau rôle d’accompagnement du proche paraplégique ?
Question 7 : Quelles sont les difficultés observées chez les aidants des patients paraplégiques ?
Question 8 : Si l’aidant naturel rencontre des difficultés dans l’accomplissement des actes techniques (toilette, habillage …), comment se déroule la formation de ce dernier ?
Question 9 : Avez-vous d’autres remarques concernant le processus d’accompagnement des aidants naturels ?
J’ai pu interviewer 3 IDE travaillant en SSR, qui ont bien voulu collaborer pour mener à bien ma collecte de données. 2 d’entre elles ont moins de 5 ans d’expérience en tant qu’IDE tandis que la troisième est plus expérimentée en tant qu’IDE et dans un service en SSR.
- Concernant le questionnement sur les rôles de l’aidant naturel dans la préparation du retour à domicile du patient paraplégique, toutes les personnes enquêtées ont reconnu que c’est le principal pilier dans le projet de retour à domicile du patient.
Pour l’interviewé 1, il est « d’une aide physique et psychique ».
Pour l’interviewé 2, il « fait la moitié du travail pour le retour ».
Pour l’interviewé 3, il « doit être participatif et accepter de se soumettre au protocole ».
Étant donné l’état de dépendance du patient, la soutenance de l’aidant est indispensable surtout dans un contexte de paraplégie. En effet, bien que l’individu ait conscience de ce qu’il faudra faire, son incapacité physique l’empêche d’effectuer plusieurs tâches qu’il pouvait exercer auparavant. Aidant comme patient, doivent donc d’abord accepter la situation afin de retrouver les points d’entente et d’organisation à mener, pour préparer le retour à domicile du patient.
- Concernant les procédures d’accompagnement des aidants, chaque aidant et chaque établissement ont leur propre méthode.
- Pour la préparation physique est psychologique, il y a d’abord le soutien des professionnels comme le psychologue et toute l’équipe soignante qui échangent avec les aidants, donc l’aidant est impliqué dans l’éducation thérapeutique.
Pour l’interviewé 1, « on met en place des aides à domicile comme les aides-soignants, les infirmiers … Du point de vu psychologique, on est le premier soutien… »
Pour l’interviewé 2, « il y a les aides à domicile, les SSIAD, clairement ce sont les plus importants, l’aidant peut s’appuyer sur eux à tout moment, demander un relais quelconque. … Du point de vue psychologique, … on a une psychologue … qui essaye de parler avec les aidants et qui les écoute ».
Pour l’interviewé 3, le programme d’éducation thérapeutique au sein de l’établissement est réparti en 3 phases bien distinctes : les séances individuelles avec les psychologues, les séances individuelles avec les infirmières et les séances collectives ou groupe de parole entre les différents patients et aidants naturels de l’établissement.
- Pour l’accompagnement face au stress et questionnements, la présence et la disponibilité des soignants à l’hôpital peuvent contribuer à rassurer les aidants qu’ils ne sont pas seuls. En d’autres termes, c’est surtout l’acceptation et la compréhension de la nouvelle situation de la part des aidants qui peuvent calmer leur anxiété.
Pour l’interviewé 1, la «disponibilité est essentielle dans l’accompagnement. … Ils (les aidants) se sentent souvent incapables de prendre la responsabilité de leur proche et il est important de leur rappeler que se n’est pas le cas. … Il est important aussi (de leur rappeler) que leur rôle n’est que temporaire, l’objectif est tout de même que le patient soit autonome ».
Pour l’interviewé 2, « on est très présent, les aidants peuvent venir nous voir presque à n’importe quel moment. … On est très à l’écoute, … ils ont besoin qu’on les écoute, juste s’asseoir et donner une oreille pendant quelques minutes ça fait vraiment une grosse différence. »
Pour l’interviewé 3, l’accompagnement psychologique, physique et moral est une procédure dans l’établissement. « Notre prise en charge se fait donc au long cours, et nous avons un réseau assez important, de nombreux contacts qui permettent un accompagnement du patient et de l’aidant naturel aussi longtemps qu’ils en auront besoin. Et cet accompagnement est primordial car nous voulons à tout pris éviter l’épuisement du parent, qui est non seulement néfaste pour la personne, mais également pour le patient. »
- Selon les témoignages, les difficultés observées chez les aidants peuvent être de 2 types. Il y a les difficultés physiques dans l’acquisition des compétences nécessaires et dans les conduites à tenir pour éviter l’épuisement d’une part, et les difficultés dans l’acceptation de la situation d’autre part.
Pour l’interviewé 1, « il faut déjà pour eux accepter l’handicap … il faut trouver un nouvel équilibre familial, trouver ou modifier les projets de vie … Ensuite il faut qu’il acquiert des compétences qui leur permettront d’accompagner la personne malade à la maison, souvent ils doivent entrer dans l’intimité du malade et ce n’est pas évident pour eux. »
Pour l’interviewé 2, « la première difficulté s’est de s’habituer au changement. La seconde, c’est la peur de la vision des autres… ».
Pour l’interviewé 3, « La peur de mal faire, d’aggraver la situation du patient. …Les aidants naturels ont tendance à infantiliser le patient. … Il existe aussi les aidants naturels qui veulent trop en faire et qui vont finir par s’épuiser beaucoup trop rapidement.
- Enfin, concernant la formation des aidants naturels dans l’accomplissement des actes techniques, le manque de temps à l’hôpital, a été reconnu par les 2 des 3 personnes enquêtées comme obstacle. Selon elles, ce sont surtout les SSIAD qui effectuent cette formation, lors du retour à domicile du patient. En d’autres termes, les aidants ne sont donc pas bien préparés pour gérer seuls un retour à domicile, ils ont besoins d’une assistance des professionnels à domicile.
Pour le troisième cas, l’accompagnement (voire la préparation) de l’aidant s’effectue durant les semaines d’hospitalisation du patient. En suivant le programme d’éducation thérapeutique, les soins sont expliqués aux aidants et il aura même l’occasion de les effectuer lui-même sous l’assistance de l’équipe soignante à l’hôpital.
Les données collectées sont présentées en intégrale dans la grille de lecture, présentée en annexe de ce document.
La présente étude s’est proposé de répondre à la question de recherche suivante : « en quoi l’accompagnement de l’infirmier auprès de l’aidant naturel joue un rôle dans un projet de retour à domicile pour un patient paraplégique ? »
Il ressort nettement des données collectées que le projet de retour à domicile d’un patient paraplégique dépend fortement de la collaboration des trois acteurs :
- le patient qui est le principal acteur de son rétablissement,
- les soignants qui s’occupent des soins et des divers encadrements techniques
- et l’aidant naturel, la personne qui sera présente au quotidien du malade pour l’assister et le soutenir dans son handicap.
Du coté de l’aidant naturel, le véritable défi est l’acceptation de la nouvelle situation, c’est à dire qu’il doit se résoudre à l’idée que son proche est désormais inapte pour certains actes physiques, et « seulement physiques ». En effet, certains individus associent cette inaptitude physique à l’incapacité morale du patient et ils auront plus tendance à décider et à choisir à la place de l’individu lui-même, comme dans le cas de la situation d’appel décrite lors de la présente étude. Pour rappel, c’est la conjointe qui s’oppose au retour à domicile du patient, faute de moyens financiers et de disponibilité pour pouvoir prendre en charge son mari.
Du côté de l’accompagnement de l’aidant, l’infirmier doit se positionner en tant que force de persuasion et de proposition pour orienter l’aidant dans cette nouvelle situation qu’est l’handicap. En effet, ce n’est qu’une étape dans ce que sera une nouvelle vie, et pour le patient et pour son entourage. La situation d’handicap n’est pas en lui-même une finalité : il faut une volonté et beaucoup de compréhension de l’aidant pour que le patient puisse passer le cap et accepter la situation dans laquelle il se retrouve.
L’éducation thérapeutique (ETP) s’articule autour de trois étapes, à savoir : la prise en charge par un psychologue pour les aspects psychologiques et moraux, la prise en charge des aspects soins et techniques au niveau des infirmiers, le travail au niveau d’un groupe de parole pour le partage d’expérience entre les nouveaux et ce qui sont dans une situation d’handicap pour l’organisation, le partage et le soutien moral.
Dans le cas où l’établissement n’a pas mis en place les trois étapes de l’éducation thérapeutique présentées ci-dessus, ce sera à la charge de l’infirmière toute seule de jouer les rôles des différents acteurs impliqués dans ces différentes étapes. Cela lui demandera donc plus de temps et plus d’implication pour accompagner le patient et son aidant dans le processus mis en œuvre.
Dans le cadre de l’accompagnement, les infirmières IDE n’ont pas forcément une expérience et une adaptation pour la prise en charge des soins en SSR. En effet, dans les structures qui ne sont pas habituées à ce genre de soins et de suivis de patients les IDE se retrouvent en difficulté s’ils n’ont pas été formés à prendre en charge ces types de patients et de pathologies. Cela nécessite de développer des compétences particulières, ne serai-ce que dans la manière d’aborder le patient et de traiter avec l’aidant pour l’accompagner et lui apprendre comment effectuer les soins.
CONCLUSION
De nos jours, les prises en charge à domicile sont de plus en plus encouragées. Et plus particulièrement dans le cadre d’une paraplégie, le patient ne peut rester indéfiniment en SSR, le retour à domicile doit être préparé convenablement pour le bien être du patient et de son entourage, et l’infirmier, comme tout le reste de l’équipe soignante, a le devoir de leur soutenir pour cette étape.
Ce travail de recherche a apporté plus d’éclaircissements sur les compétences que doivent avoir les infirmiers dans l’accompagnement des aidants naturels. La prise en charge infirmière ne se limite pas, en effet, à l’apport de soins aux patients ; il faut également se montrer rassurant envers les aidants qui ne savent que faire par rapport à la pathologie.
La réalisation d’une étude bibliographique et d’une étude empirique sur le sujet m’a permis de répondre à ma question de départ qui consistait à déterminer le rôle de l’accompagnement infirmier dans le projet de retour à domicile du patient.
Le stress et les difficultés des aidants de patient paraplégique sont des problèmes qui doivent être pris en charge au niveau d’une structure spécifique. Être aidant n’est pas naturel, ce n’est pas une alternative que l’individu peut accepter ou non, c’est une situation qu’il doit affronter pour soutenir son proche.
- Association canadienne des soins palliatifs, Soins et service à domicile, 2011, feuilles des données : le rôle des aidants naturels.
- AUCOURT L., 2016, Collaboration infirmier-aidant naturel, dans les soins palliatifs
- CNSA, 2014, Etre proche, aidant aujourd’hui
- DESERT J.-F., « Les lésions médullaires traumatiques et médicales (paraplégies et tétraplégies) » p 235-245
- Fondation d’entreprise Groupama pour la santé, 2007. VIVRE AVEC UNE PARAPLÉGIE SPASTIQUE HÉRÉDITAIRE (PSH) OU MALADIE DE STRÜMPELL-LORRAIN.
- Fondation Suisse pour paraplégique, 2013, Paraplégie, Revue de l’Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques, Août 2013 | n° 135
- FOUCAUD J., BURY J.A., BALCOU-DEBUSSCHE M., EYMARD C., dir. Éducation thérapeutique du patient. Modèles, pratiques et évaluation. Saint-Denis : Inpes, coll. Santé en action, 2010 : 412 p.
- IREPS Pays de la Loire, 2009, Éducation thérapeutique du patient. Catalogue des outils de prévention
- MARIN M., JUSTER R., Le stress des aidants naturels, MAMMOUTHMAGAZINE, n°10, mars 2011
- NOVARTIS, La place de l’aidant dans le processus d’éducation thérapeutique, Proximologie.com
- OMS, 1998, Education Thérapeutique du Patient, Programmes de formation continue pour professionnels de soins dans le domaine de la prévention des maladies chroniques
- PAGES G., 2006, Estimation de la posture d’un sujet paraplégique en vue d’une rééducation des membres inférieurs sous stimulation électrique fonctionnelle. Automatique / Robotique. Université Montpellier II – Sciences et Techniques du Languedoc, 2006. Français. <tel-00123102>
- PERROUIN-VERBE B., La rééducation et la réadaptation des blessés médullaires.
- POUPLIN S., 2014, Le transfert fauteuil chez les personnes tétraplégiques.
ANNEXE
Question de départ : « En quoi l’accompagnement de l’infirmier auprès de l’aidant naturel joue un rôle dans un projet de retour à domicile pour un patient paraplégique ? »
CONCEPT | IDEES/ THEORIES DES AUTEURS | QUESTIONS | REPONSES |
Présentation de l’interviewé
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« La majorité des aidants ne sont pas outillés au départ pour faire face à cette nouvelle situation, cette nouvelle maladie et à ce nouveau rapport qui s’établit avec le proche » (Marie-France Marin & Robert-Paul Juster).
« L’aidant naturel doit être informé sur ses droits et devoirs. L’aidant naturel doit avoir accès à toutes les formations facilitant l’accomplissement de son rôle d’aidant. » (Charte naturel de l’aidant naturel, article 9)
« L’aide aux aidants s’est structurée en plusieurs catégories d’actions : information, formation, soutien psychologique, répit, médiation… » (Franck Guichet) |
Question 1 : Quelle est votre âge ? L’année d’obtention de votre diplôme ?
Question 2 : Quelle est votre ancienneté dans le service ?
Question 3 : Quelle est votre expérience professionnelle ?
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Interviewé n°1 :
25 ans Femme Diplômée en 2014 Travaillant en SSR depuis 2015 J’ai travaillé en humanitaire durant ma première année, depuis mon retour je travaille en SSR
Interviewé n°2 : 31 ans Femme Diplômée depuis 2011 Travaillant en SSR depuis 4 ans J’ai fais un peu d’intérim, pendant 6mois et beaucoup de service adulte, comme la médecine, à peut près deux ans, et maintenant dans ce SSR
Interviewé n°3 : 22 ans Femme Diplômée en 2016 En service de SSR depuis 2016
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Le rôle de l’aidant naturel | Selon vous, quels sont les rôles de l’aidant naturel dans la préparation du retour à domicile d’un patient paraplégique ? | I 1 : Pour moi, l’aidant naturel est un appui important pour le patient. il est une aide physique et psychique pour lui. Le retour à domicile est important et peut être difficile et c’est là que l’aidant à son rôle, il permet de faire liens entre l’hôpital et la maison.
I2 : Pour moi, je pense que si l’aidant n’est pas près au retour à domicile, le patient aura beaucoup de mal et que s’il sort, il reviendra rapidement pour un autre problème de santé. Donc il a un rôle, comment dire, très important, il fait la moitié du travail pour le retour. Surtout dans le cas de patient paraplégique, c’est quelque chose de très imposant dans la vie, il faut que l’aidant soit conscient du travail que ça va leur demandé et qu’il ne le fasse pas à contre cœur.
I3 : il est important de rentrer en contact avec l’aidant naturel afin de pouvoir préparer le retour à domicile du patient. Pour cela, nous allons déjà voir avec un psy l’état psychique de l’aidant naturel. Il doit donc être participatif et accepter de se soumettre au protocole. Cela nous aidera à déterminer vers quel type d’aide à domicile nous pourrons les orienter. Il est nécessaire que l’aidant naturel accepte de rentrer en contact avec l’ergothérapeute du service afin d’organiser une visite du domicile pour, dans le futur, parler des aménagements qui seront nécessaire au retour à domicile et surtout qui serviront à faciliter le quotidien du patient. enfin, je pense que l’aidant naturel doit accepter d’aménager son temps afin d’être présent pour le patient et afin de réaliser les différents travaux pour aménager l’environnement. |
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Les difficultés de l’aidant naturel
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Dans vos pratiques, de quelle façon ces aidants sont ils accompagnés du point de vue physique ? du point de vue psychologique ? | I1 : L’aidant n’est pas seul avec le patient au retour à domicile, on met en place des aides à domicile comme les aides-soignants, les infirmiers …
Du point de vu psychologique, on est le premier soutien ! Ensuite en fonction de la difficulté de l’aidant on l’oriente auprès du psychologue du service ou un psychiatre en ville près de chez lui.
I2 : Du point de vue physique il y’a les aides à domicile, les SSIAD, clairement se sont les plus importants, l’aidant peut s’appuyer sur eux à tout moment, demander un relais quelconque. Du point de vue psychologique, euh, je dirais que nous ici c’est, on est plutôt bien lotis, on a une psychologue géniale, qui essaye de parler avec les aidants et qui les écoute. Elle connait super bien les patients dans des situations je dirais, « difficile », et du coup, bon bien sur elle n’impose pas les rendez-vous, mais je ne l’ai jamais vu, ou entendu, refuser de voir un aidant qui demandait un soutient, plus psychologique du coup. A la sortie après, j’avoue ne pas savoir, je pense qu’une fois chez eux, ils n’ont plus de suivi, à moins de le payer en cabinet, mais bon.
I3 : Pour accompagner les aidants naturels, nous avons un programme pouvant s’assimiler à de l’éducation thérapeutique : – Séances individuelles avec le psychologue afin d’échanger avec l’aidant, d’entrevoir ses craintes et de l’accompagner psychologiquement tout au long du processus de retour à domicile, et également à postériori – Séances individuelles avec des infirmiers du service afin de répondre à leurs interrogations et d’apaiser leurs craintes Séances collectives, groupe de paroles, permettant de faire un retour sur expérience, un partage d’astuces afin de faciliter le quotidien non seulement des patients mais également des aidants naturels. Ces groupes représentent un réel soutient psychologique car cela montre aux aidants naturels qu’ils ne sont pas seuls. Que les aidants naturels des patients paraplégiques représentent une petite communauté. |
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Comment accompagnez vous les aidants face aux questionnements et stress suite à son nouveau rôle d’accompagnement du proche paraplégique ? | I1 : Notre disponibilité est essentielle dans l’accompagnement. S’ils ont des questions, des remarques ou des inquiétudes ils peuvent venir nous voir. Ils se sentent souvent incapable de prendre la responsabilité de leur proche et il est important de leur rappeler que se n’est pas le cas. Ils ne seront pas seule, il ne faut pas qu’ils s’oublient et qu’ils prennent aussi soin d’eux.
Il est important aussi que leur rôle n’est que temporaire, l’objectif est tout de même que le patient soit autonome.
I2 : Déjà, ici, on est très présent, les aidants peuvent venir nous voir presque à n’importe quel moment. Je dis bien presque, parce que même quand on n’est pas libre on se garde du temps plus tard pour eux. On est très dans l’écoute, c’est vraiment, ils ont besoin qu’on les écoute, par de parler de ce qu’ils peuvent ressentir, les forcer, non, juste s’asseoir et donner une oreille pendant quelques minutes ça fait vraiment une grosse différence. Et pour le stress, bah, les écouter ça les aide beaucoup, après c’est pas une généralité, y’a des aidants qui n’arrive pas à passer le stress de la sortie. Je me rappel un monsieur était revenu nous voir, il était très angoissé à l’idée de retrouver sa femme paraplégique chez lui et genre quelques mois après il est venu nous faire un coucou et il nous disait qu’il s’en sortait très bien, qu’il était « heureux ». Et puis quelques uns gèrent vraiment leur stress seul et ne veulent pas d’aide.
I3 : Comme expliqué précédemment, nous faisant un accompagnement psychologique, physique et moral. Cela reprend à peu près les séances expliquées précédemment. De plus, il est expliqué aux aidants naturels qu’ils peuvent contacter la structure dès qu’ils en ressentent le besoin. Notre prise en charge ne s’arrête pas au moment où le patient rentre chez lui. Car bien souvent, les proches sont surs de pouvoir aider le patient, que cela ne doit pas être si compliqué. Il y a du stress avant le retour à domicile certes, mais beaucoup plus après car au moment où le patient quitte le service, l’aidant naturel se retrouve seul, si je peux dire ça comme ça. Les soignants ne sont plus justes derrière la porte, il ne suffit plus de sonner afin que nous soyons la dans les minutes qui suivent. Notre prise en charge se fait donc au long cours, et nous avons un réseau assez important, de nombreux contacts qui permettent un accompagnement du patient et de l’aidant naturel aussi longtemps qu’ils en auront besoin. Et cet accompagnement est primordial car nous voulons à tout pris éviter l’épuisement du parent, qui est non seulement néfaste pour la personne, mais également pour le patient.
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Quelles sont les difficultés observées chez les aidants des patients paraplégiques ? | I1 : Il faut déjà pour eux accepter l’handicap de leur proche, faire le deuil de la vie avant l’handicap. C’est une première étape qui est difficile car il faut accepter qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible, qu’il faut trouver un nouvel équilibre familial, trouver ou modifier les projets de vie … c’est un chamboulement terrible qui est imposer par l’handicape. Il faut donc les accompagner durant cette étape.
Ensuite il faut qu’il acquière des compétences qui leur permettront d’accompagner la personne malade à la maison, souvent ils doivent entrer dans l’intimité du malade et ce n’est pas évident pour eux.
I2 : La première difficulté s’est de s’habituer au changement. Clairement connaître quelqu’un de « fonctionnel » et le retrouver dépendant, pour la toilette, pour aller au toilette, ça peut être un réel gros choc et une grosse difficulté, je sais pas si on peut réellement se préparer à quelque chose comme ça. Et quand y’a des enfants, c’est presque pire, mais les enfants sont tellement tendre dans ces moments la. La seconde, c’est la peur de la vision des autres, pas forcément de nous, nous on est des meubles, notre regard compte pas, mais celui des amis, de la famille, on a beaucoup d’aidant qui s’écroulent après avoir reçu l’appel d’un parent, parce que, dans ces moments la, la famille n’est pas, n’a pas toujours le tact qu’il faudrait, mais bon, on ne peut pas leur en vouloir
I3 : La peur de mal faire, d’aggraver la situation du patient. j’ai également remarqué que les aidants naturels ont tendance à infantiliser le patient, se qui peut créer un climat de tensions assez conséquents, alors que le patient à déjà le deuil de son ancienne capacité physique à faire. Enfin ça ne concerne qu’une partie des aidants. Car il existe aussi les aidants naturels qui veulent trop en faire et qui vont finir par s’épuiser beaucoup trop rapidement.
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Formation de l’aidant naturel
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Si l’aidant naturel rencontre des difficultés dans l’accomplissement des actes techniques (toilette, habillage …), comment se déroule la formation de ce dernier ? | I1 : C’est assez difficile, malheureusement le manque de temps nous handicap dans la formation de l’aidant. Souvent ce sont les professionnels à domicile qui les forment le mieux.
I 2 : C’est compliqué, on aimerait pouvoir faire plus, enfin, je veux dire, on aimerait qu’il puisse venir faire les soins avec nous, directement dans la chambre de leur parent, ça serait la meilleure formation. Alors que là, ils se forment en faite avec les SSIAD, je ne dis pas que ce n’est pas bien, mais le mieux ça serait qu’on les forme ici et que les SSIAD soient la en soutien, mais bon. I 3 : Nous accompagnons l’aidant naturel pendant plusieurs semaines afin qu’il soit apte à assurer tous les gestes de la vie quotidienne nécessaire pour la suppléance du déficit moteur du patient. Nous commençons par expliquer les soins, nous leur montrons puis nous les faisons pratiquer encore et encore, jusqu’à ce que l’aidant naturel se sente à l’aise, et que nous le considérons apte à réaliser ses actes quotidiens. Et on suit le programme d’éducation thérapeutique, car c’est ce que c’est, on éduque l’aidant sur le handicap et on lui donne les informations et la formation nécessaires pour palier à ce handicap |
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Avez-vous d’autres remarques concernant le processus d’accompagnement des aidants naturels ? | I1 : Non.
I2 : Non I3 : Il faut plus de formations soignantes. J’ai pour ma part tout appris sur le tas. Et je suis dans une structure habituée à ce genre de cas, mais pour les soignants n’ayant pas l’habitude, ils se retrouvent en difficulté et mettent en difficulté le patient et les aidants Donc je dirai qu’il y a un gros manque de formation.
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[1] PAGES G, Estimation de la posture d’un sujet paraplégique en vue d’une rééducation des membres inférieurs sous stimulation électrique fonctionnelle, p iii
[2] PAGES G., Estimation de la posture d’un sujet paraplégique en vue d’une rééducation des membres inférieurs sous stimulation électrique fonctionnelle, p iii
[3] ASIA : American Spinal Injury Association
[4] Charte de l’aidant naturel de 2009, selon la confédération des organisations familiales de l’Union Européenne.
[5] Selon la « 3èmes rencontres scientifiques de la CNSA pour l’autonomie » en France en 2014.
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